Notes
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[1]
Loi n° 2023-623 du 19 juillet 2023 visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.
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[2]
Décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023 « relatif à la mesure et à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de l’État », JORF du 6 décembre 2023.
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[3]
Au sens du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 modifié « relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique », qui lui-même précise l’article L132-5 du Code général de la fonction publique définissant les emplois soumis à l’obligation de nominations équilibrées.
-
[4]
Décret n° 2023-1137 du 5 décembre 2023 « relatif aux modalités de calcul des indicateurs définis à l’article 1er du décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023 relatif à la mesure et à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de l’État », JORF du 6 décembre 2023.
-
[5]
Conseil d’État, 31 octobre 2023, n° 468058, inédit au recueil Lebon.
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[6]
Conseil d’État, 10 novembre 2023, n° 487986, Inédit au recueil Lebon
-
[7]
Cette obligation de remboursement concerne deux situations distinctes : le remboursement d’une formation obligatoire préalable à la titularisation dans un corps (par exemple les éléves de l’INSP) et le remboursement d’une formation de l’enseignement supérieur gratuite et rémunérée (par exemple les élèves des écoles normales supérieures).
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[8]
Proposition n° 12 du rapport suivant : Assemblée nationale (Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République), Rapport d’information, 31 janvier 2018, n° 611. Cf. la Chronique parue dans la Revue française d’administration publique n°166, p. 422.
-
[9]
La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de « transformation de la fonction publique », article 37.
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[10]
CJUE, OP c. Commune d’Ans, 28 novembre 2023, n° C 148/22.
-
[11]
Cour des comptes, La loi de transformation de la fonction publique : bilan d’étape, rapport public thématique, novembre 2023, 113 p. À noter que ce bilan ne porte pas sur les dispositions de la loi de 2019 qui sont relatives à la promotion du dialogue social et à l’égalité professionnelle, car elles feront l’objet d’une enquête ultérieure.
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[12]
Moyenne calculée sur la base du quart (23,84%) des répondants à l’enquête, lesquels déclarent 1 526 contrats de projet depuis février 2020. Rapport p.30.
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[13]
Il s’agit, dans la FPE, des ministères des armées, de la Culture, de l’Intérieur et de la Justice.
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[14]
Dans ce dernier cas, l’illégalité de la situation de la ville de Paris a même été prononcée par tribunal administratif de Paris (24 mars 2022)
-
[15]
Ministère de la transformation et de la Fonction publiques, DGAFP, Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2023 – Politiques et pratiques de ressources humaines – Faits et chiffres.
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[16]
42 500 contrats aidés.
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[17]
Et de manière plus forte si l’on inclut les contrats aidés (+ 0,9 %).
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[18]
La catégorie « Autres catégories et statuts » recouvre principalement des enseignants et documentalistes des établissements privés sous contrat et des ouvriers d’État dans la FPE, des assistants maternels et familiaux dans la FPT, des médecins dans la FPH et des apprentis dans les trois versants.
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[19]
Hors Mayotte.
Mesure des écarts de rémunération des femmes et des hommes dans la fonction publique de l’État
1 En application des dispositions des articles L. 132-9-3 à L. 132-9-5 du Code général de la fonction publique qui avaient été introduites par la loi du 19 juillet 2023 [1] et qui visent à renforcer différents aspects de la politique d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, deux décrets du 5 décembre 2023 viennent apporter des précisions quant au dispositif de lutte contre les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de l’État et plus exactement dans les départements ministériels et les établissements publics de cinquante agents et plus.
2 Le premier décret [2] définit les indicateurs permettant la mesure des écarts de rémunération et de situation entre les agents de sexes féminins et masculins. Les départements ministériels et leurs principaux établissements doivent mesurer et publier : (1) l’écart global de rémunération entre les femmes et les hommes calculé – pour les fonctionnaires – à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, à corps, grade et échelon équivalents et – pour les agents contractuels – à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, à catégorie hiérarchique équivalente ; (2) l’écart de taux de promotion de corps et de grade entre les femmes et les hommes ; (3) le nombre d’agents publics du sexe sous-représenté – d’une part – parmi les dix agents publics ayant perçu les plus hautes rémunérations et – d’autre part – parmi les emplois supérieurs et dirigeants des administrations de l’État [3] ainsi que leur évolution.
3 Chacun de ces indicateurs contribue, pour une certaine part, au calcul d’un super indicateur appelé « index » qui est établi, chaque année, et qui a pour fonction de donner à voir, de manière synthétique, les inégalités entre femmes et hommes dans chacune des administrations concernées.
4 Le décret précise en outre les modalités de publication des résultats de ces indicateurs et d’information des instances de dialogue social : les résultats obtenus au titre de l’année civile précédente doivent être publiés au plus tard le 30 septembre sur le site internet de chaque administration et l’ensemble des résultats doit être publié, au plus tard le 31 décembre de chaque année, sur le site internet du ministère de la Fonction publique. Le comité social d’administration compétent est informé des résultats et actions mises en œuvre pour supprimer les écarts de rémunération.
5 Ce même décret prévoit enfin le régime des sanctions applicables en cas de non-publication des résultats ou lorsque ces résultats sont inférieurs à une cible fixée par décret. Ainsi, en cas de non-respect de la publication, une contribution forfaitaire est due : 90 000 euros pour un département ministériel et 45 000 euros pour un établissement public. De même, dans le cas où la cible n’est pas atteinte au bout de trois ans, l’employeur se verra appliquer une pénalité financière dont le montant ne peut excéder 1 % de la rémunération brute annuelle globale de l’ensemble des personnels.
6 Le second décret [4], quant à lui, rentre davantage encore dans le détail quant aux modalités de calcul des indicateurs définis par le précédent décret.
7 Il indique que l’« index » prend la forme d’une note sur 100 points. Il s’agit d’une note globale qui correspond au total de l’ensemble des notes définies pour chacun des indicateurs, lesquels sont pondérés en fonction de leur importance relative (les unes par rapport aux autres). C’est ainsi, que, par exemple, l’écart de rémunération chez les fonctionnaires compte pour 40 points de la note totale, celui constaté chez les contractuels compte pour 10 points de la note, l’écart de taux de promotion de corps, pour 15 points, et celui de grade, pour 15 points également, etc. Il fixe par ailleurs à 75 points la cible à atteindre par les employeurs.
8 Outre la méthode de calcul des indicateurs, sont également précisés, la période de référence sur laquelle ceux-ci doivent être calculés (année civile écoulée), les éléments de rémunération dont il doit être tenu compte (traitements indiciaires et accessoires, primes et indemnités) et enfin le barème à appliquer aux résultats obtenus pour chacun des indicateurs ; il est en effet procédé à une seconde pondération en fonction de l’ampleur de l’inégalité (considérée cette fois en elle-même). Ainsi, plus l’écart global de rémunération constaté (en points de pourcentage) est faible (par exemple, s’il est inférieur ou égal à 0,1%), plus sa pondération sera, quant à elle, élevée (40 points attribués) ; à l’inverse, plus l’écart global de rémunération observé est important (par exemple, supérieur à 20,1%), plus sa pondération sera faible (et même, dans ce dernier cas pris en exemple, elle devient nulle, plus aucun point n’étant attribué au-delà de ce dernier seuil).
Légalité de la mise en extinction du corps des « conseillers des affaires étrangères » et des « ministres plénipotentiaires »
9 Le Conseil d’État, dans une décision du 31 octobre 2023 [5], a rejeté la demande formulée par trois organisations représentant les personnels diplomatiques demandant l’annulation du décret du 16 avril 2022 qui acte la mise en extinction des corps des « conseillers des affaires étrangères » et des « ministres plénipotentiaires » et qui accompagne la création, par ailleurs, du nouveau corps à vocation interministérielle des administrateurs de l’État, lesquels – lorsqu’ils sont affectés au ministère des Affaires étrangères – sont désormais considérés comme faisant partie du « personnel diplomatique et consulaire » chargé de fonctions d’encadrement supérieur (aux côtés des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires). Ce recours s’inscrit dans le sillage de la grève historique au Quai d’Orsay du 2 juin 2022. Étaient, entre autres, dénoncées l’ouverture à l’ensemble des administrateurs de l’État, des fonctions précédemment réservées aux diplomates (notamment en ce qu’elle ne garantirait pas la qualification professionnelle nécessaire à l’exercice du métier de diplomate) et l’exclusion des secrétaires des affaires étrangères du corps des administrateurs de l’État (laquelle aurait pour effet de nuire à leur perspective de carrière).
10 Le Conseil d’État rappelle que le Gouvernement dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la mission et l’organisation des corps de la fonction publique de l’État et qu’étant placés dans une situation statutaire et réglementaire, les fonctionnaires n’ont aucun droits acquis au maintien des dispositions statutaires les concernant. Il est ainsi loisible au Gouvernement, de privilégier la dimension interministérielle de l’action de l’État et de constituer à cet effet des corps interministériels à effectifs nombreux chargés d’assurer certaines missions interministérielles ou certaines fonctions communes à plusieurs ministères. Constatant que les décisions de primo-nomination en qualité de chef de mission diplomatique doivent être fondées sur la seule capacité des intéressés à remplir leur mission et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents, un tel dispositif n’a ni pour objet ni pour effet de déroger au principe d’égalité dans l’accès aux emplois publics. Le principe d’égalité n’est pas non plus méconnu par le fait que les membres des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires bénéficieraient de dispositions plus favorables que celles applicables aux secrétaires des affaires étrangères, lesquels pâtiraient de garanties insuffisantes dans le déroulement de leur carrière leur permettant de poursuivre celle-ci au sein du ministère en charge des affaires étrangères : le Conseil d’État rappelle que ledit principe d’égalité n’est en principe susceptible de s’appliquer qu’entre les agents appartenant à un même corps (sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d’emplois de fonctionnaires, ce qui n’est pas le cas des secrétaires des affaires étrangères qui n’étaient pas concernés par le décret).
Concours d’accès a la fonction publique et anonymat
11 Une décision du Conseil d’État 10 novembre 2023 a eu l’occasion de réitérer qu’« aucun principe n’impose l’anonymat des épreuves d’un concours d’accès à la fonction publique » : aussi la réglementation régissant le concours d’entrée aux instituts régionaux d’administration (IRA) pouvait-elle « sans méconnaître le principe d’égalité des candidats, prévoir une épreuve orale d’admission pour ses différentes voies d’accès » [6].
Remboursement de la « pantoufle » d’une fonctionnaire stagiaire normalienne entrée dans les ordres
12 Par un arrêt du 20 octobre 2023, la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté le recours d’une ancienne élève normalienne, lauréate du concours de l’agrégation, qui demandait à être dispensée de l’obligation de rembourser ses frais de scolarité pour non-respect de son engagement décennal de servir l’État [7]. Celle-ci avait rejoint, dès la fin de sa scolarité, la congrégation des sœurs apostoliques de Saint-Jean et mettait en avant son impécuniosité depuis son intégration dans un ordre dont les membres font vœu de pauvreté. Constatant qu’il s’agissait là d’un choix personnel de l’intéressée, la juridiction estime que l’administration était fondée à lui réclamer le payement de ce qui est communément appelé la « pantoufle », soit en l’occurrence la somme de 37 335 euros correspondant aux traitements perçus durant sa scolarité à l’École normale supérieure de Lyon.
13 Cette décision du directeur de l’École et confirmée par le juge administratif s’inscrit dans un contexte dans lequel les pouvoirs publics ont, à plusieurs reprises ces dernières années, affirmé – et notamment le Parlement – leur volonté de « systématiser la demande de remboursement de la « pantoufle » et [d’] assurer un suivi de ces demandes pour toutes les fonctions publiques » [8] : c’est ainsi que, depuis la loi « de transformation de la fonction publique » de 2019, le rapport annuel sur l’état de la fonction publique comprend systématiquement des informations sur ce point [9]
Interdiction aux agents publics du port de signes religieux
14 Par un arrêt du 28 novembre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’une administration publique peut interdire, sur le lieu de travail, le port visible de tout signe révélant des convictions philosophiques ou religieuses [10]. Cette décision conforte indirectement le droit français de la fonction publique qui interdit de manière assez stricte à ses agents de manifester leurs croyances dans l’exercice de leurs fonctions. Une fonctionnaire occupant le poste de « chef de bureau » d’une commune belge avait sollicité l’autorisation de porter le foulard islamique sur son lieu de travail. Cette demande a fait l’objet d’un refus qui a, ensuite, été consolidé par la modification du règlement intérieur de la Commune spécifiant une obligation de « neutralité exclusive » sur le lieu de travail, laquelle implique – pour l’ensemble des agents, y compris ceux qui ne sont pas en relation avec le public – l’interdiction du port de signes ostensibles d’appartenance idéologique, religieuse ou philosophique. La juridiction européenne estime que cette obligation de stricte neutralité ne contrevient pas à la directive n° 2000/78/CE « portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail » et n’introduit, ni directement, ni indirectement, aucune discrimination à raison de la religion. Les autorités nationales disposent d’une marge d’appréciation dans la conception de la neutralité du service public. Cet objectif doit néanmoins être poursuivi de manière cohérente et systématique à l’égard de l’ensemble de ses agents et respecter une stricte nécessité.
Premier bilan de la loi de 2019 de transformation de la fonction publique
15 Près de quatre ans après la publication de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (LFTP ci-après désignée « la loi de 2019 » ou « la loi »), la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) ont dressé, en novembre 2023, un premier bilan de la mise en œuvre de ses principales mesures [11].
16 La Cour pointe – en premier lieu – une mise en œuvre et un suivi de la loi partiellement défaillants : différents rapports au Parlement prévus par la loi n’ont pas encore été établis et plusieurs mesures réglementaires d’application font encore défaut, ce qui en altère la portée et son évaluation.
17 La Cour regrette – en second lieu – que l’élargissement des possibilités de recours aux contractuels opéré par la loi de 2019 n’ait pas été pleinement saisi par les employeurs publics. Bien que – du fait de la baisse du nombre d’inscriptions aux concours et du taux de sélectivité des recrutements – les employeurs publics aient un recours accru aux contrats depuis une quinzaine d’années, les administrations manifesteraient cependant « un grand attentisme » envers les nouveaux dispositifs.
18 La Cour déplore d’abord l’insuffisant recours aux contrats de projet (notamment au regard de son coût, moins élevé que celui des cabinets de conseils pour certains projets) : seulement 1900 contrats de projet ont été signés dans la fonction publique de l’État, à l’exception des ministères chargés de la justice (1150 contrats, dont 1000 contrats de « juristes-assistants ») et de l’enseignement supérieur (589 contrats), les autres ministères n’y ont eu recours que de manière très ciblée, voire de façon très marginale, comme ceux chargés de l’agriculture (1 contrat) et des affaires sociales (3 contrats) ; celui de la culture n’en ayant même conclu aucun. Dans la fonction publique territoriale, une enquête menée par les centres de gestion auprès des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale révèle une moyenne de trois contrats par entité depuis février 2020 [12], conclus dans leur grande majorité pour une durée inférieure ou égale à trois ans (notamment pour la mise en œuvre du dispositif « Petites villes de demain » et pour assurer des missions de « conseillers numériques »).
19 Elle constate ensuite que peu de contrats à durée indéterminée (CDI) en primo-recrutement ont été conclus (477 primo-recrutés en 2021 (essentiellement par le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur)). Selon le rapport, les facteurs d’explication seraient notamment la crainte de ne pouvoir se séparer d’un agent en CDI, l’absence de déconcentration de la décision de la conclusion de CDI, à l’instar du ministère de l’Intérieur, voire une période d’essai d’un mois jugée trop courte.
20 Elle observe par ailleurs que le contrat sur emploi de direction de l’État est peu sollicité : 11 contrats en 2020 et 17 en 2021, ce qui représente 6 % des emplois concernés : il s’agit majoritairement d’agents contractuels de droit public, avec seulement deux profils issus du secteur privé en 2020, et cinq en 2021, malgré un nombre important de candidatures (223 en 2020 et 170 en 2021).
21 Elle note en outre que la mise en place d’une indemnité de fin de contrat visant à décourager un recours trop systématique aux contrats courts par les employeurs publics possède une portée qui apparaît fort limitée en raison des critères d’octroi plus restrictifs que ceux appliqués dans le secteur privé. Depuis sa mise en œuvre, le nombre d’agents ayant bénéficié d’une indemnité de fin de contrat est, sur le périmètre de la fonction publique de l’État, estimé à 117 600 agents (dont plus de la moitié relève du ministère de l’Éducation) pour un montant moyen par personne de 670 euros.
22 La Cour fait part en revanche d’une appropriation rapide de la procédure – introduite à titre expérimental – de la « rupture conventionnelle ». Dans la fonction publique de l’État, 5 279 agents ont fait l’objet d’une rupture conventionnelle pour un montant moyen par agent de 20 320 euros. Elle signale cependant que la rupture conventionnelle et son régime d’indemnisation sont encore peu encadrés. Or, d’une part, ce dispositif présente une dérive inégalitaire au profit des agents faisant partie du décile qui enregistre les plus importantes indemnités de départ. En effet, rapportée à leur rémunération annuelle brute (58 122 euros en moyenne) et à leur âge de départ (55 en moyenne), l’indemnité touchée par ces derniers (62 309 euros en moyenne) est en proportion très supérieure à celle des autres agents. Et d’autre part, seuls les agents de la fonction publique d’État sont soumis à l’obligation de remboursement des sommes perçues au titre de la rupture conventionnelle en cas de réembauche, dans les six ans, au sein de la fonction publique au sein de laquelle il appartenait. La Cour demande de mettre un terme à une telle dissymétrie et d’appliquer cette obligation à tout agent public retrouvant, dans le délai de six ans, un emploi dans le secteur public, quel que soit le versant.
23 D’une manière générale, aux yeux de la Cour, le double mouvement de la montée en puissance des agents contractuels, mais aussi de la difficulté croissante rencontrée par certains ministères pour recruter ce type de personnels sur certains postes (en raison du décalage entre les rémunérations offertes et la situation du marché de l’emploi) devrait inciter les employeurs publics à rechercher un cadre de gestion approprié à ces personnels aux effectifs croissants : par exemple, par la définition de cadres de gestion proches des conventions collectives selon une procédure ouverte par la loi de 2019. Il en va de l’attrait de la fonction publique et de la fidélisation des personnels recrutés.
24 La Cour déplore – en troisième lieu – que les dispositifs de la loi de 2019 visant à fluidifier les modes de recrutement statutaire et les parcours professionnels des agents titulaires soient encore bridés par de nombreux freins.
25 Concernant les modes de recrutement des fonctionnaires, ses observations sont principalement les trois suivantes.
26 D’abord, la rénovation des modalités d’organisation des concours pour fluidifier les recrutements et les rapprocher des candidats est toujours en attente (en particulier la centralisation effective de toutes les offres d’emploi des trois fonctions publiques sur la plateforme « Choisir le service public »).
27 Ensuite le déploiement du concours national à affectation locale (CNAL), qui offre une visibilité pour l’employeur public comme pour le candidat, reste peu usité, sauf par le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, très largement pour des postes de gardiens de la paix (tous affectés en Île-de-France) et, dans une moindre mesure, le ministère de la Justice pour des postes dont plus de la moitié sont des emplois de surveillant de l’administration pénitentiaire (affectés eux aussi dans leur écrasante majorité en Île-de-France). D’une manière globale, cette modalité de recrutement reste cependant assez marginale : elle a représenté 3,4 % des postes ouverts aux concours de la fonction publique de l’État en 2020.
28 Enfin, le recrutement sur titres, largement déployé dans la fonction publique hospitalière, demeure encore trop rare dans la fonction publique de l’État et reste en suspens dans la fonction publique territoriale.
29 Concernant la carrière des fonctionnaires, la Cour procède à deux principaux constats.
30 D’une part, le nouvel instrument que constituent les lignes directrices de gestion est un vecteur de transformation de la gestion des ressources humaines qui est aujourd’hui peu opérant : elles ne contiennent souvent qu’un simple rappel des textes existants. Si la plupart des employeurs publics ont élaboré les volets « mobilité » et « promotion », un nombre limité d’entre eux [13] fonde son action sur la base d’une stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines définissant les enjeux et les objectifs de la politique à conduire au sein de l’administration, compte tenu des politiques publiques mises en œuvre et de la situation des effectifs, des métiers et des compétences.
31 D’autre part, le développement des mobilités entre les trois versants de la fonction publique, prévu par la loi de 2019 se heurte à des obstacles récurrents (écarts des régimes indemnitaires à fonctions comparables) et à un défaut de connaissance des perspectives d’évolution de leur carrière par les candidats et des différences d’organisation des employeurs publics. Sur les 5 millions et demi d’agents que compte la Fonction publique, ils n’ont été que 24 100 à changer de versant. Pour remédier à ces difficultés, les expérimentations lancées dans six régions en 2022 avec l’installation de comités locaux d’emploi public (associant des représentants des trois versants de la fonction publique) n’ont pas encore permis de mesurer leur efficacité.
32 La Cour met en lumière – en quatrième lieu – des problèmes quant au respect et à l’harmonisation du temps de travail au sein de la fonction publique.
33 La Cour observe que, comparées aux autres dispositions de la loi de 2019, celles visant l’harmonisation et l’optimisation du temps de travail, en raison de leur caractère socialement sensible, semblent avoir été laissées de côté depuis 2019, alors que la loi prévoyait un calendrier prioritaire de mise en œuvre.
34 La Cour relève, d’une part, que la remise en ordre du respect de la durée annuelle de travail que la loi de 2019 s’efforçait de parachever n’est pas aboutie. Par dérogation aux règles de droit commun, les employeurs publics locaux et certaines administrations avaient maintenu des régimes de travail plus favorables aux agents, c’est-à-dire inférieurs à la durée légale de 1 607 heures. L’abrogation de ces régimes dérogatoires par la loi de 2019 leur a imposé la redéfinition de nouveaux cycles de travail (tout en maintenant le droit pour les agents faisant l’objet de sujétions particulières de continuer à bénéficier légalement de cycles de travail inférieurs). L’enquête menée par la Cour a montré que les régimes dérogatoires au sein de la fonction publique de l’État n’ont pas été revus.
35 La proportion d’agents de l’État travaillant moins de 1607 heures a même augmenté notamment pour tenir compte de nouvelles situations, à l’instar de l’administration des douanes qui a vu croître le nombre de ses agents soumis à un régime dérogatoire à la durée légale du travail (en raison de la création de bureaux de douane ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour faire face aux nouvelles contraintes issues du Brexit). Ce statu quo sur les régimes dérogatoires au sein de la fonction publique de l’État est très préjudiciable à l’exercice du contrôle de légalité exercé par les préfectures pour la fonction publique territoriale, les collectivités locales justifiant le maintien de leur propre régime au regard du principe de parité. Malgré des instructions nombreuses données aux préfets pour exercer ce contrôle sur les délibérations de collectivités locales, plusieurs collectivités ont maintenu un nombre élevé de régimes dérogatoires – soit qu’elles refusent ostensiblement de modifier le régime existant (Colmar, Buhl…), soit qu’elles ne le modifient que partiellement (Cherbourg-en-Cotentin…), soit qu’elles recréent par ailleurs de nouveaux jours de congés (Oissel, Champs-sur-Marne…) -, quand d’autres ont contourné les obligations – soit par des délibérations de régularisation « de façade » (Vierzon, Méricourt, Paris [14] …), soit en se dispensant de toute délibération (Saint-Dié-des-Vosges…). Dans tous les cas (et pas seulement dans le dernier d’entre eux), le contrôle de légalité préfectoral peine à les sanctionner, ne disposant pas, à la différence des chambres régionales et territoriales des comptes, des moyens d’investigation leur permettant d’apprécier leur réalité pratique.
36 La Cour observe, d’autre part, que la Direction générale de la fonction publique a adopté une position en retrait sur ce sujet pourtant majeur. Outre l’absence déjà mentionnée du rapport à présenter au Parlement sur les actions mises en œuvre pour assurer le respect de la durée effective du temps de travail dans la fonction publique de l’État, font aussi défaut les décrets relatifs aux mesures d’adaptation tenant compte de sujétions auxquelles sont soumis certains agents de l’État et ceux relatifs aux autorisations spéciales d’absence. Les autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et à certains événements familiaux souffrent, en effet, toujours d’une absence d’harmonisation de leur régime.
37 La Cour signale – en cinquième et dernier lieu – que le dispositif de prévention des conflits d’intérêts est encore empreint de zones de risque et pourrait donc être amélioré, principalement dans les hypothèses où la loi de 2019 a internalisé les contrôles déontologiques des allers et retours vers le secteur privé. La saisine obligatoire de la HATVP pour les demandes des agents occupant des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, ne soulève en effet guère de difficulté. En revanche – comme on pouvait le prévoir –, l’internationalisation du processus d’approbation pour les autres demandes se révèle parfois difficilement applicable. Elle dépend étroitement des moyens humains disponibles pour exercer ce contrôle. La Cour indique qu’elle présente d’importantes marges de progrès, qui ont clairement été identifiées par les contrôles des chambres régionales des comptes, comme l’illustre le cas d’une administration territoriale (Département de l’Aude) dont les décisions d’autorisations sont incomplètes et les modalités pratiques permettant de s’assurer de la réalisation des conditions d’autorisation ne sont pas déclinées. Dans ces conditions, la Cour recommande la mise en place, dans les trois versants de la fonction publique, d’un dispositif de diffusion, sous une forme anonymisée, des principaux avis rendus par la hiérarchie et par les référents déontologues.
Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2023 : bilan des effectifs en 2021
38 Rendu public le 15 décembre 2023 par la Direction générale de la fonction publique, le Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2022 [15] expose la situation consolidée des effectifs de la fonction publique pour l’année 2021. Au 31 décembre 2021, l’effectif total des trois fonctions publiques, hors bénéficiaires de contrats aidés [16], s’élève à 5,67 millions d’agents, soit 19,8 % de l’emploi total (salarié et non-salarié) en France. L’année 2021 marque une très légère progression de + 0,3 % par rapport à l’année précédente.
39 La situation n’est toutefois pas exactement la même pour les trois versants de la fonction publique : après cinq années consécutives de hausse, les effectifs de la fonction publique de l’État demeurent quasi stables (– 0,1 %) ; après une année d’infléchissement de la courbe des effectifs de la fonction publique territoriale, celle-ci repart à la hausse en 2021 (+ 0,6 %) [17], essentiellement au niveau intercommunal et départemental ; dans la fonction publique hospitalière l’emploi augmente de 0,5 %, mais moins que l’année précédente et que sur les dix dernières années en moyenne.
40 La Fonction publique de l’État représente 44 % de l’emploi public : sur les 2,52 millions d’agents qu’elle comporte, 78 % travaillent dans les ministères et 22 % dans les établissements publics à caractère administratif (EPA) nationaux. La Fonction publique territoriale regroupe, quant à elle, 34 % des emplois publics, soit 1,94 million d’agents : 71 % dans les régions, départements et communes et 29 % par les EPA locaux. Enfin, la Fonction publique hospitalière compte pour 21 % de l’emploi public, soit 1,21 million d’agents : ils travaillent pour 89 % d’entre eux dans les hôpitaux, 7 % dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées et 4 % dans les autres établissements médico-sociaux.
41 Fin 2021, la fonction publique emploie, 3 773 100 fonctionnaires (66 %), 1 230 500 contractuels (22 %), 311 300 militaires et 359 600 (12 %) agents relevant des « autres catégories et statuts » [18] (7 %).
42 Concernant l’évolution de la structure de l’emploi public, en 2021, comme depuis 2016, la fonction publique enregistre une augmentation de la part des contractuels, qui atteint 22 % (+ 1 point par rapport à fin 2020), et symétriquement une baisse de 1 point de la part des fonctionnaires, qui s’établit à 66 %. En 2021, la hausse de l’emploi public est portée essentiellement par une augmentation du nombre de contractuels : en effet, par rapport à 2020, le nombre de contractuels dans l’ensemble de la fonction publique a augmenté de 33 800 agents, soit + 2,8 %. Depuis deux ans, cette hausse n’est plus principalement imputable au passage de contrats aidés en contractuels de droit public (sur les 35 800 contrats aidés en activité fin 2020, seulement 4 700 étaient devenus contractuels de droit public à la fin de l’année 2021 (bien moins que les années précédentes). Symétriquement le nombre de fonctionnaires se replie quant à lui de 21 700 dans l’ensemble de la fonction publique, par rapport à fin 2020. Faut-il y voir les prémisses de l’élargissement de l’ouverture de la fonction publique aux contractuels opéré par la loi du 6 août 2019 « de transformation de la fonction publique » ? Le rapport ne fournit aucun élément d’analyse qui permettrait de l’affirmer. Par versant, et par rapport à fin 2020, la hausse du nombre de contractuels est plus forte dans la fonction publique territoriale (+ 4,0 %) que dans la fonction publique de l’État (+ 2,8 %) et dans la fonction publique hospitalière (+ 1,0 %), alors qu’en 2020, dans le contexte de la crise sanitaire, c’est dans la fonction publique hospitalière que la hausse du nombre de contractuels était la plus forte.
43 Les femmes demeurent majoritaires dans la fonction publique, où elles représentent 63 % des effectifs. Entre 2011 et 2021, la part des femmes dans les effectifs augmente de deux points. Elle augmente même de cinq points si l’on se restreint aux seuls postes de catégorie A+ qui ont fait l’objet de mesures volontaristes, mais qui, malgré cela, restent majoritairement occupés par des hommes puisque les femmes ne représentent que 43 % des effectifs des emplois supérieurs et dirigeants. En 2021, la part des femmes chez les agents de catégorie B de la fonction publique hospitalière augmente de deux points, à la suite du reclassement dans cette catégorie des aides-soignants, auparavant dans la catégorie C. L’âge moyen des agents continue d’augmenter à un rythme identique à celui des années précédentes, pour atteindre 44 ans (contre 41 ans dans le secteur privé).
44 La fonction publique étant vieillissante, le rapport annuel opère, entre autres, un focus sur les agents de 50 ans ou plus. Dans le secteur privé, la part des salariés âgés de 50 ans ou plus était, en 2014, de 28 % et, en 2021, de 31 %, soit une hausse moyenne de + 1,2 % par an. Dans la fonction publique, sur la même période la part de ces agents est en moyenne supérieure de 6 points à celle relevée dans le secteur privé, mais elle augmente à un rythme proche (+ 1,6 % en moyenne par an). En 2021, 2,1 millions d’agents de la fonction publique sont âgés de 50 ans ou plus, soit 36 % d’entre eux. Cette proportion atteint même 42 % chez les fonctionnaires, contre 23 % chez les contractuels.
45 Parmi les agents de la fonction publique, 38 % relèvent de la catégorie hiérarchique A (dont 2 % de la catégorie A+), 20 % de la catégorie B et 42 % de la catégorie C.
46 Le taux d’administration (hors militaires) dans les trois versants de la fonction publique est de 74 agents pour 1 000 habitants [19]. Il est seulement de 71 pour mille en région, mais il s’élève à 82 pour mille en Île-de-France et même à 90 pour mille dans les départements d’outre-mer.
Notes
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[1]
Loi n° 2023-623 du 19 juillet 2023 visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.
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[2]
Décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023 « relatif à la mesure et à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de l’État », JORF du 6 décembre 2023.
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[3]
Au sens du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 modifié « relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique », qui lui-même précise l’article L132-5 du Code général de la fonction publique définissant les emplois soumis à l’obligation de nominations équilibrées.
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[4]
Décret n° 2023-1137 du 5 décembre 2023 « relatif aux modalités de calcul des indicateurs définis à l’article 1er du décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023 relatif à la mesure et à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de l’État », JORF du 6 décembre 2023.
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[5]
Conseil d’État, 31 octobre 2023, n° 468058, inédit au recueil Lebon.
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[6]
Conseil d’État, 10 novembre 2023, n° 487986, Inédit au recueil Lebon
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[7]
Cette obligation de remboursement concerne deux situations distinctes : le remboursement d’une formation obligatoire préalable à la titularisation dans un corps (par exemple les éléves de l’INSP) et le remboursement d’une formation de l’enseignement supérieur gratuite et rémunérée (par exemple les élèves des écoles normales supérieures).
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[8]
Proposition n° 12 du rapport suivant : Assemblée nationale (Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République), Rapport d’information, 31 janvier 2018, n° 611. Cf. la Chronique parue dans la Revue française d’administration publique n°166, p. 422.
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[9]
La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de « transformation de la fonction publique », article 37.
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[10]
CJUE, OP c. Commune d’Ans, 28 novembre 2023, n° C 148/22.
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[11]
Cour des comptes, La loi de transformation de la fonction publique : bilan d’étape, rapport public thématique, novembre 2023, 113 p. À noter que ce bilan ne porte pas sur les dispositions de la loi de 2019 qui sont relatives à la promotion du dialogue social et à l’égalité professionnelle, car elles feront l’objet d’une enquête ultérieure.
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[12]
Moyenne calculée sur la base du quart (23,84%) des répondants à l’enquête, lesquels déclarent 1 526 contrats de projet depuis février 2020. Rapport p.30.
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[13]
Il s’agit, dans la FPE, des ministères des armées, de la Culture, de l’Intérieur et de la Justice.
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[14]
Dans ce dernier cas, l’illégalité de la situation de la ville de Paris a même été prononcée par tribunal administratif de Paris (24 mars 2022)
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[15]
Ministère de la transformation et de la Fonction publiques, DGAFP, Rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2023 – Politiques et pratiques de ressources humaines – Faits et chiffres.
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[16]
42 500 contrats aidés.
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[17]
Et de manière plus forte si l’on inclut les contrats aidés (+ 0,9 %).
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[18]
La catégorie « Autres catégories et statuts » recouvre principalement des enseignants et documentalistes des établissements privés sous contrat et des ouvriers d’État dans la FPE, des assistants maternels et familiaux dans la FPT, des médecins dans la FPH et des apprentis dans les trois versants.
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[19]
Hors Mayotte.