Couverture de CDLJ_2001

Article de revue

Imaginaire et mythologie des bagnes

Pages 61 à 76

Notes

  • [1]
    Michel Pierre est l'auteur de La Terre de la grande punition, Paris, Ramsay, 1982 ; Le dernier Exil, Paris, Gallimard Coll. « Découvertes », 1989 ; Le Temps des Bagnes, Paris, Tallandier, 2017.
  • [2]
    La peine des galères fut supprimée par ordonnance de Louis XV en 1748 présidant leur désarmement et précisant que « les chiourmes seront gardées à terre dans les bagnes, salles de force ou autres lieux destinés pour les renfermer ».
  • [3]
    O. Bara « Lire le social par le théâtre sous la monarchie de Juillet », Romantisme, vol. 175, n°. 1, 2017, p. 56.
  • [4]
    Procès-verbal n° 195, Archives nationales de France, F21 988. Cité par Odile Krakovitch, La censure théâtrale (1835-1849). Éditions des procès-verbaux, Paris, Classiques Garnier, p. 388.
  • [5]
    Pour une représentation de cette vie quotidienne au bagne, cf. Le journal du forçat Clémens, réédition d'une partie du manuscrit et des aquarelles, Découvertes Gallimard Albums, 1992.
  • [6]
    V. Hugo, Les Misérables, vol. II, Paris, Folio classique, 1973 et 1995, p. 313.
  • [7]
    P.-L. Canler publie ses Mémoires en 1862. Disponibles sur le site Gallica de la BNF dans l'édition de 1882.
  • [8]
    H. de Balzac, Le Père Goriot, Paris, Folio, Gallimard. p. 125. * Travaux forcés (NDLR).
  • [9]
    Réédité en 2013, Librio 1055, Paris, Flammarion.
  • [10]
    Stendhal, Mémoires d'un touriste, tome II, Lévy, 1854, p. 324.
  • [11]
    Ainsi des 23 dessins de 1844 du peintre Jules Noël.
  • [12]
    Le Petit Journal Illustré n° du 30 novembre 1913.
  • [13]
    Supplément illustré du Petit Journal du dimanche 27 sept. 1896.
  • [14]
    J.J. Yvorel, « Le discernement : construction et usage d'une catégorie juridique en droit pénal des mineurs. Étude historique », Recherches familiales, vol. 9, n°. 1, 2012, p. 153-162.
  • [15]
    J.-L. Sanchez, « Le traitement du bagne colonial de Guyane par le magazine Détective », Criminocorpus [En ligne], Détective, histoire, imaginaire, médiapoétique d'un hebdomadaire de fait divers (1928-1940).
  • [16]
    Qui sait encore que dans l'argot des années 1950, le « Hotu » désignait un personnage minable, laid, sans grande envergure ? Cf. Le personnage créé sous ce nom par Albert Simonin et principal héros de trois de ses romans.

1Pendant près de deux siècles, le monde occidental a été fasciné par le crime et sa punition. De l'article scientifique au roman, des congrès pénitentiaires internationaux aux sections dans les expositions universelles, de la complainte vendue au gré des villes et des villages par les colporteurs à la chanson de cabaret, du théâtre au cinéma, s'est déployée une véritable culture de la représentation du mal et de sa répression. Une culture qui, en France tout particulièrement, a tournoyé autour des thèmes du bagne entendu au sens large. D'abord celui des bagnes portuaires devenant bagnes coloniaux mais aussi celui des bagnes militaires résumés dans le terme de Biribi ainsi que celui des « bagnes d'enfants », institutions de travail, de surveillance et de « correction » destinées aux mineurs, créées et installées sur le sol métropolitain. [1]

2Ce monde a peu à peu disparu des mémoires. Il n'est plus que rarement, sujet de création quel qu'en soit le support. Son étude en dit cependant beaucoup sur la capacité qu'ont eu les sociétés du passé, de développer tout un imaginaire correspondant assez bien à ce que disait Gaston Bachelard de « la faculté de déformer les images fournies par la perception » et surtout « la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images ».

L'élite de la boue

3Le XIXe siècle a trouvé dans les bagnes portuaires qui succédaient aux galères une géographie et un décor propices aux mises en scène menant à un châtiment, mérité ou non, inexpiable ou pas. Après avoir été de la chiourme à quai ou sur les bancs de nage, les condamnés étaient employés aux multiples travaux des arsenaux et à une survie quotidienne commencée par le long voyage depuis Paris vers Toulon, Brest ou Rochefort [2].

4La Restauration et la Monarchie de Juillet ont vu se multiplier les lieux de spectacle ainsi que l'édition et la création de titres de journaux accompagnant un essor de l'alphabétisation. C'est dans ce cadre que bagnes et forçats vont monter sur les planches ou s'afficher dans les titres de presse.

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L'arsenal de Brest, dessin de Jules Noël, Musée des Beaux-Arts de Brest. Cliché personnel.

5En 1822 Marie Dorval joue au Théâtre de la Porte-Saint-Martin un mélodrame en trois actes, Les Deux Forçats ou la meunière du Puy-de-Dôme. La pièce dite « à spectacle » avec musique et ballet raconte le sacrifice d'un frère se laissant condamner au bagne pour protéger son aîné avant une conclusion heureuse célèbrent l'innocence du condamné qui retrouve l'honneur avec l'amour de la meunière qui l'avait recueilli.

6Dans les années qui suivent, ce genre du drame « social » et « humanitaire » devient omniprésent au théâtre avec l'ambition chez de nombreux auteurs de « nourrir l'intuition d'une intelligibilité du social et partant, d'une possible transformation de la société » [3].

7Encore faut-il que le bagne et les bagnards ne soient pas trop crûment décrits et montrés sur la scène, ce qui peut valoir les foudres de la censure comme dans la pièce André écrite par des auteurs inconnus pour le Théâtre des Variétés et celui du Palais-Royal et interdite en 1835 et 1836 pour des raisons explicitées par les censeurs : « Le troisième acte qui se passe au bagne donne lieu à de sérieuses observations, surtout sous le rapport de la mise en scène. Le théâtre représente l'intérieur d'un bagne avec le hideux tableau de la dégradation et du cynisme des forçats, en face de la brutalité des gardiens. C'est un ignoble et odieux spectacle que celui de ces misérables, se faisant des niches avec leurs chaînes qu'ils appellent « leurs guirlandes », riant de leurs crimes, de leur situation et même des coups de bâton qui accompagnent et dirigent toutes leurs manœuvres [4] ».

8Tous les grands écrivains français ont, un moment ou l'autre, rendu compte de cet univers des forçats. Dans Les Misérables, Victor Hugo décrit ce qu'il a vu, dans les années 1830, du départ de Paris, de « La Chaîne » où, installés sur de longs charriots, les condamnés s'en vont vers Toulon. Il a observé cette « élite de la boue », hommes aux haillons « terribles » dont les prunelles flambent « férocement » tandis que derrière le convoi « une troupe d'enfants éclate de rire ».

9Au long des trajets, foules urbaines ou rurales se pressent au passage de ces convois finalement supprimés en 1836. Ce peut être dans le silence ou par l'échange d'injures et d'invectives, de jurons et de blasphèmes. On se presse pour voir tel condamné rendu célèbre par les complaintes décrivant l'abomination de ses crimes. Encore à la fin du siècle, en 1897, dans son Poème du Rhône, Frédéric Mistral évoque, à un demi-siècle de distance, ces malheureux qui « vont manger des fèves à Toulon » et où se mêlent « des gens d'Église, des chenapans, des nobles, des notaires, voire des innocents ! ».

10Une fois arrivés sur les lieux, les forçats apprennent à connaître les tâches qui leur sont dévolues et que décrit Jules Verne dans sa nouvelle La Destinée de Jean Morénas. Une nouvelle parue en 1910, réécrite par son fils Michel mais qui s'appuie sur une trame conçue dès 1852 et où l'auteur décrit ce qu'il vit à l'arsenal de Toulon avant la fermeture du bagne : « Le port était en pleine activité : le travail se distribuait sur tous les points. Les contremaîtres faisaient entendre çà et là leurs voix rudes : « Dix couples pour Saint-Mandrier ! », « Quinze chaussettes pour la corderie ! », « Vingt couples à la mâture », « Un renfort de six rouges au bassin ! ». Les travailleurs demandés se dirigeaient aux endroits désignés, excités par les injures des adjudants, et souvent par leurs redoutables bâtons ». Encore faut-il savoir que les « couples » désignent deux forçats reliés par une chaîne, que les « chaussettes » sont des forçats libres d'entraves et que les « rouges » désignent des forçats condamnés à temps [5].

11Honoré de Balzac, évoque aussi ce monde des bagnes dans Splendeurs et misère des courtisanes en décrivant « Ces misérables, qui, pour la plupart, appartiennent aux plus basses classes, sont mal vêtus ; leurs physionomies sont ignobles ou horribles ; car un criminel venu des sphères sociales supérieures est une exception heureusement assez rare ».

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Jules Noël, Les Bagnes, Condamnés à temps, 1844. Musée des Beaux-Arts de Brest. Cliché personnel.

12Tous ces gens fascinent car ils ont aussi leur langue, l'argot que Victor Hugo définit comme une « Épouvantable langue crapaud qui va, vient, sautèle, rampe et se meut monstrueusement dans cette immense brume grise faite de pluie, de nuit, de faim, de vice, de mensonge, d'injustice, de nudité, d'asphyxie et d'hiver, plein midi des misérables. » La langue des misérables habitant des lieux qui sont comme des « chiourmes, des bagnes, des prisons, tout ce que la société a de plus abominable » [6].

13Cet argot demeure ce qui nous est resté concrètement de ce temps des bagnes avec les termes buter, cavale, faire gaffe, faire la manche, tune, guibolle, toquante, planquer, caner, pioncer, pouffiasse (une « trainée des rues »), conasse (« une femme honnête »). Mais plus personne ne sait qu'un « bloquisseur » était un receleur-revendeur, une « cadelle en jonc » une montre en or ou une « rouillarde » une bouteille. Et qui pourrait comprendre cette phrase : « Rebouise donc ce niert, ses maltaises et son pèze sont en salade dans la valade de son croissant ; pécille l'orient avec ta fourchette ». Ce qui signifie au complice d'un futur acte délictueux : « Regarde donc cet homme, il a ses pièces d'or et son argent pêle-mêle dans la poche de son gilet ; vole l'argent avec tes doigts ».

Vidocq, comme un modèle

14Son nom a résisté au temps. François Vidocq demeure le plus connu des forçats des bagnes portuaires. Il a été l'artisan de sa propre légende grâce à ses Mémoires publiées en quatre volumes en 1828/1829. Il y raconte les épisodes de sa vie, son rêve d'Amérique, des expériences militaires sous la période révolutionnaire, sa condamnation au bagne, ses évasions de Brest puis de Toulon, son intégration à la Police en 1810 où selon Pierre-Louis Canler, ancien chef de la Sûreté à la fin des années 1840 « Il donna des renseignements tellement précis sur d'audacieux voleurs qui depuis longtemps exploitaient la capitale, que ceux-ci furent arrêtés » [7]. Sa réputation devenue par trop sulfureuse le mena à devoir se démettre de ses fonctions, du fait également de sa fortune d'origine douteuse toujours selon Canler qui considérait qu'elle « n'avait pas pour origine les économies qu'il avait pu faire sur ses appointements ». Auteur à succès, Vidocq rédige aussi en 1830 Son « Para-voleur, ou l'art de se conduire prudemment en tout pays, notamment à Paris, et d'éviter les pièges de toutes espèces que tendent aux personnes honnêtes et faibles les charlatans, escrocs, filous et voleurs ». Puis retiré de toute activité, il meurt du choléra en 1857, à l'âge vénérable de 82 ans.

15Les écrits de Vidocq rejoignent alors les Mémoires d'un condamné d'Anthelme Collet, publié en 1836, autre forçat célèbre pour ses identités usurpées et escroqueries diverses et qui annonçait aux lecteurs : « Quelle vie de souffrance est la mienne, remords cuisants, tourments de l'âme, anxiété de l'esprit, j'ai tout souffert, tout enduré pour satisfaire mon insatiable ambition ».

16Vidocq est pour Honoré de Balzac essentiel pour façonner Vautrin, personnage central dans Le Père Goriot (1835), Les Illusions Perdues (1837-1843) et Splendeurs et misères des courtisanes (1838-1847). Vautrin est aussi incarné au théâtre dès 1840 dans la pièce que l'auteur tire lui-même de son personnage joué par Frédérick Lemaître, le plus célèbre acteur du « Boulevard du crime ». En évoquant la loi et l'ordre, Balzac s'interroge aussi, en donnant sa voix à Vautrin, sur ceux qui, devenus présidents d'une cour d'assises, envoient au bagne de « pauvres diables qui valent mieux que nous avec T.F.* sur l'épaule, afin de prouver aux riches qu'ils peuvent dormir tranquillement » [8].

17Dans son court roman, Gabriel Lambert, Le bagnard de l'Opéra (1842) [9], Alexandre Dumas dit se souvenir d'une de ses anciennes connaissances condamnée pour faux-monnayage. Un fils de la campagne normande, doué pour le dessin et la gravure et que ses talents mènent à la délinquance alors qu'il aurait été si simple de respecter son rang et son origine. Et à son tour, Dumas s'inspire de Vidocq pour camper le personnage du chef de la Sûreté, Jackal dans Les Mohicans de Paris (1859).

18En 1843, c'est Eugène Sue, dans Les Mystères de Paris, qui créé le personnage du Chourineur, ancien forçat ayant subi « quinze ans au pré ». Comme pour faire frissonner le lecteur, il use et abuse de l'argot « cette langue immonde ». Dans Le Juif errant, il précise au lecteur qu'il va l'entraîner dans de « sinistres scènes » où « il pénétrera dans des régions horribles, inconnues » avec « des types hideux, effrayants » fourmillant « dans des cloaques impurs comme les reptiles dans les marais ».

19Au temps du roman-feuilleton, c'est aussi Rocambole qui est envoyé au bagne sous la plume de Ponson du Terrail qui débute le cycle Les Drames de Paris en 1857.

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Jules Noël, Le Bagne de Brest, un jour d'exécution, dessin de 1844. Musée des Beaux-Arts de Brest. Cliché personnel.

20Pas un auteur du XIXe siècle ne semble avoir échappé à une mention du bagne, ce qui en dit suffisamment la prégnance dans toutes les strates de la société, depuis les romans dont il est convenu de parler dans les salons bourgeois jusqu'à la presse quotidienne augmentant ses tirages par la publication de romans-feuilletons.

21Tout romancier se doit de se déplacer à Toulon, Brest ou Rochefort pour alimenter son imagination. On y voit passer Victor Hugo, Honoré de Balzac, Alexandre Dumas, George Sand, Prosper Mérimée, Gustave Flaubert... Quelque peu isolé, Stendhal semble être l'un des seuls à s'y rendre avec réticence et dégoût comme il l'écrit dans ses Mémoires d'un touriste en précisant qu'à Toulon en 1837, son guide lui montre le site et lui « fait voir la Corderie, la fabrique des vaisseaux, les forçats, etc. Ces vues-là sont des corvées horribles, la dernière surtout. » Et l'auteur d'ajouter : « Je suis persuadé que les gens qui nous démontrent tout cela mentent sans cesse [10].

L'île du Diable

22Marseille et Toulon ont aussi leurs témoignages illustrés si utiles aux historiens d'aujourd'hui. Nombreux sont les dessins, peintures, gravures décrivant la vie quotidienne au bagne [11] et maintes fois reproduites dans la presse du temps ou dans l'ouvrage de Maurice Alhoy Les Bagnes paru en 1845. Les premiers temps de la photographie nous ont aussi laissé quelques rares clichés des derniers temps des bagnes portuaires alors que leurs fermetures progressives ouvrent ceux de la Guyane à partir de 1852.

23Désormais, l'exotisme de la France équinoxiale se rajoute aux mythologies du bagne. Hommes de lettres, de plume et de pinceaux vont imaginer, inventer, recréer en étant stimulés par l'émergence et le formidable développement de la presse quotidienne et de leur supplément illustré hebdomadaire.

24Ceux qui vont mettre en scène les premiers temps du bagne guyanais ne s'y sont, pour la plupart, jamais rendus mais s'en donnent à cœur joie dans leurs représentations de serpents, d'indiens féroces [12] et de requins qui le sont pas moins harcelant les radeaux des évadés. Sous le Second empire puis la Troisième république jusqu'à la guerre de 1914, de nombreux textes littéraires évoquent aussi le bagne guyanais et contribuent à le faire entrer dans un imaginaire partagé par les lecteurs, tels les irremplaçables Souvenirs du bagne d'Auguste Liard-Courtois publiés en 1903.

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Source gallica.bnf.fr - Bibliothèque nationale de France.

25Dans les premières pages du Ventre de Paris (1873), Émile Zola mentionne Florent « Échappé de Cayenne où les journées de décembre l'avaient jeté, rôdant depuis deux ans dans la Guyane hollandaise, avec l'envie folle du retour et la peur de la police impériale ». Personnage digne de pitié, Florent reprendra cependant le chemin de la Guyane à la fin du roman, de nouveau condamné à la déportation pour délit politique. Un sort comparable à celui d'Étienne Lantier présent dans Le Docteur Pascal (1893) qui clôt le cycle des Rougon-Macquart, condamné au bagne de Nouvelle-Calédonie pour sa participation à « l'insurrection de la Commune, dont il avait défendu les idées avec emportement, on l'avait condamné à mort, puis gracié et déporté, de sorte qu'il se trouvait maintenant à Nouméa ; on disait même qu'il s'y était tout de suite marié et qu'il avait eu un enfant ».

26Le thème de l'évadé du bagne devient aussi une figure récurrente de la presse à grand tirage que lit avec passion un public populaire désormais presque totalement alphabétisé. Le plus célèbre de ces héros est Chéri-Bibi qui, sous la plume de Gaston Leroux, apparaît en feuilleton quotidien dans Le Matin à partir du 5 avril 1913. Forçat bien évidemment innocent, il porte le mot « Fatalitas » tatoué sur le torse et prend le contrôle du navire l'emportant vers Cayenne avant de connaître d'extravagantes aventures qui fidélisent les lecteurs. Il finit par représenter l'image symbolique du bagnard même s'il n'y débarque jamais et que la part dévolue à l'exil en Guyane se limite à cet unique voyage.

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Source gallica.bnf.fr - Bibliothèque nationale de France.

27Dans la même veine paraissent successivement, au début du XXe siècle, sous le titre Fleur de bagne, trois romans aux titres improbables (De Cayenne à la place Vendôme, Pirates cosmopolites et Détectives scientifiques). Leurs auteurs, tout aussi improbables sont un ancien chef de la Sûreté, Marie-François Goron (1847-1933) et un ancien militant anarchiste, Émile Gautier (1853-1933). Amis d'enfance s'étant retrouvés à l'âge adulte, ils créent le personnage du baron de Saint-Magloire alias Gaston Rozen, évadé de Cayenne qui devient à Paris l'un des grands banquiers de la Troisième République. En réalité, il œuvre à la destruction de la société grâce à son machiavélisme et aux progrès de la science, marqués par l'invention du Télectroscope et de l'empoisonnement au radium.

28Aux côtés de ces écrits de fiction, la réalité est aussi celle de la détention de Dreyfus en Guyane, à l'Ile du Diable si bien nommé et qui devient le thème d'une imagerie multiple. La plus fréquente étant celle d'un homme accablé par le remords et l'ennui surveillé par un gardien près de sa case entouré par les flots [13]. Traduit en anglais, Devil's Island devient, tout particulièrement pour la presse américaine, le nom générique désignant l'ensemble du bagne guyanais.

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Source gallica.bnf.fr - Bibliothèque nationale de France.

Autres bagnes

29D'autres « bagnes » pénètrent dans ces mêmes décennies de la fin du XIXe et du début du XXe siècle dans la culture populaire. Ce sont, cette fois, les espaces de punition liés à la justice militaire, aux mauvais soldats mais aussi les colonies agricoles et les colonies pénitentiaires pour mineurs fautifs. Ces derniers relèvent de l'article 66 du Code pénal de 1910 qui précise que « Lorsque l'accusé aura moins de seize ans, s'il est décidé qu'il a agi sans discernement, il sera acquitté ; mais il sera, selon les circonstances, remis à ses parents, ou conduit dans une maison de correction pour y être détenu pendant tel nombre d'années, que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque à laquelle il aura accompli sa vingtième année [14] ».

30C'est en général, l'année où ces jeunes adultes quittent leur univers contre un autre tout aussi surveillé, celui des « compagnies de discipline » sur le sol de l'Afrique du nord française. Une création des débuts de la Monarchie de Juillet, précisée par un nouveau code militaire pour l'armée de terre promulgué en 1857 et prolongée par la République.

31Les Bataillons d'Afrique (les « Bat'd'Af' ») destinés aux civils ayant encouru des peines et devant faire leur service militaire sont alors réorganisés et demeurent des unités combattantes à la discipline particulièrement destinée à mater les fortes têtes.

32Dès lors, une légende s'installe, celle de soldats indisciplinés mais ardents au combat, rétifs à l'autorité mais attachés au drapeau, fêtards mais présents au moment des combats. La réalité est toute autre, faite de violences, d'un encadrement brutal, de peines corporelles et de dépravation générale. Ces unités atteignent plus de 5 500 hommes dans les années 1880. Il existe aussi, selon la gravité des fautes commises, des structures non combattantes comme les ateliers de travaux publics, des compagnies disciplinaires non armées, des pénitenciers, des sections d'exclus sans oublier les disciplinaires de la Marine. Tout cela constitue la géographie mouvante de « Biribi » qui va concerner, au fil des années, des dizaines de milliers de « Joyeux », « Camisards », « Trav », « Têtes de veau », « Pégriots » et « Peaux de lapin ».

33Tous ces hommes des « corps d'épreuve » et des « corps de discipline », par leur nombre, leurs familles et leurs relations font entrer cet univers dans la culture populaire du temps. Le livre de Georges Darien en 1890, simplement intitulé Biribi y contribue ainsi qu'une véritable campagne de presse dénonçant les conditions de vie des soldats punis. Signe de reconnaissance du thème auprès des foules, la chanson s'en empare avec À bas Biribi, sur une musique de Georges Krier, compositeur prolifique et immortel, auteur de La Valse brune (1909) et de La Butte Rouge (1922).

34On assiste ainsi à un moment de création qui rajoute à l'imprimé textes et images, celui de la chanson et de la musique. Jamais, le monde de l'enfermement et de la punition n'a été autant popularisé en refrains et couplets. Aristide Bruant s'en fait une spécialité et fait fortune en chantre du malheur des autres. Des autres qui sont les « Petits Joyeux » partant pour Biribi et les « Bat' d'Af » les condamnés à mort exécutés devant la prison de la Roquette, les femmes enfermées à Saint-Lazare écrivant à leurs « hommes », les enfants abandonnés de La Villette devenant parfois des enfants de la Veuve.

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Source gallica.bnf.fr - Bibliothèque nationale de France.

35Par ailleurs, reprenant l'ensemble de la problématique des structures pénitentiaires pour mineurs, la Troisième République en prend peu à peu le contrôle non sans qu'un sursaut philanthropique ne se fasse jour à la fin du siècle. Cette fois encore, l'opinion publique est prise à témoin comme en témoigne l'audience du mélodrame de François Coppée, Le Coupable en 1898 qui paraît en feuilleton dans Le Journal. Il y dénonce les pénitenciers d'enfants comme des « pépinières de voleurs et d'assassins » et il témoigne : « Ce que j'ai vu de mes yeux est odieux. Des bagnes, vous dis-je, des bagnes, où des créatures irresponsables sont soumises à toutes les souffrances morales et physiques et où il n'y a pas plus de charité dans le cœur des chefs que de beurre dans la ratatouille des cuisines ».

Après-Guerre

36L'après-guerre devient la grande époque des journalistes, des « reporters » comme on dit également par contagion américaine. Quotidiens et hebdomadaires spécialisés ont leurs envoyés spéciaux au bagne de Guyane. Le choc est d'abord celui d'Albert Londres qui provoque une bourrasque médiatique lorsque commence à paraître le 8 août 1923 dans le quotidien Le Petit Parisien le premier de vingt-six articles concernant son séjour à Cayenne, aux Îles du Salut et sur le Maroni. Le journal tire à plus d'un million d'exemplaires et la chronique quotidienne sur le bagne tient les lecteurs en haleine entre exotisme et cour des miracles, destins individuels et absurdités du système.

37En 1924, paraît Au Bagne, livre rassemblant les articles. Albert Londres conçoit aussi une adaptation théâtrale de ses reportages et écrit les paroles de La Belle, interprétée par Lucienne Boyer.

38Pour sa part, l'Administration pénitentiaire et le ministère des Colonies qui avaient favorisé les déplacements et les rencontres du journaliste s'estiment floués, dénoncés, calomniés et vont surveiller ou interdire pour des années, la présence de la presse en Guyane. Or, le goût du public pour les lointains pénitenciers ne faiblit pas, d'autant que viennent de naître deux hebdomadaires à gros tirage : Détective (1928) et Police-Magazine (1930). Basées sur le texte de reportage et la photographie, ces deux publications vont multiplier les thèmes sur le bagne dans tous ses états.

39Jean-Lucien Sanchez a ainsi étudié [15] le traitement du bagne de Guyane par le magazine Détective qui ne consacra pas moins de 23 couvertures à un bagnard ou au thème du bagne guyanais de 1929 à 1939. De grandes plumes du journal traitent du thème tels Louis Roubaud en 1928 avant que le ministère des Colonies ne ferme la Guyane aux curiosités médiatiques mais l'hebdomadaire continue de publier sur le sujet en recueillant des témoignages divers. En 1931, le journaliste Marius Larique se rend à Cayenne et, sans pouvoir pénétrer dans les lieux de punition, multiplie les entretiens à Cayenne et Saint-Laurent. En 1932, son intérêt se porte sur les évadés, thème poursuivi par Henri Danjou qui se rend au Venezuela, en Colombie, au Panama et aux îles Trinidad et Tobago.

40Ce même Henri Danjou, à l'heure de la suppression de l'envoi des condamnés aux Travaux Forcés en Guyane, est autorisé à réaliser un reportage pour Paris-Soir dont le propriétaire Jean Prouvost aimait à dire que le bagne était la mine d'or des journalistes.

41Les journaux reviennent aussi sur la situation dans les bagnes militaires et dans les colonies pour mineurs. En 1924, Louis Roubaud, lui-même enfant de l'Assistance publique et ancien pensionnaire de Mettray visite Eysses, Aniane, Belle-Île et en revient bouleversé. Il dénonce la situation dans Le Quotidien puis publie l'année suivante, Les enfants de Caïn aux éditions Grasset dans la prestigieuse collection « Les cahiers verts ». D'autres journalistes s'inscrivent dans ce sillage : Jacqueline Albert-Lambert dans L'Intransigeant, Henri Danjou pour Détective en 1930/31 et surtout Alexis Danan dans Paris-Soir en 1937. Mais ce qui marque le plus l'opinion est en août 1934, la révolte des jeunes pupilles de la maison d'éducation surveillée de Belle-Île. 55 mineurs s'échappent et le directeur de l'établissement fait appel à la population et aux estivants afin d'aider la police et l'administration à récupérer les évadés, avec promesse d'une récompense de 20 francs par mineur repris.

42La presse multiplie les articles pour dénoncer la « Chasse à l'enfant » dont, sous ce titre, Jacques Prévert écrit l'un de ses plus célèbres poèmes par la suite mis en musique par Marianne Oswald :

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant.
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L'Assiette au beurre, n° 411, 13 février 1909.

Du texte à l'image

43La fin des années 1930 marque, conjointement aux livres et articles, un surgissement sur les écrans de nombreux films français ayant à voir avec des sujets relatifs aux bagnes. En 1936, Léonide Moguy réalise Prison sans barreaux évoquant la transformation d'une « maison de correction « pour jeunes filles en « maison d'éducation surveillée » avec les heureux résultats que l'on peut deviner. Film emblématique des temps du Front Populaire, il y est proclamé que « Le malheur est illégal ». Les dialogues d'Henri Janson et les conseils d'Alexis Danan contribuent au succès de l'œuvre embellie par l'interprétation d'une jeune actrice de 17 ans, Corinne Luchaire.

44Un an plus tard, en 1937, c'est l'univers des Bataillons d'Afrique qui se retrouve au cinéma. Sous le titre Les Réprouvés Jacques Séverac montre de mauvais garçons sous l'uniforme faisant le sacrifice de leur vie contre des tribus insoumises. Tout comme d'autres films du genre (tel le film La Bandera de Julien Duvivier en 1935), le public adhère et le chant de marche (Le Bataillonnaire) qui sert de thème musical, entre dans le répertoire des chants de l'armée française où il s'est maintenu de nos jours en de multiples versions.

45Par contre, le bagne de Guyane ne suscite aucune réalisation d'importance et se retrouve même traité sur un mode comique, ainsi par Fernandel entonnant La chanson du forçat avec Charpin dans le film Berlingot et Compagnie de 1939. Cette même année, il interprète aussi la chanson Un dur, un vrai, un tatoué dans Raphaël le Tatoué, un film de Christian-Jaque où l'acteur revendique de porter la « marque de fabrique » des bataillons d'Afrique et d'avoir « risqué l'bagne ».

46De manière bien plus dramatique, c'est Hollywood qui s'empare alors de Devil'Island. En 1940 sort sur les écrans, Le Cargo Maudit. Tiré d'un roman de Richard Sale intitulé Not Too Narrow, Not Too Deep, le scénario auquel il participe, décrit l'évasion de plusieurs forçats de Guyane et les périls qu'ils traversent. Accompagnés d'une femme, ils vont, peu ou prou, connaître la rédemption grâce à l'un d'entre eux. Film étonnant, décrivant assez bien la vie au bagne et les évasions par la forêt ou par la mer et qui rencontre un véritable succès avec des personnages aux noms bien français de Verne, Cambreau, Flaubert, Grideau, Marque, Dufond et Julie... Il faut dire aussi que Clark Gable et Joan Crawford en têtes d'affiches y nouent une relation torride et que la figure mystique du nommé Cambreau joué par l'acteur britannique Ian Hunter ne sont pas pour rien dans l'audience d'un film rendant la Guyane française proche de l'imaginaire des spectateurs américains. Il est vrai qu'en 1938, le forçat évadé René Belbenoît avait publié aux États-Unis Dry Guillotine dont le tirage avait atteint le million d'exemplaires avant d'être publié en France sous le titre Les compagnons de la belle. Lors de la parution de l'ouvrage, le New York Herald Tribune avait considéré que rien d'équivalent, dans la réalité ou la fiction, n'avait jamais approché une telle aventure et une telle vérité.

47En 1944, toujours à Hollywood, Michael Curtiz réalise Passage to Marseille et fait de son héros joué par Humphrey Bogart, un journaliste résistant évadé de Guyane où il avait été déporté. Une dizaine d'années plus tard, le cinéaste remet le bagne en scène mais, cette fois, sur un mode léger en adoptant La Cuisine des Anges d'après une pièce d'Albert Husson créée à Paris en 1952. Le film conte la bonne action de trois forçats joués par Humphrey Bogart qui revêt de nouveau la tenue rayée, Peter Ustinov et Aldo Ray. Tous trois viennent en aide à une honnête famille de commerçants en butte aux viles manœuvres d'un parent malfaisant.

Ultimes images

48Les thèmes relatifs au bagne s'éloignent après la seconde guerre mondiale. Nul n'évoque plus l'enfer vert ou le dernier exil si ce n'est sous les travestissements d'un folklore vaguement partagé par le grand public. Le meilleur exemple en est la comédie musicale Irma La Douce où en 1956 le thème ressassé des mauvais garçons partant pour la Guyane est revu au gré d'un livret d'Alexandre Breffort et d'une musique composée par Marguerite Monod avec une interprétation inoubliable de Colette Renard.

49Le succès de cette création a été l'un des plus importants de la scène française en traduisant la dissolution d'histoires dramatiques dans une mémoire commune devenant patrimoine national. Faire rire du bagne et de ses personnages (Nestor le frippé, Jojo les-yeux-sales, Bob le Hotu [16]..., a été l'une des étapes de l'éloignement chronologique d'une période glissant vers l'oubli mais gardant un peu de la lumière des étoiles mortes. Il faut aussi noter que le succès d'Irma La Douce à Londres puis à Broadway à New York est en lien avec l'image international d'un Paris de convention et de la French Guiana toujours présente dans le monde anglo-saxon.

50Les années 1950 sont aussi celles où revient le thème de l'enfance délinquante illustré par la parution de Chiens perdus sans collier de Gilbert Cesbron (1954) dont le succès est considérable avec près de 4 millions d'exemplaires vendus en quelques années. Quelque temps plus tard, Jean Delannoy réalise le film tiré du livre avec Jean Gabin en tête d'affiche et qui devient aussi l'un des plus grands succès cinématographiques de l'année 1956. Ce qui eut aussi pour conséquence la colère de François Truffaut qui ayant l'expérience personnelle d'un établissement « de correction » considéra que le film faisait « reculer les bornes de l'insignifiance ». Il y répondit en réalisant, trois ans plus tard, Les 400 coups.

Papillon s'envole

51Au printemps 1969, le monde de l'édition est secoué par la parution d'un livre inattendu. Le bagne a quitté l'actualité depuis longtemps et, à part quelques souvenirs d'anciens forçats, parfois publiés à compte d'auteur, personne ne semble beaucoup s'intéresser à un monde disparu. Sous le titre Papillon un certain Henri Charrière publie aux éditions Laffont un ouvrage marqué du sceau « Vécu » et qui se veut le récit authentique d'un survivant du bagne. L'homme, installé à Caracas après s'être évadé de Guyane, a rédigé ses mémoires sur des cahiers d'écolier ensuite envoyés à Paris où elles ont trouvé preneur.

52Les médias et le public vont faire un accueil triomphal à ce récit qui se veut authentique, au point de devenir l'un des plus importants best-seller de l'édition française. En réalité, à partir de faits réels (Henri Charrière a bien été envoyé au bagne en septembre 1933 par la cour d'assises de la Seine pour assassinat et il s'en est bien évadé en 1944), l'auteur invente, affabule et s'attribue des épisodes de vie survenus à d'autres forçats, et tout particulièrement à René Belbenoît. Revenu en France pour la promotion de son livre, il s'avère être un hâbleur exceptionnel, clamant son innocence, se revendiquant proche d'Arsène Lupin alors qu'il relevait, en son temps, du proxénétisme le plus banal. Son personnage de mauvais garçon devenu mari aimant et honnête restaurateur au Vénézuela séduit la presse, sa description des horreurs du bagne fait frissonner et les détails de ses évasions le font admirer du Tout-Paris.

53Le succès du livre tient aussi au fait qu'Henri Charrière est fils d'un couple d'instituteurs et, avant de vaquer vers d'autres occupations, il aborda des études en École Normale. Pour écrire ses souvenirs, il adopte le style d'écriture des romans d'aventures des bibliothèques d'école de la Troisième République quelque peu mâtiné d'un vocabulaire argotique. Le lecteur peut avoir l'impression de voir passer les ombres de Jean Valjean et d'Edmond Dantès, de Chéri-Bibi et de Rocambolle croisant des personnages de truands des années Trente évoluant dans un univers où seuls comptent les valeurs de virilité, de loyauté et de parole donnée.

54Papillon s'avère une forme de synthèse de décennies d'histoire des pénitenciers de Guyane. Rien n'y manque d'un livre d'images que prolonge, avec beaucoup de réussite, le film éponyme réalisé en 1973 par Franklin Shaffner avec Steve Mc Queen et Dustin Hoffman dans les rôles principaux. Puis, le rideau tombe et rien de comparable ne revient, dans les décennies qui suivent, pour réanimer un imaginaire que Charrière aurait, en quelque sorte, épuisé.

55Nul ne dit plus aux enfants qu'ils finiront « au bagne » ou en « maison de correction ». Biribi n'évoque plus rien. Mais rien ne s'efface jamais totalement. Même si Jacques Higelin peut chanter en 1985 que « Cayenne, c'est fini », l'opérette Irma la Douce fait régulièrement l'objet de nouvelles mises en scène (ainsi encore en 2015), Papillon est toujours un succès d'audience à chaque rediffusion et la Guyane sert toujours de cadre à des évocations du bagne. Certains drames liés aux institutions pénitentiaires pour mineurs resurgissent parfois tel le téléfilm « La révolte des innocents » relatifs à des évènements survenus en 1911 dans une institution du Morvan, diffusé par France 3 en novembre 2018. Et personne ne peut dire ce qui peut ressurgir demain des boîtes à souvenirs de greniers oubliés.

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Graffiti, cellule du quartier disciplinaire du camp de la transportation, Saint-Laurent du Maroni © Michel Pierre.

Date de mise en ligne : 08/04/2020.

https://doi.org/10.3917/cdlj.2001.0061

Notes

  • [1]
    Michel Pierre est l'auteur de La Terre de la grande punition, Paris, Ramsay, 1982 ; Le dernier Exil, Paris, Gallimard Coll. « Découvertes », 1989 ; Le Temps des Bagnes, Paris, Tallandier, 2017.
  • [2]
    La peine des galères fut supprimée par ordonnance de Louis XV en 1748 présidant leur désarmement et précisant que « les chiourmes seront gardées à terre dans les bagnes, salles de force ou autres lieux destinés pour les renfermer ».
  • [3]
    O. Bara « Lire le social par le théâtre sous la monarchie de Juillet », Romantisme, vol. 175, n°. 1, 2017, p. 56.
  • [4]
    Procès-verbal n° 195, Archives nationales de France, F21 988. Cité par Odile Krakovitch, La censure théâtrale (1835-1849). Éditions des procès-verbaux, Paris, Classiques Garnier, p. 388.
  • [5]
    Pour une représentation de cette vie quotidienne au bagne, cf. Le journal du forçat Clémens, réédition d'une partie du manuscrit et des aquarelles, Découvertes Gallimard Albums, 1992.
  • [6]
    V. Hugo, Les Misérables, vol. II, Paris, Folio classique, 1973 et 1995, p. 313.
  • [7]
    P.-L. Canler publie ses Mémoires en 1862. Disponibles sur le site Gallica de la BNF dans l'édition de 1882.
  • [8]
    H. de Balzac, Le Père Goriot, Paris, Folio, Gallimard. p. 125. * Travaux forcés (NDLR).
  • [9]
    Réédité en 2013, Librio 1055, Paris, Flammarion.
  • [10]
    Stendhal, Mémoires d'un touriste, tome II, Lévy, 1854, p. 324.
  • [11]
    Ainsi des 23 dessins de 1844 du peintre Jules Noël.
  • [12]
    Le Petit Journal Illustré n° du 30 novembre 1913.
  • [13]
    Supplément illustré du Petit Journal du dimanche 27 sept. 1896.
  • [14]
    J.J. Yvorel, « Le discernement : construction et usage d'une catégorie juridique en droit pénal des mineurs. Étude historique », Recherches familiales, vol. 9, n°. 1, 2012, p. 153-162.
  • [15]
    J.-L. Sanchez, « Le traitement du bagne colonial de Guyane par le magazine Détective », Criminocorpus [En ligne], Détective, histoire, imaginaire, médiapoétique d'un hebdomadaire de fait divers (1928-1940).
  • [16]
    Qui sait encore que dans l'argot des années 1950, le « Hotu » désignait un personnage minable, laid, sans grande envergure ? Cf. Le personnage créé sous ce nom par Albert Simonin et principal héros de trois de ses romans.
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