Notes
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[1]
Les lignes qui suivent constituent la synthèse de la session de formation continue organisée à l'École nationale de la magistrature sur « les modes amiables de résolution des différends » (7-10 avril 2014)
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[2]
G. Cornu, « Les modes alternatifs de règlement des conflits » RIDC, 1997, 2, réed. dans L'art du droit en quête de sagesse, Paris, PUF, 1998, p. 187-198.
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[3]
Loi no 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
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[4]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 187.
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[5]
Vocable préféré par le pouvoir réglementaire, lors de la création du cinquième livre du code de procédure civile par décret no 2012-66 du 20 janvier 2012, intitulé « La résolution amiable des différends ».
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[6]
On reviendra sur chacun de ces acronymes dans les lignes qui suivent.
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[7]
La sous-commission relative au « procès de cognition », constituée par le garde des Sceaux de l'époque, René Capitant, était présidée par Jean Foyer, professeur des universités et alors président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, et réunissait plusieurs personnalités du monde judiciaire et universitaire : Pierre Francon, Jean Buffet, Claude Parodi, Maurice Parmentier, magistrats, Paul Fontaine-Tranchant, avoué près la cour d'appel de Dijon et outre Jean Foyer, Henri Motulsky et Gérard Cornu. L'épisode de la conception et de la rédaction de ce qui allait être le « nouveau code de procédure civile », est raconté par Jean Foyer, « Préface », Le nouveau code de procédure civile (1975-2005), Foyer J. et Puigelier C (dir.), Paris, Economica, p. XIII-XXII.
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[8]
« L'une des tendances majeures du code est d'exalter l'office du juge, non seulement dans la marche de l'instance pour son bon déroulement [...] mais sur la matière du procès dans l'exercice plénier du pouvoir juridictionnel. » (G. Cornu, « L'élaboration du code de procédure civile », RHFD, 1995, no 16, p. 241-255)
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[9]
« À l'origine du pouvoir modérateur du juge », communication prononcée à l'occasion des Journées annuelles de la Société d'histoire du droit à Ljubljana, 5-8 juin 2014, à paraître dans les actes du colloque.
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[10]
Voir sur ce point et l'attribution à Gérard Cornu de l'identification de ce pouvoir particulier du juge : Jérôme Fischer, Le pouvoir modérateur du juge en droit civil français, PUAM, 2004.
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[11]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 188.
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[12]
Il n'est pas question ici de proposer une bibliographie exhaustive concernant la médiation outre-Atlantique, mais d'énoncer les jalons majeurs de cette pensée.
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[13]
Tandis que l'article 21 de la loi du 8 février 1995, modifiée par l'ordonnance du 16 novembre 2011 (no 2011-1540 du 16 novembre 2011, JO du 17 novembre) dispose : « La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »
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[14]
Dont la description et la synthèse figurent dans l'édition de 2005 de The Promise of Mediation.
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[15]
Propos par nous rapportés, prononcés au cours de la session de formation par Marc Juston, président du Tribunal de grande instance de Tarascon (7 avril 2014) [par la suite session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014].
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[16]
Le décret no 2012-66 du 20 janvier 2012 a créé le livre Ve du code de procédure civile : « La résolution amiable des différends ».
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[17]
La « procédure participative » se définit, selon l'article 2062 du code civil, comme une tentative de règlement amiable d'un différend par le moyen d'une « [...] convention par laquelle les parties à un différent qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagement à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ». Cette convention est conclue pour une durée déterminée. »
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[18]
Le droit collaboratif est une méthode de règlement amiable des différends, non codifiée à ce jour, qui tend à permettre à deux parties opposées, avec l'aide de leurs avocats, une négociation raisonnée de leurs intérêts. Les avocats qui développent cette pratique s'astreignent à une déontologie, dont la manifestation la plus spectaculaire est le retrait de l'affaire de l'avocat qui a échoué dans le processus de négociation. Cf. É. Mulon, avocat au barreau de Paris, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[19]
Voir sur cette logique du procès : R. Jacob, La grâce des juges. L'institution judiciaire et le sacré, Paris, PUF, 2014, notamment les lignes consacrées aux procès réglés par le moyen de l'ordalie, p. 84 s. : « La logique du procès était de favoriser le compromis. »
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[20]
J. Timsit, « La médiation : une alternative à la justice et non une justice alternative », Gazette du Palais, 15 novembre 2001, 319, p. 53, qui propose une vision contractualiste de la médiation.
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[21]
Deux mois maximum, renouvelables sans limitation, pour la conciliation (art. 129-1 cpc, lorsque la conciliation est déléguée par le juge) ; trois mois maximum, renouvelables une fois pour la médiation (art. 131-3 cpc, lorsque la médiation est judiciaire).
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[22]
C'est là question de philosophie : alors que les témoignages nous révèlent qu'un conciliateur pleinement conscient de son rôle d'auxiliaire de justice sera actif voire directif dans le processus de conciliation, un médiateur pourra considérer que son rôle doive se limiter à la mise à disposition des parties en présence d'un espace pacifié propice à la recherche mutuelle d'un accord. D'autres médiateurs pourront concevoir que leur rôle doive être moins passif (voir nos développements dans ce texte sur les divergences doctrinales entre les partisans de la « vision facultative » et ceux de la « vision transformative » de la médiation, p. 3, 4 et 7).
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[23]
Dans le cadre d'une conciliation déléguée, le constat d'accord est rédigé par le conciliateur (art. 130 et 131 cpc) ; dans le cadre d'une médiation judiciaire, le médiateur se contente d'informer le juge par écrit de l'issue de la médiation, sans jamais, en principe, participer à la rédaction, le cas échéant, de l'acte d'accord.
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[24]
Art. 131-13 cpc : « À l'expiration de sa mission, le juge fixe la rémunération du médiateur. »
-
[25]
Art. 1er al. 2 du décret no 78-381 du 20 mars 1978, modifié par le décret no 2012-66 du 20 janvier 2012 : « Les fonctions de conciliateur de justice sont exercées à titre bénévole. »
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[26]
« Lors de sa première nomination aux fonctions de conciliateurs de justice, celui-ci prête devant la cour d'appel le serment suivant : « Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d'observer en tout les devoirs qu'elles m'imposent ». » (Art. 8 du décret de 1978, modifié par le décret de 2012).
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[27]
Voir, concernant le médiateur, l'article 21-2 de la loi no 95-125 du 8 février 1995, modifiée par l'ordonnance no 2011-1540 du 16 novembre 2011.
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[28]
Selon une interprétation de l'article 129-1 du code de procédure civile, qui dispose : « Lorsque le juge, en vertu d'une disposition particulière, délègue sa mission de conciliation, il désigne un conciliateur de justice à cet effet, fixe la durée de sa mission et indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée, [...] » (Nous soulignons). Quand bien même les dispositions touchant à la conciliation déléguée figureraient au titre des dispositions communes à toutes les juridictions, les juges des tribunaux de grande instance et des cours d'appel ne peuvent s'appuyer sur aucune « disposition particulière » qui leur permettrait de déléguer leur mission de conciliation issue de l'article 21 du même code. Contrairement aux tribunaux de commerce pour lesquels le décret de 2010 est venu expressément permettre cette délégation, à l'article 860-2 du code de procédure civile : « Si une conciliation entre les parties apparaît envisageable, la formation de jugement peut, avec l'accord des parties, désigner un conciliateur de justice à cette fin. Cette désignation peut revêtir la forme d'une simple mention au dossier. »
-
[29]
J. Poumarède, professeur émérite à l'université Toulouse 1 Capitale, conciliateur de justice, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[30]
Il y a aussi chez certains conciliateurs un refus de se former à ces méthodes, justifié par le fait que celles-ci sont essentiellement des méthodes de communication, qui, selon ces conciliateurs, ne font pas partie du champ d'action du conciliateur.
-
[31]
A. Stimec, « La conscience des limites de la médiation comme moyen de son développement », Bulletin de liaison du laboratoire d'anthropologie juridique de l'université Panthéon-Sorbonne, no 22, sept. 1997.
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[32]
Ph.-R. Bertrand, président de chambre à la cour d'appel de Pau, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[33]
G. Cousteaux, président de chambre à la cour d'appel de Toulouse, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[34]
M. Juston, cf. note 15.
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[35]
M. Juston et Ph.-R. Bertrand, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[36]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 187.
-
[37]
Cass. soc. 28 mars 2000, no de pourvoi 97-42.419 (Durafroid c/ Martin), D. 2000. 537, note J. Savatier ; Dr. soc. 2000. 661, obs. M. Keller ; Cass. soc. 5 décembre 2007, no de pourvoi 06-40.634, RDT 2008. 119, obs. E. Serverin. La question se pose de savoir si ces arrêts de la chambre sociale sont transposables aux autres matières que la matière prud'homale. Dans ces deux arrêts, la cour qualifie la conciliation d'« acte judiciaire ». Toutefois, il apparaît aussi que dans les deux espèces, la sanction du défaut de préservation des droits des parties est liée à la nature transactionnelle de l'accord (absence de vérification de concessions réciproques).
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[38]
N. Fricero, professeur à l'université Sophia-Antipolis de Nice, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[39]
B. Pons, avocat au barreau de Rouen, maître de conférences à l'université de Rouen, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[40]
Article 2 du décret de 1978 modifié par les décrets no 81-583 du 18 mai 1981 et no 96-1091 du 13 décembre 1996.
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[41]
Pierre Garbit, magistrat honoraire, médiateur, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[42]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 189.
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[43]
É. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indoeuropéennes, Paris, Minuit, 1969, vol. II : « Pouvoir, droit, religion », chapitre 4 : « * med-et la notion de mesure », p. 123-132.
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[44]
Op. cit., p. 129.
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[45]
B. Bernabé, « Une vision historique de la médiation judiciaire », La médiation en matière civile et commerciale, F. Osman (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 17-29 ; et « L'autorité du juge et la recherche de l'adhésion », Les cahiers de la justice, 2013/2, p. 151 .
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[46]
Saisir ce retour sur l'autorité nécessite de se débarrasser du présupposé commun qui en a déformé le sens. C'est un effort qui n'est pas toujours produit et qui, hélas, conduit parfois à l'incompréhension (voir sur cette incompréhension J. Mirimanoff, « Pour un Guide sur la Médiation dans les pays de l'Union pour la Méditerranée ? », La médiation en matière civile et commerciale, F. Osman (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 251-264. L'auteur revient pourtant, dans un très court article antérieur, sur des exemples historiques qui auraient naturellement dû l'inviter à envisager et finalement accepter de percevoir le problème sous l'angle de l'autorité : « Procédure civile et processus de médiation : passer d'un mode à l'autre sans en altérer la nature », Le règlement précoce des litiges et le rôle des juges, Conseil de l'Europe, 2005, p. 107-110 [hors annexes]).
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[47]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 198 (G. Cornu souligne).
1En octobre 1996, Gérard Cornu prononça le rapport de synthèse du colloque de Damas consacre aux « modes alternatifs de règlement des conflits », tels qu'on les nommait alors [2]. Voici donc près de vingt ans, immédiatement après l'entrée en vigueur de la loi de 1995 [3] qui accueillait la médiation dans le code de procédure civile, des juristes se pré occupaient de règlement des conflits, en Syrie. Le doyen Cornu, peut-être inspiré, à Damas même, par la visite du tombeau de saint Jean-Baptiste au coeur de la grande mosquée des Omeyyades, eut une vision syncrétique plus encore que synthétique de la question des « MARC » : « Je reçois comme une joie intimidante l'honneur et la charge de pouvoir suivre, grâce, à vos travaux, les chemins si divers qui peuvent conduire, jusqu'à la paix, malgré les heurts des intérêts et la violence des passions, malgré, le feu sur la terre. » [4] Le feu sur la terre. Les mots résonnent comme une fatalité et s'abattent sur notre triste présent comme des tirs de mortier.
2L'hommage ainsi rendu à Gérard Cornu ne semble pourtant pas obligé lorsqu'on évoque aujourd'hui la résolution amiable des différends [5] : voilà un champ du procès que l'un des rédacteurs du code de procédure civile - dont il était - semble avoir évacué, les réformes allant dans le sens des « MARC » ou « MARL » ou « MARID » [6] étant toutes postérieures à la promulgation dudit code. Les observateurs lointains en étaient restés au coeur de la réforme qu'apportait à notre procédure le « nouveau code », et que l'on attribuait à Henri Motulsky : la théorie de l'action et les principes directeurs du procès. Les concepteurs de ce « nouveau code » [7], sont restés célèbres pour avoir voulu « exalter l'office du juge » [8], ce qui n'a pas été sans quelques remous du côté des praticiens, qui y voyaient, à l'époque, une tentative de subtilisation par le juge de ce qui devait dans l'esprit de beaucoup demeurer l'absolue « chose des parties ». Comment, dans le cadre, de cette exaltation, accorder une place à des modes dits « alternatifs », c'est-à-dire pensés a priori comme des objets échappant au juge ? Dans ces conditions, Gérard Cornu et les « MARD » ne pouvaient pas être plus éloignés.
Les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) au coeur de l'office du juge
3C'est pourtant bien au coeur de l'office du juge, reconstitué, en partie par Gérard Cornu, que les « MARD » ont trouvé les conditions de leur résurgence à la fin du XXe siècle. Il sera ailleurs question de retracer le parcours, autant que cela soit possible, de l'apparition, au milieu des principes directeurs du procès, de l'article 21 (« Il entre dans la mission du juge de concilier les parties. ») [9], expression d'une qualité du juge bien identifiée par Gérard Cornu issue de son « pouvoir modérateur » [10]. Car ce n'est pas une mode venue d'outre-Atlantique que ce développement des « MARD ». Gérard Cornu nous avertit à juste titre : « Mais il serait réducteur d'y voir seulement une sécrétion nord-américaine, un produit d'exportation qui, venant des États-Unis, se serait répandu par un effet d'engouement, comme il arrive souvent. » [11] C'est qu'en effet deux chemins sont aujourd'hui confondus. Le premier, le plus récent, le plus visible et le moins broussailleux, est tracé, par des chercheurs nord-américains depuis le début des années 1980 : d'abord l'ouvrage inaugural de Robert Fisher et William Ury, Getting to Yes : Negotiating Agreement ivithout giving in (New York, 1981), rédigé dans le cadre du « Harvard Negotiation Project » de la Harvard Business School, suivi, prolongé (dépassé ?) par notamment les ouvrages de Robert Bush et Joseph Folger (The Promise of Mediation : Responding to Conflict Through Empowerment and Récognition, San Francisco, 1994), puis Laurence Boulle et Kathleen Kelly (Médiation : Principles, Process, Practice, Toronto, 1998) [12]. Le second chemin, plus ancien mais moins balisé car abandonné depuis le début du XIXe siècle, naquit voici longtemps de l'usage d'une justice de proximité tournée, vers le maintien de la vie en commun, vers la préservation des réputations et l'évitement du déshonneur. Comme la multitude des pas creuse la terre au même endroit, marquant le plus sûr trajet à travers la lande, d'autres traces s'effacent, qui passaient par des lieux qui n'intéressent plus.
L'ambition des MARD
4Ces deux chemins, au fond, mènent aux mêmes lieux. Mais les définitions et traductions des chercheurs canadiens, qui ont filtré jusqu'à nous, ont largement contribué à la popularité du « chemin américain ». Pour exemple, la définition de la médiation que donne l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec : « La médiation est un processus par lequel les parties conviennent de demander à un tiers, le médiateur, de les accompagner dans la recherche d'une solution à leur conflit. [...] Le médiateur est là pour aider les parties à trouver elles-mêmes des solutions à leurs conflits et non pour leur imposer des solutions. » Cette définition se retrouve aujourd'hui dans notre, code de procédure civile : « La médiation et la conciliation conventionnelles régies par le présent titre s'entendent, en application des articles 21 et 21-2 de la loi du 8 février 1995 susmentionnée, de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. » [13] Si l'ouvrage de Bush et Folger rejoint celui de Fisher et Ury sur le principe de la médiation, il s'en distingue, quant à la place du médiateur dans le « processus structuré ». Tandis que Fisher et Ury entendent que le médiateur joue un rôle actif dans la conduite du processus menant, à l'accord, Bush et Folger conçoivent un médiateur beaucoup plus effacé. Deux méthodes s'opposent : la médiation intégrative ou facilitative (rôle actif du médiateur) et la médiation transformative (rôle moins actif caractérisé par quatre attitudes [14] : le reflet - par lequel le médiateur joue le rôle de « miroir » des parties -, le résumé - à l'aide duquel, régulièrement dans le processus, le médiateur recentre les points d'achoppement -, la vérification - qui permet au médiateur d'obtenir l'assentiment des parties sur les termes du désaccord -, et le silence volontaire - qui doit permettre au médiateur de s'effacer pour permettre l'émergence d'une solution commune déterminée par les parties). Aussi, les tenants de la médiation s'affrontent sur un point de méthode : le médiateur doit-il être directif ? ou doit-il se contenter de jouer les catalyseurs passifs ?
La tradition française d'une justice pacificatrice
5Les questions ouvertes par les réflexions des chercheurs américains issus des business schools, si elles peuvent aider à l'évolution de la médiation, sont en réalité étrangères à la tradition européenne de la résolution amiable des différends. Point de « sécrétion nord-américaine », ainsi que le faisait remarquer le doyen Cornu, mais la possible adaptation aux enjeux contemporains d'une, longue tradition dont la raison s'est perdue au moment où l'exigence de vérité, magnifiée par la conception moderne - et en dernier lieu positiviste - de la loi, a supplanté l'exigence de concorde. Les MARD ne seraient donc que le retour dans nos codes d'une longue tradition interrompue, qu'accompagnerait un abandon, encore progressif, de la conception positiviste de la loi. Et ce en dépit de la mise en place des justices de paix en 1790. Encore faut-il s'accorder sur ce que l'on doit entendre par « modes amiables de résolution des différends ». Il s'agit de modes « amiables », c'est-à-dire concourant à l'accord des parties jusque-là opposées. Ces modes ne sont en rien à considérer comme « alternatifs » à l'institution judiciaire, comme peut l'être l'arbitrage - qui aboutit à un jugement privé. Si on les dit « extrajudiciaires », pour la conciliation et la médiation conventionnelles, c'est qu'ils sont mis en oeuvre « en dehors du procès » (judicium = procès). Aussi bien conciliation et médiation peuvent être envisagées « dans le procès » (on parle alors de médiation judiciaire, par exemple), à un moment de celui-ci où le juge ou les parties elles-mêmes conçoivent une issue autre que juridictionnelle à leur opposition.
Conflits, litiges et différends
6Judiciaires ou extrajudiciaires, ces modes amiables ont pour fonction d'éteindre la querelle : ce conflit, devenu litige lorsque ses termes juridiques ont été fixés dans la discussion procédurale. Sur ce point de savoir si les modes amiables règlent des conflits, des litiges ou des différends, la doctrine autant que le pouvoir normatif lui-même ne sont pas affirmatifs. Lorsque le pouvoir réglementaire traite de la médiation et de la conciliation conventionnelle (art. 1530 à 1541 du code de procédure civile), il entend que ces modes résolvent des « différends ». Le terme est prudent, car conflit et litige sont appréhendés par le procès. Parfois pris comme synonymes, il convient pourtant de les distinguer. « Le conflit, pollue le litige », « et quand on règle un litige, on ne règle pas nécessairement un conflit » [15]. C'est dire que le conflit peut subsister, alors même que le juge aurait mis fin au litige par sa décision. De sorte que la médiation ou la conciliation, judiciaires ou extrajudiciaires, ont pour vocation de mettre fin tant au litige qu'au conflit - ou plus précisément, par leur raison apaisante, de terminer le litige en vidant le conflit. Le mot choisi pour en rendre compte est. : « différend » - dont l'emploi ne se réduit pas à la stricte résolution extrajudiciaire (médiation et conciliation conventionnelles), ainsi que le laisse entendre le décret de 2012 qui ajoute un livre V au code de procédure civile intitulé « La résolution amiable des différends » [16].
MARD, office direct, office délégué et office virtuel du juge
7Médiation et conciliation sont donc ces moyens ou « modes » reconnus pour résoudre les différends. On y ajoute aujourd'hui la procédure participative [17] et le droit collaboratif [18], qui ont pourtant une place à part, conférée par leur régime propre. Encore faut-il distinguer les différentes expressions de la médiation et de la conciliation qui trouvent leur place dans les différents cercles de l'office du juge, depuis le centre jusqu'à la périphérie : 1. Conciliation par le juge (art. 21, 127 à 129 de code de procédure civile [plus loin « CPC »]) ; 2. Conciliation déléguée (art. 129-1 à 129-5 CPC) ; 3. Médiation judiciaire (art. 131-1 à 131-15 CPC.) ; 4. Médiation conventionnelle, (art 1530 à 1535 CPC) ; 5. Conciliation conventionnelle (art. 1530, 1531 puis 1536 à 1541 CPC) ; 6. Procédure participative (art. 2062 à 2068 code civil et 1542 à 1555 CPC). Il est intéressant de remarquer que l'ensemble de ces déclinaisons a pour repère central l'office du juge. Qu'il soit direct, lorsque le juge lui-même procède à la conciliation au cours de l'instance ; qu'il soit délégué ; qu'il soit virtuel, lorsque la médiation et la conciliation sont conventionnelles, puisqu'il est toujours possible d'y recourir, soit que la tentative de résolution amiable a échoué, soit que les parties entendent faire homologuer leur accord. Une nouvelle lumière éclaire alors la réapparition soudaine de la mission conciliatrice du juge dans l'article 21 du code de procédure civile : non seulement la justice ne se réduit pas au procès, mais encore le procès lui-même n'a pas pour nécessaire finalité une décision - un jugement, un arrêt. Tel qu'il est profondément pensé de 1968 à 1975, le code de procédure civile renoue avec une logique oubliée du procès, qui est de « favoriser le compromis » [19] » Le renversement du paradigme des MARD est complet : loin de proposer une justice alternative, ni même une alternative, à la justice [20], médiation et conciliation s'inscrivent pleinement dans le jeu processuel, quand bien même l'une et l'autre auraient-elles été établies purement conventionnellement. Car ni l'une, ni l'autre ne sont réductibles à la transaction. Elles profitent, pourrait-on dire, d'un élément supplémentaire : ce tiers médiateur ou conciliateur, qui n'est pas nécessaire dans la transaction. Remarquons par ailleurs que pour éteindre un conflit, il n'est point, besoin de vérifier que des concessions réciproques aient été consenties - en outre, une transaction ne vide qu'un litige, elle n'éteint pas le conflit.
Les distinctions entre la médiation et la conciliation
8Jusqu'ici, médiation et conciliation ne sont pas clairement distinguées. C'est que leur finalité est identique : la médiation ayant pour ambition d'aboutir à une conciliation. Aussi a-t-on du mal à saisir la différence entre le processus de conciliation et de médiation, et la vocation de l'une et de l'autre qui est, dans les deux cas, la conciliation. À la lecture des textes, on perçoit des variations de régime, notamment sur les délais [21], ainsi que sur le degré d'implication du tiers, médiateur ou conciliateur, dans le processus lui-même [22] ou dans la formalisation de l'acte d'accord [23]. Les distinctions les plus frappantes résident dans le statut du tiers : tandis que le médiateur est rémunéré [24], le conciliateur est bénévole [25]. Seul le conciliateur, collaborateur occasionnel au service public de la justice, prête un serment [26], alors qu'ils sont pourtant tenus tous deux à des obligations, de confidentialité, d'impartialité, de compétence et de diligence [27] Enfin, différence de taille, en matière de conciliation déléguée et de médiation judiciaire, si la compétence du médiateur est générale - c'est-à-dire qu'il peut être recouru à la médiation devant toute juridiction de jugement - la conciliation est limitée : les textes impliquent l'impossibilité de recourir à la conciliation devant le tribunal de grande instance ainsi que devant la cour d'appel [28]. La question de la pertinence de la coexistence de la médiation et de la conciliation se pose. Elle s'explique par l'histoire, bien sûr : l'oubli de la vocation conciliatrice de la procédure ; l'héritage paradoxal des justices de paix créées à la Révolution à l'origine de la conciliation [29] ; la résurgence, par le canal américain, des principes pacificateurs de la procédure à travers l'introduction, en 1995, de la médiation ; la redécouverte du « pouvoir modérateur du juge » en matière civile rassemblant l'ensemble autour de l'office du juge.
Les méthodes et l'absence de recette
9Pour autant, cette coexistence complique les régimes et leur compréhension. Car les textes ne proposent ni ne décrivent une méthode permettant de parvenir à l'accord. Si bien que le « processus structuré » propre à la conciliation comme à la médiation, est construit de façon empirique. Certes, les méthodes de médiation composées par Fisher et Ury ou Bush et Folger sont religieusement appliquées, selon que l'on a de la médiation une « vision facilitative » ou une « vision transformative ». Le système est si ambigu, entre conciliation et médiation en France, que nombre de conciliateurs se forment aux techniques de la médiation [30]. Mais souvent, ces techniques sont critiquées pour la frontière très mince qu'elles cultivent entre la cristallisation des volontés des parties autour d'un accord et leur manipulation [31].
10Dans le silence des textes quant à la méthode, des pratiques se mettent en place, notamment en matière de médiation judiciaire devant les tribunaux de grande instance (spécialement en matière familiale, qui relève de la spécialité) et cours d'appel. À Pau [32] et à Toulouse [33] de même qu'à Tarascon en matière familiale [34], la médiation judiciaire est privilégiée. Chefs de juridiction et présidents de chambre réfléchissent notamment à l'élaboration de critères d'éligibilité des dossiers à la médiation, ainsi qu'à une façon d'institutionnaliser, dans une certaine mesure, les rapports entre la juridiction et les médiateurs, de sorte que l'expérience menée ne s'évanouisse pas après leur initiative. En effet, « la médiation, ça se travaille » [35]. C'est-à-dire que les efforts fournis par les magistrats pour favoriser le recours à la médiation dans les cas qui le méritent tiennent souvent à la force des personnalités, et se dessèchent dès lors que les magistrats, par le jeu des mutations, quittent le ressort dans lequel ils ont fait fructifier la pratique des modes amiables. C'est ainsi que s'établissent des protocoles de relations entre la juridiction et les associations de médiateurs.
Inconvénients et avantages de la juridictionnalisation des MARD
11Mais le danger, chacun le sent, réside notamment dans une institutionnalisation trop rigide des MARD. Les justices de paix sont mortes, en 1958, de leurs liens trop étroits avec l'institution judiciaire. Puisque chacun a oublié que « justice et paix s'embrassent » [36], les justiciables supposent que c'est en dehors de l'institution judiciaire que la concorde peut se trouver. En l'état actuel des perceptions, il y aurait un risque à trop juridictionnaliser les modes amiables par la construction de régimes et de méthodes de mise en oeuvre textuellement dirigés. La liberté laissée aux praticiens comporte toutefois l'inconvénient de permettre des pratiques hétérogènes d'une juridiction à l'autre - hétérogénéité qui peut toutefois être combattue par l'exposé des pratiques et le dialogue entre magistrats.
12Au-delà des questions de méthode, le défaut d'institutionnalisation des MARD pose un problème essentiel de préservation des droits. Jusqu'à quel point le retour à la paix autorise-t-il le renoncement à ses droits ? Et dans quelle mesure le juge, mais aussi le conciliateur ou le médiateur, l'avocat dans le cadre de la procédure participative ou dans le droit collaboratif, peuvent-ils refuser de protéger ou de garantir des droits auxquels l'une des parties renoncerait au bénéfice de la paix retrouvée ? La question s'est posée en matière de conciliation devant le conseil des prud'hommes, ayant donné lieu à plusieurs arrêts de la chambre sociale de la cour de cassation, notamment en 2000 et 2007 [37], transposables à l'homologation d'un accord de médiation [38]. En substance, le juge qui entend homologuer un accord de médiation ou un constat d'accord consécutif à une conciliation doit vérifier que l'accord qui lui est soumis préserve les droits de chacune des parties. Or, dans de nombreux cas, quand les parties ne se désistent pas purement et simplement, l'écrit soumis au juge pour homologation ne mentionne pas toujours l'ensemble des droits auxquels l'une ou l'autre partie a effectivement décidé de renoncer, car tel est l'un des effets du principe de confidentialité qui préside à tout accord. Dans de telles conditions - et sachant que le conciliateur, parce qu'il rédige les constats d'accord, doit lui aussi veiller à la préservation de ces droits - il est possible de considérer que cette préservation est assurée à travers l'exercice d'un devoir d'information accru, ce que doit vérifier le juge qui ne peut modifier les termes d'un accord soumis à son homologation [39]. On voit ici ce qu'auraient à gagner les MARD d'une plus stricte juridictionnalisation - mais pour immédiatement perdre ce qui fait son attrait essentiel : la souplesse et la discrétion.
13Cette exigence d'information implique la connaissance, certes par le juge, mais aussi par les conciliateurs et médiateurs, des règles de droit qui régissent le ou les domaines sources du différend. Si les magistrats sont des professionnels du droit, les conciliateurs doivent justifier d'une pratique juridique antérieure d'au moins trois ans [40]. Aucune qualification ni compétence juridique n'est requise du médiateur. Certes, la plupart du temps, les parties qui tentent une médiation sont assistées de leurs avocats. On perçoit alors, à travers cette obligation de compétence qui touche le conciliateur seul, une autre grande différence avec la médiation.
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15Les discussions menées au cours de cette session de formation à l'École nationale de la magistrature ont mis l'accent sur une ambiguïté : toute médiation réussie conduit à une conciliation ; toute conciliation est une forme de médiation. Car au-delà des statuts et des régimes réglementaires, il s'agit d'observer la valeur ajoutée à la justice de l'action d'un tiers au coeur d'un conflit, d'un litige, d'un différend. Dès lors qu'il entre en scène, souvent par la nécessité de tenir les passions à l'écart, ce tiers se pare naturellement des attributs essentiels du juge : neutralité, impartialité, discrétion, réserve, compétence, garantie de l'équilibre. « Il y a un lien naturel entre le juge et le médiateur » [41]. Juge, médiateur, conciliateur : tous trois sont « médiateurs » au sens large du mot, dont Gérard Cornu a pu dire qu'il « joui[ssait] d'un appui linguistique » [42]. Quel est cet appui ? On le trouve tout entier décrit chez Émile Benveniste qui étudie les mots forgés à l'aide du préfixe « med » [43] : « Pour donner une définition de * med-, on pourra dire que c'est "prendre avec autorité les mesures qui sont appropriées à une difficulté actuelle ; ramener à la norme - par un moyen consacré - un trouble défini "... » [44] Que vient faire ici la notion d'autorité, qui semble hors de propos ? Concevoir l'autorité d'un juge, c'est l'évidence. Mais celle d'un conciliateur ou d'un médiateur ? Nous sommes revenus ailleurs sur cette question qui nous a conduit à affirmer que la médiation, au sens large comme au sens restreint, doit être conçue comme une action d'autorité [45], c'est-à-dire une action qui, par le surcroît de perspicacité de l'agent (connaissance, compétence, pratique, réputation), suscite l'adhésion des personnes qui se soumettent à cette action. En effet, on ne choisit pas comme conciliateur ou médiateur le premier venu, mais une personne dont on sait qu'elle dispose en effet de ce surcroît de perspicacité. L'autorité n'a pas pour objet de forcer à l'accord, mais de convertir en dialogue apaisé une opposition passionnée [46].
16Dans cette voie, il convient de laisser les derniers mots au doyen Cornu : « La médiation a, en elle, des trésors qui font sa force, sa vertu et son vrai visage. Pour le médiateur, la médiation est un art, depuis toujours art des bons offices, de la persuasion, oeuvre de sagesse. Pour tous, médiateur et parties, la médiation est une recherche, une démarche, une quête, une marche, d'un mot une tentative, tentative de pacification.
17« Dès lors, la vocation du droit est toute tracée, entre l'espoir et la crainte. Une voix claire nous crie : comment le droit pourrait-il ne pas encourager pareille tentative ? Vive la paix ! Faveur aux ouvriers de paix ! Mais une voix sourde répond : le droit est-il capable d'instituer la paix ? Est-il en son pouvoir, comme le roi dérisoire qui parlait au soleil, d'ordonner à la sagesse de se lever ? » [47]
18Chacun se forgera sa réponse. La nôtre est affirmative.
Notes
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[1]
Les lignes qui suivent constituent la synthèse de la session de formation continue organisée à l'École nationale de la magistrature sur « les modes amiables de résolution des différends » (7-10 avril 2014)
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[2]
G. Cornu, « Les modes alternatifs de règlement des conflits » RIDC, 1997, 2, réed. dans L'art du droit en quête de sagesse, Paris, PUF, 1998, p. 187-198.
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[3]
Loi no 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
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[4]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 187.
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[5]
Vocable préféré par le pouvoir réglementaire, lors de la création du cinquième livre du code de procédure civile par décret no 2012-66 du 20 janvier 2012, intitulé « La résolution amiable des différends ».
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[6]
On reviendra sur chacun de ces acronymes dans les lignes qui suivent.
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[7]
La sous-commission relative au « procès de cognition », constituée par le garde des Sceaux de l'époque, René Capitant, était présidée par Jean Foyer, professeur des universités et alors président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, et réunissait plusieurs personnalités du monde judiciaire et universitaire : Pierre Francon, Jean Buffet, Claude Parodi, Maurice Parmentier, magistrats, Paul Fontaine-Tranchant, avoué près la cour d'appel de Dijon et outre Jean Foyer, Henri Motulsky et Gérard Cornu. L'épisode de la conception et de la rédaction de ce qui allait être le « nouveau code de procédure civile », est raconté par Jean Foyer, « Préface », Le nouveau code de procédure civile (1975-2005), Foyer J. et Puigelier C (dir.), Paris, Economica, p. XIII-XXII.
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[8]
« L'une des tendances majeures du code est d'exalter l'office du juge, non seulement dans la marche de l'instance pour son bon déroulement [...] mais sur la matière du procès dans l'exercice plénier du pouvoir juridictionnel. » (G. Cornu, « L'élaboration du code de procédure civile », RHFD, 1995, no 16, p. 241-255)
-
[9]
« À l'origine du pouvoir modérateur du juge », communication prononcée à l'occasion des Journées annuelles de la Société d'histoire du droit à Ljubljana, 5-8 juin 2014, à paraître dans les actes du colloque.
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[10]
Voir sur ce point et l'attribution à Gérard Cornu de l'identification de ce pouvoir particulier du juge : Jérôme Fischer, Le pouvoir modérateur du juge en droit civil français, PUAM, 2004.
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[11]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 188.
-
[12]
Il n'est pas question ici de proposer une bibliographie exhaustive concernant la médiation outre-Atlantique, mais d'énoncer les jalons majeurs de cette pensée.
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[13]
Tandis que l'article 21 de la loi du 8 février 1995, modifiée par l'ordonnance du 16 novembre 2011 (no 2011-1540 du 16 novembre 2011, JO du 17 novembre) dispose : « La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »
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[14]
Dont la description et la synthèse figurent dans l'édition de 2005 de The Promise of Mediation.
-
[15]
Propos par nous rapportés, prononcés au cours de la session de formation par Marc Juston, président du Tribunal de grande instance de Tarascon (7 avril 2014) [par la suite session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014].
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[16]
Le décret no 2012-66 du 20 janvier 2012 a créé le livre Ve du code de procédure civile : « La résolution amiable des différends ».
-
[17]
La « procédure participative » se définit, selon l'article 2062 du code civil, comme une tentative de règlement amiable d'un différend par le moyen d'une « [...] convention par laquelle les parties à un différent qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagement à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ». Cette convention est conclue pour une durée déterminée. »
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[18]
Le droit collaboratif est une méthode de règlement amiable des différends, non codifiée à ce jour, qui tend à permettre à deux parties opposées, avec l'aide de leurs avocats, une négociation raisonnée de leurs intérêts. Les avocats qui développent cette pratique s'astreignent à une déontologie, dont la manifestation la plus spectaculaire est le retrait de l'affaire de l'avocat qui a échoué dans le processus de négociation. Cf. É. Mulon, avocat au barreau de Paris, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[19]
Voir sur cette logique du procès : R. Jacob, La grâce des juges. L'institution judiciaire et le sacré, Paris, PUF, 2014, notamment les lignes consacrées aux procès réglés par le moyen de l'ordalie, p. 84 s. : « La logique du procès était de favoriser le compromis. »
-
[20]
J. Timsit, « La médiation : une alternative à la justice et non une justice alternative », Gazette du Palais, 15 novembre 2001, 319, p. 53, qui propose une vision contractualiste de la médiation.
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[21]
Deux mois maximum, renouvelables sans limitation, pour la conciliation (art. 129-1 cpc, lorsque la conciliation est déléguée par le juge) ; trois mois maximum, renouvelables une fois pour la médiation (art. 131-3 cpc, lorsque la médiation est judiciaire).
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[22]
C'est là question de philosophie : alors que les témoignages nous révèlent qu'un conciliateur pleinement conscient de son rôle d'auxiliaire de justice sera actif voire directif dans le processus de conciliation, un médiateur pourra considérer que son rôle doive se limiter à la mise à disposition des parties en présence d'un espace pacifié propice à la recherche mutuelle d'un accord. D'autres médiateurs pourront concevoir que leur rôle doive être moins passif (voir nos développements dans ce texte sur les divergences doctrinales entre les partisans de la « vision facultative » et ceux de la « vision transformative » de la médiation, p. 3, 4 et 7).
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[23]
Dans le cadre d'une conciliation déléguée, le constat d'accord est rédigé par le conciliateur (art. 130 et 131 cpc) ; dans le cadre d'une médiation judiciaire, le médiateur se contente d'informer le juge par écrit de l'issue de la médiation, sans jamais, en principe, participer à la rédaction, le cas échéant, de l'acte d'accord.
-
[24]
Art. 131-13 cpc : « À l'expiration de sa mission, le juge fixe la rémunération du médiateur. »
-
[25]
Art. 1er al. 2 du décret no 78-381 du 20 mars 1978, modifié par le décret no 2012-66 du 20 janvier 2012 : « Les fonctions de conciliateur de justice sont exercées à titre bénévole. »
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[26]
« Lors de sa première nomination aux fonctions de conciliateurs de justice, celui-ci prête devant la cour d'appel le serment suivant : « Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d'observer en tout les devoirs qu'elles m'imposent ». » (Art. 8 du décret de 1978, modifié par le décret de 2012).
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[27]
Voir, concernant le médiateur, l'article 21-2 de la loi no 95-125 du 8 février 1995, modifiée par l'ordonnance no 2011-1540 du 16 novembre 2011.
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[28]
Selon une interprétation de l'article 129-1 du code de procédure civile, qui dispose : « Lorsque le juge, en vertu d'une disposition particulière, délègue sa mission de conciliation, il désigne un conciliateur de justice à cet effet, fixe la durée de sa mission et indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée, [...] » (Nous soulignons). Quand bien même les dispositions touchant à la conciliation déléguée figureraient au titre des dispositions communes à toutes les juridictions, les juges des tribunaux de grande instance et des cours d'appel ne peuvent s'appuyer sur aucune « disposition particulière » qui leur permettrait de déléguer leur mission de conciliation issue de l'article 21 du même code. Contrairement aux tribunaux de commerce pour lesquels le décret de 2010 est venu expressément permettre cette délégation, à l'article 860-2 du code de procédure civile : « Si une conciliation entre les parties apparaît envisageable, la formation de jugement peut, avec l'accord des parties, désigner un conciliateur de justice à cette fin. Cette désignation peut revêtir la forme d'une simple mention au dossier. »
-
[29]
J. Poumarède, professeur émérite à l'université Toulouse 1 Capitale, conciliateur de justice, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[30]
Il y a aussi chez certains conciliateurs un refus de se former à ces méthodes, justifié par le fait que celles-ci sont essentiellement des méthodes de communication, qui, selon ces conciliateurs, ne font pas partie du champ d'action du conciliateur.
-
[31]
A. Stimec, « La conscience des limites de la médiation comme moyen de son développement », Bulletin de liaison du laboratoire d'anthropologie juridique de l'université Panthéon-Sorbonne, no 22, sept. 1997.
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[32]
Ph.-R. Bertrand, président de chambre à la cour d'appel de Pau, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[33]
G. Cousteaux, président de chambre à la cour d'appel de Toulouse, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[34]
M. Juston, cf. note 15.
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[35]
M. Juston et Ph.-R. Bertrand, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[36]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 187.
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[37]
Cass. soc. 28 mars 2000, no de pourvoi 97-42.419 (Durafroid c/ Martin), D. 2000. 537, note J. Savatier ; Dr. soc. 2000. 661, obs. M. Keller ; Cass. soc. 5 décembre 2007, no de pourvoi 06-40.634, RDT 2008. 119, obs. E. Serverin. La question se pose de savoir si ces arrêts de la chambre sociale sont transposables aux autres matières que la matière prud'homale. Dans ces deux arrêts, la cour qualifie la conciliation d'« acte judiciaire ». Toutefois, il apparaît aussi que dans les deux espèces, la sanction du défaut de préservation des droits des parties est liée à la nature transactionnelle de l'accord (absence de vérification de concessions réciproques).
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[38]
N. Fricero, professeur à l'université Sophia-Antipolis de Nice, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[39]
B. Pons, avocat au barreau de Rouen, maître de conférences à l'université de Rouen, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
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[40]
Article 2 du décret de 1978 modifié par les décrets no 81-583 du 18 mai 1981 et no 96-1091 du 13 décembre 1996.
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[41]
Pierre Garbit, magistrat honoraire, médiateur, session de formation continue ENM, 7-10 avril 2014.
-
[42]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 189.
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[43]
É. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indoeuropéennes, Paris, Minuit, 1969, vol. II : « Pouvoir, droit, religion », chapitre 4 : « * med-et la notion de mesure », p. 123-132.
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[44]
Op. cit., p. 129.
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[45]
B. Bernabé, « Une vision historique de la médiation judiciaire », La médiation en matière civile et commerciale, F. Osman (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 17-29 ; et « L'autorité du juge et la recherche de l'adhésion », Les cahiers de la justice, 2013/2, p. 151 .
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[46]
Saisir ce retour sur l'autorité nécessite de se débarrasser du présupposé commun qui en a déformé le sens. C'est un effort qui n'est pas toujours produit et qui, hélas, conduit parfois à l'incompréhension (voir sur cette incompréhension J. Mirimanoff, « Pour un Guide sur la Médiation dans les pays de l'Union pour la Méditerranée ? », La médiation en matière civile et commerciale, F. Osman (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 251-264. L'auteur revient pourtant, dans un très court article antérieur, sur des exemples historiques qui auraient naturellement dû l'inviter à envisager et finalement accepter de percevoir le problème sous l'angle de l'autorité : « Procédure civile et processus de médiation : passer d'un mode à l'autre sans en altérer la nature », Le règlement précoce des litiges et le rôle des juges, Conseil de l'Europe, 2005, p. 107-110 [hors annexes]).
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[47]
G. Cornu, « Les modes alternatifs... », p. 198 (G. Cornu souligne).