Notes
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[1]
L’analyse qui suit repose sur la participation aux activités de l’association pendant trois ans dans le cadre d’une observation à couvert. Cette méthodologie d’enquête est un choix par défaut, à la demande du président de l’association. Seule la présidente du comité de soutien féminin, Daphné, fut mise au courant et m’initia aux règles et aux codes prévalant au sein de cette petite communauté pieuse.
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[2]
Le niqab est un voile couvrant le visage à l’exception des yeux. Il a été couramment désigné en France par le terme ‘voile intégral’.
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[3]
Le jilbeb est un habit islamique couvrant l’intégralité du corps et ne laissant apparaître que l’ovale du visage.
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[4]
La oumma désigne la communauté des musulmans, indépendamment de leur nationalité, de leurs liens sanguins et des pouvoirs politiques qui les gouvernent. En découle une notion de solidarité entre les musulmans.
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[5]
La sociologue distingue trois principes dans la lignée croyante : l’expression d’un croire, la mémoire d’une continuité et la référence légitimatrice à une version autorisée de cette mémoire.
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[6]
Le hijab désigne le voile islamique. Ce dernier peut prendre des formes multiples mais, au sein de l’association étudiée, il s’agit couramment d’un foulard couvrant cheveux, oreilles, cou et poitrine, maintenu à l’aide d’épingles.
1L’association Excellence a pour but de créer une école privée musulmane dans une grande ville de France. Les activités de soutien de l’association — les récoltes de fonds — en favorisant des modèles de socialité spécifiques, telles l’homosocialité et la socialité entre coreligionnaires, participent à l’élaboration d’un système de normes minoritaires. Ce sont ces mêmes normes qui constituent le sujet, le régulent et le normalisent. En suivant la perspective théorique de Judith Butler, nous comprenons la norme comme opérant au sein des pratiques sociales en tant que standard implicite de la normalisation (Butler 2012, p. 58). Si l’on peut analytiquement séparer l’idéalité des normes de leurs incorporations dans les pratiques sociales, idéalité et incorporation sont, de fait, consubstantielles. C’est par la réitération permanente dans les pratiques sociales qu’une norme acquiert son caractère performatif et se fait norme. L’idéalité permet de nier l’historicité et la vulnérabilité de la norme. Elle est ainsi « une mesure et le moyen de production d’un standard commun » (Butler 2012, p. 67). L’actualisation par les pratiques sociales des sujets de l’idéalité des normes et la possibilité de réappropriation réflexive de celles-ci leur permettent, de fait, de participer à leurs créations, démarche d’autant plus aisée qu’il n’y a aucune institution totalement légitime dans la promulgation des normes musulmanes. La puissance d’agir du sujet apparaît alors comme le hiatus dans l’itérabilité. Elle naît dans l’espace ouvert par chaque réitération de l’acte, celui-ci pouvant échouer, être réapproprié ou redéfini dans un autre sens que celui de la consolidation des normes. La réitération des normes, en ouvrant des possibilités de répétitions différentes, permet de modifier les identifications obligatoires et les exigences normatives. De la répétition des normes qui nous contraignent, de la répétition du pouvoir sur le pouvoir, naît la puissance d’agir du sujet (Butler 2009, p. 131).
2En nous inscrivant dans cette perspective butlérienne de performativité de la norme, nous verrons, dans un premier temps, que la ‘production de l’espace’ lors des rencontres organisées par l’association Excellence est une des formes de production de la domination et de l’oppression de genre. En outre, ces rencontres, permettant l’expression et la valorisation d’une piété non reconnue positivement dans l’espace public, favorisent une démonstration de la piété qui va alors fonctionner comme l’élément majeur de la reconnaissance. En considérant le lieu de ces rencontres comme un ‘tiers espace’, ni privé ni public, et vis-à-vis duquel les exigences sociales de piété sont supérieures à celles qui s’appliquent dans l’espace quotidien, nous verrons, dans un deuxième temps, que cet espace favorise la co-construction de sujets sexués et pieux. Enfin, nous conclurons en abordant l’idée que le processus de consolidation des normes peut être une modalité à part entière de la puissance d’agir [1].
Espace homosocial et reconnaissance de la piété féminine
Un espace homosocial
3Organisées par les comités de soutien masculin et féminin, les rencontres de l’association Excellence ont lieu dans une bergerie où l’espace est construit afin de séparer physiquement les hommes et les femmes et de réduire le plus possible, sans pouvoir les supprimer, les espaces liminaires (impliquant à la fois ouverture et clôture) de contacts. À cette fin, une grande bâche est installée dans le plus grand bâtiment de la bergerie. Cette non-mixité maintient et encourage un découpage traditionnel des tâches entre hommes et femmes. Le comité de soutien féminin est chargé de préparer la nourriture. Tartes et gâteaux sont confectionnés par les femmes qui, dès leur arrivée à la bergerie, en donneront la moitié aux hommes. Bien que les enfants puissent circuler dans les deux espaces, la garderie payante est située dans l’espace femme ainsi que la totalité des petites activités destinées aux enfants (pêche à la ligne, chamboule-tout, trampoline, piscine à boules…). La promenade en poney se fait elle aussi sous la responsabilité des femmes qui se répartissent les tâches sous la direction des responsables du comité de soutien féminin. Lorsque le temps le permet, de petites piscines gonflables sont installées non loin du trampoline pour les enfants de 2 à 7 ans. Le quad est une activité accessible aux femmes dans l’espace qui leur est dédié mais il est réservé en priorité aux enfants. Le soin et la responsabilité des enfants sont de fait confiés aux femmes. Les hommes vont, dans leurs espaces, organiser des épreuves de force et de compétition. Le tir à l’arc et le quad sont les seules activités proposées aussi aux enfants du côté des hommes. Des activités temporaires pour les plus jeunes sont parfois proposées lors de certaines journées : activités « Découverte de la ferme » (encadrée par une femme) et « Plantation de légumes » (encadrée par un homme). Les activités petites ou grandes et la nourriture sont payantes.
4La grande majorité des femmes vient surtout pour se détendre et passer une journée à la campagne, sous couvert d’une cause pieuse. Soutenir l’association n’est pas du tout l’objet principal de leur participation, et la non-mixité de cette journée leur permet de se retrouver entre femmes dans un espace où elles sont, dans sa limite, indépendantes. Quelques-unes essaient de tricher sur les prix pour obtenir des réductions ou pour ne pas payer la participation de leurs enfants aux activités. Certaines viennent en famille ou entre amies. Elles apportent du thé et un pique-nique qu’elles mangent dehors à l’ombre. Pour certaines femmes il s’agit effectivement d’un des seuls lieux où elles peuvent se rendre sans la présence directe des hommes de leur famille. Pour Oum Chaïma par exemple, ces sorties sont de véritables bouffées d’oxygène puisqu’elle porte le niqab [2] et que, depuis son interdiction, elle ne peut plus aller seule au parc près de chez elle : son mari a trop peur qu’elle se fasse agresser. De ce fait, les femmes demandent souvent la multiplication de ce type de journées. Hanen, participante et bénévole de l’association, prévoit déjà de poursuivre ces rencontres après la construction de l’école : pour récolter des fonds afin d’améliorer le fonctionnement de l’école, proposer des réductions, acheter du matériel…
5Le principe de non-mixité peut, pour certaines femmes, être la règle de base de l’organisation sociale quotidienne. Faire le choix de respecter ce principe, c’est réfléchir de manière systématique à l’espace en termes d’accessibilité et de non-accessibilité, d’interdits et de compromis. L’espace devient un terrain miné qui révèle la liberté de l’individu à se mouvoir. Si le port du niqab permet la cohabitation des hommes et des femmes dans l’espace public, il n’est pas suffisant pour des espaces confinés. Ce fut le cas pour Neïla qui était en difficulté pour rejoindre le lieu de la rencontre. Elle devait venir en voiture avec son mari qui a accepté de convoyer ‘un frère’, et pour Neïla il était impossible de se trouver dans le même espace avec un homme extérieur à sa famille. Le voile est couramment analysé comme un moyen d’accès à l’espace public car il est un gage de la respectabilité des femmes qui l’utilisent ainsi pour acquérir une plus grande liberté sociale (Chaib 2010). Le port du niqab ne s’inscrit pas dans la même logique. Celui-ci consolide le rapport qu’entretient Neïla à la non-mixité et à l’espace. Son port s’inscrit davantage dans une démarche ascétique et de valorisation personnelle. Si l’espace apparaît par défaut comme masculin, il est aussi négocié. Pour rendre la vie sociale possible, des compromis sont mis en place. Un espace peut devenir tour à tour masculin puis féminin, comme en témoigne l’exemple suivant extrait du journal de terrain :
Un frère prête une fourgonnette neuf places à des sœurs pour qu’elles puissent venir. Le rendez-vous est à X le lendemain à 8 h 15. Lorsque le frère verra les sœurs de loin, il sortira de la voiture, déposera les clefs sur le capot et s’en ira. Elles pourront alors récupérer le fourgon.
7De la même manière, la mise en place de deux comités de soutien, masculin et féminin, suppose aussi une certaine concertation pour l’organisation des rencontres. Voici un autre extrait du journal où Daphné, la responsable du comité de soutien féminin, explique le déroulement des réunions des deux comités :
[Daphné] a participé à une réunion avec le président et une autre responsable. Cette dernière est venue avec son mari. Il participait à la réunion mais il était dos à elle. Cette femme lui en a expliqué la raison : entre hommes et femmes le premier regard est innocent, ce qui permet la salutation, mais le deuxième regard conduit au péché.
9La ségrégation à travers des espaces homosociaux plus formels, comme les rencontres à la bergerie, rend possible un espace de relative autonomie et questionne le présupposé qui lie ségrégation et injustice. Sonia Lehman-Frisch démontre que le discours dominant postule qu’un espace juste repose sur la notion de mixité et que, par conséquent, la ségrégation est intrinsèquement injuste (Lehman-Frisch 2009). Ceci étant, la mixité n’est pas ‘naturellement’ juste et cache d’autres formes d’oppression. Elle ne suffit pas à établir l’équilibre et à assurer l’égalité. Christine Delphy explique, par exemple, que la mixité dans les écoles et lycées telle qu’elle est pratiquée, conduit à la persécution des filles, à l’hyper-sexualisation des conduites des deux sexes, et n’évite pas, loin de là, la non-mixité qui se développe en son sein même. Les garçons commencent très tôt une pratique de sociabilité mono-sexuée, se constituant dès l’école primaire en groupes qui excluent les filles. En outre, la théorie de l’auto-émancipation — la lutte par les opprimés pour les opprimés — conçoit la pratique de la non-mixité choisie, comme la condition pour que les expériences de discrimination et d’humiliation puissent se dire sans crainte. Les groupes mixtes de lutte (dominants/dominés) auraient tendance à reproduire la vision dominante du préjudice subi par le groupe dominé. Les opprimés doivent non seulement diriger la lutte contre leur oppression, mais auparavant définir cette oppression pour eux-mêmes (Delphy 2008).
10La mixité tout comme la non-mixité peuvent cacher des formes d’oppression de genre. Si la ségrégation sexuelle peut apporter une relative autonomie aux femmes, ces espaces de non-mixité ne sont pas conçus, dans le cadre de cette étude, comme des lieux de luttes : ils ne durent qu’un temps et dépendent toujours d’organisations masculines préexistantes. De surcroît, la non-mixité du lieu impose une homosocialité qui elle-même fait le jeu de la consolidation d’une féminité traditionnelle. Les principaux sujets de conversation tournent autour des habits, des soins corporels, de la famille et des enfants, et de la difficulté de pratiquer sa religion en France. Il est aussi question des mariages en cours et des frères et des sœurs célibataires qu’il s’agit de réussir à marier. Voici un extrait du journal de terrain :
On parle futilité comme s’épiler quelle galère. C’est, toi comment tu fais ? Une sœur demande à Hanen où elle a acheté son jilbeb [3]. C’est Bismillah.com, il faut vraiment prendre le très léger, pas le léger. C’est en microfibre, ça laisse totalement passer l’air. Mais il ne faut pas qu’il soit trop ample ajoute la sœur, ça sert à rien et ça gonfle. Elle demande à Hanen si elle est mariée.
12Si la production d’un espace homosocial entretient une féminité traditionnelle, les livres mis en vente lors des rencontres participent au même processus. Une première partie des ouvrages est destinée aux enfants : histoires autour de la vie du Prophète, livres pour apprendre à lire et à écrire l’arabe, petits manuels pour faire ses premières ablutions et prières. La deuxième partie s’adresse aux adultes : dvd des grands oulémas saoudiens, littérature édifiante sur la vie du Prophète, recueil de hadiths. Une troisième partie des ouvrages proposés concerne spécifiquement les femmes musulmanes : leurs droits et leurs devoirs en islam, les erreurs commises par les épouses, de quelle façon faire face au désir… Le nombre de livres vendus est très faible, voire quasi inexistant. Ce peu d’intérêt porté par les participantes à la littérature pieuse renforce l’hypothèse qu’elles conçoivent avant tout cette journée comme un moment de détente licite et non comme une œuvre de bienfaisance.
Sororité et piété
13Il faut préciser tout d’abord que ces rencontres, qui réunissent environ soixante-dix femmes, sont par excellence le lieu où se développe la communalisation. L’entre-soi et le sentiment d’être parmi ses pairs sont fortement ressentis, en particulier pour les converties. Daphné explique qu’entre « sœurs » on se tutoie et s’interpelle très naturellement par ce mot. Elle emploie le terme « sœurs » avec un mélange de fierté et d’étonnement. Cette interpellation, sans cesse réitérée, dessine parfaitement les frontières du groupe des femmes pieuses.
L’existence sociale du corps est d’abord rendue possible par son interpellation à l’intérieur des termes du langage. […] On ne commence à « exister » qu’en vertu de cette dépendance fondamentale à l’égard de l’adresse de l’Autre. On « existe » non seulement parce que l’on est reconnu, mais, plus fondamentalement, parce qu’on est reconnaissable. Les termes qui facilitent la reconnaissance sont eux-mêmes conventionnels, ils sont eux-mêmes les effets et les instruments d’un rituel social qui décide […] des conditions linguistiques de la formation de sujets viables.
15En s’interpellant mutuellement par les termes « ma sœur », ces femmes pieuses renforcent une existence sociale préétablie dans l’idéalité de la oumma [4]. Le sentiment d’appartenance à une lignée croyante (Hervieu-Léger 1993, p. 142) [5] est très puissant. La mémoire religieuse, élément constitutif de cette lignée, renforce sa normativité même :
Dans le cas de la mémoire religieuse, la normativité de la mémoire collective se trouve redoublée du fait que le groupe se définit, objectivement et subjectivement, comme une lignée croyante.
17La prégnance de ce sentiment s’observe au cours des discussions et notamment des présentations lors desquelles les sœurs s’interrogent mutuellement sur leurs origines réciproques. Ces questions relèvent de la recherche d’affinités mais sont aussi autant de moyens de valorisation où l’origine saoudienne remporte la première place.
18Mais c’est surtout le corps des femmes qui va permettre de matérialiser en la symbolisant l’existence de la oumma. C’est par la distinction du hijab [6] que l’on sera interpellé « ma sœur ». Le sentiment de sororité se construit autour du sentiment de partager la même foi, de ressentir et de performer la piété musulmane. À l’inverse de l’idée de sororité chez bell hooks, la notion en vient à caractériser, pour les bénévoles de l’association Excellence, un groupe de femmes excluant d’autres femmes. Elle n’est en aucun cas un mouvement d’émancipation lié à l’idée d’une solidarité politique qui passe au-dessus des frontières divisant les femmes, et qui, parce que profondément conflictuelle, a un effet de transformation sur chacune d’elles (Ferrarese 2012). La sororité, pour les femmes de l’association, passe au contraire par l’idée d’une communauté unanime soudée par la foi et l’expérience victimaire en tant que musulmane, et qu’il s’agit de protéger des agressions extérieures pour la maintenir telle quelle. La tenue vestimentaire étant considérée comme extrêmement révélatrice de la piété de chacune, elle sera bien souvent l’élément par lequel le parcours spirituel d’une sœur sera évalué, et par lequel sa qualité de ‘bonne’ musulmane sera reconnue. Il existe une grande variété dans l’habillement des femmes lors des rencontres. Cette diversité des tenues vestimentaires permet de donner des significations à chacune, autant par celle qui la porte que par celles qui l’observent. Daphné, par exemple, refuse de porter le jilbeb qu’elle juge austère et comme les sœurs de l’association se moquent — « À quand le jilbeb ? » — elle accorde toujours une attention particulière à sa tenue par crainte de les choquer.
19Les tenues vestimentaires distinguent les femmes et donnent à voir leur dévotion. Le jilbeb apparaît comme une étape décisive et fondamentale pour la femme dans son parcours spirituel et les sœurs qui « passent le cap » seront chaudement félicitées (Ardito 2010, p. 86). Ces démonstrations de la piété participent à la reconnaissance de la valeur du sujet. Si autrui reconnaît la valeur spirituelle d’un individu, c’est le sujet dans son intégrité qui s’en trouve reconnu.
Le lieu de la calcification des normes de genre
20Les normes de genre relatives à l’association Excellence se donnent à voir dans l’observation minutieuse de la spatialité des rencontres où la mixité entre les sexes n’est plus de mise. Mais avant d’aborder ce point, il peut être utile d’avoir un aperçu des représentations des rapports entre hommes et femmes chez Daphné, responsable du comité de soutien féminin, et les bénévoles féminines de l’association.
Sa propre mère [de Daphné] est « limite » féministe, du type : « Les femmes se débrouillent toutes seules ». Je lui précise que c’est bien ce qu’elle fait actuellement. Elle me dit que, dans le passé, c’est son mari qui commandait et que son futur mari commandera aussi. Elle est d’accord avec ça.
22Sa perception des relations entre hommes et femmes et son acceptation de la subordination de la femme à l’homme n’est pas à mettre en lien avec la foi musulmane de Daphné. Elle s’est convertie à 33 ans et sa représentation de l’homme comme chef de la famille remonte à ses 18 ans quand elle a commencé à vivre en couple. C’est a contrario parce qu’elle valide une représentation inégalitaire des normes de genre que Daphné a pu s’engager dans une pratique de la religion musulmane où la hiérarchisation des sexes est fortement marquée. Elle fait bien souvent remarquer que les pratiques de non-mixité ne sont pas à analyser comme un signe d’inégalité entre les sexes mais comme la forme du respect porté à la femme et pour sa protection.
23Les autres bénévoles de l’association Excellence sont en majorité des femmes mariées ou bien des jeunes filles éduquées dans la religion musulmane. Pour Daphné comme pour les autres sympathisantes, une femme est avant tout dépendante de la volonté de son mari. D’une manière générale, l’indépendance de la femme mariée est fortement dépréciée. Nadira, par exemple, a arrêté ses études à la demande de son mari :
Discussion avec Nadira, études de psycho-sociologie à Metz : ça lui a beaucoup plu, elle a appris comment on est déterminé. On pense faire des libres choix mais en fait on est influencé par notre cerveau. Envie de faire un BTS dans le social, c’était son vrai rêve d’aider les autres mais entre-temps elle s’est mariée à 24 ans et ça a changé tous ses plans. Une fille dépend de son père et après de son mari. Elle me demande si je comprends ce qu’elle dit, elle sait que ce n’est pas forcément aisé. Ce n’est pas pour le mal de la fille que les choix sont pris mais pour son bien. Elle explique qu’elle ne connaissait pas beaucoup son mari, qu’elle n’était pas transcendée par lui. Son mari n’a pas voulu qu’elle continue ses études à X. « Tu vas te faire tuer ». Elle donne l’impression que, bien qu’elle accepte totalement cette décision, elle regrette de ne pas avoir réalisé son rêve professionnel.
25Certaines des sœurs de l’association ne participent pas aux sorties randonnées car elles n’ont pas l’autorisation de leurs époux. L’étonnement que provoquent mes voyages en train, seule et parfois de nuit, est une perpétuelle source de questionnements, et le caractère jugé extraordinaire de telles actions nécessite des explications :
Fatiha me demande si je suis avec quelqu’un. […] Elle dit qu’après mon mariage ça le dérangera certainement tous ces allers-retours, que je ne pourrai plus les faire.
27L’absence de mari, mais aussi de famille réglementant les déplacements des enfants non mariés, devient le facteur qui rend possible la réalisation de ces voyages. Enfin, dans le passe-temps favori des femmes, qui consiste à jouer les entremetteuses, la description des futurs époux potentiels révèle ce qu’il convient d’être pour être considérée comme une future bonne épouse :
Caser le frère de Nadira qui a 30 ans : peut-être avec la sœur de Sarah ? Mais il ne veut pas que sa famille se mêle de ça. Il ne veut pas d’une fille voilée (« y’a des hommes qui sont bizarres ») mais qui se voilera peut-être plus tard. Il veut la voir. Il pense que ça empêche de sortir ensemble, de faire des choses ensemble. Les questions posées pour avoir des précisions sur la sœur de Sarah sont : voilée ? Qu’est-elle (marocaine, algérienne, française) ? Daphné dit que [si la sœur de Sarah n’est pas voilée] c’est une fille qui sait ce qu’elle veut. Un homme, un vrai. Elle veut une répartition des rôles claire : elle ne veut pas être aidée dans le travail domestique.
29La question du port du voile est la première information recherchée pour définir la potentielle future fiancée. Le fait qu’un homme puisse désirer se marier avec une femme non voilée est, à leurs yeux, profondément insolite puisque la pudeur et la piété, dont le voile est la quintessence, sont considérées comme les qualités les plus recherchées chez une future femme. La précision apportée par Daphné est significative de la manière dont sont liés voile, féminité et répartition sexuée des rôles. Ainsi, même si la sœur de Sarah ne porte pas le voile, elle sait quel est son rôle de femme. Le voile est alors analysé comme un signe de piété qui est révélateur d’une conception conventionnelle de la féminité, ou pourrait-on dire encore, d’une féminité soulignée (Connell, Messerschmidt 2005, p. 848). Dans le même registre, bon nombre de discussions ont trait aux procédés employés par les épouses pour convaincre leurs maris d’accepter des journées de randonnée entre femmes :
Il faut être bien gentille, leur faire des massages, comme ça ils ne peuvent pas refuser les sorties entre femmes.
31Autant d’illustrations où les femmes jouent un jeu subtil pour obtenir l’autorisation de leurs époux, même si les cartes restent indéniablement dans les mains du mari. Nous allons voir comment, dans le temps particulier des rencontres et dans la spatialité bien définie de la non-mixité de la bergerie, les normes de genre sont habitées.
Les espaces liminaires, les lieux de la réitération du genre
32Nous appelons espaces liminaires les lieux de l’entre-deux, de l’intervalle, où le principe de non-mixité est bousculé pour des raisons conjoncturelles. Nous développerons l’analyse de deux de ces espaces : la bâche séparant les hommes et les femmes dans le bâtiment principal, et les toilettes situées en dehors de celui-ci et qu’ils doivent se partager. L’espace liminaire a été analysé comme le lieu de « l’indétermination relative des règles, ou plutôt la superposition floue et trouble des contagions provenant des deux espaces voisins » (Bonnin 2006, p. 24 – c’est Bonnin qui souligne). Étant le lieu de franchissement de deux espaces bien distincts, l’espace intermédiaire rendrait possible la confusion des deux espaces normalement clairement séparés. Alors qu’il est lié à un fort potentiel transgressif, voire subversif des normes dominantes, nous allons voir que, dans le cadre de cette étude, l’espace liminaire joue le rôle inverse de calcification des normes de genre.
33À l’occasion d’une rencontre, un point sous forme de questions/réponses est organisé, afin que les femmes puissent être informées de la progression du projet d’école. Comme seuls les hommes effectuent les démarches pour sa construction, les femmes en ignorent majoritairement l’état d’avancement. Ce moment leur est donc destiné. Mais comment l’organiser lorsque les interactions entre hommes et femmes sont proscrites ? En début de journée, Daphné, en tant que responsable du comité de soutien féminin, est allée voir chacune des sœurs, a noté par écrit toutes leurs questions et les a ensuite transmises au président de l’association par un interstice de la bâche. Les femmes se sont alors installées sur des chaises face à la bâche. De l’autre côté, le président a présenté le projet, en parlant le plus fort possible pour être entendu des femmes. Il a lu ensuite chacune des questions écrites et y a répondu. À aucun moment il n’y a eu d’échange verbal entre les hommes et les femmes. Dans ce cadre formel, la bâche joue un rôle strict de séparation physique mais surtout symbolique, puisque la communication entre les hommes et les femmes est elle-même empêchée, rigidifiant ainsi les rapports de sexe.
34C’est principalement dans les interactions informelles que l’espace liminaire que constitue la bâche devient significatif, comme nous le confirment les deux extraits suivants du journal de terrain. Le premier a eu lieu la veille de la rencontre, pendant les préparatifs :
À l’intérieur Neïla se découvre le visage (elle a entre 20 et 25 ans) mais dès que passe un homme ou une voiture devant l’ouverture elle se retourne et baisse précipitamment son voile facial. Lorsque son mari, Ahmed, veut lui parler ou transmettre des informations, il crie « Neïla » du dehors pour qu’elle sorte et qu’il ne nous voie pas en rentrant dans le hangar.
36Le deuxième, pendant la rencontre :
Nous arrivons et nous installons le buffet. Toutes les tartes et les gâteaux sont découpés et la moitié est méticuleusement donnée aux frères (sauf le cheese-cake que tant de sœurs adorent et que les découpeuses choisissent vite de laisser entièrement du côté des femmes). À chaque fois c’est la même cérémonie compliquée. Il s’agit d’envoyer un enfant pas trop petit ou bien de le donner à une sœur qui a son mari de l’autre côté comme Neïla. Celle-ci rabat son voile facial dès qu’elle entrouvre la bâche pour communiquer avec son mari, au cas où on pourrait entr’apercevoir son visage.
38À l’opposition binaire hommes/femmes, des catégories spatiales correspondantes ont été dévolues. L’espace liminaire est une frontière clairement définie qui sépare les hommes et les femmes et les préserve les uns des autres. Il s’agit d’un dispositif matériel encadré par des rituels répétés qui rappellent et aident à reconstruire cette opposition. Pour Philippe Bonnin, l’espace liminaire implique dès l’origine une opposition médiane entre deux autres lieux. Il ne peut « se comprendre que dans ce schéma d’ensemble du passage. C’est-à-dire par rapport aux caractéristiques de deux espaces, simultanément séparés et reliés ; par rapport aux groupes sociaux qui les occupent réciproquement et les maîtrisent ; par rapport aux caractéristiques des frontières qui contribuent à les séparer, et donc à les constituer, à les identifier » (Bonnin 2006, p. 23).
39Certaines femmes tentent d’avoir une prise sur l’espace masculin qui leur est interdit, comme en témoigne ce nouvel extrait du journal de terrain :
Les femmes zieutent par les trous de la bâche de temps en temps « pour voir leurs maris ». Certaines s’y risquent pour récupérer des trucs. Elles sont remarquées par les autres. Des messages circulent entre les femmes comme quoi les hommes auraient dit qu’il fallait arrêter de venir.
41Les infractions à la règle de non-mixité ne sont pas dues à une contestation de cette dernière et ne conduisent aucunement à une remise en cause de l’organisation. Les infractions favorisent au contraire la normalisation des sexes car, bien que sans cesse renouvelées, elles sont vivement condamnées. Elles permettent la réitération toujours plus forte du principe de non-mixité. Derrière la bâche, il y a les Autres dont la différenciation sexuelle est soulignée par la production de deux espaces distincts et dont l’inaccessibilité relative excite la curiosité.
42Les toilettes sont le second espace liminaire étudié. Situées à l’extérieur du hangar, les femmes et les hommes doivent les partager et le risque est grand de s’y croiser. Pour y accéder, les femmes doivent traverser toute une partie de la bergerie, et se trouver, bien que de loin, dans le champ de visibilité des hommes. Certaines femmes décident de ne pas s’y rendre de la journée, d’autres y vont en groupe pour ne pas prendre le risque que l’une d’elles se retrouve seule avec un homme. Les interactions près des toilettes, bien qu’informelles elles aussi, sont très réglementées. Si un homme est visible près des toilettes, les femmes resteront en retrait, de préférence de dos. Si le croisement est inévitable, l’homme et la femme baisseront les yeux et il n’y aura pas de salutation. Cet espace liminaire, où la stricte non-mixité n’est plus possible, reste bien sûr un espace de contact mais la prescription d’un comportement pudique renforce la binarité des genres et calcifie les sexes. Par les termes de calcification des sexes, il faut entendre le processus qui fige l’idéalité de la norme de genre. Bien que l’idéalité d’une norme soit en permanence actualisée par la pratique sociale, les espaces liminaires de non-mixité semblent congeler les normes de genre pour prévenir une potentielle actualisation subversive. Pour Philippe Bonnin :
Franchir ces limites, et donc pratiquer un moment l’espace intermédiaire, c’est quitter un groupe social, un rôle, un statut, une pratique ou un moment de la pratique, pour opérer en soi et sur soi une transformation afin de se préparer au nouvel espace à venir, au nouvel univers que l’on va intégrer.
44C’est parce que l’espace liminaire n’est en aucun cas le lieu de passage d’un espace à un autre mais uniquement le lieu de séparation de deux sphères auquel tous les protagonistes ont accès, que nous ne pouvons lui attribuer toutes les qualités par lesquelles Philippe Bonnin le caractérise. Pratiquer l’espace liminaire pour les femmes comme pour les hommes de l’association Excellence ne revient pas à quitter un espace pour arriver dans un autre, mais permet de se rendre temporairement visible à l’Autre — celui de l’autre espace — pour mieux marquer sa différence et s’en retourner au sien. Les femmes ne changent pas de statut en rentrant dans l’espace liminaire, mais elles cherchent, à l’inverse, à retenir tout contre elles la moindre expression de leur féminité. L’espace liminaire n’est pas le lieu de la transformation mais celui de la préservation.
Un ‘tiers espace’ producteur de sujets pieux et sexués
45La création de sujets sexués ne peut se penser sans la création symbiotique de sujets pieux. Ce processus est particulièrement visible lorsqu’on s’attache à l’analyse de l’investissement des deux espaces, masculin et féminin, par les enfants. Si les enfants peuvent circuler dans les deux espaces de la bergerie, ils apprennent cependant très tôt la différenciation des sexes, notamment par l’incorporation de la piété. Par exemple, plusieurs fillettes âgées de 5 à 6 ans portent le voile. Beaucoup d’entre elles le perdront en jouant au cours de la journée. Le port du voile ne correspond pas à une obligation religieuse pour de si jeunes filles. Il s’agit bien là d’une socialisation à une féminité et à une piété. Ce co-apprentissage peut prendre une forme ludique et non coercitive. C’est le cas pour Chaïma, préadolescente de 10 ans à la puberté assez précoce. Devant aller aux toilettes « obligatoirement » comme elle me le dit fièrement à de nombreuses reprises, elle me fait part de son embarras pour s’y rendre et risquer d’y croiser un homme. Je lui propose alors de l’accompagner. Pour Chaïma, le parcours jusqu’aux toilettes en évitant les hommes devient alors un jeu un peu honteux mais très plaisant. Tout en s’amusant à adopter le comportement retenu adéquat, elle s’initie aux règles de la pudeur. Principe qui, dans un même temps, régit l’idéalité de la féminité musulmane et l’idéalité de la piété.
46Pour autant, la formation de sujets sexués et pieux peut relever d’un registre plus contraignant, comme en témoigne un extrait d’une conversation retranscrite dans le journal de terrain. Il s’agit de Daphné qui parle de sa fille, Tallia, âgée de 16 ans :
Elle me disait « Oh ils me soûlent ! » (rires). Comme quand en fait elle m’a dit que le président il lui a fait un geste comme quoi il fallait qu’elle s’en aille du rideau là. Et elle me dit : « Mais qu’est-ce qu’il a et tout !? » Et je lui dis : « Ben Tallia c’est parce que t’es une femme maintenant et il faut pas que tu te montres comme ça. T’es pas couverte ». On voyait un peu son… tu sais son décolleté quoi. Et j’ai dit : « Il faut pas que tu te montres c’est tout. Si toi t’as pas de mauvaises pensées, les hommes ils peuvent en avoir sur toi ».
48Le passage de l’enfance à l’adolescence peut être douloureux car il s’accompagne de restrictions liées à la révélation d’une identité sexuée. La liberté spatiale dont jouissaient les enfants n’est plus de mise et les adolescentes doivent se conformer à la normalisation des sexes. Il ne s’agit pas pour Tallia du premier avertissement. Quelques mois plus tôt, Daphné expliquait que, lors de la dernière rencontre, sa fille faisait la médiation entre hommes et femmes pour aller chercher une friteuse :
Une sœur l’a informée que d’autres sœurs se disaient que sa fille n’étant pas couverte, elle devait faire attention, car les hommes ne savaient pas que Tallia est une fille et non encore une femme. Elle a demandé que ces sœurs viennent lui parler et qu’elle leur dirait : « Est-ce que tu es née avec le foulard, toi ? » À chacun son cheminement, elle ne va pas obliger sa fille à faire quoi que ce soit.
50La normalisation des sexes s’accomplit par la surveillance pointilleuse de la conformité de chaque féminité. L’espace de ces rencontres est un tiers espace. Ni privé ni public, le tiers espace est un lieu de démonstration et de performance de l’orthopraxie. Ici les exigences sociales de piété sont supérieures à celles qui s’appliquent dans l’espace quotidien, et elles se renforcent par le regard des autres femmes, un regard éduqué qui approuve et condamne. Si ce terrain d’enquête peut rejoindre l’interprétation dominante du tiers espace comme un espace des marges, il est plus difficile d’affirmer qu’il puisse être un espace de transgressivité. Il s’agit bien ici de sujets ‘subalternes’ dont le mode de vie est un défi à la norme établie mais dont le contre-monde proposé ne contient que peu du renouveau et de la liberté implicite au concept de tiers espace (Westphal 2007). L’espace de ces rencontres est bien un lieu d’opposition, mais celle-ci prend corps dans l’assujettissement volontaire à des normes minoritaires, celles de la piété et de l’orthodoxie religieuse.
La calcification des normes, une illustration de la puissance d’agir
51Que nous apprend l’analyse de la calcification des normes de genre ? Il apparaît que ce processus est en partie le résultat d’un désir de soumission à certaines normes, notamment lorsque le respect de celles-ci est interprété comme une obligation par le/la croyante. Ce désir de soumission s’explique par le fait que ces normes sont pensées comme intrinsèquement bonnes — elles émanent directement de Dieu — mais elles sont souvent renforcées par des principes moraux telles l’égalité et la liberté. Par exemple, Hanen justifiera le port du hijab par respect de la prescription divine, mais consolidera son argumentaire en dénonçant le manque de respect dû à la femme et la dégradation de sa place dans la société. Bien souvent ce désir de soumission aux normes, surtout s’il est en lien avec une notion de divinité, est perçu comme une reproduction de la violence symbolique de la part des dominés sur eux-mêmes. Ce type d’analyse est le résultat des deux premiers présupposés énoncés par Saba Mahmood, à savoir la projection d’un désir inné de liberté comme constitutif de l’être humain, et l’idée que celui-ci tentera d’affirmer son autonomie dès qu’il le pourra (Mahmood 2009, p. 17). Ce serait ne pas prendre en compte les limites mêmes de toute notion d’autonomie qui conçoit l’individu comme seul et dégagé de toutes conditions sociales. L’autotomie est, en fait, un mode de vie socialement conditionné. Il apparaît à l’inverse que le désir de soumission aux normes est une forme de désir qui peut être aussi le moteur de la puissance d’agir. Ce désir prend corps dans un processus de consolidation des normes. Mais la réitération de la norme ne se fait jamais à l’identique, ce qui est strictement impossible. Dans sa volonté de suivre ce qu’il pense être l’idéalité d’une norme, le sujet la réidéalise, la réinstitue en permanence par sa pratique sociale. La calcification tente d’ôter toute variabilité culturelle à la norme en la présentant comme vérité intemporelle et inaltérable : elle est avant tout une pratique de conservation et de dissimulation, soutenue et régulée par divers moyens sociaux.
52Si, comme nous l’avons vu, la piété peut conduire à renforcer la norme de genre, il n’en demeure pas moins que le processus de calcification des normes peut être le résultat d’une puissance d’agir. Dans la mesure où les idéaux régulateurs maintiennent aussi la cohérence interne des sujets et de leurs identités, le désir de les conserver tels qu’ils nous permettent de vivre relève davantage de la logique de la survie que de celle du confort. Ainsi, les bénévoles de l’association Excellence apparaissent bien comme des sujets, de par la réitération rigoureuse et acharnée d’une piété ascétique — allant dans le sens d’une consolidation des normes régissant l’ordre du genre — comme condition de la réalisation de soi.
Bibliographie
Références
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- — (2009). Ces corps qui comptent. De la matérialité et des limites discursives du ‘sexe’. Paris, Éd. Amsterdam (trad. Charlotte Nordmann).
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- Ferrarese Estelle (2012). « bell hooks et le politique. La lutte, la souffrance et l’amour » [Lecture d’une œuvre]. Cahiers du genre, n° 52.
- Hervieu-Léger Danièle (1993). La religion pour mémoire. Paris, Éd. du Cerf.
- Lehman-Frisch Sonia (2009). « La ségrégation : une injustice spatiale ? Questions de recherche ». Annales de géographie, n° 665-666.
- Mahmood Saba (2009). Politique de la piété. Le féminisme à l’épreuve du renouveau islamique. Paris, La Découverte « Textes à l’appui. Genre & sexualité ».
- Westphal Bertrand (2007). La géocritique. Réel, fiction, espace. Paris, Minuit.
Mots-clés éditeurs : normes de genre, espaces non-mixtes, rôles sexués, islam, religion
Date de mise en ligne : 15/12/2014.
https://doi.org/10.3917/cdge.057.0183Notes
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[1]
L’analyse qui suit repose sur la participation aux activités de l’association pendant trois ans dans le cadre d’une observation à couvert. Cette méthodologie d’enquête est un choix par défaut, à la demande du président de l’association. Seule la présidente du comité de soutien féminin, Daphné, fut mise au courant et m’initia aux règles et aux codes prévalant au sein de cette petite communauté pieuse.
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[2]
Le niqab est un voile couvrant le visage à l’exception des yeux. Il a été couramment désigné en France par le terme ‘voile intégral’.
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[3]
Le jilbeb est un habit islamique couvrant l’intégralité du corps et ne laissant apparaître que l’ovale du visage.
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[4]
La oumma désigne la communauté des musulmans, indépendamment de leur nationalité, de leurs liens sanguins et des pouvoirs politiques qui les gouvernent. En découle une notion de solidarité entre les musulmans.
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[5]
La sociologue distingue trois principes dans la lignée croyante : l’expression d’un croire, la mémoire d’une continuité et la référence légitimatrice à une version autorisée de cette mémoire.
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[6]
Le hijab désigne le voile islamique. Ce dernier peut prendre des formes multiples mais, au sein de l’association étudiée, il s’agit couramment d’un foulard couvrant cheveux, oreilles, cou et poitrine, maintenu à l’aide d’épingles.