Couverture de CDAP_005

Article de revue

Décentralisation et collectivités territoriales

Pages 14 à 35

Notes

Démocratie locale

Les Français et leur maire

1 Dans un climat de défiance générale et ne faiblissant pas envers la politique, les Français continuent de faire confiance à leur maire. Au plus près des préoccupations des administrés, cet élu de terrain reste, sans conteste, la personnalité politique préférée des Français : il dispose de la confiance de 60 % d’entre eux, selon la dernière édition du baromètre de la confiance politique menée par le Cevipof en janvier 2024 auprès d’un panel de 3 514 personnes de 18 ans et plus vivant en France.

2 « La politique au niveau local inspire davantage de confiance que la politique nationale », a résumé Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof, lors de la présentation au Conseil économique, social et environnemental, le 13 février 2024, des résultats de ce sondage.

3 Les conseillers départementaux et les conseillers régionaux (avec des cotes de confiance respectives de 47 % et 45 %) ont, eux aussi, encore un certain crédit auprès des Français.

4 Cependant, globalement, le désintérêt envers la politique ne cesse de croître en France. L’Hexagone fait, en la matière, figure de mauvais élève : à peine un peu plus de la moitié des Français (51 %) disent porter un intérêt à la politique, contre 77 % des Allemands et 58 % des Italiens.

Statut des élus locaux

Sur le risque pénal des élus et des fonctionnaires territoriaux

5 Chaque année, l’Observatoire de la SMACL (Société mutuelle d’assurance des collectivités locales) [1] des risques de la vie territoriale et associative fait le point sur le risque pénal des élus et des fonctionnaires territoriaux [2]. L’édition 2023, publiée en février 2024, constate une hausse de 15 % des poursuites pour les élus (avec plus de 2 300 élus locaux mis en cause pénalement sur la mandature 2020-2026) et de 33 % pour les fonctionnaires territoriaux par rapport à la précédente mandature.

6 Ces données doivent cependant être prises avec précaution, car, selon Luc Brunet, le responsable des risques juridiques de l’Observatoire de la SMACL, elles « ne sauraient prétendre à l’exhaustivité », dans la mesure en effet où elles se fondent sur les déclarations de sinistres reçues par SMACL-Assurances, les décisions de justice et une veille de presse.

7 Ce rapport annuel est tout de même très instructif par l’évolution qu’il traduit.

8 Au cours de la période 2014-2020, ce sont plus de 2 000 élus locaux qui ont été poursuivis, soit une moyenne de 339 élus locaux par an, soit une hausse de plus de 55 % par rapport à la précédente mandature. Au total, entre avril 1995 et juillet 2023, 5 574 poursuites pénales engagées contre des élus locaux ont été recensées. Néanmoins, le taux de mise en cause pénale des élus locaux reste marginal : 0,351 % toutes infractions confondues (y compris pour des faits dans lesquels la probité des élus n’est pas en jeu) ; si l’on considère les seuls chefs des exécutifs locaux (maires, présidents de groupement de collectivités, de départements ou de régions), le taux de mise en cause pénale atteint 2,48 %.

9 Du côté des condamnations, la SMACL estime à 881 le nombre de condamnations sur la mandature 2020-2026, ce qui correspond à une augmentation de plus de 40 % par rapport à la mandature précédente. En effet, seulement 524 condamnations d’élus locaux (toutes infractions confondues) ont été enregistrées sur la mandature 2014-2020. « Ce nombre va encore évoluer à la hausse. Nous estimons que plus de 750 élus devraient finalement être condamnés à l’achèvement des procédures », indique le rapport. Au total, entre avril 1995 et juillet 2023, la SMACL a recensé 1 746 condamnations prononcées contre des élus locaux. S’agissant des élus locaux, les motifs de poursuites n’ont pas changé : si les manquements au devoir de probité et les atteintes à l’honneur sont aux deux premières places, les atteintes à la dignité et à la confiance (comme les faux en écriture) constituent le troisième motif de condamnation.

10 Selon les chiffres de l’Observatoire, l’année 2023 devrait aussi enregistrer un record concernant les fonctionnaires territoriaux, même si ceux-ci sont moins exposés que les élus locaux : plus de 1 350 fonctionnaires territoriaux devraient en effet être poursuivis d’ici à la fin de la mandature 2020-2026, ce qui constituerait une hausse de 33 % par rapport à la précédente. Cependant, ces chiffres sont eux aussi à prendre avec circonspection, car « ils restent encore à consolider », comme le précise le rapport. Au cours de la mandature 2014-2020, 1 026 fonctionnaires territoriaux ont été poursuivis dans l’exercice de leurs fonctions, soit une moyenne de 171 fonctionnaires poursuivis pénalement par an. Depuis la création du baromètre de l’Observatoire, entre avril 1995 et juillet 2023, 3 281 poursuites dirigées contre des fonctionnaires territoriaux ont été recensées. Parmi les motifs de poursuites, les atteintes à la probité sont en proportion plus nombreuses que pour les élus locaux (près de 45 % des poursuites pénales). Mais le rapport insiste sur le très faible taux de mise en cause pénale des fonctionnaires territoriaux : 0,0523 %, toutes infractions confondues, soit un taux près de sept fois inférieur à celui constaté pour les élus locaux. Quant au taux moyen de condamnation des fonctionnaires territoriaux poursuivis, il est quasiment équivalent à celui des élus locaux, s’élevant à 36,1 %. Pour la mandature 2020-2026, l’Observatoire estime que ce sont près de 500 fonctionnaires territoriaux qui devraient être condamnés pénalement à l’issue des procédures.

Droits de l’élu local – Sécurité et protection des maires et des élus locaux

11 Face à la hausse inquiétante des violences (menaces, injures, agressions, harcèlement, etc.) contre les élus, et en particulier les maires, la loi du 21 mars 2024 [3] renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux permet de mieux les protéger et de mieux les accompagner en tant que victimes.

12 Selon le ministère de l’Intérieur, près de 2 265 plaintes ou signalements pour des faits de violence verbale ou physique à l’encontre des élus ont été recensés en 2022, soit une hausse de 32 % par rapport à 2021 ; l’année 2023 a été marquée par des données encore plus inquiétantes, puisque, pour les trois premiers trimestres, on a dénombré 2 387 faits, dont certains d’une grande violence (comme les atteintes au domicile). Dans 60 % des cas, les élus concernés par ces agressions sont des maires, id est les élus les plus proches de la population, mais aussi les plus vulnérables ; dans 20 % des cas, ce sont les autres conseillers municipaux qui sont victimes de violences.

13 Dans le cadre de la 5e enquête du Cevipof sur les maires de France, réalisée pour l’Association des maires de France (AMF), publiée en novembre 2023, 69 % des maires interrogés ont déclaré avoir déjà été victimes d’incivilités (+16 points par rapport à 2020), 39 % avoir subi injures et insultes (+10 points), 41 % avoir fait l’objet de menaces verbales ou écrites (+13 points), 27 % avoir été attaqués sur les réseaux sociaux (+7 points), et 7 % avoir subi des violences physiques (+2 points).

14 Devant ce constat, la loi récemment adoptée et promulguée contient une série de mesures, lesquelles sont la traduction dans la loi d’une partie du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, présenté par le Gouvernement en juillet 2023.

15 Le texte aligne les peines encourues pour violences contre des élus locaux ou nationaux ou leurs proches sur celles visant les violences volontaires sur les agents des forces de sécurité. Pour ce délit spécifique, créé par la loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure » du 24 janvier 2022 [4], les peines maximales sont de 7 ou 10 ans de prison dans les cas les plus graves. Ces peines s’appliqueront aussi en cas de violences contre d’anciens élus (dans la limite de six années après le mandat). Une peine de travail d’intérêt général (TIG) vient compléter les sanctions actuellement prononçables en cas d’injure, d’outrage ou de diffamation publique proférés contre des élus nationaux ou locaux ou d’autres personnes dépositaires de l’autorité publique.

16 Une nouvelle circonstance aggravante est ajoutée en cas de harcèlement moral, notamment en ligne, contre des élus (pour un cyberharcèlement, jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende). Une autre circonstance aggravante au délit de mise en danger de la vie d’autrui, délit institué par la loi du 24 août 2021 [5] confortant le respect des principes de la République, est prévue lorsqu’est visé un candidat pendant une campagne électorale (nationale ou locale) ou ses proches (conjoint, enfants, etc.).

17 Les sanctions en cas d’atteintes dangereuses aux biens commises au préjudice de tous les élus (permanences parlementaires, etc.) sont également renforcées.

18 La loi rend automatique (sans décision préalable du conseil municipal) l’octroi de la protection fonctionnelle aux maires et aux adjoints ou anciens maires ou adjoints victimes de violences, de menaces ou d’outrages qui en font la demande ; elle précise que la protection fonctionnelle comprend les restes à charge et les dépassements d’honoraires médicaux et psychologiques engagés par les élus victimes. L’octroi automatique de la protection fonctionnelle s’appliquera également aux présidents et vice-présidents des conseils régionaux et départementaux ainsi qu’à ces anciens élus. Les dépenses de protection fonctionnelle sont rendues obligatoires pour les communes, départements et régions. Toujours en matière de protection, le texte élargit la protection fonctionnelle de l’État aux candidats aux élections et prévoit, sous certaines conditions, le remboursement par l’État des frais de sécurisation engagés par les candidats pendant la campagne électorale en cas de menace avérée. Une autre disposition met expressément à la charge de l’État la protection fonctionnelle des maires ou élus municipaux ayant reçu délégation, victimes de violences, menaces ou d’outrages, lorsqu’ils agissent en tant qu’agent de l’État (par exemple, comme officier d’état civil ou de police judiciaire).

19 Devant la difficulté croissante des candidats ou des élus nationaux ou locaux à assurer leurs permanences électorales, le code des assurances est modifié : ils pourront saisir le bureau central de la tarification (BCT) en cas de refus d’assurer leurs permanences par au moins deux compagnies ; ces dispositions seront applicables en mars 2025.

20 La loi renforce l’information des maires par les parquets et prévoit la signature de conventions entre associations d’élus locaux, préfets et procureurs sur le traitement judiciaire des infractions commises contre des élus, étant observé que de telles conventions existent déjà dans certains départements. Les procureurs de la République pourront communiquer, dans un espace réservé dans les bulletins municipaux, sur les affaires en lien avec la commune.

21 Enfin, la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance est renforcée.

Organisation territoriale

Principes et règles de la décentralisation

Régions et péages ferroviaires

22 Par un arrêt du 5 mars 2024 qui sera mentionné aux tables du Recueil Lebon[6], le Conseil d’État a donné raison à huit régions françaises (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Hauts-de-France, Île-de-France, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Grand-Est) qui, avec Île-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des services de transports publics de personnes dans la région Île-de-France, avaient demandé l’annulation des dispositions relatives à la tarification de l’usage du réseau ferré national. Ces dernières figurent dans la version du document de référence du réseau publiée le 9 décembre 2022 sur son site par SNCF-Réseau, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire du réseau ferré national, pour l’horaire de service 2024. Ce document comporte des dispositions tarifaires fixant les principes de tarification des redevances d’utilisation de l’infrastructure de ce réseau pour les horaires de service 2024 à 2026, leur barème pour l’horaire de service 2024 et leurs modalités d’évolution pour les horaires de service 2025 et 2026.

23 La haute juridiction a en effet jugé que les dispositions tarifaires dudit document de référence avaient été prises au terme d’une procédure irrégulière et que les requérantes étaient dès lors fondées à en demander l’annulation [7]. Elle a d’une part, relevé que SNCF-Réseau avait méconnu l’exigence de transparence qui est imposée par les dispositions juridiques applicables et qui « implique notamment que lorsqu’il modifie la structure ou le barème des redevances d’infrastructure, il fournisse aux participants aux consultations prévues […] une information suffisante pour les mettre en mesure d’exprimer un avis éclairé sur les dispositions tarifaires en cause et, s’agissant des autorités organisatrices des services de transport public de voyageurs, leur permettre de s’assurer que le montant total des redevances à la charge de ces services n’excède pas la part de coût complet du réseau qui leur est imputable et que l’équilibre économique des entreprises ferroviaires est respecté en tenant compte des compensations de service public dont elles bénéficient » [8]. Elle a, d’autre part, estimé que, « en adoptant lors de la séance de son conseil d’administration du 9 décembre 2022 et en publiant le même jour le document de référence du réseau, SNCF-Réseau ne peut être regardée comme ayant été en mesure de tenir compte de l’ensemble des observations des autorités organisatrices de transport » [9], alors même que plusieurs régions et Île-de-France Mobilités avaient transmis à SNCF-Réseau les 7 et 8 décembre 2022 leurs avis sur le projet de SNCF-Réseau, avis qui étaient défavorables et comportaient des observations substantielles sur la structure des redevances, sur leur niveau, sur les hausses prévues et sur leur manque de transparence, et que « cette irrégularité a privé ces autorités de la garantie de voir leur avis sur les dispositions tarifaires du document de référence du réseau dûment pris en considération » [10]. Pour ce motif, le Conseil d’État a annulé la tarification du document de référence du réseau ferré national.

24 Cependant, « l’annulation rétroactive de l’acte attaqué aurait pour effet de priver de base légale la perception des redevances applicables à l’horaire de service 2024 pendant plusieurs mois, jusqu’à l’adoption des dispositions tarifaires qui se substitueront rétroactivement aux dispositions annulées, et de porter ainsi gravement atteinte à l’équilibre financier de SNCF-Réseau, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire du réseau ferré national, en mettant en péril le respect des dispositions de la directive 2012/34/UE, qui impliquent que cette société soit en mesure de percevoir des redevances auprès des entreprises ferroviaires en contrepartie de l’utilisation qu’elles font de cette infrastructure. » [11] C’est pourquoi le Conseil d’État décide que, « pour permettre à SNCF-Réseau de continuer à percevoir les redevances applicables à l’horaire de service 2024 et alors qu’aucun autre moyen de la requête n’est susceptible de fonder l’annulation, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de différer la date d’effet de l’annulation des dispositions tarifaires du document de référence du réseau ferré national pour les horaires de service 2024 à 2026 au 1er octobre 2024. » [12] Par conséquent, jusqu’à cette date, continuera de s’appliquer la tarification relative à l’horaire de service 2024.

25 Dans cette affaire, les régions requérantes ont été particulièrement critiques à l’égard de la SNCF et de sa filiale SNCF-Réseau. Ainsi, à titre d’exemple, dans un communiqué de presse du 5 mars 2024 [13], le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, après avoir rappelé que le document litigieux de SNCF-Réseau « prévoyait des augmentations pour les années 2024, 2025 et 2026 de 23 %, faisant passer la somme annuelle de 65 en 2022 à 82 millions d’euros en 2024 », a fait valoir qu’« une telle augmentation était disproportionnée, sans relation avec l’inflation qui n’a aucune raison d’être aussi élevée sur 3 ans, mais surtout avec les capacités de la Région, dont les ressources augmentent d’environ 1 à 2 % par an, en raison de taxes peu dynamiques », et le vice-président en charge des mobilités, Renaud Lagrave, de souligner dans le même communiqué que « le ferroviaire n’est pas qu’une équation budgétaire et un levier de désendettement rapide : c’est aussi le transport du quotidien de milliers d’usagers ; c’est le vecteur d’une mobilité décarbonée ; c’est un mode de transport à la portée du pouvoir d’achat de tous les usagers. SNCF-Réseau doit maintenant présenter des tarifs de péages soutenables pour la Région. »

Agence nationale de la cohésion des territoires

26 La Cour des comptes a consacré un rapport en date du 14 février 2024 à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) [14]. Créée le 1er janvier 2020, l’ANCT est un établissement public destiné à appuyer les projets des collectivités locales, notamment par la mise en œuvre de politiques étatiques pour la cohésion territoriale et l’amélioration de l’accès des petites collectivités à des ressources spécialisées ; elle résulte de la fusion du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), de l’Agence du numérique et de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ; et elle fonctionne en réseau avec d’autres organismes d’État. Le rapport souligne plusieurs défis rencontrés par l’ANCT. Tout d’abord, la diversité de ses missions couvrant un large éventail d’initiatives (politique de la ville, soutien aux villes moyennes et petites, ruralité, montagne, numérique, etc.) rend sa gestion complexe. Cette diversité nécessite un accompagnement actif des collectivités, limité par les ressources internes de l’ANCT, majoritairement basées à Paris. Les préfets de département, désignés comme délégués territoriaux, assurent la présence de l’ANCT dans les territoires, mais leur implication varie, ce qui peut entraîner des disparités dans le traitement des territoires. D’un point de vue administratif, l’ANCT fait face à des difficultés internes, notamment en termes de gestion des ressources humaines et de systèmes d’information. Ses outils de gestion et de pilotage doivent être renforcés, notamment pour une meilleure coordination entre son secrétariat général et ses directions. Financièrement, le budget de l’ANCT, qui ne reflète qu’une partie des montants financiers des dispositifs qu’elle gère, s’élève à 117 millions d’euros en 2022. Le rapport souligne la nécessité d’une meilleure visibilité et gestion budgétaire pour évaluer précisément les dépenses et recettes de chacune de ses missions. Quant aux réalisations, l’ANCT a poursuivi et déployé de nombreux programmes nationaux, appréciés par les élus locaux. Toutefois, le rapport indique que l’agence doit améliorer sa méthodologie, notamment dans ses relations contractuelles avec les collectivités territoriales, et renforcer son fonctionnement interne ainsi que la gestion des moyens qui lui sont alloués. En conclusion, bien que l’ANCT ait été confrontée à des défis, notamment en raison de la crise sanitaire survenue peu après sa création, sa méthode de co-construction avec les collectivités territoriales a été bien accueillie, mais des améliorations restent à concrétiser pour répondre aux attentes des territoires.

Territorialisation des objectifs de « zéro artificialisation nette »

27 Une circulaire du 31 janvier 2024 [15], dont l’objet général est d’accompagner la mise en œuvre de la réforme vers le « zéro artificialisation nette des sols », détaille les modalités de territorialisation des objectifs de cette « zéro artificialisation nette » (ZAN) : elle précise en outre certains points, comme le décompte de la consommation d’espaces dans le cadre des zones d’aménagement concerté (ZAC), et la concertation autour des projets d’intérêt national (PIG).

28 La loi du 20 juillet 2023 [16] visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux a prévu diverses adaptations pour faciliter la territorialisation des objectifs du ZAN ; les derniers décrets d’application de cette loi ayant été publiés fin décembre 2023, la circulaire précitée du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires revient sur les conditions de mise en œuvre de la loi.

29 Au titre des actions à réaliser [17], il est demandé aux préfets : de désigner un directeur ou chef de projet pour accompagner les collectivités locales dans la mise en œuvre de la réforme ; d’accompagner la consultation des régions sur le projet d’arrêté ministériel relatif à la mutualisation nationale de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) des projets d’envergure nationale ou européenne d’intérêt général majeur ; de faire remonter au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) les informations géolocalisées relatives à ces projets ; et d’installer la commission régionale de conciliation.

30 Selon la circulaire, « de nouveaux modèles d’aménagement durable sont à inventer. La priorité est de transformer la ville existante, en revitalisant les cœurs des petites et moyennes centralités, en remobilisant en priorité les espaces déjà urbanisés et artificialisés, notamment les friches et les logements vacants, et en révélant le potentiel des périphéries urbaines déqualifiées. La densité peut être optimisée pour faciliter l’accessibilité aux services et activités, tout en améliorant le cadre de vie de nos concitoyens, notamment en renforçant la présence de la nature en ville. Aucune forme urbaine n’est stigmatisée a priori : en particulier, la construction de maisons individuelles reste possible. À titre d’exemple, avec la production de maisons individuelles d’une densité à 16 logements/ha, l’objectif de réduction de moitié de la consommation d’ENAF serait tenu. » [18]

31 Il est aussi recommandé aux préfets de « faire preuve de souplesse en accompagnant les territoires dans la mise en œuvre de la réforme » [19] et de désigner – avant le 9 février 2024 – un référent territorial pour la mise en œuvre de la politique du Gouvernement, chargé d’assurer « notamment la communication autour de la réforme, le déploiement des outils d’observation foncière, le suivi de l’évolution des documents de planification et d’urbanisme, ainsi que la mobilisation des aides financières et des aides à l’ingénierie » [20], étant précisé que « tous les référents veilleront à être à même d’apporter toutes les réponses aux interrogations des élus locaux, en se positionnant en facilitateurs de leurs projets. » [21]

32 Cet accompagnement porte aussi sur la prise en compte de situations ou d’objets spécifiques rencontrés par les collectivités territoriales dans la comptabilisation de la consommation d’espaces, notamment au niveau des ZAC, question sur laquelle la circulaire apporte d’utiles précisions, dans la mesure où la comptabilisation des espaces doit en effet y suivre les principes suivants :

  • « Pour une opération d’aménagement prévue en tout ou partie sur des ENAF, l’élément déclencheur de la comptabilisation de la consommation d’espaces n’est pas l’acte administratif de création ou de réalisation d’une ZAC, mais le démarrage effectif des travaux ;
  • Compte tenu de leur ampleur, dans certaines ZAC les travaux sont réalisés en plusieurs phases. Il est alors possible, au choix du maire ou président d’intercommunalité compétent, soit de comptabiliser la consommation d’espaces de manière progressive, soit de comptabiliser la ZAC en totalité au démarrage effectif des travaux ;
  • Cette approche est notamment applicable pour les ZAC dont les travaux ont débuté avant 2021, et dont la consommation peut être intégralement comptée pour la période 2011-2021. C’est une donnée essentielle pour l’acceptabilité et la souplesse de la mise en œuvre. » [22]

34 La mutualisation de la consommation d’espaces induite par les projets d’envergure nationale et européenne d’intérêt général majeur fait l’objet du point 3 de la circulaire (p. 7), laquelle précise notamment que « les informations relatives à ces projets, notamment leur localisation, seront accessibles via une cartographie, qui sera mise en ligne par le Cerema sur l’observatoire de l’artificialisation des sols d’ici fin février 2024. » [23]

Gestion des collectivités territoriales

Ressources humaines et fonction publique territoriale

Nominations équilibrées des hommes et des femmes

35 Un décret du 28 décembre 2023 a modifié le décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 pour mettre en œuvre les dispositions de la loi n° 2023-623 du 19 juillet 2023 [24] visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Outre les administrations de l’État et les établissements publics sanitaires, sociaux et médico-sociaux, ce décret concerne aussi les collectivités territoriales : régions, départements, communes de plus de 40 000 habitants et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 40 000 habitants, Centre national de la fonction publique territoriale [25].

Promotion interne

36 Un décret du 26 décembre 2023 [26] visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie a assoupli le mécanisme de contingentement, en vue de faciliter la promotion des agents et de simplifier la gestion des ressources humaines par les employeurs territoriaux. À cette fin, il réduit le nombre de recrutements externes de fonctionnaires nécessaire pour permettre une promotion interne ainsi que la durée pour appliquer les clauses de sauvegarde en cas de recrutement de fonctionnaires en trop faible quantité. Le décret procède également à l’actualisation de certaines références afin de tenir compte de l’entrée en vigueur du code général de la fonction publique.

Secrétaires de mairie

37 La loi du 30 décembre 2023 [27] a revalorisé le métier de secrétaire de mairie. Cette loi apporte en effet plusieurs changements importants :

  • Nomination et classification des secrétaires de mairie : les maires des communes de moins de 2 000 habitants doivent nommer un secrétaire général de mairie relevant au moins de la catégorie B. Pour les communes de 2 000 habitants et plus, le secrétaire général de mairie doit relever de la catégorie A, à moins que le poste de directeur général des services ne soit pourvu. Ces nominations peuvent être à temps partiel ou non complet [28]. Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2028.
  • Promotion interne : jusqu’au 31 décembre 2027, les fonctionnaires de catégorie C exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie peuvent bénéficier d’une promotion interne en catégorie B, sans que soit déterminée une proportion de postes ouverts à la promotion. Un décret définira les modalités d’application, y compris les conditions d’ancienneté requises.
  • Liste d’aptitude et formation qualifiante : les statuts particuliers des cadres d’emplois de la catégorie B peuvent désormais inclure une liste d’aptitude ouverte aux fonctionnaires de catégorie C, après réussite à un examen professionnel sanctionnant une formation qualifiante spécifique aux fonctions de secrétaire général de mairie.
  • Formation adaptée : les agents nommés au poste de secrétaire général de mairie doivent recevoir, dans l’année suivant leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins de la collectivité concernée.
  • Rapport sur les formations supérieures et création d’une filière nationale : le Gouvernement doit remettre au Parlement, dans l’année suivant la promulgation de la loi, un rapport évaluant les formations supérieures préparant au métier de secrétaire de mairie et la pertinence de créer une filière nationale pour un diplôme d’enseignement supérieur dédié.
  • Avantages d’ancienneté et listes d’aptitude : des avantages spécifiques d’ancienneté sont accordés pour l’avancement d’échelon des agents exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie. De plus, les listes d’aptitude pour la promotion interne doivent inclure une part définie de fonctionnaires exerçant ces fonctions.

Compte épargne-temps

39 Examinés par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale le 15 novembre 2023, un décret et un arrêté relatifs au compte épargne-temps des agents sont parus au Journal officiel du 10 janvier 2024 : ils précisent l’augmentation du plafond global de jours de 60 à 70. Ces dispositions ont été prises dans le cadre du surcroît d’activité des agents territoriaux lié à l’organisation et au déroulement des Jeux olympiques : afin d’anticiper ledit surcroît d’activité, ces deux textes permettent une dérogation quant au compte épargne-temps des agents.

40 Ainsi, ce n’est plus le décret du 26 août 2004 [29] relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique territoriale qui fixe le nombre global de jours pouvant être déposés sur un compte épargne-temps. D’après le décret du 9 janvier 2024 [30] portant modification du compte épargne-temps dans la fonction publique, ce soin est désormais renvoyé à un arrêté. Ce nouvel arrêté[31] est donc également paru au Journal officiel du même jour : il maintient la règle selon laquelle le plafond global de jours pouvant être maintenus sur un compte épargne-temps, mentionné à l’article 7-1 du décret du 26 août 2004, est fixé à 60 jours.

41 Cependant, est prévue une dérogation uniquement pour l’année 2024 dans le cadre des Jeux olympiques : le plafond global de jours [32] pouvant être maintenus sur un compte épargne-temps au terme de l’année 2024 est fixé à 70 jours ou, pour l’agent dont le nombre de jours épargnés au terme de l’année 2023 excède 60 jours, au nombre de jours épargnés augmenté de 10 jours.

42 Les années suivantes, les jours ainsi épargnés excédant le plafond global de jours pourront être conservés sur le compte épargne-temps ou être consommés selon les modalités définies aux articles 3-1 et 5 du décret du 26 août 2004.

Quarante ans d’évolution de la fonction publique territoriale

43 Pour fêter les 40 ans de la loi du 16 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale [33], le centre interdépartemental de gestion (CIG) de la Grande Couronne a publié en janvier 2024 un ouvrage collectif de 109 pages (91 pages d’études prolongées par une annexe de 18 pages intitulée « Une loi fondatrice maintes fois remaniée ») [34].

44 Ce monument législatif qui, en dépit de multiples modifications, continue de fonder très largement le statut de la fonction publique territoriale méritait bien un tel hommage.

45 « En 4 décennies, cette loi a fait l’objet de 121 modifications et plus récemment d’une codification. Souvent critiqués, sans cesse améliorés ou transformés, mais toujours là, nous ne pouvons comprendre l’importance des structures et la solidité des principes qui régissent la carrière des agents publics territoriaux qu’à travers une observation et une analyse méticuleuses de l’évolution, de l’adaptation et des constantes de ces textes depuis l’origine », comme le fait remarquer dans la préface de cet ouvrage le président du CIG de la Grande Couronne, Daniel Level.

46 Le directeur général du CIG de la Grande Couronne, Jean-Laurent Nguyen Khac, fait quant à lui observer dans son avant-propos que « les employeurs ont sans cesse dû réaffirmer la spécificité de la FPT, inhérente à la libre gestion par chaque élu du recrutement et de l’avenir de ses agents », que « ce “combat” n’est jamais achevé » et que, « en 2024, par un singulier mouvement de balancier, l’État tente de s’affirmer “DRH groupe” de toute la fonction publique et peine à dialoguer à égalité avec les employeurs locaux. »

47 Ce livret anniversaire, particulièrement stimulant, comporte 56 études brèves et synthétiques réparties autour des huit grands thèmes suivants : 1. Genèse et mutations de la fonction publique territoriale ? ; 2. L’intégration du droit communautaire et du droit du travail dans la gestion des agents publics ; 3. Le CNFPT et les centres de gestion, piliers de la gestion locale ; 4. Intégrer la fonction publique territoriale… ; 5. La fonction publique ou la coexistence de fonctionnaires et de contractuels ; 6. Dialogue social : de la concertation à l’accord collectif ; 7. La mobilité professionnelle ; 8. La formation. Et, comme on l’a déjà indiqué, il se termine par un panorama particulièrement bienvenu sur l’évolution de la loi du 26 janvier 1984 au cours des quatre dernières décennies.

Fixation du taux de la cotisation d’assurance vieillesse et d’assurance maladie pour 2024

48 Un décret du 30 janvier 2024 [35] fixe le taux de la cotisation d’assurance vieillesse applicable aux rémunérations versées aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à 31,65 % ; il fixe également, au titre de l’année 2024, le taux de la cotisation d’assurance maladie applicable aux rémunérations versées aux mêmes agents à 8,88 % ; il codifie enfin les dispositions prévoyant une sur-cotisation volontaire pour les fonctionnaires à temps partiel et neutralise l’effet de la hausse du taux de la cotisation patronale sur cette sur-cotisation pour les fonctionnaires ayant préalablement opté pour la payer. Ce texte s’applique aux cotisations de sécurité sociale dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2024.

Pas de transformation tacite d’un CDD en CDI

49 Même si les conditions d’ancienneté sont remplies avant l’échéance du contrat à durée déterminée (CDD) d’un agent public, ce contrat ne peut être transformé tacitement en contrat à durée indéterminée (CDI) : tel est le sens d’un arrêt du Conseil d’État du 26 février 2024, qui sera mentionné aux tables du Recueil Lebon[36]. Plus précisément, un agent public qui a été recruté en CDD ne bénéficie d’aucun droit au renouvellement de son contrat. Il résulte en revanche des articles L. 332-9, L. 332-10 et L. 332-11 du code général de la fonction publique (CGFP) que, si une collectivité ou un établissement décide de renouveler l’engagement d’un agent territorial recruté en CDD, cette collectivité ou cet établissement ne peut le faire que par une décision expresse et pour une durée indéterminée si l’agent justifie d’une durée de services publics de six ans au moins auprès de la même collectivité ou du même établissement sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique. Dans l’hypothèse où ces conditions d’ancienneté sont remplies par un agent territorial avant l’échéance du contrat, celui-ci ne se trouve pas tacitement transformé en CDI. Dans un tel cas, les parties ont la faculté de conclure d’un commun accord un nouveau contrat, à durée indéterminée, sans attendre cette échéance ; elles n’ont en revanche pas l’obligation de procéder à une telle transformation de la nature du contrat, ni de procéder à son renouvellement à son échéance.

Délai maximum de versement par l’employeur du forfait « mobilités durables »

50 À une question écrite de la sénatrice Christine Herzog [37] sur le versement du forfait « mobilités durables » pour les agents de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État pour les demandes faites dans le temps imparti, c’est-à-dire avant la fin de l’année N, question demandant précisément quel est le délai maximum de versement par l’employeur, du forfait « mobilités durables » à l’année N+1, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a répondu en janvier 2024 [38]. Le ministre a d’abord rappelé que le bénéfice du « forfait mobilités durables » est subordonné au dépôt d’une déclaration sur l’honneur établie par l’agent auprès de son employeur au plus tard le 31 décembre de l’année au titre de laquelle le forfait est versé, et qu’une exception a cependant été prévue au titre des déplacements effectués au cours de l’année 2022 pour ceux d’entre eux réalisés à l’aide de l’un des nouveaux moyens de transport rendus éligibles au 1er septembre 2022 (engin de déplacement personnel motorisé, location ou mise à disposition d’un cyclomoteur, motocyclette ou d’un engin de déplacement motorisé ou non, recours à un service d’autopartage). Il a ensuite précisé que les articles 5 des décrets n° 2020-543 du 9 mai 2020 relatif au versement du forfait mobilités durables dans la fonction publique de l’État, n° 2020-1547 du 9 décembre 2020 relatif au versement du forfait mobilités durables dans la fonction publique territoriale et n° 2020-1554 du 9 décembre 2020 relatif au versement du forfait mobilités durables dans les établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux, prévoient que le versement du forfait soit effectué l’année suivant celle du dépôt de cette déclaration sur l’honneur : si l’employeur a juridiquement la possibilité de procéder au versement au plus tard à la fin de l’année N+1 au titre de l’année N, un versement en une seule fraction en début d’année est préconisé par la foire aux questions « forfait mobilités durables » de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) mise à jour le 14 décembre 2022 ; ce délai doit néanmoins être adapté par les employeurs pour tenir compte du temps de traitement des formulaires et de mise en paye.

Gestion et finances des collectivités territoriales

Compte financier unique sous M57

51 Pour les collectivités admises à l’expérimentation prévue à l’article 242 modifié de la loi de finances pour 2019, le compte financier unique se substitue au compte administratif et au compte de gestion, par dérogation aux dispositions régissant ces documents.

52 Un arrêté du 21 décembre 2023 [39], publié au Journal officiel du 12 janvier 2024, fixe ainsi la maquette de présentation du compte financier unique produit par des collectivités ou des groupements admis à l’expérimentation, pour un budget appliquant l’instruction budgétaire et comptable M57 et voté par fonction. Cette maquette peut être expérimentée à partir des comptes de l’exercice 2023 [40].

53 Dans le même cadre, un deuxième arrêté du 21 décembre 2023 [41], toujours publié au Journal officiel du 12 janvier 2024 présente la nouvelle annexe relative au sommaire et à la maquette du compte financier unique, sous instruction budgétaire et comptable M57, voté par nature, pour les collectivités territoriales, les groupements et les services d’incendie et de secours admis à l’expérimentation de ce compte, appliquant l’instruction budgétaire et comptable M57 et votant leur budget par nature.

54 Enfin, un troisième arrêté du 21 décembre 2023 [42] toujours publié au Journal officiel du 12 janvier 2024 fixe la maquette de présentation du compte financier unique expérimenté, à partir des comptes de l’exercice 2023, par des collectivités ou groupements de moins de 3 500 habitants.

Répartition du Fonds de sauvegarde des départements

55 La chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en 2023 a été malheureusement confirmée. Les données relatives à l’assiette mensuelle des DMTO de décembre 2023 ont été publiées en janvier 2024 par l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) permettant ainsi d’avoir une vision globale de la baisse annoncée des DMTO en 2023. Celle-ci se confirme donc ; elle est même supérieure à ce qui était prévu : ainsi, l’assiette mensuelle des DMTO de droit commun est en diminution de 23,1 % en 2023 par rapport à 2022, ce qui est au-dessus du pourcentage envisagé il y a quelques mois par l’association Départements de France (DF) qui prévoyait une baisse d’environ 15 %.

56 En effet, la chute n’a fait que s’accélérer avec une baisse record de – 33,26 % en décembre 2023 par rapport à décembre 2022. François Sauvadet, en marge de la cérémonie de vœux de l’association Départements de France, a estimé que la crise des DMTO n’en était qu’au début : « Nous n’avons plus de marge de manœuvre. Plus de levier fiscal. Tous les départements sont aujourd’hui impactés et menacés par cet étouffement financier », a-t-il déclaré lors de son discours.

57 Adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2024, la répartition du fonds de sauvegarde des départements a été rendue publique : ce sont 14 départements [43] qui se répartiront une enveloppe exceptionnelle de près de 106 millions d’euros. Fragilisés par une forte chute des DMTO et par une hausse des dépenses sociales et des charges de personnels, les départements les plus en difficulté auront ainsi une bouffée d’oxygène avec le versement dudit fonds de sauvegarde. Lors des Assises de DF à Strasbourg le 10 novembre 2023, la Première ministre avait alors annoncé que l’État participerait à parité, avec les départements, au fonds de sauvegarde, un fonds de soutien aux départements en difficulté créé en 2020 après la suppression de la taxe foncière pour les départements. La mesure adoptée dans la loi de finances pour 2024 prévoit que, pour être éligible, il faut remplir les deux conditions suivantes : un taux d’épargne brute inférieur à 12 % en moyenne sur les exercices 2021 et 2022 déterminé par l’article 208 de la loi de finances pour 2020, et un indice de fragilité sociale, calculé en fonction de la proportion de bénéficiaires des allocations individuelles de solidarité dans la population du département, qui devra être supérieur à 80 % de la moyenne nationale.

Impact sur les collectivités territoriales des 10 milliards d’euros de crédits annulés

58 Suite aux annonces du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, le 18 février 2024, concernant l’annulation immédiate de 10 milliards d’euros de crédits budgétaires inscrits dans la loi de finances pour 2024, est paru au Journal officiel du 22 février un décret du 21 février 2024 portant annulation de crédits [44]. Cette annulation de crédits est opérée dans plus d’une centaine de missions, programmes et dotations inscrites dans la loi de finances pour 2024. Le Gouvernement a assuré que ces annulations ne concerneraient que l’État et son fonctionnement. Pourtant, de façon indirecte, les collectivités territoriales ne sont pas épargnées. Pour l’Association des maires de France (AMF), qui a réagi dans un communiqué, cette annulation de crédits entre « en contradiction avec les priorités affichées et affecte les politiques publiques locales ». Plusieurs économies concernent en effet les collectivités territoriales. Ainsi, le budget de la mission Écologie, développement et mobilité durables est raboté de plus de 2 milliards d’euros. Plus précisément :

  • le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « fonds vert », est amputé, en autorisations d’engagement, de 500 000 000 euros, et en crédits de paiement, de 430 000 000 euros ;
  • 56 687 011 euros en autorisation d’engagement annulés et 46 820 533 euros en crédits de paiement annulés pour le programme Paysages, eau et biodiversité ;
  • 60 000 000 euros en autorisation d’engagement annulées et 70 000 000 euros en crédits de paiement annulés pour le programme Prévention des risques ;
  • 341 121 742 euros tant en autorisation d’engagement annulés qu’en crédits de paiement annulés pour le programme Infrastructures et services de transports ;
  • 12 963 651 euros en autorisation d’engagement annulés et – 12 530 129 euros pour le programme Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ;
  • 96 504 838 euros en autorisations d’engagement annulés pour le programme Service public de l’énergie.

60 Le plan « France très haut débit » se voit diminuer de 37 811 505 euros en autorisations d’engagement, et de 116 811 505 euros en crédits de paiement.

61 Le budget de la sécurité civile diminue de 52 766 476 euros, et celui du handicap et de la dépendance, de 230 000 000 euros.

62 L’administration générale et territoriale de l’État voit son budget diminuer de 170 520 389 euros, avec en particulier une économie de 65 944 384 euros pour l’administration territoriale de l’État.

63 Pour la gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local, les économies s’élèvent à 108 720 950 euros.

64 Pour la transformation et la fonction publiques, le budget est réduit de 94 472 567 euros. Il convient à cet égard de noter qu’un arrêté également paru au Journal officiel du 22 février 2024 [45] reporte de 2023 à 2024 des crédits d’un montant de 452 595 86 euros en autorisations d’engagement pour la fonction publique.

65 En ce qui concerne la mission Enseignement scolaire, dont le budget baisse de 691 624 689 euros, on compte :

  • 138 288 231 euros pour l’enseignement scolaire public du premier degré ;
  • 60 601 210 euros pour le soutien de la politique de l’éducation nationale ;
  • 261 756 071 euros pour la vie de l’élève.

67 Des économies sont également faites au niveau de la mission Cohésion des territoires, et s’élèvent à 736 800 346 euros, avec dans le détail :

  • 300 000 000 euros, tant en autorisations d’engagement annulées qu’en crédits de paiement annulés pour l’aide à l’accès au logement ;
  • 26 114 412 euros pour l’impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire ;
  • 358 922 453 euros pour l’urbanisme, les territoires et amélioration de l’habitat ;
  • 49 064 685 euros pour la politique de la ville ;
  • 2 698 796 euros pour les interventions territoriales de l’État.

69 Si les annulations de crédits ne portent effectivement que sur des missions budgétaires, le décret ne précise pas dans quelle mesure les opérateurs de l’État agissant auprès des collectivités territoriales seront touchés : le ministre avait en effet indiqué qu’ils seraient concernés à hauteur d’un milliard d’euros, sans plus de détail, tandis que le cabinet de la ministre déléguée auprès des Collectivités territoriales a précisé qu’il ne s’agit que de mesures sur les budgets des opérateurs « qui n’impactent pas les programmes et donc pas les politiques publiques ».

70 Des associations d’élus comme l’Association des maires de France (AMF) et l’Association des petites villes de France (APVF) ont très vivement réagi à ces annonces et au décret du 21 février 2024, et se sont notamment interrogées sur la question de la sincérité du budget voté ; ces associations ainsi que Intercommunalités de France ont alerté le Gouvernement sur les conséquences de ces coupes budgétaires.

Rôle de la direction générale des finances publiques pour les collectivités territoriales

71 La Cour des comptes a publié le 30 janvier 2024 un rapport de 79 pages consacré à « L’action de la direction générale des finances publiques auprès du bloc communal ».

72 La direction générale des finances publiques (DGFiP), établie en 2008 par la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, remplit des missions fiscales et de gestion publique. Elle joue un rôle clé dans la gestion financière des collectivités territoriales, en s’occupant du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la tenue des comptes et de la gestion des bases cadastrales. La DGFiP est particulièrement importante pour les communes rurales, qui ont généralement peu de ressources humaines dans ces domaines.

73 En 2019, le réseau déconcentré de la DGFiP comprenait 3 499 services sur le territoire national, avec environ 93 000 agents, dont 85 % travaillaient dans ce réseau. Un projet de restructuration vise à réduire ce nombre à 1 761 services d’ici 2025.

74 La Cour des comptes a évalué l’exercice des missions de la DGFiP auprès des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en mettant l’accent sur les communes rurales. La DGFiP assure correctement le recouvrement des recettes et la mise à disposition des avances de fiscalité, mais les communes expriment le besoin de plus d’accompagnement, notamment pour la mise en œuvre du référentiel budgétaire et comptable M57.

75 La réorganisation de la DGFiP, lancée en 2019, visait à moderniser l’accueil des usagers et à équilibrer le maillage territorial. Le nombre de communes avec une présence de la DGFiP a augmenté, mais le nombre total de services a diminué. Cette réorganisation comprend la création de services de gestion comptable et de postes de conseillers aux décideurs locaux pour soutenir les élus dans les domaines financier, fiscal, budgétaire et comptable.

76 Bien que le projet soit en bonne voie, les communes rurales ont exprimé des réticences, notamment concernant la fermeture de petites trésoreries locales et le recrutement et la formation des secrétaires de mairie. La qualité du service rendu par la DGFiP, en particulier auprès des communes rurales, nécessitera une évaluation plus complète à l’issue du déploiement des nouvelles structures.

77 En conclusion, le rapport note que la transformation de la DGFiP est significative et que ses efforts doivent continuer pour assurer une qualité de service homogène sur tout le territoire, en portant une attention particulière aux besoins des communes rurales.

Fonds vert et collectivités territoriales

78 Dans une circulaire du 28 décembre 2023 relative à la gestion 2024 du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires [46], le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, donne les orientations que suivra la gestion du fonds vert en 2024.

79 Lancé en janvier 2023, le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit “fonds vert”, a financé plus de 9 000 dossiers, pour plus de 17 000 projets déposés [47]. Ce fonds destiné aux collectivités subventionne des projets locaux favorisant la décarbonation et les économies d’énergie, l’adaptation au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie ; sa gestion est déconcentrée au niveau des préfets de région et de département.

80 Dans sa circulaire, le ministre souligne qu’à partir de 2024, « le fonds vert s’inscrit dans la trajectoire pluriannuelle des finances publiques à hauteur de 2,5 Md€ par an jusqu’en 2027 » [48], et y « confirme les trois principes cardinaux du fonds vert […] déjà fixés à son lancement en 2023 :

  • un fonds destiné aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs partenaires investis dans la transition écologique des territoires ;
  • une gestion déconcentrée et des crédits fongibles entre les mesures pour une meilleure adaptation aux besoins des territoires ;
  • un objectif d’accélération de la transition écologique avec une exigence forte sur la qualité et l’impact des projets ainsi que sur l’effet de levier des financements de l’État. » [49]

82 Il précise encore que « l’ensemble des mesures prévues en 2023 seront reconduites en 2024, à l’exception de l’accompagnement de la stratégie nationale de biodiversité » [50], que « la mise en œuvre du plan de rénovation énergétique et de renaturation des établissements scolaires, élaboré en lien étroit avec les collectivités propriétaires des bâtiments, sera appuyée par les financements du fonds vert à hauteur de 500 M€ » [51], et que, dans la continuité de la stratégie nationale en matière de réindustrialisation présentée par le président de la République le 11 mai 2023 et de la loi du 23 octobre 2023 [52] relative à l’industrie verte, « le soutien financier aux territoires d’industrie s’effectuera en 2024 à hauteur de 100 M€ » [53].

83 Plusieurs mesures sont prises pour encourager les collectivités en vue notamment de mieux accompagner les intercommunalités et les régions dans leur démarche de transition écologique [54] : ainsi, « une enveloppe de 250 M€ sera ainsi fléchée vers les EPCI pour la mise en œuvre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), dans des conditions qui seront déterminées au cours du premier semestre 2024 ». En outre, « l’examen de la demande de fonds vert s’appuiera sur les pièces déjà fournies par le porteur dans sa demande de DSIL ou de DETR et sur les pièces complémentaires limitées aux seules conditions spécifiques à vérifier pour le fonds vert » [55].

84 Le ministre demande également aux préfets de s’assurer « en cours d’exécution que le fonds bénéficie équitablement à tous les territoires (ruraux, urbains, péri-urbains, littoraux, de montagne) et à toutes les catégories de collectivités » [56]. Et d’ajouter : « S’agissant des quartiers prioritaires de la politique de la ville, conformément aux conclusions du comité interministériel des villes du 27 octobre 2023, les projets les concernant devront représenter au moins 15 % des crédits du fonds vert en 2024 » [57].

85 Le ministre insiste sur le caractère déconcentré de la gestion du fonds vert : « Les préfets de région assureront la responsabilité des budgets opérationnels de programme et la coordination d’ensemble ». Il leur laisse, « comme en 2023, la plus grande liberté possible dans la gestion et la fongibilité de ces crédits » [58]. Il demande aux préfets de région de définir avec les préfets de départements les modalités d’animation et de gestion les plus adaptées aux compétences et circuits à mobiliser. « Si l’essentiel des mesures seront pilotées à l’échelle départementale par les préfets de département, les mesures relatives aux friches, aux biodéchets, aux zones à faibles émissions (ZFE), aux territoires d’industrie, seront pilotées au niveau régional. Dans ce cas, les préfets de département seront systématiquement consultés au stade de l’instruction et en amont de la décision. La gestion départementale de la rénovation des établissements scolaires et des bâtiments publics se fera en lien étroit avec le préfet de région. » [59]

86 Le ministre fait aussi le point sur les contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE). Les projets recensés par les CRTE pourront être rendus propriétaires, mais l’inscription préalable ne sera pas une condition d’éligibilité au fonds vert. Mais les opérations déjà financées en 2023, ou qui le seront en 2024, devront être inscrites dans les CRTE.

Subventions de l’État aux MDPH

87 Un arrêté du 10 janvier 2024 [60] fixe le montant de la subvention de l’État aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) au titre de l’année 2024, subvention mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 146-4-2 du code de l’action sociale et des familles, à 47 675 173,19 € pour l’année 2024. Ce montant représente 60 % de la délégation définitive versée en 2023 en application de l’arrêté du 17 août 2023 [61] : il est réparti entre chaque maison départementale des personnes handicapées conformément au tableau annexé à cet arrêté. Le montant définitif de cette subvention fera l’objet d’un nouvel arrêté au plus tard le 30 juillet 2024.


Date de mise en ligne : 15/05/2024

https://doi.org/10.3917/cdap.005.0001d

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