1Le réseau Internet effraie les Etats - nations par l’image de dérégulation anarchique qu’il véhicule et par le fonctionnement « trans - national » qu’il impose (et non « a - national », car les nations tentent d’y rester présentes). Pourtant, à supposé qu’il représente une menace pour la Nation, ce ne serait pas tant de front, par des prises de position politiques, mais plutôt par la définition nouvelle qu’il propose de la politique, détachée de la notion d’Etat souverain.
2La France, préoccupée par le problème national pour y avoir fondé sa puissance étatique et la justification de ses institutions, peut s’interroger sur l’inscription d’Internet dans la problématique nationale et le type d’appartenance « territoriale » qu’il propose, questionnement d’autant plus délicat qu’il intervient à une période de doute et de perte de confiance des Français face à leurs institutions politiques. Cette vision « alternative » de la Nation, proposée par Internet, s’oppose tout particulièrement à celle de la France, attachée au régime de l’Etat - nation : « Des nations peuvent vivre collectivement la politique sur un mode mineur, c’est le cas de la Grande - Bretagne ou, dans un autre registre, des Etats - Unis d’Amérique, mais ce n’est pas celui de la France, pour qui elle représente une aventure de nature spirituelle » (Serge July, Libération, 02/01/97). Nous voici au cœur du problème : nation et spiritualité. Quelle est donc cette spiritualité « alternative » qui émanerait du réseau et remettrait en cause la vision française historique de la Nation, qui, selon Renan, se serait soudée au prix de sacrifices, mais aussi d’un plébiscite quotidien envers les institutions élues, à la fois résultat d’une convergence de faits historiques et oubli volontaire des disparités d’origine ? L’enjeu étant de savoir si Internet, dans sa globalité, peut fournir un nouveau cadre « politique » - et quel sens lui attribuer ? -, une nouvelle forme de cybercitoyenneté - différente de la citoyenneté ? - et un lieu suffisamment symbolique pour que s’y « joue » un lien social.
3Il faut remarquer combien les « lois physiques » du réseau sont intrinsèquement différentes des nôtres pour comprendre combien la notion de politique peut différer - la première observation concernant la virtualité du support. Si la Nation française s’appuie en grande partie sur le « principe du sol », intégrant la notion de proximité géographique, Internet utilise au contraire, comme proximité, celle des idées - par le principe d’hypertexte (ceux qui se rallient à un même site recherchent, en principe, le même type de contenu à un instant donné) ou par les forums de discussion (« groupes de news »). Le rattachement potentiel à une communauté est d’une part très ponctuel (le temps d’une liaison) et d’autre part ancré dans la décision personnelle de « fréquenter », ou non, un site. Alors que le pari de la Nation était de faire cohabiter, sur une même terre, des êtres de convictions différentes, l’idéal d’Internet est au contraire de les répartir sur des sites différents, selon leurs intérêts.
4La fréquentation d’un site, ou le degré d’animation d’un « groupe de news » (on parle d’un « flame » quand le réseau s’enflamme autour d’une problématique), devient l’instrument de mesure de son électorat, la preuve quantifiable de son auto - plébiscite, l’équivalent d’une élection dans le monde réel. Le « Thread » (le fil) - qui a donné lieu à des concours de longueur - est un exemple de discours cyberpolitique, enchaînement de questions/réponses autour d’un sujet sélectionné de façon naturelle par une cybercommunauté qui s’est bâtie son propre programme politique, par l’intérêt qu’elle y porte. Mais ce plébiscite n’a rien de durable, puisqu’il s’évalue en temps réel. La renommée, sur le réseau, n’est jamais acquise et doit s’entretenir activement. Les administrateurs du réseau sont anonymes : des volontaires (non des élus), de chaque pays, qui se sont regroupés pour administrer - et « moraliser » ? - le réseau. Il est intéressant de préciser la manière dont ce groupe travaille - groupe qui ne dirige en rien le réseau, au sens traditionnel du terme. Les administrateurs proposent à la communauté internaute un ensemble de questions ouvertes, de « Requests for comment », concernant, par exemple, la standardisation des protocoles, c’est - à - dire l’infrastructure du « nouveau monde ». Chaque internaute concerné - dont bien sûr tous les grands groupes informatiques - peut poster une proposition, alimenter le débat, ajouter sa pierre à l’édifice. Le forum de discussion se clôt au bout de quelques mois, quand une décision a été adoptée par consensus de toutes les parties en jeu. Emerge du groupe ce qui les rapproche, forme de PPCD (plus petit commun diviseur) qui relie les différents intervenants.
5La cyberpolitique n’a par conséquent rien d’une grande messe médiatique, rien d’une démarche politisée. Le mécanisme de représentation politique, système hiérarchique qui justifie l’existence de nos institutions étatiques, est absent du réseau qui élimine les intermédiaires (représentants), au profit de liaisons directes, de cybercitoyens à cyberorganismes, du local au global. Chaque cybercitoyen est donc au centre de sa propre nation, nation virtuelle qui n’existe que l’espace d’une connexion. Sa « couleur » politique est déterminée par l’ensemble des liens qu’il a activé, les questions d’ordre politique (ou plutôt cyberpolitiques, vie de la cybercité) étant elles - mêmes fragmentées sur une multitude de sites. Internet, dans sa globalité, fonctionne sur un mode d’auto - consensus et de régulation interne. Par exemple, une société de publicité voudrait - elle inonder les boîtes aux lettres électroniques de prospectus, qu’elle serait bloquée par une réaction massive d’internautes contestant sa démarche et bloquant à leur tour son action, en inondant son serveur de réponses. En cela, le réseau n’obéit pas à une loi souveraine, seulement à une moralité collective - la « netiquette » - qui puise sa justification dans les fondations techniques du réseau. L’internaute doit se plier à deux grands principes justifiés par l’outil Internet, qui peuvent ensuite prendre toute sorte de formulation (cf. les dix commandements de la « netiquette ») : d’une part, économiser la bande - passante, d’autre part, donner en échange de ce que l’on prend (« je laisse passer tes paquets d’information si tu laisses passer les miens ! »). La publicité n’est pas condamnée pour des raisons morales, mais pour des raisons techniques, car elle gaspille de la bande - passante pour une information inintéressante pour la majorité des destinataires, et donc perdue pour la communauté. La constitution « physique » du réseau détermine ainsi sa morale, sa politique et sa géographie : car le monde virtuel n’est infini que dans la limite de sa bande - passante disponible et la cybercitoyenneté ne prend sens que dans le respect de la « netiquette ».
6Le réseau est un outil de contestation, comme d’approbation, d’une situation jamais stabilisée, cependant régie par un idéal. L’analyse introspective des nouveaux « mondes », ces espaces virtuels qui simulent une immersion dans l’image, peut permettre de préciser quelles sont les bases de ce nouvel idéal politique que colporte Internet, au - delà des frontières nationales. Alpha - world ; Deuxième monde ; Worlds - away ; Palaces ; Scol… autant de dénominations pour ces mondes virtuels qui s’imposent comme une alternative à celui qu’on dit réel, comme une extension sans limites (?) de l’espace dans la virtualité, enroulé en alvéoles autour d’une plate - forme commune, le Web. Ces mondes fonctionnent, en quelque sorte, comme une métonymie du réseau, comme une interface visuelle pour explorer le Web. De la même façon qu’en 1985, l’arrivée de l’interface graphique Macintosh avait révolutionné le monde informatique, introduisant le bureau comme métaphore de fonctionnement du système d’exploitation, de même le concept de monde virtuel va bouleverser la navigation sur le réseau. L’image ronge peu à peu l’hypertexte et l’adresse d’un site, aujourd’hui codes barbares, redeviendra une indication de lieu : l’emplacement « physique » d’un site dans une rue virtuelle - le réel servant de plus en plus de référence au virtuel.
7Un de ces mondes en - ligne aujourd’hui, « Alpha World » (mais ce n’est qu’un parmi des centaines d’autres), offre sur sa page d’accueil (www.worlds.net) quelques tentatives de définition de ces ambitions cybernationales :
8« Alpha World is all about exploring the third dimension (…) A community. A place where you can claim land, build on it and create your perfect virtual environment (…) A place where you will never walk alone, where you explore ideas and visit amazing virtual places. »
9L’utopie de ce nouveau monde se traduit par :
- l’exploration (de la troisième dimension ?),
- la propriété et la liberté de création : un bout de terre que l’on possède et personnalise,
- la communauté : un lieu où l’on ne se sent jamais seul, où l’on explore des idées et des lieux fabuleux.
10Avant de se connecter sur « Alpha World », on peut lire un dernier avertissement :
11« Don’t just surf the Net. Live on it ! ». Il ne suffit plus de surfer sur le réseau, de se balader comme un touriste à la surface des choses… il faut entrer, autrement dit s’engager, se « téléporter » pour vivre dans le nouveau monde. Sous - jacente existe cette discrimination entre les gens du réseau, ceux qui l’investissent, le colonisent et ceux qui n’y font que passer (plus crûment, ceux qui polluent l’espace, consommant sans apporter en échange, cf. « netiquette »). Responsabiliser l’Internaute est présent à tous les stades du discours : la connexion à « Alpha World » a été soigneusement préparée, comme un rite de passage. Une notice d’information explique l’opération de purification par laquelle l’Internaute va pouvoir renaître à l’autre monde : »Anyone who wishes to become a member of our community must take the time to become a citizen. », prendre le temps de devenir un citoyen d’Alpha World ! « Obtenir son numéro d’identification » (« citizenship ID number »). »What’s Immigration ? How do I become a citizen ? » : Qu’est - ce qu’immigrer ? Comment devenir citoyen ? Enfin, quand la connexion s’est effectuée avec succès, l’Internaute reçoit un message de bienvenue : « Congratulations. You’re now an Alpha World citizen ! »
12Par ce discours sur la citoyenneté et l’appartenance politique, est accentué le « sérieux » de l’opération, l’implication du colon dans sa conquête. Autrement dit, l’entrée dans un monde virtuel s’accompagne d’un sacrifice, celui de quitter sa mère - patrie et d’émigrer. Voyeurs s’abstenir : il ne suffit plus de regarder par dessus la barrière, il faut la franchir et « participer ». Les mondes virtuels s’accommodent mal des promeneurs sans engagements. Le thème de la participation est un thème récurrent sur Internet, à la base de son fonctionnement. On touche ici un point fondamental qui différencie la nation telle que nous l’entendons (selon von Mises, « une communauté de parole renvoyant à la relation avec la puissance politique »), et la nation directe, participative, sans représentants, proposée dans le virtuel. Derrière les apparences ludiques des « mondes », se cache un discours cyberpolitique (qui n’a rien de politique), une profession de foi envers un système de participation active des cybercitoyens. En réponse à la passivité reprochée aux citoyens du réel, représentés par des marionnettes politiques, le réseau veut offrir une cybercitoyenneté active et une participation directe à la vie de la cybercommunauté. Le message est clair : plus d’actions ; moins d’intermédiaires ; une répartition plus égalitaire des biens. Les notions d’engagement et de choix politique ne sont donc pas absentes d’un propos qui n’aurait pu paraître que ludique.
13Partir sur le réseau, c’est comme s’engager pour une cause. Philippe Ulrich, fondateur de Cryo et créateur du Deuxième Monde (un autre exemple de monde virtuel) déclare lors d’un interview au Monde : « Je ne suis pas un homme de la réalité, sinon je m’armerais et je prendrais le maquis. » Mais son militantisme n’en est pas pour le moins présent : « … seuls ceux qui comprendront et contrôleront cette culture (du cyberespace) seront capables de jouer un rôle. Il faut donc contaminer les jeunes par le virus informatique. » Et au journal Nova, il déclare : « la culture informatique leur permettra de jouer les contre - pouvoirs face aux organisations et aux états qui privent les gens de liberté. » Voici affichée une philosophie digne des pirates les plus idéalistes qui prenaient le large pour fuir les lois terrestres qu’ils jugeaient oppressantes - voire injustes - et se ralliaient à une nouvelle cause, celle de la mer, avec ses nouvelles conventions. Mais Philippe Ulrich sous - entend sans doute, derrière ses propos provocateurs, qu’il faut réagir au risque que présente Internet en amplifiant le phénomène d’une société à deux vitesses, d’un monde partagé entre les connectés et les non connectés - l’exercice de la citoyenneté supposant l’accès de tout citoyen à l’information.
14Mais l’exploration des « mondes » soulève une autre problématique que territoriale, celle de l’identité : si un avatar représente le cybercitoyen - forme « physique » virtuelle sous laquelle les autres avatars le voient - quelle est la nature de cette cybercitoyenneté ? Quelles en sont les nouvelles règles ? Changer de peau fait partie du mythe de purification vers une autre vie. Alors que la philosophie de tous les siècles s’est fondée sur l’acceptation de soi - même - c’est le Sisyphe « heureux » de Camus, qui accepte sa condition humaine - rien de tel sur Internet, que l’éternel possible : un espace virtuel apparemment sans limites, la possibilité de se métamorphoser, autre que soi - même. Comment le nouveau monde pourrait - il se contraindre dans des lois morales qui ne lui conviennent plus, dans des codes résultant d’une histoire et d’une géographie qu’il n’a jamais connus ? Car les mondes virtuels répondent à leurs propres lois de déplacement et de communication : par exemple, un avatar peut voler, échapper à la gravité, passer à travers des obstacles, se voir lui - même en train de se déplacer parmi les autres, exprimer ses émotions à l’aide de boutons optionnels qui associent à une gestuelle, un sentiment, enfin parler à n’importe qui, à voix haute… Au bout de cette enquête dans le cyberespace, nous découvrons des avatars - citoyens qui obéissent à de nouvelles règles de comportements « physiques », qui socialisent entre eux, s’autogèrent au sens où ils participent directement à la vie de leur cybercité, en construisant des sites, en enrichissant leur contenu et en recréant un nouveau système économique (car bientôt, de nombreuses boutiques auront « pignon sur rue » et l’achat d’espace virtuel deviendra une réalité économique). Pour conclure, cyberpolitique et cybercitoyenneté ne sont à entendre ni au sens de politique, ni au sens de citoyenneté, mais répondent aux nouvelles lois « physiques », propres à ce support de transmission, et induisant de nouvelles formes de socialisation.
15Les critères de compréhension de la Nation deviennent désuets dès lors qu’on expérimente une spatio - temporalité nouvelle, caractérisée par des déplacements discontinus dans l’espace et instantanés dans le temps. Ainsi le réseau, par nature, heurte le bon sens : sa nature « d’Ouvert », d’espace non borné, déployable à l’infini, résiste aux schémas classiques de raisonnements et bouleverse l’entendement. La notion d’identité est remise en cause, puisqu’à l’avenir, plusieurs avatars pourront représenter un seul cybernaute. La recherche sur les agents autonomes est particulièrement active, offrant un espoir de filtrer et trier l’information selon des critères personnels. Moi, utilisateur du réseau, déléguerai les différentes tâches que je veux accomplir dans le virtuel à plusieurs de mes avatars ! Je serai ici, et ailleurs, sans qu’on puisse localiser mon Moi ! Ces propriétés, particulières au réseau, perturbent tout pronostic et raisonnement sur les cybercitoyens et les cybernations. Les outils d’analyse manquent, pour quantifier et qualifier la population virtuelle.
16On peut se souvenir d’une époque équivalente, au début de ce siècle, où la communauté scientifique était en émoi, suite à des découvertes troublantes : la lumière, que l’on croyait de nature ondulatoire, se révélait aussi de nature corpusculaire : et s’opposaient les ondes d’un côté - entités continues - aux particules de l’autre - unités discrètes (discontinues). Les premières théories sur les quanta se développèrent pour résoudre cette antinomie entre la continuité et la discontinuité, avec des figures de proue scientifiques comme Einstein, Bohr ou de Broglie. Une nouvelle théorie, la mécanique quantique, allait peu à peu voir le jour, sur un demi - siècle, interprétant tout phénomène comme une suite discontinue d’événements, principe inacceptable pour la physique classique qui s’était toujours efforcée de relier les causes aux effets. Ainsi arrivait un nouveau modèle de pensée qui remettait en cause les bases de l’ancien (que les sens avaient pourtant validé). Quand Schrödinger, en 1935, rédige « Science et Humanisme », il estime qu’il faudra « encore environ cinquante ans » pour que « la portion cultivée du grand public » devienne consciente du changement de représentation du monde que cette nouvelle science implique. Et il mentionne l’attitude passionnante, neuve et révolutionnaire que la physique quantique force à adopter. Cinquante ans se sont bien écoulés depuis ses propos ; la physique quantique est admise mais peut - être pas encore assimilée ; aujourd’hui, il est intéressant de constater combien Internet vérifie cette théorie et comment la quantique peut apporter une réponse au difficile concept de citoyenneté dans le virtuel.
17Que nous apprend la mécanique quantique ?
- « Les constituants ultimes de la matière n’ont aucune identité » : seule la forme extérieure des objets permet de leur attribuer une individualité, et non leurs constituants : autrement dit, individualité mais non identité. « Ce qui revient à ne pas considérer une particule comme une entité permanente, mais plutôt comme un événement instantané. » Le collectif, considéré comme un ensemble d’éléments individuels identiques, évince le concept de particule individuelle et permanente. Cette propriété quantique de la forme, sans identités, s’applique tout particulièrement au réseau où l’on peut constater que l’identité de l’internaute s’évapore derrière un ensemble d’événements et de communications qu’il met en jeu. Car si mon avatar possède cette curieuse faculté d’exister en plusieurs endroits à la fois (bien que je continue d’en maîtriser les déplacements), comment déterminer, avec certitude, l’endroit où se trouve, à un instant donné, le chorus d’avatars qui me représente ? Le Moi internaute est gommé au profit d’une forme mouvante, constituée d’avatars sans identités. Les cybercitoyens deviennent ces informés qui hantent le réseau.
- La pensée ne se rapporte plus à un modèle, ou idéal de vérité : à l’échelle atomique, aucune représentation spatio - temporelle continue n’est valide (l’instant t+1 ne se déduit plus directement de l’instant t, comme l’ont admis des siècles de physique classique). Seule la mesure détermine la « réalité » et la description n’est plus représentable. De cette mort annoncée des théories de la continuité, on conclura à la victoire du discontinu, principe de mouvance sur le réseau. La population virtuelle d’Internet n’est plus identifiable, ni localisable avec certitude : comment prévoir la trajectoire d’un avatar, quand aucune loi physique ne régule son déplacement ? Le réseau n’a pour mesure que les photographies ponctuelles de ses fréquentations, en différents sites, en différents temps.
- Les lois de la mécanique quantique, bien que laissant indéterminés les événements singuliers, fournissent des statistiques bien définies des événements. A chaque variable (au sens de la mécanique classique) peut être associée une répartition statistique, parfaitement connue, exprimée par la fonction psi qui indique la somme maximale des connaissances qu’on peut obtenir sur cette variable (ce que Schrödinger appelle le « flou » d’une variable). Ainsi, en associant un avatar à une fonction d’onde, on peut espérer prédire la probabilité de présence d’un cybercitoyen (forme constituée d’avatars équivalents les uns aux autres), à un instant donné, en un endroit donné. Cette fonction d’onde est, par contre, continue et dépend des sites visités et des liens vers lesquels ils pointent. On ne parlera donc plus de citoyenneté, mais seulement d’une probabilité de citoyenneté - nouvelle définition de la cybercitoyenneté. Les cybercommunautés n’existent que comme résultat de n probabilités (et non comme un ensemble de n citoyens). Cette méthode quantique diffère de celle, statistique, qui intègre la notion d’échantillons représentatifs, ensemble d’individus estimés suffisamment distincts les uns des autres pour ne pas perturber les calculs et être représentatifs. La mécanique quantique, au contraire, remet en cause ce principe d’indépendance et de séparabilité des populations : plus de sujets indépendants, ni distincts.
18Le concept de nation n’est pas étranger au réseau, il en renouvelle seulement la définition : Internet se substitue, en quelque sorte, à la Nation, reliant le local au global. Si de nouvelle sortes de nations devaient se construire à l’intérieur du cyberespace, au sens de communautés spirituelles, leur mode de fonctionnement ne s’appuierait plus sur un mode de représentation élective, comme nous l’ont appris les Etats - nations, mais sur une sorte d’auto - évaluation qui qualifierait leur autorité sur le réseau. Leur forme et population virtuelle ne s’établiraient que sur une probabilité de présence des cybercitoyens, quantification de la fréquentation des sites, des échanges ou des flux d’information.