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Article de revue

Charges éducatives et rôle des femmes dans les familles recomposées

Pages 27 à 52

Notes

  • [1]
    Cette catégorie comprend les ménages ou foyers (households) où vivent les deux parents biologiques des enfants, mais aussi ceux où les parents sont adoptifs et ceux où ils ont eu recours à une procréation médicalement assistée.
  • [2]
    Les familles recomposées sont définies comme des foyers où un enfant cohabite avec un beau-parent, conjoint ou concubin de son parent (au sens défini précédemment).
  • [3]
    En ce qui concerne la méthodologie de l’enquête (Cadolle 1998), nous avons réalisé des entretiens qualitatifs auprès de 54 personnes au sujet de 60 relations beau-parent / bel-enfant. L’échantillon a été constitué à partir de coordonnées de personnes vivant en foyer recomposé, obtenues auprès d’enseignants de Seine-Saint-Denis : 30 adultes, mères, belles-mères, pères et beaux-pères, vivant ou ayant vécu dans un foyer avec un belenfant ; 24 jeunes (de 16 à 24 ans) vivant ou ayant vécu avec un beauparent. Nous les avons interrogés sur la première famille avant la séparation des parents, les modalités de la séparation et du divorce, la phase monoparentale, le mode de recomposition du nouveau couple, le mode de fonctionnement de la famille recomposée, l’évolution de la relation beau-parent bel-enfant, l’évolution des relations dans le réseau familial. Nous appelons beau-parent d’un bel-enfant le conjoint mais aussi le concubin d’un parent quand il y a, ou qu’il y a eu, cohabitation, au quotidien ou par intermittence. Lorsque nous citons un extrait d’entretien, nous conservons la syntaxe et le vocabulaire que notre interlocuteur a utilisés oralement.
  • [4]
    Mère qui monte la garde auprès de son enfant et tient le père à distance.
  • [5]
    Sauf dans 4 % environ des cas de divorces avec enfants, où les deux parents sont en conflit quant à la résidence habituelle de l’enfant.
  • [6]
    Cette terminologie, à laquelle nous recourons par souci de simplification, n’est plus adaptée au droit depuis la loi du 8 janvier 1993 qui établit le principe de l’autorité parentale conjointe après la désunion. Elle demeure néanmoins d’actualité dans les faits puisqu’il existe une « résidence habituelle de l’enfant ». Nous appellerons donc « parent non gardien », le parent qui dispose d’un droit de visite et d’hébergement et « beau-parent gardien », le beau-parent conjoint du parent chez qui est fixée la résidence habituelle de l’enfant.
  • [7]
    Le père, instituteur, a eu deux filles de son second mariage, demi-sœurs de notre interlocutrice. Dans nos entretiens, les demi-frères ou sœurs sont toujours désignés et considérés comme des frères ou sœurs par les jeunes interrogés.
  • [8]
    La recherche américaine utilise des indicateurs de niveau de bien-être, en recueillant des indices comportementaux, pour mesurer l’adaptation socio-émotionnelle, et la réussite de la socialisation : estime de soi, sûreté de soi, indépendance, performances scolaires, santé, absence de démêlés avec la police, d’usage de substances toxiques, de problèmes comportementaux.
  • [9]
    Leach, Browne (1992) ; Nitsch (1996) ; Pussey (1986 ; Ferdojoukh (1986). Pour une étude de ces représentations, voir Cadolle (2001ab).
  • [10]
    Le poids de ces normes est bien mis en évidence dans le roman de Brisac (1998), Week-end de chasse à la mère, où une femme séparée, qui passe le week-end de Noël en tête-à-tête avec son fils, suscite l’inquiétude et la réprobation générale.

1L’exacerbation de la concurrence scolaire et la vulgarisation de la psychologie de l’enfant aujourd’hui font de l’éducation des jeunes une source de soucis et de culpabilisation, et réclament un investissement en temps encore inédit de la part des parents. Ceux qui déplorent la démission de parents ignorent qu’aucune société dans l’histoire ne leur a autant demandé.

2Dans les sociétés traditionnelles, très jeunes, les enfants sont mélangés aux adultes et participent à la production. Le respect des règles et des interdits énoncés par les plus âgés est garanti par les châtiments corporels, la honte et la crainte, et par le contrôle de la communauté entière. Aujourd’hui, les tâches matérielles liées aux soins à donner aux jeunes enfants ont été facilitées par les progrès techniques, mais la diffusion de ce que la psychologie enseigne sur les conditions de leur développement optimal complexifie la tâche éducative.

3Par ailleurs, avant les années soixante-dix, l’échec scolaire n’était pas un enjeu social, il n’empêchait pas l’intégration professionnelle qui s’exerçait principalement à travers la transmission intergénérationnelle d’un savoir-faire. Et dans la bourgeoisie, où se pratiquait une scolarisation longue, c’est surtout l’internat qui était chargé d’éduquer les jeunes filles et jeunes gens.

4Actuellement, la réussite scolaire constitue une épreuve décisive pour les parents. L’inquiétude concernant l’avenir des enfants est intense, lorsqu’il s’agit de transmettre un patrimoine culturel devant se matérialiser par un diplôme, et non plus un patrimoine économique et un statut social. Les enfants étant soumis à une concurrence bien plus sévère que dans les années soixante-dix, le suivi de leur travail scolaire doit être organisé méthodiquement. Leur éducation représente un coût en temps et en argent supérieur à ce qu’il était il y a vingt ans, alors que les femmes continuent d’assurer l’essentiel du suivi préscolaire et scolaire de l’enfant. Aujourd’hui, on demande aux parents d’écouter l’enfant, de respecter sa singularité, d’éviter de le punir ou de le culpabiliser, mais on les somme de lui inculquer les règles de la vie collective pour préparer son intégration scolaire et sociale. Et l’échec scolaire est généralement attribué par les enseignants à des difficultés psychologiques d’origine familiale et à des carences éducatives, dont la mère porte la culpabilité.

5Dans ce contexte où la charge de l’éducation des enfants s’alourdit, la banalisation des séparations parentales et des recompositions familiales, entraîne une fragilisation du lien du père aux enfants. Les familles monoparentales inquiètent : les mères y sont soupçonnées d’être trop fusionnelles et de ne pas exercer suffisamment d’autorité. En revanche, les familles recomposées rassurent plutôt, elles seraient « les nouvelles tribus » où les enfants bénéficieraient d’une pluriparentalité.

6Il est intéressant, à ce titre, de comparer les familles à deux parents [1], les familles monoparentales et les familles recomposées [2], pour analyser sur qui reposent les devoirs et les charges qu’implique aujourd’hui le fait d’être parent. Les recompositions familiales sont-elles l’occasion d’expérimenter une parentalité novatrice où hommes et femmes s’investiraient à égalité dans l’éducation et le soin aux enfants ? Quel est l’effet des trajectoires familiales complexes sur les rapports sociaux de sexe, et comment les différentes phases — nucléaire, monoparentale ou recomposée — sont-elles vécues par les hommes, pères ou beaux-pères, et par les femmes, mères ou belles-mères, en ce qui concerne la charge éducative des enfants ?

7Pour apporter quelques éléments de réponse à ces questions, nous reprendrons à la fois la bibliographie des recherches américaines sur le sujet, et un corpus d’entretiens [3] réalisés en 1995-1997 auprès d’acteurs de recompositions familiales. Nous y analyserons ce qu’ils disent de leurs rôles respectifs auprès des enfants, pour définir le partage des rôles de genre dans les constellations familiales recomposées. Nous verrons alors si, en accord avec les conclusions de plusieurs études américaines, certains stéréotypes sur les différences entre foyers nucléaires, monoparentaux et recomposés, ne devraient pas être révisés.

Être mère, le devoir d’autorité

L’attribution de la résidence des enfants

8D’aucuns accusent les mères de tenir les enfants à l’écart des pères et d’empêcher ceux-ci d’exercer une paternité responsable. Une étude américaine récente (Allen, Hawkins 1998) considère que les représentations et le comportement de la mère contribuent à inhiber un plus grand engagement du père dans le travail domestique. D’après ces auteurs, dès le premier foyer, la mère est ambivalente quant à l’engagement du père aussi bien en ce qui concerne le travail ménager que les soins aux enfants. Elle décourage l’homme d’y prendre sa part en maintenant des standards trop élevés et en tenant à tout contrôler.

9Or, on peut se demander, avec d’autres auteurs, comment les mères seraient capables de limiter l’engagement des pères avec leurs enfants quand ces pères manifestent un fort intérêt pour eux. Ne sont-ils pas partie prenante de cette division des rôles ? De toute façon, même en acceptant les arguments d’Allen et Hawkins, relevons que d’après leur étude, seule une femme sur cinq de leur échantillon est décrite comme gatekeeper[4].

10On sait qu’en 1994, en France, plus d’un enfant de parents séparés sur deux voit son père moins d’une fois par mois (Villeneuve-Gokalp 1999). Les décisions relatives à la résidence de l’enfant, qu’elles soient prises à l’amiables (dans 95 % des cas) ou fassent l’objet d’un contentieux, prolongent le plus souvent le partage des rôles entre le père et la mère, qui a beaucoup moins évolué qu’on ne veut le faire croire. Les associations de pères divorcés oublient le fait que la résidence est confiée à la mère non par la volonté arbitraire des juges, mais parce que tel est l’accord mutuel des parents [5], qui prolonge une situation de fait (Belmokhtar 1999).

11Une mise au point énergique (Bertoia, Drakisch 1995) a été faite aux États-Unis pour dénoncer les contradictions entre la rhétorique des mouvements pour les droits des pères et leur pratique. Pour ces auteurs, les groupes qui assurent un lobbying en faveur des droits des pères en faisant appel à la justice et à l’égalité, et qui dans leur programme réclament le coparenting et la continuité des relations parents-enfants, cachent sous ces justes et respectables revendications de tout autres mobiles. En popularisant à travers les médias quelques injustices alléguées contre les pères, ces associations masquent la réalité des familles après-divorce. Si quelques femmes se font régler des pensions alimentaires excessives, la situation économique de la très grande majorité des mères se dégrade après le divorce, en sorte qu’elles se situent en dessous du seuil de pauvreté, alors que celle des hommes s’améliore nettement. En réalisant leur enquête sur les pratiques parentales de trente-deux membres de telles associations, les auteurs ont constaté que ces pères disent avoir aidé leur femme dans les soins aux enfants, mais que c’est leur femme qui avait toujours assuré l’essentiel de l’éducation et des tâches ménagères. La plupart de ces pères ne réclament pas vraiment de prendre leurs enfants chez eux. Ce qu’ils veulent, c’est le libre accès à leurs enfants ainsi que le contrôle de l’éducation donnée par la mère et de l’utilisation qu’elle fait de la pension. Il s’agit de faire pression pour continuer d’exercer le même type de paternité qu’avant le divorce, une paternité traditionnelle qui exerce un pouvoir sur la mère.

12Cela, beaucoup de femmes ne le supportent pas, le divorce marquant une étape dans leur autonomie vis-à-vis des hommes, alors qu’elles redoutent la supériorité que le père peut tirer de ses plus grandes ressources économiques vis-à-vis de leurs enfants.

Perte de contact entre le père non gardien et ses enfants

13En fait, si dans notre enquête, dans 42 cas sur 60, le père non gardien [6] est exclu ou s’exclut des responsabilités éducatives, c’est que la majorité des pères étaient déjà peu engagés dans l’éducation de leurs enfants dès leur première famille : « C’est ma mère qui nous a élevés » disent souvent les jeunes. Les pères, peu habitués à la gestion quotidienne et au tête-à-tête avec leurs enfants, se laissent facilement marginaliser devant les difficultés d’une relation intermittente. Devenus adolescents, ces derniers ont moins envie de se rendre chez leur père, qui ne cherche pas à les y contraindre. Dans les milieux populaires, où le partage des rôles de genre est plus rigide et où manquent les moyens matériels pour accueillir les enfants et leur offrir des loisirs, le lien des enfants à leur père est encore plus fragile.

14Avant la séparation, le père laissait à la mère l’essentiel des soins aux enfants. Après la séparation, il est souvent convenu qu’il voit ses enfants un week-end sur deux. L’une des jeunes filles interrogées raconte une évolution banale à ce propos :

15

Mon père s’y est tenu un moment, mais il n’y avait rien de vraiment réglé, et à partir de l’adolescence, on y a été de moins en moins, et mon père n’insistait pas trop. Il était content de nous voir, mais n’insistait pas pour nous réclamer.
(Étudiante, 19 ans)

16Bien sûr, certains pères sont empêchés d’exercer leur paternité par l’éloignement géographique, et quelques mères ont délibérément choisi l’éloignement par rapport à leur cadre de vie antérieur. Mais la perte de contact de la plupart des pères s’explique d’abord parce qu’ils ne s’astreignent pas à une régularité dans l’exercice de leur droit de visite. Ce sont les mères qui doivent s’organiser pour s’adapter aux aléas de l’interprétation fantaisiste du droit de visite par le père, et aider les enfants à supporter les déceptions qu’ils vivent souvent. En témoignent les assertions d’un beau-père à propos du père de ses beaux enfants — un tourneur de 40 ans :

17

Leur père ne les a très vite presque jamais pris. Il les a pris et a versé la pension les premiers mois. Il venait chercher ses enfants le dimanche pour déjeuner quand ça le prenait et sans prévenir.
(Enseignant, 45 ans)

18Une mère affirme de son côté :

19

Le père de mes enfants [un employé de 46 ans] les prend quand ça l’arrange. Il passe à la maison au besoin sans prévenir, leur apporte des croissants. L’autre jour, j’ai retrouvé un mot à la maison : ‘J’ai emmené Christophe manger des huîtres au restaurant, il rentrera à 21h’. En revanche, il n’exerce pas son droit de visite un week-end sur deux. Les enfants n’ont pas passé un week-end entier chez leur père depuis un an, il est rare qu’il les prenne plus d’une semaine pour les vacances. Mais il leur téléphone beaucoup. C’est quelqu’un qui fait les choses au moment où il en a envie. Il ne supporte pas les contraintes, de s’organiser à l’avance..
(Secrétaire, 42 ans)

20Les mères supportent souvent ces incertitudes qui font de l’organisation de la vie des familles recomposées un casse-tête éprouvant, parce qu’elles sont convaincues que l’intérêt de leurs enfants est de continuer à garder le contact avec leur père, quelqu’en soit le coût pour elles. La réaction des mères qui cherchent à marginaliser un père discrédité est rare dans notre enquête.

21Selon plusieurs études américaines (Thompson 1991, Marsiglio 1991, Seltzer 1994), un fort pourcentage de mères disent qu’elles aimeraient voir le père jouer un plus grand rôle dans l’éducation de leurs enfants. Les jeunes interrogés dans notre enquête affirment fréquemment que leur mère les pousse à garder le contact avec leur père, alors qu’ils n’en ont guère envie :

22

Mon père a demandé à nous revoir il y a un an, on n’avait pas trop envie. Ma mère nous a poussés à le revoir. Elle accepterait de recevoir nos petites sœurs[7].
(Lycéenne, 18 ans)

23Contrairement à la thèse des mères gatekeeping, les femmes valorisent en général et promeuvent activement les relations entre les enfants et leur père.

Ni suivi, ni surveillance de la part du père séparé

24Le père, même quand il exerce son droit de visite et règle une pension, abandonne presque toujours le suivi scolaire et la surveillance pour partager avec ses enfants des moments de détente et de loisirs. Que le père exerce régulièrement son droit de visite ne signifie pas qu’il continue à assurer des responsabilités éducatives. Beaucoup de pères n’exercent aucune autorité pendant les visites des enfants (Amato 1987 ; Furstenberg et alii 1983). Ils les emmènent au restaurant et au cinéma, mais ne suivent pas leur travail scolaire et ne cherchent pas à leur poser des limites, tout en dialoguant. Permissifs et indulgents, ils veulent d’abord leur faire plaisir. Parce que les liens qu’ils ont avec leurs enfants sont ténus, ils hésitent à imposer des règles et même à marquer leur désapprobation.

25En général, ils s’accommodent d’une situation qui leur procure le plaisir de la relation avec leurs enfants sans avoir à s’encombrer des contraintes éducatives au quotidien — contraintes dont ils n’ont parfois même pas conscience. Cette mère se plaignant du comportement de son ex-mari à l’égard de leur fils, constitue un exemple parmi d’autres :

26

Avec son père, Jonathan n’avait jamais de contraintes. Pas d’horaires, aucun travail scolaire, il mangeait ce qu’il voulait et se couchait quand il voulait. Et au retour, Jonathan était toujours pénible. Des crises, surtout que le dimanche soir, le travail n’était jamais fait… J’ai longtemps cautionné l’attitude de son père, maintenant j’en ai assez. […] Rony a toujours eu avec son fils une relation de copain, le traite comme un adulte. Dès qu’il a eu sept ans, il l’a emmené au cinéma voir des films qui l’intéressaient lui, pas seulement des films trop violents pour un enfant, mais aussi des films auxquels Jonathan ne comprenait rien. Son père le traite comme un adulte, s’en occupe au sens où il fait du sport avec lui, mais ne fait jamais acte d’autorité. Moi, j’assure tout le reste, depuis le début. La propreté, le travail scolaire, l’éducation quoi. J’ai le rôle méchant. Et j’ai toujours été disponible pour lui, rentrée à la maison à cinq heures, sauf exception. Au début Rony s’ennuyait dans son appartement à Suresnes, alors il prenait son fils trois ou quatre week-ends de suite du samedi midi au dimanche soir. Ensuite, il ne l’a plus pris trois semaines de suite, il fallait que j’assure, il me prévenait au dernier moment.
(Professeure, 39 ans)

27Alors que les psychanalystes accusent les mères de laisser leurs fils occuper une place qui n’est pas celle d’un enfant, il arrive peut-être souvent que les pères agissent comme des enfants et traitent ceux-ci comme des pairs.

28Seuls les pères séparés les plus motivés et compétents trouvent les moyens d’exercer une autorité et celle-ci est un excellent prédicteur des performances [8] des enfants. Deux analyses (Amato, Gilbreth 1999 ; Marsiglio et alii 2000), récapitulant les résultats de nombreuses études américaines fondées sur des enquêtes nationalement représentatives, ont cherché à déterminer quels facteurs étaient corrélés avec un meilleur niveau de bien-être et d’adaptation de l’enfant élevé en foyer monoparental avec sa mère.

29D’après leurs conclusions, les visites au père non gardien n’ont pas toujours un effet bénéfique pour les enfants. Sur vingt-quatre études incluant des données relatives à la fréquence des contacts père-enfants, dix seulement indiquent qu’une fréquence plus élevée de contacts prédit de façon significative un meilleur bien-être et une meilleure adaptation sociale de l’enfant. En revanche, les études qui analysent le comportement paternel (Marsiglio 1991 ; Barber 1994) établissent une corrélation entre l’autorité éducative dont font preuve les pères et le degré de bien-être de l’enfant. La qualité de l’éducation paternelle et le fait que le père impose une discipline cohérente diminuent les risques de problèmes de comportement et d’échec scolaire de l’enfant. Ces études montrent que ce n’est pas le temps passé par les pères non gardiens avec leurs enfants qui importe, mais la façon dont ils interagissent. Passer simplement du temps ensemble (aller au cinéma, au restaurant) n’est pas corrélé avec de meilleurs indices de bien-être. Malheureusement, le contact entre les pères non gardiens et leurs enfants tend à être plus récréatif qu’utile.

30Quand on les compare aux pères des foyers à deux parents, les pères non gardiens n’exercent pas d’autorité éducative, ils ne suivent pas le travail scolaire, instaurent et maintiennent moins de règles, contrôlent et surveillent moins leurs enfants. Et quand ils ne le font pas, ils ne contribuent pas de façon positive au bien-être et au succès de leur enfant. En effet, des visites régulières ne garantissent pas la qualité de la relation. Et les principales dimensions qui ont un effet positif sont le climat de coopération avec la mère, l’intensité des liens affectifs de l’enfant et de son père, mais aussi l’autorité exercée par l’adulte (Marsiglio et alii 2000). Les résultats montrent qu’un contact fréquent avec le père n’a pas en soi d’effets positifs détectables sur l’enfant alors que le paiement d’une pension a des effets positifs très nets à lui seul. Car les difficultés des enfants tiennent d’abord à la faiblesse économique du foyer à mère isolée. Mais si le père séparé n’aide guère la mère en ce qui concerne la charge éducative des enfants, c’est peut-être parce que le beau-père l’a remplacé dans ce rôle.

Le beau-père : une prudente abstention

31Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, lorsque la mère vit à nouveau en couple, seule une petite minorité de beaux-pères cherche à assumer des responsabilités éducatives vis-à-vis de leurs beaux-enfants. Comme dans les foyers monoparentaux, la charge éducative et matérielle des enfants repose encore plus lourdement sur la mère dans les foyers à deux parents.

32Nous avons vu que l’une des attentes sociales les plus importantes à l’égard des parents concerne le suivi scolaire des enfants, même si dans tous les milieux, en moyenne, les pères consacrent deux fois moins de temps que leur épouse à chaque enfant scolarisé et si 35 % déclarent ne jamais aider leur enfant (Héran 1994). Certains, comme F. — un animateur de 51 ans — « dépannent quand les enfants demandent quelque chose ». Mais, dans leur majorité, les beaux-pères de notre enquête ne s’occupent pas du tout du travail scolaire, tandis qu’un sur trois interroge l’enfant sur ses notes, comme le déclare une femme à propos de son actuel mari :

33

Il ne s’occupe pas de l’école. Pas de pression sur les résultats, pas beaucoup des tâches ménagères. Pour la maison, il n’aide pas, il débouche les bouteilles de vin. Il était content d’apprendre à Christophe à ouvrir les huîtres.
(Secrétaire, 43 ans)

34Huit beaux-pères (sur 28), tous gardiens, cherchent à exercer une réelle autorité sur leur bel-enfant. Ils sont tous arrivés au foyer quand celui-ci avait moins de 10 ans. Cette autorité n’est pas toujours acceptée, même s’ils ont leur mot à dire parce que les décisions éducatives sont prises par la mère qui les consulte et tient compte de leur avis. Pour cinq d’entre eux, il s’agit clairement de se substituer à un père plus ou moins défaillant. Mais beaucoup de jeunes ressentent comme une provocation le fait que leur beau-père prétende décider de leurs sorties, et plus de la moitié des beaux-parents sont présentés comme n’ayant ni autorité ni influence sur leurs beaux enfants. Un étudiant déclare à propos de son beau-père, qui exerce la profession de commerçant :

35

Dès qu’il se permet de faire une réflexion, je le remets à sa place, je lui dis qu’il n’est pas de ma famille, que j’ai deux parents. Il n’a aucune autorité sur moi, ce qu’il pense, je m’en fous.
(21 ans)

36Aussi la grande majorité des beaux-pères s’abstiennent d’intervenir. Ils investissent leur temps et leur énergie dans leur vie professionnelle et sont moins présents à la maison que leur femme, à qui ils laissent le soin exclusif de l’éducation de ses enfants. Cela suffit à assurer une coexistence pacifique, qui peut s’avérer agréable lorsqu’il y a sympathie. « Il est une présence rassurante, mais il ne s’occupe de rien. Il n’intervient presque pas. Il ne participe pas du tout à l’éducation des enfants, il subit leur présence de manière très gentille », affirme une femme sans profession de 38 ans au sujet de son époux, directeur de société. Elle ajoute : « Les enfants n’ont aucune autre autorité que moi, c’est lourd, c’est épuisant, j’assume, mais j’ai un sentiment de révolte intense ». Cet exemple illustre le fait que les mères subissent souvent cette situation qu’elles n’ont pas voulue et où elles ne sont relayées ni par le père, ni par le beau-père. Lorsqu’ils arrivent à établir un lien affectif chaleureux avec leur bel-enfant, la plupart des beaux-pères évitent en effet de trop s’impliquer dans un rôle parental et ne cherchent jamais à avoir un rôle d’autorité avec leur belenfant.

37Par conséquent, que ce soit parce que certaines femmes l’ont en partie cherché, ou en raison du nouveau modèle de coparentalité interdisant au beau-père d’usurper la place du père (Théry 1998), devant la démission de ce dernier et la prudente réserve du beau-père, la mère endosse le plus souvent seule la lourde charge des enfants.

Être belle-mère ou le dévouement requis

38En 1994, en France, 8,6 % des enfants de parents séparés habitent avec leur père (Villeneuve-Gokalp 1999), qui dans la majorité des cas, vit de nouveau en couple — les hommes reforment un couple plus vite et davantage que les femmes. Ainsi, 5,3 % des enfants de parents séparés vivent régulièrement avec une belle-mère, et 3,2 % en foyer monoparental avec le père. Ce sont souvent des adolescents. Les pères, nous l’avons vu, n’ont pas l’habitude d’être seuls avec leurs enfants, sans les consignes ou les suggestions de la mère. Dans les familles recomposées par le père, le partage des tâches selon le genre apparaît tout à fait conforme à ce qu’il est dans une famille traditionnelle, et les pères qui revivent en couple ne s’occupent pas davantage des besoins quotidiens de leurs enfants. En majorité, ils s’en remettent à leur femme. Quand on analyse comment la charge de l’enfant ou de l’adolescent est assumée dans ces familles-là, on constate que le père incite la belle-mère à se substituer à la mère. On est donc en droit de se demander si la revendication des pères de se voir attribuer la résidence de leurs enfants n’aboutirait pas à ce que les belles-mères assurent l’essentiel du travail quotidien. Cela suppose qu’elles éprouvent à l’égard de leurs beaux enfants une affection assez forte pour rendre léger le dévouement traditionnellement attendu de la part des mères.

L’image d’une mère idéale

39C’est l’ensemble de la société qui assigne à la belle-mère un rôle impossible de mère idéale. La littérature enfantine a toujours eu pour fonction de transmettre aux enfants les valeurs de la société dans laquelle ils ont à s’intégrer, et elle offre un exemple emblématique des représentations et des normes sociales diffusées aujourd’hui, implicitement ou explicitement. Depuis une vingtaine d’années, les livres pour enfants prennent le contre-pied des stéréotypes des contes et de la littérature traditionnelle. Ils définissent de nouvelles normes familiales, selon lesquelles la famille recomposée est une vraie famille, préférable à la famille monoparentale. Un renversement s’est opéré dans l’image que les auteurs de livres pour enfants présentent du beau-parent [9] : celui-ci apparaît dans la littérature de jeunesse comme un parent idéal. Jadis, la marâtre était infidèle, dévoyée comme Phèdre, jalouse de sa belle-fille comme la reine de Blanche-neige, ou partiale comme la belle-mère de Cendrillon. Elle était cupide, cruelle, et hypocrite.

40La belle-mère d’aujourd’hui, au contraire, gagne à être connue, elle a tant de qualités ! Elle est patiente, attentive, généreuse, elle fait des gâteaux, elle protège le petit garçon qui se fait agresser par ses copains. Elle est discrète, gaie et chaleureuse, tendre et câline. Elle est franche et on peut s’expliquer. C’est une marraine-fée… Elle présente toutes les qualités de dévouement et d’oblativité de la maman traditionnelle, moins l’autorité, inutile puisqu’on ne peut résister à son amour.

41Confrontés à l’effondrement des anciennes normes, inquiets devant des situations inédites, téléspectateurs et lecteurs cherchent des repères et des conseils à propos de leur vie privée dans les médias et les livres s’adressant au grand public. C’est là que sont précisées les règles permettant de réussir une recomposition familiale, et indiquant comment doit se comporter un beau-parent. La presse féminine conseille un infatigable dévouement aux célibataires amoureuses d’un homme déjà père, comme en atteste cet extrait d’un article de la journaliste Valérie Rodrigue :

42

À nous de nous fondre dans le paysage avec la disponibilité joviale d’une baby-sitter. Les enfants passent leur commande de distractions au papa qui marche dans tous les coups. Eux ont envie de tas de choses et des activités pour moins de 12 ans, on va en faire des tonnes tout le week-end.
(Cosmopolitan 1997)

43Quand on analyse les ouvrages figurant au rayon « développement personnel » des librairies, et qui donnent des conseils sur l’art de vivre en famille recomposée, on constate que tous font appel aux plus hautes qualités morales des adultes concernés, et spécialement de la belle-mère. « L’Amour dans la famille recomposée », écrit par une belle-mère canadienne, énonce les recettes moralisatrices de savoir-aimer que doivent suivre les belles-mères. Le secret, c’est de changer son regard sur son mari, ses enfants, et les nôtres, affirme l’auteure :

44

J’ai dû me rendre à l’évidence que j’étais beaucoup plus tolérante envers mes propres enfants. J’en étais tout à fait consciente et j’étais terrifiée à l’idée que ceux-ci puissent s’en apercevoir. Comme il m’était difficile d’être juste et équitable ! Mais en réprimant ainsi mon irritation, je devenais plus nerveuse et comme je sentais que je ne devais pas exprimer ma colère contre les enfants de David, personne ne comprenait pourquoi j’étais tendue… Cependant le travail que j’ai dû faire pour réparer mes fautes et la difficulté que j’ai eue à les reconnaître sincèrement m’ont amenée à une véritable compréhension de la responsabilité qui sous-tend l’amour et du prix à payer.
(Clubb 1995, p. 82)

45Amour, honnêteté, loyauté, flexibilité, respect, coopération, générosité, compréhension, sont les mots qui reviennent sans cesse et qui expriment une vision volontariste et moraliste du rôle de la belle-mère. Le livre canadien est caricatural, mais met en lumière à quel point on fait souvent, à propos des conditions de réussite de la recomposition, l’apologie du sacrifice, de la patience, et d’une générosité qui implique cet oubli de soi et ce sens du devoir si spécifiquement féminins. Être une belle-mère acceptable demande des qualités morales et une habileté relationnelle exceptionnelle à celle qui aspirait au bonheur amoureux :

46

Quand la belle-mère aura rempli toutes les conditions nécessaires et établi cette merveilleuse complicité, elle se rendra compte avec effarement qu’elle est devenue tout ce qu’elle reprochait à sa propre mère : une femme soumise…
(Laufer 1996, p. 157)

La belle-mère en première ligne

47Dans les faits, l’affection d’une belle-mère pour son belenfant n’est pas toujours instantanée ni réciproque, d’autant qu’il est le représentant de l’union précédente, souvent très lié à sa mère et peu disposé à aimer celle qui en a pris la place — dont il estime peut-être même qu’elle lui a « volé son père ». Une jeune belle-mère explique :

48

Je m’occupe d’elle matériellement, mais je laisse son père la conduire à l’école, voir sa maîtresse, j’estime que c’est à son père de le faire. Le matin, je la coiffe, je l’habille. Je joue le rôle d’une baby-sitter. Je le fais plus par devoir que par affection.
(Commerciale, 28 ans)

49Mais une belle-mère ne peut pas se tenir à l’arrière-plan, comme le ferait un beau-père, car il faut bien que quelqu’un s’occupe de l’enfant, et le père est parfois incapable d’assurer ce rôle :

50

C’est moi qui assume de toute façon, même s’il m’aide un peu. On a un partage très traditionnel des rôles. Je me tiens au courant du scolaire, c’est mon domaine réservé alors que Michel ne s’occupe jamais du scolaire, ni pour sa fille, ni pour nos garçons. Michel ne demande pas, n’ose pas. Moi, je demande et elle me répond. Michel est incapable de dire quoi que ce soit à sa fille, comme si elle n’allait plus revenir s’il disait quelque chose. La fréquence des visites suffit, je crois. Il ne s’occupe pas particulièrement d’elle quand elle est là. Il ne cherche pas à partager d’activités avec elle, moi si. Et c’est souvent moi qui fais les déplacements pour aller la chercher.
(Institutrice, 34 ans)

51La belle-mère qui doit accueillir ses beaux enfants à son foyer car son conjoint en a la garde est souvent cantonnée à une gestion ménagère alourdie. Confrontée à la tâche impossible de remplacer la mère, elle ne reçoit pas toujours de gratification affective en retour du dévouement qu’on attend d’elle. Parfois, la mère propose elle-même au père qu’il prenne l’un des enfants chez lui, provisoirement ou non. L’accord de la belle-mère n’est même pas toujours requis pour changer les modalités de résidence. Mais le père est souvent peu disponible, ou n’a pas l’habitude de s’occuper lui-même matériellement de ses enfants, ni d’assurer leur suivi au quotidien.

52L’une des belles-mères rencontrées a dû accueillir sa belle-fille chez elle sans avoir été consultée, car il est inenvisageable de refuser à un père et son enfant le bonheur de vivre ensemble :

53

Ce n’était pas facile toujours pour moi. Le fait qu’ils soient présents tous les week-ends, ce n’était pas évident, j’aurais aimé qu’on ait parfois des week-ends. Et puis les vacances, toujours avec les enfants… Entre 16 et 18 ans, Christelle est venue habiter chez nous. Elle s’imaginait qu’elle serait plus libre. Un soir elle est arrivée. Sa mère a pris cela très mal. Je n’ai pas pris cela très bien. Le fait de ne pas être consultée, c’était comme ça et pas autrement, je n’avais pas le choix. Lui avait envie d’accueillir sa fille. Il n’y a pas eu de réflexion. Il y avait mon angoisse à la voir arriver et la culpabilité à ne pas l’accueillir. Francis n’aide pas beaucoup. Il se déchargeait un peu sur moi. Je m’occupais de son travail scolaire. Si c’était à refaire, je n’accepterais pas qu’elle vienne à la maison, parce que ça ne l’a pas aidée. Elle cherchait son père et elle ne l’a pas trouvé. Il était trop pris et pas très à l’aise avec sa fille. Après deux ans avec nous, elle est partie. J’en avais marre de son insolence. Elle ment beaucoup. Un jour, elle me répond sur un tel ton, c’était une telle accumulation de petites choses, je l’ai giflée et on s’est crêpé le chignon, elle hurlait et elle est partie en claquant la porte, elle est retournée chez sa mère. Je me suis rongée pour rien.
(Employée municipale, 36 ans)

54La venue de Christelle n’a pas entraîné la rupture du couple de son père, ce qui est parfois le cas. Le père ne comprend pas que le dévouement, « naturel » chez une mère, soit moins facile pour une belle-mère qui n’en est pas souvent gratifiée affectivement, et que le bel-enfant oubliera en cas d’échec du couple, si le père et elle se séparent.

55Mais il y a des belles-mères reconnues et valorisées par leur compagnon. C’est parce qu’elle a passé un véritable contrat avec le père et la mère de l’enfant que Pascale a obtenu d’être cautionnée dans son autorité éducative par les deux parents. Soulignons qu’elle consacre énormément de temps à son beau-fils :

56

Ce qui est négatif pour moi, c’est de tenir ce rôle, c’est lourd Romain a demandé beaucoup de présence, surtout au début, car il n’était pas autonome du tout. En cinquième, il n’avait aucune organisation. Je déposais la petite dans la chambre de Romain, et pendant deux heures, j’étais derrière lui. Je ne peux compter sur son père ni pour ça, ni pour les tâches ménagères. Bien sûr, Romain, c’est un surcroît. C’est moi qui lui achète ses vêtements, qui l’emmène chez le médecin, j’ai le carnet de santé. On n’a aucun conflit de couple à son sujet. Mon mari a bien compris que j’élevais Romain, alors il n’avait qu’à me suivre.
(Institutrice, 34 ans)

57Pourtant, Pascale travaille. Mais il semble normal que les horaires dont elle bénéficie lui permettent de prendre en charge l’éducation du fils de son mari en plus de celle de leur enfant commun. La plupart des belles-mères de mon enquête ne remettent pas en cause leur rôle auprès de leurs beaux enfants : « Je me sens plein de devoirs vis-à-vis d’eux, plein de responsabilités. Je ne veux pas être un obstacle entre lui et ses enfants », dit une secrétaire de 32 ans. Plusieurs d’entre elles ont aidé le père à se rapprocher de son enfant. C’est le cas de Pascale, l’institutrice dont il est question plus haut, qui a accepté de prendre le fils de son compagnon à son foyer : « Je crois que j’ai aidé Daniel à devenir père. On en a énormément discuté ».

58Pour sa part, une jeune fille est reconnaissante à sa belle-mère :

59

Elle a été la médiatrice entre mon père et moi. Un jour, elle m’a dit « J’ai déjà vu ton père pleurer parce que tu lui manques ». Cela a été pour moi une découverte, une révélation. Elle a contribué à lever les malentendus. Elle me montrait que c’était possible de dire que la situation était difficile.
(Étudiante, 21 ans)

60Quand les sentiments passent difficilement entre un père et son enfant adolescent, il arrive que la belle-mère joue un rôle positif décisif :

61

C’est ma belle-mère qui a tout fait pour me rapprocher de mon père. Sans elle, je n’y serais plus allée. Il n’y avait pas de dialogue avec mon père. Il n’y a que depuis deux ou trois ans que je parle avec lui, grâce à Ghislaine.
(Lycéenne, 17 ans)

62Quand la mère n’est plus cette médiatrice entre le père et ses enfants qu’elle a appris à être, il arrive que la belle-mère pallie son absence et joue ce rôle. On sait que c’est sur les femmes que repose la charge de faire vivre les liens familiaux. Les belles-mères aussi se comportent ainsi avec leurs beaux-enfants devenus grands.

63Dans une étude sur les femmes remariées à des hommes de plus de 60 ans, Vinick et Lanspery (1998) décrivent les belles-mères comme reconstruisant les liens de la famille désunie : elles travaillent à établir un contact amical avec des enfants adultes qui sont hostiles à leurs pères, elles encouragent leur mari à faire signe à leurs enfants, leur rappelant de téléphoner, faisant des invitations, ou communiquant directement avec leurs beaux-enfants.

L’absence d’autorité du père

64Ce dont les belles-mères se plaignent presque toutes, c’est que les pères — que leurs enfants résident ou non avec eux après la séparation d’avec la mère — n’exercent pas d’autorité sur ces derniers :

65

L’autorité c’est pas son truc. Il ne leur impose qu’un minimum. Il pense que si ça ne le dérange pas, il vaut mieux être gentil. Sa fille n’aime pas l’omelette salée, il la lui sucre. Moi je pense qu’il fallait qu’il s’impose davantage pour l’éducation des filles. Il est trop gentil.
(Secrétaire, 36 ans)

66La séparation met le père en situation de faiblesse devant un enfant dont il veut être aimé et qu’il a peur de perdre : « Je trouve qu’il laisse Sophie faire un peu trop de caprices, il a eu tellement peur que sa petite fille l’oublie », dit une secrétaire de 32 ans. De son côté, le père d’Amandine, qui vit en couple avec Julie depuis 5 ans et a sa fille en résidence alternée, témoigne du rôle difficile imparti à la belle-mère :

67

Julie s’implique beaucoup avec Amandine, elle participe aux devoirs. Elle joue plus que moi. Elle parle beaucoup avec elle. Elle est bonne éducatrice, elle passe beaucoup de temps à lui expliquer l’actualité. Elles ont de l’affection l’une pour l’autre. Il y a des conflits entre elles. Julie lui demande de ranger, de bien se tenir à table. Je n’ai pas les mêmes exigences. Elle punit. Pour que sa chambre soit rangée, ses vêtements, elle lui interdit de regarder la télé, elle la félicite. Je ne cautionne pas Julie quand je la trouve trop sévère. Il y a un conflit récurrent entre nous à cause de la bonne éducation. Ce sont pour moi des problèmes mineurs qui peuvent être dépassés. De façon systématique, je prends la défense de ma fille. Pour moi, il ne devrait pas y avoir de différence entre le rôle d’une belle-mère et celui d’une mère.
(Cadre de banque, 42 ans)

68Ainsi ce père s’attend à ce que sa compagne s’occupe d’Amandine comme si elle était sa mère. Il trouve donc normales la patience et la disponibilité de Julie à l’égard d’Amandine. Et il juge sa femme trop sévère dans ses exigences quant au savoir-vivre. Une belle-mère doit être plus disponible que le père, plus pédagogue, mais elle doit être indulgente et ne pas faire preuve d’autorité sous peine d’être déjugée par le père.

69Dans certains cas, quand les enfants sont difficiles et perturbés, cette faiblesse du père a des effets dramatiques, et la situation devient un cauchemar pour la belle-mère agressée dans l’intimité de sa maison par des adolescents hostiles, qui récusent violemment son autorité mais devant qui leur père cède ou s’efface systématiquement :

70

Les devoirs étaient un problème. Le samedi, leur père était absent, je lui disais de voir avec eux ce qu’ils devaient faire le samedi après-midi. Leur père ne le faisait jamais et le dimanche après-midi, c’était la crise… Il ne pensait pas à l’avance à leur organiser des vacances, alors, ou bien il les laissait à des amis, ou bien c’était leur mère qui leur prenait des séjours linguistiques très chers, et leur père devait payer. Je le poussais à prendre ses enfants en vacances, seul avec eux, mais il n’aimait pas ça, il avait besoin de moi. Eux ont le sentiment que leur père ne s’occupe pas d’eux. J’ai pris un mi-temps pendant que les enfants étaient là, car je ne voulais pas qu’ils soient seuls à la maison. Etienne, par exemple, jouait à faire des feux, et je n’étais pas tranquille de les laisser. Je rentrais toujours plus tôt que leur père et il était absent le mercredi et le samedi. C’est moi qui faisais tout à la maison sauf la vaisselle que faisait leur père. Étienne et Pierre ne rangeaient jamais rien. Ils faisaient un gâchis de vêtements, jetant leur linge sale sous les meubles. Non seulement leur père ne me cautionnait pas, mais il ne réagissait à rien, ce qui était difficilement supportable. En vacances, ils faisaient le bazar jusqu’à une heure, deux heures du matin. Leur père monte râler quand j’insiste, mais ça n’a aucun effet. À la fin, ça fatigue.
(Enseignante, 47 ans)

71Elisabeth, une vendeuse de 41 ans, considère pour sa part qu’elle s’est sacrifiée pour rien et que sa relation à son beau-fils est un échec : « Il est souvent très violent, il m’injurie dès que je fais un reproche. Ici, c’est son hôtel, sa chambre. Son père ne dit rien. Je me suis fait une carapace, mais ça fait quand même très mal. » En l’occurrence, le père laisse la belle-mère réagir devant les problèmes que pose le comportement d’un adolescent souvent difficile, et cherche à ne rien voir ni entendre le plus longtemps possible.

Les femmes et la charge des enfants

Les préjugés contre la monoparentalité

72C’est sur les mères seules que se sont concentrées aujourd’hui « les représentations de l’anormalité familiale » (Lefaucheur 1993). Si les normes morales qui stigmatisaient les filles mères ont disparu, elles ont été remplacées par des normes psychologiques plus insidieuses, mais aussi culpabilisantes pour les mères [10]. Les psychologues, se fondant sur des données cliniques difficilement généralisables, ont repris la thèse de Dolto des années soixante-dix selon laquelle un enfant serait mieux avec un parent « recouplé ». Un pédopsychiatre (Duché 1983) estime par exemple que :

73

Lorsque l’un des conjoints reste seul, c’est qu’il n’a pas fait le deuil de l’autre et que la cellule familiale ainsi réduite se ratatine en un microcosme enfermé sur lui-même. L’enfant risque alors de former avec sa mère, surtout lorsqu’il s’agit d’un garçon, un couple quasi incestueux.
(p. 135)

74Aldo Naouri, quant à lui, va jusqu’à écrire :

75

Si j’étais un homme qui divorçait de sa femme, ma grande préoccupation serait qu’elle retrouve, le plus tôt possible, un autre homme qui la satisfasse. Et ce, pour le bonheur de mes enfants.
(1994, p. 71)

76En effet d’après lui, les mères ont évacué la place du père parce que « dans leur désir de jouir de leur enfant, elles n’ont plus supporté qu’un homme vienne faire loi pour elles ». Aussi, leur relation sera-t-elle incestueuse « même sans passage à l’acte ». C’est que, pour la plupart des psychologues, la mère materne : à elle l’amour inconditionnel, la proximité physique, elle est du côté de l’imaginaire. Le père, lui, est nécessairement du côté de la loi, de la culture, de l’échange, du symbolique, alors que les enquêtes sociologiques montrent que la majorité des pères actuels, ne peuvent plus ou ne veulent plus exercer d’autorité sur leurs enfants, à l’exception des immigrés confrontés à des problèmes plus complexes lorsqu’un conflit interculturel existe. Ils ne s’impliquent guère dans le suivi quotidien. Soutenir que le rôle du père est de séparer la mère de son enfant, néglige à quel point le travail éducatif nécessite, surtout aujourd’hui, disponibilité et attention de la part des parents — une disponibilité que les pères ne sont pas préparés à accorder à leurs enfants.

77Recomposer une famille est censé être le signe que l’on a dépassé les séquelles négatives de la séparation, que l’on offre à ses enfants une structure familiale proche du modèle traditionnel et donc conforme à son intérêt. Les femmes, presque exclusivement, puisque ce sont elles qui ont la garde des enfants (Villeneuve-Gokalp 1999), ont à faire face à ce jugement méfiant de l’opinion et particulièrement des enseignants, qui s’attendent à des problèmes psychologiques et comportementaux chez les enfants élevés dans un foyer monoparental.

78Pourtant, comme nous l’avons vu plus haut, les recherches américaines montrent que les enfants vivant avec un beau-père ne s’en tirent pas mieux que les enfants élevés par leur mère dans un foyer monoparental, alors que le handicap économique compte beaucoup dans les difficultés des enfants de ces foyers. Les auteurs pensent que dans les foyers où la mère vit avec un beau-père ou un concubin, les enfants bénéficient de moins de soins maternels, le temps de la mère étant accaparé par sa nouvelle relation. Sur une période de trente ans, les enfants de familles à mère seule réussissent mieux que ceux élevés dans des familles à père seul ou à beauparent, à niveau socio-économique égal (Hanson, McLanahan 1996). On pense généralement que le manque d’hommes est particulièrement mauvais pour les garçons.

79Bien que les occupations « viriles » soient plus nombreuses pour eux que dans les familles à mère seule, leurs indices de bien-être ne sont pas meilleurs, ils sont même inférieurs dans certains cas. Certes, il peut s’agir pour eux des effets du décès ou de la carence de leur mère, qui sont plus souvent à l’origine de la résidence de l’enfant avec son père, que le décès ou la carence du père n’est à l’origine de la résidence avec la mère. Néanmoins ces conclusions remettent en question le stéréotype de la « pathologie de la mère seule ».

80L’expression famille monoparentale fige comme catégorie sociale à risque des foyers très divers, sociologiquement et économiquement. Or, si globalement les ménages monoparentaux sont vulnérables du fait de l’infériorité des salaires féminins et des difficultés d’accès à l’emploi qui frappent prioritairement les femmes, le niveau socioculturel de la femme chef de famille est déterminant. La perte ou l’absence du lien conjugal peut précipiter dans la précarité les femmes chargées d’enfants qui disposent d’un faible niveau de qualification. Mais dans les milieux mieux dotés économiquement et culturellement, la vie hors couple n’a que peu d’effets sur la socialité de la mère, le niveau de vie des enfants subit une baisse moins décisive, et ils pâtissent peu de la monoparentalité. Pour la plupart d’entre eux, la monoparentalité maternelle, si elle dégrade leur niveau de vie, ne change pas grand-chose à leur éducation. Et le fait que leur mère revive en couple n’apporte d’améliorations décisives qu’en ce qui concerne leur niveau de vie. Même si elle travaille, c’est leur mère qui les élève depuis leur naissance, et, avant même la séparation de leurs parents, ils avaient avec leur père un lien de moindre proximité, du fait de sa moindre disponibilité.

Les conditions d’une coparentalité

81Ainsi, l’un des résultats les plus nets de notre enquête est que les nouvelles trajectoires familiales ne font qu’accentuer les rôles de genre traditionnels. Les pères, même séparés, sont rarement des « nouveaux pères », surtout dans les milieux moins dotés culturellement. Il est fréquent que, pardelà la séparation, ils ne poursuivent pas auprès de leurs enfants un engagement déjà faible dans le premier foyer. Dans la très grande majorité des cas, la maternité n’a pas pour les femmes le même sens que la paternité pour les hommes : nombre d’entre eux considèrent encore cette dernière comme une institution inséparable du couple. Alors que les beaux-pères n’éprouvent pas une grande responsabilité à l’égard de leurs beaux enfants, les pères remariés qui accueillent leurs enfants, eux, laissent souvent à leur nouvelle femme le soin de remplacer la mère — même si notre système de parenté est rétif à la pluriparentalité (Fine 2001), et si la belle-mère ne doit pas prétendre être aimée comme la mère (Théry, Dhavernas 1991). Concrètement, on observe donc une monoparentalité éducative de la mère dans tous les types de familles, et tout au long de la trajectoire familiale — parfois complexe — des enfants.

82Induit par l’évolution de la famille contemporaine et la précarisation des couples, un idéal de coparentalité se diffuse aujourd’hui sans qu’il soit fréquemment concrétisé dans les faits. La condition de sa réalisation serait une nouvelle évolution du partage des rôles de genre entre pères et mères dès la naissance des enfants. Elle rendrait possible soit la double résidence de l’enfant, soit le fait que l’enfant résidant chez sa mère puisse continuer à bénéficier du soutien financier et éducatif de son père. C’est généralement le cas lorsque celui-ci était déjà très engagé dans ses responsabilités parentales avant la séparation. On pourrait alors parler de famille bifocale. La nouvelle matricentralité que l’on observe aujourd’hui (Cadolle 2000) pénalise particulièrement les femmes et les enfants de milieu populaire. Elle est induite par les représentations selon lesquelles les mères appartiennent à leurs enfants. Cependant que les femmes choisissent ou acceptent des horaires ou des conditions de travail susceptibles d’être compatibles avec le suivi des enfants, les pères, dans leur majorité, n’ont pas encore intériorisé la responsabilité parentale inconditionnelle, prioritaire, et indépendante du couple, que les mères ont apprise au cours du xixe siècle. Tout ce qui contribue à fragiliser le lien du père à ses enfants, enferme davantage les femmes dans la sphère domestique. En conclusion, on peut affirmer que la complexification des trajectoires conjugales et une accentuation matrilinéaire de notre système de parenté s’accompagnent d’un alourdissement de la charge des enfants pour les femmes.

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Date de mise en ligne : 01/02/2012

https://doi.org/10.3917/cdge.030.0027

Notes

  • [1]
    Cette catégorie comprend les ménages ou foyers (households) où vivent les deux parents biologiques des enfants, mais aussi ceux où les parents sont adoptifs et ceux où ils ont eu recours à une procréation médicalement assistée.
  • [2]
    Les familles recomposées sont définies comme des foyers où un enfant cohabite avec un beau-parent, conjoint ou concubin de son parent (au sens défini précédemment).
  • [3]
    En ce qui concerne la méthodologie de l’enquête (Cadolle 1998), nous avons réalisé des entretiens qualitatifs auprès de 54 personnes au sujet de 60 relations beau-parent / bel-enfant. L’échantillon a été constitué à partir de coordonnées de personnes vivant en foyer recomposé, obtenues auprès d’enseignants de Seine-Saint-Denis : 30 adultes, mères, belles-mères, pères et beaux-pères, vivant ou ayant vécu dans un foyer avec un belenfant ; 24 jeunes (de 16 à 24 ans) vivant ou ayant vécu avec un beauparent. Nous les avons interrogés sur la première famille avant la séparation des parents, les modalités de la séparation et du divorce, la phase monoparentale, le mode de recomposition du nouveau couple, le mode de fonctionnement de la famille recomposée, l’évolution de la relation beau-parent bel-enfant, l’évolution des relations dans le réseau familial. Nous appelons beau-parent d’un bel-enfant le conjoint mais aussi le concubin d’un parent quand il y a, ou qu’il y a eu, cohabitation, au quotidien ou par intermittence. Lorsque nous citons un extrait d’entretien, nous conservons la syntaxe et le vocabulaire que notre interlocuteur a utilisés oralement.
  • [4]
    Mère qui monte la garde auprès de son enfant et tient le père à distance.
  • [5]
    Sauf dans 4 % environ des cas de divorces avec enfants, où les deux parents sont en conflit quant à la résidence habituelle de l’enfant.
  • [6]
    Cette terminologie, à laquelle nous recourons par souci de simplification, n’est plus adaptée au droit depuis la loi du 8 janvier 1993 qui établit le principe de l’autorité parentale conjointe après la désunion. Elle demeure néanmoins d’actualité dans les faits puisqu’il existe une « résidence habituelle de l’enfant ». Nous appellerons donc « parent non gardien », le parent qui dispose d’un droit de visite et d’hébergement et « beau-parent gardien », le beau-parent conjoint du parent chez qui est fixée la résidence habituelle de l’enfant.
  • [7]
    Le père, instituteur, a eu deux filles de son second mariage, demi-sœurs de notre interlocutrice. Dans nos entretiens, les demi-frères ou sœurs sont toujours désignés et considérés comme des frères ou sœurs par les jeunes interrogés.
  • [8]
    La recherche américaine utilise des indicateurs de niveau de bien-être, en recueillant des indices comportementaux, pour mesurer l’adaptation socio-émotionnelle, et la réussite de la socialisation : estime de soi, sûreté de soi, indépendance, performances scolaires, santé, absence de démêlés avec la police, d’usage de substances toxiques, de problèmes comportementaux.
  • [9]
    Leach, Browne (1992) ; Nitsch (1996) ; Pussey (1986 ; Ferdojoukh (1986). Pour une étude de ces représentations, voir Cadolle (2001ab).
  • [10]
    Le poids de ces normes est bien mis en évidence dans le roman de Brisac (1998), Week-end de chasse à la mère, où une femme séparée, qui passe le week-end de Noël en tête-à-tête avec son fils, suscite l’inquiétude et la réprobation générale.

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