Notes
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[1]
Hen est un pronom neutre qui désigne la troisième personne du singulier. C’est un terme inclusif.
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[2]
Den se rapporte à un nom masculin et det à un nom neutre.
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[3]
« För könens likställighet ter det sig väsentligt att vi – som nu ofta sker - går över till könlösa yrkesbenämningar, […]. Finskan äger i hän 'han/hon' ett könlöst personligt pronomen, medan vi i svenskan måste ange kön v a r j e gång vi onmämner en människa med tredje personens pronomen. Detta är opraktiskt och kan någon gång kännas stötande. »
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[4]
Peuple autochtone vivant au nord de la Scandinavie, en Finlande ainsi qu’en Russie. Longtemps discriminés, le terme pour désigner les Sames était Lappar, Lapons en Français. Or ce terme est très péjoratif.
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[5]
Molde était un universitaire, spécialiste des langues nordiques (il a commencé sa carrière à l’université de Arhus au Danemark, puis l’a poursuivie à l’université de Lund et l’a terminée à celle de Stockholm). Il a fait partie du Comité pour l’entretien de la langue suédoise (Nämnden för svensk språkvård).
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[6]
Lag 5 juni 1973 om ogifta sammanboendes gemensamma bostad ou communément appelée sambolagen.
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[7]
Le vouvoiement était alors synonyme de dédain, de mépris car uniquement utilisé par les classes dirigeantes envers les classes populaires.
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[8]
Bror Rexed était proche du Premier ministre social-démocrate Tage Erlander.
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[9]
Pour une discussion réflexive sur ce sujet, voir Paulston Christine Bratt, 1975.
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[10]
Lire l’étude de Nowak et Andrén 1982 qui illustre notamment la diffusion du tutoiement de 1950 à 1975 dans la presse populaire.
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[11]
Språkvård, 1999 n° 3 ; 2001, n° 4 ; 2002, n° 2 ; 2002, n° 3 ; 2003, n° 1 ; 2003, n° 3.
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[12]
Au moment de l’après-guerre, l’apprentissage de l’anglais est devenu obligatoire (SOU 1948 : 27). Cet apprentissage linguistique était perçu comme une opportunité pour la majorité des Suédois·es d’ouvrir une fenêtre sur le monde. Il répondait également à l’objectif d’égalité des chances (Cabau 2013), valeur clef au cœur de la social-démocratie. Depuis plusieurs générations, les Suédois·es ont donc appris l’anglais dès leur plus jeune âge.
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[13]
Statens Offentliga Utrdningar ou SOU – les SOU sont des rapports d’enquête publique généralement réalisés pour éclairer le gouvernement et les parlementaires sur une question avant de préparer un projet de loi.
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[14]
Jusqu’en 2009, le suédois n’était pas la langue officielle mais il avait le statut de langue principale de Suède. En revanche, il est reconnu langue officielle en Finlande et dans l’Union européenne. En 2005, une proposition de loi visant à changer le statut du suédois en langue officielle est présentée au Riksdag (Parlement suédois). Elle est rejetée : la principale réserve avancée notamment par les parlementaires sociaux-démocrates tient au fait qu’établir un tel statut serait discriminatoire envers celles et ceux dont la langue maternelle n’est pas le suédois (Cabau 2013). La situation évolue en 2009. Suite à la publication des résultats d’un comité d’expert·es (SOU 2008, p. 26) en mars 2008, une nouvelle proposition de loi est présentée au Riksdag (Regeringens proposition 2008/09, p. 153) et est adoptée. Le suédois devient donc langue officielle de Suède le 1er juin 2009. Les années 2000 marquent véritablement un tournant dans la politique linguistique suédoise.
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[15]
Ces groupements d’hommes jugeaient que leur statut et leur profession étaient dévalorisés du fait de la dénomination féminine de leur profession. Un nouveau terme a ainsi été introduit pour rendre visible les infirmiers : sjukskötare.
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[16]
Dans les années 1970, elle a été membre de l’organisation féministe Grupp 8 et elle est l’une des membres fondatrices du parti féministe Feministisk Initiativ [Initiative féministe] créé en 2005.
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[17]
Selon les usages, lorsque l’on épelle un mot en suédois, on fait exclusivement référence à un prénom masculin pour identifier sans ambiguïté une lettre. Ainsi, par exemple, pour épeler hen : H, comme Henning, E, comme Emmanuel et N, comme Nathan.
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[18]
La norme de l’égalité citoyenne, substantifique moelle de l’Etat-providence suédois, a été le vecteur central pour accorder de nouveaux droits aux femmes dans les années 1960-1970. Cette politique universaliste, qui vise à assurer d’égales opportunités à tous et toutes, a également été la clef pour combattre les discriminations envers les homosexuel·les dans les années 1980. Considérant que l’homosexualité est un comportement privé ne devant pas affecter l’égalité de traitement des citoyen.e.s, le législateur suédois reconnaît qu’elle ne doit pas obvier aux droits des individus à bénéficier des mêmes droits (Digoix 2008, Digoix et Le Bouteillec 2012). Pour veiller à ce que ces droits ne soient pas bafoués et pour lutter contre les discriminations de genre, le législateur suédois a non seulement adopté en 2009 une loi bannissant toutes discriminations portant sur l’identité de genre et l’expression de genre mais a aussi créé un nouvel « ombudsman » : l’ombudsman en charge de l’égalité et contre les discriminations, qu’il s’agisse des discriminations de sexe, d’identité de genre et d’expression de genre, de religion, d’origine ethnique, d’âge, etc. Ainsi, la communauté lgbt a acquis une meilleure visibilité dans la société suédoise, ce qui a donné un nouveau souffle aux questions de genre.
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[19]
http://tidskrift.nu/tidskrift/Ful (consulté le 26/11/2020)
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[20]
« Ful tror bara inte på tvåkönsmodellen. Vi vill inte tvåkönsmodellen. Vi vill nåt mer »
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[21]
Selon Karin Milles (2013), les prises de position des mouvements d’extrême droite contre l’utilisation du pronom hen ont contribué à populariser l’usage de hen parmi les groupes qui ne veulent absolument pas être associés à ce mouvement.
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[22]
De nombreux articles dans la presse française ont rapporté le débat suédois en 2012. Courrier International a publié quatre articles : « Un héros ni garçon, ni fille » dans la rubrique Insolite du n° 1112, de février 2012 ; « L’égalité des sexes dès le plus jeune âge », n°1113, de février 2012 (article tiré du journal Dagens Nyheter) ; « Enfin des moteurs de recherche asexués », dans la rubrique Insolite du n°1118, d’avril 2012 ; « Ils ne disent ni “il” ni “elle” » dans le supplément n°1134, de juillet 2012 (article tiré du journal Dagens Nyheter). Le Monde publie un article en mars 2012, signé par Olivier Truc, « Des Suédois militent pour la crèche sans sexe : Faut-il ignorer le “hen” ? La décision d'une crèche, à Stockholm, de recourir à un pronom neutre pour désigner les enfants provoque une levée de boucliers. ». Puis, suite à un communiqué de presse début octobre, un nombre important de magazines, de sites internet regardent de nouveau du côté de la Suède. Le magazine Elle publie par exemple « Suède : un pronom neutre pour désigner le troisième sexe » alors que Le Point affirme « En Suède, le troisième siècle a son pronom » (source AFP). Outre ces médias, de nombreux sites internet s’en font l’écho. Mises à part quelques exceptions, la plupart de ces sites ne se hasarde pas à des commentaires. Les médias français ont à nouveau publié des articles en 2015 commentant l’entrée de hen dans le dictionnaire suédois.
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[23]
Elise Claeson est chroniqueuse. Ancienne responsable des questions d’égalité au sein de la Confédération suédoises des associations professionnelles, elle est également auteure d’un ouvrage dénonçant le peu de considération des femmes au foyer en Suède.
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[24]
« Varför tror du att ordet upprört så många? » Réponse « Jag tror att många blev upprörda över att genuspedagoger ger sig på våra barn på dagis och i skolan. De flesta vill att barn ska få utvecklas enligt de ramar som naturen ger dvs pojkar ska få vara pojkar och leka med bilar om de vill. Intuitivt anar vi att barnen inte kan välja sin könsroll, de är födda med sitt kön och det beteende som följer av det. [...] Genuspedagogernas översitteri och besserwisserattityd retar. »
-
[25]
Dans ce pays, l’école ne commence qu’à l’âge de 6 ans.
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[26]
Statistiques disponibles sur le site de Skolverket [Direction nationale des établissements scolaires] : www.skolverket.se/skolutveckling/statistik/sok-statistik-om-forskola-skola-och-vuxenutbildning?sok=SokC&verkform=F%C3%B6rskola&omrade=Barn%20och%20grupper&lasar=2019&run=1 (consulté le 26/11/2020)
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[27]
Il n’existe pas d’équivalent neutre dans la langue française.
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[28]
Les propos rapportés ici, ainsi que les faits rapportés, sont tirés d’interviews réalisées auprès du personnel d’Egalia et d’une semaine d’observations au sein de cette crèche.
-
[29]
« Det är ett modernt språk som också är enklare än att hela tiden använda han eller hon. 2005 fanns det yrkande inom partiet att använda ett könsneutralt språk, men då ansågs det vara ett hinder för läsförståelsen, men nu känner vi att det är en reform som slagit igenom så lätt så att det är fullt möjligt. » Article publié par SVT Nyheter, intitulé « MP väljer ”hen” i nytt partiprogram » [MP [le parti des verts] a choisi “hen” dans son nouveau programme], le 24 septembre 2012.
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[30]
L’Académie suédoise est le pendant de l’Académie française. C’est, en outre, cette institution qui désigne le récipiendaire du prix Nobel de littérature.
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[31]
Il faut bien noter que les tentatives antérieures d’imposer le pronom ni ont échoué.
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[32]
La majorité des répondants à cette étude de 2018 avait une opinion négative vis-à-vis du pronom hen. Voici les principaux arguments mis en avant : 1) hen n’a aucune fonction, car il y a deux sexes ; 2) Il y a d’autres termes neutres, hen n’est pas nécessaire ; 3) Il est ridicule d’utiliser hen ; 4) Seul.e.s les féministes extrémistes utilisent le terme hen (Bäck et al. 2018).
-
[33]
La nécessité de se construire en fonction de son sexe et donc d’avoir une identité sexuée clairement établie dès le plus jeune âge est généralement mise en avant pour s’opposer à cet usage.
You cannot change society only through language, nor, on the other hand, can you change society without the aid of language. Language and the rest of society reciprocally condition each other.
1Dans les sociétés scandinaves, l’égalité citoyenne est perçue comme la base d’une société forte et soudée (Graubard 1986, Hilson 2008, Knutsen 2017). L’égalité sociale de façon générale, mais plus particulièrement l’égalité des sexes via les lois sur la parité, sont mises en œuvre par le droit positif tandis que l’égalité économique est assurée grâce à des soutiens financiers redistributifs. Telles sont les bases de la philosophie de l’État-providence scandinave et du contrat social suédois (Florin et Bengt 1999, Hirdman 2014, Skar et Haavio-Mannila 1984).
2Dès la première moitié du xxe siècle, en Suède, les femmes sont devenues des actrices indépendantes et des personnes légales sans considération de leur statut familial. Puis les lois sociales de l’État-providence ont conforté leur indépendance, et l’individualisation des citoyen·ne·s en général, puisque les droits sociaux sont conditionnés par la résidence sur le territoire national (Digoix et Le Bouteillec 2012). L’emploi est alors le vecteur de l’indépendance économique des femmes et le support de leur citoyenneté sociale. Pourtant, dans le domaine linguistique, la situation est différente. En effet, la langue suédoise a longtemps été – et reste encore par certains aspects – inégalitaire et sexiste. Toutefois, les pratiques linguistiques évoluent. Ainsi, l’introduction du pronom hen [1] dans le dictionnaire de l’Académie suédoise est le résultat d’une histoire qui date d’au moins 50 ans, une histoire jonchée d’initiatives parfois infructueuses mais qui toutes apportent leur pierre dans la quête pour l’égalité.
3Nous nous proposons d’étudier différentes initiatives visant à modifier les pratiques linguistiques afin de tendre à une simplification des usages de la langue suédoise et à favoriser l’égalité entre les citoyen·ne·s. Nous explorons donc la question de l’égalité à travers le prisme de la langue suédoise en examinant non seulement les revendications en faveur de l’égalité mais également l’écho de ces revendications dans la société suédoise et les conditions d’acceptation ou de résistance à ces différentes initiatives. Au-delà de la singularité de ces initiatives, nous nous interrogerons sur les conditions nécessaires à la réussite de tels changements. De telles initiatives peuvent-elles être déconnectées des évolutions sociétales ? La langue peut-elle être un vecteur de changement social ou est-ce le changement social, les volontés politiques, qui induisent ou permettent une évolution de la langue ?
Social-démocratie et tentatives pour parvenir à une langue plus égalitaire
4Dans le discours parlé et écrit, les volontés égalitaires se heurtent à des problèmes de langue, de linguistique et, finalement, à des questions d’identité car la langue oblige à se situer socialement, par la nécessité dans laquelle se trouve la locutrice ou le locuteur de se référer à son identité genrée, à son âge et parfois à son rang social. Ainsi, le choix du pronom d’adresse – tu/vous, en Français et du/ni en Suédois – présuppose de connaître les normes sociales propres à chaque société ou à chaque contexte. Or ces normes varient en fonction des interlocutrices et des interlocuteurs et des formes d’interaction. De même, l’usage du pronom à la troisième personne du singulier nécessite de connaître le sexe de la personne ou de la situer dans son identité sexuée ou genrée.
L’égalité des sexes à travers le prisme des linguistes
5Dans le contexte de changements sociaux et économiques des années 1960 et 1970, entraînant une plus grande visibilité des femmes dans l’espace public, des linguistes commencent à réfléchir à l’égalité et au « sexisme » dans la langue suédoise. On entend généralement par ce terme les insultes à caractère sexuel qui sont utilisées pour désigner une femme ou un homme. Mais la langue comporte aussi d’autres éléments qui renforcent les inégalités entre les sexes. Il s’agit d’un sexisme plus subtil, comme le fait que l’on laisse souvent le pronom masculin han (il) représenter à la fois un homme ou une femme, alors que le pronom féminin hon ne peut désigner qu’une femme. Les femmes sont donc rendues invisibles et sont discriminées par la langue.
6Dans la langue suédoise, il existe quatre pronoms personnels, à la troisième personne au singulier : han (il), hon (elle), den et det. Les deux derniers [2] sont des pronoms neutres qui ne s’emploient pas pour désigner des personnes mais des choses (comme it en anglais).
7Pour lutter contre le sexisme dans la langue, il y a deux possibilités :
- Neutraliser le genre, en recourant à un pronom neutre (qui n’existe pas en suédois)
- Spécifier/expliciter le genre, de manière symétrique entre les sexes, en employant des formules telles que « il ou elle »
9Depuis les années 1960, des linguistes (Dunås 1966 ; Dahlstedt 1967, 1976 ; Molde 1976 ; Karlgren 1994) ont souligné le fait qu’il manque dans la langue suédoise un pronom neutre singulier qui désignerait un individu sans indiquer son sexe. Le problème ne se pose pas au pluriel, les pronoms de et dem (correspondant à they ou them en anglais) sont génériques et neutres. En 1966, le journaliste Rolf Dunås (Dunås 1966) propose alors le néologisme hen, en référence au finnois où le pronom neutre générique hän est usité. D’autres pays ont également un pronom neutre, par exemple la Chine et la Turquie. En anglais, le même débat existe et plusieurs pronoms neutres ont été imaginés (they, ey, xe, zhe…). Ils sont plus ou moins fréquents. L’année suivante, dans un chapitre intitulé Språkvård och samhällssyn [Traitement linguistique et perspectives sociales], Karl-Hampus Dahlstedt, professeur de linguistique, critique l’usage générique du pronom han :
Pour l’égalité des sexes, il semble essentiel que nous – comme il arrive souvent maintenant – basculions vers des noms professionnels sans sexe […]. Le finnois possède hän ‘il/elle’ un pronom personnel asexué, alors que nous en suédois nous devons indiquer le sexe à chaque fois que nous mentionnons un être humain avec le pronom à la troisième personne. Ce n'est pas pratique et cela peut parfois être ressenti comme offensant. [3]
11Dahlstedt réaffirme cette position dans un article publié en 1976 dans la revue internationale Linguistics (Dahlstedt 1976). Dans cet article, il prône l’égalité linguistique et, en conséquence, dénonce toutes les expressions et terminologies renfermant un contenu négatif, comme le recours au terme Lappar pour évoquer les Sames [4]. Se référant ensuite au débat pour l’égalité des sexes dans la sphère sociale, prégnant en Suède dès la fin des années 1960, il constate que l’emploi du pronom han de façon générique démontre une partialité sexuelle inconsciente.
12La même année, le linguiste Bertil Molde [5] souligne que cette question est d’importance notamment dans l’écriture des lois et des textes administratifs où le pronom han générique est systématiquement usité et invisibilise donc les femmes (Molde 1976). Il dénonce en particulier le fait que l’usage du « han générique » n’est pas précis, car il est impossible de distinguer cet emploi-ci de son emploi comme marque du masculin. Par exemple, dans la loi relative à la cohabitation de 1973 [6], du fait de l’emploi du han générique, il est parfois impossible de savoir si la loi fait référence au compagnon masculin ou au couple en général. De plus, ce choix d’utiliser le han générique va à l’encontre du principe d’égalité des sexes : d’un point de vue formel, la loi ne s’adresse qu’à une moitié de la population alors qu’elle concerne tou·te·s les citoyen·ne·s. Il constate l’apparition progressive de den (pronom neutre utilisé en référence à des choses) au lieu de han dans les textes de lois. Une autre possibilité serait d’employer han/hon [il/elle] ou han eller hon [il ou elle]. Selon Molde, l’introduction d’un nouveau pronom tel que hen est très délicat, car il peut être perçu comme offensant par certaines personnes qui ne tolèrent pas d’être asexuées.
13De 1994 à 1996, Hans Karlgren , linguiste et traducteur officiel du finnois vers le suédois, publie dans le quotidien Svenska Dagbladet une série d’articles avec pour titre : Politiska ord [Les mots politiques]. Il consacre un article de cette série aux usages linguistiques visant à inclure les deux sexes (Karlgren 1994). Il s’étonne de l’usage de han comme pronom générique et du peu d’opposition que rencontre cet usage. En outre, il dénonce l’absurdité de l’usage du pronom personnel man qui signifie « on » mais qui veut dire « homme » et souligne la nécessité dans une langue de pouvoir parler d’une personne sans indiquer son sexe, mais sans pour autant désigner cette personne comme asexuée. Il conclut en recommandant vivement l’usage du pronom hen.
14Force est de constater que si la Suède a, dès la fin des années 1960 et surtout dans les années 1970, mis en place une politique ambitieuse d’égalité des sexes, la langue suédoise reste à cette époque conservatrice. La quête d’égalité et la lutte contre le sexisme linguistique ne dépassent pas le petit monde académique des linguistes. Dans la langue parlée ou écrite, hen n’est pas utilisé et le terme est inconnu du grand public jusque dans les années 2000.
La réforme du tutoiement : pour une société plus égalitaire
15Si les propositions des linguistes encourageant l’introduction du pronom hen n’ont pas été entendues, la langue suédoise a toutefois connu une transformation majeure pendant cette période. En effet, progressivement, dans les années 1960, l’usage de « vous » (ni en Suédois) est remis en question jusqu’à devenir marginal dès les années 1970. C’est ce que les suédois appellent Du reformen (la réforme du tutoiement).
16Au xixe siècle la façon de s’adresser à quelqu’un est asymétrique selon la classe sociale. Ainsi, on s’adresse à quelqu’un de rang supérieur en employant son titre (baron, comte, etc.) et celui-ci s’adresse à quelqu’un de rang inférieur en le vouvoyant [7]. À la fin du xixe siècle, les mouvements ouvriers ont instauré le tutoiement généralisé, comme une façon de marquer l’égalité entre eux. Avec l’avènement de la social-démocratie, ce mouvement s’est renforcé et a gagné du terrain pour se généraliser à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Deux évènements médiatiques sont régulièrement mentionnés comme ayant contribué à la diffusion de cette réforme : le premier élément relayé dans les médias est le fait que le personnel des stations-service se soit mis à tutoyer tous ses clients. Le second est attribué au professeur Bror Rexed, un neuroscientifique qui, nouvellement nommé directeur à la Direction nationale de la santé et des affaires sociales (Socialstyrelsen), a déclaré, en 1967, dans son discours de prise de poste, qu’il tutoierait et appellerait par leur prénom ses collaborateurs et collaboratrices, et toustes les membres du Socialstyrelsen, et qu’il encouragerait le personnel de l’agence à faire de même avec lui et entre eux/elles (Hadenius 2017) [8]. De même, en 1969, lors d’une interview en direct, Olof Palme, nouvellement nommé Premier ministre, autorisa les journalistes à le tutoyer. Outre ces évènements médiatiques, les journaux tels Dagens nyheter, adoptèrent rapidement le tutoiement dans leurs entretiens. Une conjonction d’initiatives à la fin des années 1960 a donc renforcé l’adhésion de la population suédoise au tutoiement.
17Le contexte politique, et notamment l’ancrage de la social-démocratie dans la politique suédoise depuis 1932, a indubitablement joué un rôle dans cette évolution [9] puisque la social-démocratie défendait des valeurs de justice sociale et de solidarité et prônait l’égalité entre les citoyen·ne.s. De plus, les leaders des années 1960 et début des années 1970 (notamment les Premiers ministres Erlander et Palme mais également les cadres et membres du parti) ont adhéré à la Du reformen. Le tutoiement généralisé se diffuse alors si rapidement à la fin des années 1960, qu’à partir des années 1970 plus personne n’emploie « vous » ni un titre pour s’adresser à quelqu’un·e (à l’exception du Roi) [10].
18Le vouvoiement en Suède renvoie donc à une histoire de classes sociales et exprime des tensions sociales et des inégalités de classe. Cette réforme du tutoiement a contribué à effacer des discours une stratification sociale archaïque dans une société où le credo était et reste l’égalité de toustes les citoyen·ne·s. Dans un article qui a fait date, Robert Brown et Albert Gilman (1960) ont analysé à partir d’une enquête par questionnaire l’usage du pronom d’adresse « tu » dans cinq langues. Leur étude les a conduits à distinguer deux types d’usage du pronom d’adresse liés à deux types de sémantique : une sémantique de pouvoir caractérisée par un usage asymétrique du pronom et une sémantique de solidarité caractérisée par un usage symétrique du pronom. Selon ces auteurs, dans un contexte démocratique, il serait possible de passer de la sémantique de pouvoir à une sémantique de solidarité. Ils avancent également l’idée que le choix du pronom peut être lié à l’idéologie et aux opinions politiques des locutrices ou locuteurs. Comme le souligne Christina Bratt Paulston (1975), la Suède illustre parfaitement les théories de Brown et Gilman. Ce pays fait véritablement figure de laboratoire social et les valeurs égalitaires de la social-démocratie semblent avoir infléchi les normes linguistiques et leurs usages sociaux.
19Cette expérience réussie démontre indubitablement que de tels changements sont possibles. Elle interroge également sur les conditions d’une telle réussite. En effet, si la Suède fait figure de laboratoire social, si les valeurs égalitaires de la social-démocratie semblent avoir infléchi les normes linguistiques et leurs usages sociaux, pourquoi les critiques de la domination de genre portées par les linguistes n’ont-elles pas été entendues, alors qu’elles ont été formulées à quelques années d’intervalle dans le même contexte politique ?
Le renouveau de la langue suédoise et les revendications pour la reconnaissance de hen
20Au tournant des années 2000, de nombreux articles académiques, notamment publiés dans la revue språkvård [11] mais également dans les médias, interpellent la société suédoise ainsi que les femmes et hommes politiques sur la nécessité de réfléchir à l’avenir de la langue suédoise qui tendrait à être menacée par la position de plus en plus hégémonique de l’anglais [12]. Les inquiétudes et interrogations sont nombreuses : par exemple, les linguistes Ulf Teleman et Margareta Westman questionnent la nécessité d’avoir une politique linguistique nationale (1997) et la journaliste Kerstin Vinterhed pose la question en 2002, dans le quotidien Dagens Nyheter : « Est-ce que notre petite langue périphérique va véritablement survivre ? » (Vinterhed 2002 ; notre traduction). Ce débat prenant de l’ampleur, le gouvernement social-démocrate réunit, dès 2000, un comité parlementaire ayant pour mission de rédiger un rapport, SOU [13], afin de faire une proposition pour promouvoir la langue suédoise et pour favoriser l’accès du suédois à toustes, quelle que soit l’origine sociale ou la langue maternelle des personnes (SOU 2002, p. 27). Le comité présente ses résultats en 2002 avec la publication du rapport Mål i mun.
21Ce rapport établit légalement la position du suédois en Suède [14]. Il propose un programme d’action pour la promotion de la langue suédoise afin d’en assurer la vitalité. La question du genre est brièvement abordée – quelques paragraphes dans un rapport de presque 750 pages. Même si le genre n’est pas le cœur des préoccupations de ce rapport et des débats parlementaires qui ont suivi sa présentation, ce travail encourage à développer toutes les recherches étudiant les usages de la langue, notamment à l’école, dans une perspective de genre. Il a ainsi non seulement suscité un nouvel intérêt pour la langue suédoise mais également contribué à promouvoir les travaux portant sur les thématiques genre, égalité, école et langue.
22Bien que l’histoire du pronom hen ne soit pas récente, bien que ce dernier soit régulièrement présenté par les linguistes comme un pronom neutre et un terme inclusif dès les années 1960, ce n’est néanmoins qu’à partir des années 2000 qu’il a réellement commencé à être employé. Ce nouvel intérêt pour hen coïncide indubitablement avec les réformes dans la politique linguistique suédoise et la volonté exprimée dans le SOU de 2002 que la langue soit accessible à toustes. Cependant, il ne faut pas occulter les premières réflexions et actions des milieux féministes dans ce domaine.
La question linguistique dans les milieux féministes des années 1970-1980
23Dans sa thèse de doctorat défendue en 2015 sur les changements du langage féministe en Suède depuis les années 1960, Daniel Wojahn soutient l’idée que la diffusion du mot hen est le résultat de la mobilisation des milieux féministes militants ainsi que des militant·e·s lgbt (Wojahn 2015). Dès les années 1970, et de façon plus récurrente dans les années 1980, les féministes ont critiqué les contraintes de la langue : elles ont non seulement dénoncé les usages linguistiques qui contribuent à rendre les femmes invisibles et prennent la masculinité comme norme linguistique et sociale, mais aussi souligné le sexisme linguistique. Par exemple, les mouvements féministes, mais également des groupements d’hommes [15] travaillant dans des emplois jugés féminins – notamment les infirmiers (en suédois il n’existait pas d’équivalent masculin à « infirmière ») – ont œuvré pour faire évoluer les dénomi-nations des professions. Pour remédier au sexisme linguistique et à la prééminence des tournures linguistiques masculines à prétention universelle qui exhaussent le masculin et marginalisent le féminin, les premières revendications et les premières actions ont visé à féminiser la langue plus qu’à trouver des formules neutralisantes. En effet, les tournures neutres n’étaient pas jugées satisfaisantes puisqu’elles étaient souvent, dans les faits, masculines.
24Puis, dans les années 1990, les féministes condamnent le fait que, dans la langue suédoise, les multiples dénominations de l’organe génital féminin ont des connotations sexuelles, pornographiques ou érotiques alors qu’il existe un terme neutre snopp (« pénis »), terme du langage commun pour désigner l’organe génital masculin. Contrairement à l’anatomie masculine, l’anatomie féminine ne pouvait pas être nommée sans être sexualisée. Les féministes ont donc souhaité introduire un terme non scientifique (relevant du langage commun pour être usité par les adultes mais également les enfants) pour nommer l’organe génital féminin de façon anatomique et sans connotation sexuelle. Un débat public s’est alors ouvert pour déterminer quel serait le terme neutre le plus approprié. Cette réflexion menée dans les médias (journaux et magazines) et soutenue par l’Association suédoise pour l’éducation sexuelle (RFSU) s’est conclue par la création d’un nouveau nom snippa (Milles 2011). Certes, dès les années 1970, des féministes avaient dénoncé le fait que la sexualité féminine était invisible dans une société patriarcale ou sexiste, mais la terminologie se rapportant aux organes génitaux féminins ou à la sexualité féminine n’a été véritablement critiquée que bien plus tard. Si les milieux féministes avaient pleinement conscience des effets néfastes du langage, leurs actions se focalisaient alors prioritairement sur la quête des droits essentiels à l’égalité des sexes.
25Dans une interview avec les chercheuses Lind Palicki et Karen Milles, Ebba Witt-Brattström (2015), professeure de littérature comparée et féministe reconnue [16], interrogée sur les actions menées au sein de l’association féministe Grupp 8, a déclaré qu’elle ne se souvient d’aucune réunion ou manifestation consacrée à des questions de linguistique (Lind Palicki et Miles 2015, p. 151). Cependant les membres du Grupp 8, voulant résister aux structures patriarcales portées par la langue suédoise et rendre les femmes plus visibles, ont privilégié, dès les années 1970, l’emploi des locutions han/hon [il/elle] ou han eller hon [il ou elle] au lieu du pronom générique han. De même, le journal de ce groupe recommande d’utiliser systématiquement des prénoms féminins pour épeler un mot [17] (Lind Palicki et Miles 2015). Les questions linguistiques ne sont donc pas absentes des réflexions du Grupp 8, mais ne constituent pas le cœur de leur lutte pour l’égalité des sexes.
26De façon générale, les revendications féministes pointant l’asymétrie de la langue suédoise et ses inconsistances ont reçu peu d’écho avant les années 2000. Antje Hornscheidt, dans le chapitre consacré à la langue suédoise de la fameuse anthologie Gender Across Languages: The linguistic representation of women and men publiée en 2003, s’étonne de ce manque d’intérêt pour ces questions et s’interroge sur les raisons de ce qu’elle appelle « la stagnation des débats relatifs aux changements en faveur d’un langage féministe » (Hornscheidt 2003, p. 362). Elle émet l’hypothèse selon laquelle puisque la Suède est l’un des pays ou l’égalité des sexes est la plus avancée notamment sur le marché du travail, une moins grande attention serait portée aux problèmes de discriminations que subissent les femmes. Compte tenu de l’évolution de la langue suédoise depuis les années 2000, une autre hypothèse peut être proposée. Le changement dans le sens de l’égalité des sexes a été possible du fait de la considérable demande de main-d’œuvre, principalement due à l’expansion du secteur public et par la mise en œuvre systématique de réformes dans le domaine de la politique économique, sociale et familiale. Le débat public a été fortement monopolisé par les nombreuses réformes à adopter en vue de l’élaboration de ce grand chantier. Les féministes suédoises, les syndicalistes, les femmes et hommes politiques, les journalistes ont alors concentré toute leur attention sur celui-ci, en en faisant une priorité nationale. Les réflexions autour des problèmes liés aux usages de la langue étaient certes bien présentes – comme l’atteste l’utilisation de la double flexion par le Grupp 8 – mais elles passèrent au second plan.
27Au tournant des années 2000, le débat autour du futur de la langue suédoise va redonner une certaine visibilité à ces enjeux et le développement des recherches sur les thématiques de genre, école, égalité et langage va contribuer à souligner la persistance de règles linguistiques invisibilisant les femmes, ainsi que des différences d’attitude selon le sexe dans les discours et le langage.
De nouveaux cercles militants s’approprient le pronom hen
28À partir des années 2000, dans un contexte où la communauté lgbt gagne en visibilité dans la société suédoise [18], les milieux transgenres s’approprient hen et le pronom fait alors véritablement son apparition. Les personnes transgenres mais aussi plus largement les milieux homosexuels et bisexuels ne souhaitant plus être identifiés par hon ou han [elle ou il] se revendiquent comme des hen et demandent qu’on les désigne comme tel·le. Ce mouvement se répand progressivement sur les forums militants, les blogs et les plateformes sociales où, comme l’indique Wojhan (2015), les internautes interviennent anonymement – via l’utilisation de pseudonymes. Parallè-lement, le milieu féministe militant commence à utiliser hen dans ses écrits pour inclure et représenter non seulement les deux sexes mais également les personnes qui ne rentrent pas dans la classification binaire homme/femme.
29Le mouvement queer féministe a ainsi joué un rôle majeur en dénonçant, puis en mettant à l’épreuve les stéréotypes de genre, et en défendant l’idée que le genre et la sexualité sont des constructions sociales. Très tôt, ce mouvement a compris les diverses ressources que le langage pouvait offrir dans la lutte contre les normes hétérosexuelles et les restes de la société patriarcale traditionnelle. En effet, si le langage peut façonner la compréhension du monde social, il peut aussi être un vecteur de changements des perceptions sociales. En 2007, le magazine suédois queer féministe Ful [19] décide d’employer dans ses colonnes uniquement le pronom hen (Milles 2013, p. 119) et ainsi de remplacer systématiquement les pronoms « elle » et « il ». Dans son manifeste queer féministe de 2007, ce magazine déclare : « Ful ne croit pas au modèle binaire des sexes. Nous ne voulons pas du modèle binaire des sexes. Nous voulons quelque chose en plus » [20] (Ängsal 2015, p. 191).
30En dehors de ces cercles, l’emploi de hen est souvent associé à une volonté de gommer les différences genrées. La diffusion du pronom dans le grand public doit beaucoup à la publication, en 2012, du livre pour enfants Kivi och Monsterhund [Kivi et le chien monstre] de Jesper Lundqvist (Lundqvist et Johansson 2012). Dans ce livre, Jesper Lundqvist utilise systématiquement le pronom hen, pour ne pas révéler le sexe de l’enfant – Kivi – personnage principal. Kivi est un prénom inventé et neutre, sans connotation féminine ou masculine. De plus, Bettina Johansson, qui a réalisé les illustrations, a fait en sorte que son apparence ne laisse pas deviner son sexe : le personnage est androgyne. Toustes les autres protagonistes, qui sont les membres de la famille de Kivi, sont également « neutres », non seulement par le choix des prénoms qui leur sont attribués mais aussi par le fait que tous les mots se référant à des relations genrées sont changés. Par exemple, à la place de mamans et papas, l’auteur utilise les termes mappor et pammor – ce qui pourrait être traduit comme « pamans » et « mapas ».
31Dans la culture enfantine suédoise, depuis plusieurs décennies déjà, les stéréotypes de sexe sont combattus et les auteurs et autrices ont proposé des personnages de filles intrépides et aventurières – ce qui est finalement devenu une sorte de contre-stéréotype. L’auteur du livre Kivi och Monsterhund explique qu’il a simplement voulu écrire l’histoire d’un enfant, auquel filles et garçons pourraient s’identifier, et que c’est pour cette raison qu’il a choisi d’utiliser hen. Toutefois, ce livre est un acte militant de la maison d’édition Olika förlag [Différences édition] afin de toucher les enfants, mais plus largement leurs familles, et de les sensibiliser aux stéréotypes de genre. Dès 2007, cette maison d’édition a annoncé vouloir publier des livres pour les enfants de 0 à 12 ans visant à questionner et contester les rôles traditionnellement affectés aux femmes et aux hommes, la conception traditionnelle des familles et la sexualité. De plus, lors de la sortie de l’album Kivi och Monsterhund, en 2012, la maison d’édition Olika förlag a lancé un débat, en collaboration avec Karin Milles, une universitaire reconnue, spécialiste des langues nordiques qui plaide pour la reconnaissance du pronom hen. Ce débat en s’amplifiant va devenir un véritable débat social, au point que les linguistes appelleront de façon informelle l’année 2012 l’année hen (Ledin and Lyngfelt 2013, p.141-144 ; Milles 2013, p. 107-108).
Au cœur du débat : résistances et adhésions à l’usage du pronom hen
32La diffusion plus large du pronom hen à partir des années 2000 ne va pas sans susciter un certain nombre d’oppositions. Le linguiste Mikael Parkvall entre dans le débat déclenché suite à la parution de Kivi och Monsterhund en publiant un article dans les pages culture du quotidien Svenska Dagbladet (Parkvall 2012). Selon lui, plusieurs langues n’ont pas de distinction entre pronoms féminin et masculin, néanmoins les inégalités entre hommes et femmes sont tout de même bien présentes dans ces pays. L’existence ou non d’un pronom neutre ne change pas les manières de penser et n’aura donc, selon lui, aucune incidence, car on ne fait pas advenir l’égalité en utilisant un pronom neutre.
33Dans une interview au magazine Vice, le célèbre écrivain Jan Guillou déclare que les partisan·e s de hen sont des militant·e·s féministes qui souhaitent détruire le suédois (Ederyd 2012). La majorité des détracteurs et détractrices viennent néanmoins des groupes antiféministes actifs sur les forums internet, qui dénoncent un « féminisme d’État » et des groupes d’extrême droite [21]. Le débat a été relayé dans les médias internationaux et a ainsi connu une audience internationale. Les articles publiés en France [22] ont tous la même source, à savoir un article de l’Agence France Presse (AFP) ; ils avancent donc souvent les mêmes arguments. On trouve notamment l’idée d’un troisième sexe, hen, tendant à s’imposer entre le « il » et le « elle ». La référence à la publication de l’ouvrage pour enfants Kivi och Monsterhund, qui marque le début des débats et les propos de la linguiste Karin Milles, sont également largement repris.
34Parmi les voix qui se sont élevées dans les médias pour dénoncer l’usage de hen, celle d’Elise Claeson [23] a été écoutée lors du débat organisé par le quotidien Svenska Dagbladet, à l’occasion de la journée internationale des femmes de 2012, entre elle et Nanna Salemark, membre de la maison d’édition où l’emblématique livre Kivi och Monsterhund a été publié (Svenska Dagbladet 2012). Selon Elise Claeson, l’emploi de hen peut s’avérer délétère en particulier pour les jeunes enfants. En effet, l’idée d’un « entre-deux » pourrait les troubler dans leur découverte du genre et de la sexualité car les enfants seraient naturellement enclin·e s au conservatisme.
À la question « Pourquoi crois-tu que de nombreuses personnes sont choquées par ce mot ? », elle déclare que « Les idéologues du genre attaquent nos enfants à la crèche et à l’école. La plupart des personnes veulent que les enfants puissent grandir suivant les cadres donnés par la nature, c’est-à-dire que les garçons puissent être garçons et jouer avec des voitures s’ils le veulent. Intuitivement nous devinons que les enfants ne peuvent pas choisir leur genre, ils sont nés avec un sexe et le comportement qui vient avec […] L’arrogance et l’attitude de donneurs de leçons des pédagogues du genre exaspèrent ». [24]
36Il est certain que ce débat est exacerbé par la publicité faite autour du programme pédagogique de déconstruction du genre d’une crèche nommée Egalia. Depuis 1998, l’accueil préscolaire a son propre programme pédagogique et il est placé sous la responsabilité du ministère de l’Éducation. Sa mission est de combattre « activement » les stéréotypes de genre, de promouvoir l’égalité et de laisser les enfants se forger librement leur propre identité. Du fait que les enfants suédois·e s sont en crèche jusqu’à l’âge de cinq ans [25], l’accueil préscolaire a, depuis plusieurs décennies déjà, pour mission d’œuvrer en faveur de l’égalité des sexes. Les crèches sont des institutions qui peuvent transmettre des normes et des valeurs relatives aux rôles de genre à l’immense majorité des enfants suédois·e s. Sachant qu’environ 85 % des enfants âgé·e s d’1 à 5 ans ont une place en crèche, et que c’est le cas de 96 % des enfants âgé·e s de 4 à 5 ans [26], cette institution est un bon laboratoire social. C’est dans ce contexte qu’en 2010, une nouvelle crèche, Egalia, a ouvert ses portes à Stockholm. Cette institution s’est lancée dans une expérience inédite en matière de pédagogie de genre. La méthode appliquée repose sur une vision de l’égalité des sexes qui se retrouve dans l’ensemble des activités. Les adultes, en parlant avec les enfants, utilisent leurs prénoms ou des termes comme Kompis (ami·e [27] qui désigne un garçon ou une fille), mais évitent systématiquement les expressions telles que « les filles », ou « les garçons » ! Les pronoms personnels han (il) ou hon (elle) ne sont pas proscrits, mais ils sont employés en alternance avec le pronom neutre hen.
« Nous traitons les enfants comme des individus plutôt qu’en fonction de leur sexe », explique Lotta Rajalin, la directrice d’Egalia. Elle ajoute : « Nous n’avons pas l’intention de supprimer le sexe biologique. C’est sur le sexe “social” que porte notre travail » [28].
38Dans les chansons, les comptines et certains livres anciens comportant des représentations stéréotypées des hommes et des femmes, le personnel remplace « il » par le pronom neutre hen. Une attention particulière est accordée au choix des livres pour enfants. L’un des livres, très en vogue à cette époque dans les crèches où l’on travaille activement pour supprimer les discriminations de genre, raconte l’histoire de deux girafes mâles mariés, Jösta et Johan, qui ne peuvent pas avoir d’enfant, mais qui voudraient fonder une famille, et qui finissent par adopter un bébé rhinocéros (Skåhlberg et Vintrafors 2010). Avec la publication de l’album Kivi och Monsterhund et la publicité faite autour de la crèche Egalia, le débat prend alors un nouveau tournant et questionne la culture enfantine suédoise et la pédagogie de genre auprès des tout-petit·es. Pour certain·es, la question se pose désormais en ces termes : peut-on neutraliser le genre pour atteindre l’égalité des filles et des garçons ? D’autres, détracteurs et détractrices mais également militant·e·s féministes préférant renforcer la féminisation de la langue suédoise, se demandent : est-il pertinent de neutraliser le genre ?
39Progressivement, de nombreux magazines, sites, blogs, forums de discussion commencent à employer hen. Dans leur article publié en 2013, Per Ledin et Benjamin Lyngfelt proposent, outre un compte précis des occurrences du pronom hen, une analyse de ces différents emplois (Ledin et Lyngfelt, 2013). Ils soulignent qu’en 2012, hen ne faisait pas partie du vocabulaire commun des Suédois·es. Il était en quelque sorte plus discuté et analysé qu’employé dans le langage courant. Cependant, certains blogs, intéressés par les questions de genre et des essais universitaires, se sont approprié ce pronom. En 2012, le guide des sorties culturelles (Nöjesguiden : le pariscope suédois) a supprimé tous les pronoms sexués pour utiliser hen. En avril de cette même année, un logiciel (plugin), nommé « hénérator », a proposé de remplacer systémati-quement tous les pronoms masculins et féminins par hen. En 2013, le parti Vert (Miljöpartiet) a écrit son programme politique en utilisant le pronom hen. Anders Wallner, secrétaire général du parti, a déclaré à ce sujet dans un article publié par SVT Nyheter :
C’est un langage moderne qui est aussi plus facile que d’avoir à utiliser tout le temps « il » ou « elle ». En 2005, il y a eu une motion au sein du parti [des Vert·es] qui recommanda l’usage d’une langue neutre, mais à cette époque ce type d’écriture avait été vu comme problématique pour la compréhension du lectorat, mais maintenant nous estimons que cette réforme a percé si facilement que c’est désormais possible. [29]
41Si durant les débats de 2012, le rédacteur en chef du dictionnaire de l’Académie suédoise [30] (Svenska akademins ordilta : SAOL), interrogé dans différents médias, est réservé quant à la possibilité d’inclure le pronom hen dans le dictionnaire, ce dernier finit pourtant par y être introduit en 2015. Comme le dictionnaire ne paraît que tous les six ans, les membres de l’académie ont débattu du sujet pendant plusieurs années : ils craignaient que l’usage de hen ne soit qu’un effet de mode. Le dictionnaire reconnaît alors deux sens au pronom hen : il peut être utilisé dans les situations où le genre est indéterminé ou lorsque l’on fait référence à un « troisième genre ».
42⸫
43En l’espace d’un demi-siècle, la Suède a connu deux changements linguistiques majeurs : la réforme du tutoiement qui s’est traduite, pour un temps, par la quasi-disparition du pronom d’adresse ni [vous], puis la diffusion dans les années 2000-2010 du pronom hen. Il est remarquable que l’adhésion du public aux nouveaux pronoms ne se réalise que lorsque les changements sont introduits en lien avec des revendications égalitaristes. De fait, les changements linguistiques remportent une plus large adhésion lorsqu’ils sont inscrits dans une perspective politique notamment portée par des militant·es. À la fin des années 1960, le tutoiement visait à établir une société plus égalitaire en abolissant dans le langage les marques distinctives de classe sociale [31]. Dans les années 2000, la redécouverte du pronom hen a pour objet de pouvoir non seulement identifier les personnes revendiquant une identité transgenre ou celles ne se reconnaissant pas dans la catégorie binaire femme/homme, mais également de neutraliser dans le discours toute référence au genre afin de faire disparaître les discriminations induites dans la langue – à défaut de rendre le féminin plus visible dans le langage. Ces deux expériences sont le fruit d’actions politiques volontaristes, symboles des idées égalitaristes de la social-démocratie dans les années 1960 ou des mouvements féministes et lgbt dans les années 2000.
44Toutefois, même si l’emploi du pronom s’est largement diffusé, les usages de hen sont encore largement discutés [32]. De plus, son usage reste circonscrit à certains groupes sociaux, notamment une population jeune, éduquée et citadine (Bäck 2018). On note aujourd’hui plusieurs usages différents du pronom hen, que nous pouvons distinguer selon la typologie suivante :
- Hen transgenre : désigne une personne qui ne se reconnaît ni comme un homme ni comme une femme.
- Hen générique : promu par les linguistes, qui ne désigne pas une personne spécifique.
- Hen anonymisant : désigne une personne spécifique, dont on ne souhaite pas révéler le sexe. Cet usage du pronom neutre est fréquent sur les réseaux sociaux, où l’on décrit parfois des situations personnelles, mais où l’on ne souhaite pas que les personnes mentionnées (des collègues, le ou la chef·fe…) puissent se reconnaître, ou être reconnues.
46Finalement, le Hen neutralisant : on peut utiliser hen pour désigner une personne, notamment un·e enfant, soit parce qu’on ne connaît pas le sexe de l’enfant, soit parce que cette information n’est pas jugée pertinente, nécessaire, utile…
47Que ce soit le hen transgenre, le hen générique ou le hen anonymisant, aujourd’hui l’utilisation de ce pronom est acceptée dans de nombreux contextes. En revanche, le hen neutralisant, c’est-à-dire la désignation d’une personne, notamment un·e enfant, reste très sensible [33]. Pour les locuteurs et locutrices qui utilisent le hen neutralisant, la reconnaissance de ce pronom va souvent bien au-delà de l’égalité entre les femmes et les hommes ou de la reconnaissance d’un troisième sexe. Elle défie les structures et les catégorisations qui limitent le choix des individus. En effet, ces personnes utilisent hen afin de déconstruire la catégorie sexe, en acceptant certes un troisième sexe, mais surtout en rendant cette catégorisation non pertinente, voire obsolète. Le but est donc de s’extraire de toute classification genrée – alors que le hen transgenre aurait plutôt tendance à créer une troisième catégorie – afin de refuser les catégorisations en fonction du sexe biologique et de laisser aux individus le droit de choisir librement leur genre.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : Égalité, langue suédoise, hen, Suède
Date de mise en ligne : 25/01/2021.
https://doi.org/10.3917/cdge.069.0205Notes
-
[1]
Hen est un pronom neutre qui désigne la troisième personne du singulier. C’est un terme inclusif.
-
[2]
Den se rapporte à un nom masculin et det à un nom neutre.
-
[3]
« För könens likställighet ter det sig väsentligt att vi – som nu ofta sker - går över till könlösa yrkesbenämningar, […]. Finskan äger i hän 'han/hon' ett könlöst personligt pronomen, medan vi i svenskan måste ange kön v a r j e gång vi onmämner en människa med tredje personens pronomen. Detta är opraktiskt och kan någon gång kännas stötande. »
-
[4]
Peuple autochtone vivant au nord de la Scandinavie, en Finlande ainsi qu’en Russie. Longtemps discriminés, le terme pour désigner les Sames était Lappar, Lapons en Français. Or ce terme est très péjoratif.
-
[5]
Molde était un universitaire, spécialiste des langues nordiques (il a commencé sa carrière à l’université de Arhus au Danemark, puis l’a poursuivie à l’université de Lund et l’a terminée à celle de Stockholm). Il a fait partie du Comité pour l’entretien de la langue suédoise (Nämnden för svensk språkvård).
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[6]
Lag 5 juni 1973 om ogifta sammanboendes gemensamma bostad ou communément appelée sambolagen.
-
[7]
Le vouvoiement était alors synonyme de dédain, de mépris car uniquement utilisé par les classes dirigeantes envers les classes populaires.
-
[8]
Bror Rexed était proche du Premier ministre social-démocrate Tage Erlander.
-
[9]
Pour une discussion réflexive sur ce sujet, voir Paulston Christine Bratt, 1975.
-
[10]
Lire l’étude de Nowak et Andrén 1982 qui illustre notamment la diffusion du tutoiement de 1950 à 1975 dans la presse populaire.
-
[11]
Språkvård, 1999 n° 3 ; 2001, n° 4 ; 2002, n° 2 ; 2002, n° 3 ; 2003, n° 1 ; 2003, n° 3.
-
[12]
Au moment de l’après-guerre, l’apprentissage de l’anglais est devenu obligatoire (SOU 1948 : 27). Cet apprentissage linguistique était perçu comme une opportunité pour la majorité des Suédois·es d’ouvrir une fenêtre sur le monde. Il répondait également à l’objectif d’égalité des chances (Cabau 2013), valeur clef au cœur de la social-démocratie. Depuis plusieurs générations, les Suédois·es ont donc appris l’anglais dès leur plus jeune âge.
-
[13]
Statens Offentliga Utrdningar ou SOU – les SOU sont des rapports d’enquête publique généralement réalisés pour éclairer le gouvernement et les parlementaires sur une question avant de préparer un projet de loi.
-
[14]
Jusqu’en 2009, le suédois n’était pas la langue officielle mais il avait le statut de langue principale de Suède. En revanche, il est reconnu langue officielle en Finlande et dans l’Union européenne. En 2005, une proposition de loi visant à changer le statut du suédois en langue officielle est présentée au Riksdag (Parlement suédois). Elle est rejetée : la principale réserve avancée notamment par les parlementaires sociaux-démocrates tient au fait qu’établir un tel statut serait discriminatoire envers celles et ceux dont la langue maternelle n’est pas le suédois (Cabau 2013). La situation évolue en 2009. Suite à la publication des résultats d’un comité d’expert·es (SOU 2008, p. 26) en mars 2008, une nouvelle proposition de loi est présentée au Riksdag (Regeringens proposition 2008/09, p. 153) et est adoptée. Le suédois devient donc langue officielle de Suède le 1er juin 2009. Les années 2000 marquent véritablement un tournant dans la politique linguistique suédoise.
-
[15]
Ces groupements d’hommes jugeaient que leur statut et leur profession étaient dévalorisés du fait de la dénomination féminine de leur profession. Un nouveau terme a ainsi été introduit pour rendre visible les infirmiers : sjukskötare.
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[16]
Dans les années 1970, elle a été membre de l’organisation féministe Grupp 8 et elle est l’une des membres fondatrices du parti féministe Feministisk Initiativ [Initiative féministe] créé en 2005.
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[17]
Selon les usages, lorsque l’on épelle un mot en suédois, on fait exclusivement référence à un prénom masculin pour identifier sans ambiguïté une lettre. Ainsi, par exemple, pour épeler hen : H, comme Henning, E, comme Emmanuel et N, comme Nathan.
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[18]
La norme de l’égalité citoyenne, substantifique moelle de l’Etat-providence suédois, a été le vecteur central pour accorder de nouveaux droits aux femmes dans les années 1960-1970. Cette politique universaliste, qui vise à assurer d’égales opportunités à tous et toutes, a également été la clef pour combattre les discriminations envers les homosexuel·les dans les années 1980. Considérant que l’homosexualité est un comportement privé ne devant pas affecter l’égalité de traitement des citoyen.e.s, le législateur suédois reconnaît qu’elle ne doit pas obvier aux droits des individus à bénéficier des mêmes droits (Digoix 2008, Digoix et Le Bouteillec 2012). Pour veiller à ce que ces droits ne soient pas bafoués et pour lutter contre les discriminations de genre, le législateur suédois a non seulement adopté en 2009 une loi bannissant toutes discriminations portant sur l’identité de genre et l’expression de genre mais a aussi créé un nouvel « ombudsman » : l’ombudsman en charge de l’égalité et contre les discriminations, qu’il s’agisse des discriminations de sexe, d’identité de genre et d’expression de genre, de religion, d’origine ethnique, d’âge, etc. Ainsi, la communauté lgbt a acquis une meilleure visibilité dans la société suédoise, ce qui a donné un nouveau souffle aux questions de genre.
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[19]
http://tidskrift.nu/tidskrift/Ful (consulté le 26/11/2020)
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[20]
« Ful tror bara inte på tvåkönsmodellen. Vi vill inte tvåkönsmodellen. Vi vill nåt mer »
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Selon Karin Milles (2013), les prises de position des mouvements d’extrême droite contre l’utilisation du pronom hen ont contribué à populariser l’usage de hen parmi les groupes qui ne veulent absolument pas être associés à ce mouvement.
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[22]
De nombreux articles dans la presse française ont rapporté le débat suédois en 2012. Courrier International a publié quatre articles : « Un héros ni garçon, ni fille » dans la rubrique Insolite du n° 1112, de février 2012 ; « L’égalité des sexes dès le plus jeune âge », n°1113, de février 2012 (article tiré du journal Dagens Nyheter) ; « Enfin des moteurs de recherche asexués », dans la rubrique Insolite du n°1118, d’avril 2012 ; « Ils ne disent ni “il” ni “elle” » dans le supplément n°1134, de juillet 2012 (article tiré du journal Dagens Nyheter). Le Monde publie un article en mars 2012, signé par Olivier Truc, « Des Suédois militent pour la crèche sans sexe : Faut-il ignorer le “hen” ? La décision d'une crèche, à Stockholm, de recourir à un pronom neutre pour désigner les enfants provoque une levée de boucliers. ». Puis, suite à un communiqué de presse début octobre, un nombre important de magazines, de sites internet regardent de nouveau du côté de la Suède. Le magazine Elle publie par exemple « Suède : un pronom neutre pour désigner le troisième sexe » alors que Le Point affirme « En Suède, le troisième siècle a son pronom » (source AFP). Outre ces médias, de nombreux sites internet s’en font l’écho. Mises à part quelques exceptions, la plupart de ces sites ne se hasarde pas à des commentaires. Les médias français ont à nouveau publié des articles en 2015 commentant l’entrée de hen dans le dictionnaire suédois.
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[23]
Elise Claeson est chroniqueuse. Ancienne responsable des questions d’égalité au sein de la Confédération suédoises des associations professionnelles, elle est également auteure d’un ouvrage dénonçant le peu de considération des femmes au foyer en Suède.
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[24]
« Varför tror du att ordet upprört så många? » Réponse « Jag tror att många blev upprörda över att genuspedagoger ger sig på våra barn på dagis och i skolan. De flesta vill att barn ska få utvecklas enligt de ramar som naturen ger dvs pojkar ska få vara pojkar och leka med bilar om de vill. Intuitivt anar vi att barnen inte kan välja sin könsroll, de är födda med sitt kön och det beteende som följer av det. [...] Genuspedagogernas översitteri och besserwisserattityd retar. »
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[25]
Dans ce pays, l’école ne commence qu’à l’âge de 6 ans.
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[26]
Statistiques disponibles sur le site de Skolverket [Direction nationale des établissements scolaires] : www.skolverket.se/skolutveckling/statistik/sok-statistik-om-forskola-skola-och-vuxenutbildning?sok=SokC&verkform=F%C3%B6rskola&omrade=Barn%20och%20grupper&lasar=2019&run=1 (consulté le 26/11/2020)
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[27]
Il n’existe pas d’équivalent neutre dans la langue française.
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[28]
Les propos rapportés ici, ainsi que les faits rapportés, sont tirés d’interviews réalisées auprès du personnel d’Egalia et d’une semaine d’observations au sein de cette crèche.
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[29]
« Det är ett modernt språk som också är enklare än att hela tiden använda han eller hon. 2005 fanns det yrkande inom partiet att använda ett könsneutralt språk, men då ansågs det vara ett hinder för läsförståelsen, men nu känner vi att det är en reform som slagit igenom så lätt så att det är fullt möjligt. » Article publié par SVT Nyheter, intitulé « MP väljer ”hen” i nytt partiprogram » [MP [le parti des verts] a choisi “hen” dans son nouveau programme], le 24 septembre 2012.
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[30]
L’Académie suédoise est le pendant de l’Académie française. C’est, en outre, cette institution qui désigne le récipiendaire du prix Nobel de littérature.
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[31]
Il faut bien noter que les tentatives antérieures d’imposer le pronom ni ont échoué.
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[32]
La majorité des répondants à cette étude de 2018 avait une opinion négative vis-à-vis du pronom hen. Voici les principaux arguments mis en avant : 1) hen n’a aucune fonction, car il y a deux sexes ; 2) Il y a d’autres termes neutres, hen n’est pas nécessaire ; 3) Il est ridicule d’utiliser hen ; 4) Seul.e.s les féministes extrémistes utilisent le terme hen (Bäck et al. 2018).
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[33]
La nécessité de se construire en fonction de son sexe et donc d’avoir une identité sexuée clairement établie dès le plus jeune âge est généralement mise en avant pour s’opposer à cet usage.