1Les Cahiers de la Justice - Pouvez-vous décrire le contenu de la feuille de motivation ? Est-ce un imprimé standard ou une feuille spécifique à l'affaire jugée ? Est-ce vous qui la rédigez ?
2Nadine Ajjan - La feuille de motivation est constituée par une feuille spécifique à l'affaire ; elle comporte une formule type « la cour d'assises a été convaincue de la culpabilité pour tel crime en fonction des éléments à charges débattus pendant le délibéré » mais est ensuite totalement spécifique à l'affaire à juger, et ne peut donc pas se résumer à un imprimé standard. Bien que le texte donne la possibilité pour le président de déléguer cette charge aux assesseurs, je rédige moi-même cette motivation.
3Olivier Leurent - L'entête de la feuille de motivation est standard, elle se présente de la manière suivante : « La cour d'assises de Paris statuant en appel (en première instance) a été convaincue de la culpabilité de XX en raison des éléments à charge suivants qui ont été discutés lors des débats et qui ont constitué les principaux éléments exposés au cours des délibérations menées par la Cour et le jury, préalablement aux votes sur les questions : » et, en cas d'acquittement : « La cour d'assises a acquitté XX des crimes et du délit connexe qui lui étaient reprochés après avoir considéré, au vu des éléments exposés au cours des débats puis des délibérations menées par la Cour et le jury préalablement au vote sur les questions, que les éléments à charge existant contre l'accusé étaient insuffisants et que le doute devait lui profiter en ce que : » La motivation se présente ensuite par un exposé détaillé des éléments à charge ou à décharge qui ont emporté la conviction de la cour d'assises.
4Benoit Mornet - La feuille de motivation n'est pas un imprimé, standard, mais une feuille spécifique à chaque affaire. C'est moi qui la rédige en présence des assesseurs et des jurés, parfois sur la base d'un avant-projet. Son contenu reprend les éléments qui étayent l'intime conviction durant les échanges au cours du délibéré : la parole des « acteurs », accusé et partie civile, les témoignages déterminants, les dépositions des experts ayant examiné la partie civile (psychologue, légiste) et des experts techniques (balistique, ADN), les dépositions des experts ayant examiné l'accusé, notamment si la question de la responsabilité se pose, les contradictions qui peuvent faire naître un doute, etc.
5Denis Roucou - La feuille de motivation est particulière à chaque dossier, elle fait entre une et deux pages, je la rédige sous forme de phrases et non comme le préconisait la circulaire avec des « tirets » ; il s'agit d'une feuille spécifique ; je n'utilise pas de formules standards, sauf quand les infractions sont contestées et que la culpabilité est retenue où/ou je reprends en fin de motivation les dénégations de l'accusé qui n'ont pas convaincu la cour ; je la rédige à partir des éléments de discussion de l'ordonnance de mise en accusation en les modifiant et enrichissant, à partir des éléments discutés au cours des débats.
6- À quel moment abordez-vous avec les jurés l'exigence de motivation ? Dès le début de la session ? Au moment du délibéré ? À un autre moment ? Cela leur pose-t-il question ?
7NA - J'aborde cette question avec les jurés lors de la réunion d'information puis à nouveau en délibéré, en leur expliquant notamment que je vais prendre des notes pour que cette motivation soit le reflet de leur opinion. Les jurés ne semblent pas surpris par cette exigence.
8OL - J'explique aux jurés qu'il conviendra de motiver notre décision dès le début du procès en leur précisant que ce travail rédactionnel incombe aux magistrats professionnels.
9BM - Si l'exigence de motivation est seulement évoquée au début de la session lors de la « formation » des jurés, elle est réellement bordée au moment du délibéré ; cela ne leur pose pas vraiment question.
10DR - Lors de l'information des jurés le premier jour, j'évoque avec eux que désormais les décisions doivent être motivées ; le plus souvent, je le précise à nouveau au début du délibéré ; cela ne suscite guère de réaction de leur part.
11- Est-ce que la perspective d'une motivation modifie l'approche de l'affaire par les jurés, ainsi que la vôtre ?
12NA - Avant même l'exigence de motivation, il était impératif de se forger une conviction sur les éléments constitutifs du crime examiné par la cour d'assises ; la motivation ne modifie pas cette approche mais la renforce, en ce sens qu'il s'agit de mettre des mots sur ce qui auparavant pouvait rester un sentiment diffus. L'exigence de motivation ne doit pas à mon sens peser sur le raisonnement des jurés ou l'infléchir, car le président pourrait ainsi trouver un moyen « commode » de les pousser à statuer dans un autre sens, au motif que leur choix ne pourrait se motiver. J'ai pris personnellement l'habitude d'indiquer aux jurés que « je peux tout motiver »...
13OL - Elle les incite à analyser chacun des éléments à charge ou à décharge quant à sa force probante.
14BM - Pour ma part, je ne l'ai pas constaté.
15DR - Pour les jurés, je n'ai pas le sentiment que cela change quelque chose ; sauf que, lors qu'en fin de délibéré, je leur propose une motivation, régulièrement ils souhaitent que l'on modifie telle ou telle phrase ou que soit ajouté un ou deux éléments. Pour le président, la perspective de devoir motiver impose peut-être une plus grande rigueur dans le déroulement du délibéré pour pousser les jurés à une analyse de l'affaire qui soit bien à distance des émotions ; cela oblige aussi à expliquer le sens de l'intime conviction qui doit être quelque chose de raisonné et non un sentiment d'audience.
16- Est-ce que vous percevez une contradiction entre l'intime conviction et le principe de la motivation ?
17NA - Accéder à « l'intime » avec des mots est davantage la tâche d'un romancier que celle d'un juge ; une évidente contradiction vient des termes mêmes du nouvel article 353 du code de procédure pénale qui prévoit, d'une part, l'exigence de motivation et, d'autre part, le fait que la loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus. Ces termes ainsi que « l'impression » faite sur la raison énoncée dans ce même texte laissent une certaine place au sentiment, à l'émotion, au mystère, alchimie que ne permet pas forcément la motivation, démonstration plus « scientifique » de la culpabilité. Cependant, l'intime conviction ne signifie pas non plus irrationalité.
18OL - Non. Selon moi, l'intime conviction doit pouvoir se motiver.
19BM - Je suis du même avis. La motivation n'est que l'expression de l'étayage de l'intime conviction. Non seulement il n'y a pas de contradiction, mais la formulation de la motivation, donc de ce qui étaye l'intime conviction, contribue à la sérénité des jurés car elle permet d'objectiver l'intime conviction.
20DR - Pour les jurés, le sens de l'intime conviction doit être expliqué, en ce sens qu'il faut expliquer que ce n'est pas une émotion qui doit guider mais la raison à partir des éléments débattus au cours des débats et des éléments constitutifs des infractions reprochées. De fait, le texte de l'article 353 issu de la réforme de 2011 apparaît assez « bricolé » puisque « sous réserve de motivation... la loi ne demande pas compte... » ; certains jurés perçoivent la contradiction de ce texte et cela les fait sourire !
21En ce qui me concerne, je trouve qu'il existe une difficulté majeure. Il est demandé de motiver sans avoir la possibilité d'utiliser tel ou tel élément du dossier d'instruction ; en l'absence de notes d'audience, cela oblige à prendre des notes ou qu'un assesseur prenne de façon précise des notes, en particulier dans les dossiers contestés ; c'est un alourdissement de la tâche du président. La plus grande difficulté que j'ai rencontrée est de devoir rédiger un acquittement alors que les juges professionnels étaient persuadés du contraire, non pour une question de doute, car il est toujours possible de dire qu'il existe un doute, mais pour une question de droit ; j'ai dû motiver une légitime défense qui, juridiquement, n'existait pas en l'absence de riposte proportionnée.
22- Cela rallonge-t-il le délibéré ?
23NA - La discussion proprement dite n'est pas rallongée, car il a toujours été essentiel, lors de cette construction collective qu'est le délibéré, de faire en sorte que chacun des membres du jury énonce les arguments propres à forger sa conviction. En revanche, « l'après-délibéré » est alourdi car le président doit rédiger, outre la feuille de questions, la motivation, tâche d'autant plus longue, qu'il existe plusieurs accusés et plusieurs infractions.
24OL - Oui car, si même un projet peut être préparé avant le délibéré, il convient ensuite de l'adapter au contenu de l'affaire.
25BM - Les débats sont allongés d'une durée que j'évalue entre 30 et 45 minutes.
26DR - Oui, sans que ce temps ne soit démesuré.
27- Quelle est votre conception de la motivation ? Synthétique ? Analytique (avec le rappel des moyens de défense) ? Avant tout pédagogique. ?
28OL - La motivation en cour d'assises ne peut pas être aussi détaillée qu'en correctionnel compte tenu du temps imparti. Elle doit être à la fois analytique (chaque élément devant être apprécié quant à sa force probante) et synthétique. Elle a un double objectif : pédagogique à l'égard des parties et de l'opinion publique mais également juridique pour caractériser les éléments constitutifs de l'infraction. Elle doit répondre aux principaux arguments des parties, sans toutefois avoir à les rappeler.
29BM - J'ai une conception de la motivation synthétique et pédagogique : je ne reprends aucunement les moyens développés par la partie civile, le ministère public et la défense ; je vais directement rechercher les propos tenus à l'audience par la partie civile ou l'accusé, les dépositions des experts et les éléments techniques qu'ils ont montrés, les témoignages importants tels qu'ils sont ressortis au cours du délibéré ; on va éventuellement mettre en exergue les contradictions qui expliquent pourquoi les dénégations de l'accusé ne sont pas retenues par la cour et les jurés, ou au contraire les contradictions qui font naître un doute qui profitera à l'accusé. L'objectif pédagogique est d'expliquer à l'accusé et à son conseil pourquoi on retient une culpabilité ou à l'inverse d'expliquer pourquoi un doute subsiste sur la culpabilité ou sur la responsabilité.
30DR - La motivation, même si je l'estime assez complète, ne peut être que synthétique mais je la veux surtout pédagogique ; elle a permis notamment dans un dossier complexe d'acte de tortures et de barbarie et de meurtre contesté (thèse du suicide défendue par la défense) de retenir les infractions tout en expliquant pourquoi, sur le crime de meurtre, il existait une difficulté majeure quant à l'imputabilité ; il était important de dire qu'un meurtre était bien intervenu (en particulier pour la famille de la victime), que ce n'était pas un suicide, et en même temps, en l'absence de preuve certaine sur le ou les auteurs, de pouvoir acquitter les accusés de ce crime.
31- À quel moment est-elle rédigée ? Lors du délibéré ? Faites-vous un projet ?
32OL - Je fais presque toujours un projet dans les deux sens (culpabilité et acquittement), que j'affine au cours des débats.
33BM - Elle est rédigée à la fin du délibéré, parfois sur la base d'un avant-projet.
34DR - Je fais un projet ; rarement avant l'audience, souvent pendant les réquisitions ou les plaidoiries ; puis je le modifie pendant le délibéré en prenant en compte les éléments échangés par les juges et les jurés.
35- Le texte est-il débattu par les jurés et assesseurs ? Amendent-ils le texte ? Comment le délibéré se déroule-t-il ?
36NA - Je rédige la motivation après le délibéré en m'isolant dans mon bureau, en fonction des éléments rassemblés pendant cette discussion, et en m'efforçant d'y être fidèle. Cependant, je dois reconnaître que, afin de gagner du temps, dès que la position des parties est connue, je rédige souvent une trame, tout en ressentant un certain malaise à procéder ainsi, craignant notamment, à la faveur de cet exercice solitaire, de préjuger. Il m'arrive parfois de rédiger un projet dans les deux sens. Après le délibéré, et dès que j'ai mené à bien la motivation dans mon bureau, souvent après avis demandé aux assesseurs, je la soumets aux jurés en leur expliquant que des modifications ou ajouts peuvent être effectués ; il est rare que des demandes en ce sens soient effectuées.
37BM - Le texte est débattu par les jurés et les assesseurs ; ils peuvent l'amender, notamment lorsqu'on discute à partir d'un avant-projet : certains éléments vont être supprimés car ils ne sont pas apparus au cours des échanges qui constituent la première phase du délibéré ; d'autres éléments seront rajoutés. Cette première partie du délibéré, est en fait une discussion sur ce qui s'est passé à l'audience, les certitudes et les questions que chacun exprime et les réponses que chacun peut y apporter, l'objectif étant que les jurés s'approprient le délibéré.
38OL - Je donne lecture de la motivation aux jurés en fin de délibéré (et du contre-projet lorsque cela m'est demandé par les jurés minoritaires). Ils amendent parfois le texte à la marge.
39DR - Comme je le disais précédemment, je lis le projet, et je recueille les observations et on en discute ; il faut reconnaître qu'en fin de délibéré la fatigue limite souvent les observations des jurés qui ont un peu hâte de rentrer chez eux, même si je n'ai pas eu de remarques désobligeantes.
40- Dans l'esprit du législateur, il s'agit d'une motivation non juridique. Rédigez-vous dans le souci de vous faire comprendre des justiciables ou gardez-vous un souci de précision juridique ? Comment conciliez-vous les deux ?
41NA - L'aspect pédagogique est bien sûr essentiel mais un contresens juridique nous exposerait à des déboires... Je cherche donc toujours à caractériser les éléments, matériel intentionnel des infractions, tout en rappelant certains éléments concrets de l'espèce, et en répondant aux arguments essentiels de la défense ou du ministère public.
42OL - Je rédige toujours dans le souci d'être compris du justiciable, tout en veillant à ce que les éléments constitutifs de l'infraction soient bien caractérisés.
43BM - La motivation est rédigée dans le souci de faire comprendre au justiciable (et à son conseil) les raisons de la décision ; cela n'empêche pas de mettre en exergue les éléments constitutifs de l'infraction.
44DR - Il faut essayer de concilier les deux ; il faut reprendre les principaux éléments constitutifs des infractions reprochées (en quoi il y a absence de consentement dans un viol, en quoi il existe bien une intention homicide pour un meurtre...) dans un langage accessible.
45- Lisez-vous la motivation à l'oral au moment du prononcé de la décision ou donnez-vous le texte écrit aux parties ?
46NA - Je ne lis pas la motivation au moment où la décision est rendue, l'instant y étant peu propice ; l'attente de la décision et notamment du quantum de la peine effacent toute autre considération. Dans la majorité des cas, les parties, tant accusés que parties civiles, ne sont pas en état d'entendre et de comprendre ce qui est énoncé, compte tenu de la charge émotionnelle lors du verdict. Je n'indique plus aux parties qu'ils peuvent se voir remettre (pratique désormais admise) ou consulter la feuille de motivation, cet élément étant désormais connu.
47OL - Je lis en général la motivation lors du verdict, à l'audience.
48BM - Je lis (également) la décision à l'audience dans un but pédagogique pour le public et la presse. Elle est ensuite intégrée dans l'arrêt, ce qui permet aux parties d'avoir l'écrit.
49DR - Systématiquement, je lis moi aussi la motivation à l'audience.
50- Prenez-vous le temps d'une explication pédagogique complémentaire à l'audience ou dans votre bureau ?
51OL - Non, normalement, la motivation se suffit à elle-même.
52BM - En principe, non ; il m'arrive cependant de recevoir, après l'audience, la partie civile mineure avec ceux qui en ont la responsabilité dans les affaires de moeurs avec de jeunes victimes.
53DR - L'explication pédagogique est plus facile à faire lors de cour d'assises des mineurs (réflexe d'ancien juge des enfants !) ; il m'arrive de donner des explications complémentaires quant à la peine retenue, notamment quand une peine de type correctionnel est prononcée mais ce n'est pas systématique.
54- Est-ce que ces motifs sont repris par la presse ? Est-ce que cela favorise la compréhension par l'opinion des arrêts rendus ?
55NA - À ma connaissance, les éléments de la motivation sont rarement repris par la presse qui n'en a pas forcément connaissance.
56OL - En ce qui me concerne, je veille d'ailleurs à remettre aux organes de presse un exemplaire de la motivation, lorsqu'il en est donné lecture en audience publique. Il est alors fréquent que des passages soient repris dans les articles de presse.
57BM - Je n'ai pas l'impression que la presse reprenne les motifs et que cela favorise la compréhension des décisions par l'opinion ; mais peut-être sur des affaires très discutées et médiatiques, notamment lorsqu'il y a un débat de société (par exemple l'euthanasie).
58DR - Il est arrivé que la presse reprenne des motifs en particulier dans des dossiers où il existait une discussion forte sur la culpabilité.
59- Avez-vous le sentiment qu'il en résulte une meilleure compréhension de la décision par l'accusé, la victime ou plus généralement le public ?
60NA - Je ne pense pas que la motivation contribue à une meilleure compréhension de la décision ; la façon dont se déroule l'audience, l'espace de parole laissé à chacun dans le respect de l'oralité et du contradictoire, les exposés de chacune des parties, le prononcé d'une peine juste, utile, lisible sont à mon sens bien plus importants que cette exigence formelle de la motivation.
61OL - À mon sens, la compréhension de la décision est améliorée. La motivation est le seul moyen pour les magistrats du siège et les jurés de communiquer.
62BM - Ayant entendu les motifs de la décision, les avocats peuvent la commenter à leur client et ne peuvent pas dire : « je ne sais pas pourquoi ils ont jugé dans ce sens » ; également pour le ministère public, et pour public présent lorsqu'il écoute la lecture de la feuille de motivation.
63DR - Il ne faut pas être présomptueux ; obliger à motiver est avant tout une exigence pour les juges et jurés d'être plus « professionnels » ; lors de la lecture des motivations, j'ai toujours noté une grande attention de toutes les personnes présentes, acteurs du procès comme du public ; pour les proches de l'accusé ou des parties civiles, c'est un moment important.
64- Lors d'un procès d'assises d'appel, la motivation lors du premier procès joue-t-elle un rôle dans l'approche de la cour et des jurés ?
65NA - La motivation de l'arrêt de premier ressort, parfois extrêmement longue et complexe, doit être lue au début de l'audience d'appel, moment où les jurés et les assesseurs ne connaissent du dossier que ce qui est énoncé dans le rapport succinct du président. Les jurés entendent donc, dès le début de l'audience, les raisons pour lesquelles la première cour s'est décidée mais à un moment où ils n'ont pas toutes les cartes en main pour en apprécier la pertinence. Certes, la motivation de premier ressort doit être emportée en délibéré, mais il serait à mon sens choquant de se fonder sur cette première approche, sans mener une nouvelle réflexion.
66Je ne vois donc pas l'utilité de cette lecture à l'audience d'appel, qui me paraît antinomique avec l'oralité, la liberté de choix et l'essence même du second degré de juridiction. La motivation devrait rester une adresse aux parties destinée à une meilleure compréhension de la décision de premier ressort et non un message aux jurés de l'audience d'appel.
67OL - Je suis d'un avis différent. Cette motivation permet aux jurés de comprendre le raisonnement des premiers juges.
68BM - J'ajoute que la lecture de la feuille de motivation à l'issue du rapport du président joue un rôle dans l'approche de la cour et des jurés car ils connaissent les éléments qui ont convaincu la cour d'assises de première instance. On a parfois envie de poser la question à l'accusé de savoir ce qui ne lui semble pas pertinent dans la motivation de la première cour d'assises mais je ne l'ai jamais fait car cela nuirait au débat.
69- À votre avis, la motivation de l'arrêt en première instance joue-t-elle un rôle (et lequel) dans la décision de faire appel des avocats ou du parquet ?
70NA - Pour les raisons précédemment énoncées, je ne pense pas que la motivation joue un rôle dans la décision d'appel.
71OL - Non, c'est plutôt le quantum de la peine ou une déclaration de culpabilité lorsque l'acquittement est plaidé qui motive l'appel.
72BM - Oui, sans doute, au moins sur la question de la culpabilité ; les avocats trouvent dans la motivation ce qui a emporté la conviction de la cour et des jurés.
73DR - Je pense que les avocats et le parquet prennent connaissance des motivations avec une certaine attention et que cela peut limiter des appels.
74- Quel serait selon vous l'art de la motivation ?
75OL - Savoir décliner l'intime conviction par la raison.
76BM - Je définirais ainsi l'art de la motivation : une à deux pages rédigées dans un style simple permettant d'expliquer les éléments des débats (déclarations de l'accusé, audition de la partie civile, auditions de témoins, dépositions des experts qui ont emporté la conviction de la cour et des jurés) (cf. exemple joint).
Cour d'assises de la Gironde MP c/ Franck V. 20-21 janvier 2014 Feuille de motivation
Solange E. précise, pour sa part que, lorsqu'elle était assise et que Frédéric V. était à genoux face à elle avec le pistolet, son sexe était sur sa bouche et qu'il a pénétré sa bouche quelques secondes et qu'elle a ensuite masturbé Frédéric V.
Elle précise ensuite que Frédéric V. a appuyé le pistolet contre sa tempe pour qu'elle pratique une fellation, ce qui est corroboré par l'hématome apparu sur la tempe droite dont la photo a été commentée par le médecin légiste lors de sa déposition.
Solange E. a dit ensuite qu'elle a réalisé que le pistolet était en plastique au contact du pistolet sur sa tempe et qu'elle s'est alors débattue, a réussi à s'échapper mais a été rattrapée par Frédéric V. avant de réussir à lui échapper une seconde fois et d'aller se réfugier chez son voisin du rez-de-chaussée.
Les explications de Frédéric V. à l'audience confirment le récit de Solange E., sauf qu'il prétend qu'au moment où il était à genoux sur le canapé face à elle, qui était assise sur ce canapé, il n'a pas tenté de mettre son sexe dans sa bouche ; ce propos est en contradiction avec le fait qu'il a dit qu'il était venu agresser sa voisine pour obtenir une fellation ; il a par ailleurs été interrogé à l'audience sur la contradiction de ce propos avec ses déclarations devant le magistrat instructeur tant en interrogatoire qu'en confrontation puisqu'il avait déclaré avoir essayé de pénétrer la bouche avec son sexe et précisé que son sexe avait glissé sur la joue de Solange E., et il n'a pu apporter d'explication à cette contradiction.
L'expert psychologue, qui a examiné Solange E., a expliqué à l'audience que la jeune femme n'avait montré aucune tendance à l'exagération ou à la théâtralisation de ses propos et que son récit de l'agression apparaissait fiable.
Les rapports des experts psychiatre et psychologues ayant examiné Frédéric V. ont été lus à l'audience ; il en résulte que, même s'il était alcoolisé ce soir-là, cette alcoolisation a pu avoir un effet désinhibiteur, et qu'il était totalement responsable de ses actes.
Il résulte de ses éléments que Frédéric V. a bien tenté d'obtenir par contrainte, menace et violence, une pénétration de son sexe dans la bouche de Solange E. en pénétrant par ruse et de force dans l'appartement, le visage caché et les mains gantées, en se positionnant à genoux sur le canapé sur lequel elle était assise face à lui, le pantalon ouvert et le sexe sorti devant, la bouche de Solange E., et ce sous la menace d'une arme, même s'il s'agissait d'un pistolet en plastique, et que ce commencement d'exécution n'a été interrompu qu'en raison de la résistance de Solange E. qui, en comprenant que l'arme était factice, s'est débattue et a réussi à échapper à son agresseur.
Il convient donc de déclarer Frédéric V. coupable d'avoir à A., le 2 juillet 2012, tenté de commettre, par contrainte, violence, menace ou surprise, un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Solange E., avec cette circonstance que les faits ont été commis sous la menace d'une arme.