Notes
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Les italiques sont de notre initiative. Voici la version originale de cette citation : « A cooperative venture in non-authoritarian, informal learning the chief purpose of which is to discover the meaning of experience ».
1 Dans le domaine des sciences humaines et sociales, en France notamment, les mots les plus couramment employés charrient souvent une histoire tourmentée qui les a ballottés d’une discipline à une autre, d’une réalité à une autre, et il arrive que les chemins de quelques-uns d’entre eux finissent par se croiser pour faire émerger une problématique nouvelle. L’« éducation informelle » est de ceux-là, et sa rencontre orageuse avec la « forme scolaire » nous intéresse tout particulièrement. Élément du triptyque constitué par le formel, le non-formel et l’informel dans les années 1970, issu des programmes de développement des pays pauvres portés par les organisations internationales, l’éducation informelle a fait fortune dans la littérature des sciences de l’éducation pour désigner tantôt des processus d’apprentissage, tantôt des politiques éducatives. L’élargissement sémantique de l’éducation informelle menace d’en faire un mot-valise capable de reprendre sous son étiquette aussi bien les pédagogies actives que l’éducation populaire ou la formation tout au long de la vie. Parallèlement à ses usages inflationnistes, l’éducation informelle a rencontré sur son chemin la forme scolaire qui avait fait l’objet d’un effort de conceptualisation au moment de son émergence dans les travaux socio-historiques de Guy Vincent dans les années 1980 et 1990. C’est la confrontation de ces deux expressions qui sera au cœur de la présente note de synthèse.
2 Les lecteurs désireux de parcourir une revue systématique à propos des termes éducation formelle, non formelle et informelle sont invités à se reporter à la note de synthèse publiée dans la Revue française de pédagogie en 2007, due à Gilles Brougère et Hélène Bézille. Notre propos est de présenter, dix ans après cet état des lieux, une tentative de clarification autour de la question problématique de savoir si l’impératif d’efficacité économique imposé à l’éducation, dans et hors l’école, conduit simultanément l’institution scolaire à remettre en question la forme qui lui a été donnée depuis deux siècles au moins. Cette forme scolaire était fondée sur le grand partage, cette séparation du temps de l’éducation et du temps de la production, et sur une relation spéciale entre le maître et les élèves dans ce lieu à nul autre pareil qu’est l’école. Aujourd’hui, la forme scolaire est-elle condamnée à céder la place à des modes d’éducation informelle, prenant en compte prioritairement le contexte social et économique local, les besoins immédiats des populations et des territoires ? Ou bien cette rencontre des contraires peut-elle travailler la forme scolaire de l’intérieur et lui donner un sens nouveau ?
3 Le traitement de ces questions nécessite de revenir sur les conditions d’émergence des deux notions en présence, qui seront l’objet de la première partie de cette note. Ensuite, nous aborderons leur confrontation. Enfin, nous tenterons, non une synthèse, mais une articulation dialogique (et non dialectique, comme on le verra plus bas), aussi féconde que possible entre l’éducation informelle et la forme scolaire.
Éducation informelle et forme scolaire : conditions d’émergence
4 C’est de façon sporadique que le mot « informel » fut introduit dans le champ de l’éducation au milieu des années 1920. La première occurrence semble due à Eduard Christian Lindeman aux États-Unis, qui l’employa pour décrire l’éducation des adultes comme « une aventure coopérative d’apprentissage informel, non autoritaire dont le principal but est de découvrir la signification de l’expérience [1] » (Lindeman, 1926, p. 12-13). Sans doute le lien ainsi tissé d’emblée entre l’informel, la place de l’expérience et l’éducation des adultes explique-t-il que le mot n’ait pas tout de suite débordé vers l’éducation des enfants ou les apprentissages préscolaires. Dans un premier temps, l’informel qualifie la création de nouvelles institutions et de pédagogies spécifiquement adaptées aux adultes.
Émergence de l’éducation informelle enchâssée entre formel et non formel
5 Après la décolonisation et l’impulsion donnée au développement économique par les organisations émanant des Nations Unies à la fin des années 1960, le domaine de l’éducation dans les pays en voie de développement, et spécifiquement celui du monde traditionnel, rural, indigène ou aborigène, a eu recours à la « trilogie formel, non-formel, informel » dans les années 1970 (Brougère, Bézille, 2007 p. 119). La critique adressée simultanément aux systèmes éducatifs formels (Illich, 1971) a conduit à penser la question de l’alphabétisation, alors prioritaire, dans les termes d’une pédagogie rénovée (Freire, 1971). Mais le mot informel ne tarda pas à se voir d’abord concurrencé, puis supplanté par l’expression de « non formel » pour désigner les programmes d’éducation dans les pays en développement, sans doute parce qu’il est paradoxal de prétendre programmer ce qui est réputé ne pas avoir de forme fixe, si bien que l’informel est progressivement réservé à la désignation des éducations traditionnelles du monde rural (Coombs, Ahmed, 1974).
6 Une série de définitions a ainsi été proposée. L’éducation informelle s’est vue qualifier de « processus par lequel une personne acquiert et accumule durant sa vie des connaissances, des compétences, des attitudes et des notions, par l’expérience quotidienne et les relations avec le milieu », tandis qu’à l’opposé, l’enseignement formel est un « système d’enseignement institutionnalisé, chronologiquement gradué et hiérarchiquement structuré qui s’étend de l’école primaire à l’université ». Entre les deux, l’éducation non formelle est présentée comme « toute activité éducative et systématique, conduite en dehors du système formel en vue de fournir différents types d’apprentissage à des groupes particuliers de la population, adultes aussi bien qu’enfants » (ACCT 1985).
7 Ces définitions posent une multitude de problèmes. Les textes de l’UNESCO et d’autres organismes internationaux fournissent des définitions en fonction des programmes que les pays membres entendent financer, et non en fonction d’une recherche de la vérité scientifique. De ces orientations économiques fluctuantes, il découle que l’éducation formelle et l’éducation non formelle sont tantôt des processus, tantôt des programmes ou des institutions, tandis que l’adjectif « informel » qualifie tantôt une modalité d’accès aux savoirs, tantôt ces savoirs eux-mêmes. Or si on définit les deux premiers termes comme des programmes ou des institutions, il est clair qu’ils nomment des notions exclusives l’une de l’autre. Au contraire, si on considère l’éducation formelle, non formelle et informelle comme des modes d’apprentissage, il devient possible de les voir fonctionner simultanément ou alternativement plutôt que comme des entités séparées. C’est ce qui a permis notamment d’associer les apprentissages formels aux apprentissages informels dans une recherche de complémentarité, à propos des programmes de formation tout au long de la vie (La Belle Thomes, 1982). C’est aussi ce qui a permis de penser qu’à l’école, il y a l’enseignement formel du maître, mais aussi une éducation non formelle par des activités culturelles organisées ou des « éducations à », qui visent des savoir-être autant que des savoir-faire (Barthes, Alpe, 2012), et une éducation informelle par les contacts interpersonnels.
8 L’une des difficultés sémantiques de l’usage du mot informel provient du fait que cette notion ne peut s’appliquer de la même façon au processus (l’apprentissage comme learning) et aux produits (le savoir ou l’apprentissage comme résultat). Il est contestable de prétendre assimiler ces deux sens en considérant que les apprentissages informels ne peuvent produire que des savoirs informels (Maulini, Montandon, 2005). Considéré comme résultat de l’apprentissage, l’informel peut contester au savoir issu de l’enseignement formel la faculté d’invalider tous les autres types de savoirs. Ce soupçon fait écho à toute une série de questions épistémologiques anciennes. N’y a-t-il de savoir que conscient de lui-même, autrement dit inscrit dans un métadiscours (Bier et al., 2010, p. 201) ? Ethnologues et anthropologues, tels Claude Lévi-Strauss (1962) ou Pierre Clastres (1974), avaient montré que la rationalité n’était pas le privilège des sociétés modernes et que des sociétés dites primitives développaient des formes de rationalité dans leur manière d’appréhender le monde, en s’appuyant sur l’expérience, en catégorisant et en classant. Pour d’autres, la raison critique née avec les Lumières s’est muée en raison dominatrice (Adorno, Hokheimer, 1974). Ce modèle hégémonique devrait laisser place à une approche de la raison comme production concertée, comme l’a indiqué Jürgen Habermas à travers la théorie de l’agir communicationnel sous le terme de « raison communicationnelle » (1987). Le modèle de la science dans sa version positiviste est aussi contesté au sein de la communauté scientifique. Ethnologues et sociologues des sciences montrent que les savoirs scientifiques sont des construits culturels, collectifs et que leur objectivité provient du consensus qui les porte momentanément, avant basculement vers d’autres configurations, d’autres paradigmes pensés à leur tour comme scientifiques (Feyerabend, 1979 ; 1989 ; Kuhn, 1972 ; Callon, 1989 ; Latour, 1989 ; Stengers, 1993). Des ouvrages de psychologie sociale contredisent Bachelard qui, avec la notion de « rupture épistémologique », expliquait qu’il n’y a de connaissance scientifique qu’en rupture avec les représentations communes (Bachelard 1969). Au contraire, ils soutiennent que les représentations communes et les représentations scientifiques s’alimentent mutuellement (Moscovici, 1961). Dès lors, faut-il admettre au statut de savoir, le savoir informel propre aux cultures minoritaires ou indigènes (Akkari, Dasen, 2004) ? Comment prendre en compte des savoirs minoritaires, les « savoirs mineurs » (Deleuze, Guattari, 1989), la « culture du pauvre » (Hoggart, 1970), la « culture de l’opprimé » (Freire, 1971), la « culture du quotidien » (Certeau, 1980) ? Ces savoirs naissent collectivement dans des champs professionnels, culturels, géographiques diversifiés et les rencontres de populations, de groupes, les échanges réels ou virtuels facilitent leurs découvertes.
9 Beaucoup de tentatives pour donner au triptyque formel, non formel, informel, une armature conceptuelle cohérente, se sont heurtées à l’hétérogénéité des disciplines de référence. Dans le champ de la pédagogie, le non-formel est généralement équivalent à l’extrascolaire, mais dans celui de l’épistémologie, le non-formel et l’informel sont parfois confondus, le non-formel ayant alors le statut d’un savoir informel transmis d’une façon intentionnelle. Il n’y a pas une seule façon de définir l’éducation non formelle, parce que « sa définition dépend du contexte et du choix des facteurs selon lesquels on distinguera le formel du non formel en fonction du but recherché » (Grandstaff, 1978, p. 195).
10 Si l’on choisit d’examiner ces notions dans le cadre des « buts recherchés », il est clair que le développement de l’éducation non formelle dans les pays en voie de développement correspond à des objectifs louables, tels que celui d’assurer une éducation de base à tous. Dans de nombreux pays du tiers-monde, aucune éducation formelle n’est instituée pour tous les enfants. L’éducation non formelle peut alors jouer un rôle sous deux aspects : premièrement, comme complément de l’éducation formelle, l’éducation non formelle fournit des connaissances spécifiques ; deuxièmement, comme substitut de l’éducation formelle, l’éducation non formelle s’adresse à toutes celles et ceux qui n’ont pas accès à l’éducation scolaire, parce qu’il n’y a pas d’école, parce que les parents trop pauvres ont besoin de leurs enfants pour les aider, parce que des préjugés sociaux ou la discrimination (ethnique, religieuse, etc.) y font obstacle. À la suite des conférences mondiales pour l’éducation de Jomtien en 1990 et de Dakar en 2000, les États des pays en développement ont prévu d’atteindre la couverture universelle d’éducation, et pour y parvenir, l’éducation non formelle a été choisie comme une solution miracle (Poizat, 2003). Pourtant, cette fausse évidence qui définit comme non formelle « toute activité organisée et durable qui ne correspond pas exactement à la définition de l’enseignement formel » (UNESCO, 1997), dissimule mal le fait que l’éducation non formelle est souvent destinée à fournir un alibi éducatif aux systèmes défaillants (Heron, 1979 ; Evans, 1981). Dans bien des pays où on a vu fleurir des programmes d’éducation non formelle, zones rurales, bidonvilles urbains, pour les enfants, pour les hommes et pour les femmes – tribus nomades ou castes défavorisées – l’éducation non formelle n’a pas répondu aux espoirs qu’elle a suscités, malgré des succès ponctuels (ACCT, 1985, p. 10).
11 À la question de savoir si l’éducation non formelle doit être considérée comme une spécialité des pays pauvres ou en voie de développement, Denis Poizat a répondu par la négative (2003). Tout au contraire, les pays ayant un fort taux de scolarisation primaire ont les plus forts taux de participation des adultes à des activités non formelles d’éducation (Caron et al., 1989). Toutes les sociétés, riches ou pauvres, développent des systèmes éducatifs non scolaires qu’on peut ranger dans la catégorie de l’éducation non formelle. Roch Bideau a montré comment, au Québec, les activités d’éducation non formelle, telles que l’aide aux devoirs, sont organisées par une très grande diversité d’acteurs, syndicats, églises, associations, clubs et officines à visées commerciales (1988).
12 À ce stade de notre présentation, il apparaît que l’émergence de l’éducation informelle a été durablement enchâssée entre deux autres notions, d’une part l’éducation formelle, d’autre part l’éducation non formelle, qui sont, l’une et l’autre, attachées à des actions intentionnelles et programmatiques. Les programmes d’éducation non formelle, qu’ils soient conçus en substitution totale d’une éducation formelle absente ou en complément d’une éducation formelle inadéquate ou peu suivie, peuvent être caractérisés par une forme de combinaison de l’étude et du travail productif (ACCT, 1985, p. 8). Il s’agit là de la caractéristique la plus opératoire pour définir l’éducation non formelle comme « tout travail socialement utile […] qui inclut, d’une part, les activités proprement dites de production (industrielle, agricole, artisanale), d’autre part les activités de service et les activités intellectuelles et artistiques en situation réelle de travail ». (BIE, 1980). Il est opportun de rappeler ici que l’adjectif « informel » est aussi employé à propos de l’économie des pays émergents pour désigner les activités échappant à la régulation de l’État. Comme l’a analysé Bruno Lautier, l’expression « économie informelle », à l’instar de celle d’« éducation informelle », est une invention des institutions internationales (Banque mondiale, BIT, etc.) pour désigner des réalités très diverses, telles que le commerce de rue, le trafic de drogue, l’emploi non déclaré dans de grandes firmes et l’emploi des domestiques. Et dans ce domaine aussi, la question d’une articulation entre économie informelle et économie formelle est devenue centrale (Lautier, 2004).
13 Le lien ainsi posé par les organisations internationales, à propos des pays en développement, entre éducation et économie productive nous conduit à considérer, avec Alan Rogers, que si le lien entre étude et travail productif implique que l’éducation non formelle soit contextuellement ajustée (context-adjusted), l’éducation formelle, au contraire, se caractérise par l’absence de contextualisation, ou, pour dire mieux, par la décontextualisation des savoirs qui sont enseignés a priori et pour eux-mêmes sans égard pour les conditions de vie et de production immédiates (decontextualised). L’éducation informelle, à l’opposé de l’éducation formelle sur un segment dont l’éducation non formelle serait le centre, prend la place d’une éducation essentiellement contextualisée (contextualised) parce qu’elle présente des apprentissages en situation d’osmose avec son environnement immédiat (Rogers, 2004).
Définition socio-historique de la forme scolaire
14 La faiblesse conceptuelle des termes formel, informel, et non formel introduits par les organisations internationales a été reconnue par de nombreux chercheurs en sciences humaines et sociales (Brougère, Bézille, 2007, p. 117). Ce qui motive l’usage du mot « informel », c’est la prise de conscience qu’il est intenable d’enfermer l’éducation – et ce faisant, les sciences de l’éducation – dans le seul paradigme scolaire et aussi pour donner toute sa place à des objets d’études tels que l’éducation tout au long de la vie ou l’éducation permanente. De plus, ce qui justifie que l’éducation informelle ne soit pas reléguée sous prétexte de conceptualisation imparfaite ou inachevée, ce sont les constats aujourd’hui peu contestés de l’importance des connaissances acquises durant toute une vie en dehors de toute institution scolaire, même dans les pays hyper-scolarisés comme la France, où l’institution scolaire a conquis un pouvoir de qualification considérable (Garnier, Kahn, 2016).
Les contextes dans lesquels les Européens pensent avoir appris quelque chose au cours des douze derniers mois sont le domicile (69 %), des rencontres informelles (63 %), des activités de loisir (50 %), la formation sur le tas (44 %), le lieu de travail (41 %), les bibliothèques ou centres culturels locaux (31 %). Viennent loin ensuite les sessions de formations formelles sur le lieu de travail (18 %), les cours ou séminaires dans une institution éducative (17 %) (Carré, 2005, p. 100-101).
16 Pour échapper à l’emprise très pragmatique des nomenclatures tirées des organismes internationaux, à l’opposition entre formel et informel, certains chercheurs ont préféré le concept de « forme scolaire » (Monjo, 1998) en le mettant à l’épreuve d’une articulation avec « l’éducation informelle ». Or c’est Guy Vincent qui définit le premier la forme scolaire dans un ouvrage qui a fait date (1980). Prenant le parti de ne pas se focaliser sur la reproduction des inégalités sociales par un traitement différencié des élèves selon leur milieu, dans laquelle Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron ont vu la fonction véritable et cachée de l’institution scolaire (1970), Guy Vincent est parti à la recherche de ce qui est commun dans le rapport de l’école avec l’ensemble des élèves (Vincent, 1980, p. 8).
17 Cet examen minutieux lui permet de définir la forme scolaire comme « l’ensemble et la configuration des éléments constitutifs de ce que nous appelons l’école – et, partant du principe que celle-ci n’est ni éternelle ni universelle, rechercher quand et comment cette forme s’est constituée » (p. 10). À la différence des historiens de l’institution scolaire qui ont vu une rupture radicale dans les projets de réforme du temps des Lumières (Lelièvre, 1990), dans la Révolution française (Julia, 1981) ou dans l’instauration d’une école d’État (Chapoulie, 2010), Guy Vincent s’attache aux invariants de la forme scolaire qu’il fait remonter aux écoles chrétiennes de Jean-Baptiste de La Salle au xviie siècle. Selon lui, l’école primaire que Jean-Jacques Rapet a contribué à façonner en province au temps de la réforme Guizot de 1833, à laquelle Octave Gréard a donné ses structures urbaines sous le ministère de Victor Duruy, et que Jules Ferry a consolidée en la rendant laïque et gratuite, n’a d’autre modèle que celui des écoles congréganistes du xviie siècle, comme Ferdinand Buisson l’avait d’ailleurs déjà relevé dans son Nouveau Dictionnaire de pédagogie (1911, p. 690). Ainsi Jean-Baptiste de La Salle enjoignait-il de procéder dans les études avec une lenteur calculée, de ne dire que le nécessaire et d’éviter « empressement et promptitude » en toutes choses (La Salle, 1951). Or l’organisation des trois cours successifs (cours élémentaire, cours moyen, cours supérieur) de l’école publique n’avait pas pour sens l’approfondissement et l’extension du savoir, mais de revenir sans cesse sur les mêmes questions, laissant persister le principe de la pédagogie lassallienne : la répétition et la lenteur (Vincent, 1980, p. 41).
18 L’invention de la forme scolaire s’accomplit aussi dans la production de « disciplines » scolaires qui sont autant des séparations conventionnelles de champs du savoir que des moyens de discipliner et moraliser l’esprit (Chervel, 1988 ; Bishop 2016). Un siècle avant Jean-Baptiste de La Salle, déjà, le Plan des études des collèges jésuites en portait l’idée (Collegium, 1586), et dès lors, la forme scolaire imposa « les règles et la discipline de l’art rhétorique [qui] en font un des exercices qui brident au plus serré la spontanéité » (Chartier et al., 1976, p. 197). Pour expliquer la conservation de ces caractères invariants sur une période de quatre siècles, Guy Vincent avance une analyse de type fonctionnaliste. Tous les signes qui marquent la vie de la classe ont pour but d’asseoir et de conforter l’autorité du maître, et par là, de former le futur citoyen au devoir et au respect de l’autorité politique (p. 261). Cette analyse rejoint les descriptions qu’Émile Durkheim avaient formalisées au début du xxe siècle (Durkheim, 1934, p. 169).
19 Ce n’est donc pas la recherche de l’efficacité ni la formation des producteurs qui rend compte de cette permanence. Contrairement à l’éducation non formelle dont a vu qu’elle combinait l’étude au travail productif (ACCT, 1985 et BIE, 1980) et à l’éducation informelle qui est liée à l’immersion du sujet dans un contexte de vie ou de travail (Rogers, 2004), la forme scolaire est essentiellement autonome par rapport aux impératifs de la production car elle est destinée à asseoir et conforter une forme de domination. Pour Guy Vincent, si, comme le prétendait l’économiste allemand Friedrich List au début du xixe siècle, « une bonne institution scolaire est au premier chef une force productive » (List, 1939, p. 4-7), alors il n’existe pas, sur ce seul critère, de bonne institution scolaire. Or Friedrich List, théoricien du protectionnisme éducateur et du nationalisme économique (List, 1841), qui s’opposait au laisser-faire économique d’Adam Smith, est aujourd’hui reconnu comme l’un des précurseurs du lien entre éducation et développement économique, notamment par les spécialistes des pays sous-développés qui estiment que la monoculture exportatrice est néfaste aux pays pauvres qui doivent d’abord apprendre à devenir économiquement autonomes (Anson-Meyer, 1982). Sa théorie a conforté le développement des programmes de l’éducation non formelle qui sont des enseignements ajustés au contexte socio-économique et aux besoins des populations.
20 Au contraire Guy Vincent observe que ce qui naît à certains moments, dans nos sociétés, des exigences de la production, préindustrielle ou industrielle, est assez vite rejeté ou annexé par l’institution scolaire (Vincent, 1980, p. 261). Ainsi, l’écriture n’est plus technique de commerçant ou art du copiste, mais moyen d’apprendre à agir selon des règles strictes. L’enfant, en lisant et en écrivant, apprend l’obéissance, des manières de manger, de se moucher, d’écrire, des règles qui s’appliquent à tous, au maître lui-même, car les maîtres des écoles chrétiennes doivent parler le moins possible (Ariès, 1973). Plus généralement, Guy Vincent observe qu’on a assisté dans divers pays d’Europe, au xixe siècle, à l’élimination des formes d’enseignement nées avec l’industrialisation, notamment l’enseignement mutuel, au profit d’une école dont la fonction principale lui apparaît être d’ordre politique.
21 La comparaison que nous esquissons entre forme scolaire et éducation informelle ou non formelle pourrait être invalidée si la forme scolaire définie par Guy Vincent ne s’appliquait qu’à la France ou à certains pays d’Europe. Tel est l’avis de Gilles Brougère et Hélène Bézille (2007, p. 144). D’autres auteurs ont donné à la forme scolaire un sens plus étroit, en tant que « systèmes formels d’apprentissage » qui désignent « les formes données à une relation sociale qui se veut explicitement une relation éducative » (Blandin, 2002, p. 201) ou bien en tant que modèles d’action socialement définis (Maulini, Perrenoud, 2005, p. 149).
22 Guy Vincent a répondu à ces objections relativisantes en estimant qu’il en allait de même, à propos de la forme scolaire, en occident et dans d’autres sociétés et qu’on ne pouvait nulle part réduire la mission de l’école à la préparation de l’enfant à ses futurs rôles sociaux ou économiques (1980, p. 263). La forme scolaire est apparue selon lui « dans tout l’Occident moderne », du xvie au xviiie siècle, instaurant une forme d’éducation privilégiant l’écrit, entraînant la séparation de l’écolier par rapport à la vie adulte, ainsi que du savoir par rapport au faire (2008, p. 49). Guy Vincent s’est efforcé de « désigner précisément cette nouvelle forme de l’“apprendre”qui caractérise l’école, et qui se substitue peu à peu à l’apprendre par voir-faire ou ouï-dire des sociétés traditionnelles. » (Vincent, 2004, p. 124). Exploitant un ouvrage peu connu de Max Weber (2000), Guy Vincent a étendu la forme scolaire à des civilisations aussi éloignées les unes des autres que la Chine et les États-Unis d’Amérique. En s’appuyant sur la typologie weberienne des trois formes de domination (légale-rationnelle, reposant sur la croyance en la légalité des règlements arrêtés ; traditionnelle, reposant sur la croyance quotidienne en la sainteté de traditions, et charismatique, reposant sur la soumission au caractère sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d’une personne), Guy Vincent montre que chaque type d’éducation donne aux élèves les qualités qui confèrent la légitimité dans le type de domination correspondant (Vincent, 2009). Les évolutions de la forme scolaire sont ainsi liées à celles des pouvoirs politiques en place (Vincent, 1980, p. 264).
23 On pourrait ajouter à l’appui de cette thèse que la forme scolaire a toujours conforté les normes de la vie sociale préconisées par le pouvoir en place. Dans l’Ancien Régime, ni les écoles des villes aristocratiques ni les universités n’ont nourri le déclenchement de la Révolution française. Pas davantage, les institutions scolaires n’ont contribué à l’avènement ou plus tard à l’effondrement des régimes socialistes (Petitat, 2008, p. 6). Anna Zadora a étudié la variante soviétique de la fondation de l’unité nationale par l’école au détriment de la reconnaissance de ses identités infranationales (Zadora, 2014) et Gert Geissler a montré comment l’institution scolaire en Union soviétique et en République démocratique allemande a conforté le régime en place sur le plan idéologique (2000).
24 Dans toutes les régions du monde qui ont connu la généralisation de l’accès au lire-écrire-compter, une forme scolaire a accompagné l’instauration d’un rapport distancié au langage et au monde : ce rapport scriptural-scolaire au langage et au monde a permis la généralisation de formes sociales scripturales (Lahire, 1990). Les sociétés primitives, dominées presque entièrement par des formes sociales orales, sont dépourvues d’État et de religion (Balandier, 1967) ou décident de se passer d’État (Clastres, 1974). Dans ces sociétés, la légitimité de l’autorité est placée hors de la communauté des hommes, qui, dès lors, sont dépossédés des normes qui fondent leurs pratiques sociales (Vincent et al., 1994, p. 23). La production y est d’essence domestique et les savoirs, comme les savoir-faire, ne sont ni autonomisés ni conscientisés par les acteurs sociaux (Bourdieu, 1980 ; Geertz, 1986).
25 La forme scolaire est marquée par « la pédagogisation des relations sociales d’apprentissage [qui] sont liées à la constitution de savoirs scripturaux formalisés » (Vincent et al., 1994, p. 30). L’autonomisation de la relation pédagogique instaure un lieu spécifique distinct des lieux où s’accomplissent les activités sociales et économiques : l’École.
Élargissement de l’éducation informelle
26 L’éducation informelle et sa variante programmatique qu’est l’éducation non formelle ont connu dans le dernier quart du xxe siècle un triple élargissement : spatial, ainsi que nous l’avons déjà signalé, pour se voir employer à propos des pays développés ; partenarial, dans la mesure où les acteurs de l’éducation contextualisée et territorialisée sont devenus les partenaires des acteurs institutionnels de la forme scolaire ; pédagogique, enfin, car les ressorts des apprentissages informels sont devenus incontournables dans la conception des parcours réussis de formation, de la petite enfance à l’âge scolaire et tout au long de la vie.
L’éducation informelle et le développement du partenariat territorial
27 En France, la crise économique consécutive aux deux chocs pétroliers a conduit les gouvernements à modifier les relations entre scolarisation, socialisation et insertion professionnelle. Le Rapport sur l’insertion professionnelle et sociale des jeunes établi par Bertrand Schwartz en 1981 partait d’un constat : le taux de chômage des jeunes est nettement supérieur à celui des adultes, les emplois qu’ils occupent sont précaires, le nombre de jeunes qui ont affaire à la justice s’accroît, celui des suicides également. Il y était question de redonner sa fonction pédagogique à l’alternance formation-production, en validant les acquis scolaires de ceux qui n’obtiennent pas de diplôme et en élaborant un projet individualisé de formation qui déboucherait sur un « contrat de qualification professionnelle et sociale » (Schwartz, 1981).
28 Bertrand Schwartz constatait que la forme scolaire avait conféré à l’école un point central en périphérie duquel gravitaient d’autres acteurs éducatifs (collectivités territoriales, associations, monde du travail), et il considérait que cette configuration avait muté vers « un montage complexe témoignant de nombreuses contradictions mais aussi d’innovations très prospectives » (1981, p. 13). Les instances associatives et locales qui participaient auparavant d’un fonctionnement horizontal, devaient désormais s’intégrer dans la culture verticale du système scolaire, à la faveur de partenariats locaux. Il ne s’agissait alors que du début d’un long processus de mutation de la forme scolaire (Toulemonde, 2004), qui a mis en interaction, en recherche de complémentarité et en situation de partenariat les écoles et les EPLE (établissements publics locaux d’enseignement), d’une part, et les acteurs socio-culturels et économiques, d’autre part.
29 Ce qui intéresse ici est le fait que la dynamique du partenariat conduit à l’hybridation de la forme scolaire avec des éducations informelles, et qu’en retour elle altère l’appropriation exclusive de la forme scolaire par l’institution scolaire et ses acteurs. La logique du projet éducatif territorial qui s’observe à Barcelone (Vilarrasa et al., 2007) et en France dans le cadre des CEL (contrats éducatifs locaux) depuis 1999 ou des PEL (projets éducatifs locaux) et des PEDT (projets éducatifs de territoires) depuis 2014, n’a cessé d’élargir le nombre des acteurs éducatifs (Garnier, 2017, p. 269-270). La logique de la ville éducatrice constitue un pas supplémentaire. C’est la ville tout-entière qui devient le « cadre d’expérience », et qui est non seulement le lieu mais l’instance de socialisation. Selon les observations déjà effectuées aux États-Unis dans les années 1980, la latitude qu’ont alors les différents acteurs pour choisir des stratégies de coopération et de communication se plie à un « ordre de l’interaction » qui est un ordre normatif (Goffman, 1983). Dans ces conditions, l’éducation ne se fait pas seulement dans la ville, elle se fait par la ville : travailler sur l’éducation, c’est alors travailler sur la ville, avec les responsables des politiques sociales et urbaines, les urbanistes, les architectes, le tissu économique, culturel, associatif dans sa diversité. Les apprentissages informels se font par imprégnation et par interaction de l’enfant ou de l’adolescent avec l’environnement, par immersion dans la complexité du réel. De toute évidence, la ville éducatrice constitue une rupture avec une vision de l’éducation majoritairement centrée sur l’école. En outre, les choix politiques et éthiques qui président à ces coopérations ne reviennent que marginalement à l’État. C’est ici que la forme scolaire est la plus menacée de délitement, car son émergence, ainsi que l’a analysée Guy Vincent, était solidaire de l’émergence de l’État au xvie siècle. Cette logique de développement éducatif territorial se décline de plus en plus dans une articulation avec la notion de « société du savoir » ou de « société de la connaissance » et dans leur dépassement dialectique en « société apprenante » ce dont témoigne une abondante production éditoriale (Nyhan, 2002 ; Jambes, 2005 ; Hernaux, 2007).
30 Certains observateurs optimistes voient dans les territoires apprenants le nouveau modèle de formation tout au long de la vie inscrit dans la droite ligne de la formation permanente et de l’éducation populaire. C’est une formation permanente qui n’occulte pas le monde de l’entreprise et du travail, sans s’y réduire pour autant (Bélanger et al., 2006). Mais pour d’autres chercheurs, le développement des territoires apprenants et de la société de la connaissance signe la fin de l’État instructeur et stratège : le partenariat et l’invention de nouveaux montages éducatifs impliquent une intelligence porteuse de souplesse pragmatique, alors que L’État est encore à la recherche du rôle de régulateur des acteurs locaux (Dubet, 2002). Marie Duru-Bellat se demande si l’appareil idéologique porté entre autres par l’Union européenne ne viserait pas à légitimer une concurrence sans frein entre tous les acteurs de l’éducation (Duru-Bellat, 2009). Pour Agnès Van Zanten, c’est à un changement de régime éducatif qu’on assiste, qui pourrait bien marquer la fin de la forme scolaire qui avait su s’adapter à la massification des années 1950 et 1960. Se pose alors « un problème de coordination de l’action et plus fondamentalement, un problème de légitimité de l’action de l’État au local » (Van Zanten, 2010, p. 176). Il n’est peut-être pas inutile ici de rappeler l’avertissement énoncé par Philippe Meirieu :
Pour qu’une société éducative soit compatible avec la démocratie, elle doit s’efforcer de rendre accessibles tous les savoirs fondamentaux qui permettent de comprendre le monde et d’y être acteur. Il faut que la société éducative passe d’une utopie de la fixité à une utopie de la mobilité […]. Il faut trouver le moyen de faire vivre ensemble instruction et éducation (Meirieu, Frackowiak, 2008).
L’éducation informelle au secours de l’égalité des chances
32 Le constat de l’échec des politiques scolaires françaises en faveur de l’égalité des chances, partagé par de nombreux sociologues de l’éducation, est aujourd’hui relié à celui de l’emprise de la forme scolaire sur le destin individuel des élèves et aux injustices sociales qu’elle accentue. L’égalité des chances, apparue sporadiquement en France à propos du projet d’école unique au lendemain de la Première Guerre mondiale (Garnier, 2011), est devenue un slogan politique avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 (Kahn, 2011). Pour Jean-Manuel de Queiroz, avec le collège unique instauré par la loi de René Haby en 1975, on a cru pouvoir « faire accéder l’ensemble des élèves à un modèle élaboré pour une petite élite présélectionnée ». Or la prolongation de la scolarité jusqu’au baccalauréat appelait un remaniement complet du système éducatif, qui n’a jamais été entrepris. L’absence de refondation de la forme scolaire « aboutit aujourd’hui non seulement à des dysfonctionnements, mais à une école qui ne remplit pas ses objectifs » (Bier et al., 2010, p. 177). François Dubet estime pour sa part que l’emprise de l’école française sur le destin des personnes n’a jamais été aussi grand, alors que « la problématique des inégalités et des injustices scolaires devient un enjeu essentiel, et d’autant plus considérable que la situation ou l’opinion des vaincus sont reléguées » (Dubet, 2013). Si, pour Bernard Charlot, jusqu’aux années 1960, « l’origine sociale déterminait directement le niveau d’insertion professionnelle et sociale, l’école ne jouant qu’un rôle tout à fait annexe », aujourd’hui, les trajectoires sociales et professionnelles sont fortement tributaires des trajectoires scolaires (Charlot, 1987, p. 108). L’excellence scolaire, pour Philippe Perrenoud, est « consacrée norme “excellence universelle”, reconnue même par ceux qui ne vont pas à l’école ou n’y réussissent pas » (Perrenoud, 1984, p. 85). Cet énorme pouvoir de qualification et de détermination des destins sociaux et professionnels des personnes est la conséquence du succès de la forme scolaire, qui « a largement débordé les frontières de l’école et traverse de nombreuses institutions et groupes sociaux » (Perrenoud, 1984, p. 73).
33 Les activités dites extrascolaires, prisées par les familles des classes moyennes et supérieures, sont créditées de faire acquérir les compétences mêmes qui sont attachées à la forme scolaire : le goût de l’effort, l’apprentissage de la discipline, etc. (Thin, 1988). Les activités organisées hors l’école sur le modèle de la forme scolaire règlent le temps de l’enfant. Toutefois, le paradoxe de cette forme scolaire envahissante est qu’elle est perçue comme ayant perdu beaucoup de son intérêt pour les élèves, comme si, en dépit d’un pouvoir qualifiant inédit, elle s’était éloignée des préoccupations de ses usagers au point d’en perdre toute signification.
L’école, la voici devenue de plus en plus importante et de moins en moins intéressante : de plus en plus importante, car chacun croit, d’une manière ou d’une autre, que c’est à la réussite scolaire que sont suspendues globalement intégration sociale et standing professionnel ; de moins en moins intéressante, parce que la culture scolaire ne parvient manifestement plus à motiver par elle-même. Certains sont surtout sensibles à son importance, et y sacrifient beaucoup. D’autres sont plus en proie au désintérêt, et s’abandonnent à l’échec. Et ce clivage ne sépare pas simplement deux catégories d’élèves ; il passe à l’intérieur de chacun, de chaque famille. D’où le paradoxe majeur de notre temps : on n’a jamais tant voulu promouvoir l’éducation mais jamais si peu vu à quelles finalités la vouer et au service de quoi la développer (Avanzini, 1996).
35 Pour Benjamin Moignard, la forme scolaire est devenue…
… un espace coupé du monde extérieur ayant de plus en plus de mal à gérer les difficultés scolaires et l’hétérogénéité des publics. Cette forme scolaro-centrée, oubliant tout ce qu’il y a autour de l’école, participe au développement des inégalités scolaires (Moignard, 2017).
37 Le salut de cette forme scolaire en crise mais toujours dominatrice reposerait-il sur une meilleure prise en compte des apprentissages informels ? Pour Abraham Pain, l’adjectif « informelle » pourrait, nonobstant l’oxymore, caractériser une « nouvelle forme éducative » (Pain, 1990, p. 235). Ce qui la distingue de toutes les autres modalités d’éducation, c’est que l’éducation informelle comprend des contenus étroitement liés à la vie de la société et des individus, et en rapport avec des phénomènes sociaux et naturels, variés et variables. Cette « forme » éducative comprend l’idée d’un processus continu, d’un renouvellement de ses contenus, d’un processus permanent d’éducation.
38 L’éducation informelle réunit plusieurs avantages qui semblent précieux au regard de l’impasse dans laquelle se trouve la forme scolaire : elle ne suppose pas de connaissances préalables de la part de l’individu pour que son intérêt soit éveillé, les contenus ne sont pas organisés selon une logique d’apprentissage mais selon une logique liée à l’action, et l’individu joue un rôle décisif dans le processus. Pour Abraham Pain, l’éducation informelle est une modalité d’éducation qui influence tous les âges et qui peut accompagner l’éducation formelle donnée dans une institution scolaire. Elle est une sorte de matrice ou de préalable pour les autres modalités d’éducation, car elle contient les autres variables de l’action éducative à l’état embryonnaire : programme, fonction enseignante, organisation de la transmission, évaluation, définition de l’apprenant (p. 237-238).
39 Plusieurs expériences pédagogiques concrètes ont mis ces principes à l’épreuve. L’« école du 3e type », conçue par Bernard Collot comme « un espace particulier de vie à disposition des enfants », a pour principale caractéristique que « les apprentissages informels se substituent aux apprentissages formels » (Collot, 2013). Claudia Renau rappelle que le terme « informel » concerne les apprentissages qui permettent parfois de faire l’économie d’apprentissages formels fastidieux.
Les connaissances implicites, auxquelles un enfant peut faire appel sans avoir à mobiliser des règles apprises artificiellement, lui donnent un gain important en rapidité d’apprentissage. Par exemple, en écrivant correctement « ou » et « où » non pas à la suite d’une leçon, mais parce que l’enfant a inconsciemment analysé les indices et la structure de la langue qui lui font trouver l’orthographe correcte. Chez les familles ayant choisi ces modalités d’apprentissage, « informel » ne s’oppose pas à « formel » mais à « apprentissage contraint » (Renau, 2012, p. 11).
41 L’éducation informelle est un apprentissage implicite et autonome qui peut fort bien se faire sur la base de supports « formels », tels qu’un exposé au palais de la découverte ou un jeu vidéo éducatif (Holt, 2011). Lorsque l’école organise la visite d’un lieu de mémoire, n’est-ce pas recourir à l’éducation informelle, basée sur le senti, le vécu, pour donner du sens aux apprentissages formels (Wadbled, 2016) ? De même, l’éducation artistique à l’école emprunte aujourd’hui, dans les instructions officielles, la voie de l’éducation informelle (Mazière, 2015).
42 Il n’est pas besoin de souligner que le recours à internet a démultiplié les possibilités d’éducation informelle par osmose entre l’élève et les supports de connaissance : encore faut-il que la « forme scolaire » développe chez lui les compétences techniques et l’aptitude à s’orienter sur le net avec clairvoyance (Jaillet, 2004). Le fait que les ordinateurs soient entrés dans les foyers avant d’être entrés à l’école et le fait qu’aujourd’hui les réseaux sociaux soient entrés dans la vie des adolescents mais pas à l’école, qui les regarde avec méfiance voire hostilité, en disent long sur l’importance de l’éducation informelle dans la vie des élèves et sur les résistances que lui oppose encore la forme scolaire. Or le temps passé par l’élève devant l’enseignant (environ 900 heures en primaire et environ 140 jours sur 365) est quasi égal à celui passé devant la télévision, internet ou autres supports multimédias (Galland, 1997).
43 Bien que certaines des expériences d’éducation informelle conduites au sein de l’institution scolaire puissent se réclamer d’une continuité avec d’éminents pédagogues tels que Roger Cousinet ou Célestin Freinet (Renau, 2012), c’est dans le champ de la formation tout au long de la vie qu’on trouve les avancées les plus étayées dans la mise en œuvre de l’éducation informelle. La formation continue et la formation permanente s’inscrivaient encore dans une recherche de complémentarité avec la forme scolaire, toujours chargée de transmettre des savoirs fondamentaux, fussent-ils renommés « socle commun de compétences » ou « basic skills » (Derouet, Normand, 2016). Tout au contraire, l’éducation tout au long de la vie ou Long Life Learning (LLL), expression lancée par la communauté européenne dès 1995, appelle une modification des systèmes traditionnels de formation, qui doivent se montrer plus flexibles pour intégrer des parcours atypiques (Colin, Le Grand, 2008). L’éducation tout au long de la vie fait apparaître l’éducation comme un processus toujours inachevé et conduit à repenser la formation initiale dans ses finalités et dans ses contenus au profit d’une culture globale de l’apprentissage. La formation initiale devrait ainsi développer le goût d’apprendre, elle devrait apprendre à apprendre, tandis que c’est toute la société qui devient apprenante, sous forme de Lifewide learning (LWL), une éducation embrassant tous les aspects de la vie et mettant en lumière la place prééminente de l’éducation informelle (Jackson, 2011). Penser l’éducation tout au long de la vie conduit à pointer la sous-évaluation de l’éducation informelle, qui constitue la forme la plus ancienne d’apprentissage et qui rappelle que l’on apprend dans différents cadres, la famille, les loisirs, le travail, les médias, internet. L’école peut de moins en moins être perçue comme le seul espace-temps éducatif ou celui qui aurait une légitimité exclusive ou dominante, ce qui conduit à penser l’articulation de ces différents temps et espaces éducatifs, dans la synchronie (autour de l’élève) et dans la diachronie (en pensant le continuum éducatif).
44 La reconnaissance des acquis professionnels et d’expérience, à travers, notamment, pour la France, la VAP (Validation des acquis professionnels, par le décret du 23 août 1985) complétée par la VAE (Validation des acquis de l’expérience, par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et la loi du 5 mars 2014) est un exemple de cette reconnaissance. Mais ces avancées sont peu de chose au regard de l’idée répandue selon laquelle l’orientation scolaire vers des filières techniques est une forme de relégation dans la hiérarchie des savoirs comme dans la hiérarchie sociale (Guérin, 1999).
45 Les interprétations du Life Long Learning diffèrent selon les chercheurs. Certains considèrent qu’il s’agit là d’un développement de l’éducation populaire avec une volonté à la fois émancipatrice et intégratrice, tandis que d’autres estiment qu’il s’agit d’une injonction pour maintenir l’employabilité de l’individu dans l’esprit du nouveau capitalisme (Boltanski, Chiapello, 2011). Quoi qu’il en soit, beaucoup s’accordent à penser que l’éclatement des cadres oblige à penser un nouveau paradigme de l’éducation scolaire (Colin, Le Grand, 2008). Quelques tentatives ont été faites ici ou là, aussi précaires qu’éphémères : on rappelle comment la dynamique engagée par les TPE (travaux personnels encadrés) dans l’enseignement secondaire a été abandonnée, et le sort pour le moins minoré réservé par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, en fonction depuis mai 2017, aux EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) initiés par son prédécesseur Najat Vallaud-Belkacem (Garnier, 2017, p. 75-81).
46 Les sciences de l’éducation ont encore fort à faire pour approfondir ces questions. Daniel Schugurensky a souligné que les recherches centrées sur les apprentissages les moins formels confrontaient les chercheurs à quatre défis redoutables : un défi conceptuel, parce qu’il s’agit de comprendre les traits internes aux apprentissages les moins formalisés ; un défi méthodologique, pour surmonter les difficultés à mettre en évidence ces apprentissages ; un défi de reconnaissance au regard du besoin de développer des mécanismes institutionnels de validation et un défi pédagogique pour proposer des agencements significatifs (2007). On peut ajouter que l’approche de l’éducation informelle nécessite de recourir à une théorie de l’expérience qui ne doit pas la rabattre sur l’empirisme (Moreau, 2012), dans la mesure où ici, l’expérience est considérée dans le cadre des relations qui permettent l’apprentissage, dans le sillage des auteurs de la Bildung allemande, Humboldt (2004) et Herder (1964).
Forme scolaire et éducation informelle : articulation dialogique
La forme scolaire au péril de la socialisation démocratique
47 Revenant encore une fois sur la notion de forme scolaire, Guy Vincent s’est penché sur la question de savoir si le mode de socialisation décrit par Émile Durkheim au début du xxe siècle pouvait toujours être considéré comme valide et si, partant de là, la forme scolaire attachée à ce mode de socialisation était toujours opérant (Vincent, 2008). Or Mathias Millet et Daniel Thin (2005) ont analysé les « ruptures scolaires » chez des collégiens issus de milieux populaires et ils montrent, dans les refus et les révoltes, des rejets quasi systématiques d’aspects essentiels de la forme scolaire, tels les exercices non significatifs ou répétitifs, l’obligation de respect de règles injustifiées et injustifiables. Selon Guy Vincent, le sociologue, plutôt que de s’attarder sur le fait que ces jeunes sont qualifiés de « barbares », doit chercher les raisons qu’ils invoquent, fondées sur la justice, l’égalité, la solidarité, de même qu’il faut analyser, chez les jeunes qui pratiquent le Hip Hop ou toute autre activité, ce qui fait sens pour eux.
48 La démocratie, c’est la souveraineté du peuple, dans une Cité composée de citoyens autonomes qui obéissent aux lois dont ils ont eux-mêmes participé à l’élaboration. Telle est la spécificité du lien social dans la démocratie (Bouglé, 1935). En outre, la socialisation démocratique établit un rapport entre passé, présent et futur, c’est-à-dire qu’elle opère un mode d’historicité, tandis que les sociétés primitives ou despotiques sont des sociétés stagnantes qui se ferment l’avenir, qui est déjà donné dans une loi transcendante ou par la suprématie charismatique d’un chef (Lefort, 1978).
49 C’est Condorcet qui avait solidement attelé le concept d’instruction publique à la « socialisation démocratique » (Lefort, 1986), en chargeant l’école de former le libre jugement, l’aptitude à faire usage de la raison, pour rendre le futur citoyen capable du libre examen de la chose publique. Et c’est l’instruction publique qui doit permettre le réveil définitif de la raison, par l’accès de tous au savoir et à la vérité (Condorcet, 1988). L’accès à la raison et à la liberté de jugement passe nécessairement par la pratique du dialogue, de la discussion logique fondée sur la recherche de la vérité. Or, fait observer Guy Vincent, la forme scolaire a été construite pour asseoir l’autorité du maître et non pour faire dialoguer les élèves en vue de connaître la vérité. Le savoir scolaire résume le savoir sous forme de propositions non logiquement connectées et qui se contentent d’énoncer des contenus, bien qu’il se présente comme un savoir de la science et qu’il dévalorise les savoirs issus de l’expérience (Delbos, Jorion, 1984).
50 La forme scolaire n’est pas un lieu de débat, ce n’est pas espace où, comme l’aurait voulu Alain, la vérité ne peut être versée d’un esprit dans un autre, où la vérité doit être conquise et construite en partant des apparences (Alain, 1976, Propos n°18). Seul l’éclatement de la forme scolaire pourrait déboucher sur une école où les élèves parlent et doivent parler, discutent pour trouver des raisons et des justifications, font usage de leur raison et pensent par eux-mêmes. Pour ce qui est de la France, c’est bien ce que Guy Vincent constate en étudiant les transformations pédagogiques à l’œuvre en ce début de xxie siècle : une nouvelle relation pédagogique est mise en place, dans laquelle le professeur et les élèves dialoguent, expérimentent, confrontent leurs idées (Hurtig-Delattre, 2004).
51 La socialisation démocratique s’est donc étendue à l’institution scolaire et, ce faisant, elle détruit la forme scolaire. Ce constat doit être enrichi par l’idée que si la forme scolaire est bouleversée par les relations qui font émerger chez les élèves la socialisation démocratique, ces mêmes relations agissent en dehors de l’institution scolaire. Pour Olivier Galland, la socialisation et l’éducation se font de plus en plus au travers des sociabilités et des expérimentations entre pairs (Galland 1997), dans le contact avec les médias, dans des formes d’autoapprentissage favorisées par le développement des TIC, par les usages de l’internet et des réseaux sociaux, c’est-à-dire par des apprentissages qui relèvent de l’éducation informelle.
52 Mais plutôt que d’opposer l’éducation informelle à la forme scolaire, mieux vaudrait sans doute parler de continuum du formel vers l’informel. Pour André Petitat, il conviendrait de s’intéresser aux processus éducatifs à l’œuvre dans toute relation. La crise actuelle des institutions scolaires est devenue incompréhensible si l’on ne tient pas compte de ce qui se passe dans l’ensemble des relations non scolaires, celles du travail et du marché, de la famille, des genres et de la sexualité, de l’amour et de l’amitié, de la communication, de la globalisation, de l’État-nation et de la religion (Petitat, 2008, p. 5). François Dubet va plus loin lorsqu’il constate l’éclatement des théories sociologiques classiques (Durkheim, Parsons, Élias), qui visaient à répondre aux questions posées par les sociétés industrielles et postrévolutionnaires. L’action éducative consistait à inculquer à l’élève les normes d’un ensemble social intégré autour de principes communs (Dubet, 1995). Cette approche est aujourd’hui contestée par les sociologues interactionnistes, qui estiment que les individus se construisent autant qu’ils participent à l’élaboration du social et de ses normes (Corcuff, 2017).
Comprendre la complexité du monde
53 L’un des grands défis que la forme scolaire peine à relever aujourd’hui, est certainement l’appréhension de la complexité des savoirs indispensables pour comprendre la complexité du monde. L’expérience et la compréhension de la relation à autrui tiennent une place de plus en plus importante car la compréhension est au cœur du lien social (Petitat, 2008, p. 10). Pour y parvenir, sans doute faudra-t-il dépasser les distinctions entre formel et informel en éducation pour se tourner vers une entrée par la multiplicité des relations, car la relation n’est pas qu’un support de savoirs et de croyances : elle est d’abord une manière d’être ensemble, d’être socialisé – Vergesellschaftung selon Georg Simmel (Abels, König, 2010). Or la forme scolaire sépare les domaines du savoir sans établir de liens entre eux et avec le monde. C’est, pour Edgar Morin, la raison pour laquelle les savoirs et les savoir-faire transmis à l’école sont devenus inopérants pour former le lien social et pour donner accès à la compréhension d’un monde de plus en plus complexe (Morin, 2000, p. 44).
La connaissance des problèmes fondamentaux et globaux nécessite de relier des connaissances séparées, cloisonnées, compartimentées, dispersées. Or notre enseignement nous apprend à séparer les connaissances, non à les relier. Pourtant nous avons besoin d’une connaissance qui sache relier (Morin, 2017, p. 8).
55 À rebours de la forme scolaire mais d’une manière qui nous semble compatible avec les caractères auxquels on reconnaît l’éducation informelle, Edgar Morin propose d’enseigner l’incertitude de la connaissance et du réel mais également l’incertitude de l’action. Il propose de dire aux enfants qu’une action commence à échapper à leurs intentions dès qu’ils l’entreprennent car c’est l’environnement et les interactions qui s’en saisissent dans un sens qui peut parfois devenir contraire à l’intention initiale.
Conclusion
56 Au terme de cette note de synthèse, nous voudrions, en guise de conclusion, faire un pas de côté en prenant un peu de recul. À propos de la complexité des enjeux de l’Éducation populaire en général et de l’Université populaire de Paris VIII en particulier, Christian Verrier, dans une conférence, a eu recours à deux concepts empruntés à Edgar Morin, la dialogique et l’émergence. La dialogique est une unité complexe entre deux logiques complémentaires, concurrentes ou antagonistes. À la différence de la dialectique hégélienne, les antagonismes ne sont pas surmontés dans une synthèse : ils demeurent car ils sont constitutifs des phénomènes complexes. Quant au concept d’émergence, il désigne l’apparition de qualités nouvelles, au terme d’un processus de rétro-action, un phénomène de « récursion » (Morin, 2005).
57 Christian Verrier applique ces concepts aux logiques éducatives de l’Université populaire et à celles de l’Université Paris XVIII. Nous prolongeons par extrapolation cette application à l’éducation informelle et à la forme scolaire. Dans ce cas, nous dirons que la forme scolaire ne parvient pas à se renouveler et s’avère inadaptée aux aspects nouveaux du monde. Dans le changement d’époque accéléré qui est le nôtre, il semblerait que l’éducation informelle soit mieux dotée pour aller au-devant de problématiques nouvelles, pour penser la novation éducative. Mais elle comporte une grande marge d’incertitude, qui peut la conduire à l’inféodation de l’éducation aux lois du monde marchand et à l’exposition effrénée des enfants et des adultes à l’inégalité des milieux. La forme scolaire, quant à elle, préserve un espace dédié à la transmission de savoirs désintéressés, mais qui menacent de ne plus faire sens pour leurs usagers et de prononcer des qualifications socialement injustes. Le rapport dialogique dans lequel sont entrées ces deux notions ne pourrait-il pas faire en sorte que la forme scolaire, sous l’influence de l’éducation informelle, se transformerait par rétro-action, et deviendrait capable de favoriser la socialisation démocratique des futurs citoyens dans un monde complexe ?
58 Par l’émergence pédagogique qu’elle contient, cette partie deviendrait potentiellement capable de régénérer le tout ou au moins une partie de ce tout, ne serait-ce que modestement, à la marge, à condition toutefois que quelqu’un veuille bien un jour s’approprier la novation (Verrier, 2010, p. 12).
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Mots-clés éditeurs : éducation informelle, forme scolaire, éducation formelle, éducation non formelle
Date de mise en ligne : 02/07/2018.
https://doi.org/10.3917/cdle.045.0067Notes
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Les italiques sont de notre initiative. Voici la version originale de cette citation : « A cooperative venture in non-authoritarian, informal learning the chief purpose of which is to discover the meaning of experience ».