Couverture de CDM_010

Article de revue

Promenade au Louvre

Pages 266 à 275

Notes

  • [1]
    Sir John Soane, Architecte anglais, 1753 – 1857.
English version
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Dört Eiβfeldt, Sans titre, détail d’un triptyque extrait de la série Flash paintings, 1994
D.R.

1La question de la lumière est consubstantielle à l’invention du musée. Le Siècle des Lumières inaugure le cycle de débats et d’expérimentations en matière de présentation au public des objets collectés dignes d’être conservés. En ce sens, le Louvre lui-même, devenu dès la fin du XVIIIe siècle et l’ouverture du musée, le lieu d’une fusion-confusion entre palais et musée, constitue jusqu’à l’érection de la grande pyramide dessinée par Ieoh Ming Pei, un prototype et une référence.

Lumières d’en dessous

Station 1 : La pyramide

2La pyramide joue un rôle majeur dans les dispositifs d’éclairage naturel et zénithal élaborés au Louvre, proposant une figure emblématique du traitement de la lumière. Elle délimite, depuis le hall Napoléon en contrebas, un grand carré ouvert sur le ciel, donnant à voir les façades des corps de bâtiments, brisant les frontières entre l’intérieur et l’extérieur et appelant le visiteur à pénétrer dans le musée par le réseau souterrain. Au moment de l’esquisse, l’architecte n’avait pas affecté un statut de porte d’entrée à sa pyramide, il avait imaginé l’accès au niveau souterrain par un plan incliné qui, basculant directement dans les profondeurs obscures du sol, aurait conduit le public au hall Napoléon sous la lumière issue de la pyramide, produisant un contraste dramatique.

3A contrario, lors de la réalisation, on recherche un espace plus homogène : on élabore un système d’éclairage artificiel visant à corriger les contrastes entre les espaces situés sous les verrières et les espaces ne bénéficiant pas de la lumière naturelle. Chaque caisson du plafond, réalisé dans un béton clair laissé brut de décoffrage, intègre une source lumineuse artificielle dotée d’un déflecteur. Ce dispositif, conçu par l’éclairagiste Claude Engle, étale la lumière et donne l’impression que l’éclairage naturel provenant de la pyramide se répand dans tout l’espace souterrain, alors qu’il ne produit pas plus de 10 % de l’intensité lumineuse. Cette lumière prolonge ainsi la clarté du jour et guide les pas du visiteur vers les trois principales entrées souterraines du musée.

Station 2 : les vestiges médiévaux

4La direction des axes de circulation qui partent de la pyramide est empreinte d’une raison topographique qui, à bien des égards, eut une influence sur les décisions prises par les concepteurs. L’axe Sully mène le plus directement sous la Cour carrée et donc vers le vieux Louvre. Après avoir dépassé le superbe mur de contrescarpe du fossé de Le Vau et les fondations du pavillon Sully, tous éléments du XVIIe siècle, on accède aux fossés septentrional et oriental du château fort médiéval, devenus « voie de passage royal » vers l’entrée des Antiquités égyptiennes. Cet énorme souterrain des fossés médiévaux avait été évidemment conçu et réalisé comme un élément extérieur, à l’air libre, sous le soleil et la nuit, mais aussi comme un lieu qui, en eau, excluait toute présence humaine. Comment traiter un état actuel, inverse de celui d’origine, en présence de soubassements à jamais tronqués du château qui conditionnait leur existence?

5Le béton brut de décoffrage de la couverture et des parois englobant les murs anciens déclare sans équivoque l’intervention nouvelle menée sous la direction de G. Duval, Architecte en chef du palais : le visiteur sait qu’il est dans un lieu réaménagé. Il ne marche pas sur le fond du fossé mais sur une passerelle en bois que les architectes D. Brard et J. Alonso ont légèrement surélevée. La passerelle en question constitue une allée qui dirige, réellement et mentalement, le visiteur vers la crypte du Sphinx. Cette mise en scène du passage est éclairée de projecteurs placés le long d’un rail suspendu à l’angle supérieur du mur de contrescarpe. La théâtralisation provient d’une part de la dramatisation par les faisceaux de lumière, d’autre part de l’égalité de l’éclairage entre les deux parties est et nord : le visiteur se trouve dans une sorte d’extérieur idéal, un faux-semblant impossiblement circonscrit et impossiblement éclairé.

6La mise en lumière, naturelle ou artificielle, est évidemment liée à la mise en architecture. Les deux volumes – du monument à la présence dilatée et du passage circonscrit au sein de ce volume – ne peuvent fonctionner que de pair. La forte présence du monument ainsi actualisé compense la destruction de la plus grande partie du château d’origine. Cette intervention clairement métonymique est une réponse aux injures du temps. Elle donne aux visiteurs le sentiment illusoire d’une complétude.

Station 3 : la salle de Saint Louis

7Dans la salle dite « de Saint Louis », à l’inverse, l’essentiel de l’éclairage vient de dalles lumineuses au sol qui valorisent en contre-plongée les principaux membres architecturaux, colonnes, chapiteaux ou corbeaux. Dans cette atmosphère mystérieuse, les quelques voûtes ou le départ d’escalier aperçus dans le fond, deviennent les signes visibles d’on ne sait quelles oubliettes. R. Peduzzi avait-il le désir de poursuivre le parcours imaginaire engagé depuis les fossés ? Avait-il le désir d’entraîner le visiteur dans un monde d’illusions ?

Lumière et paysage

Station 4 : Les appartements d’Anne d’Autriche

8Le fameux historien Sauval, qui rédigea au XVIIe siècle son Histoire et antiquités de la ville de Paris, à l’époque où Anne d’Autriche faisait exécuter les travaux, constate : « Ce nouvel appartement jouit de la vue tant de la rivière que du Pont-neuf, du Pont au change & de la Place dauphine ; & jouit au reste de tous ces grands objets si agréablement, que quand ils auraient été faits exprès pour le plaisir de ce logement ils ne pourroient pas être mieux placés : Et enfin le rendent si accompli, qu’il passe pour un des plus achevés du monde. » C’est dire que la lumière qui y pénètre, venant de l’est, est inséparable de la vue. En conséquence, la lumière réfléchie des fresques et des peintures, stucs et lambris, n’a plus qu’à s’accorder au site. Le paysage extérieur est de telle qualité que Sauval ne craint pas de considérer que cet environnement pourrait bien être un aménagement urbain conçu pour ces appartements. Cette inversion, figure d’une maîtrise toute politique de la galerie, de son décor et du site, a le privilège de nous contraindre à considérer les lieux dans leur effet synchronique.

9Cinq plafonds décorés de fresques de Romanelli (XVIIe siècle) témoignent de l’ancienne enfilade des cinq pièces des appartements d’Anne d’Autriche. Lors de leur transformation en musée, à la fin du XVIIIe siècle, Raymond couvrit les murs de marbre rouge créant ainsi un contraste lumineux avec le grain clair des sculptures antiques. Retrouvant le volume de la Petite galerie originelle, les aménagements de Raymond redonnèrent l’ancien rythme des ouvertures : la lumière naturelle circule, unifiant l’espace. Aujourd’hui, des projecteurs sont destinés à mettre en valeur les sculptures – ce qu’ils font incontestablement – mais aveuglent le visiteur le mieux intentionné et l’empêchent de regarder les fresques.

10Un dessin de Zix figure une visite nocturne de l’empereur Napoléon 1er : deux hommes tournent vers le groupe du Laocoon, alors au Louvre, deux torches munies de réflecteurs. L’Empereur et sa suite sont plongés dans l’obscurité ; le Laocoon apparaît en plein lumière, riche de reliefs. Lumière dont on sent qu’elle est vivante parce qu’elle pourra très bientôt montrer autre chose, lumière porteuse d’une jouissance éphémère et à répéter.

Station 5 : La galerie d’Apollon

11Après avoir gravi le grand escalier de la Samothrace, nous pénétrons dans la salle qui se trouve juste au-dessus des appartements d’Anne d’Autriche : la galerie d’Apollon, éclairée elle aussi par l’est. Comme adoucis par la lumière latérale, les ors et les peintures, relais de lumière, réfléchissent délicatement la clarté extérieure.

12L’ensemble fait songer à la galerie supérieure du palais Mazarin (actuelle Bibliothèque nationale) dans laquelle, face aux fenêtres, sur un mur aveugle, ont été installées des niches que Grimaldi orna de fresques représentant des paysages, comme pour simuler des panoramas d’ailleurs impossibles en ce site parisien. La peinture joue le rôle d’une lumière qui proviendrait d’un bel extérieur, elle est un délectable faux-semblant.

La lumière zénithale en question

Station 6 : Le Salon carré et la Grande galerie

13Ces premières pérégrinations nous amènent aux salles de peinture qui furent l’objet dès le milieu du XVIIIe siècle, de controverses fondées sur des considérations tant théoriques qu’expérimentales : le Salon carré et la Grande galerie. Au-dessus des décorations de stuc de la coupole du Salon carré, un éclairage homogène diffuse une lumière étale sans qu’apparaisse brutalement l’anfractuosité pratiquée dans la toiture. Cette lumière dont on ne voit pas la source, s’oppose à la lumière de trois fenêtres plein sud. Mais le procédé s’éloigne de la dramatisation par la lumière zénithale, lumen mysteriosa dont Soane [1] dit qu’elle est un « élément extrêmement puissant dans les mains d’un homme de génie, dont il est impossible de comprendre complètement le pouvoir ou de l’apprécier à sa juste valeur. Elément toutefois bien peu utilisé dans notre architecture à cause du peu de compréhension de l’importance du caractère des édifices dans lesquels la diffusion de la lumière a un rôle principal. »

14Les Salons de peinture, ouverts à la critique et au public, se déroulèrent dans la salle éponyme du Salon carré à partir de 1725. Ils avaient lieu généralement tous les deux ans. C’est ici même qu’en novembre 1788 d’Angiviller, Directeur général des bâtiments du Roi, s’est efforcé de convaincre ses contemporains de la supériorité de « la lumière tirée d’en haut » sur celle, latérale, des fenêtres de la Grande galerie toute proche.

15Un an plus tard, en 1789, Guillaumot place dans l’axe de la voûte du Salon une lanterne bien plus efficace, tandis que l’on aveugle les fenêtres. Le succès public est incontestable : l’âpre débat autour de l’éclairage de la Grande galerie voisine est relancé. Eclairage « tiré d’en haut » ou éclairage latéral ? La question est cruciale : elle concerne le dispositif même de la monstration des œuvres accumulées par la Révolution, le détournement de leur fonction initiale rendu possible par la métamorphose du vieux palais des rois – partiellement devenu Museum –.

16Déjà Soufflot, en 1775, alors en charge des travaux au Louvre, se propose de « bien le décorer et de bien l’éclairer ». Son église Sainte-Geneviève est alors en construction et le bâtiment est au cœur d’un débat qui anime l’Europe. Laugier et Soane y voient à l’intérieur cette remarquable lumière mystérieuse qui tombe d’en haut. Mais l’éclairage zénithal est, d’abord, celui des intérieurs ruinés. Ce n’est pas un hasard si Hubert Robert, conservateur du Louvre sous le Directoire, peint successivement une vue de la Grande galerie telle qu’il la souhaite, avec un éclairage zénithal né d’une rangée de lanterneaux et, presque au même moment, cette même Grande galerie en ruine. Par ailleurs, la clarté nécessaire à l’œil éclairé des peintres et visiteurs du musée pose des problèmes de conservation notoires dès l’époque

17On se plaint que les peintures soient gâtées par des verrières qui fuient et qui grillent les toiles. La contradiction fondatrice de l’institution muséale est flagrante : l’éternité des monuments assurée par leur conservation semble menacée par l’ouverture au public et l’ouverture des toits.

18La lumière nouvellement convoitée trouve certaines racines dans le templum, des Romains : espace carré découpé dans le ciel et sur la terre, renvoyant à l’éternité et à l’infini, enclos sacré contenant le ciel tout entier. Le cloître médiéval, lui aussi, cadre le ciel et les puissances d’en haut, tout comme la Cour carrée du Louvre, simultanément magnifique salle extérieure et intérieur protégé des regards des sujets et de la ville. Le Panthéon romain en est la figure exemplaire.

19Lors de la transformation de l’église de Soufflot en Panthéon national, demeure des grands hommes, Quatremère de Quincy met ainsi en scène, par l’attachement à l’ordre de l’univers, le « génie qui transcende toutes les infortunes du quotidien ». L’infini génie supposé de ces hommes remarquables est célébré par la lumière qui tombe du tambour en oblique dans un monument vide aux fenêtres latérales bouchées. Elle renoue ainsi avec la lumière indirecte, donc sublime et éternelle, chère à Boullée. Cette lumière dont on ne voit pas la source, s’oppose à la lumière quasi domestique des croisées. Cet usage du verre dépoli, destiné à rendre étale l’intensité lumineuse régie par les lois de la rotation des astres éclairera d’un jour nouveau nos musées et explique l’acuité des polémiques qui ont lieu autour du Salon carré et de la Grande galerie.

20À la fin de l’Ancien Régime, il fut envisagé de transformer la Grande galerie en salle d’exposition des peintures du Roi ; Soufflot proposa diverses solutions pour l’éclairage de cet immense tunnel de 432 mètres de long et de 6 mètres de large, alors uniquement éclairée par 46 croisées de chaque côté qui faisaient perdre beaucoup de place à l’exposition des tableaux et produisaient des contre-jours. L’éclairage par le haut fut recommandé. Elisabeth Vigée-Lebrun déclare voir « une similitude entre des tableaux qui sont bien ou mal éclairés et une pièce qui est bien ou mal jouée ». La question se pose alors d’une relation analogique entre l’éclairage des tableaux en vue d’une présentation aux visiteurs et la lumière existant lors de la création de l’œuvre.

21C’est autour des chapelles des églises parisiennes que s’argumente la discussion sur le musée : la chapelle de la Vierge à Saint Sulpice, mais surtout, la chapelle de la Communion construite par Boffrand à Saint-Merry, où la Commission d’experts chargée de la Grande galerie, est venue, au complet, juger sur place du dispositif et de la qualité de la lumière reçue par les tableaux. Guillaumot, qui a réalisé le lanterneau du Salon carré, trouve que la peinture du milieu « paraît gazée ». Cela est-il dû à l’architecture (coupole sur pendentifs portant un lanterneau complètement vitré) ? A la forme de l’illumination ? Ou au tableau lui-même, peut-être encrassé ?

22Les membres de la Commission recherchent une lumière isotrope, blanche, homogène. La Grande galerie devait-elle bénéficier seulement d’un éclairage zénithal ? Etre éclairée par les flancs de la voûte ? Devait-on, pouvait-on, garder les croisées du midi ? Faire des lanterneaux sur toute la longueur ? Fallait-il filtrer la lumière par un calicot blanc sous la verrière? Le jour des fenêtres offensait-il le spectateur ? A toutes ces questions, l’Académie d’architecture répond par un compromis : « garder les jours du bas et éclairer d’en haut ».

23Sous l’Empire, Denon souhaitait condamner toutes les fenêtres pour laisser place aux cimaises, la salle bénéficiant alors d’un éclairage exclusif depuis la voûte. Percier et Fontaine en disposèrent autrement. Ils adoptèrent une solution mixte, évitant la seule lumière zénithale jugée trop triste, tout en conservant ce qu’ils considéraient comme « l’un des principaux attraits de cette galerie » : les vues sur la Seine.

24Sous la IIe République, Duban agrandit les verrières du Salon, mais surcharge les coûtes d’Atlantes, de divinités, d’amours, de médaillons, de frises… Le 7 juin 1855, la salle est inaugurée par le Prince- président avec ses fenêtres occultées.

25Plus d’un siècle plus tard, le retour des Primitifs dans cette salle conduit André Malraux et les conservateurs à faire intervenir un pionnier du design, Pierre Paulin. Son dispositif d’éclairage intègre alors toutes les mises en lumière antérieures. Les fenêtres s’ouvrent sur le beau paysage et la Seine. L’éclairage zénithal est maintenu. La modernité des années 60 se manifeste dans le désir de voir mieux les œuvres grâce à l’éclairage électrique : Paulin suspend une rampe lumineuse continue aux tringles hautes des anciennes cimaises. Il retrouve ainsi – mais cette fois avec la lumière artificielle – l’éclairage égyptien à 45°, celui des impostes des salles de jeu de paume, tant recherché au XVIIIe siècle. Loin de donner une image de confusion à l’ensemble, loin de faire l’effet d’une solution de compromis, aujourd’hui encore les nouvelles cimaises aux coins arrondis, sont autonomes par rapport aux murs et flottent dans cet espace comme une hotte de lumière adaptée à l’échelle du visiteur ; nos yeux apaisés ne sont plus troublés par la démesure du grand volume originel désormais relégué au second plan. Salon carré et Grande galerie n’ont pas fini de susciter des questions et constituent un archétype pour les réalisations futures, comme en témoignent les salles de peinture française aménagées par I. Roca ou la galerie Rubens.

De l’espace muséal à l’espace pictural

Station 7 : La galerie Médicis

26La galerie Médicis présente une série de 24 tableaux illustrant la vie de Marie de Médicis, peints par Rubens entre 1621 et 1625. Conçu à l’origine pour une galerie du Palais du Luxembourg éclairée latéralement, l’ensemble fut transféré au Louvre en 1816 puis installé par Blondel dans la salle des États en 1897. Les tableaux étaient alors éclairés en lumière zénithale par un double plafond de verre dont la partie inférieure était constituée de dalles translucides. Lors du récent redéploiement des collections, la série de Rubens a pris place dans l’aile Richelieu, réaménagée par I. M. Pei et M. Macary, dans une galerie longue de 40 m orientée nord sud.

27Les tableaux ont été encastrés dans l’épaisseur des murs de la salle. Ils sont séparés et rythmés par des pilastres de couleur verte qui restituent l’idée d’un lambris, sur lequel repose un faux plafond en forme de voûte en plein cintre. Ce dernier est clairement distinct des parois : il rend autonome le dispositif d’éclairage zénithal et identifie sans ambiguïté la source de lumière. L’ensemble se compose d’une verrière dotée d’un vitrage absorbant les rayons ultraviolets, de brise-soleil pré-orientés et fixes constitués de lamelles d’acier laqué blanc, d’un faux plafond recouvert de staff peint en blanc et doté de déflecteurs inclinés. Cet éclairage zénithal indirect constitue la seule source de lumière de la galerie. Il ne cherche pas à restituer le contexte original de la résidence de Marie de Médicis où les toiles étaient accrochées aux trumeaux de la galerie entre les croisées. Il s’agit plutôt d’assurer à cette pièce une unité spatiale forte en rendant la source d’éclairage consubstantielle à la volumétrie, pour faire écho à l’homogénéité de cette série et constituer un ensemble cohérent. Pour pallier l’insuffisance de la lumière naturelle, des ampoules fluorescentes, placées sur l’extrados de la voûte et invisibles depuis la galerie, illuminent les brise-soleil qui, à leur tour, renvoient la lumière vers les déflecteurs, et créent un halo lumineux homogène. Le principe qui a pour objet d’éliminer les reflets dus à l’éclairage direct, donne l’impression que chaque toile devient source de lumière. Il accentue les effets de profondeur dans la perspective des tableaux.

De l’écrin lumineux au reliquaire

Station 8 : La Galerie Charles X

Station 9 : La Galerie Campana

28À une tout autre échelle, la conception récente des vitrines a soulevé de nouveau la question des relations entre les œuvres, les lieux et la lumière. L’intervention de l’équipe Architecture & Associés dans le musée Charles X et la galerie Campana, a notamment porté sur l’intégration d’un éclairage électrique dans les armoires vitrées anciennes. L’enveloppe extérieure – en placage d’acajou ou en chêne – est respectée ; le système d’éclairage est dissimulé.

29Pour les vitrines du musée Charles X, le choix s’est porté sur un store intérieur qui condamne le tiers supérieur et dirige la lumière vers la partie inférieure. Le volume de la vitrine est éclairé de façon homogène.

30Pour la galerie Campana, les concepteurs ont adopté le parti de l’emboîtement et installé en partie inférieure un caisson lumineux pour exposer les vases grecs de la collection Campana. Cette présentation, contrairement à celle du musée Charles x, recrée un volume de lumière isolé dans l’armoire vitrée qui accentue la séparation entre les objets présentés et le mobilier. Dotée d’un tel éclairage, cette présentation renforce la valeur d’œuvre d’art attribuée aux vases, et estompe singulièrement le statut de l’ancienne galerie. À l’armoire d’accumulation et de classification s’est substituée la vitrine reliquaire dans laquelle l’objet rayonne telle une icône.

31La mise en lumière nocturne de la cour Napoléon et de la cour Carrée souligne certains éléments architecturaux (modénatures des façades et toitures), ce qui impose une nouvelle lecture des bâtiments. Cette dramaturgie à grande échelle ne transforme t-elle pas le monument lui-même en reliquaire? Qu’en sera t-il de la Joconde, actuellement reliquaire dans le reliquaire ? De quelle manière Lorenzo Piqueras, architecte en charge de la transformation de la salle des Etats, répondra t-il à la question, lui qui, dans la Galerie des sept mètres, nous a permis une perception agréable et variée des tableaux grâce à une lumière zénithale de qualité, homogène et changeante ?


Date de mise en ligne : 10/03/2013

https://doi.org/10.3917/cdm.010.0266

Notes

  • [1]
    Sir John Soane, Architecte anglais, 1753 – 1857.

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