Notes
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[1]
Les termes d’ « homme-bus » et de « modèle entrepreneurial » n’ont pas d’existence juridique, les textes de loi se référant à l’octroi des concessions à une personne physique ou à une personne morale. « Homme-bus » est cependant le terme communément utilisé à Mexico pour désigner l’activité telle qu’organisée jusqu’ici, tandis que « modèle entrepreneurial » est la manière dont ses promoteurs, au sein du gouvernement et des nouvelles entreprises, qualifient le nouveau fonctionnement.
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[2]
Bien que les concessionnaires et les employés soient liés par des rapports hiérarchiques, dont nous rendrons compte au fil du texte, le terme générique de transportistas permet de souligner l’unité de ce groupe professionnel, partageant une activité commune (les concessionnaires, même lorsqu’ils emploient des chauffeurs, sont généralement conducteurs eux-mêmes) et un ensemble de pratiques, liées notamment à l’expression de la masculinité.
1Depuis le milieu des années 2000, le gouvernement de la ville de Mexico a entrepris une réorganisation profonde du transport public de bus. Répondant à une double logique de remise en cause des relations corporatistes établies avec les classes populaires et de passage de l’économie informelle à l’économie formelle, cette réorganisation vise officiellement à améliorer la qualité du service par une concentration capitalistique du secteur et un renforcement de la réglementation. Dans le modèle en vigueur depuis le début du XXe siècle, dit de « l’homme-bus », les pouvoirs publics accordent des concessions de transport public à titre individuel à des micro-entrepreneurs, propriétaires d’un ou de plusieurs bus, qu’ils conduisent eux-mêmes, et qui emploient informellement des chauffeurs pour les assister. Ces concessionnaires sont organisés en associations civiles (les rutas), qui renégocient régulièrement avec les pouvoirs publics le fonctionnement du service (Connolly 2018). Dans le second modèle, dénommé « modèle entrepreneurial », l’opération est déléguée à un nombre réduit de grandes entreprises, soumises à des règles fixes et placées sous le contrôle d’un organisme public de régulation [1]. En 2019, 22 entreprises ont déjà été créées et le mouvement est destiné à se poursuivre, comme acté par la Loi de mobilité de Mexico de 2014, pour remplacer à terme les 23 176 concessionnaires individuels restants. Ces derniers doivent alors se retirer ou échanger leurs concessions contre des actions des nouvelles entreprises. S’ils souhaitent poursuivre une activité de conduite, il leur faut désormais postuler comme chauffeurs, au même titre que leurs employés.
2Cet article s’attachera à analyser comment cette transition implique une remise en cause de la masculinité des transportistas, concessionnaires et employés du secteur [2], très majoritairement des hommes de classe populaire, au profit d’une nouvelle forme de masculinité dominante hybride (Demetriou 2001) intégrant certains de ses éléments et en évacuant d’autres pour les besoins des nouvelles entreprises et en accord avec les injonctions gouvernementales. Dans une perspective sociologique s’appuyant sur les apports des études ayant intégré les contributions académiques du féminisme depuis les années 1980, cette analyse considère le masculin comme une dimension de l’ordre de genre, lui-même imbriqué dans d’autres rapports de pouvoir, de classe ou de race. La masculinité renvoie alors, plutôt qu’à un ensemble figé de caractéristiques des individus, à des configurations de pratiques reproduisant une position de pouvoir des hommes sur les femmes mais variables selon les contextes et les milieux sociaux, faisant l’objet d’une hiérarchisation interne et susceptibles d’être transformées (Connell et al. 1985). A cet égard, l’Amérique latine, où les études sur les masculinités ont généralement été initiées par des femmes issues du féminisme, s’inscrit pleinement dans l’essor international de cette perspective de recherche, et a permis d’en enrichir les analyses grâce notamment aux apports des études décoloniales.
3 Dans la lignée de ces travaux, s’intéresser aux transformations des masculinités à Mexico en lien avec les transformations contemporaines du travail qui s’y donnent à voir participe d’une volonté de contribuer à l’analyse de masculinités locales à l’aune de trajectoires historiques globales (Viveros 2018), une approche encore trop peu développée et en particulier en Amérique latine en relation au travail et aux rapports de classes (Arango Gaviria 2002 ; Martini 2002). Or, diverses études sur les classes populaires ont mis en lumière la construction d’identités masculines dans le travail (Schwartz 1990 ; Pigenet 2001 ; Willis 1979 ; Palermo 2015 ; Dos Santos 2000) tandis que des travaux récents sur les organisations ont permis de révéler l’intersection de logiques de genre et de classe à l’œuvre dans les normes, les procédures et la culture organisationnelle (Acker 2006). À la croisée de ces recherches, nous montrerons comment la contractualisation des relations de travail, l’imposition de nouvelles règles et de nouveaux savoirs professionnels et l’introduction de techniques managériales déstabilisent et reconfigurent une masculinité populaire construite dans et par le travail au travers de pratiques renvoyant à l’honneur et à la transmission patrilinéaire, à l’autonomie et à la violence.
4L’analyse s’appuie en premier lieu sur une enquête ethnographique menée depuis 2017 par entretiens et observations auprès des transportistas d’une ruta que nous appellerons ruta X, opérant initialement sur un trajet traversant l’agglomération du Nord au Sud mais réduit de trois quarts après la création sur cette ligne d’une entreprise que nous appellerons entreprise Y. Elle mobilise d’autre part l’étude des nouvelles réglementations et des observations et comptes rendus des formations dispensées aux transportistas par les pouvoirs publics ainsi que par une association, nommée ici Association de Transport, destinée à favoriser le passage au modèle entrepreneurial.
Chefs de famille et hommes d’honneur face à la dépersonnalisation des relations de travail
La fin d’un héritage
On est tous transportistas de père en fils… C’est la fin d’un héritage (entretien – 09.08.2018).
6Comme le souligne ici Uriel, concessionnaire de la ruta X, on est traditionnellement transportista « de père en fils », et ce à tous les niveaux de la hiérarchie. Les concessions et les bus font ainsi l’objet d’une transmission patrilinéaire. Uriel, âgé de 64 ans, commence dès ses 16 ans à conduire le taxi de son père. Au fil des années, il participe à ses côtés à l’investissement jusqu’à l’acquisition de deux bus dont il hérite à son décès, avant d’acheter lui-même son troisième bus. À son tour, il se fait désormais aider par son fils pour la conduite de l’un des véhicules, et emploie des chauffeurs pour les deux autres. Mais devenir chauffeur est également une affaire de famille : ce sont ici les opportunités d’embauche qui font l’objet de la transmission, les parents plus âgés constituant le principal réseau de relations professionnelles de ces travailleurs qui, pour beaucoup, font partie des vagues de migrants issues de l’exode rural vers la capitale à partir des années 1960. Ainsi Pepe, fils de paysans de la côte du Chiapas, à l’extrémité sud du Mexique, arrive à Mexico en 1962, à 25 ans, pour travailler comme chauffeur à l’invitation d’un oncle. Une fois installé et désormais employé par Uriel au sein de la ruta X, il fait venir son cousin Luis, de 16 ans son cadet, puis, des années plus tard, son propre fils José. Leur collègue Adrián, 55 ans, est quant à lui originaire de la campagne de l’État de Tlaxcala, à l’est de Mexico. Il émigre enfant avec son père et, devenu jeune homme, obtient son premier emploi de chauffeur par l’entremise de l’un de ses oncles.
7 Ce processus de transmission, observé dans d’autres secteurs de travailleurs indépendants de classe populaire (Pigenet 2001), apparaît comme un élément constitutif de la masculinité valorisée parmi les transportistas, ce qu’il est nécessaire de rapporter à l’importance particulière et ancienne de la paternité dans la masculinité populaire mexicaine. À la suite des travaux pionniers de Lewis qui, dès les années 1950, relevait le rôle historiquement significatif des hommes dans l’éducation des garçons dans les campagnes mexicaines (Lewis 1963), Gutmann insiste ainsi sur le fait qu’être un père actif est crucial dans le modèle de masculinité des quartiers populaires produits par les migrations dans la ville de Mexico (Gutmann 1996). En attestent les propos d’Adrián qui, parti près d’un an à Tijuana pour tenter de traverser la frontière avec les États-Unis, se rend compte à son retour que ses enfants en bas âge ne le reconnaissent plus : « Non, ça ça a été terrible. Tu ne t’imagines pas, pour un homme, ce que c’est ! » (entretien – 18.08.2018).
8On voit ici les souffrances individuelles nées des injonctions contradictoires de la masculinité populaire dans le contexte particulier de la migration : le père doit être présent auprès de sa famille tandis que l’homme gagne-pain, pourvoyeur des ressources du foyer au vu d’une division sexuelle du travail (Kergoat 2000), doit s’en éloigner. Mais le cas de Pepe montre comment le fonctionnement du secteur des transports peut justement permettre, sur le temps long, de résoudre cette tension:
Je n’ai pas beaucoup vu mon fils quand il était petit… Mais bon après j’ai réussi à lui donner du travail. On est tous les trois là avec Luis, on vit ensemble, on dort ensemble. Je peux les garder à l’œil ! [rires] (entretien – 09.08.2018).
10 En sus de la transmission de l’emploi en lui-même, il est en effet fréquent que les transportistas, résidant en périphérie urbaine, passent la semaine dans leur bus, ce qui crée des conditions de proximité propices à la réalisation d’aspirations paternelles. Tandis que Luciane Dos Santos, qui étudie un milieu professionnel très proche, celui des routiers brésiliens, note que le camion représente une extension virile du corps du travailleur masculin et devient exceptionnellement une extension du foyer lorsque des femmes exercent le métier (Dos Santos, 2000), ces deux représentations coexistent dans le modèle de masculinité des transportistas de la ville de Mexico, qui qualifient volontiers leur véhicule de « maison », y compris en l’absence de femmes.
11 Or le changement vers un modèle entrepreneurial déstabilise cette forme d’accomplissement de la masculinité. Si les propriétaires des unités peuvent certes continuer à transmettre les actions qui leur sont échangées contre leurs concessions, ils ne collaborent plus directement avec leurs fils, dont l’embauche n’est d’ailleurs pas davantage garantie que celle des fils des chauffeurs qu’ils emploient. C’est l’une des raisons pour lesquelles Uriel, tout comme Pepe, Luis et José, a refusé de s’intégrer à l’entreprise Y, préférant continuer de travailler avec son fils sur le quart du trajet restant aux mains de la ruta X. Les chauffeurs des nouvelles entreprises ont en outre l’interdiction de demeurer dans les bus en dehors des horaires de service, ce qui rompt avec la reproduction de cellules familiales masculines sur le lieu de travail.
La parole ne vaut plus rien
12Au-delà du seul cercle familial, c’est l’ensemble des relations de travail qui, dans le modèle de l’homme-bus, dépendent entièrement de relations interpersonnelles, donnant lieu au renforcement de logiques de l’honneur intégrées à un modèle de masculinité (Bourdieu 1972 ; Mohammed 2009).
13La redistribution des ressources (revenus et emplois) que représente la délégation par les pouvoirs publics du service de transport est l’objet de relations d’échange personnalisées. En l’absence de formalisation contractuelle des obligations réciproques entre concessionnaires et chauffeurs, ces relations reposent sur des accords oraux. La réputation du chauffeur conditionne dès lors son embauche, ainsi que celle des membres de sa famille, et garantit qu’il ne sera pas tenu responsable en cas d’incident. Les concessionnaires, pour s’assurer l’allégeance des chauffeurs et se prémunir de l’absentéisme, voire des vols, doivent quant à eux démontrer qu’ils tiennent parole sur leurs promesses d’embauche et de soutien en cas de litiges impliquant les chauffeurs, ou encore sur l’octroi de congés et de 13e mois. Luis résume ainsi les relations qui l’unissent à Uriel: « Si on est entre hommes d’honneur, il n’y a pas de problèmes, non ? » (entretien – 09.08.2018). Il est par ailleurs crucial que les chauffeurs puissent compter les uns sur les autres, que ce soit pour se remplacer ponctuellement, pour se protéger en cas d’attaques lorsqu’ils dorment dans les bus ou pour coopérer financièrement pour les retraites, en cas de maladie ou d’accident. Comme l’indiquent les propos de José, c’est là aussi l’honneur qui est engagé, impliquant des rapports de réciprocité : « C’est comme une fraternité, et si tu n’aides pas, tu es un chien, non ! Aujourd’hui c’est lui, demain c’est toi… » (entretien – 09.08.2018).
14 Or le passage au modèle entrepreneurial remet fondamentalement en cause l’honneur comme fondement de la légitimité masculine du travail. Tout d’abord, car il offre des garanties juridiques et contractuelles qui font perdre son sens à la protection réciproque par l’honneur. Ensuite, car ces garanties s’accompagnent de procédures qui ne tiennent plus compte de la réputation. Adrián, qui pour sa part a été brièvement employé par l’entreprise Y avant d’en être licencié et de revenir travailler pour un concessionnaire sur la ruta X, explique ainsi son désarroi face au manque de crédit que lui a accordé la nouvelle entreprise à l’occasion d’un accident dans lequel il était impliqué :
Ici [avec la ruta], tu peux avoir un accident, tu ne te préoccupes de rien. Le patron te connaît. Il vient, il dit : « Signe la dispense à mon chauffeur et je paye ». Là [avec l’entreprise Y], j’ai passé 36 heures en prison ! La parole ne vaut plus rien ! Et tout est contrôlé, tout ! (entretien – 18.08.2018).
16 Si les logiques de l’honneur (la parole) participent déjà pleinement de l’exercice d’un « contrôle » social du groupe, elles permettent cependant aux transportistas de valoriser leur soumission à ce contrôle comme une affirmation de leur masculinité, quand la formalisation du contrôle au sein de l’entreprise les place explicitement – et publiquement – dans une position dominée. Cette subordination est en outre matérialisée par l’imposition de nouvelles règles et de nouveaux savoirs dans l’exercice quotidien du métier.
« Devenir une femmelette » : la remise en cause de l’autonomie dans l’exercice de l’activité
Demander la permission pour tout
17L’articulation entre travail et masculinité opérée par les transportistas s’appuie parallèlement sur l’autonomie dont ils disposent dans la conduite de l’activité en elle-même, revendiquée comme participant de l’exercice d’une liberté attachée à la virilité (Hirata et Kergoat 2017 [1988]), et remise en cause en premier lieu par un ensemble de règles imposées par les nouvelles entreprises.
18 Dans le modèle de l’homme-bus, les chauffeurs adaptent leur temps de travail quotidien à l’afflux de passagers et à leurs nécessités : ils disposent librement des recettes, qu’ils collectent en monnaie, pour l’achat du carburant mais aussi de la nourriture et des cigarettes, et le reste est ensuite réparti, quand il y a lieu, avec les concessionnaires. Ces derniers décident quant à eux des moments auxquels investir dans l’acquisition de nouveaux véhicules ou dans les réparations, qu’ils effectuent souvent eux-mêmes. La possibilité de dormir dans les bus permet aux transportistas qui le souhaitent d’économiser le coût et le temps des trajets quotidiens depuis leur domicile. À plus long terme, ils choisissent également la part de leurs revenus qu’ils conservent en vue de leur retraite ainsi que le moment où ils la prennent, nombre d’entre eux épargnant peu et travaillant jusqu’à leur décès. Or le passage au modèle entrepreneurial implique une assurance sociale et une pension de retraite, mais aussi des horaires et un salaire fixes. Les concessionnaires devenus actionnaires peuvent toujours travailler comme chauffeurs, mais ils n’ont plus dans ce cas la possibilité de déléguer ponctuellement la conduite du bus à leurs fils ou à des employés. D’autre part ils n’ont plus le contrôle sur les investissements dans la flotte et l’entretien. Ce qui est en jeu ici est la remise en cause de conditions de travail valorisées car permettant l’expression de rapports à l’argent et au temps vécus comme masculins, selon lesquels la variabilité et l’incertitude des revenus n’est pas ressentie comme de la précarité mais comme de l’autonomie (Bernard 2018) tandis que l’immédiateté prévaut sur l’anticipation et la longue durée (Bessin et Gaudart 2009). C’est bien ce qu’expriment les transportistas, qui voient dans ce changement la fin d’un « travail noble » :
J’aime avoir l’argent sur moi, tu le vois à l’instant. C’est pour ça que je suis resté là. C’est un travail très… ici on dit « un travail noble ». Ici parfois on gagne peu, mais après tu travailles deux fois plus et c’est bon, c’est un travail dur mais ça vaut la peine ! (José, entretien – 09.08.2018).
L’entreprise va tout contrôler, tout prévoir… Tu te contentes de recevoir chaque mois ton action, tu ne gères plus ton argent (Uriel, entretien – 09.08.2018).
20La perte d’autonomie résulte également de règles touchant à l’investissement de l’espace du véhicule ou à la conduite. Alors que, dans le modèle de l’homme-bus, l’appropriation des bus donne lieu à la mise en scène de goûts populaires et hyper-masculinisés (écussons de clubs de football voire images érotiques, tunning, reggaeton), les chauffeurs ont désormais l’interdiction d’y amener des effets personnels. Tandis qu’ils adaptaient leurs arrêts, leurs trajets et leur vitesse à la demande, ils sont maintenant soumis à un contrôle strict de l’opération, via des interfaces électroniques installées dans les bus. Une « pression » inacceptable pour Adrián, qui résume ainsi :
Tu ne dois pas prendre de retard, tu ne dois pas aller en sens contraire, tu ne dois pas parler, tu ne dois avoir des écouteurs, tu ne dois pas manger… Tu dois demander la permission pour tout ! Tu deviens une femmelette ! (entretien – 18.08.2018).
22 À l’image d’Adrián, les transportistas voient dans les règles imposées par le salariat une culture de la soumission associée, par un codage sexuel des rapports de classe, à la féminité (Bourgois 2001). Or, si la mise en scène de compétences liées à un travail manuel et requérant de la force physique, synonyme de virilité, peut représenter une issue (ibid.), l’autonomie des savoirs pratiques des transportistas est aussi remise en cause par la transformation organisationnelle du secteur.
La pratique ne fait pas le maître
23La construction de la masculinité des transportistas s’opère également, dans le modèle de l’homme-bus, au travers de la valorisation de savoir-faire liés au travail, concernant les attentes de la clientèle et la variabilité du trafic, la mécanique, et, bien sûr, la conduite. La naturalisation de ces savoirs pratiques comme des compétences masculines (Tabet 1979) est particulièrement visible dans la remarque de Pepe à propos de son unique collègue femme :
C’est bizarre de voir une femme conduire un bus. Parfois seulement en conduisant une voiture elles deviennent nerveuses non ? Alors imagine-toi un grand bus ! [rires] (entretien – 09.08.2018].
25 Or le passage au modèle entrepreneurial remet en cause l’autonomie de ces savoirs pratiques, les transportistas étant amenés à suivre de nouvelles formations théoriques exigeant une docilité et une application scolaire socialement renvoyées à un comportement féminin (Baudelot et Establet 1992). Au cours de séminaires organisés par l’Association de transport, on enseigne aux concessionnaires comment satisfaire la clientèle et on leur apprend à mesurer les risques économiques au moyen d’analyses statistiques. Lors de l’une de ces présentations, au congrès annuel de l’association, la formatrice conclut en s’adressant à l’assistance :
Tous ces sujets je veux que vous vous y appliquiez. L’un d’entre vous ne veut pas grandir ? Non, n’est-ce pas ? Mais alors, qu’est-ce qui amène à l’échec ? Le manque de formation. Une mauvaise administration » (présentation au congrès de l’Association de transport – 20.04.2018).
27 Les chauffeurs doivent quant à eux suivre des cours sur le code de la route dispensés par le gouvernement de la ville, que le formateur introduit ainsi :
Nous les Latino-américains, on a des idées bien fausses sur l’apprentissage. La pratique ne fait pas le maître. S’il y a un accident, même si vous n’êtes pas en tort, si vous ne connaissez pas le règlement, qui ça affecte ? Vos familles. Vous ramenez l’argent non ? La connaissance est le pouvoir (formation à la mairie de Mexico – 30.06.2018).
29 On observe ici comment les formatrices et les formateurs s’appuient sur la connaissance empirique qu’ils ont de la masculinité des transportistas – et parfois sur une solidarité de genre ou d’origine – en mobilisant certains de ses éléments (homme gagne-pain, ambition…) pour en discréditer d’autres, en l’occurrence l’autonomie de savoirs pratiques, afin de répondre aux demandes des compagnies de transport. Au-delà de l’activité elle-même, les formations, et ces stratégies d’hybridation, visent également une transformation des individus.
Le développement humain managérial contre la triade de violence de la masculinité
Je dois m’aimer
30Le passage au modèle entrepreneurial réside enfin dans une entreprise de transformation du comportement des transportistas. Cette entreprise, résumée par le vocable managérial de « développement humain », cible en particulier la « triade de violence des hommes » (Kaufman 1987) : la violence envers les autres hommes, envers les femmes, et en premier lieu envers soi-même.
31 À l’instar d’autres groupes de travailleurs étudiés par la psychodynamique du travail, comme les ouvriers du bâtiment ou les pilotes d’avion, les transportistas répondent à des conditions de travail éprouvantes en mettant en place des stratégies collectives de défense valorisant une culture virile du risque et de l’endurance (Dejours 1998). Les chauffeurs conduisent en effet au minimum 12 heures par jour, avec la responsabilité de centaines de passagers. Ils s’alimentent rapidement, parfois de simples sandwichs et de sodas consommés au volant, et, pour beaucoup, vivent toute la semaine dans les bus. Leur fatigue physique et mentale, à laquelle la consommation d’alcool et de drogue sert parfois d’exutoire, aggrave les risques générés par des pratiques de conduite dangereuses visant à effectuer le maximum de tournées pour augmenter les revenus. Leur vie professionnelle est ainsi marquée par les accidents, les maladies et les décès prématurés, ce qu’ils assument, comme Luis, au nom de la force masculine : « Ici tu dois te sacrifier… C’est pesant, mais on est des hommes forts, on supporte ! » (entretien – 09.08.2018).
32 Contre cette culture de l’endurance, et les coûts qu’elle représente pour les nouvelles entreprises, qui fournissent l’assurance médicale et la couverture en cas d’accident, les nouvelles techniques managériales encouragent l’expression de la sensibilité. Lors de cours de « développement humain » organisés par l’Association de transport, la formatrice commence ainsi par diffuser une célèbre chanson de pop mexicaine, Necesito amarme (Je dois m’aimer), pendant que les transportistas, les yeux fermés, se voient dispenser des caresses à l’aide de plumes. Une série d’injonctions et d’exercices porte d’autre part sur l’attention au corps, au double sens de la santé et de l’apparence physique, touchant à l’hexis corporel (droiture) et aux codes vestimentaires (chemise et cravate), aux habitudes de consommation (nourriture saine et sobriété) et aux pratiques sportives (exercice régulier, yoga). Afin de faire accepter ces nouvelles pratiques, la formatrice de l’Association de transport fait appel à d’autres éléments qui participent de la construction de la masculinité des transportistas : la valorisation de la force physique, qu’il s’agit de préserver, la volonté et l’ambition. Le commentaire d’Adrián exprime les effets ambigus de ces prescriptions :
C’est vrai, ça augmente ta confiance en toi. Ils te disent : « Vous serez les mêmes chauffeurs, mais désormais lavés et habillés. Pas les mêmes crasseux que vous étiez ». Oui tu changes d’idées… Mais ça te met beaucoup trop la pression. Tu ne travailles pas bien, tu es trop stressé (entretien – 18.08.2018).
34 Si Adrián s’approprie en partie le discours managérial, sa conclusion rend visible également la violence symbolique qu’il implique pour les transportistas.
Tous pour un et un pour tous
35La masculinité des transportistas se construit par ailleurs dans la violence qu’ils exercent les uns sur les autres. Le fait que leurs revenus dépendent du remplissage des bus suscite en premier lieu une lutte quotidienne entre chauffeurs pour attirer les usagers, lutte qui peut aller de joutes verbales à des affrontements physiques, comme l’explique José :
À un moment on était beaucoup plus, et l’ambiance était très tendue. Ils arrivaient et ils te prenaient à coups de poing. Moi, je débarquais du Chiapas alors ils venaient me chercher des problèmes. Nous, on n’est pas pour la confrontation mais on ne se laisse pas non plus faire. Normal, non ? (entretien – 09.08.2018).
37 Ces propos suggèrent que la violence est principalement dirigée vers les derniers arrivés, fonctionnant comme un rituel d’initiation éprouvant et instituant la masculinité du travailleur (Palermo 2015). C’est ce qu’indique le récit que donne Adrián de son retour à la ruta X après son séjour à Tijuana :
Moi, je suis super rapide, personne ne peut me gagner. Mais bon, je venais de revenir alors… Parce que tous me menaçaient. J’avais un bâton dans mon bus, parce que je me défends, hein ! Mais bon, je les ai laissés passer, et je me suis fait accepter. C’est comme un jeu, non ? (entretien – 18.08.2018).
39 Les relations entre concessionnaires et employés sont également imprégnées d’une violence redoublée par les rapports hiérarchiques, pouvant conduire à l’exclusion du marché du travail. Ainsi le poste que trouve Adrián à son retour est-il laissé vacant par le licenciement de son prédécesseur, qui, explique-t-il, a « failli en venir aux mains avec le patron » pour un différend lié à l’absentéisme. Il n’a jamais plus réussi à se faire employer par la suite. Mais les paroles d’Adrián, tout comme celles de José, montrent aussi comment les transportistas minimisent l’impact qu’a sur eux cette violence dans leur discours, au travers desquels ils affirment leur masculinité.
40Le « développement humain » prétend mettre fin à cette violence en inculquant aux transportistas la diplomatie et la cohésion de groupe. La formation de l’Association de transport comprend ainsi des modules de canalisation de la colère et de résolution pacifique des conflits au travers de mises en situation. Reprenant la devise « Tous pour un et un pour tous », la formatrice enjoint les participants à se laisser chuter dans les bras de leurs collègues, ou à se raconter des souvenirs heureux afin de refonder une identité collective sur des expériences positives. Elle termine en formant des groupes pour remettre en place le mobilier en un temps record, jouant paradoxalement sur l’agôn masculin, décrié dans sa forme populaire, pour créer l’esprit d’équipe mais aussi de compétition indispensable à l’entreprise.
La réconciliation avec les femmes
41La violence de la masculinité se manifeste enfin dans les relations, structurées par le travail, que les transportistas entretiennent avec les femmes. Tout d’abord, les transportistas vivent très souvent des relations matrimoniales difficiles pouvant aboutir à des divorces, comme pour José et Adrián, ce qui apparaît en partie lié à l’extrême disponibilité requise par le métier, impliquant un « absentéisme familial » (Pigennet 2001), et à la multiplication des contacts humains qu’il implique. Du fait des horaires de travail, et en raison de la très faible féminisation du métier, les principaux échanges des transportistas avec des femmes sont ceux qu’ils entretiennent avec les passagères. Ces interactions débouchent fréquemment sur des relations intimes faisant l’objet de railleries, explicitement dévalorisantes pour les femmes, qui participent d’une sociabilité professionnelle masculine fondée sur « l’exaltation de la virilité » (Pruvost 2008), définie par la norme de l’hétérosexualité conquérante. José commente :
Cette question des relations d’hommes et femmes est très compliquée. Pour la partie du féminisme, pour la partie du machisme… Les féministes se sentent offensées « le machisme blabla ». Quasiment tous on est machistes depuis petits, parce que la société mexicaine est comme ça. Mais bon, moi, si je vois un abus je m’occupe du gars ! (entretien – 09.08.2018).
43 Si l’on retrouve dans ces propos des mécanismes caractéristiques de la domination masculine, que ce soit le fait de minimiser l’« offense » faite aux femmes (Pheterson 2001) ou d’endosser un rôle protecteur (Gilmore 1990), l’ambiguïté du discours de José sur le machisme montre aussi que ces hommes de classe populaire participent aux débats qui animent le Mexique à ce sujet (Gutmann 2006), notamment pour les plus jeunes d’entre eux (García-Villanueva et al. 2010).
44 Or la sensibilisation aux rapports femmes-hommes est présentée comme un élément phare de la transformation des pratiques promue au sein des nouvelles entreprises. Il ne s’agit pas pourtant de remettre fondamentalement en cause la domination masculine, et les stéréotypes de genre qui la sous-tendent. Ainsi, au travers d’un programme de « Réconciliation avec la femme », la formatrice en développement humain de l’Association de transport mène des ateliers réflexifs sur les relations personnelles des transportistas, les invitant à faire preuve de douceur et de compréhension envers des femmes dont elle souligne la fragilité et le dévouement. Les trans-portistas sont par ailleurs enjoints à se montrer galants avec les usagères et à être attentifs à toute forme d’agression auxquelles elles pourraient être soumises par des tiers. Le cas échéant, on leur demande d’intervenir, mais par le dialogue et le signalement aux autorités plutôt que par l’exercice de la force physique : là encore, le rôle de protection attaché à la masculinité se trouve réitéré, mais dissocié cette fois d’autres pratiques de la masculinité populaire indésirables pour le management, soucieux de promouvoir une image sécurisante pour les passagères en accord avec les demandes du gouvernement.
45Le cas du transport urbain de passagers à Mexico montre comment les modèles de masculinité se construisent en étroite relation avec des configurations particulières de l’organisation sociale du travail, et sont susceptibles d’être bouleversés par leurs évolutions contemporaines. La décorporatisation et la formalisation du secteur rompent avec une gestion du service par le biais d’échanges personnalisés entre des hommes de classe populaire, une organisation qui soutenait la construction d’une identité valorisante dans le travail au travers d’un modèle de masculinité populaire. Les différentes pratiques qui, conjointement, constituaient dans ce contexte une forme particulière de masculinité sont dissociées les unes des autres au profit de l’imposition d’une nouvelle masculinité hybride. Ce processus s’appuie sur des dispositifs réglementaires et des techniques managériales agissant de façon combinée à différentes échelles : secteur, fonctionnement interne de l’entreprise et comportement individuel du travailleur. Il s’opère par ailleurs de différentes manières. En premier lieu, car des éléments constitutifs de la (re)production de la masculinité au travers du travail, tels que la transmission paternelle et l’autonomie, sont désormais impossibles à perpétuer. Ensuite, car d’autres de ces éléments, tels que l’attachement à l’honneur ou aux savoirs pratiques, perdent leur valeur ou leur utilité. Enfin parce que d’autres éléments encore, comme le fait de pourvoir aux besoins de sa famille, l’ambition, l’esprit de compétition et la protection des femmes sont reformulés de façon à correspondre à la politique des nouvelles entreprises, au détriment d’autres attributs de la masculinité populaire comme la violence physique. Sans remettre fondamentalement en question la domination masculine, cela aboutit à en disqualifier une forme populaire et renforce, ce faisant, la domination de classe des travailleurs.
46 Si la généralisation du passage au modèle entrepreneurial a finalement été actée par la Loi de mobilité de Mexico en 2014, l’adoption de cette mesure s’est heurtée à une très forte mobilisation des transportistas, dans laquelle on peut lire la revendication d’une identité indissociablement professionnelle et masculine – depuis les formes employées (blocages à l’aide des bus, avec usage de la force physique) aux argumentaires utilisés (perte de contrôle) – et qui augure que l’application de la loi sera difficile. Par ailleurs, les récits des transportistas font état de résistances individuelles se traduisant par l’exit et la conversion à d’autres secteurs d’emploi des classes populaires. Face à l’inéluctable extension de l’entreprise Y sur le tronçon encore opéré par la ruta X, Uriel prévoit ainsi d’ouvrir avec son fils un stand de tacos, tandis qu’Adrián envisage de créer un garage. Conscients de cette situation, les partisans du changement arguent qu’il est nécessaire de féminiser la pro-fession, la main-d’œuvre féminine étant perçue comme moins réfractaire, ce qui laisse présager une nouvelle transformation, et une nouvelle forme d’instrumentalisation, des rapports sexués au travail.
Bibliographie
Références
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Mots-clés éditeurs : INTERSECTIONNALITE, TRANSPORT URBAIN, MASCULINITES POPULAIRES, MEXIQUE, TRANSFORMATIONS DU TRAVAIL
Mise en ligne 05/06/2020
https://doi.org/10.3917/cdge.067.0121Notes
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[1]
Les termes d’ « homme-bus » et de « modèle entrepreneurial » n’ont pas d’existence juridique, les textes de loi se référant à l’octroi des concessions à une personne physique ou à une personne morale. « Homme-bus » est cependant le terme communément utilisé à Mexico pour désigner l’activité telle qu’organisée jusqu’ici, tandis que « modèle entrepreneurial » est la manière dont ses promoteurs, au sein du gouvernement et des nouvelles entreprises, qualifient le nouveau fonctionnement.
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[2]
Bien que les concessionnaires et les employés soient liés par des rapports hiérarchiques, dont nous rendrons compte au fil du texte, le terme générique de transportistas permet de souligner l’unité de ce groupe professionnel, partageant une activité commune (les concessionnaires, même lorsqu’ils emploient des chauffeurs, sont généralement conducteurs eux-mêmes) et un ensemble de pratiques, liées notamment à l’expression de la masculinité.