Notes
-
[1]
Badanelli, 2005, Mahamud Angulo, 2005, Rabazas Romero et Ramos Zamora, 2005.
-
[2]
Serrano de Haro A. (1942). España es así. Madrid : Escuela Española.
-
[3]
Sáenz de Heredia J.L. (1941). Raza.
-
[4]
De Andrade J. (1942). RAZA anecdotario para el guión de una película. Madrid : Numancia.
-
[5]
Pemán J.M. (1947). De doce cualidades de la mujer. Madrid : Alcor.
-
[6]
Pemán J.M. […] p. 104.
-
[7]
Alvarez Pérez A. (1966). Enciclopedia intuitiva – sintética – práctica (III), tercer grado. Valladolid : Miñon S.A., p. 404.
-
[8]
Anonyme (1944). Historia universal. Zaragoza : Luis Vives, p. 201.
-
[9]
Onieva A.J. (1939). La nueva escuela española. Valladolid : Santarén, p. 149.
-
[10]
Comas de Montáñez M. (1970). Historia moderna y contemporanea de España. Barcelona : Socrates, p. 189.
-
[11]
Anonyme (1939). Manual de la Historia de España 2° grado. Zaragoza : Edelvives, p. 189.
-
[12]
Serrano de Haro A. (1947). Guirnaldas de la historia. Madrid : Escuela española, p. 220.
-
[13]
Bermejo de la Rica A. (1942). Historia de la cultura 4° curso. Madrid : García Enciso, p. 116.
-
[14]
Giner de los Ríos G. (1935). Cien lecturas históricas. Madrid : Espasa calpe, p. 72
-
[15]
Bermejo de la Rica A. (1942). Historia de la cultura 4° curso. Madrid : García Enciso, p. 69.
-
[16]
Serrano de Haro A. (1942). España es así, Madrid, Escuela Española, p. 42. C’est l’auteur qui met en majuscules.
-
[17]
Anonyme (1956).¡Adelante ! Tercer curso escolar. Madrid : Escuela española, p.246.
-
[18]
Serrano de Haro A. (1942). […] p. 43.
-
[19]
Anonyme. (1956). ¡Adelante ! […] p. 246-247.
-
[20]
Serrano de Haro A. (1942). […] p. 240.
-
[21]
Anonyme. (1947). Historia de España 1er grado. Zaragoza : Edelvives, p. 49.
-
[22]
Hernando V. (1968). Lecturas históricas 4° curso. Madrid : S.M., p. 92.
-
[23]
Dalmáu Carles J. 1933 (1912). El segundo manuscrito, édition révisée. Gerona-Madrid : Dalmáu Carles, p. 12.
-
[24]
Ibidem, p. 13.
-
[25]
Altamira, R. (1934). Manual de historia de España. Madrid : Aguilar, p. 409.
-
[26]
Giner de los Ríos, G. (1935). […] p. 133.
-
[27]
Serrano de Haro A. (1947). […] p. 114.
-
[28]
Comas de Montáñez M. (1970). […] p.48
-
[29]
Fernández A., Ortega R. 1972. Demos II. Barcelona : Vicens Vives, p. 76.
-
[30]
Serrano de Haro A. (1942). […] p. 310.
1Les travaux de recherche réalisés sur les manuels scolaires espagnols ont insisté sur le bouleversement que l’instauration de la dictature franquiste (1939-1975) – que l’on peut définir, au moins pour ses vingt premières années, comme un régime « national-catholique » – engendra en leur sein : ils se firent alors les porteurs d’un « programme caché » composé d’un ensemble sous-jacent de valeurs politiques et sociales d’une orthodoxie politique sans faille (Castillejo Cambra, 2014). La capacité des ouvrages scolaires à véhiculer des normes genrées a été bien mise en évidence (Brugeilles, Cromer, Locoh, 2008). Cependant, l’impact qu’a eu sur eux, en Espagne, la « contre-révolution du genre » (Tavera García, 2005, p. 251) imposée par les vainqueurs de la Guerre Civile (des officiers qui s’appuyaient sur les secteurs les plus conservateurs de la société) n’a fait l’objet que de rares articles [1]. Ces derniers s’en sont par ailleurs tenus à la question de la construction des modèles féminins – reflétant en cela l’avancement général de l’histoire du genre qui n’a intégré que récemment à ses problématiques la question des identités masculines.
2L’objet du présent article consiste, dans une optique dialectique concevant les identités féminines et masculines comme évoluant en rapport les unes des autres (Scott et Varikas, 1988), à montrer comment le franquisme entraina, dans les manuels d’Histoire publiés après 1939, la réappropriation par le « chef de famille » du pouvoir sur sa maisonnée et ceux qui l’habitent. Une question nous semble centrale : celle du rapport de leurs auteurs (des enseignants) aux valeurs virilistes officiellement proclamées par les dirigeants d’un « État Nouveau » qui entend diriger strictement les consciences et les mœurs et « régénérer [les individus] en fonction de modèles imposés » (Dulphy, 2000, p. 153). Dans quelle mesure ces ouvrages reflètent-ils les changements de valeurs familiales que la dictature franquiste impose alors à la société espagnole ?
3Il s’agit par conséquent, après avoir précisé les sources et la méthodologie de cette étude ainsi que le contexte historique de long terme qui en est le cadre, de faire émerger l’idéal patriarcal dont sont porteurs les nouveaux dirigeants. L’affirmation officielle de la puissance guerrière du vir hispanicus (Vincent, 2006) se traduit dans les manuels d’histoire par une forte virilisation des modèles masculins. Nous étudierons plus précisément la façon dont ces ouvrages participent au large processus d’essentialisation de l’autorité du mari sur son « épouse-mère-femme au foyer » (Muñoz Ruiz, 2003, p. 321), mais également la surprenante résistance d’un idéal masculin du père de famille tendre et aimant.
Dans quel contexte genré, avec quelles sources et quelle méthodologie, étudier l’imaginaire du « chef de famille » durant l’époque franquiste ?
4Ce travail repose d’abord sur l’analyse de 193 manuels d’Histoire destinés aux élèves de l’enseignement primaire et secondaire, publiés entre 1931 et 1982 – période qui inclut la Seconde République, qui précéda le franquisme (1931-1939), ainsi que la Transition vers la démocratie, qui lui succéda (1975-1982). Ce corpus intègre les principaux best-sellers scolaires – comme España es así [2], de l’Inspecteur de l’Enseignement Primaire Serrano de Haro, qui connut vingt-cinq éditions en une trentaine d’années. Ils nous sont notamment signalés par Valls Montès (2007), qui a produit le classement des manuels les plus utilisés dans les lycées valenciens dans les années 1940, ainsi que par une large enquête réalisée en 1954 auprès de 1453 maîtres et Inspecteurs de l’enseignement primaire (Montilla, 1954). Même si ces ouvrages ont eu un rôle partiellement prescriptif auprès de leurs lecteurs – ce qui renforce leur intérêt en tant que sources (Castillejo Cambra, 2014) – leur importance réelle dans la socialisation des élèves ne doit pas être surestimée (Valls Montes, 2007). C’est essentiellement l’étude des conceptions genrées de leurs rédacteurs qui nous intéresse ici ; et, davantage que le discours explicite que les manuels portent sur l’Histoire nationale, qui se caractérise par une forte orthodoxie idéologique (Abós, 2003), ce sont les implicites que ce discours recèle qui sont l’objet de cette analyse : ils ouvrent une voie d’accès aux représentations personnelles des auteurs. La mise en œuvre d’une étude quantitative des personnages et des qualités qui leur sont attribuées, selon la méthodologie énoncée par Brugeilles et Cromer (2005) vise à compléter l’analyse qualitative, en déjouant le piège de la reconnaissance de catégories de pensée préétablies et en « évitant toute sélection à l’intérieur du support ». La composition du corpus a veillé à refléter la diversité des manuels. Cela supposait – tant il est vrai que chaque univers social ou sous-culture est susceptible de construire ses propres normes masculines (Corbin et al., 2011 ; Gutmann, 1997) – de ne pas se limiter à l’étude des ouvrages les plus diffusés et de prendre en compte les différents types d’auteurs : instituteurs, professeurs des lycées de centre-ville – qui formaient alors une élite intellectuelle restreinte et reconnue – et membres des ordres religieux voués à l’enseignement.
5De même que l’adoption d’une perspective genrée, la mobilisation d’autres types de sources doit participer au renouvellement de l’étude des manuels auquel ses praticiens appellent (Castillejo Cambra, 2014). Ce travail s’appuie donc également sur l’analyse d’œuvres qui permettent d’intégrer les manuels d’Histoire dans un contexte culturel plus large, dépassant la sphère scolaire. Certaines ont pour auteurs des membres des élites (notamment militaires) au pouvoir entre 1939 et 1975. Le film Raza [3] constitue ainsi une source historique riche, car son scénario original [4] fut rédigé par le dictateur lui-même, et peut être considéré comme « le film du franquisme » (Berthier, 2007, p. 59). Les travaux qui lui ont été consacrés (Gubern, 1977 ; Berthier, 1998) ne se sont pas penchés sur la question des valeurs genrées et familiales qu’il reflète. Il nous renseigne sur les idéaux virils du Généralissime, car il repose largement, dans une logique binaire, sur des oppositions de modèles et de contre-modèles masculins. Certains livres sont également très explicites sur les conceptions des milieux alors au pouvoir, comme l’ouvrage Des douze qualités de la femme [5], rédigé par J.M. Pemán, homme de lettres traditionnaliste mais également éphémère Ministre de l’Éducation du premier gouvernement franquiste en 1936 et auteur en 1939 d’un manuel d’Histoire de très large diffusion.
6Cette étude de l’idéal du père de famille dans les manuels d’Histoire s’intègre dans le cadre historique de l’affirmation, dans l’Europe des xixe et xxe siècles, d’un modèle d’homme tourné vers la production de richesses et vers la vertu plutôt que vers l’honneur, le courage et la force physique (Sohn, 2009) – homme pour lequel les valeurs familiales deviennent plus centrales (Mosse, 1997). Lorsque la République est proclamée en 1931, cet homme pacifié, attaché à sa femme et à ses enfants l’a déjà emporté dans les discours que la société espagnole (et, singulièrement, ses classes éduquées) se tient à elle-même (Aresti, 2010). Le travail d’émancipation légale des femmes dans les milieux professionnel et familial auquel procède après 1931 le gouvernement républicain vient conforter et concrétiser cette mise en cause de l’ordre patriarcal hérité (Yusta, 2005 ; Ripa, 2002).
7Les travaux des historiens ont montré que le franquisme constitua une parenthèse dans ce processus de modernisation. Ils confirment ainsi l’idée selon laquelle la militarisation d’un mouvement nationaliste s’accompagne le plus souvent de la re-légitimation et du renforcement des privilèges masculins (C. Enloe, 1990). La famille traditionnelle, parce qu’elle constitue la cellule nucléaire de l’ordre social ancien, est de nouveau au cœur des préoccupations politiques (Cenarro Lagunas, 2006) : la réforme du Code Civil rétablit le délit d’adultère, dont le traitement est nettement différencié selon le sexe du coupable ; et dans un même mouvement, le législateur supprime quasiment les peines pour crime d’honneur à l’encontre d’une épouse ou d’une fille et condamne à la prison les femmes coupables d’avoir avorté (Di Febo, 2005).
8Cette législation est en cohérence avec les rêves, que forment alors les milieux dirigeants, d’un homme espagnol réaffirmé dans son rôle de patriarche. Ainsi, les valeurs masculines sur lesquelles repose le film Raza font du père un homme d’autorité, distant de son épouse et de ses enfants. Son rapport à ceux-ci ne saurait être trop affectif ou démonstratif. Il est avant tout celui qui incarne l’honneur familial et le transmet à ses fils – qui devront s’en montrer dignes. Le modèle paternel que portent les Officiers qui accèdent au pouvoir en 1939 s’intègre dans le monde exclusivement viril du « Mannerbund » dans lequel vit « l’homme fasciste » des années 1930 (Chapoutot, 2012). Une trop grande proximité avec les femmes et les enfants serait amollissante et dévirilisante. Cette naturelle froideur des hommes envers les enfants est d’ailleurs théorisée par J.M. Pemán :
9« Toutes les mères sont un peu les mères de tous les enfants. Tout nouvel enfant qu’elles voient, beau, laid, éveillé ou bête, fait renaitre dans leurs yeux la même lueur d’étonnement. Pour les hommes, il n’y a rien qui ressemble autant à un enfant qu’un autre enfant [6]. »
10Les conceptions virilistes des officiers putschistes (et de leurs soutiens réactionnaires) qui accèdent au pouvoir en 1939 ne demeurent pas aux portes de l’historiographie scolaire : elles modifient en profondeur les modèles masculins dont cette dernière est porteuse.
Le vir hispanicus : un guerrier qui sait mourir ?
11Les manuels se peuplent alors de héros qui sont avant tout des guerriers. Ils reflètent fortement l’idéal officiellement proclamé du « moine soldat » (González Ara, 2005). L’homme espagnol aurait de tout temps été voué à la guerre. Sa complexion physique, son mépris de la mort, sa capacité à endurer les privations, auraient fait de lui, dès les origines, un combattant incomparable, que l’adoption de la discipline romaine puis la lutte pluriséculaire contre « l’envahisseur arabe », au nom de la foi chrétienne, auraient contribué à perfectionner et à enraciner. Ainsi, l’étude quantitative des qualités que les manuels attribuent durant la Seconde République puis durant la période franquiste aux Ibères, Celtes et Celtibères (« premiers Espagnols » sur lesquels se seraient bâtis la nature et les atavismes du vir hispanicus) met en évidence leur héroïsation après 1939 :
Qualités (adjectifs, adverbes, noms) des Ibères, Celtes et Celtibères, en nombre de mentions pour cent manuels
Qualités (adjectifs, adverbes, noms) des Ibères, Celtes et Celtibères, en nombre de mentions pour cent manuels
12Les ouvrages publiés durant le franquisme bâtissent une virilité du « savoir-mourir » (Corbin, 2011). On lit par exemple en 1966 dans l’Enciclopedia Alvarez que chez les Ibères « les jeunes femmes aimaient choisir leurs maris parmi les guerriers les plus courageux [7] ».
13Les héros guerriers ne surent pourtant jamais conquérir complètement le cœur des auteurs, qui se défiaient de la « soldatesque irréligieuse [8] » et inculte. Éduqués dans le culte des humanités classiques, ces enseignants leur préféraient le modèle de l’homme de savoir, et secondairement le modèle de l’homme bourgeois producteur de richesses (Noblet, 2016). Cette virilisation guerrière, en insistant sur les devoirs militaires des hommes (et sur les risques afférents), n’en contribua pas moins à relégitimer leur domination sur leurs épouses.
La réaffirmation du patriarche viril et dominateur dans les manuels
Une morale double
14La restauration de l’ordre patriarcal que la Seconde République avait attaqué passe par la réaffirmation d’une morale double, qui ne suppose pas les mêmes devoirs pour chacun des deux époux et qui fait du mari le maitre de l’honneur familial.
15Les travaux des historiens ont bien montré que l’image du Don Juan, du séducteur, s’était fortement dégradée en Espagne depuis la fin du xixe siècle. Cette mutation, portée notamment par les milieux de la bourgeoisie éduquée, participe de l’affaiblissement des structures patriarcales héritées (Aresti, 2005). Elle se poursuit durant la période franquiste dont elle rencontre la forte pudibonderie, que souligne Guy Hermet (1980). Ces théories sont relayées par les autorités éducatives. L’Inspecteur de l’Enseignement Primaire A.J. Onieva demande ainsi en 1939 aux maîtres d’école d’enseigner aux garçons « le self-control, la mesure, la continence [9] ». Dans les manuels, les modèles de père de famille les plus aboutis continuent par conséquent à être des modèles d’hommes austères, qui incarnent une virilité de la retenue et du silence. On peut ainsi opposer le rigide Philippe II d’Espagne (dont le règne, de 1556 à 1598 constitua l’apogée de la puissance espagnole) à son petit-fils (et Don Juan célèbre) Philippe IV, dont le règne est associé au déclin pluriséculaire de la puissance espagnole : le premier aurait été « très espagnol, réservé et austère.
16Le palais de l’Escorial, avec sa sévère et froide grandeur, est le plus fidèle reflet de l’esprit de Philippe II [10] ». Le second est à l’opposé défini par « son laisser-aller et son manque de volonté. (…) À son époque les mœurs de la cour se relâchent : on perd cette conception sérieuse de la vie, mue par le devoir et le service d’un idéal, qui était celle de Philippe II [11] ».
17Cette moralisation puritaine des manuels a des effets paradoxaux : elle vient certes prolonger l’affirmation bourgeoise de l’époux monogame et responsable, en cours depuis le xixe siècle ; mais elle renforce surtout le caractère inégalitaire des structures familiales car elle s’accompagne de l’affirmation d’une double-morale qui différencie fortement, en fonction du sexe, ce qui est attendu en matière de mœurs. Il est désormais possible de lire (notamment dans les manuels destinés aux classes de primaire, dont le ton est souvent beaucoup moins neutre et plus moralisateur) des affirmations jusque-là totalement absentes des manuels d’Histoire, selon lesquelles par exemple « la chasteté est le bien suprême de la femme [12] ». Les condamnations de reines jugées trop légères se multiplient, comme à propos de « la frivole et superficielle Marie Louise de Parme [13] ». La fidélité, même si elle concerne également le monde masculin, est ainsi une qualité d’abord féminine.
18On peut certes trouver une exception en la personne du Cardinal Cisneros, Grand Inquisiteur et ministre d’Isabelle de Castille : la vertu est la première des qualités qui lui sont attribuées durant le franquisme. Néanmoins, la comparaison entre l’importance que les auteurs accordent à sa vertu et à celle d’Isabelle vient confirmer que le retour à l’ordre moral qui est revendiqué en 1939 consiste d’abord à placer les mœurs des femmes sous la surveillance des hommes et se préoccupe peu des mœurs de ces derniers : alors que Cisneros a, contrairement à sa souveraine, prononcé des vœux de chasteté, c’est la préoccupation pour le comportement sexuel de cette dernière qui s’accroît alors.
Évolution comparée des mentions de la « vertu » du Cardinal Cisneros et de la reine Isabelle la Catholique (pour cent manuels)
19Dans ce contexte de réaffirmation de la nécessaire vertu féminine, le patriarche s’affirme dans un rôle de gardien de l’honneur collectif et donc dans son autorité sur les femmes de sa maisonnée.
Le patriarche exerce son autorité sur les femmes de sa maisonnée
20Un nombre significatif de manuels républicains remettaient en cause l’ensemble normatif patriarcal hérité du xixe siècle. La réaffirmation après 1939 de l’autorité des maris sur leurs femmes est patente si l’on étudie par exemple la façon dont les auteurs de manuels interprètent la description que l’historien romain Tacite (qui vécut aux premier et deuxième siècles après J. C) nous a laissée des mœurs des Germains. La républicaine et socialiste Gloria Giner de los Ríos y lisait en 1935 le respect de ces derniers envers la dignité de leurs épouses : « Un des traits distinctifs de ce peuple qui mérite le plus notre admiration est le respect de la sainteté du mariage ; à la différence des autres barbares, ils n’ont qu’une seule épouse [14] ». En 1942, Antonio Bermejo de la Rica retient surtout de Tacite que chez les Germains « l’adultère était rare, et le châtiment de la femme adultère consistait en ce qu’on lui coupe les cheveux, l’expulse nue de sa maison, et donnait le droit à son mari de la maltraiter. La maternité était très protégée [15]. » Le manuel Guirnaldas de la historia (ouvrage destiné exclusivement à un public féminin) explique en 1947 à ses jeunes lectrices les progrès législatifs apportés par les Wisigoths en des termes menaçants :
« LE FUERO JUZGO EST LE PLUS CÉLÈBRE DE TOUS LES CODES QUI ONT ÉTÉ RÉDIGÉS DANS LE MONDE À CETTE ÉPOQUE.
On y trouve un avertissement terrible : UN PÈRE POURRA TUER SES FILLES SI ELLES EN VENAIENT A DES CAS EXTRÊMES DE PERTE DE LEUR HONNEUR [16] ».
22Les manuels nous offrent après 1939 des figures de patriarches tout-puissants, qui disposent de leurs filles et de leurs épouses, comme ici en 1956, en la personne du Cid :
« Son cheval se nommait Babieca.
Son épée s’appelait Tizona.
La femme du Cid s’appelait Doña Chimène, et ses filles Doña Elvire et Doña Sol. Quand il s’en fut à la guerre, il les laissa dans le monastère de Saint Pierre de Cardeña [17]. »
24Les auteurs s’étendent certes longuement sur l’émotion du Cid au moment où il se sépare de sa famille et qu’il la laisse en garde dans un couvent, afin de partir au combat. Mais ce faisant, ils insistent sur sa capacité de guerrier viril à ne pas se laisser émouvoir. Ils édifient ainsi une figure du chef de famille à la fois absentéiste et omnipotent, que reflète par exemple cette image :
25Les manuels mettent parfois en avant la place faite aux femmes en terre d’Islam, ce qui par contraste rend beaucoup plus séduisant le statut que la société espagnole leur propose. Sur l’image qui suit (les images sont plutôt rares dans les manuels jusqu’aux années 1960, notamment en raison de leur coût), le Cid montre à sa famille enfin réunie, du haut des remparts de Valence, le royaume qu’il a conquis. L’illustration de la page de droite (à laquelle est associé le titre « En terre arabe ») contribue à rendre cette situation enviable – même si elle représente en réalité l’exécution de martyres chrétiennes.
26Les monarques et hommes d’État qui n’auraient au contraire pas su se montrer à la hauteur de cette injonction à l’autorité virile et se seraient laissé confisquer le pouvoir par leurs femmes sont érigés en contre-modèles. On trouve notamment parmi eux les Bourbon d’Espagne du xviiie siècle, qui auraient joué un rôle important dans le déclin de l’Espagne. Parce que d’origine française, ils étaient enclins à être « dominés par [leurs] épouses ». Charles IV incarne ainsi le type de l’homme trop bon avec son épouse pour être réellement viril et digne du pouvoir : « Il était de caractère doux et d’intentions droites, mais (…) il était si faible qu’il fut toujours dominé par sa femme [20] ».
L’autorité paternelle : une autorité sacrée
27Le « chef de famille » exerce également son autorité sur ses enfants. Le récit du sacrifice par Guzmán le Bon de son fils, notamment, participe de l’affirmation de cette toute-puissance. En 1294, alors qu’il dirigeait la défense de la ville de Tarifa au nom du roi, Guzmán aurait été menacé par l’ennemi de l’exécution de son fils, fait prisonnier. Il aurait répondu à l’ultimatum en lançant son poignard par-dessus la muraille afin qu’il serve audit assassinat, assumant ainsi ce sacrifice nécessaire à la défense de l’honneur de son nom et bravant ceux qui le menaçaient. L’intérêt que les auteurs portent à cette anecdote est intéressant dans la mesure où il n’eut pas de réelle portée historique et où sa valeur est donc essentiellement morale. Son sens est par ailleurs souvent renforcé par la reprise du tableau peint en 1884 par Salvador Martínez Cubells y Ruiz qui met en scène l’épouse de Guzmán tentant d’arrêter son geste :
28Les femmes se trouvent ainsi placées du côté d’une sentimentalité incompatible avec l’exercice du pouvoir ou la prise de décision ; les hommes, rationnels, sont capables d’être froids et impitoyables, ce qui les qualifie pour l’exercice du pouvoir en général et pour la direction de la famille en particulier. Ils ont, symboliquement, droit de vie et de mort sur leurs enfants parce qu’ils sont mus par la défense d’un capital honorifique qui leur appartient en tant qu’hommes – il est attaché à leur patronyme – mais qui les dépasse en tant que sujets. Ils sont d’ailleurs les seuls à comprendre la portée et la grandeur de ce pouvoir, comme le montre l’extrait suivant du manuel Lecturas históricas, publié en 1968 aux éditions S.M., propriété de la congrégation des pères maristes. Il met en scène un descendant de Guzmán (tout à fait imaginaire) faisant la lecture de l’exploit de l’illustre ancêtre à son petit-fils :
« “Tuez-le avec ce poignard si vous le voulez, car je préfère mon honneur sans mon fils à mon fils sans mon honneur…”
Gonzalito [le petit-fils] demeura pensif
(...)
Papi ! demanda-t-il avec émotion. Ils l’ont tué, le fils de Guzmán ?
Ils l’ont égorgé – murmura Don Pedro – avec le couteau de son propre père, et ils ont envoyé sa tête par-dessus les murailles avec une catapulte.
Quelle horreur ! s’exclama Béatrice [la mère de l’enfant, et belle-fille du grand-père], lâchant son aiguille à coudre. Ces hommes d’autrefois étaient de pierre… plus que des hommes, on dirait des fauves.
Que dis-tu là, femme ? répliqua Don Pedro avec sévérité.
Je dis qu’accepter qu’on égorge son enfant et, en plus de cette barbarie, fournir le couteau qui versera son sang… Quand on pense que ce bouquin affirme qu’Alfonso [Guzmán le Bon] était un chevalier plein de vertus !
(...)
Et voilà ! s’exclama Don Pedro. (...) Renoncer, plutôt qu’à un couteau, à l’honneur et à la parole donnée ; trahir sa patrie, sa religion, son drapeau… pour sauver la vie d’un enfant !
Béatrice écoutait, triste et pensive. Son beau visage, jeune et joyeux, s’assombrit un instant face aux fermes arguments du grand-père.
Eh bien non ! dit-elle avec énergie. Vous ne me convaincrez pas ! Une mère ne l’aurait jamais fait ! Et en disant cela elle regarda Gonzalito avec une profonde tendresse [22]. »
30Le dénombrement des mentions par les manuels de ce sacrifice (et de la présence d’une image le représentant) reflète le renforcement du complexe guerrier-patriarcal qui se produit après 1939, et dont l’affaiblissement dans les dernières années du franquisme ne fut que relatif. Il fait apparaître également sa force plus grande dans les manuels qui ont été publiés par des maisons d’édition confessionnelles, et ont été rédigés par des membres des congrégations des Frères chrétiens (pour les éditions Bruño) et des Pères Maristes (pour les éditions S.M. et Edelvives).
Présence (cumulative) du récit du sacrifice par Guzmán de son fils, et/ou d’une image représentant ce sacrifice, pour cent manuels
Présence (cumulative) du récit du sacrifice par Guzmán de son fils, et/ou d’une image représentant ce sacrifice, pour cent manuels
31L’actualité de cet épisode est renforcée par le parallèle que certains auteurs établissent avec le sacrifice très similaire de son fils par le Colonel Moscardó (héros franquiste du soulèvement « national ») lors du siège de l’Alcazar de Tolède en 1936.
32L’affirmation du patriarche illustre donc une adéquation certaine des manuels d’histoire avec l’idéologie officielle. Cette adéquation est cependant limitée par la faible adhésion des auteurs à l’idée d’une paternité qui ne serait que lointaine.
La résistance du père de famille aimant
33Les manuels antérieurs au franquisme promouvaient, parfois avec force, un modèle très bourgeois du père de famille affectueux et proche de ses enfants. Ce type de figure masculine se trouve par exemple au cœur du manuel aux multiples rééditions Le second manuscrit, qui se présente sous la forme d’un récit du voyage à travers l’Europe d’une famille espagnole : un père (veuf) qui élève, seul et avec tendresse, son fils et sa fille.
« Don Abelardo est un maître d’école permanent pour ses enfants. L’amour de Dieu, l’amour filial, l’amour de son prochain et de sa patrie, l’honnêteté, le goût pour le travail : toutes les vertus fleurissent en même temps (...) Notre ami est un père heureux. Bénis soient les enfants qui sèment d’espoirs prometteurs le chemin de la vie de leurs géniteurs aimants !
(...)
Voici, mes chers lecteurs, le portrait moral de nos sympathiques voyageurs.
Imitez-les dans leurs vertus [23]. »
Don Abelardo, figure de l’homme bourgeois et cultivé et modèle de père dévoué, accompagné de sa fille et de son fils (1933) [24]
Don Abelardo, figure de l’homme bourgeois et cultivé et modèle de père dévoué, accompagné de sa fille et de son fils (1933) [24]
35Ce modèle de l’homme père et époux affectueux fait visiblement toujours partie de l’imaginaire des rédacteurs de manuels après 1939. En contradiction avec l’affirmation officielle d’un modèle viril du distant « moine-soldat », ils continuent à promouvoir leur propre système de valeur, montrant que le temps du politique n’est pas celui des représentations culturelles. Les héros historiques de la paternité heureuse et aimante déjà présents durant l’époque républicaine peuplent toujours les manuels. Philippe II est sans doute le premier d’entre eux : nombreux sont les auteurs qui continuent (dans des termes proches de ceux qu’utilisaient Rafael Altamira en 1934 [25] ou Gloria Giner de los Ríos [26] en 1935) de louer en lui « le roi très épris de ses enfants [27] » (1947). Ils insistent sur sa « tendresse », son « affection [28] », et son « amour paternel [29] ». Agustín Serrano de Haro, Inspecteur de l’Enseignement Primaire d’un catholicisme paternaliste et émotif très marqué, continue dans ses manuels à promouvoir l’idéaltype masculin du père de famille proche de son épouse et de ses enfants. Dans Ainsi est l’Espagne (1943), il fait même de Francisco Franco un modèle de père de famille responsable, embourgeoisé et peu conforme aux idéaux virils que le Généralissime exprime dans Raza… Le portrait qu’il dresse de lui est donc des plus représentatifs du hiatus qui peut exister alors entre les idéaux virils de ceux qui dirigent l’État espagnol et ceux des rédacteurs de manuels (Noblet, 2016). Mais on y lit également le consensus qui peut exister quant au renvoi des femmes à leur enfermement domestique traditionnel :
« Franco est simple. Il ne boit pas et ne fume pas. Il affiche toujours un sourire naturel et clair. (...) Franco est un père de famille exemplaire. Il trouve dans son foyer, aux côtés des siens, son seul repos. Il récite son rosaire avec eux tous les jours. L’éducation de sa fille le préoccupe autant que les problèmes les plus graves. Et la “reconquête du foyer” est la grande entreprise que le Caudillo a assignée aux femmes espagnoles [30]. »
Conclusion
37La réaffirmation et le renforcement de l’idéal du chef de famille tout-puissant, impulsés depuis les plus hautes sphères de l’État et de l’appareil éducatif, ne se sont pas arrêtés aux portes des manuels d’Histoire. La figure du patriarche a souvent pénétré les représentations profondes de leurs auteurs, qui lui ont en retour donné accès à l’essentialisation que confère la profondeur des temps historiques. Cette perméabilité demeure cependant partielle : si le « Chef de famille » est bien rétabli dans son autorité totale sur sa maisonnée et notamment sur son épouse, il ne se défait pas des devoirs et des émotions, de la fidélité et de l’affection, que la société a assignés au « Père de famille » depuis le début du xxe siècle. Il apparaît ainsi in fine plus aisé, pour cette dictature à la cohésion idéologique faible, de rétablir les rapports de domination traditionnels, que de diffuser un idéal type masculin et paternel militarisé et endurci. Le franquisme ne parvient pas à dévier complètement les enseignants rédacteurs des ouvrages scolaires d’un processus de modernisation bourgeoise des identités genrées qui relève du temps long et qui a partie liée avec la profondeur des modifications économiques et sociales.
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Mots-clés éditeurs : sexe masculin, manuel d’enseignement, histoire, Espagne, genre
Date de mise en ligne : 11/12/2020
https://doi.org/10.3917/cdle.050.0165Notes
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[15]
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[16]
Serrano de Haro A. (1942). España es así, Madrid, Escuela Española, p. 42. C’est l’auteur qui met en majuscules.
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[17]
Anonyme (1956).¡Adelante ! Tercer curso escolar. Madrid : Escuela española, p.246.
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[18]
Serrano de Haro A. (1942). […] p. 43.
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[19]
Anonyme. (1956). ¡Adelante ! […] p. 246-247.
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[20]
Serrano de Haro A. (1942). […] p. 240.
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[21]
Anonyme. (1947). Historia de España 1er grado. Zaragoza : Edelvives, p. 49.
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[22]
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[23]
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[24]
Ibidem, p. 13.
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[25]
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[26]
Giner de los Ríos, G. (1935). […] p. 133.
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[27]
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[28]
Comas de Montáñez M. (1970). […] p.48
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[29]
Fernández A., Ortega R. 1972. Demos II. Barcelona : Vicens Vives, p. 76.
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[30]
Serrano de Haro A. (1942). […] p. 310.