Couverture de CDLJ_1504

Article de revue

Repenser la protection des investissements étrangers à l'occasion du projet de partenariat transatlantique de commerce et d'investissement

Pages 615 à 625

Notes

  • [1]
    Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP)
  • [2]
    Le dernier rapport de la CNUCED présente une vue d'ensemble : http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/web-diaepcb2015d1_en.pdf V. également la présentation faite par P. Mayer : « Contract Claims et clauses juridictionnelles des traités relatifs à la protection des investissements », JDI, janv. 2009, no 1.
  • [3]
    J. Paulsson, « Arbitration Without Privity », 10ICSID Rev. 232, 1995. Un tel consentement devait auparavant être trouvé dans un contrat conclu entre l'État et l'investisseur. Le consentement donnée l'avance par l'État - dans le traité ou une loi nationale - permet un arbitrage « transnational unilatéral ».
  • [4]
    C'est le cas des règlements d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, de la London Court of International Arbitration ou encore de la Stockholm Chamber of Commerce.
  • [5]
    La corrélation entre la ratification des traités de protection et un accroissement des investissements étrangers reste difficilement vérifiable en pratique. V. le webcast de l'International Bar Association : « Does access to investment arbitration mitigate risk and thus foster foreign investment ? » ; https://vimeo.com/122429646.
  • [6]
    V. l'étude de K. Miles, The Origins of International Investment Law (Empire, Environment and the Safeguarding of Capital), CUP, 2013, p. 19 : « the origins of the law in this field can be found in the expansion of European trade and investment activity from the seventeenth to early twentieth centuries. Emerging from an international legal System established amongst European nations, the rules on foreign investment protection evolved throughout the "colonial encounter" as a tool to protect the interests of capital-exporting states and their nationals. International investment principles materialised, claiming universality and impartiality, but essentially comprised protection for investors and obligations for capital-importing states to facilitate trade and investment ».
  • [7]
    V. http://europa.eu/rapid/press-releaseJP-15-3201_fr.htm
  • [8]
    A. Depalma, « Nafta's Powerful Little Secret ; Obscure Tribunals Settle Disputes, but Go Too Far, Critics Say », New York Times, 11 mars 2001.
  • [9]
    N. Bernasconi-Osterwalder et M. Dietrich Brauch, « The State of Play in Vattenfall v. Germany II : Leaving the German public in the dark », IISD Publication Paper, déc 2014.
  • [10]
    La plainte a été déposée par une filiale allemande de la SA Vattenfall Europe avec siège à Berlin, elle-même filiale de Vattenfall AB, une société qui appartient 100 % à l'État suédois. Il convient de noter les doutes exprimés par le Barreau fédéral allemand sur la recevabilité de la plainte en raison du contrôle déterminant exercé par l'État suédois sur le groupe Vattenfall (Avis no 58, déc. 2012, B.-I.).
  • [11]
    La plainte a été déposée par la maison mère, c'est-à-dire un groupe public suédois.
  • [12]
    Le traité sur la charte de l'énergie ratifié par la Suède et l'Allemagne.
  • [13]
    Deux types d'engagements peuvent habituellement être distingués dans les traités. Le premier oblige un État à accorder aux investisseurs protégés un traitement à tout le moins équivalent à celui qui est accordé aux autres investisseurs présents sur son territoire. Le second oblige à garantir certains standards de protection indépendamment de toute comparaison avec d'autres investisseurs. De plus, toute expropriation doit nécessairement répondre à des motifs d'intérêt public et être accompagnée d'une indemnisation. Pour autant, en cas de violation d'une obligation du traité, une clause de sauvegarde peut justifier l'adoption de mesures nécessaires à la protection de la vie ou de la santé des hommes, des animaux ou des plantes.
  • [14]
    V. E. Gaillard, (General Editor), Precedent in International Arbitration, IAI International Arbitration Series No. 5 Juris Publishing, 2008.
  • [15]
    V. à titre d'exemple l'article 3 de l'accord entre la France et l'Argentine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements signé à Paris le 3 juillet 1991 : « (c)hacune des parties contractantes s'engage à assurer, sur son territoire et dans sa zone maritime, un traitement juste et équitable, conformément aux principes du droit international, aux investissements effectués par des investisseurs de l'autre partie et à faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit entravé ni en droit ni en fait ».
  • [16]
    V. en ce sens Tecmed c/ Mexique, affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2, sentence du 29 mai 2003, §154 ; Metaclad c/ Mexique, affaire CIRDI no ARB(AF)/9//1, sentence du 30 août 2000, §99 ; LG&E c/ Argentine, affaire CIRDI no ARB/02/1, sentence du 3 oct. 2006, §124 ; Occidental c/ Ecuador, affaire LCIA no UN 3467, sentence du 1er juill. 2004, § 183.
  • [17]
    V. à titre d'exemple l'article X(2) de l'accord entre la Suisse et les Philippines concernant la promotion et la protection réciproque des investissements du 31 mars 1997 : « (c)hacune des parties contractantes se conformera à toutes ses obligations à l'égard d'un investissement effectué sur son territoire par un investisseur de l'autre partie contractante ».
  • [18]
    V. en ce sens SGS c/ Philippines, affaire CIRDI no ARB/02/6, sentence du 29 janv. 2004, §128 : « [the umbrella clause] makes it a breach of the [treaty] for the host State to fail to observe binding commitments, including contractual commitments, which it has assumed with regard to specific investments ».
  • [19]
    http://europa.eu/rapid/press-release-IP-15-3201_fr.htm.
  • [20]
    Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA).
  • [21]
    http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/september/tradoc_152806.pdf.
  • [22]
    Pour autant, le texte protège explicitement les attentes légitimes des investisseurs : « when applying the above fair and équitable treatment obligation, a tribunal may take into account whether the Party made a specific representation to an investor to induce a covered investment, that created a legitimate expectation, and upon which the investor relied in deciding to make or maintain the covered investment, but that the Party subsequently frustrated ».
  • [23]
    Il s'agit là de la volonté du Canada. L'Union européenne propose elle l'inclusion d'une telle clause.
  • [24]
    Le texte précise en outre que des mesures non-discriminatoires poursuivant un intérêt public ne constituent pas une expropriation indirecte, sauf si elles sont a « manifestement excessives ».
  • [25]
    L. Johnson, « The Transparency Rules and Transparency Convention : A good start and model for broader reform in investor-state arbitration », Columbia FDI Perspectives, no 126, 2014.
  • [26]
    D. P. Fernández-Arroyo, « Transparencia en el arbitraje de inversiones », in International Investment Law in Latin America : Problems and Prospects, (L. Gradoni and A. Tanzi, éd.) Brill, 2015.
  • [27]
    L'interprétation des traités doit ainsi satisfaire les règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités. La question se pose de savoir comment cette exigence pourra être vérifiée et garantie en pratique.
  • [28]
    Z. Douglas, « The Hybrid Foundations of Investment Treaty Arbitration », 74 BYBIL 151, 2003, pp. 1 60-184.
  • [29]
    Le recours croissant au tiers-financement permet aux investisseurs de financer les importants coûts d'une procédure de RDIE. V. sur ce sujet « Third-party Funding in International Arbitration », Dossiers de l'Institut du droit des affaires internationales de la CCI, 2013.
    Si elle ne fait l'objet d'aucune réglementation spécifique à ce jour, cette pratique peut compromettre l'intégrité du processus arbitral en raison de possibles conflits d'intérêt entre le tiers-financeur et le tribunal arbitral et du possible contrôle du tiers-financeur sur l'investisseur. Pour autant, un premier tribunal vient d'ordonner à un investisseur de révéler le nom de son tiers-financeur ainsi que les modalités du contrat de financement. V. Cap & Sehil c/ Turkménistan, Affaire CIRDI N° ARB/12/6, Ordonnance de procédure no3 du 15 juin 2015, §13.
  • [30]
    V. par exemple l'arrêt du 19 juin 2012 de la CIJ dans l'affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c/ République démocratique du Congo).
  • [31]
    V. en ce sens G. Van Harten, Investment Treaty Arbitration and Public Law, OUP, 2007.
  • [32]
    V. en ce sens la résolution non contraignante adoptée par le Parlement européen le 8 juillet 2015 qui suggère de remplacer le RDIE par « un nouveau système (...) soumis aux principes et contrôle démocratiques, où les affaires éventuelles seront traitées dans la transparence par des juges professionnels indépendants, nommés par les pouvoirs publics, en audience publique, et qui comportera un mécanisme d'appel (...) » [V. §1(d)(xv)]. La Commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström a en ce sens proposé le 16 Septembre 2015 de remplacer le mécanisme arbitral par un système juridictionnel. Cette proposition vaut pour l'ensemble des nouveaux instruments conventionnels que l'Union européenne est amenée à conclure, y compris le PTCI. V. le blog de la Commissaire : https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/malmstrom/blog/proposing-investment-court-system_en, le communiqué de presse officiel : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5651_fr.htm et le texte de la proposition européenne : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/september/tradoc_53807.pdf.
  • [33]
    Il faut à cet égard noter le maintien du mécanisme arbitral dans le texte final des négociations de l'Accord de partenariat transpacifique (Transpacific Partnership Agreement) auquel les États-Unis sont partie. V. le texte dévoilé le 5 novembre 2015 : http://www.mfat.govt.nz/downloads/trade-agreement/transpaci-fic/TPP-text/9.%20Investment%20Chapter.pdf. Sans doute l'instauration d'un organe d'appel apparaît plus probable. Si la majorité des traités conclus par les États-Unis depuis 2002 envisage la création d'un tel organe, cette possibilité est à ce jour restée lettre morte.
  • [34]
    Une part non négligeable de procédures de RDIE est conduite sous l'égide du CIRDI qui est exclusivement ouvert aux litiges d'investissements. Les procédures et règles du CIRDI s'inspirent d'instruments de droit international public (e.g. le statut et les règles de la Cour internationale de justice ou le modèle de règles sur la procédure arbitrale développé par la Commission du droit international). La reconnaissance et l'exécution des sentences CIRDI obéit surtout à un régime distinct de celui de l'arbitrage commercial international : l'article 54(1) de la Convention CIRDI prévoit que « chaque État contractant reconnaît toute sentence (...) comme obligatoire et assure l'exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait d'un jugement définitif d'un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État ». Ce faisant, les sentences CIRDI échappent à tout contrôle du juge national. À l'inverse, le régime de reconnaissance et d'exécution des sentences étrangères en arbitrage commercial international - aujourd'hui largement harmonisé grâce à la Convention de New York de 1958 et ses156 États parties - autorise le juge national à refuser dans certains cas la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale (v. article 5).
  • [35]
    A. Roberts, « Clash of Paradigms : Actors and Analogies Shaping the Investment Treaty System », 107 AJIL 45, 2013, plus particulièrement pp. 51-57.
  • [36]
    La volonté de séparer les deux contentieux est également nette s'agissant du retrait de la clause du « respect des obligations prises à l'égard des investisseurs » qui, selon une interprétation - contestée -, permet de sanctionner, à travers le traité, une violation d'un contrat liant l'État et l'investisseur.
  • [37]
    Le raccourci que la critique ne manque pas de faire doit pourtant être écarté : cette « double casquette » n'est pas en soi problématique, notamment lorsqu'elle s'accompagne d'une double expertise et compétence. Elle ne saurait pas à elle seule disqualifier un arbitre.
  • [38]
    Classiquement, le tribunal arbitral se compose d'un arbitre unique ou d'un nombre impair d'arbitres nommés conformément à l'accord des parties. Habituellement, le tribunal comprend trois arbitres : chaque partie nomme un arbitre et le troisième, qui est le président du tribunal, est nommé par accord des parties.
  • [39]
    V. en ce sens G. Van Harten et M. Loughlin, « Investment Treaty Arbitration as a Species of Global Administrative Law », EJIL, vol. 17, 1, 2006, p. 148.
  • [40]
    Le tribunal arbitral peut ordonner la restitution en cas d'expropriation mais l'État peut toujours opter pour le paiement de dommages et intérêts.
  • [41]
    A. Mills, « Antinomies of Public and Private at the Foundations of International Investment Law and Arbitration », JIEL, vol. 14, 2, 2011, p.471.
  • [42]
    A. Roberts, préc. p. 45.
  • [43]
    V. en ce sens la contribution de Florian Grisel et Thomas Schultz du 21 juillet 2015 sur le site du journal Le Monde : « la victoire récente obtenue par les sociétés Yukos Universal Limited, Hulley Enterprises Limited et Veteran Petroleum Limited à l'encontre de l'État russe (condamné à 50 milliards de dollars à la suite de la prise de contrôle de la société loukos par ce dernier) montre les vertus d'indépendance du modèle arbitral ».
  • [44]
    Les économies de part et d'autre de l'Atlantique réunissent à elles seules plus d'un dixième de la population mondiale, plus de 45 % du PIB mondial et près d'un tiers du commerce mondial de marchandises et de services.

Introduction

1L'inclusion d'un chapitre dédié à la protection des investissements étrangers dans le projet de Partenariat de commerce et d'investissement entre l'Union européenne et les États-Unis (PTCI [1]) suscite récemment beaucoup d'inquiétudes au sein de la société civile européenne. En réponse, la Commission européenne a, dans un mouvement sans précédent, gelé les négociations du PTCI afin de lancer une consultation massive sur la question.

2Un bref rappel est nécessaire pour mieux comprendre le modus operandi de cette protection [2]. Classiquement, les traités de protection contiennent des engagements matériels en faveur des investissements étrangers et privilégient l'arbitrage pour le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE). Le RDIE repose habituellement sur une clause juridictionnelle par laquelle chaque État accepte, par avance, que les différends relatifs aux investissements effectués sur son territoire par les investisseurs nationaux d'un autre État partie au traité puissent être portés, contre lui et par ces investisseurs, devant un tribunal arbitral [3]. Les États peuvent décider de conduire le RDIE sous l'égide du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) ou autoriser les investisseurs à choisir parmi une large offre de règlements d'arbitrages qui sont également utilisés en arbitrage commercial international [4].

3 Avant d'entamer une analyse critique de ce système de protection, il convient de distinguer deux types d'interrogations. La première concerne l'étendue de la protection ainsi accordée : quel degré de protection est garanti et dans quelles conditions l'investisseur peut-il faire valoir cette protection ? La seconde concerne l'opportunité même de protéger : pourquoi aujourd'hui accorder une telle protection aux investisseurs ? Les lignes à suivre proposent une réflexion s'agissant de la première. S'agissant de la seconde, il convient simplement de rappeler que la protection doit stimuler une activité économique mutuellement avantageuse pour les parties au traité [5]. À cet égard, certains ne manquent pas de lier ce système à une (ancienne) logique colonialiste ou impérialiste [6]. Il est vrai qu'à l'origine la protection répondait surtout à la volonté d'un petit groupe d'États développés et exportateurs de capitaux d'assurer à leurs investisseurs une protection maximale à l'étranger. Les États peu développés et essentiellement importateurs de capitaux étaient fatalement les seuls défendeurs dans le cadre du RDIE. Les États exportateurs de capitaux sont alors restés discrets quant au degré de protection accordé en pratique à leurs investisseurs, et ce malgré la critique grandissante formulée à son encontre. Reste qu'aujourd'hui cette configuration n'est plus d'actualité. Globalisation oblige, il est impossible de distinguer des États uniquement exportateurs et importateurs de capitaux. Étant progressivement amenés à se défendre devant ces tribunaux arbitraux (initialement plébiscités), le retour en force de ces États pour s'assurer une meilleure mainmise sur le contentieux est depuis plusieurs années manifeste.

4Après avoir mis en perspective le coeur de la critique avec la pratique arbitrale contemporaine (1), il convient de présenter la réforme proposée par les négociateurs (2). L'occasion se présente ainsi de fondamentalement repenser cette protection et de reconsidérer d'éventuelles alternatives (3).

La critique face à la réalité de la pratique

5Les principaux arguments des critiques ont été recensés à l'occasion de la consultation publique précédemment évoquée [7]. Les droits excessifs accordés aux investisseurs étrangers dissuaderaient surtout les États de légiférer dans l'intérêt général. Le recours à l'arbitrage est également sous le feu des critiques pour son manque de transparence. Le New York Times dénonçait déjà en 2001 l'existence de tribunaux « obscurs » dont les procédures sont secrètes, dont les décisions ne sont pas systématiquement publiées et dont les arbitres sont généralement des inconnus [8]. Un quotidien allemand a plus récemment évoqué une Schattenjustiz, c'est-à-dire une justice de l'ombre.

6Deux litiges sont régulièrement cités par les critiques. Le premier concerne les nouvelles réglementations imposant des emballages neutres de paquets de cigarettes en Australie et en Uruguay. Le fabricant de tabac Philip Morris a depuis saisi plusieurs tribunaux arbitraux arguant que l'exigence de neutralité constitue une expropriation de ses marques commerciales. Le second concerne la plainte déposée par le groupe suédois Vattenfall suite à la sortie du nucléaire décidée par la République fédérale d'Allemagne en réponse à la catastrophe nucléaire de Fukushima.

7Mais que vaut la critique face à la réalité de la pratique ? Banal dans le paysage du droit des affaires, l'arbitrage reste mal connu du grand public. La simple mention de ces litiges, alors même que les tribunaux arbitraux en question n'ont pas encore tranché les litiges, rappelle qu'à bien des égards les critiques reposent non pas tant sur d'éventuels dysfonctionnements du système que sur un refus péremptoire d'accorder une telle protection aux investisseurs étrangers.

8Il apparaît néanmoins intéressant de poursuivre l'analyse avec la procédure initiée par Vattenfall contre la RFA. Un bref rappel des faits s'impose, tant le différend s'inscrit outre-Rhin dans une saga pleine de rebondissements [9]. Un agenda de sortie du nucléaire est élaboré dès les années 2000 mais la durée d'exploitation des centrales nucléaires allemandes est finalement prolongée en 2010. En 2011, le Bundestag décide une sortie définitive d'ici à l'année 2022, ainsi que la fermeture immédiate des plus vieilles centrales. La filiale allemande du groupe suédois Vattenfall a ainsi été contrainte de fermer deux centrales sans pour autant obtenir une indemnisation. Comme ses concurrents allemands, Vattenfall a pu saisir la cour constitutionnelle allemande pour se plaindre de la violation de ses droits fondamentaux [10]. À la différence de ses concurrents allemands [11], Vattenfall a également pu saisir un tribunal CIRDI sur la base d'un traité d'investissement [12]. Pour autant, les deux juridictions sont amenées à se prononcer sur la décision de 2011 avec plusieurs différences notables. Le tribunal CIRDI devra se prononcer sur une éventuelle violation du traité d'investissement et pourra éventuellement ordonner le versement de dommages et intérêts. Le Bundesverfassungsgericht devra apprécier la constitutionnalité de la décision de 2011 et pourra, le cas échéant, ordonner son annulation. Le Bundestag pourrait ainsi être invité à accorder une indemnisation.

9Quid de la transparence du différend ? Un nombre croissant de procédures de RDIE autorise la tenue d'audiences en public et la participation des tiers. La publication des sentences arbitrales y est quasi systématique. Néanmoins, force est de reconnaître que la procédure susmentionnée est opaque. Exception faite de la composition du tribunal arbitral, le site du CIRDI mentionne, sans pour autant en révéler le contenu, un échange de mémoires concernant le fond du litige, plusieurs ordres procéduraux au sujet de la confidentialité de certains documents et une demande d'une tierce partie - non identifiée -afin de présenter un mémoire d'amicus curiae.

10Quid du fond du litige ? La demande de Vattenfall n'est, à tout le moins, pas « manifestement dénuée de fondement juridique », ayant survécu au moyen préliminaire soulevé à cet effet par la RFA. Il est seulement possible de spéculer sur le fondement de cette demande. Si la sortie du nucléaire motive la plainte de l'investisseur, le tribunal arbitral devrait avant tout avoir à se prononcer sur l'absence de compensation et sur la portée de la loi précédente qui garantissait une prolongation de la durée d'exploitation des centrales. Assurément, l'investisseur invoquera la violation de ses légitimes attentes à cet égard. Il est trop ambitieux de vouloir prédire ici la décision finale du tribunal arbitral [13]. Le manque de prévisibilité quant à l'interprétation de ces traités est patent. La rédaction des traités a laissé une discrétion importante aux arbitres qui ont progressivement développé ce droit ou, à tout le moins, précisé ses contours [14]. Reste qu'en pratique certaines clauses comme le « traitement juste et équitable » [15] ont pu être interprétées comme un gage général de transparence, et de stabilité - voire, d'immuabilité - de l'environnement juridique de l'investisseur [16]. Certains tribunaux ont également considéré qu'en application de la clause du « respect des obligations à l'égard de l'investisseur » [17] [dite clause parapluie] la violation d'un contrat entre l'investisseur et l'État d'accueil pouvait mécaniquement constituer une violation du traité [18].

11 Plutôt que de préciser ici le degré de protection habituellement accordé en pratique aux investisseurs, il est possible de concéder aux critiques, comme le fait la Commission européenne, qu'une grande majorité des traités actuellement en vigueur n'est pas satisfaisante à cet égard [19]. Ce cinglant aveu suffit à expliquer pourquoi le système n'a aujourd'hui pas bonne presse.

Clarification et sophistication des traités en réponse à la critique

12Une fois les contours de cette critique esquissés, il convient de s'intéresser à la réponse des négociateurs du PTCI. Il n'est possible d'en avoir qu'un aperçu puisque le texte de négociation n'est pas disponible. Afin d'illustrer sa position, la Commission européenne se réfère néanmoins directement à l'Accord économique et commercial global (AECG [20]) qu'elle a récemment négocié avec le Canada. Le texte marque incontestablement un tournant [21]. Il convient ici rapidement d'en suggérer la tendance globale.

13Les engagements matériels y font l'objet d'une importante clarification. L'emploi de formules telles que « for greater certainty », ne pouvant répondre qu'à des considérations autres que juridiques, sonne formellement comme une mise en garde adressée aux arbitres.

14 Ainsi :

  • La rédaction des clauses est revue, corrigée et complétée par des définitions. Par exemple, le « traitement juste et équitable » fait l'objet d'une définition à l'aide d'un catalogue de situations activant le jeu de la clause. De cela il ne ressort aucun gage général d'immuabilité de l'environnement juridique [22].
  • Certaines clauses - très contestées - ont tout bonnement disparu, comme la clause du « respect des obligations prises à l'égard des investisseurs » [23].
  • Le bénéfice de la protection est reconditionné. Afin d'éviter les abus de sociétés dites boîtes aux lettres, l'investisseur doit - pour être protégé - avoir une « activité commerciale importante » dans l'État d'accueil.
  • Le droit des États de réglementer dans la poursuite d'un intérêt général est confirmé dans le préambule et dans le texte [24].

15À cela s'ajoute une profonde sophistication du mécanisme arbitral :

  • La transparence est encadrée par le règlement élaboré dans le cadre onusien de la CNUDCI [25], c'est-à-dire une codification nec plus ultra des différentes avancées que les tribunaux arbitraux avaient jusque-là péniblement pu accorder. Il prévoit la publication des documents et informations relatifs à la procédure, la conduite des audiences en public ainsi que la possibilité pour des tiers de présenter des observations (amicus curiae) [26].
  • Les lignes directrices de l'International Bar Association sur les conflits d'intérêts sont applicables, bien qu'il s'agisse à l'origine d'un instrument de droit mou.
  • Une expertise en droit international public, en particulier de l'investissement, est exigée des arbitres [27]. Une expérience dans la résolution des litiges fondés sur les traités d'investissements ou d'accords commerciaux internationaux est « souhaitable ».
  • Les États réaffirment un droit de regard sur le contentieux. Un comité est habilité à adopter des interprétations contraignantes et décide de la date à partir de laquelle ses interprétations s'imposent aux tribunaux arbitraux.

16Si la réforme envisagée mérite d'être saluée, plusieurs observations peuvent être formulées à son encontre.

17Premièrement, les négociateurs ne remettent pas en question l'existence de droits propres des investisseurs. Ils rejettent une approche timidement envisagée en doctrine selon laquelle les traités n'accorderaient des droits qu'aux États et non aux investisseurs [28]. Dès lors, ce ne serait que par commodité que ces derniers pourraient faire valoir les droits appartenant à l'État de leurs nationalités.

18Deuxièmement, bien qu'il soit expressément envisagé, le réexamen des décisions de RDIE au moyen d'un mécanisme d'appel n'est pas décidé dans le texte. La critique y voit pourtant un défaut majeur du système actuel.

19Troisièmement, une prudence générale s'impose. Seule la pratique à venir permettra de confirmer l'efficacité de cette réforme dans la clarification des engagements matériels et l'amélioration des procédures. Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans le piège de la transparence en trompe-l'oeil. Le règlement CNUDCI ne garantit pas la transparence : il ne fait que l'encadrer par un jeu de principes et d'exceptions. C'est à l'arbitre qu'incombe la lourde tâche de satisfaire, en consultation avec les parties au litige, les légitimes exigences de transparence du public. À cet égard, force est de constater que le texte manque d'adresser l'épineuse question du financement des procédures par les tiers [29].

20Quatrièmement, le souci manifeste affiché par les négociateurs de perfectionner le mécanisme arbitral du RDIE témoigne de la fragile légitimité dont ce dernier jouit à ce jour.

Repenser le RDIE : quelles alternatives ?

21De prime abord, les négociateurs de l'AECG font le choix de maintenir un mécanisme arbitral perfectionné. Avant de réfléchir à la portée des ajustements envisagés, il convient d'évoquer de possibles alternatives.

22Le recours aux juridictions nationales. Le recours à l'arbitrage est historiquement justifié par la volonté d'échapper à la possible partialité et lenteur des tribunaux de l'État accueillant l'investissement étranger. Assurément, l'argument tient plus péniblement dans le contexte transatlantique bien que la qualité du système judiciaire varie toujours d'un tribunal à l'autre de chaque côté de l'Atlantique. C'est également une considération politique qu'il convient de ne pas perdre de vue : comment imposer un mécanisme arbitral dans le cadre d'un futur partenariat avec la Chine - où il serait assurément plus pertinent - dans l'hypothèse où le PTCI n'en inclurait pas ?

23Le système interétatique de la protection diplomatique. Cette protection permet à un État de prendre fait et cause pour l'un de ses nationaux [30]. Une telle protection n'est pas obligatoire et il n'est pas raisonnable de penser aujourd'hui qu'un État puisse prendre fait et cause pour chacun de ces investisseurs à l'occasion d'un litige. Nombreuses sont les considérations - diplomatiques ou économiques - qui vont dissuader un État d'engager une telle procédure.

24La création d'une cour permanente pour le RDIE. En dépit de plusieurs propositions doctrinales [31] et politiques [32] en ce sens, les États ont jusqu'à ce jour toujours rejeté l'idée de confier le RDIE à une cour permanente. Le recours à l'arbitrage permet de contenir l'émergence d'une réelle jurisprudence : les « cartes » sont largement redistribuées avec la constitution d'un nouveau tribunal arbitral. La proposition visant à créer une telle cour a peu de chance de voir le jour pour le PTCI, ne serait-ce qu'en raison de la frilosité notoire des États-Unis de se soumettre au scrutin d'une juridiction internationale permanente [33].

25Rejetant ces alternatives, l'AECG maintient in fine le recours à l'arbitrage pour le RDIE. Pour autant, ce dernier fait l'objet de profonds ajustements plus riches de conséquences qu'il n'y paraît au premier abord. Ces derniers témoignent d'une volonté de recalibrage d'une discipline en quête de légitimité.

26Les négociateurs tentent de contrer l'influence que l'arbitrage international commercial a pu avoir sur le RDIE. En témoignent l'utilisation des mêmes règles pour la conduite de l'arbitrage, un régime de reconnaissance et d'exécution des sentences commun et l'administration des litiges par les mêmes institutions arbitrales. La doctrine et le monde universitaire n'échappent pas à ce constat : ces deux types d'arbitrage sont souvent enseignés et étudiés conjointement. Bien qu'il soit possible de nuancer ce constat [34], le lien de parenté est incontestable. Pour autant, l'inadéquation du modèle commercial aux besoins du RDIE est flagrante.

27Premièrement, s'agissant de la transparence. Le modèle commercial a érigé en principes fondamentaux de son fonctionnement le secret de la procédure (c'est-à-dire l'exclusion des tiers de la procédure arbitrale.) et le respect de la confidentialité de l'arbitrage (c'est-à-dire l'interdiction de révéler toute information liée à la procédure à des tiers). Ce faisant, il empêche tout examen publico-médiatique du différend. Maintenir la confidentialité est acceptable pour une justice arbitrale entre acteurs privés. A contrario, la transparence est nécessaire dans le RDIE, eu égard à l'intérêt général inhérent à ce type de différends. Si un arbitre a pu autrefois constater que l'arbitrage international n'était pas un « sport spectacle », les efforts de la CNUDCI indiquent que le RDIE doit le devenir.

28Deuxièmement, s'agissant des arbitres. La frontière séparant les deux contentieux est poreuse ; un nombre non négligeable d'arbitres pratique régulièrement les deux contentieux. L'influence du bagage intellectuel de l'arbitre sur l'interprétation des traités de protection des investissements, et donc du degré de protection accordé en pratique aux investisseurs, est réelle [35]. En conséquence, la composition des tribunaux arbitraux mérite réflexion. Les différences entre un litige contractuel et un litige concernant des actes pris par un État souverain sont nombreuses [36]. Les possibles divergences dans l'interprétation des traités par le publiciste internationaliste et le commercialiste privatiste ne sont pas négligeables. En exigeant avant tout une expertise en droit international public, les négociateurs envoient un signal fort et bienvenu [37].

29Troisièmement, s'agissant des parties aux différends. L'arbitrage commercial international repose sur une égalité parfaite des parties [38]. Les négociateurs limitent pourtant le droit des parties de librement choisir leurs arbitres en exigeant certaines qualifications de ces derniers. En imposant des procédures transparentes, ils restreignent le droit des parties d'organiser la procédure arbitrale comme elles l'entendent. Contrairement aux États, les investisseurs ne peuvent pas préciser l'interprétation des traités. En réaffirmant aussi nettement le double rôle de l'État (partie au différend et au traité), les négociateurs assument l'inégalité des parties au différend dans le cadre du RDIE.

30Si l'étude comparative de ces deux types d'arbitrage demeure intéressante, une distinction plus franche de ces « faux-jumeaux » est souhaitable en pratique.

31Pour autant, les négociateurs n'embrassent pas pleinement le paradigme opposé qui tend à appréhender le RDIE comme une branche du droit public des États dont l'organisation serait internationalisée [39]. Si les arbitres ont bien pour fonction de contrôler l'exercice de la puissance publique et d'en réparer les excès, les négociateurs précisent qu'en aucun cas un État ne pourrait être contraint par un tribunal arbitral à retirer sa réglementation. L'arbitre ne peut décider que du paiement de dommages et intérêts [40].

32Dès lors, le RDIE - tel qu'il est désormais envisagé - prend nettement ses distances avec l'arbitrage international commercial et maintient celles qui le séparent déjà de la résolution judiciaire des litiges de droit public. Il demeure insolite dans le paysage classique de la résolution des litiges. Reste à savoir si l'équilibre ainsi trouvé entre la prise en compte des intérêts privés et publics est viable sans une réelle reconsidération des fondations du système [41]. L'excellent parallèle fait en doctrine entre la naissance, du RDIE et la découverte de l'ornithorynque est ainsi toujours des plus pertinents [42]. La bizarrerie de l'animal - ovipare mais aussi mammifère - avait forcé la révision de la traditionnelle distinction entre ces catégories au profit d'une nouvelle catégorie de classification. De la même manière, pourquoi n'y aurait-il pas de perspective durable pour un tel ornithorynque juridique ? C'est assurément le pari que font les négociateurs de l'AECG et du PTCI face à la critique.

Conclusion

33Bien que souvent décriée, la protection conventionnelle des investissements étrangers est parfois applaudie. Notamment lorsqu'elle permet de réussir là où d'autres juridictions semblent plus pusillanimes à condamner des États (ou échouent plus simplement faute de consentement de ces derniers de se soumettre au scrutin du juge ou de l'arbitre international) [43]. Assurément, la protection a été efficace. Peut-être trop à en croire la critique.

34La réforme proposée marque un cinglant aveu : la protection accordée n'est pas suffisamment encadrée. Ainsi, son étendue est réévaluée pour être redéfinie et encadrée dans l'AECG. De profonds ajustements sont envisagés pour contrer l'influence inadéquate de l'arbitrage commercial international. La dimension publique des litiges est reconnue mais la pierre angulaire du système reste inchangée : un mécanisme arbitral permet aux investisseurs étrangers de faire valoir leurs droits contre l'État d'accueil de l'investissement.

35Si les tentatives de multilatéralisation de cette protection ont à ce jour systématiquement échoué, les mega traités en cours de négociation ont inévitablement vocation à servir de modèle sinon d'inspiration [44]. L'effort de clarification de l'AECG - louable mais peut-être insuffisant - doit à tout le moins être concrétisé dans le PTCI. Il est intéressant de noter que les négociateurs de projets concurrents semblent moins enclins au changement. Ce dernier est néanmoins vital pour une discipline en quête de légitimité.


Date de mise en ligne : 01/04/2019

https://doi.org/10.3917/cdlj.1504.0615

Notes

  • [1]
    Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP)
  • [2]
    Le dernier rapport de la CNUCED présente une vue d'ensemble : http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/web-diaepcb2015d1_en.pdf V. également la présentation faite par P. Mayer : « Contract Claims et clauses juridictionnelles des traités relatifs à la protection des investissements », JDI, janv. 2009, no 1.
  • [3]
    J. Paulsson, « Arbitration Without Privity », 10ICSID Rev. 232, 1995. Un tel consentement devait auparavant être trouvé dans un contrat conclu entre l'État et l'investisseur. Le consentement donnée l'avance par l'État - dans le traité ou une loi nationale - permet un arbitrage « transnational unilatéral ».
  • [4]
    C'est le cas des règlements d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, de la London Court of International Arbitration ou encore de la Stockholm Chamber of Commerce.
  • [5]
    La corrélation entre la ratification des traités de protection et un accroissement des investissements étrangers reste difficilement vérifiable en pratique. V. le webcast de l'International Bar Association : « Does access to investment arbitration mitigate risk and thus foster foreign investment ? » ; https://vimeo.com/122429646.
  • [6]
    V. l'étude de K. Miles, The Origins of International Investment Law (Empire, Environment and the Safeguarding of Capital), CUP, 2013, p. 19 : « the origins of the law in this field can be found in the expansion of European trade and investment activity from the seventeenth to early twentieth centuries. Emerging from an international legal System established amongst European nations, the rules on foreign investment protection evolved throughout the "colonial encounter" as a tool to protect the interests of capital-exporting states and their nationals. International investment principles materialised, claiming universality and impartiality, but essentially comprised protection for investors and obligations for capital-importing states to facilitate trade and investment ».
  • [7]
    V. http://europa.eu/rapid/press-releaseJP-15-3201_fr.htm
  • [8]
    A. Depalma, « Nafta's Powerful Little Secret ; Obscure Tribunals Settle Disputes, but Go Too Far, Critics Say », New York Times, 11 mars 2001.
  • [9]
    N. Bernasconi-Osterwalder et M. Dietrich Brauch, « The State of Play in Vattenfall v. Germany II : Leaving the German public in the dark », IISD Publication Paper, déc 2014.
  • [10]
    La plainte a été déposée par une filiale allemande de la SA Vattenfall Europe avec siège à Berlin, elle-même filiale de Vattenfall AB, une société qui appartient 100 % à l'État suédois. Il convient de noter les doutes exprimés par le Barreau fédéral allemand sur la recevabilité de la plainte en raison du contrôle déterminant exercé par l'État suédois sur le groupe Vattenfall (Avis no 58, déc. 2012, B.-I.).
  • [11]
    La plainte a été déposée par la maison mère, c'est-à-dire un groupe public suédois.
  • [12]
    Le traité sur la charte de l'énergie ratifié par la Suède et l'Allemagne.
  • [13]
    Deux types d'engagements peuvent habituellement être distingués dans les traités. Le premier oblige un État à accorder aux investisseurs protégés un traitement à tout le moins équivalent à celui qui est accordé aux autres investisseurs présents sur son territoire. Le second oblige à garantir certains standards de protection indépendamment de toute comparaison avec d'autres investisseurs. De plus, toute expropriation doit nécessairement répondre à des motifs d'intérêt public et être accompagnée d'une indemnisation. Pour autant, en cas de violation d'une obligation du traité, une clause de sauvegarde peut justifier l'adoption de mesures nécessaires à la protection de la vie ou de la santé des hommes, des animaux ou des plantes.
  • [14]
    V. E. Gaillard, (General Editor), Precedent in International Arbitration, IAI International Arbitration Series No. 5 Juris Publishing, 2008.
  • [15]
    V. à titre d'exemple l'article 3 de l'accord entre la France et l'Argentine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements signé à Paris le 3 juillet 1991 : « (c)hacune des parties contractantes s'engage à assurer, sur son territoire et dans sa zone maritime, un traitement juste et équitable, conformément aux principes du droit international, aux investissements effectués par des investisseurs de l'autre partie et à faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit entravé ni en droit ni en fait ».
  • [16]
    V. en ce sens Tecmed c/ Mexique, affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2, sentence du 29 mai 2003, §154 ; Metaclad c/ Mexique, affaire CIRDI no ARB(AF)/9//1, sentence du 30 août 2000, §99 ; LG&E c/ Argentine, affaire CIRDI no ARB/02/1, sentence du 3 oct. 2006, §124 ; Occidental c/ Ecuador, affaire LCIA no UN 3467, sentence du 1er juill. 2004, § 183.
  • [17]
    V. à titre d'exemple l'article X(2) de l'accord entre la Suisse et les Philippines concernant la promotion et la protection réciproque des investissements du 31 mars 1997 : « (c)hacune des parties contractantes se conformera à toutes ses obligations à l'égard d'un investissement effectué sur son territoire par un investisseur de l'autre partie contractante ».
  • [18]
    V. en ce sens SGS c/ Philippines, affaire CIRDI no ARB/02/6, sentence du 29 janv. 2004, §128 : « [the umbrella clause] makes it a breach of the [treaty] for the host State to fail to observe binding commitments, including contractual commitments, which it has assumed with regard to specific investments ».
  • [19]
    http://europa.eu/rapid/press-release-IP-15-3201_fr.htm.
  • [20]
    Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA).
  • [21]
    http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/september/tradoc_152806.pdf.
  • [22]
    Pour autant, le texte protège explicitement les attentes légitimes des investisseurs : « when applying the above fair and équitable treatment obligation, a tribunal may take into account whether the Party made a specific representation to an investor to induce a covered investment, that created a legitimate expectation, and upon which the investor relied in deciding to make or maintain the covered investment, but that the Party subsequently frustrated ».
  • [23]
    Il s'agit là de la volonté du Canada. L'Union européenne propose elle l'inclusion d'une telle clause.
  • [24]
    Le texte précise en outre que des mesures non-discriminatoires poursuivant un intérêt public ne constituent pas une expropriation indirecte, sauf si elles sont a « manifestement excessives ».
  • [25]
    L. Johnson, « The Transparency Rules and Transparency Convention : A good start and model for broader reform in investor-state arbitration », Columbia FDI Perspectives, no 126, 2014.
  • [26]
    D. P. Fernández-Arroyo, « Transparencia en el arbitraje de inversiones », in International Investment Law in Latin America : Problems and Prospects, (L. Gradoni and A. Tanzi, éd.) Brill, 2015.
  • [27]
    L'interprétation des traités doit ainsi satisfaire les règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités. La question se pose de savoir comment cette exigence pourra être vérifiée et garantie en pratique.
  • [28]
    Z. Douglas, « The Hybrid Foundations of Investment Treaty Arbitration », 74 BYBIL 151, 2003, pp. 1 60-184.
  • [29]
    Le recours croissant au tiers-financement permet aux investisseurs de financer les importants coûts d'une procédure de RDIE. V. sur ce sujet « Third-party Funding in International Arbitration », Dossiers de l'Institut du droit des affaires internationales de la CCI, 2013.
    Si elle ne fait l'objet d'aucune réglementation spécifique à ce jour, cette pratique peut compromettre l'intégrité du processus arbitral en raison de possibles conflits d'intérêt entre le tiers-financeur et le tribunal arbitral et du possible contrôle du tiers-financeur sur l'investisseur. Pour autant, un premier tribunal vient d'ordonner à un investisseur de révéler le nom de son tiers-financeur ainsi que les modalités du contrat de financement. V. Cap & Sehil c/ Turkménistan, Affaire CIRDI N° ARB/12/6, Ordonnance de procédure no3 du 15 juin 2015, §13.
  • [30]
    V. par exemple l'arrêt du 19 juin 2012 de la CIJ dans l'affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c/ République démocratique du Congo).
  • [31]
    V. en ce sens G. Van Harten, Investment Treaty Arbitration and Public Law, OUP, 2007.
  • [32]
    V. en ce sens la résolution non contraignante adoptée par le Parlement européen le 8 juillet 2015 qui suggère de remplacer le RDIE par « un nouveau système (...) soumis aux principes et contrôle démocratiques, où les affaires éventuelles seront traitées dans la transparence par des juges professionnels indépendants, nommés par les pouvoirs publics, en audience publique, et qui comportera un mécanisme d'appel (...) » [V. §1(d)(xv)]. La Commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström a en ce sens proposé le 16 Septembre 2015 de remplacer le mécanisme arbitral par un système juridictionnel. Cette proposition vaut pour l'ensemble des nouveaux instruments conventionnels que l'Union européenne est amenée à conclure, y compris le PTCI. V. le blog de la Commissaire : https://ec.europa.eu/commission/2014-2019/malmstrom/blog/proposing-investment-court-system_en, le communiqué de presse officiel : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5651_fr.htm et le texte de la proposition européenne : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/september/tradoc_53807.pdf.
  • [33]
    Il faut à cet égard noter le maintien du mécanisme arbitral dans le texte final des négociations de l'Accord de partenariat transpacifique (Transpacific Partnership Agreement) auquel les États-Unis sont partie. V. le texte dévoilé le 5 novembre 2015 : http://www.mfat.govt.nz/downloads/trade-agreement/transpaci-fic/TPP-text/9.%20Investment%20Chapter.pdf. Sans doute l'instauration d'un organe d'appel apparaît plus probable. Si la majorité des traités conclus par les États-Unis depuis 2002 envisage la création d'un tel organe, cette possibilité est à ce jour restée lettre morte.
  • [34]
    Une part non négligeable de procédures de RDIE est conduite sous l'égide du CIRDI qui est exclusivement ouvert aux litiges d'investissements. Les procédures et règles du CIRDI s'inspirent d'instruments de droit international public (e.g. le statut et les règles de la Cour internationale de justice ou le modèle de règles sur la procédure arbitrale développé par la Commission du droit international). La reconnaissance et l'exécution des sentences CIRDI obéit surtout à un régime distinct de celui de l'arbitrage commercial international : l'article 54(1) de la Convention CIRDI prévoit que « chaque État contractant reconnaît toute sentence (...) comme obligatoire et assure l'exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait d'un jugement définitif d'un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État ». Ce faisant, les sentences CIRDI échappent à tout contrôle du juge national. À l'inverse, le régime de reconnaissance et d'exécution des sentences étrangères en arbitrage commercial international - aujourd'hui largement harmonisé grâce à la Convention de New York de 1958 et ses156 États parties - autorise le juge national à refuser dans certains cas la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale (v. article 5).
  • [35]
    A. Roberts, « Clash of Paradigms : Actors and Analogies Shaping the Investment Treaty System », 107 AJIL 45, 2013, plus particulièrement pp. 51-57.
  • [36]
    La volonté de séparer les deux contentieux est également nette s'agissant du retrait de la clause du « respect des obligations prises à l'égard des investisseurs » qui, selon une interprétation - contestée -, permet de sanctionner, à travers le traité, une violation d'un contrat liant l'État et l'investisseur.
  • [37]
    Le raccourci que la critique ne manque pas de faire doit pourtant être écarté : cette « double casquette » n'est pas en soi problématique, notamment lorsqu'elle s'accompagne d'une double expertise et compétence. Elle ne saurait pas à elle seule disqualifier un arbitre.
  • [38]
    Classiquement, le tribunal arbitral se compose d'un arbitre unique ou d'un nombre impair d'arbitres nommés conformément à l'accord des parties. Habituellement, le tribunal comprend trois arbitres : chaque partie nomme un arbitre et le troisième, qui est le président du tribunal, est nommé par accord des parties.
  • [39]
    V. en ce sens G. Van Harten et M. Loughlin, « Investment Treaty Arbitration as a Species of Global Administrative Law », EJIL, vol. 17, 1, 2006, p. 148.
  • [40]
    Le tribunal arbitral peut ordonner la restitution en cas d'expropriation mais l'État peut toujours opter pour le paiement de dommages et intérêts.
  • [41]
    A. Mills, « Antinomies of Public and Private at the Foundations of International Investment Law and Arbitration », JIEL, vol. 14, 2, 2011, p.471.
  • [42]
    A. Roberts, préc. p. 45.
  • [43]
    V. en ce sens la contribution de Florian Grisel et Thomas Schultz du 21 juillet 2015 sur le site du journal Le Monde : « la victoire récente obtenue par les sociétés Yukos Universal Limited, Hulley Enterprises Limited et Veteran Petroleum Limited à l'encontre de l'État russe (condamné à 50 milliards de dollars à la suite de la prise de contrôle de la société loukos par ce dernier) montre les vertus d'indépendance du modèle arbitral ».
  • [44]
    Les économies de part et d'autre de l'Atlantique réunissent à elles seules plus d'un dixième de la population mondiale, plus de 45 % du PIB mondial et près d'un tiers du commerce mondial de marchandises et de services.

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