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Article de revue

Université nouvelle et éducation nouvelle sur la route de l'égalité des chances (1918-1933)

Pages 23 à 39

Notes

  • [1]
    . Nous employons le singulier pour désigner une discipline qui avait connu son grand essor au moment des premiers cours de « pédagogie » en 1907 et 1908 à l’époque où débutait en France, à l’initiative d’Ernest Lavisse notamment, la formation professionnelle des professeurs. Voir Gautherin J. (1991). Les beaux jours de la science de l’éducation, 1903- 1914. In La formation d’une discipline universitaire : la science de l’éducation (1880-1914). Thèse de doctorat. Paris : Université René-Descartes, Paris V.
  • [2]
    . Les Compagnons (1918). L’Université Nouvelle par les Compagnons. Premier Cahier, La doctrine nouvelle, Les Cahiers de Probus. Paris : Librairie Fischbacher et Les Compagnons (1919). L’Université Nouvelle par les Compagnons. Deuxième Cahier, « Les applications de la doctrine », Les Cahiers de Probus. Paris : Librairie Fischbacher.
  • [3]
    . Les Compagnons, L’Université nouvelle (2008). Édition critique par Bruno Garnier. Lyon : INRP.
  • [4]
    . Second cahier, 1919, p. 79.
  • [5]
    . Second cahier, 1919, p. 96.
  • [6]
    . Voir Duval N. (2009). L’école des Roches. Paris : Belin, (Histoire de l’éducation).
  • [7]
    . Georges Bertier, un catholique social ouvert aux mouvements d’éducation nouvelle, était soucieux de marier les méthodes actives, expérimentées dans les écoles nouvelles anglaises, avec la transmission d’une haute culture. Après la Première Guerre mondiale, Georges Bertier adhéra à l’association des Compagnons de L’Université nouvelle.
  • [8]
    . Brunhes J. [Professeur de collège] (1920). Questions à discuter : « pions » ou « capitaines » ? La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 juillet 1920.
  • [9]
    . Charles Chabot (1857-1924), était l’un des représentants reconnus de la science de l’éducation avant 1914. En 1910, il écrivit un article important, « L’école sur mesure ». Revue pédagogique, n° 7, 15 juillet. Charles Chabot entendait s’appuyer sur les observations effectuées par les instituteurs dans le cadre vivant de la classe. Il s’opposait à Alfred Binet en se tenant à l’écart d’une approche trop rigide de l’enfance, exclusivement fondée sur la mesure. Voir Mole F. (2006). « Charles Chabot, la connaissance de l’enfance et les risques de la mesure (1857-1924) » in André D. Robert, F. Mole (Coord.) Les sciences de l’éducation à Lyon, L’ISPEF, 60 ans d’histoire et plus. Lyon : université Lumière-Lyon II, p. 7-9.
  • [10]
    . Les Compagnons (1919). L’Université nouvelle. Premier cahier. Paris : Fischbacher, p. 150-153.
  • [11]
    . Dugas L. (1920). L’Université nouvelle : les applications de la doctrine par les Compagnons. L’éducation, n° 6, octobre 1920, p. 261. Notons que Ludovic Dugas avait adhéré à l’association des Compagnons en octobre 1919. Voir « 4e liste d’adhérents ». La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 octobre 1919.
  • [12]
    . C’est Antoine Prost qui a introduit dans le vocabulaire des historiens de l’enseignement le vocable d’« école moyenne » pour désigner, dans certains projets de réforme visant à instaurer l’école unique, l’organisation d’un échelon intermédiaire entre l’école primaire et le lycée, par la réorganisation des écoles primaires supérieures, notamment. Voir Prost A. (1968). Histoire de l’enseignement en France. Paris : Armand Colin, p. 409.
  • [13]
    . Second cahier, 1919, p. 2.
  • [14]
    . Carré J.-M. (1920). L’histoire des « Compagnons ». Les Compagnons de L’Université nouvelle. Paris : Fischbacher, p. 5.
  • [15]
    . Cet article de Paul Lapie a été repris en 1923 sous le titre L’école et la profession des écoliers, L’École et les Écoliers. Paris : Alcan, p. 111-147. Voir Cherkaoui M. (1979). Les effets sociaux de l’école selon Paul Lapie. Les Durkheimiens. Revue française de sociologie, vol. XX, n° 1, janvier-mars 1979, p. 239-255.
  • [16]
    . Lapie P., op. cit., p. 146-147.
  • [17]
    . Friedel V.-H. (1917). Pédagogie de guerre allemande. Paris : Fischbacher, p. 99.
  • [18]
    . Les Compagnons. L’Université Nouvelle… Premier Cahier, p. 26.
  • [19]
    . Voir Les Compagnons (1921). Le Sénat et l’Université. La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 mars 1921 et [Les Compagnons] (1921). L’Université nouvelle, La Sorbonne et le projet de M. Léon Bérard, Une mise au point des Compagnons. L’ère nouvelle, Organe de l’entente des gauches, 4 juillet 1921.
  • [20]
    . Weber M. (1921). La réforme de l’enseignement secondaire au Congrès de la Fédération des Professeurs de lycées. La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 mai 1921.
  • [21]
    . Lahargou P. (1924). L’école unique. L’enseignement chrétien. 43e année, p. 562.
  • [22]
    . Jean-Marie Carré, Edmond Vermeil et Albert Girard.
  • [23]
    . Albert, François, dit François-Albert, ancien élève de l’École Normale Supérieure, agrégé de lettres, était sénateur la Vienne lorsqu’il fut appelé en juin 1924 au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts dans le gouvernement du Cartel des gauches dirigé par Édouard Herriot, qui avait fait campagne notamment sur l’école unique. François-Albert rétablit l’enseignement moderne dès la sixième, mais il n’eut pas le temps de mettre en application le projet de l’école unique, remplacé dès avril 1925 par Anatole de Monzie. Il mourut en 1933.
  • [24]
    . Voir Garnier B. (2008). Pour l’entente des gauches. Les combattants de l’école unique, introduction à l’édition critique de L’Université nouvelle par les Compagnons. Lyon : INRP.
  • [25]
    . L’extrait des comptes de l’exercice 1924-1925 fait apparaître qu’il ne restait que 32 francs en caisse au 30 avril 1925. Quant à la publication de La Solidarité, interrompue depuis plusieurs mois, elle ne devait pas reprendre.
  • [26]
    . Garnier, B. (2007). Les fondateurs de l’école unique à la fin de la Première Guerre mondiale. L’Université nouvelle, par les Compagnons. In B. Garnier (coord.) Politiques et rhétoriques de l’« École juste » avant la cinquième République, Revue française de pédagogie, n° 159, avril-mai-juin 2007, p. 35-46.
  • [27]
    . Les Compagnons (1926). Le Comité pour l’école unique. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, avril 1926, p. 6.
  • [28]
    . Les Compagnons (1929). La fédération générale de l’enseignement et l’école unique. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, décembre 1929, p. 126.
  • [29]
    . Weber M. (1932). L’éducation nouvelle et l’école unique. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, 2e-3e trimestres 1932 (paru en octobre 1932), p. 60-68.
  • [30]
    . Les Compagnons (1918). L’Université Nouvelle par les Compagnons. Premier Cahier, La doctrine nouvelle, Les Cahiers de Probus. Paris, Fischbacher, p. 29.
  • [31]
    . Weber M. L’éducation nouvelle et l’école unique, op. cit., p. 63.
  • [32]
    . Weber M. L’éducation nouvelle et l’école unique, op. cit., p. 67.
  • [33]
    . Id., p. 65.
  • [34]
    . Cottard R. (1926). Chronique. Journal des Lycées, n° 86, avril-mai 1926.
  • [35]
    . Weber M. (1928). La crise interne de l’enseignement secondaire. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, juillet-août 1928.
  • [36]
    . Journal des Lycées, n° 107, octobre 1928.
  • [37]
    . Thauziès R. (1930). Journal des Lycées, n° 122, mai 1930.
  • [38]
    . Thauziès R. (1929). École unique. Journal des Lycées, n° 116, novembre 1929.
  • [39]
    . Cotard R. (1928). Revues et Spécialités. Le journal des lycées, n° 104, avril-mai 1928.
  • [40]
    . Langevin P. (1932). Assemblée générale du 17 avril 1932 : Allocution du Président. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, 1er trimestre 1932 (paru en juin 1932).
  • [41]
    . Lettre de Maurice Weber à John E. Talbott (1969). The Politics of Educational Reform in France, 1918-1940, Princeton University Press, USA, New Jersey, note 21 p. 213.
  • [42]
    . Les Compagnons (1933). Vers les réformes essentielles. Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, 4e trimestre 1932, (paru en octobre 1933), p. 2.
  • [43]
    . Prost, Antoine, Histoire de l’enseignement en France, Paris, Armand Colin, 1968, p. 413.

1 Il y a deux manières d’approcher le mouvement d’éducation nouvelle : une qui consiste à pénétrer chacune de ses composantes aux différentes périodes et à chercher des caractères invariants, et une qui en étudie les reflets sur d’autres forces de changement de l’École. De même que la réception des œuvres littéraires étudie les effets qu’elles produisent sur leurs lecteurs et commentateurs, de même cette seconde approche chercherait à analyser le mouvement d’éducation nouvelle en fonction des usages qu’en firent les auteurs de projets de réforme relevant de démarches ou d’enjeux différents.

2 Dans cette perspective, le mouvement des Compagnons de l’Université nouvelle, au lendemain de l’expérience fondatrice du brassage social des tranchées, constitue un bon analyseur de l’éducation nouvelle. Bien que n’étant pas des spécialistes de « la science de l’éducation [1] », les Compagnons, en songeant à abattre les cloisons entre l’ordre primaire gratuit pour les enfants du peuple et l’ordre secondaire payant pour ceux de la bourgeoisie, ont ouvert la question des méthodes capables de faire réussir les enfants venus de toutes les classes de la société. Mais cette quête ne fut pas immédiate. Au début de leur histoire, les Compagnons pensaient que le rapprochement de tous les enfants sur les mêmes bancs, obtenu par la suppression des classes élémentaires payantes, constituerait un progrès démocratique suffisant. Au cours de l’existence de leur groupe jusqu’au début des années 1930, leur projet réformateur devait poser la question de l’égalité des chances et revenir sur l’articulation entre les réformes de structure et les réformes pédagogiques. Nous nous proposons d’étudier cette évolution, et par là d’explorer la réception de l’éducation nouvelle chez les acteurs du mouvement de démocratisation institutionnelle de l’école.

Un plan de réforme institutionnel plutôt que pédagogique

3 Les Compagnons de l’Université nouvelle, auteurs de deux ouvrages célèbres parus en 1918 et 1919 [2], qui viennent d’être réédités [3], peuvent être crédités d’avoir fait de l’école unique, dans le monde éducatif et politique français de l’entre-deux-guerres et au-delà, le point central de toute réforme démocratique en éducation. Cependant, un lecteur moderne risque de trouver les premiers textes des Compagnons bien pauvres sur le plan pédagogique. Certes les Compagnons ont affirmé que le but de l’instruction obligatoire était « d’apprendre à apprendre [4] », et ce terme a fait fortune dans les années quatre-vingt. Mais on cherche en vain dans leur manifeste une référence permettant d’en savoir davantage sur les méthodes qu’il conviendrait d’employer dans la future école unique pour mettre en application ce noble précepte.

4 On trouve bien sous la plume des Compagnons quelques idées lumineuses illustrées par le récit de pratiques observées dans des classes, sans qu’un modèle pédagogique explicite vienne articuler ces idées générales avec les exemples cités. Ainsi, abordant le lycée de cinq ans et motivant leur attachement au développement harmonieux de l’esprit et du corps, dans leur second cahier, les Compagnons préconisaient une sorte de révolution pédagogique :

5

Il est tout aussi vain de vouloir développer des esprits en les maintenant passifs sous une parole étrangère, que de vouloir fortifier les corps en leur faisant exécuter des mouvements sans qu’y aient de part ni la volonté, ni l’effort. Il faudra donc ménager aux élèves, en dehors des classes, de longues heures d’études. La classe ne doit pas être l’endroit où l’on apprend, mais où l’on vient chercher du travail et le faire contrôler une fois terminé [5].

6 Cette définition du rôle de la classe, en renversant les usages établis, situe sans doute les Compagnons dans la perspective des pédagogies actives, celles qui sont fondées sur la qualité du travail de l’élève et sur sa participation aux apprentissages. Mais on aimerait en savoir davantage sur leurs références théoriques en la matière. Pour trouver un exemple de ce qu’ils préconisent, il faut chercher dans les articles parus dans leur journal La Solidarité. Les Compagnons y rendent hommage, en 1920, à la manière dont, à l’école des Roches [6], les salles d’études étaient organisées sans recourir aux « pions », surveillants commis à la discipline :

7

Cette organisation est celle des « capitaines » très connue en Angleterre et aux USA mais ne l’est presque pas en Belgique, en Allemagne, en Suisse ou en France. On peut l’observer ici seulement à l’école des Roches. Le directeur, M. Georges Bertier [7], est excellent pédagogue. L’école compte 220 élèves et pas un « pion ». Dans n’importe quelle salle d’études, on trouve une vingtaine d’élèves surveillés par un grand de 16 ou 17 ans. L’atmosphère est familiale, la tenue est parfaite, le travail est silencieux [8].

8 Ici encore, le cadre théorique de cet hommage rendu à une pratique pédagogique en accord avec une conception générale de l’activité de l’élève, fait défaut.

Soutien critique des spécialistes de la science de l’éducation

9 Les Compagnons n’étaient pas des spécialistes de pédagogie et leurs idées généreuses et audacieuses en faveur de l’école unique demandaient à être approfondies et étayées. Dans une lettre au directeur de L’Opinion datée du 29 juin 1918, les Compagnons mentionnent plusieurs universitaires favorables à leurs vues, parmi lesquels on peut relever Théodore Ruyssen, co-auteur d’une Bibliothèque de sociologie appliquée, publiée sous la direction d’Édouard Toulouse en 1910, et quelques autres figures de la sociologie ou de la pédagogie, notamment Edmond Goblot, auteur de La barrière et le niveau (1925), Charles Chabot ou Ludovic Dugas. Mais ces soutiens n’allèrent pas sans critique. Nous nous bornons à citer ici deux d’entre elles.

10 Charles Chabot [9], professeur titulaire de la chaire de science de l’éducation à Lyon au début du XXe siècle, membre de la Société libre pour l’étude psychologique de l’enfant, manifesta son intérêt pour le mouvement des Compagnons en leur écrivant une lettre qu’ils publièrent dans leur premier cahier. S’il commence par leur exprimer ses « affinités entre [leurs] nobles indignations et ambitions et les résultats de [ses] réflexions », Charles Chabot ne manque pas, par la suite, d’aligner les points de désaccords, dont certains apparaissent fondamentaux : « sur la réalisation immédiate, et avant l’éducation professionnelle commune, de la corporation universitaire, sur l’enseignement secondaire professionnel, sur la sélection uniforme et toute intellectuelle de l’élite (il y a, à mon sens, des élites), sur la suppression des écoles normales, sur l’assujettissement de l’enseignement libre aux programmes et aux méthodes de l’État [10] ».

11 Ludovic Dugas, qui avait assuré à Rennes les premiers cours de pédagogie en 1907 et 1908, se montra lui aussi intéressé par le projet général de démocratisation de l’Université présenté par les Compagnons. Mais il dénonça le risque de voir ce projet manquer son objectif s’il se contentait de parquer les élèves dans les étages successifs d’un édifice rigide, sans prendre en compte leurs parcours individuels d’apprentissage :

12

En fait, je vois subsister l’esprit séparatiste dans l’Université nouvelle : on se contente de parquer, selon l’ordre chronologique, les trois enseignements ; on veut qu’ils se continuent, mais non pas qu’ils se pénètrent : loin d’abattre leurs cloisons, on les rend infranchissables ; ainsi on ne passera plus désormais du primaire au secondaire, du secondaire au supérieur ; les vocations tardives, les erreurs de départ, les changements de carrière ne seront plus tolérés. « L’école unique », c’est une maison à trois étages ; c’est la même maison, mais avec des compartiments distincts à chaque étage, et qui ne communiquent plus entre eux. […] On superpose les enseignements et on appelle cela les unir [11].

13 À leurs débuts, les Compagnons se figuraient qu’exposés aux mêmes enseignements, devant les mêmes professeurs, sur les mêmes bancs, les inégalités de résultats des élèves n’exprimeraient pas autre chose que des différences d’intelligence ou d’aptitudes héréditaires. L’école unique réaliserait un progrès démocratique suffisant en rendant l’accès aux études gratuit, donc indépendant de la fortune des parents des élèves. Son rôle se limitait à celui d’une grande gare de triage, devant aiguiller les enfants vers la formation la mieux adaptée à leurs capacités naturelles, fruit de leur patrimoine biologique. La grande machine à trier les intelligences, à laquelle ressemble L’Université nouvelle dans son état initial de 1918- 1919, tournée vers l’efficacité, vers le rendement, au profit de la collectivité, laisse bien peu de place à l’individu. Les vaincus de la sélection apprendront un métier manuel sous les ordres des vainqueurs. L’Université nouvelle doit former des producteurs et extraire l’élite. C’est pourquoi les Compagnons n’envisagent pas, à cette époque, de créer une « école moyenne [12] » entre l’école primaire et le lycée. Cette école moyenne, qui pourrait être employée à réduire les écarts de performance scolaire entre les élèves et favoriser l’ascension sociale des enfants issus du peuple, constituerait à leurs yeux une perte de temps pour la collectivité, qui a besoin de retrouver au plus tôt ses forces vives décimées par la guerre. De ce principe découle le faible intérêt des Compagnons de 1918 pour les pédagogies actives et pour le mouvement de l’éducation nouvelle.

Une association de professeurs d’humanités sous les drapeaux

14 Quand on demandait aux Compagnons de se définir, c’est pourtant en qualité de pédagogues qu’ils le faisaient.

15

Il est donc parfaitement légitime qu’on nous arrête et nous dise : « Enfin, Messieurs, qui êtes-vous ? » — Nous répondons : « Excusez-nous. Nous ne sommes que des pédagogues ». [13]

16 Mais si l’on cherche à savoir qui étaient les premiers Compagnons, on voit qu’ils formaient une société de professeurs d’humanités, normaliens, agrégés pour la plupart d’entre eux, sur le point de soutenir une thèse et désireux d’entrer dans l’enseignement supérieur après la guerre. Albert Girard, l’un des sept premiers Compagnons et co-auteur des premiers textes de L’Université nouvelle, qui fut successivement vice-président de l’association des Compagnons (1919-1921) puis président (1921-1925), était un ancien élève de l’École normale supérieure (promotion 1903), agrégé d’histoire et de géographie.

17 Arrivé à Compiègne, Albert Girard fut préposé à la section du chiffre. Bientôt, Jean-Marie Carré, agrégé d’allemand, le rejoignit au GQG, suivi d’Hyppolite Luc, professeur agrégé de philosophie au lycée d’Alençon (futur directeur de l’enseignement technique), d’Edmond Vermeil, lui aussi agrégé d’allemand, au bureau du renseignement, de Jacques Duval, professeur du secteur privé, au service du contrôle postal, où devaient également travailler deux normaliens blessés, Pierre Doyen et Robert Vieux. Ces sept hommes allaient devenir les premiers Compagnons de l’Université nouvelle.

18 Jean-Marie Carré, ancien pensionnaire de la Fondation Thiers, où il s’était fait un solide réseau de relations dans le monde universitaire, mais aussi dans le monde de l’édition et dans le monde économique et industriel, ne devait pas compter dans son carnet d’adresses beaucoup d’ouvriers et d’instituteurs. C’est la guerre qui a mis le cofondateur des Compagnons en contact avec un certain nombre d’entre eux :

19

J’ai eu le privilège, au cours des trois premières années de guerre, d’approcher souvent les instituteurs. À vrai dire, je n’en avais pas vu depuis ma sortie de l’école primaire, car j’étais, moi aussi, victime et prisonnier de cloisons étanches. […] Et au fur et à mesure que la guerre durait, que les hommes tombaient, l’angoissante question du recrutement de l’élite nouvelle s’imposait de plus en plus à nos discussions. J’avais vaguement entendu parler de l’école unique et des tentatives faites en ce sens dans les pays anglo-saxons et je cherchais à me documenter. C’était tout  [14].

20 Et comment les premiers Compagnons ont-ils pu se documenter sur l’école unique, eux qui connaissaient si mal les instituteurs ? Les quatre germanistes du groupe des sept premiers Compagnons n’eurent pas besoin de chercher bien loin leur documentation : un autre professeur d’allemand, Victor-Henri Friedel, mobilisé, lui aussi, et collègue d’Edmond Vermeil à l’école alsacienne de Paris, avait publié plusieurs ouvrages sur l’éducation comparée en Europe et particulièrement en Allemagne : Documents relatifs à la réforme de l’enseignement secondaire en Prusse (1902), Les Traitements des instituteurs et institutrices dans les pays étrangers (1903), La Pédagogie dans les pays étrangers (1910) et surtout Pédagogie de guerre allemande (1917). Ce dernier ouvrage, cité par les Compagnons et par d’autres auteurs favorables à l’école unique, constitue alors une référence incontournable. C’est l’Allemagne qui a inspiré nombre de points de la doctrine des Compagnons, à commencer par le projet de suppression des classes élémentaires de l’enseignement secondaire, que la Prusse venait de réaliser.

21 C’est donc un savoir livresque et de seconde main que les premiers Compagnons acquièrent de l’école unique durant les derniers mois de la guerre, même s’ils ont pu la compléter par des conversations avec des instituteurs mobilisés. Mais en réalité, les Compagnons connaissaient mal l’école primaire et ses enseignants du point de vue professionnel et social. Au plan pédagogique, nous venons de voir qu’ils n’étaient pas en relation avec le milieu universitaire de la science de l’éducation, et sur le plan social, ils apparaissent peu sensibles aux intérêts matériels des classes laborieuses de la société. Si leur appréhension de la société est théorique, si leur condamnation des inégalités s’exprime plutôt en termes de droits qu’en termes d’émancipation sociale, si les modalités d’action qu’ils envisagent recourent à la persuasion par le verbe plutôt qu’au rapport de force, c’est parce que leur milieu était celui de l’élite intellectuelle acquise aux valeurs de la démocratie mais tournée davantage vers le solidarisme social que vers la lutte des classes.

22 Au début de leur existence, les Compagnons ont cru que l’union sacrée acquise dans le sang et dans la boue des tranchées survivrait à la guerre. C’est une vision métaphysique de la République qu’ils promeuvent alors, qui suppose que les hommes gouvernés par leurs intérêts particuliers se portent vers une transcendance qui dépasse leurs particularités concrètes et se transmutent en citoyens gouvernés par l’intérêt commun. La critique du séparatisme social opéré par l’école de la IIIe République n’est pas nouvelle, en 1918. Ce qui est spécifique au discours des Compagnons, c’est de dire que la République pouvait, à ce moment de son histoire, revenir au pacte fondateur imaginé par les Lumières et qu’elle devait en quelque sorte profiter des circonstances tragiques de l’après-guerre, à double titre : parce que la guerre, d’une part, laissait les Français encore imprégnés du sens du sacrifice de leurs vies à l’intérêt supérieur de la patrie et parce que, d’autre part, elle rendait urgente la réforme de l’école en tant qu’outil susceptible de reconstituer l’élite et les forces productives de la nation décimées. L’impératif d’efficacité aurait ainsi conforté l’impératif civique. Mais il n’était pas question de bouleverser l’ordre social en facilitant sciemment la mobilité des enfants de la classe ouvrière pour qu’ils occupent en plus grand nombre les meilleures places de la société.

23 Dans leur vision patriotique de la République, les Compagnons restaient sourds aux constats pourtant édifiants, prononcés au début du siècle par Paul Lapie au terme d’un article intitulé « les effets sociaux de l’école [15] », qui déplorait « l’hérédité » des professions. La conclusion de Paul Lapie était sans appel :

24

Ici, le moraliste pourrait prendre la place du sociologue et se demander si l’action de l’école est suffisante. Le nombre des enfants du peuple auxquels elle facilite une légère « ascension sociale » ne devrait-il pas être plus grand ? [16]

25 Un tel constat aurait dû conduire les Compagnons, s’ils l’avaient fait leur, à se tourner vers le mouvement de l’éducation nouvelle, vers les pédagogies actives, qui faisaient place à l’individu, qui pouvaient être l’instrument d’une possible émancipation des enfants du peuple par l’école. Victor-Henri Friedel, déjà cité, auquel les Compagnons font référence, avait décrit un exemple de traitement pédagogique différencié appliqué en Allemagne pour apporter à chaque élève un enseignement adapté à ses besoins, sur une partie du temps scolaire :

26

Un élève « en retard » ne « double » plus la même classe avec des enfants plus jeunes que lui, ce qui souvent le décourage et l’empêche de réparer son retard. Il passe pour un temps dans la classe de perfectionnement correspondant à son âge et rejoint ses camarades du degré normal dès qu’il « s’est rattrapé » [17].

27 Mais les Compagnons ne cherchent pas à exploiter cette idée. Le dispositif pédagogique présenté par Victor-Henri Friedel était destiné à réduire les écarts de performances entre enfants de niveaux scolaires et sociaux inégaux. Pour les Compagnons de 1918-1919, l’école unique n’offre pas le moyen de réduire les inégalités entre élèves. Chacun est présumé semblable, dans la grande sélection des aptitudes que doit réaliser l’école unique, et chacun est appelé à apporter sa part à la restauration de la grandeur de la France, à l’image de la part qu’ont prise les hommes pour défendre l’intégrité de la patrie, les armes à la main : « Les pères ont veillé dans les mêmes tranchées ; partout où cela est réalisable, les fils peuvent bien s’asseoir sur les mêmes bancs [18] ». Ce que l’école unique promet, elle le promet en premier lieu à la société : tirer le meilleur parti des richesses qu’elle possède en formant des citoyens instruits de la part qu’ils doivent à la prospérité générale, par leur travail. En second lieu, elle promet aux « êtres sociaux » qu’ils seront traités avec équité dans la sélection de leurs aptitudes. L’école unique leur offre un lieu de sélection pensé comme protégé des inégalités de fortune.

La querelle des humanités

28 Dans les premières années de l’après-guerre, les Compagnons devaient faire l’expérience amère que le patriotisme n’est pas le civisme. Sitôt la guerre finie, les citoyens retrouvent leurs espaces propres. Les fils scolarisés des anciens combattants n’étaient pas dans la situation d’égalité de leurs pères lorsqu’ils étaient frères d’armes. Et ce n’est pas l’union sacrée en temps de guerre qui pouvait, dans la paix retrouvée, imposer aux enfants de la bourgeoisie de renoncer au privilège de fréquenter les classes payantes des lycées, accordé par la République, ni donner aux enfants du peuple le droit d’y entrer gratuitement. Pour y parvenir, il fallait accepter que la République fût constituée de groupes et de classes aux intérêts différents, voire opposés, et travailler avec leurs représentants légitimement désignés, syndicats, élus, en engageant un processus de dialogue, de conviction et finalement de luttes. Les Compagnons le comprirent et s’engagèrent dans le jeu social et politique dès 1919. L’Université nouvelle, confrontée à la réalité sociale et au retour du jeu des partis politiques, allait devoir réviser profondément le sens de son projet et s’ouvrir au mouvement de l’éducation nouvelle pour y puiser les moyens pédagogiques de sa nouvelle ambition sociale.

29 Les élections de 1919 ayant porté au pouvoir le Bloc national républicain, dominé par les partis de droite, les années de l’après-guerre allaient être marquées par le retour en force de la tradition des humanités classiques dans les programmes. Le débat suscité par le décret du ministre Léon Bérard du 3 mai 1923 supprimant quasiment la section moderne du 1er cycle des lycées, débuta dès la saisine du Conseil supérieur de l’Instruction publique au mois de juillet 1921. La réforme de Léon Bérard avait une portée sociale beaucoup plus large que le domaine strictement disciplinaire. Tous les élèves devraient désormais faire quatre ans de latin et deux ans de grec. Mais comme la section moderne n’apparaissait plus qu’en fin d’études et n’aboutissait plus au baccalauréat, l’accès de presque tout l’enseignement supérieur était fermé à ses élèves. Il s’agissait ainsi de contrer le développement sans précédent de l’ordre primaire en renforçant l’étanchéité du recrutement social des institutions secondaires.

30 Depuis sa réorganisation, dans les débuts de la IIIe République, le système primaire avait connu une croissance continue de sa population scolaire. Or, le développement des humanités modernes dans l’ordre secondaire pouvait augmenter encore l’attraction des cours complémentaires et des écoles primaires supérieures pour une frange de la bourgeoisie, pour peu que des passerelles fussent établies en direction de la filière moderne des lycées, conduisant nombre de bons élèves à se passer des humanités classiques pour accéder à l’élite. Les Compagnons de l’Université nouvelle, qui s’étaient montrés conservateurs en matière de contenus d’enseignement, attachés au latin et à la culture classique pour former une élite républicaine éclairée, durent désavouer le projet de Léon Bérard, aux côtés des organisations syndicales et politiques de gauche qui y voyaient une mesure réactionnaire contre la démocratisation des études, un coup de poignard contre le projet d’école unique [19].

31 Représentés par Maurice Weber, un professeur de mathématiques farouche partisan de la rénovation de l’enseignement scientifique, les Compagnons prirent le contre-pied de la fédération des professeurs de lycée, réunie en congrès en 1921, et plutôt favorable, sans le dire ouvertement, aux décrets Bérard. L’une des questions abordées fut l’organisation de l’enseignement des humanités. Le point le plus discuté fut l’éternelle question du latin. « À une énorme majorité […], le Congrès a proscrit la culture sans latin. Il est singulier qu’au moment même où les Compagnons ont jugé impossible de persister dans une attitude trop exclusive, la Fédération ait pris leur place [20]. » La Fédération des professeurs de lycée prenait ainsi le parti de soutenir le ministre dans la défense de la culture classique, fermant aux enfants du peuple la voie des humanités modernes.

32 À l’extrême droite, on se plaisait à chanter les louanges de la formation classique et on prêtait les plus grands mérites au latin et au grec pour former les dirigeants des entreprises, les chefs de la vie économique. Les réformes prônées par Léon Bérard avaient donc l’appui de la bourgeoisie et des milieux catholiques conservateurs qui s’indignèrent de l’annulation de ses décrets par François-Albert, sitôt nommé ministre de l’Instruction publique au lendemain de la victoire du Cartel des gauches aux élections législatives de 1924. En témoignent ces propos de Paul Lahargou :

33

Seule la réforme que, à force de persévérance et de courage, un ministre, ami des belles-lettres, a pu introduire dans notre enseignement secondaire, au profit de l’esprit français, n’aura pas eu le temps de montrer ce qu’elle vaut [21].

34 C’est dans ces circonstances que l’association des Compagnons de l’Université nouvelle allait s’engager simultanément en faveur des pédagogies nouvelles et de l’égalité des chances des enfants de toutes origines, au moment où les professeurs d’humanités, qui en avaient inspiré l’élan initial [22], cédaient la place à un noyau d’hommes de sciences autour d’Henri Laugier, physiologiste, directeur du laboratoire de physiologie appliquée à la prophylaxie mentale, à l’hôpital Henri-Rousselle, et de Maurice Weber, militant actif au sein de l’APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public).

Le Comité pour l’école unique

35 Le nouveau ministre de l’Instruction publique, François-Albert [23], au lieu de mettre en œuvre la grande réforme de l’école unique débattue pendant la campagne électorale, installa une commission pour y réfléchir. Il demanda à Henri Laugier d’y siéger en tant que membre du comité directeur de l’association des Compagnons, qui avait soutenu la campagne du Cartel des gauches [24]. Le 17 février 1925, Henri Laugier présenta devant cette commission un rapport d’une grande audace (mais qui resta lettre morte), ouvrant vers un processus d’orientation fondé sur la détection progressive des aptitudes des élèves. Henri Laugier avait associé à ses travaux deux éminentes personnalités scientifiques : Paul Langevin et Henri Piéron, qui devaient jouer un rôle moteur dans la fondation de l’Institut national de l’orientation professionnelle. Cette direction rationnelle de la réforme de l’école influença considérablement l’orientation de l’association des Compagnons.

36 Moins confiant qu’Henri Laugier dans la volonté réformatrice des gouvernements radicaux, Maurice Weber s’employa à tisser des liens entre plusieurs organisations situées à l’intérieur du monde enseignant mais aussi en dehors de lui. Les Compagnons étaient en perte de vitesse. C’est une association presque ruinée dont Henri Laugier prit la présidence en 1926 [25].

37 Pour leur rendre l’audience qu’ils avaient perdue, Maurice Weber, qui présidait la section de Viroflay de la Ligue des droits de l’homme et qui était devenu l’un des dignitaires de la Franc-maçonnerie, contribua, fin 1925, à intégrer les Compagnons dans le Comité d’étude et d’action pour l’école unique créé à l’initiative du Groupe fraternel de l’enseignement, constitué de professeurs francs-maçons présidés par Armand Ziwès. Ce Comité prenait le contre-pied de la Commission ministérielle de l’école unique : constitué par la base, le Comité était libre et tourné vers la recherche de convergences de vues. Outre le Groupe fraternel de l’enseignement, le Comité pour l’école unique comprenait une trentaine d’autres mouvements, parmi lesquels : les Compagnons de L’Université nouvelle, la Ligue des droits de l’homme, le SNI, la Fédération de l’enseignement (Fédération Zoretti) – tous deux affiliés à la CGT –, la Ligue de l’enseignement, la Fédération de la libre-pensée, le Comité de défense laïque, l’Association de propagande laïque et d’éducation sociale par le cinéma, les Jeunesses laïques et républicaines, la CGT, etc.

38 Jusqu’à la fin de l’existence des Compagnons en 1933, c’est Maurice Weber qui devait les représenter aux réunions du Comité, parfois accompagné de Georges Grélois, et c’est lui qui signait les comptes rendus des séances. Devenu trésorier puis secrétaire général de l’association des Compagnons, Maurice Weber rapprocha les Compagnons des autres réformateurs de l’École siégeant au Comité, notamment des organisations syndicales affiliées à la CGT, au prix d’un certain nombre de concessions sur des points qui jusqu’ici faisaient partie du programme de L’Université nouvelle. En particulier, sur le juste équilibre à trouver entre l’élévation des masses et la sélection de l’élite, Maurice Weber contribua à estomper la distinction existant en 1918 entre le projet d’école unique de Ludovic Zoretti et l’Université nouvelle. Celui-ci était tourné vers l’émancipation des masses par l’éducation, tandis que les Compagnons, à la même époque, voulaient d’abord extraire l’élite par une âpre sélection fondée sur l’enseignement des humanités classiques [26]. Or cette question engage des choix fondamentaux sur la définition même de l’école unique et sur les objectifs sociaux et démocratiques qu’on attend d’elle, Maurice Weber finit par trouver un accord avec le SNI :

39

C’est ainsi qu’il a été possible, à la suite d’un échange de vues entre MM. Roussel et Weber, d’apercevoir qu’il n’y avait pas entre le Syndicat des Instituteurs et nous, divergences aussi grandes qu’on avait pu le craindre. M. Roussel se préoccupe surtout du sort de la masse des enfants qui ne doivent pas continuer leurs études. Les Compagnons ont surtout porté leurs intentions sur ceux qui doivent être sélectionnés pour les continuer. Ces deux préoccupations sont également légitimes et indispensables ; elles ne s’opposent nullement et doivent se concilier dans une synthèse nécessaire : comme l’a fait remarquer M. Zoretti, l’élite, ou plutôt les élites, se dégageront d’elles-mêmes de la masse, que l’on doit élever le plus possible. Les Compagnons ne sont en aucune façon hostiles à ces vues [27].

40 Le rapprochement avec la CGT conduisit les Compagnons à une autre évolution décisive : la reconnaissance de l’action syndicale, à travers la création de la Fédération générale de l’enseignement en 1929, comme la seule voie pour réaliser leur projet de grande corporation de l’Université de 1918.

41

C’est l’organisation de la corporation enseignante que demandaient les Compagnons de 1918 ; ils lui donnaient pour mission de gérer l’Université en collaboration avec l’État ; d’établir des liaisons étroites et nombreuses entre l’Université et les divers groupements économiques et sociaux ; de resserrer et de développer les liens matériels, intellectuels et moraux de tous ses membres ; enfin et surtout, d’élaborer la réforme totale de l’enseignement [28].

42 Outre la convergence de vues entre Maurice Weber et Ludovic Zoretti, ce discours militant doit beaucoup à l’influence de Marceau Pivert, du Groupe fraternel de l’enseignement et à celle d’Henri Boivin, de l’Union des syndicats nationaux de l’enseignement secondaire, qui s’efforçaient de rallier, avec un maigre succès, les professeurs du second degré à la cause de l’école unique.

Cycle d’orientation et éducation nouvelle

43 Le projet des Compagnons, sous l’influence d’Henri Laugier, de Maurice Weber et de leurs nouveaux alliés politiques, a changé : ils demandent désormais que le premier cycle du second degré comprenne un temps d’orientation confié à de nouveaux établissements unifiés, regroupant le premier cycle des classes secondaires et les classes primaires supérieures, et ils demandent que ce nouveau collège débouche sur la formation d’élites multiples, parmi lesquelles la formation classique traditionnelle ne doit avoir aucun statut privilégié, à côté de la filière moderne ou des filières techniques et professionnelles.

44 Cette réforme fondamentale est au cœur des deux états successifs de projet de statut organique de l’enseignement public, préparés par les Compagnons au sein du Comité pour l’école unique : celui de juin 1927 et celui de mars 1931. Dans le projet de Statut de 1931, le processus de différenciation des filières comporte deux années sans option (la sixième et la cinquième) suivies de deux années où les options commencent à apparaître, autour d’un noyau de discipline communes (articles 15 à 17), sans obligation du latin dans la section littéraire. Ainsi se dégage une école moyenne de quatre ans, consacrée à l’orientation, au développement des aptitudes, à l’acquisition d’une culture commune et à un commencement de spécialisation au terme de deux années indifférenciées. Les trois dernières années, qui correspondent aux années du lycée, sont organisées autour de dominantes disciplinaires plus marquées.

45 Une telle proposition, qui fut partiellement reprise par Jean Zay devenu ministre du Front populaire, avait nécessairement des répercussions sur le plan pédagogique. Ce n’était plus seulement l’école primaire qui devrait devenir unique, mais pour une large part, le premier cycle du second degré. Pour répondre aux critiques de « primarisation » des études secondaires, d’abaissement du niveau général, de sacrifice de la formation de l’élite, les Compagnons se rapprochèrent du mouvement de l’éducation nouvelle, dans lequel ils cherchaient le moyen de promouvoir des méthodes d’enseignement adaptées à leur nouveau système.

46 Représentant les Compagnons au VIe congrès mondial de l’éducation nouvelle [29], Maurice Weber commença par constater que les pédagogies actives s’accordaient avec les politiques qui cherchent à émanciper les individus et qu’elles s’opposaient aux politiques qui s’emploient, dans les régimes totalitaires, à attacher les enfants à une profession déterminée par la classe sociale à laquelle ils appartiennent. L’Université nouvelle se définit précisément par l’émancipation des esprits, elle n’est pas seulement « nouvelle » par ses cadres administratifs. Maurice Weber cite le premier tome des Compagnons : « Il faut faire des hommes, non des cerveaux ou des machines [30] ». L’enseignement secondaire actuel, selon Maurice Weber, est conçu comme si la majorité des élèves devait devenir des avocats, des médecins, des journalistes ou des professeurs. « Diriger dans les conditions actuelles trop d’enfants du peuple vers cet enseignement risque de les condamner à une vie médiocre, à en faire des ratés, des « déclassés » [31] ».

47 Or, l’orientation continue et progressive voulue par les Compagnons et les autres groupements du Comité pour l’école unique serait grandement facilitée par les méthodes actives d’enseignement, qui offrent aux enseignants l’occasion d’observer les élèves en train d’apprendre et de travailler. Cette pédagogie facilite, selon Maurice Weber, le dépistage des aptitudes, tandis que les méthodes traditionnelles évaluent des connaissances acquises.

48 Dans l’enseignement du second degré, tel que l’école unique le définit, il faut des enseignants formés aux méthodes concrètes, qui peuvent faire réussir les élèves issus des écoles primaires. Il faut en finir avec ces professeurs « dispensateurs de savoir » que sont les agrégés : l’école unique a besoin de pédagogues, d’enseignants capables de travailler en commun avec les élèves, capables de mettre en œuvre des séances de « directions de travail » et des « classes-études », qui développent le travail personnel des élèves. L’école unique doit développer les aptitudes et non inculquer des connaissances. Le but des méthodes de l’éducation nouvelle rejoint ici celui des partisans de l’école unique : « il importe de travailler à un relèvement général de la masse, d’où se dégageront non pas l’élite, mais des élites nombreuses et diverses [32] ».

49 La pédagogie de l’école maternelle, qui pratique déjà les méthodes actives, devrait servir d’exemple à la pédagogie de l’école primaire, puis, progressivement, à celle de l’enseignement secondaire. « Pour ma part, je pense qu’il serait nécessaire de prévoir quelques années de formation commune qui réuniraient futurs professeurs du second degré et futurs instituteurs. Les uns et les autres ne pourraient qu’y gagner [33] ».

50 En définitive, Maurice Weber discerne une « remarquable concordance entre les deux doctrines » : l’éducation nouvelle fait appel aux intérêts spontanés de l’enfant, elle forme l’intelligence en même temps que la conscience civique ; comme elle, l’école unique est attachée au respect de la personne humaine.

51 Le parcours de Paul Langevin, le président des Compagnons à partir de juin 1930, succédant à Henri Laugier, n’est pas étranger au rapprochement de L’Université nouvelle et de l’éducation nouvelle. Ce scientifique reconnu très tôt comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la physique atomiste, s’est intéressé de longue date aux questions sociales. Déjà président du Groupe français d’éducation nouvelle, Paul Langevin, en devenant président des Compagnons, réalisait une forme de synthèse entre ses préoccupations pédagogiques et sa volonté de voir la France opérer une vaste réforme démocratique de l’école. Jusqu’alors les Compagnons n’avaient pas entretenu de rapports suivis avec les mouvements pédagogiques, alors que les pédagogies actives apparaissaient à Paul Langevin et au secrétaire général des Compagnons, Maurice Weber, comme des leviers aussi puissants que la réforme institutionnelle pour élever les masses et diffuser la culture à tous.

Les résistances du corps enseignant du secondaire

52 L’évolution des Compagnons et leur rapprochement avec le mouvement d’éducation nouvelle suscitèrent de vives oppositions du côté des professeurs de lycée. Pour ceux-ci, les comptes sont vite faits : si l’école unique est instituée, les salaires et les conditions de travail des professeurs du premier cycle du second degré, détachés de l’enseignement secondaire traditionnel, seraient alignés sur ceux de l’enseignement primaire supérieur [34]. Ce discours irrite Maurice Weber qui en vient à l’invective contre les professeurs de lycée insensibles à la cause du peuple, obnubilés par leurs intérêts catégoriels et qu’il traite, à mots couverts, de réactionnaires :

53

La majorité des professeurs de lycées ne veut admettre sérieusement aucune réforme profonde ; ils estiment que l’organisation actuelle leur convient parfaitement ; elle est excellente, puisqu’elle les a formés. Ils poussent des cris d’orfraies quand on leur propose une modification quelconque : ils se posent en victimes ; dans un style désuet, ils vous parlent « d’amputation », de « moignons sanglants » ; ils se lamentent sur la « primarisation ». Mais ils se refusent farouchement à tout ce qu’on leur propose. Ils mettent toute leur énergie à ne vouloir de rien ; ils ne veulent pas de la pédagogie, ils ne veulent pas de la psychologie ; ils ne veulent pas des méthodes actives ; ils ne veulent pas de la formation des professeurs ; […] ils ne veulent pas collaborer ; ils ne veulent pas se faire représenter dans les commissions d’études ; ils ne veulent pas que rien ne se fasse avec eux pour pouvoir dire que tout se fait contre eux ; ils ne veulent pas voir ; ils ne veulent pas entendre ; ils ne veulent pas comprendre ; ils ne veulent pas… Incapacité de comprendre et de prévoir : impuissance d’agir et de réaliser ; force d’inertie et d’obstruction, voilà les fruits de la culture qu’ils se flattent de posséder et qu’ils dénient énergiquement aux autres [35].

54 Raoul Thausiès, le directeur du Journal des Lycées, répond sèchement à Maurice Weber : « Pauvre enseignement secondaire, qui ne veut pas se laisser démolir sans protester ! Les moutons veulent bien, eux, qu’on les mène à l’abattoir [36] ! ». Les professeurs de lycée ne seraient favorables à l’école unique, qu’autant qu’elle aurait la fonction d’une machine à sélectionner les meilleurs élèves pour les envoyer dans les classes d’humanités, ce que tendait à faire, à ses débuts, L’Université nouvelle. Mais tel n’est plus le cas. Les professeurs d’humanités voient leur territoire, jadis synonyme de formation de l’élite de la nation, rogné, relativisé, banalisé.

55

Sous prétexte de démocratie, on prétend mutiler l’enseignement secondaire, le vider d’à peu près tout ce qu’il contient de noble, de beau, de fécond. Au lieu d’élever la masse jusqu’à nous, on prétend nous ravaler jusqu’à elle [37].

56 Entre les professeurs d’humanités et les Compagnons, il n’y a plus d’entente possible : « Il devient de plus en plus évident, quelque sympathie qu’on ait pour sa personne, que Weber est au nombre des adversaires les plus dangereux de l’Enseignement Secondaire [38] ».

57 En définitive, les Compagnons peinent à faire avancer leurs idées. Leurs adversaires relèvent malicieusement l’omniprésence de la signature de Maurice Weber dans le bulletin, dès 1928 : « Le premier article est toujours signé : les Compagnons : c’est un trompe-l’œil, car tout le reste ou presque (près de 20 pages, parfois), est de notre collègue Weber : et il n’est que trésorier du groupe ! Les Compagnons, c’est Lui [39] ». De fait, il semble bien que Maurice Weber soit sur tous les fronts. Le 17 avril 1932, Paul Langevin s’en excuse : « C’est le secrétaire général [Maurice Weber] qui a presque exclusivement dû assumer la lourde tâche de faire vivre intellectuellement et moralement notre association [40] ». Or, cette association ne compte plus que 517 membres et son bulletin n’a que 123 abonnés. Dès lors, il suffisait de peu de chose pour que la parution du Bulletin de L’Université nouvelle ne fût plus possible. Un surcroît de travail sur les épaules de Maurice Weber en eut raison. Répondant à John E. Talbott [41], Maurice Weber expliqua en 1965 qu’il portait presque seul l’activité de l’association des Compagnons plusieurs années avant la dissolution du groupe et que cette situation était devenue incompatible avec l’exercice de ses activités d’enseignement en qualité de maître de conférences à l’École normale supérieure de Sèvres. Son retrait en 1933 marqua la fin des Compagnons.

Conclusion : éducation nouvelle et égalité des chances

58 Que nous apprend, en définitive, l’histoire des Compagnons, du mouvement de l’éducation nouvelle ?

59 Les Compagnons ont pris conscience que le cycle d’orientation constitué de plusieurs années devait offrir aux enfants du peuple une chance plus équitable de réussite scolaire et professionnelle, par rapport aux enfants de la bourgeoisie. Ils sont désormais déterminés à « permettre aux élèves des deux catégories de se retrouver à égalité de chances et de droits pour concourir à l’accès du 3e degré [42] ». Or, le mouvement d’éducation nouvelle apparaît inséparable de la réussite d’une telle entreprise. Désormais liés, et pour longtemps, le concept de justice et celui d’égalité des chances passent nécessairement pas une école unique mais diversifiée dans ses méthodes pédagogiques, une école unique qui place l’individu au cœur de son projet éducatif, sans l’opposer à l’intérêt général.

60 L’éducation nouvelle est devenue une réponse facile – une réponse miracle ? – au reproche adressé aux réformateurs de l’école unique, de vouloir abaisser le niveau des études secondaires. C’est désormais vers elle que se tournent Paul Langevin, Henri Laugier, Henri Piéron, Maurice Weber, ces savants, psychologues, psychométriciens, physiologistes, physiciens et mathématiciens, qui doutent que les méthodes des professeurs agrégés dispensateurs des savoirs académiques soient capables d’accompagner le développement des aptitudes des élèves – des aptitudes qui ne sont plus considérées comme héréditaires mais en devenir. Il ne saurait y avoir d’école unique qui ne cherche à les repérer et à les faire croître en chaque élève, pour le conduire le plus loin possible dans son parcours scolaire.

61 La réalité est alors loin de ressembler à ce beau projet. En 1933, l’enseignement secondaire, bien que devenu gratuit, s’est peu démocratisé. En grande majorité, son public demeure recruté dans les classes bourgeoises de la société. Antoine Prost relève qu’en 1935, le petit lycée, resté payant, est toujours l’antichambre du grand : « moins d’un élève sur deux vient d’une école primaire  [43] ». Face à lui, l’enseignement primaire est toujours l’école du peuple, avec ses extensions du second degré : le technique, le primaire supérieur et les cours complémentaires, qui ne mènent pas à l’enseignement supérieur. L’école unique demeure une utopie, autant désirée que redoutée, mais elle semble devoir être un jour mise en œuvre, et beaucoup d’observateurs estiment qu’elle ne pourra que décevoir les espoirs placés en elle sans une réforme des méthodes de l’enseignement.

Notes

  • [1]
    . Nous employons le singulier pour désigner une discipline qui avait connu son grand essor au moment des premiers cours de « pédagogie » en 1907 et 1908 à l’époque où débutait en France, à l’initiative d’Ernest Lavisse notamment, la formation professionnelle des professeurs. Voir Gautherin J. (1991). Les beaux jours de la science de l’éducation, 1903- 1914. In La formation d’une discipline universitaire : la science de l’éducation (1880-1914). Thèse de doctorat. Paris : Université René-Descartes, Paris V.
  • [2]
    . Les Compagnons (1918). L’Université Nouvelle par les Compagnons. Premier Cahier, La doctrine nouvelle, Les Cahiers de Probus. Paris : Librairie Fischbacher et Les Compagnons (1919). L’Université Nouvelle par les Compagnons. Deuxième Cahier, « Les applications de la doctrine », Les Cahiers de Probus. Paris : Librairie Fischbacher.
  • [3]
    . Les Compagnons, L’Université nouvelle (2008). Édition critique par Bruno Garnier. Lyon : INRP.
  • [4]
    . Second cahier, 1919, p. 79.
  • [5]
    . Second cahier, 1919, p. 96.
  • [6]
    . Voir Duval N. (2009). L’école des Roches. Paris : Belin, (Histoire de l’éducation).
  • [7]
    . Georges Bertier, un catholique social ouvert aux mouvements d’éducation nouvelle, était soucieux de marier les méthodes actives, expérimentées dans les écoles nouvelles anglaises, avec la transmission d’une haute culture. Après la Première Guerre mondiale, Georges Bertier adhéra à l’association des Compagnons de L’Université nouvelle.
  • [8]
    . Brunhes J. [Professeur de collège] (1920). Questions à discuter : « pions » ou « capitaines » ? La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 juillet 1920.
  • [9]
    . Charles Chabot (1857-1924), était l’un des représentants reconnus de la science de l’éducation avant 1914. En 1910, il écrivit un article important, « L’école sur mesure ». Revue pédagogique, n° 7, 15 juillet. Charles Chabot entendait s’appuyer sur les observations effectuées par les instituteurs dans le cadre vivant de la classe. Il s’opposait à Alfred Binet en se tenant à l’écart d’une approche trop rigide de l’enfance, exclusivement fondée sur la mesure. Voir Mole F. (2006). « Charles Chabot, la connaissance de l’enfance et les risques de la mesure (1857-1924) » in André D. Robert, F. Mole (Coord.) Les sciences de l’éducation à Lyon, L’ISPEF, 60 ans d’histoire et plus. Lyon : université Lumière-Lyon II, p. 7-9.
  • [10]
    . Les Compagnons (1919). L’Université nouvelle. Premier cahier. Paris : Fischbacher, p. 150-153.
  • [11]
    . Dugas L. (1920). L’Université nouvelle : les applications de la doctrine par les Compagnons. L’éducation, n° 6, octobre 1920, p. 261. Notons que Ludovic Dugas avait adhéré à l’association des Compagnons en octobre 1919. Voir « 4e liste d’adhérents ». La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 octobre 1919.
  • [12]
    . C’est Antoine Prost qui a introduit dans le vocabulaire des historiens de l’enseignement le vocable d’« école moyenne » pour désigner, dans certains projets de réforme visant à instaurer l’école unique, l’organisation d’un échelon intermédiaire entre l’école primaire et le lycée, par la réorganisation des écoles primaires supérieures, notamment. Voir Prost A. (1968). Histoire de l’enseignement en France. Paris : Armand Colin, p. 409.
  • [13]
    . Second cahier, 1919, p. 2.
  • [14]
    . Carré J.-M. (1920). L’histoire des « Compagnons ». Les Compagnons de L’Université nouvelle. Paris : Fischbacher, p. 5.
  • [15]
    . Cet article de Paul Lapie a été repris en 1923 sous le titre L’école et la profession des écoliers, L’École et les Écoliers. Paris : Alcan, p. 111-147. Voir Cherkaoui M. (1979). Les effets sociaux de l’école selon Paul Lapie. Les Durkheimiens. Revue française de sociologie, vol. XX, n° 1, janvier-mars 1979, p. 239-255.
  • [16]
    . Lapie P., op. cit., p. 146-147.
  • [17]
    . Friedel V.-H. (1917). Pédagogie de guerre allemande. Paris : Fischbacher, p. 99.
  • [18]
    . Les Compagnons. L’Université Nouvelle… Premier Cahier, p. 26.
  • [19]
    . Voir Les Compagnons (1921). Le Sénat et l’Université. La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 mars 1921 et [Les Compagnons] (1921). L’Université nouvelle, La Sorbonne et le projet de M. Léon Bérard, Une mise au point des Compagnons. L’ère nouvelle, Organe de l’entente des gauches, 4 juillet 1921.
  • [20]
    . Weber M. (1921). La réforme de l’enseignement secondaire au Congrès de la Fédération des Professeurs de lycées. La Solidarité, Journal des quatre ordres d’enseignement […] rédigé par les Compagnons. Paris, 15 mai 1921.
  • [21]
    . Lahargou P. (1924). L’école unique. L’enseignement chrétien. 43e année, p. 562.
  • [22]
    . Jean-Marie Carré, Edmond Vermeil et Albert Girard.
  • [23]
    . Albert, François, dit François-Albert, ancien élève de l’École Normale Supérieure, agrégé de lettres, était sénateur la Vienne lorsqu’il fut appelé en juin 1924 au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts dans le gouvernement du Cartel des gauches dirigé par Édouard Herriot, qui avait fait campagne notamment sur l’école unique. François-Albert rétablit l’enseignement moderne dès la sixième, mais il n’eut pas le temps de mettre en application le projet de l’école unique, remplacé dès avril 1925 par Anatole de Monzie. Il mourut en 1933.
  • [24]
    . Voir Garnier B. (2008). Pour l’entente des gauches. Les combattants de l’école unique, introduction à l’édition critique de L’Université nouvelle par les Compagnons. Lyon : INRP.
  • [25]
    . L’extrait des comptes de l’exercice 1924-1925 fait apparaître qu’il ne restait que 32 francs en caisse au 30 avril 1925. Quant à la publication de La Solidarité, interrompue depuis plusieurs mois, elle ne devait pas reprendre.
  • [26]
    . Garnier, B. (2007). Les fondateurs de l’école unique à la fin de la Première Guerre mondiale. L’Université nouvelle, par les Compagnons. In B. Garnier (coord.) Politiques et rhétoriques de l’« École juste » avant la cinquième République, Revue française de pédagogie, n° 159, avril-mai-juin 2007, p. 35-46.
  • [27]
    . Les Compagnons (1926). Le Comité pour l’école unique. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, avril 1926, p. 6.
  • [28]
    . Les Compagnons (1929). La fédération générale de l’enseignement et l’école unique. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, décembre 1929, p. 126.
  • [29]
    . Weber M. (1932). L’éducation nouvelle et l’école unique. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, 2e-3e trimestres 1932 (paru en octobre 1932), p. 60-68.
  • [30]
    . Les Compagnons (1918). L’Université Nouvelle par les Compagnons. Premier Cahier, La doctrine nouvelle, Les Cahiers de Probus. Paris, Fischbacher, p. 29.
  • [31]
    . Weber M. L’éducation nouvelle et l’école unique, op. cit., p. 63.
  • [32]
    . Weber M. L’éducation nouvelle et l’école unique, op. cit., p. 67.
  • [33]
    . Id., p. 65.
  • [34]
    . Cottard R. (1926). Chronique. Journal des Lycées, n° 86, avril-mai 1926.
  • [35]
    . Weber M. (1928). La crise interne de l’enseignement secondaire. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, juillet-août 1928.
  • [36]
    . Journal des Lycées, n° 107, octobre 1928.
  • [37]
    . Thauziès R. (1930). Journal des Lycées, n° 122, mai 1930.
  • [38]
    . Thauziès R. (1929). École unique. Journal des Lycées, n° 116, novembre 1929.
  • [39]
    . Cotard R. (1928). Revues et Spécialités. Le journal des lycées, n° 104, avril-mai 1928.
  • [40]
    . Langevin P. (1932). Assemblée générale du 17 avril 1932 : Allocution du Président. L’Université nouvelle, Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, 1er trimestre 1932 (paru en juin 1932).
  • [41]
    . Lettre de Maurice Weber à John E. Talbott (1969). The Politics of Educational Reform in France, 1918-1940, Princeton University Press, USA, New Jersey, note 21 p. 213.
  • [42]
    . Les Compagnons (1933). Vers les réformes essentielles. Bulletin mensuel des Compagnons de L’Université nouvelle, 4e trimestre 1932, (paru en octobre 1933), p. 2.
  • [43]
    . Prost, Antoine, Histoire de l’enseignement en France, Paris, Armand Colin, 1968, p. 413.
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