Couverture de CDM_011

Article de revue

Instruire, éduquer

Pages 228 à 231

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Louise Merzeau, Salle de classe, Lycée Henri IV, 1983
© Louise Merzeau

1Quand on parle de transmission du savoir, on évoque principalement l’Université et l’École et, accessoirement, les médias. Mais on oublie souvent que la République a aussi favorisé très tôt l’essor de deux autres grandes médiations :

  • a formation des adultes dont Condorcet et l’Abbé Grégoire furent les initiateurs,
  • les dispositifs de culture scientifique, technique et industrielle dont les Expositions
Universelles constituèrent les premiers lieux de présentation.

2Les dispositifs qui portent ces deux médiations ont connu en deux siècles un développement considérable. En ce qui concerne la première, la loi de 1971 a mis en place une politique de formation des adultes à laquelle participent de façon très dynamique les institutions publiques, le CNAM, les GRETA, le CNED, entre autres. La concertation au sein de l’Union Européenne a renforcé cette grande fonction en faisant de la « formation tout au long de la vie » un axe prioritaire. Quant à la seconde, à la suite du Palais de la Découverte, créé avant-guerre, qui reste le modèle de référence, l’État a mis en place, dans les années 1980, la Cité des Sciences et de l’Industrie ainsi qu’une administration des centres de culture scientifique et technique. Les collectivités territoriales ont souvent pris le relais, l’exemple le plus marquant restant l’initiative prise par le Conseil Général de la Vienne pour la création du Futuroscope. La Cité des Sciences et de l’Industrie occupe une place définitive dans le paysage institutionnel de la familiarisation avec la science et la technique.

3L’impératif de démocratisation a conduit le politique à procéder, dans les dernières décennies, à des réglages et des ajustements successifs de l’École et de l’Université de façon à y favoriser l’accès de tous. En ce qui concerne l’École, des mesures telles que le collège unique, les filières professionnelles et les zones d’éducation prioritaire sont la marque d’un effort de l’État pour aller dans ce sens. Un vif débat s’est engagé à ce propos depuis une vingtaine d’années sur le rôle de la pédagogie dans l’égalisation des chances.

4Mais aujourd’hui de nouveaux problèmes mettent en défaut l’ensemble des positions théoriques sur l’éducation, la formation et la pédagogie, notamment :

  • a violence, aussi bien dans les villes que dans le monde rural, qui se manifeste chez des élèves de plus en plus jeunes,
  • la difficulté croissante qu’éprouvent de nombreux élèves à assimiler les apprentissages fondamentaux,
  • l’usage par l’école des réseaux de communication numérisée, qui permettent à tout élève de consulter n’importe où des sources d’information non validées, qui imposent aux maîtres une tache de validation d’un nouveau genre,
  • la concurrence de fait qu’exercent, par rapport à l’école, des médias de plus en plus nombreux – les jeux vidéo, par exemple – dont le développement s’effectue dans le secteur marchand.
De nouvelles pratiques sociales se développent dans le même temps, que l’École ne peut pas ignorer. Une nouvelle autodidaxie se manifeste aussi bien dans les milieux associatifs, tels que les Réseaux Réciproques d’Échange de Savoirs, que dans l’usage d’Internet où de nombreux jeunes recherchent des savoirs qu’ils ne trouvent pas à l’École, dont ils pensent qu’ils leur seront utiles dans la société.

5L’École de Jules Ferry s’est établie dans un paysage social relativement stable et bien balisé, y compris dans ses luttes. Depuis une trentaine d’années, différents facteurs ont rendu mouvants les contextes de vie de beaucoup d’enfants et de familles :

  • la surinformation, notamment par les médias, l’offre marchande, la publicité, qui oblige tout un chacun à posséder des éléments de discernement de mieux en mieux affûtés,
  • la complexité des situations, qui suppose pour qu’on la maîtrise, des modèles d’analyse qui ne doivent plus être réservés aux seuls spécialistes,
  • l’incertitude généralisée, que ce soit dans les situations de famille, dans la vie professionnelle des parents, dans les relations de quartier, qui impose que chacun puisse procéder tout le temps à l’évaluation des situations.
L’École d’aujourd’hui doit tenir compte de tout cela. Il lui revient de prendre en considération ces modifications intervenues dans les contextes de vie des jeunes qu’elle enseigne. Elle devrait inscrire à son programme de travail les taches suivantes :
  • apprendre à découvrir des règles et pas seulement à les appliquer, à construire des hypothèses et à les tester, exercice impératif de la pensée inductive qu’elle pratique trop peu,
  • enseigner comment faire plusieurs choses en même temps, ce qui est une des constantes de la vie moderne et suppose une gestion rigoureuse des taches et de leurs interruptions, - verbaliser l’expérience du monde moderne, en particulier de ces phénomènes étrangers à l’école que sont les jeux vidéo, la musique numérique, plus généralement les médias, pour la communiquer à autrui et en débattre, ce dernier point étant particulièrement important pour un programme démocratique,
  • exercer de plus en plus la mémoire humaine, sauf à considérer qu’Internet et les ordinateurs joueront de plus en plus le rôle d’une prothèse mémorielle, externe à l’individu et contrôlée par d’autres.

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