Notes
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[1]
La réflexion qui suit a donné lieu à une communication lors d'un colloque de juristes publicistes consacré aux multiples visages de l'usager ? Le titre général du colloque était le suivant : « Administré, usager, citoyen, public... Les transformations du destinataire de l'action administrative et de son droit. Colloque organisé à la faculté de droit de Nantes les 25 et 26 octobre 2012 par madame le professeur A. Van Lang.
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[2]
Voir Serge Petit, service public de la justice (responsabilité du), répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz, juin 2012. Voir aussi Philippe Belloir, La responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice : mode d'emploi, AJ Pénal 2011, p. 341 .
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[3]
J.-P. Jean, Les demandes des « usagers » de la justice, première publication in Daniel Soulez-Larivière et Hubert Dalle, Notre justice, Robert Laffont, 2002, et publié de nouveau in Marie-Luce Cavrois, Hubert Dalle et Jean-Paul Jean, La qualité de la justice, La Documentation française, 2002.
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[4]
Jacques Chevallier, L'État post-moderne, LGDJ, 2004, page 73.
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[5]
Evelyne Sire-Marin, La chaîne pénale ou comment la justice amplifie la ségrégation sociale, Fondation Copernic, 2007.
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[6]
Cf. Les développements relatifs au pénal, in L. Cadiet (dir.), Pour une administration au service de la justice, Le club des juristes, mai 2012, 203 pages, et J. Danet et alii, Une évaluation de l'administration de la Justice pénale, Les nouveaux modes de traitement des délits, Recherche financée par l'Agence nationale de la recherche (ANR) ?, publication à paraître, 2013.
-
[7]
« Dans le courant du XXe siècle, la notion d'administré a progressivement cédé la place à celle d'usager, démontrant par-là même une émancipation de l'administré à l'égard de l'administration puisqu'il ne subit plus l'action administrative, mais en devient le bénéficiaire ». Virginie Donier, Les droits de l'usager et ceux du citoyen, RFDA 2008, p. 13 . Voir aussi cité par cet auteur, N. Foulquier, Les droits publics subjectifs des administrés. Émergence d'un concept en droit administratif français du XIXe au XXe siècle, Dalloz, nouvelle bibliothèque des thèses, vol. 25, 2003, p. 43 s.
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[8]
M. Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, 1975.
-
[9]
Nous employons ici le mot au sens foucaldien. Cf. M. Foucault, Sécurité, territoire, population, Cours au collège de France, 1977-1978, Hautes Études, Gallimard Seuil, 2004.
-
[10]
Entre les alternatives aux poursuites, les poursuites sans peines de prison possibles, les poursuites avec prison assortie du sursis ou aménageable, les prisons fermes.
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[11]
Pour de plus amples développements, nous vous renvoyons à notre étude « Les symboles en question dans le procès pénal », in « Les figures du procès au-delà des frontières », actes du colloque tenu à Toulouse le 18 octobre 2012, à paraître Dalloz, 2013.
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[12]
Voir sur ce point notre analyse in « La concurrence des procédures pénales », in Le droit pénal, Archives de philosophie du droit, tome 53, Dalloz, 2010, pp. 200-211, texte repris dans « La Justice pénale entre rituel et management », PUR, 2010.
-
[13]
Associations, délégués du procureur, personnes physiques, etc.
-
[14]
Ces expressions sont tirées d'entretiens réalisés par notre équipe de recherche dans le cadre d'un contrat ANR. La recherche porte sur l'évaluation des nouveaux modes de traitement des délits.
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[15]
Article 5 de la loi no 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire : « Un conseil d'évaluation est institué auprès de chaque établissement pénitentiaire afin d'évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.
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[16]
Crim. 1er mars 2011, pourvoi no 10-90.125, RSC 2011. 415, obs. J. Danet, inédit ; Cons. const., 6 mai 2011, no 2011-125 QPC, D. 2012. 1638, obs. V. Bernaud et N. Jacquinot ; AJ pénal 2011. 471, obs. J.-B. Perrier ; Constitutions 2011. 525, obs. E. Daoud et A. Talbot ; RSC 2011. 415, obs. J. Danet. Cf. notre analyse à la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2/2011, Chronique de jurisprudence procédure pénale no 4.
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[17]
Selon le témoignage d'un magistrat.
-
[18]
Crim. 16 juill. 2010, no 10-80.551, RSC 2011. 151, obs. J. Danet, QPC Non-lieu à renvoi ; Crim. 24 nov. 2010, no 10-80.551, D. 2011. 14 ; RSC 2011. 151, obs. J. Danet, Chronique de jurisprudence procédure pénale no 6.
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[19]
Crim. 2004, 12E8/02-09-2004. « Il résulte de la logique de la nouvelle procédure - que traduit notamment la réduction par deux du maximum de la peine d'emprisonnement encourue - que la ou les peines proposées, si elles doivent évidemment tenir compte des peines que le tribunal correctionnel serait en pratique susceptible de prononcer s'il était saisi selon les procédures ordinaires, doivent être inférieures à ces peines, afin d'inciter la personne à accepter la proposition du procureur. » -12 E8/02-09-2004 CRIM 2004-12 E8/02-09-2004.
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[20]
Même si l'expression fut créée à propos des relations entre parents et enfants.
-
[21]
Sous un mois, voir Décret no 2005-1099 du 2 septembre 2005 relatif à la procédure simplifiée et au paiement volontaire des amendes correctionnelles ou de police et Circulaire Crim. 2005, 20 E8/07-09-2005.
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[22]
J. Bentham, Traité des législations civile et pénale, chapitre XII, Des limites qui séparent la morale et la législation, éd. Dalloz, 2009, p. 50. Voir aussi, J.-P. Jean, J. Bentham et l'utilitarisme en droit pénal, in « Un droit pénal postmoderne ? » coll. Droit et justice, PUF, 2009.
1Peut-on dresser un portrait des prévenus en usagers du système pénal ? [1]
2Cette idée peut sembler bien étrange à plus d'un. Les plus accueillants penseront que la victime est un usager du service public de la justice. Mais le pénaliste n'est-il pas hors sujet s'il a l'imprudence de vouloir dresser le portrait de prévenus en usagers du service public ?
3Sans doute est-ce un étrange projet auquel le lecteur est ici convié. Encore plus étrange s'il lui est annoncé que, passée l'introduction, on aura épuisé, déjà, le maigre rapport que la question entretient a priori avec le droit positif. Et qu'il sera ensuite invité à découvrir des figures d'usagers dans des dispositifs de la justice pénale où l'on ne veut encore voir officiellement que des prévenus.
4Le dictionnaire Trésor de la langue française (TLF) nous dit d'un « usager » qu'il est une « personne qui utilise un service (fréquemment un service public) ». Le mot pris en ce sens n'a guère qu'un siècle semble-t-il. En 1904, on commença à l'utiliser à propos de ceux qui voyageaient en train. Si depuis longtemps l'usage du terme en droit public est acquis au point d'être une notion juridique, figurant en bonne place dans les dictionnaires juridiques, son usage en droit pénal est bien restreint.
5C'est sous la notion de service public de la justice et à propos de sa responsabilité que l'on va trouver employée la notion d'usager. Et c'est de la notion d'usager du service public de la justice au sens de l'article L. 141-1 al. 1 du COJ que l'on discute à propos de la justice pénale.
6La question de savoir à partir de quand on devient usager du service public a été récemment tranchée [2]. En 2007 encore, la première chambre civile de la Cour de cassation approuvait une cour d'appel d'avoir jugé que, « nommément désignée dans une plainte datant de 1991, une personne n'était, avant sa comparution devant le juge et sa mise en examen, qu'un usager potentiel du service public de la justice ne disposant d'aucun droit subjectif à l'encontre de l'institution », et « que cette personne contre laquelle aucune mesure de garde à vue n'avait été prise au cours des cinq années antérieures n'était devenue partie à la procédure pénale et usager, au sens de l'article L. 141-1 du COJ, qu'après sa mise en examen intervenue en 1996, de sorte qu'elle n'était fondée à se plaindre d'un éventuel dysfonctionnement du service de la justice qu'à compter de cette date » (Civ. 1re, 10 mai 2007, no 06-13.546, Bull. civ. I, no 175).
7La CEDH n'a pas vu les choses de la même façon et, dans un arrêt du 11 février 2010 interprétant l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention, elle a, dans cette même affaire, sanctionné l'État français pour violation de l'article L. 141-1 (CEDH 11 févr. 2010, Malet c/ France, req. no 2499/07).
8Aujourd'hui, la personne désignée par une plainte avec constitution de partie civile a, au sens du code de l'organisation judiciaire, la qualité d'usager du service public de la justice dès lors qu'elle a été entendue par les services de police agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, même si cette audition a eu lieu en qualité de témoin (Civ. 1re, 4 nov. 2010, no 09-69.955). La Cour de cassation opère ainsi un revirement de sa jurisprudence relative à la détermination « dans le temps » de la qualité d'usager du service public de la justice.
9Au fond, ce n'est pas alors le seul prévenu qui est usager du service public de la justice, c'est aussi celui contre qui on a porté plainte. Et on pourrait alors s'arrêter là en disant que, du point de vue de la responsabilité du service public, tout mis en cause est donc un usager et le prévenu parmi d'autres.
10Quelques lectures peuvent nous inviter à nous poser cependant des questions annexes de sémantique.
11Jean-Paul Jean, dans un article de 2002 [3], nous invitait à penser la notion d'usager du service public de la justice autrement lorsqu'il employait un pluriel et titrait son papier « Les demandes des « usagers » de la justice ». Il est vrai qu'il désignait ainsi tous ceux qui ont affaire au service public de la justice en une autre qualité que celle de professionnel, au civil comme au pénal.
12S'agissant des seuls prévenus, peut-on employer la notion au pluriel et parler d'eux comme d'usagers ? Cela peut paraître excessif et inutile quand il vient à l'esprit le terme de justiciable. Celui-là peut recouvrer les victimes et les auteurs mais ce mot ne les décrit-il pas les uns et les autres en situation de soumission ? Le suffixe « able » n'est pas de ce point de vue de bon augure.
13Le justiciable, nous disent en effet les dictionnaires, est « celui qui doit passer en justice », celui qui « relève de telle ou telle juridiction », « celui qui est responsable devant la justice ». Les deux notions de justiciable et d'usager ne sont pas synonymes.
14Ainsi, à première vue, qu'on utilise le terme d'usagers pour désigner les victimes cela paraît naturel, assez conforme au fond au courant de la victimologie qui ne cesse de revendiquer pour elles des droits. Qu'on l'utilise pour les prévenus paraît plus difficile. Ils ont certes eux aussi des droits, ceux de la défense mais penser les accusés de crimes les plus horribles comme des usagers de la justice semble inapproprié, voire incongru. Et il est vrai qu'on peinerait à trouver des usages du mot en ce sens, voire des pratiques de justice qui, à leur égard, puissent faire seulement penser à cette notion. Mais on parle bien ici des seuls accusés de crimes.
15Quant au mot « client », il désigne le rapport de droit privé qui lie l'avocat et le mis en cause. Mais l'emploi de la notion s'arrête là et l'usager, quel qu'il soit, de la justice, quelle qu'elle soit, n'est pas encore pensé sous la figure d'un client, ce qui est, selon Jacques Chevallier, la nouvelle perception de l'administré [4].
16Bref, il reste à démontrer qu'il est possible de penser les prévenus, ensemble ou séparément, comme des usagers du service public de la justice.
17N'aggrave-t-on pas encore son cas en ayant initialement choisi de titrer cette intervention : « Portrait de prévenus en usagers de la chaîne pénale ». L'expression de « chaîne pénale » est contestée. Elle scandalise des praticiens. Elle évoque, chez certains, la chaîne des forçats et, chez d'autres, le travail à la chaîne. D'autres encore ne craignent pas de la rendre responsable de nouvelles ségrégations sociales. Pour Madame Evelyne Sire-Marin [5], la chaîne pénale ne recouvrirait qu'une seule réalité, celle d'une ségrégation sociale amplifiée par la justice. L'usage même de la notion, le fait de penser la réalité sous cette notion serait responsable de la dérive des politiques pénales. La chaîne pénale ne mérite sans doute ni cet excès d'honneur ni cette indignité.
18À dire vrai, l'expression désigne bien une réalité : la prise en compte de ce que les phases successives de la procédure pénale depuis l'amont policier jusqu'à l'exécution sont dépendantes les unes des autres, qu'elles ne peuvent plus s'ignorer, qu'il ne peut plus y avoir de rupture entre elles. Elles forment, selon l'expression de Jean-Paul Jean, le système pénal. Et c'est ici peut-être qu'apparaît notre prévenu sous la figure d'un usager. Il n'est pas tant l'usager de la justice que l'usager du système pénal, l'usager d'un système pénal qu'il faut aujourd'hui administrer [6].
19Le qualifier ainsi permet de dire d'emblée qu'il ne sera pas la matière première inerte de la chaîne pénale. Et c'est en cela d'abord qu'il est selon nous un usager. Tout comme l'administré depuis qu'il ne subit plus l'action administrative mais en devient le bénéficiaire [7].
20La chaîne pénale n'est pas du tout dans cette acception une chaîne de travail où l'on pourrait se permettre de « traiter » le justiciable selon un process qui en ferait un sujet passif dont on ne se soucierait pas.
21Il n'est pas, ce justiciable pris dans l'économie de pouvoir d'une société de souveraineté, celui de l'ancien droit, ce sujet soumis à la justice, écrasé par ses symboles, sa solennité avant d'être promis aux châtiments corporels ou au bannissement. Il n'est pas le même dans un autre décor.
22Il n'est pas non plus le prévenu dont le juge doit apprécier la capacité de se corriger avant de lui infliger une peine, ce qui était sa situation dans l'économie de pouvoir du XIXe siècle et d'une grande partie du XXe siècle. Si, à cette dernière époque, le dispositif de souveraineté n'avait pas disparu, notamment du rituel de l'audience, l'économie de pouvoir de la société disciplinaire dominait la pénologie et le prévenu était ce corps sur lequel les disciplines allaient espérait-on exercer la correction nécessaire. Sous une autre forme, ici encore, nous apprit Foucault [8], il subissait.
23L'usager de la chaîne pénale, lui, est un usager de plusieurs services publics successifs qui ont tout intérêt, au regard des objectifs d'efficacité et d'efficience qu'ils se donnent à composer, avec lui. L'usager de la chaîne pénale n'est pas seulement pensé comme le délinquant qu'on veut corriger sous sa seule identité singulière, avec d'ailleurs ce que cette approche revendique au plan positif de personnalisation de la peine. Désormais, durant tout le process pénal, il faut engager avec lui le dialogue (II). Mais cela ne suffira pas. La chaîne pénale doit prendre d'abord la mesure de la population [9] qu'elle doit ainsi traiter, gérer, administrer (I).
I. La gestion de la population d'usagers de la chaîne pénale
24C'est bien une population d'usagers que la justice pénale doit se préparer à accueillir, une population dont le chiffre est, pour une part, le résultat de l'intervention proactive de la police. Il faut la compter puis la diriger dans les circuits de la chaîne pénale. Pour atteindre les objectifs des politiques publiques, il faut savoir la conserver dans le système, savoir lui faire signe, c'est-à-dire lui montrer autrement que dans le rituel classique, autrement que par des symboles, la puissance possible de la justice pénale. Ne s'approche-t-on pas de l'usager-client déjà ?
Compter la population d'usagers de la chaîne pénale
25C'est une population d'usagers à traiter que les prévenus forment aujourd'hui et non plus seulement une somme de délinquants que la justice aurait à juger. La gestion de cette population implique qu'on en connaisse les évolutions, qu'on la compte, pour l'accueillir et la diriger efficacement dans les services qui vont la prendre en charge.
26La statistique peut d'ailleurs à cette occasion changer d'objectif, voire d'objet. Ce n'est plus seulement l'évolution de la délinquance, c'est-à-dire celle d'une part du phénomène criminel qui intéresse en ce qu'elle sert à définir la politique pénale, à choisir les priorités de l'action publique de sécurité.
27Chaque juridiction a aussi besoin de connaître les évolutions fines du nombre de prévenus qui la concernent pour anticiper à partir de là son schéma d'orientation et définir au mieux quels instruments processuels elle va utiliser et pour quelle sous-population de l'ensemble. La statistique devient un outil local de gestion de la population des usagers de la chaîne pénale.
28Les choix faits il y a maintenant une dizaine d'années de donner une réponse pénale à toute affaire poursuivable et de bannir les classements sans suite, choix suivis en 2004 et par d'autres textes depuis, de graduer le type de réponses processuelles [10] en fonction des antécédente, tous ces choix modifient, au plan de la récidive, la population des prévenus.
29Celui qui autrefois, il y a quinze ans seulement, n'apparaissait récidiviste qu'au sixième fait commis et élucidé parce que les quatre premiers avaient été classés sans suite se présente aujourd'hui avec un antécédent dès le deuxième fait, un casier au troisième après une réponse sous la forme d'une composition pénale, il est en récidive au quatrième fait, et multirécidiviste au sixième. À délinquance égale, il y a fort à parier que la population de récidivistes au sens légal du terme a augmenté parce que le pourcentage de réponse pénale a gagné plus de vingt points en quinze ans.
30La connaissance même du phénomène devient un enjeu. Car si la population de récidivistes enfle ainsi, du fait même d'une réponse pénale systématique, alors à terme et toujours à délinquance et récidive égale, il faudra disposer de toujours plus d'audiences correctionnelles. Notons que déjà, malgré l'ampleur qu'a pris la réponse pénale par voie d'alternatives aux poursuites, le nombre des poursuites a lui aussi augmenté notablement sur les dix dernières années, ce qui est peut-être la manifestation de ce phénomène.
31Bref, pour anticiper le traitement à venir des usagers, il faut mesurer l'activité de justice toujours plus finement. Il faudrait par exemple pouvoir dire combien d'inscriptions de premières condamnations génère chaque année cette activité pénale au casier judiciaire, et combien si possible elle génère d'inscriptions de secondes condamnations, de troisièmes, etc. Lorsque la réponse pénale est systématique, graduée, qu'elle est relativement rapide et que les lois d'amnistie ont disparu, qui dégraissaient si bien les casiers, la question ne manque pas d'intérêt pour la suite. Au fond, il s'agit de dire quelle population problématique, potentiellement concernée par la récidive, génère une justice plus réactive qu'autrefois. Nous sommes loin ici d'un enjeu de connaissances criminologiques mais en présence d'un enjeu de gestion d'un service public.
32Or, si surprenant que cela puisse paraître, en l'état nous n'avons pas ces chiffres. Le casier judiciaire n'est pas en charge de fabriquer de sa propre initiative la statistique de son activité et il ne lui a jamais été demandé de produire ces chiffres. Il n'est pas exclu que, à la faveur de la conférence de consensus en préparation, l'État se décide à mettre en place le dispositif de comptage des usagers de la justice correctionnelle.
Diriger la population d'usagers
33Cette population de prévenus, chaque procureur l'a en charge et, pour donner une réponse pénale à chaque affaire poursuivable, il n'a pas moins de onze procédures distinctes à sa disposition entre les alternatives aux poursuites, la composition pénale et les diverses formes de poursuites. Cette diversification des procédures a littéralement dissous le rituel judiciaire. Rares sont aujourd'hui les délits qui sont traités selon le rituel ancien, lequel use en correctionnelle des mêmes symboles que l'ensemble de la justice pénale mais avec moins de faste que la cour d'assises et moins de bonhommie que le tribunal de police.
34Juger ne passe plus systématiquement par l'imposition d'un rituel [11], avec ses symboles, décryptés ou non par le justiciable, mais qui constituaient, en tout cas aux yeux de tous, les signes tangibles de la puissance de la Justice. Juger n'est plus ce moment d'exercice d'un pouvoir, hérité d'un rituel d'une société de souveraineté au cours duquel le sujet éprouvait la puissance du souverain. Juger devient une option de traitement du prévenu parmi d'autres, retenue pour partie en raison du profil du prévenu mais surtout en fonction des ressources disponibles de la juridiction. Ce pourquoi le législateur se garde bien d'assigner à chaque procédure un champ de compétence exclusif qui serait défini à partir du type de délits ou de prévenus. Il leur donne au contraire des champs qui sont, et de plus en plus, des champs sécants. Ainsi pour un vol, le ministère public peut-il choisir de répondre par l'une ou l'autre de neuf procédures distinctes.
35Les procédures de traitement des délits sont des process concurrents [12] entre eux que les procureurs ont en charge d'utiliser au mieux, en fonction des qualités qu'ils leur trouvent et de l'adéquation entre chacune d'entre elles et les besoins et ressources de sa juridiction (structures de son contentieux, ressources matérielles et humaines de sa juridiction, état des retards, nature des accords passés avec le siège sur l'organisation de la chaîne pénale, ressources en termes de partenaires [13], état des demandes formulées par les collectivités territoriales, etc.). C'est à partir de tous ces paramètres que le ministère public va définir son schéma d'orientation processuelle. Il en existe un désormais dans chaque TGI, élaboré par le procureur de la République et faisant ensuite le plus souvent l'objet d'un dialogue avec le siège. Il s'agit de déterminer par avance l'orientation qui sera normalement donnée aux affaires poursuivables.
Dans l'attente de la réponse, faire signe à l'usager
36Le schéma d'orientation est une chose. Il est une manière abstraite, collective d'appréhender l'usager. Il faut, cet usager, le diriger plus concrètement encore, le prendre en charge.
37Qu'ils semblent loin les papiers bleus d'huissiers laissés sans explication dans la boîte aux lettres et dont le titre « Citation à comparaître devant le tribunal correctionnel » était suivi d'un texte aussi conforme au code qu'incompréhensible pour le prévenu. Il arrivait au palais pour 14 heures et, après avoir trouvé seul la 3e chambre du tribunal, il attendait que l'huissier l'appelle. À 23 heures parfois, il attendait toujours et cela n'émouvait personne. Parfois, il était parti. Il n'est plus là ? L'a-t-il été vraiment d'ailleurs, personne n'en savait rien car on n'avait pas pris soin de faire l'appel et de noter qu'il avait bien reçu la citation. Tout ceci n'intéressait pas grand monde. « Ce sera un défaut », constatait, résigné, le président pour dire que le jugement serait rendu par défaut ; ce qui signifiait qu'on établirait un jugement, qu'on devrait le faire signifier par huissier, que le prévenu ferait alors opposition et que l'affaire reviendrait devant le tribunal, dans un an, dans deux ou jamais. Ces pratiques ont totalement disparu.
38Le justiciable est aujourd'hui un usager qui, en plus de recevoir un PV de convocation, se voit expliquer la convocation de vive voix par un policier ou un magistrat. Dans beaucoup de cas, il est convoqué à une heure précise et dans un bureau pour un entretien personnel avec le procureur ou le délégué du procureur. En composition pénale, sans que la loi n'y oblige, on lui a écrit pour lui indiquer par avance ses droits. S'il est poursuivi, à l'audience, on fait l'appel des causes et on a soin d'éviter que l'audience ne se termine trop tard.
39Un pourcentage, même limité, de justiciables qui ne viennent pas aux convocations, c'est pour le procureur une « perte en ligne » inacceptable et il faut revoir le schéma d'orientation ou le détail de telle procédure. C'est, dit un autre, un « accident industriel » qui mérite de réviser le process [14]
40Sur l'exemple cité plus haut, on ne peut plus se suffire de dire, « il fait défaut, très bien, à ses risques et périls, on va le condamner à du ferme comme cela on le reverra, car cette fois il aura eu la peur de sa vie ». Non, la question n'est plus là.
41L'usager a-t-il été perdu en chemin ? S'il n'est pas le seul, c'est un problème pour le service. Le jugement par défaut a un coût financier en plus d'être inefficace et il faut donc l'éviter. C'est du point de vue de l'usager que le process est examiné et c'est l'adaptation du process aux fonctionnements des usagers qu'il faut réussir.
42Il ne s'agit pas de créer de nouveaux symboles pour de nouvelles procédures, c'est de signes et de signalétique efficaces dont on a besoin. Des magistrats du parquet récusent d'ailleurs l'idée selon laquelle la solennité de l'audience assurerait d'un effet marquant sur le prévenu, ce que l'un d'eux exprime très bien : « Ce n'est pas la forme de la réponse qui fait le souvenir de la réponse ». Et s'il faut user du rituel classique, de l'audience publique, c'est moins pour le prévenu que pour montrer à l'opinion qu'on a pris au sérieux tel dossier.
43Il faut prendre en compte jusqu'aux faiblesses de l'usager dans la manière dont il se gouverne et penser à partir de là un mode de convocation, un enchaînement adéquat des phases d'une procédure (en CRPC par exemple). Il faut encore pouvoir vérifier l'action des auxiliaires de justice (policiers, gendarmes, délégués du procureur, associations) et des procureurs en viennent à définir des « points contrôles qualités ». Il ne manque que l'enquête de satisfaction des usagers mais, d'une certaine manière, les commissions pénales « barreau-parquet-siège » sont l'occasion de remontées quand ce ne sont pas les chercheurs qui passent aussi les messages.
II. Le dialogue avec l'usager
44Il ne suffit pas de prendre conscience de ce que les prévenus par leur nombre, par l'effet en retour du traitement pénal de cette population sur l'institution elle-même, sont devenus une population d'usagers auxquels il faut adapter les ressources de la justice ; il faut encore, pour améliorer l'efficience de la chaîne pénale, engager avec l'usager, au singulier cette fois, un dialogue. La bonne gestion l'impose.
45Non pas seulement en aval de la chaîne pénale, quand le prévenu condamné à une peine de prison ferme devient un usager de la prison, qui peut s'exprimer en tant que tel auprès du comité d'évaluation sur ses conditions de vie [15], mais bien en amont.
46Donnons quelques exemples de cette évolution pris délibérément en différents points de la chaîne pénale. Certains ne sont pas encore parvenus à leur terme mais il y a fort à parier qu'ils y parviendront, c'est-à-dire qu'ils s'installeront comme des pratiques générales, voire qu'ils deviendront la norme.
47Prenons le défèrement. C'est l'opération par laquelle, en fin d'enquête et généralement en fin de garde à vue, un procureur se fait présenter un mis en cause et, à l'issue de l'entretien qu'il a avec lui, décide de le faire juger en comparution immédiate, ou bien lui remet une convocation pour une audience à venir et le fait placer d'ici là en contrôle judiciaire, ou encore lui propose une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Enfin, mais en matière de délit c'est devenu rarissime, il peut requérir l'ouverture d'une information.
48Avant 2011, personne ne se souciait trop de ce moment où la défense était absente. Le défèrement était la suite de la garde à vue, en amont de la procédure contradictoire, en amont de toute défense véritable. Depuis 2011, l'avocat assiste aux interrogatoires de garde à vue. Du coup, entre la garde à vue et la procédure qui suivra, il y a, au temps du défèrement, pour la défense, comme un angle mort. Des avocats ont donc saisi le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) [16]. Peut-on laisser le prévenu, seul sans défense, face au procureur lors du défèrement ? Réponse du Conseil : mais bien sûr, puisque le procureur ne fait que recueillir les déclarations spontanées du mis en cause sans pouvoir lui poser de questions et sans pouvoir consigner ses déclarations.
49Donc, en droit, la défense n'a rien à faire au défèrement. Ni selon le code de procédure pénale, ni d'un point de vue constitutionnel. Pourtant, des procureurs, eux, estiment que le bon traitement de l'usager - non pas de son seul point de vue à lui, en tant que prévenu, mais aussi du point de vue du ministère public - leur fait préférer une défense présente au défèrement qui pourra apporter des éléments de personnalité permettant alors une meilleure orientation. Elle permettra d'éviter peut-être de déranger trois juges civils en pleine rédaction de leurs jugements pour une comparution immédiate dont on pouvait se passer. Les « permanences défèrements » sont nées.
50Deuxième exemple, la signification des ordonnances pénales délictuelles (OPD). Les ordonnances pénales constituent sans doute la procédure de poursuites qui aura fait gagner le plus en productivité à la chaîne pénale. Particulièrement adaptée aux contentieux de masse, aux contentieux objectivables, aux infractions formelles (CEA, grands excès de vitesse, ports d'armes, usages de stups, vols en grandes surfaces), elle fait l'économie de l'audience. Le parquet saisit le siège de réquisitions, alignées le plus souvent sur un barème discuté en amont et par type de contentieux, avec le siège. Le juge signe l'ordonnance.
51Sauf « accident industriel » du fait d'un désaccord émergent entre siège et parquet, le magistrat du siège peut signer jusqu'à 50 ordonnances pénales délictuelles (OPD) à l'heure [17]. Le code prévoit une signification de l'ordonnance orale ou par lettre RAR. Le prévenu peut faire opposition à l'ordonnance dans les 45 jours de la signification. En ce cas, l'affaire revient en audience devant les magistrats du siège. C'est dit-on du « contradictoire à la demande ».
52Les parquets ont vite compris qu'une signification orale de ces ordonnances, individuelle ou collective, par un délégué du procureur est une nécessité pour éviter ainsi les oppositions « de précaution ». L'usager pourra mieux comprendre que s'il a un droit à faire opposition, ce n'est pas nécessairement son intérêt. La signification par délégué devient donc une pratique très courante. L'intérêt de l'usager et celui de la juridiction concordent en ce sens.
53Troisième exemple. Récemment, la chambre criminelle a opéré un revirement de jurisprudence sur une position qui était sienne depuis 1958 [18]. En correctionnelle (première instance et appel), le président n'avait pas d'obligation de demander au prévenu qui comparaissait seul s'il voulait un avocat. Ce n'est que, si le prévenu en demandait un de lui-même, qu'il avait l'obligation de lui en désigner. Désormais, le respect des droits de la défense exige, nous dit la chambre criminelle, que le président prenne dans tous les cas l'initiative d'une question en ce sens.
54Une doctrine platement positiviste et au surplus un brin flagorneuse saluera l'avancée des droits de la défense et mettra tout cela sur le compte du souci qu'en prend la chambre criminelle. C'est sûrement vrai. Et cela l'est d'autant plus qu'ici comme ailleurs l'aiguillon de la CEDH aide à la prise de conscience. Mais ce qui est intéressant, c'est de réfléchir à ce qui a permis ce progrès, ce qui explique que ce revirement survienne maintenant. Quand toutes les affaires poursuivables, même les plus banales, passaient en audience classique, quand le rôle d'un après-midi comptait plus de 50 dossiers, quand cette audience durait neuf heures d'affilée, il était impossible d'imaginer qu'un président doive s'enquérir, auprès de chaque prévenu se présentant seul, de savoir s'il voulait qu'on lui désignât un avocat.
55En réalité c'est parce que l'audience est désormais strictement réservée aux affaires graves (le reste est traité par alternatives, composition pénale, OPD ou CRPC) qu'on peut décider de proposer à chaque prévenu l'assistance d'un avocat. C'est le meilleur traitement des usagers qui permet un progrès des droits de la défense. Le management n'est pas toujours, pas sur cet exemple au moins, l'ennemi de la qualité. Il peut aussi la rendre possible.
56Dernier exemple : les analyses de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ont eu en France pour conséquence d'exclure l'usage de la garde à vue pour les étrangers en séjour irrégulier. Ces analyses tiennent pour l'essentiel à ce que l'objectif d'efficacité posé par la « directive retour » suppose pour le juge européen un emploi des ressources bien compris. L'usage de l'arme pénale et a fortiori de l'emprisonnement a été jugé disproportionné à la situation de l'étranger en simple séjour irrégulier, non pas seulement au sens d'une proportionnalité de la peine à la gravité de l'infraction mais aussi au sens d'un emploi disproportionné de la « ressource » qu'est la prison à l'objectif visé le retour. Dans le même temps, le législateur français venait de restreindre l'usage de la garde à vue aux infractions punies d'emprisonnement. Mais là encore, l'excès du recours aux gardes à vue n'était pas analysé comme attentatoire au seul principe de proportionnalité de cette mesure privative de liberté par rapport à la gravité des infractions mais aussi comme un effet partiel d'une décision de gestion critiquable, à savoir le choix du nombre des gardes à vue comme indicateur de performance jusqu'en 2010 (Cf. Rapport no 315 de M. F. Zocchetto, au nom de la commission des lois du Sénat).
57On le voit, la pratique, la jurisprudence, la politique pénale prennent tour à tour en compte l'usager dans une approche dénuée de moralisme et qui fait totalement abstraction du refrain tant de fois entendu à l'audience, « s'il est là c'est qu'il l'a voulu, il fallait réfléchir avant aux conséquences de ses actes ».
58Enfin le dialogue va plus loin. Il faut composer avec l'usager. Et sont entrées dans notre droit des procédures de traitement des délits qui reposent sur l'acceptation par le prévenu d'une procédure et d'une sanction : c'est le cas de la composition pénale et de la comparution pour reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) qui représentent ensemble aujourd'hui plus de 20% des décisions pénales générant une inscription au casier judiciaire.
59La voie d'une forme même imparfaite de contractualisation, empruntée par ces procédures, fait du prévenu un usager autant qu'un justiciable. Dans l'un et l'autre cas, le prévenu reconnaissant les faits accepte une procédure qui limite le rôle du juge et accepte la sanction que lui propose le ministère public. Certes, ces procédures et sanctions devront être validées ou homologuées par un juge mais celui-là ne pourra modifier l'accord pris entre le prévenu et le parquet. L'idée présente, dès la circulaire d'application de la loi du 9 mars 2004 instituant la CRPC [19], que, pour « favoriser le développement » de la CRPC au prévenu avec l'objectif de faire gagner du temps d'audience, il faille proposer une peine sensiblement inférieure à ce qui aurait été prononcé en audience classique, cette idée relève bien d'une logique dont seul l'usager, voire le client, est destinataire.
60Ce n'est plus de la peine juste et utile à la correction du délinquant dont il est ici question, encore moins de la peine rétributive qui sanctionne l'atteinte à l'ordre social. Mais de sanctions qui font compromis entre ce que l'usager peut accepter selon une procédure qui le prémunit de l'aléa de l'audience, de la honte aussi de comparaître à une véritable audience publique tout en permettant à la juridiction d'atteindre ses objectifs de gestion.
61Émerge ici la recherche d'un intérêt partagé, d'une organisation « gagnant gagnant » typique des rapports économiques de l'entreprise [20] et a priori aux antipodes de la logique pénaliste française. Elle est pourtant encore à l'œuvre lorsque le législateur vient à consentir des rabais de 20% pour un paiement rapide des amendes correctionnelles [21], payées à la sortie de l'audience, en passant au BEX, le Bureau d'exécution. L'usager condamné veut en finir avec cette méchante histoire qui lui vaut une condamnation à une amende correctionnelle ? Et, de l'autre côté, les taux de recouvrement forcé par le Trésor public sont lamentables et coûteux ? Qu'à cela ne tienne ! Proposons au condamné de s'en acquitter, tout de suite, avec sa carte bancaire, à la sortie de l'audience. Il faut alors qu'il y ait un intérêt : proposons-lui 20% de remise !
62Le souci de l'usager est de plus en plus présent à tous les stades de la réponse pénale. Entendons-nous bien, le prévenu peut bien à certains moments redevenir ce sujet, soumis à la puissance de la justice pénale, et il peut à d'autres redevenir ce délinquant qu'on va tenter de corriger par des peines dont certaines relèvent encore d'une société disciplinaire et d'autres de logiques plus néolibérales. Il apprendra alors, en cette dernière hypothèse, dans des stages divers et variés, à se gouverner.
63Mais en procédure, il est difficile de nier qu'il soit de plus en plus pensé comme un usager.
64Le paradoxe, c'est que tout doit être fait pour que l'usager en cause, bien compté, bien orienté, traité efficacement, reçoive une réponse si bien adaptée qu'elle évite qu'il ne revienne encombrer le service public de la Justice. Le slogan de la Justice pénale managériale, si elle devait un jour en avoir un, pourrait être : Nous prenons si bien en compte l'usager qu'il ne revient pas. La publicité au service de Bentham si vous voulez. Car c'est bien un utilitarisme processuel qui s'insinue là. Les peines sont nécessaires certes, mais la procédure en elle-même n'a pas vocation à punir et le prévenu est le meilleur juge de ses intérêts [22] processuels, au pénal comme au civil. Le principe d'utilité doit, en toutes ses facettes, dominer la procédure. Une procédure plus attentive à l'usager serait ainsi la source d'une pédagogie de la peine qui préviendrait la récidive. La critique nécessaire de cet utilitarisme, qui méritera d'être nuancée, viendra en son temps.
Notes
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[1]
La réflexion qui suit a donné lieu à une communication lors d'un colloque de juristes publicistes consacré aux multiples visages de l'usager ? Le titre général du colloque était le suivant : « Administré, usager, citoyen, public... Les transformations du destinataire de l'action administrative et de son droit. Colloque organisé à la faculté de droit de Nantes les 25 et 26 octobre 2012 par madame le professeur A. Van Lang.
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[2]
Voir Serge Petit, service public de la justice (responsabilité du), répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz, juin 2012. Voir aussi Philippe Belloir, La responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice : mode d'emploi, AJ Pénal 2011, p. 341 .
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[3]
J.-P. Jean, Les demandes des « usagers » de la justice, première publication in Daniel Soulez-Larivière et Hubert Dalle, Notre justice, Robert Laffont, 2002, et publié de nouveau in Marie-Luce Cavrois, Hubert Dalle et Jean-Paul Jean, La qualité de la justice, La Documentation française, 2002.
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[4]
Jacques Chevallier, L'État post-moderne, LGDJ, 2004, page 73.
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[5]
Evelyne Sire-Marin, La chaîne pénale ou comment la justice amplifie la ségrégation sociale, Fondation Copernic, 2007.
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[6]
Cf. Les développements relatifs au pénal, in L. Cadiet (dir.), Pour une administration au service de la justice, Le club des juristes, mai 2012, 203 pages, et J. Danet et alii, Une évaluation de l'administration de la Justice pénale, Les nouveaux modes de traitement des délits, Recherche financée par l'Agence nationale de la recherche (ANR) ?, publication à paraître, 2013.
-
[7]
« Dans le courant du XXe siècle, la notion d'administré a progressivement cédé la place à celle d'usager, démontrant par-là même une émancipation de l'administré à l'égard de l'administration puisqu'il ne subit plus l'action administrative, mais en devient le bénéficiaire ». Virginie Donier, Les droits de l'usager et ceux du citoyen, RFDA 2008, p. 13 . Voir aussi cité par cet auteur, N. Foulquier, Les droits publics subjectifs des administrés. Émergence d'un concept en droit administratif français du XIXe au XXe siècle, Dalloz, nouvelle bibliothèque des thèses, vol. 25, 2003, p. 43 s.
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[8]
M. Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, 1975.
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[9]
Nous employons ici le mot au sens foucaldien. Cf. M. Foucault, Sécurité, territoire, population, Cours au collège de France, 1977-1978, Hautes Études, Gallimard Seuil, 2004.
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[10]
Entre les alternatives aux poursuites, les poursuites sans peines de prison possibles, les poursuites avec prison assortie du sursis ou aménageable, les prisons fermes.
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[11]
Pour de plus amples développements, nous vous renvoyons à notre étude « Les symboles en question dans le procès pénal », in « Les figures du procès au-delà des frontières », actes du colloque tenu à Toulouse le 18 octobre 2012, à paraître Dalloz, 2013.
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[12]
Voir sur ce point notre analyse in « La concurrence des procédures pénales », in Le droit pénal, Archives de philosophie du droit, tome 53, Dalloz, 2010, pp. 200-211, texte repris dans « La Justice pénale entre rituel et management », PUR, 2010.
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[13]
Associations, délégués du procureur, personnes physiques, etc.
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[14]
Ces expressions sont tirées d'entretiens réalisés par notre équipe de recherche dans le cadre d'un contrat ANR. La recherche porte sur l'évaluation des nouveaux modes de traitement des délits.
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[15]
Article 5 de la loi no 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire : « Un conseil d'évaluation est institué auprès de chaque établissement pénitentiaire afin d'évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.
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[16]
Crim. 1er mars 2011, pourvoi no 10-90.125, RSC 2011. 415, obs. J. Danet, inédit ; Cons. const., 6 mai 2011, no 2011-125 QPC, D. 2012. 1638, obs. V. Bernaud et N. Jacquinot ; AJ pénal 2011. 471, obs. J.-B. Perrier ; Constitutions 2011. 525, obs. E. Daoud et A. Talbot ; RSC 2011. 415, obs. J. Danet. Cf. notre analyse à la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2/2011, Chronique de jurisprudence procédure pénale no 4.
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[17]
Selon le témoignage d'un magistrat.
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[18]
Crim. 16 juill. 2010, no 10-80.551, RSC 2011. 151, obs. J. Danet, QPC Non-lieu à renvoi ; Crim. 24 nov. 2010, no 10-80.551, D. 2011. 14 ; RSC 2011. 151, obs. J. Danet, Chronique de jurisprudence procédure pénale no 6.
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[19]
Crim. 2004, 12E8/02-09-2004. « Il résulte de la logique de la nouvelle procédure - que traduit notamment la réduction par deux du maximum de la peine d'emprisonnement encourue - que la ou les peines proposées, si elles doivent évidemment tenir compte des peines que le tribunal correctionnel serait en pratique susceptible de prononcer s'il était saisi selon les procédures ordinaires, doivent être inférieures à ces peines, afin d'inciter la personne à accepter la proposition du procureur. » -12 E8/02-09-2004 CRIM 2004-12 E8/02-09-2004.
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[20]
Même si l'expression fut créée à propos des relations entre parents et enfants.
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[21]
Sous un mois, voir Décret no 2005-1099 du 2 septembre 2005 relatif à la procédure simplifiée et au paiement volontaire des amendes correctionnelles ou de police et Circulaire Crim. 2005, 20 E8/07-09-2005.
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[22]
J. Bentham, Traité des législations civile et pénale, chapitre XII, Des limites qui séparent la morale et la législation, éd. Dalloz, 2009, p. 50. Voir aussi, J.-P. Jean, J. Bentham et l'utilitarisme en droit pénal, in « Un droit pénal postmoderne ? » coll. Droit et justice, PUF, 2009.