Notes
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[1]
Texte traduit avec le soutien de la Fondation FAPEMA, grâce au Programme d’aide à la publication d’articles (13/2015).
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[2]
Sur l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale.
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[3]
Sur la discrimination en matière d’emploi et de profession.
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[4]
Elle recommande la valorisation des ressources humaines, fondée sur la promotion de l’égalité des chances des femmes et des hommes, dans la formation et dans l’emploi.
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[5]
Elle recommande le respect, par les employeurs, du principe d’égalité des chances et de traitement, en matière d’emploi et de profession.
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[6]
À cette fin, chaque État doit rédiger un rapport annuel sur les actions menées pour atteindre les objectifs énoncés dans la convention précédemment ratifiée (OIT 1981).
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[7]
En l’occurrence, le Brésil fut accusé de violation de la Convention no 111. Ce fut sur la base de cette plainte, déposée en 1995 auprès de la 83e Conférence internationale du travail, que le gouvernement brésilien reconnut officiellement l’existence de discriminations sur le marché du travail et sollicita la coopération technique de l’OIT pour mener à bien les engagements qu’il avait pris en ratifiant la Convention no 111.
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[8]
Voir : www.unhchr.ch
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[9]
L’une des caractéristiques de cette nouvelle tendance consiste précisément à adopter des plans et des programmes d’action censés instaurer l’égalité des sexes. Jusque dans les années 1980, cette quête d’‘égalité’ s’était pour l’essentiel limitée à modifier les lois de type discriminatoire vis-à-vis des femmes.
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[10]
À partir de là, un certain nombre d’entreprises publiques ont adhéré à ce programme, leur engagement étant dès lors valorisé publiquement par l’attribution du label Pró-Equidade de Gênero (pour l’égalité de genre).
-
[11]
Ce plan intègre le principe de transversalité (gender mainstreaming) dans les actions développées, l’objectif étant de prévenir les discriminations potentielles découlant des politiques publiques (Dauphin 2008).
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[12]
Au Brésil, l’avortement est considéré comme un crime, sauf en cas de risque de mort pour la mère et en cas de viol. Ce dernier doit être dûment attesté devant la justice pour étayer la demande d’interruption de grossesse. En octobre 2015, un projet de loi (nº 5069) soumis par le député Eduardo Cunha a été approuvé par le Comité constitution et justice (CCJ) de la Chambre des députés. S’il était adopté, le fait de « pousser, encourager ou aider » une femme enceinte désirant avorter serait considéré comme un crime passible de trois ans de prison, y compris pour les médecins et les infirmières. Cela signifierait que les femmes sur le point d’avorter se présentant à l’hôpital ne pourraient recevoir des soins médicaux. Ceci étant, le débat sur l’avortement a été relancé en 2016 avec l’épidémie du virus Zika, particulièrement dévastateur pour les femmes enceintes. Transporté par les moustiques, ce dernier est à l’origine, chez les nouveaux-nés de ce pays, de centaines de cas de microcéphalie — une malformation très rare du cerveau.
1 La régulation de l’emploi des femmes renvoie à un discours sur leur insertion dans le travail productif et valorisé — un processus contradictoire qui, au fil du temps, s’est traduit par des avancées (en termes quantitatifs) et des régressions (d’un point de vue qualitatif) considérables. Et ce, pour une série de raisons avant tout d’ordre politique, économique et social.
2 Bien que l’idéologie néolibérale dominante soit au fondement de « certaines tendances libertaires qui tendent à considérer la réglementation du travail ainsi que toute autre forme d’intervention étatique comme illégitime du point de vue des libertés individuelles » (Maupain 2000, p. 151), on a assisté, dès le début du XXe siècle, à un véritable essor des réglementations internationales du travail, dont la création de l’Organisation internationale du travail (OIT) offre l’un des meilleurs exemples. Cette dynamique, étroitement liée à l’adoption de lois nationales sur le travail et l’emploi, se voit justifiée par une idée classique : la nécessité de « remédier aux faiblesses du marché ou de protéger certains biens publics » (ibid., p. 152), tels les droits fondamentaux. Cette idée s’est vue traduite de façon différente selon les pays, aussi l’intervention de l’État sur le marché du travail a-t-elle considérablement varié en fonction de la structure institutionnelle déterminant la nature des rapports entre sujets économiques et sociaux, et le type de luttes sociales.
3 On fera ici le bilan des progrès réalisés ainsi que des résistances en matière de régulation de l’emploi des femmes au Brésil, suite à l’adoption de politiques visant à promouvoir l’égalité des chances entre les sexes. Autant de mesures qui entendent favoriser l’emploi des femmes et lutter contre le maintien des discriminations de sexe sur le marché du travail.
4 Une étude de terrain menée auprès de certains des principaux acteurs et actrices publics chargés de l’application de ces dispositifs a permis de mieux saisir, outre les priorités définies, les contradictions à l’œuvre et les obstacles rencontrés pour ce faire. Des entretiens ont eu lieu au Brésil avec des membres du Secrétariat spécial des politiques pour les femmes, du ministère du Travail et de l’Emploi, du ministère du Développement agraire, du Fonds de développement des Nations unies pour la femme (UNIFEM – Brésil), et du Secrétariat municipal de la femme (ville de São Luís).
Promotion de l’emploi des femmes
5 En tant que politique publique, la promotion de l’emploi des femmes remonte à la création de l’Organisation des Nations unies (Onu), en 1942. Cet objectif a été repris par l’OIT à partir de 1946, ainsi que par la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948. Cette dernière, parallèlement à la pression exercée par les mouvements féministes et par les groupes de femmes organisés, a contribué à l’adoption, au sein même de l’OIT et de l’Onu, d’un certain nombre de conventions et de recommandations, progressivement intégrées par la suite dans les Constitutions des États. Les organisations féministes, tant à l’échelle nationale qu’internationale, se sont emparées de ces textes pour lutter contre les discriminations et pour obtenir l’égalité des chances et de traitement entre femmes et hommes. Aussi, chaque fois que l’égalité de sexe est revendiquée, les principes établis par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par d’autres conventions internationales sont-ils invoqués comme autant de facteurs légitimant les revendications des mouvements sociaux, des femmes et des féministes.
6 Parmi les principales conventions et instruments internationaux ratifiés par le Brésil, on compte notamment les textes suivants de l’OIT : les Conventions nº 100 [2] (1951), nº 111 (1958) [3] et nº 150 [4] (1975), la Recommandation nº 122 [5] (1964) et la Déclaration sur l’égalité des chances et de traitement de 1975, qui réaffirme le principe de non-discrimination (OIT 1981).
7 Le processus de réglementation nationale de l’emploi résulte par ailleurs de l’ensemble des mobilisations où des groupes dits ‘minoritaires’ qui « réclament l’égalité dans la différence, au nom des valeurs de liberté et de pluralisme que l’État a officiellement inscrites dans sa Constitution » (Balibar 1997, p. 439). Il est enfin le fruit des mouvements sociaux luttant pour la promotion des droits des femmes en vue de modifier la division du travail.
8 Bien que le Brésil ait ratifié les conventions mentionnées plus haut, les initiatives censées promouvoir l’égalité des chances et lutter contre les discriminations de sexe sur le marché de l’emploi sont demeurées purement formelles durant plusieurs années. Car en pratique, les organisations internationales, telle l’OIT, se contentent de proposer à l’Onu des conventions que les États-nations entérinent ou non, en fonction de leurs intérêts politiques, économiques et sociaux. Théoriquement, la question du respect de la souveraineté ne se pose qu’au moment de la ratification puisqu’une fois cette étape franchie, il est demandé aux pays de mener des actions concrètes pour confirmer leur engagement [6].
9 Au Brésil, et en Amérique latine plus généralement, le débat sur la façon de mettre en œuvre les politiques visant à promouvoir l’égalité de genre n’a débuté qu’avec la création du Comité de l’Onu pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (Cedaw), en 1979. Cette même année, le Cedaw a lancé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui a pris effet en 1981 et qui a été signée par le Brésil en 1984. Cette convention définit ce qui constitue un acte ou une pratique discriminatoire contre les femmes, et établit un programme d’action national pour combattre de tels comportements.
10 C’est ainsi qu’en 1988, la Constitution brésilienne a incorporé les engagements pris par le Brésil au niveau international. Il y est affirmé :
Tous sont égaux devant la loi, sans distinction d’aucune sorte. Le droit inviolable à la vie, à la liberté, à l’égalité, à la sécurité et aux biens est garanti aux Brésiliens ainsi qu’aux étrangers résidant dans le pays selon les termes suivants : les hommes et les femmes sont égaux en droits et en devoirs. (Brasil, Constituição 1988).
12 Toutefois, il fallut attendre 1995 pour qu’intervienne le premier dispositif national de lutte contre la discrimination. Il s’agit du Programme Brésil, genre et race, dont l’adoption résulta d’une plainte déposée par les représentants des organisations de travailleurs lors d’une Conférence internationale du Travail, au début des années 1990 [7].
13 Cette même année 1995, le gouvernement brésilien lança le Programme de coopération technique, impliquant l’OIT et le ministère du Travail. De là naquit, en mars 1996, le Groupe de travail pour l’élimination des discriminations en matière d’emploi et de profession (GTEDEO). Il s’agit d’une structure tripartite (gouvernement, travailleurs et employeurs) dont la mission est d’élaborer un Plan d’action pour l’élimination des discriminations sur le marché du travail, sous l’angle du genre et de la race.
14 À l’échelle internationale, le retard de plusieurs pays dans la promotion de l’égalité des chances et dans la lutte contre les discriminations a donné lieu, en 1995, à la IVe Conférence mondiale sur les femmes (Beijing), qui s’est conclue par l’adoption d’une déclaration et d’un Programme d’action. Dans la même veine, le Cedaw a publié en 1999 un protocole rappelant aux États signataires leurs obligations de poursuivre « par tous les moyens appropriés et sans retard, une politique tendant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes » [8]. Ce protocole, signé par le Brésil en 2002, réaffirmait que les États « sont résolus à assurer le plein exercice par les femmes, dans des conditions d’égalité, de tous les droits fondamentaux et libertés fondamentales et de prendre des mesures efficaces pour prévenir les violations de ces droits et libertés »(ibid.).
15 Néanmoins, en pratique, les organisations internationales (OIT et Onu) exercent peu de pressions vis-à-vis des gouvernements nationaux. Cela ne signifie pas que les conventions internationales visant à l’égalité des chances soient inutiles. De fait, elles constituent un support pour les gouvernements relativement sensibles à cette question ou désireux d’intervenir là-dessus par intérêt politique (dans une optique de marketing politique).
16 Outre les conventions internationales, il faut noter que la promotion de politiques égalitaires s’est également avérée cruciale pour mettre fin au régime militaire que le Brésil a connu de 1964 à 1985. Le processus de démocratisation a en effet conduit à réintégrer les droits humains dans la plate-forme d’action du gouvernement national, en incorporant ce thème dans le Plan des droits humains, ainsi que dans les conseils, les commissions parlementaires et les secrétariats spéciaux. Depuis lors, l’action des divers segments des mouvements sociaux, féministes et ethniques, a joué un rôle décisif pour l’insertion des questions de genre et de race dans les politiques publiques.
17 À la fin des années 1990 [9], des politiques d’un type nouveau visant à promouvoir l’égalité de genre ont vu le jour au Brésil. En 2002, le gouvernement a créé le ministère des Droits de la femme (Sedim) qui, en 2003, s’est transformé en Secrétariat spécial des politiques pour les femmes. Dans la foulée, le gouvernement brésilien a promu l’année 2004 ‘Année de la femme’. Les programmes et les activités lancés à cette occasion visaient à « créer des conditions d’égalité et de justice quant à la place de la femme dans la société » (SPM 2004, p. 95).
18 En 2004, le Brésil a lancé le Programme en faveur de l’égalité qui soutient les entreprises engagées dans l’adoption de pratiques de gestion favorisant l’égalité des sexes dans le milieu de travail [10]. L’adoption de cette mesure est venue s’ajouter à celles qui ne prévoient pas de sanctions à l’encontre des entreprises pratiquant la discrimination.
19 À également été lancé, en 2004, le Plan national de politiques pour les femmes, lequel recense les engagements du gouvernement brésilien concernant la promotion des femmes dans tous les domaines, aussi bien économiques que sociaux [11].
20 De façon générale, la lutte contre le chômage et pour l’incitation à l’équité, l’autonomie et la promotion des femmes figure au cœur des préoccupations des instances étatiques chargées de promouvoir l’égalité des sexes. En 2004, la première Conférence nationale sur les politiques pour les femmes a défini quatre axes prioritaires, en tant que partie intégrante du Plan national des politiques pour les femmes : 1) autonomie et création d’emplois et de revenus ; 2) santé et droits sexuels et reproductifs [12] ; 3) lutte contre les violences ; 4) promotion d’une éducation non sexiste. Ces axes continuent à figurer dans le Plan national de politiques pour les femmes, remanié en 2013 (SPM 2013), parallèlement aux nouveaux champs d’action définis à cette occasion.
21 L’ampleur du territoire et la diversité qui en découle au plan régional ont conduit le pays à instaurer un réseau national unifié et décentralisé grâce au Plan national de politiques pour les femmes, ratifié par les divers États fédéraux et les municipalités de l’ensemble des régions du pays. Par le biais de ce pacte, les uns et les autres s’engagent à élaborer des plans étatiques ou municipaux qui reprennent les objectifs du Plan national. Afin que l’élaboration des ‘plans décentralisés’ se fasse sur des bases démocratiques, États et villes s’appuient sur la contribution d’entités non gouvernementales ainsi que sur les commissions de droits des femmes créées à chaque niveau à partir des années 1980, au cours du processus de démocratisation du pays. Ces structures ont le statut d’instances consultatives et représentatives, qui contribuent au changement par une lutte constante pour l’égalité des sexes.
22 Bien qu’il soit difficile de mesurer l’impact exact des politiques gouvernementales visant à promouvoir l’emploi des femmes, l’adoption de ce type de mesures peut contribuer à atténuer certaines pratiques discriminatoires.
Dispositifs étatiques de politiques en faveur des femmes
23 Afin de mettre au jour les contradictions entre le discours et la pratique de l’État brésilien concernant la promotion de l’égalité des sexes, six entretiens ont été réalisés avec des actrices et acteurs publics, partie prenante des appareils étatiques chargés de cet objectif.
24 Ces entretiens ont révélé de façon réitérée la forte influence des mouvements sociaux et féministes quant aux propositions formulées par les organes en question. Pour sa part, la sous-secrétaire des programmes et actions thématiques du Secrétariat spécial des politiques publiques en faveur des femmes déclare :
Dans tous nos débats, ou pour les décisions à prendre, quelle que soit la politique concernée, nous en référons aux diverses tendances du mouvement [...]. Parallèlement aux échanges avec le gouvernement, nous discutons avec le mouvement (entretien nº 1).
26 Le dialogue avec le gouvernement, notamment au travers du Conseil national des droits des femmes (CNDM), n’a pas empêché les mouvements sociaux, les mouvements féministes et les mouvements de femmes d’exercer une pression pour se faire entendre. Alors même que le Programme pour la promotion de l’égalité en matière de genre, de race et d’ethnie du ministère du Développement agraire poursuivait le dialogue avec les mouvements sociaux ruraux, plusieurs marches nationales ont été organisées ces dernières années en direction de la capitale fédérale, telle la Marche des Marguerites ou la Marche des travailleuses rurales. À propos du mouvement qui regroupe ces dernières, la coordinatrice du programme Genre, sexe et race du Fonds de développement des Nations unies pour la femme (Unifem), a déclaré :
En ce qui concerne le marché du travail, je pense que ce sont les travailleuses rurales dont la présence a le plus pesé dans l’élaboration des politiques adoptées (entretien nº 2).
28 Les interviews ont également souligné l’importance que revêt la question de la prise de conscience pour progresser dans la construction et la consolidation de l’égalité de genre. Il s’agit en effet de l’une des priorités des appareils d’État chargés de l’égalité des chances, car sensibiliser les divers acteurs et actrices apparaît essentiel pour favoriser un quelconque changement dans ce domaine.
29 À ce propos, la première interlocutrice fait remarquer qu’au Brésil, « les politiques publiques ne se conçoivent pas encore comme des dispositifs s’adressant aux femmes, dans une optique de genre. Cela rend donc le dialogue difficile à tous les niveaux, y compris pour faire l’interface avec le gouvernement fédéral ».
30 Il ressort par ailleurs de l’entretien que cette difficulté résulte avant tout du caractère patriarcal et machiste de la culture nationale brésilienne — un trait qui vaut aussi pour les dirigeants gouvernementaux. Cette même interlocutrice a lourdement insisté en affirmant :
Le gouvernement continue à réfléchir en termes des plus conventionnels, dans ce pays dont on peut dire qu’il est imprégné par une culture patriarcale et machiste. C’est indéniable : nous sommes le fruit de cette culture. Donc, nos dirigeants, nos leaders, les fonctionnaires publics pensent de cette manière.
32 La difficile relation entre plates-formes pour l’égalité de genre et culture patriarcale s’avère encore plus sensible dans les zones rurales. C’est ce qui ressort des propos de la troisième personne interrogée, laquelle coordonne le Programme pour la promotion de l’égalité en matière de genre, de race et d’ethnie du ministère du Développement agraire. À la question portant sur les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des objectifs de ce programme, elle répond :
Le travail féminin intervient dans la sphère de la reproduction familiale [...]. Cela confère une très forte invisibilité, un manque de reconnaissance au rôle des femmes dans l’économie. Il en résulte que, même quand elles ont accès à la terre par héritage, elles n’héritent pas des parcelles productives. En outre, par-delà la question de la terre, dans les unités familiales et plus généralement dans les communautés rurales, les femmes ne sont pas reconnues en tant qu’individus détenant des connaissances dans le domaine productif, capables d’assurer la gestion de la production, de se procurer des financements. La figure masculine continue à s’imposer comme seule apte à faire le pont entre l’unité familiale et les institutions publiques ou privées susceptibles d’apporter une aide à la production. L’invisibilité des femmes en tant que citoyennes contribue à ce qu’elles ne détiennent même pas une citoyenneté formelle. Voici longtemps, dans les années 1980, la pratique en vigueur — qui perdure, quoique de façon nettement moindre — voulait que puisque le chef de famille, le mari, le père détenait des documents officiels, les femmes, elles, n’en avaient pas besoin. Ce fait, à lui seul, leur interdisait tout accès aux politiques publiques.
34 Les résistances liées à la culture machiste sont évoquées tout au long des divers entretiens, et elles se font d’autant plus sentir dans les régions du Nord et du Nordeste, où le poids du patriarcat est plus accusé.
35 Un autre point mentionné concerne la faible reconnaissance de la problématique du genre dans le monde politique. Selon la Secrétaire municipale pour les femmes de la ville de São Luís (entretien nº 4), de nombreuses femmes qui font partie de ce milieu ne sont sensibles qu’à un seul aspect de l’égalité des sexes : à savoir l’obtention de la parité en politique. Aussi beaucoup d’entre elles, y compris parmi les élues, ne sont-elles pas prêtes à lutter contre les discriminations de sexe.
36 Cette même personne ajoute qu’au niveau régional, le débat sur l’intégration de la dimension de genre en politique est inexistant. Pour qu’il advienne, il faudrait disposer de statistiques sexuées sur les mesures mises en place par les États. Le manque d’études sur l’impact des actions en faveur de l’égalité des sexes, de l’autonomie et de l’empowerment des femmes a également été évoqué par les interlocutrices nº 5 et 6 — respectivement coordonnatrice de l’Observatoire du marché de l’emploi du ministère du Travail, et cheffe de projet du Secrétariat spécial des politiques à l’endroit des femmes. Cela explique le manque d’intérêt des dirigeants pour la production d’études et de données détaillées sur les inégalités de sexe, notamment au niveau régional.
37 Le peu d’attention vis-à-vis de la problématique du genre vaut aussi pour les syndicats. À l’échelle nationale, il existe des partenariats entre centrales syndicales brésiliennes, telle la Centrale unitaire des travailleurs (Cut), créée en 1983. En 1987, la Cut a créé une Commission nationale sur la question des femmes au travail. En 1993, elle a instauré une politique de quotas qui a réduit quelque peu le déséquilibre existant dans la composition des directions de cette fédération (Bezerra de Lima et al. 2006). En 2003, ont été créés le Secrétariat national et les secrétariats des États sur les femmes au travail, ainsi que le Collectif national des femmes de la Cut.
38 Cependant, comme le souligne la personne interviewée dans l’entretien nº 1, les partenariats avec les syndicats sont nettement moins étroits qu’avec le mouvement des femmes. Outre le fait qu’il s’agit d’un univers éminemment masculin, l’une des explications de ce phénomène, selon l’interlocutrice nº 2, réside dans le fait que « le mouvement syndical, durant longtemps, a accrédité l’idée que revendiquer des droits pour les femmes et recruter ces dernières revenait à diviser la classe ouvrière ».
39 Un autre point évoqué concerne la difficulté à passer des accords de coopération avec d’autres organes étatiques (via le gender mainstreaming), et à mobiliser des fonds pour des actions visant à promouvoir l’égalité. Le manque de ressources apparaît presque systématiquement comme l’un des obstacles majeurs pour intégrer la dimension de genre dans les politiques publiques. La personne interviewée dans l’entretien nº 6 déclare à ce propos :
Précisément parce qu’il est axé sur des actions de prise en charge de la thématique du genre dans les politiques publiques à l’endroit des femmes, notre budget, comparé à ceux des grands ministères dont les champs d’action sont jugés essentiels par le gouvernement (éducation, travail, santé, etc.), est dérisoire.
41 Elle souligne ensuite que bon nombre des actions du Secrétariat ne nécessitent pas d’argent, mais un soutien et que « pour l’instant, il faut nouer des liens, d’un point de vue institutionnel, avec les partenaires politiques prêts à nous appuyer et qui adhèrent à nos objectifs ». Mais lorsqu’on l’interroge sur l’existence d’études évaluant l’impact des actions engagées, elle contredit ce qui précède en affirmant :
Le gros problème auquel nous sommes confrontés concernant ces engagements [le soutien des partenaires], c’est qu’ils soient conçus sur le long terme et qu’ils soient viables financièrement.
43 Autrement dit, ‘l’appui de partenaires’ suppose un budget spécifique qui, à ce jour, selon l’interlocutrice nº 1, « ne permet pas de répondre à la demande existante ». Elle précise que la difficulté d’obtenir des ressources va à l’encontre du principe de transversalité du genre. En ce sens, fait-elle observer :
Notre budget est minime, il est faible, il ne tient pas compte de la demande qui est la nôtre, et obtenir des fonds d’autres ministères pour la question des femmes s’est également avéré un enjeu presque insurmontable. Nous avons obtenu très peu d’argent.
45 Les données recueillies montrent que c’est vrai au niveau national, tout comme au niveau régional et municipal. Concernant l’importance de disposer de moyens financiers pour engager une quelconque action visant l’égalité des sexes, l’interlocutrice nº 1 précise qu’au Brésil, « si vous n’avez pas de budget, les maires ne veulent rien savoir, ils n’entrent même pas en matière, aucune négociation, aucune discussion n’est possible ».
46 Toujours sur le thème des fonds disponibles, la personne interviewée dans l’entretien nº 5 déclare pour sa part :
La demande des femmes est une demande sociale qui apparaît constamment dans le débat sur la mise en place du système public d’emploi. Ce dernier est clair quant à la nécessité de ‘privilégier’ les groupes défavorisés de la population, mais à part cela, il n’existe pas encore d’actions spécifiques et donc, jusqu’ici, il n’y a pas de budget disponible sur cette base.
48 Cela signifie qu’en dépit de la demande, et bien que le gouvernement ait lancé un Plan national de politiques pour les femmes précisant les objectifs à atteindre, le ministère du Travail et de l’Emploi ne dispose d’aucune plate-forme ni d’aucune enveloppe spécifique à cet endroit.
49 De manière générale, le contenu des entretiens montre que les difficultés rencontrées par les ‘fémocrates’ sont constantes. Pour surmonter ces obstacles, la solution consiste à former et à sensibiliser les fonctionnaires. Cet objectif sous-tend également le financement — après sélection rigoureuse, vu le manque de ressources — de projets associatifs émanant d’organisations de femmes ou d’organisations non gouvernementales. Il s’agit de programmes visant à sensibiliser et à changer les comportements quant au rôle des femmes dans la société dans son ensemble. C’est aussi une façon de répartir les tâches et de réduire les coûts, tout en répondant un minimum aux demandes sociales.
50 Si les résultats des actions engagées par les organes étatiques chargés de la promotion de l’égalité de genre s’avèrent assez marginaux, cela n’implique pas qu’ils soient dénués d’importance. À vrai dire, plusieurs éléments se conjuguent, qui limitent les actions engagées et l’efficacité de ces dispositifs, au point d’en menacer fréquemment le bien-fondé. De nombreux facteurs conjoncturels contribuent en effet à cette ‘crise de légitimité’, depuis l’arrivée au pouvoir de gouvernements conservateurs dont les intérêts spécifiques excluent totalement la promotion des femmes, jusqu’aux contextes de crise économique, comme c’est le cas au Brésil depuis 2013 : les préoccupations liées à l’égalité des sexes redeviennent alors des questions d’ordre secondaire.
51 À cela s’ajoute le processus de déréglementation du marché du travail impulsé par les gouvernements brésiliens successifs depuis les années 1990, avec l’adoption de politiques de flexibilisation de l’emploi dont les conséquences se sont révélées plus perverses pour les femmes (Sabóia 2015).
52 Soulignons en outre que les politiques de flexibilisation de l’emploi adoptées au Brésil sont à l’image de l’équilibre des forces en présence, à l’heure actuelle. Les obstacles rencontrés par les divers acteurs publics chargés de la mise en œuvre de politiques d’égalité de genre concernent nombre de points évoqués par les personnes interviewées. Ces difficultés soulignent l’écart entre la rhétorique gouvernementale (pro-égalité) et la pratique concrète, qui reste discriminatoire à l’égard des femmes et qui est fondée sur une hiérarchie des rapports sociaux de sexe.
53 Bien que les femmes aient obtenu la reconnaissance formelle de l’égalité, dans les faits, la véritable parité en droits et en devoirs, ainsi que la reconnaissance de leurs aptitudes sont des idéaux non encore atteints. En effet, la discrimination à l’égard du travail des femmes demeure une réalité, même si le principe de l’égalité et son corrélat, la non-discrimination, constitue, du moins dans le discours, l’un des « fondements des démocraties modernes » (Borrillo 2003, p. 5).
54 Il est vrai que durant les gouvernements se disant de gauche (Lula et Dilma Rousseff), certains progrès ont eu lieu quant à l’adoption de normes étatiques ou de programmes visant à lutter contre les discriminations de sexe. Toutefois, des gestes comme la création du Secrétariat spécial des politiques publiques pour les femmes au Brésil (sous le gouvernement Lula) ne sauraient occulter les véritables raisons pour lesquelles ces expériences ‘de gauche’ ont été entreprises. Répondre, ne serait-ce que de façon minimaliste, aux exigences des mouvements sociaux, de féministes et de femmes apparaissait relativement important, puisque ces derniers avaient fortement soutenu lesdits gouvernements au moment des élections.
55 Dans la pratique, l’expérience brésilienne a constitué une nouvelle façon de traiter la ‘question sociale’ du genre, en créant une fausse image de l’État en tant qu’appareil neutre. Dévoiler ce piège constitue à nos yeux une étape indispensable pour mieux saisir en quoi l’augmentation quantitative de l’emploi des femmes et la mise en œuvre d’actions favorisant leur autonomie, ou la création de postes et de revenus les concernant n’ont pas entraîné de réduction substantielle des inégalités de sexe sur le marché du travail.
56 L’écart entre discours et pratique prend tout son sens à la lumière de ce que Montaño (2002) nomme les véritables fonctions économiques, politiques et sociales de l’État. Ces fonctions — qui prennent l’apparence de l’octroi de services (politiques sociales d’emploi, sécurité sociale, promotion de l’égalité, etc.) — deviennent plus claires quand on les appréhende comme processus historique. Par-delà les changements qu’elles subissent dans le temps et dans l’espace, leur rôle reste de préserver la productivité du système capitaliste et son objectif principal : l’extraction de la plus-value et l’accumulation de richesses. Aussi peut-on affirmer avec Mészáros :
Le capital a imposé sa domination sur le terrain de la production matérielle, parallèlement à l’essor des pratiques politiques totalitaires qui ont façonné l’État moderne. (Mészáros 2006, p. 106).
58 Et c’est le lien organique existant entre l’un et l’autre qui a rendu la chose possible.
59 Cependant, le processus historique qui sous-tend les fonctions de l’État découle d’une dynamique sociale d’ensemble, des luttes sociales, dont celles des féministes contre la domination. Cela signifie que l’État constitue aussi une sphère importante pour les conquêtes sociales (Montaño 2002). C’est un espace de luttes individuelles et sociales, ponctuelles ou générales, sectorielles ou de classe, d’urgence et immédiates, ou structurelles et indirectes. Car tout comme la société civile, l’État est aussi une arène de luttes, imprégné qu’il est de différences et d’antagonismes.
60 * * *
61 Au cours des deux dernières décennies, une série de mesures visant à promouvoir l’égalité des sexes ont été adoptées au Brésil, suite aux luttes des mouvements sociaux nationaux qui s’appuyaient sur les conventions internationales. Ces derniers ont exercé de fortes pressions en faveur de politiques égalitaires, y compris dans le monde du travail.
62 De cette mobilisation, sont issus : le Programme Brésil, genre et race (1995), le Groupe de travail pour l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession (1996), le Secrétariat des droits de la femme (2002), le Secrétariat spécial des politiques pour les femmes (2004) et le Programme pour l’équité entre les sexes (2004). Cette même année, le Brésil a lancé le Plan national de politiques pour les femmes (remanié en 2013 – SPM 2013), qui comprend les engagements du gouvernement en matière de promotion des femmes dans toutes les sphères de la vie économique et sociale.
63 Cependant, dès lors que l’on examine les pratiques étatiques dans ce domaine, on ne saurait s’en tenir aux apparences. Car le discours en faveur de la promotion de l’égalité des sexes n’a pas donné lieu à l’octroi des moyens matériels nécessaires. Non seulement les ressources financières allouées sont fort insuffisantes, mais les instances étatiques chargées de cette question disposent généralement d’une très faible légitimité, y compris aux yeux des autres instances gouvernementales. Cela conduit les ‘fémocrates’ à mener des actions qui, pour l’essentiel, se limitent à sensibiliser les acteurs publics et privés, et dont les résultats sont difficilement perceptibles à court et à moyen terme.
64 Les contradictions inhérentes aux discours politiques des gouvernements brésiliens ne résident pas seulement dans le manque de ressources et de légitimité propre aux instances étatiques chargées de promouvoir l’égalité. Elles se combinent avec une absence totale de sanctions à l’égard des entreprises publiques et privées qui n’appliquent pas les principes de l’égalité des sexes. Tous ces facteurs conduisent à affirmer que le principe de partialité (et non de neutralité) entache l’action de l’État.
65 Dans cette optique, les opérations censées promouvoir l’égalité de genre ont entraîné une fausse perspective de changement social, notamment à propos de la participation du milieu entrepreneurial. Car en réalité, cette idée de ‘partenariat’ entre le gouvernement et le monde de l’entreprise, à l’origine notamment du Programme pour l’équité entre les sexes, fait fi de la contradiction entre capital et travail en vertu de laquelle les intérêts de la classe ouvrière et ceux du capital sont divergents, puisque l’exploitation du travail est au fondement de l’accumulation de richesses.
66 De façon générale, les engagements pour la promotion de l’égalité de genre ont été pris en réponse aux luttes pour l’émancipation des femmes et contre la domination masculine.
Références
- Balibar Étienne (1997). La crainte des masses : politique et philosophie avant et après Marx. Paris, Galilée.
- Bezerra de Lima Maria Ednalva et al. (2006). Mulheres na CUT: uma história de muitas faces. São Paulo, Secretaria Nacional sobre a Mulher Trabalhadora – SNMT.
- Borrillo Daniel (ed) (2003). Lutter contre les discriminations. Paris, La Découverte.
- Brasil, Constituição (1988). Constituição da República Federativa do Brasil de 1988. Brasília, Senado Federal.
- Dauphin Sandrine (2008). « Promotion de l’égalité des sexes en France : continuité et rupture ». Cahiers du genre, nº 44.
- Maupain Francis (2000). « L’OIT devant le défi de la mondialisation. De la réglementation à la régulation internationale du travail ? ». In de Senarclens Pierre (ed). Maîtriser la mondialisation : la régulation sociale internationale. Paris, Presses de Sciences Po.
- Mészáros István (2006). Para Além do Capital. São Paulo, Boitempo.
- Montaño Carlos (2002). Terceiro setor e a questão social: crítica ao padrão emergente de intervenção social. São Paulo, Cortez.
- OIT (1981). Normes et déclarations de principes intéressant particulièrement les travailleuses. Genève, BIT.
- Sabóia Vivian Aranha (2015). “O emprego das mulheres face ao neoliberalismo e a flexibilização do emprego na França e no Brasil”. In Gomes de Lucena Fátima (ed). Saber, prever, cuidar: estudos sobre o tráfico de seres humanos. Recife, EDUFPE.
- SPM / Secretaria Especial de Políticas para as Mulheres (2004). Plano Nacional de Politicas para as Mulheres. Brasilia, Presidência da República.
- — (2013). Plano Nacional de Políticas para as Mulheres 2013-2015. Brasília, Presidência da República.
Mots-clés éditeurs : Brésil, Discriminations de sexe, Emploi des femmes, Résistances, Politiques publiques
Date de mise en ligne : 05/10/2016
https://doi.org/10.3917/cdge.hs04.0225Notes
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[1]
Texte traduit avec le soutien de la Fondation FAPEMA, grâce au Programme d’aide à la publication d’articles (13/2015).
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[2]
Sur l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale.
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[3]
Sur la discrimination en matière d’emploi et de profession.
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[4]
Elle recommande la valorisation des ressources humaines, fondée sur la promotion de l’égalité des chances des femmes et des hommes, dans la formation et dans l’emploi.
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[5]
Elle recommande le respect, par les employeurs, du principe d’égalité des chances et de traitement, en matière d’emploi et de profession.
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[6]
À cette fin, chaque État doit rédiger un rapport annuel sur les actions menées pour atteindre les objectifs énoncés dans la convention précédemment ratifiée (OIT 1981).
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[7]
En l’occurrence, le Brésil fut accusé de violation de la Convention no 111. Ce fut sur la base de cette plainte, déposée en 1995 auprès de la 83e Conférence internationale du travail, que le gouvernement brésilien reconnut officiellement l’existence de discriminations sur le marché du travail et sollicita la coopération technique de l’OIT pour mener à bien les engagements qu’il avait pris en ratifiant la Convention no 111.
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[8]
Voir : www.unhchr.ch
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[9]
L’une des caractéristiques de cette nouvelle tendance consiste précisément à adopter des plans et des programmes d’action censés instaurer l’égalité des sexes. Jusque dans les années 1980, cette quête d’‘égalité’ s’était pour l’essentiel limitée à modifier les lois de type discriminatoire vis-à-vis des femmes.
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[10]
À partir de là, un certain nombre d’entreprises publiques ont adhéré à ce programme, leur engagement étant dès lors valorisé publiquement par l’attribution du label Pró-Equidade de Gênero (pour l’égalité de genre).
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[11]
Ce plan intègre le principe de transversalité (gender mainstreaming) dans les actions développées, l’objectif étant de prévenir les discriminations potentielles découlant des politiques publiques (Dauphin 2008).
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[12]
Au Brésil, l’avortement est considéré comme un crime, sauf en cas de risque de mort pour la mère et en cas de viol. Ce dernier doit être dûment attesté devant la justice pour étayer la demande d’interruption de grossesse. En octobre 2015, un projet de loi (nº 5069) soumis par le député Eduardo Cunha a été approuvé par le Comité constitution et justice (CCJ) de la Chambre des députés. S’il était adopté, le fait de « pousser, encourager ou aider » une femme enceinte désirant avorter serait considéré comme un crime passible de trois ans de prison, y compris pour les médecins et les infirmières. Cela signifierait que les femmes sur le point d’avorter se présentant à l’hôpital ne pourraient recevoir des soins médicaux. Ceci étant, le débat sur l’avortement a été relancé en 2016 avec l’épidémie du virus Zika, particulièrement dévastateur pour les femmes enceintes. Transporté par les moustiques, ce dernier est à l’origine, chez les nouveaux-nés de ce pays, de centaines de cas de microcéphalie — une malformation très rare du cerveau.