Notes
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- [3]
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[4]
JO Sénat p. 6446.
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[5]
JO Sénat p. 6574.
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[6]
Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte (JORF du 24 octobre 2023).
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[7]
CSRD : acronyme de « Corporate Sustainability Reporting Directive » en anglais.
Il s’agit de la directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (JOUE du 16 décembre 2022). - [8]
- [9]
- [10]
Réforme de l’État
Réforme de la Police nationale
1 Rendre l’organisation territoriale de la Police nationale plus lisible pour les partenaires de la police participant du continuum de sécurité était l’objectif de la LOPMI (loi n°2023-22 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur) et plus exactement de son rapport annexé, qui constitue une originalité car il ne s’agit pas réellement de la loi. Cette réorganisation, très contestée en interne, notamment dans les rangs de la police judiciaire, déjà expérimentée en Outre-mer et dans 8 départements a fait l’objet de deux décrets publiés le 3 novembre 2023.
2 Le premier (décret n° 2023-1013 du 2 novembre 2023 entré en vigueur le 1er décembre 2023), donne naissance aux directions zonales, départementales et interdépartementales de la Police nationale (DZPN, DDPN et DIPN). Leur déploiement se fera au plus tard le 1er février 2024. Il s’agit du 2ème étage de cette vaste réforme après la création par le décret n° 2023-530 du 29 juin 2023 de la nouvelle direction générale de la Police nationale.
3 Les directions zonales se voient chargées de l’animation, de la coordination, de l’orientation et du contrôle des missions de la police dans les territoires des zones de défense. Placées sous l’autorité des préfets concernés, elles veillent à la mise en œuvre des politiques budgétaire, de ressources humaines, immobilière, et de formation à l’échelle de la zone de défense et de sécurité.
4 Les directions départementales de la Police nationale constituent l’échelon territorial de base. Elles mettent en œuvre les missions de la police dans le ressort du département. Mais afin de permettre la continuité de l’exécution des missions de sécurité publique ou de police judiciaire, il peut être créé par décret une circonscription de Police nationale dont les limites excèdent celles d’un département, ce qui permettra d’instituer des directions interdépartementales. Cette organisation interdépartementale selon les territoires est une concession accordée par le ministre de l’Intérieur aux “Pijistes (policiers de la police judiciaire)” qui arguaient que le niveau départemental n’était pas adapté à leurs missions.
5 Le second décret (n°2023-1012 du 31 octobre 2023) remplace les intitulés des directeurs départementaux de la sécurité publique par celui de directeurs départementaux ou interdépartementaux de la Police nationale.
6 La réforme est censée simplifier l’organisation de la police en instaurant une unicité de commandement. Dans cette optique, le directeur départemental de la Police nationale sera responsable de l’ensemble des filières sur son territoire : police judiciaire, police de l’air et des frontières, sécurité publique, renseignement, soutiens et formation.
7 Seize premières directions locales ont été créées le 1er décembre 2023, en majorité dans le 1/4 sud-ouest de la France : une direction zonale (celle du Sud-Ouest), neuf directions interdépartementales, et six directions départementales. Les 82 autres directions verront le jour à partir de janvier 2024.
8 Un autre décret publié le 30 novembre tient compte de cette réorganisation des échelons locaux en modifiant plusieurs dispositions, dont la réaffirmation du libre choix du service enquêteur par le magistrat chargé de l’enquête judiciaire : le procureur de la République et le juge d’instruction peuvent librement désigner la division compétente au sein du service départemental ou interdépartemental de police judiciaire des directions départementales ou interdépartementales de la Police nationale.
Réforme de l’État et communication
9 Lors du Conseil des ministres du 22 novembre 2023 la Première ministre et le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques ont présenté une communication relative au « baromètre des résultats de l’action publique », construit autour de la promesse de montrer « ce qui change pour moi ». Les chantiers prioritaires du Gouvernement déclinent les 4 grandes promesses fixées par le Président de la République pour le présent quinquennat : atteindre le plein emploi et réindustrialiser la France ; bâtir de nouveaux progrès et refonder nos services publics ; planifier et accélérer la transition écologique ; renforcer l’ordre républicain et encourager l’engagement citoyen.
10 Il s’agit d’une méthode nouvelle de conduite des politiques publiques orientée vers les résultats, le dernier kilomètre de l’action publique et la satisfaction des usagers. Elle a été étendue depuis 2022 à tous les ministères. Cette démarche vise aussi à rendre plus transparents les résultats de l’action publique. Ainsi, le « baromètre des résultats de l’action publique » [1] présente les résultats chiffrés de 60 chantiers prioritaires du gouvernement, déclinés en plus d’une centaine d’indicateurs, contre 42 chantiers et 23 indicateurs dans la version lancée en mai dernier. L’ambition du baromètre est de montrer au citoyen ce qui change pour lui, près de chez lui. Huit indicateurs de résultat sur dix publiés dans le baromètre le sont aussi à un niveau territorial, et à la maille départementale dans la très grande majorité des cas.
11 Parmi les nouveaux chantiers prioritaires intégrés au baromètre, sont présentés des résultats associés aux enjeux suivants : multiplier par 10 la puissance photovoltaïque d’ici 2050 … ; libérer du temps aux soignants… ; lutter contre le harcèlement et le cyber-harcèlement scolaires … ; permettre aux personnes âgées de vieillir chez elles le plus longtemps possible….
12 Ces résultats pourront être suivis d’ici 2027 avec des trajectoires d’atteinte des objectifs clairement établies.
13 Chacun des membres du Gouvernement devra suivre ces priorités dans le cadre de ses déplacements sur le terrain. Des cibles à l’échelle de chaque région et département sont par ailleurs définies, engageant les services déconcentrés, les préfectures ou encore les rectorats dans cette démarche. Dans le cadre de la campagne « Ce qui change pour moi », il a également été demandé aux préfets de davantage communiquer sur les résultats obtenus à l’échelon local.
14 Dans cette perspective, une page spécifique a été créée dans le baromètre pour chaque département et chaque région. L’objectif est de permettre aux représentants de l’État d’y présenter les grands enjeux du déploiement de la feuille de route du Gouvernement dans leur territoire, ainsi que les résultats déjà obtenus.
15 Cette territorialisation du contenu éditorial du baromètre s’accompagne de la publication de 94 vidéos à destination des citoyens, également consultables sur le site. Dans chacune d’entre elles, un préfet rend compte, auprès des Français, de réalisations concrètes obtenues au titre d’un chantier prioritaire exemplaire dans le département relevant de sa responsabilité.
16 Il sera intéressant de mesurer le déploiement de ces mesures et l’utilisation qui pourra être faite par les citoyens, en particulier quant à la consultation des vidéos.
Gestion publique
Les opérateurs de l’État
Évolution des opérateurs de l’État
17 En 2024, le périmètre des opérateurs de l’État s’établira à 438 entités, selon le “jaune” budgétaire annexé au Projet de loi de finances. Le nombre total de ces opérateurs sera donc stable par rapport à 2023 où l’on comptait déjà 438 opérateurs.
18 Malgré ce nombre inchangé d’opérateurs, leur périmètre connaîtra plusieurs évolutions, avec l’entrée de trois nouvelles entités et la sortie de trois autres. Plus précisément, concernant les “entrées”, ont été créés l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS), le GIP “France enfance protégée” et l’École d’économie et de sciences quantitatives de Toulouse.
19 S’agissant des sorties du périmètre des opérateurs, le document budgétaire cite le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) et le GIP “Agence de développement universitaire Drôme Ardèche” pour lesquels le niveau de contrôle de l’État et les enjeux budgétaires limités ne justifient plus la qualification d’opérateur. On retrouve également l’Institut des Hautes Études pour la Science et la Technologie (IHEST) qui est appelé à devenir, en 2024, un service à compétence nationale avec donc une réinternalisation au sein de l’État.
20 En dépit de cette stabilité, l’exécutif profite du “jaune” budgétaire pour mettre en avant la démarche de rationalisation du paysage des opérateurs de l’État, engagée depuis plusieurs années et accélérée en 2019 sous l’impulsion de l’ex-Premier ministre M Edouard PHILIPPE.
21 Aussi, depuis 2008, le nombre des opérateurs de l’État a diminué de 33 %. Il est ainsi passé de 649 opérateurs en 2008 à 438 en 2024.
22 La taille des opérateurs, pour rappel, est très diverse et hétérogène. Elle va de 5 emplois pour l’Institut des études et de la recherche pour le droit et le justice (IERDJ) à près de 50 000 pour Pôle emploi, l’opérateur le plus important en termes de taille. A noter, aussi, que 50 % des opérateurs comptent moins de 250 emplois.
Les opérateurs de l’État sur le territoire
23 La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat vient de rendre un rapport (novembre 2023) relatif à la cohésion des opérateurs de l’État sur le territoire [2].
24 La loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019, initiative sénatoriale, a créé l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), afin de répondre au souhait des élus de disposer d’un accès renforcé à l’ingénierie des services de l’État et de ses opérateurs. L’objectif, après la dissolution de la DATAR en 2014, était de redonner un interlocuteur unique aux collectivités territoriales pour assister les élus dans l’élaboration d’un projet de territoire durable. Pourtant, l’ANCT n’a pas conduit à la fusion de l’ensemble des opérateurs de l’aménagement du territoire. Cinq opérateurs subsistent, avec lesquels un dispositif de coordination a été constitué :
- des conventions de coordination sont signées entre l’ANCT et chacun des opérateurs ;
- un comité national de coordination se réunit en moyenne toutes les six semaines, complété par des réunions organisées au niveau technique.
25 Quatre ans après la création de l’ANCT, les succès de l’agence, notamment s’agissant des programmes nationaux d’intervention, sont indéniables. L’identification de l’ANCT auprès des élus et du public reste cependant limitée, en raison notamment de la multitude d’interlocuteurs.
26 Le déploiement du programme Villages d’Avenir illustre ces difficultés de coordination : 100 postes de chefs de projet ANCT et 20 postes de chefs de projets Cerema seront créés. Dans certains départements, les communes auront donc deux nouveaux points de contact dans le cadre de leurs projets d’ingénierie, en plus des acteurs de l’ingénierie préexistants (direction départementale des territoires, Agences techniques départementales, Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement - CAUE…).
27 Quatre ans après la création de l’ANCT, le périmètre de l’Agence pourrait être interrogé. En effet, les premières conventions de coordination (2021-2023) arrivent aujourd’hui à leur terme. Ces conventions, ainsi que l’existence d’un comité de coordination, ont réduit les inconvénients du maintien d’une pluralité d’interlocuteurs pour les collectivités territoriales. Une deuxième génération de conventions, pour la période 2023 à 2027, a été adoptée au conseil d’administration de l’ANCT le 15 novembre 2023, prenant en compte les critiques exprimées par les élus locaux ainsi que par le Sénat, en mettant par exemple en place un portail d’entrée commun de l’ingénierie auprès des préfets de département et une plateforme numérique destinée à l’accueil des besoins des collectivités.
28 Cette deuxième génération de conventions de coordination doit cependant être l’opportunité d’engager une réflexion plus large. Comme le relève le rapporteur, il convient de s’interroger sur les périmètres respectifs de l’ANCT et de ses partenaires : l’opportunité d’un rapprochement, voire d’une fusion d’opérateurs, pourrait être étudiée, afin de renforcer la lisibilité de l’action, d’assurer une utilisation optimale des financements alloués et de mettre enfin en œuvre une politique globale d’aménagement du territoire. La coordination entre les différents opérateurs de cohésion des territoires reste donc un défi.
Évaluation des politiques publiques
29 Les acteurs publics se disent convaincus de l’intérêt et de l’apport des évaluations des politiques publiques pour éclairer les décisions et améliorer l’action publique. Mais ces évaluations sont difficilement compatibles avec le temps politique et le temps administratif. Comment faire en sorte que les acteurs publics tirent les conséquences du travail des évaluateurs et, inversement, comment faire en sorte que ces derniers produisent des travaux plus facilement mobilisables ?
30 Pour y parvenir, la Société française de l’évaluation (SFE) veut faire tomber les barrières et rapprocher acteurs et évaluateurs publics, lors de “Rendez-vous de l’évaluation” ayant vocation à se tenir une fois par an avec pour objectif de réfléchir aux grands enjeux de l’évaluation et notamment à l’association plus étroite du citoyen à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques. Dans cet objectif et lors du premier Rendez-vous, la SFE a signé le 30 novembre 2023 une convention de partenariat avec le Conseil économique social et environnemental pour renforcer la place du citoyen dans les évaluations [3].
31 De son côté, France Stratégie a décidé de documenter les différentes étapes de l’évaluation et de publier tous ses travaux, pour leur donner du crédit, mais aussi pour qu’ils soient utiles au débat public, lors de la publication mais aussi à plus long terme. La Cour des comptes fait elle-même face à un énorme défi pour rester audible malgré la publication d’un nombre – record - de 173 rapports en 2023.
Les ministeres vont payer leur loyer
32 En 2016, une réforme a permis de centraliser la gestion du patrimoine immobilier public dont la valeur estimée est de 73 milliards d’euros et inclut plus de 192 000 bâtiments et 30 000 terrains sur 94 millions de kilomètres carrés. Afin d’obtenir des rentrées d’argent, des ventes ont parfois lieu mais seulement ponctuellement. Le ministre du budget a donc décidé, en novembre 2023, de créer une « foncière d’État », chargée d’entretenir et valoriser ce patrimoine. En particulier, elle fera payer des loyers aux occupants dont les ministères. Des expérimentations auront lieu en 2024 dans une ou deux régions test, s’inspirant des exemples allemands ou finlandais.
33 Par ailleurs, un projet débutera également en 2024 visant à financer des travaux d’économie d’énergie pour tous types de bâtiments appartenant à l’État, ce qui représente un très vaste programme.
Instruments de la commande publique
Règles de la commande publique et soutien à la souveraineté et à la réindustrialisation européenne
34 Interrogé sur la possibilité de privilégier les entreprises européennes dans les appels d’offres, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique rappelle, dans une réponse publiée le 16 novembre 2023 [4], les règles concernant la localisation géographique des opérateurs économiques dans le cadre des marchés publics. Selon l’article L. 2112-4 du code de la commande publique, les acheteurs publics peuvent imposer la localisation des moyens utilisés pour l’exécution d’un marché sur le territoire de l’Union européenne. Cependant, cette exigence ne doit pas entraver la libre concurrence ni créer des discriminations envers les entreprises des pays tiers à l’Union qui ont un accès garanti au marché européen. L’application de cette disposition doit être évaluée au cas par cas, et l’acheteur doit démontrer que cette exigence est justifiée par l’objet du marché et qu’elle est nécessaire et proportionnée à la bonne exécution du contrat. Les moyens visés peuvent inclure le lieu de production ou de stockage de pièces ou de données. De plus, cette exigence ne peut être préexistante à l’attribution du marché, mais seulement une condition d’exécution que l’opérateur économique s’engage à respecter après l’attribution du contrat. Les acheteurs peuvent utiliser cette disposition pour des marchés spécifiques, tels que les produits de santé en cas de crise sanitaire, la sécurité des informations, la disponibilité de pièces de rechange, etc. Si cette exigence est justifiée, elle peut être rendue obligatoire pour tous les candidats, avec la possibilité d’inclure un critère d’attribution évaluant la qualité des mesures proposées par les opérateurs économiques. Une fiche technique a été publiée par la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie en mai 2023 pour expliquer ce dispositif aux acheteurs et aux opérateurs économiques. Enfin, les autorités françaises soutiennent activement les projets de l’Union européenne visant à promouvoir une industrie « zéro net » et à garantir la durabilité et la résilience des sources d’approvisionnement, notamment dans le secteur des véhicules utilitaires lourds.
Appels d’offres
35 Dans une réponse publiée le 23 novembre 2023 [5] et relative aux mesures visant à faciliter l’accès des TPE/PME aux marchés publics, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a décliné un certain nombre d’initiatives récentes. La Direction des Achats de l’État (DAE) propose la consultation des projets d’achats de l’État pour les quatre prochaines années via APProch, un portail unique dédié aux projets d’achats publics permettant aux entreprises de mieux préparer leurs réponses. Les collectivités territoriales, établissements publics et hôpitaux peuvent également y publier leurs projets d’achats. APProch offre aux TPE/PME la possibilité de rechercher d’autres entreprises pour constituer des Groupements momentanés d’entreprises (GME) pour répondre aux marchés publics. En 2022, 90 % des marchés publics attribués par l’État étaient remportés par des PME, 7 % par des ETI et 3 % par des grandes entreprises. En termes de dépenses d’achat, 28 % étaient attribuées à des PME, dépassant la moyenne du secteur privé (17%), tandis que 35,5 % allaient entreprise de taille intermédiaire (ETI) et 36,5 % aux grandes entreprises. Le gouvernement s’engage à informer et accompagner les acheteurs pour faciliter l’accès des TPE/PME aux marchés publics. L’Observatoire économique de la commande publique a publié un guide pratique pour ce faire, destiné à sensibiliser les acheteurs à l’importance de favoriser les PME et à aider les entreprises à mieux comprendre les opportunités offertes par la commande publique. Un nouveau guide pratique TPE/PME, élaboré en collaboration avec les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat, le MEDEF et la CPME, a été mis à disposition en mars 2022 pour aider les TPE/PME à développer leurs activités grâce aux marchés publics et à promouvoir une commande publique plus responsable.
Réindustrialisation de la France
36 La loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte [6] vise à accélérer la réindustrialisation de la France et à la positionner en tant que leader de l’industrie verte en Europe. Pour atteindre cet objectif, elle renforce la dimension durable de la commande publique, en poursuivant les efforts initiés par la loi de lutte contre le dérèglement climatique de 2021. Les principales dispositions de cette loi sont les suivantes :
- La prise en compte de l’environnement dans la commande publique, dans la mesure où l’obligation d’adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables est étendue à l’État et à tous les acheteurs soumis au code de la commande publique, et où, de plus, la mutualisation de l’élaboration de ce schéma est autorisée (les critères de détermination de “l’offre économiquement la plus avantageuse” sont précisés pour inclure des aspects qualitatifs, environnementaux et sociaux, ce qui élargit la définition de cette notion au-delà des aspects financiers) ;
- La création de deux nouveaux dispositifs d’exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière de bilan des émissions de gaz à effet de serre et de publication d’informations sur la durabilité, conformément à la directive CSRD [7] ;
- La simplification de la passation des marchés par les entités adjudicatrices impliquées dans la transition énergétique, puisque ces entités peuvent déroger au principe d’allotissement en cas de risque de procédure infructueuse ;
- La possibilité d’ajuster la durée des accords-cadres lorsque le respect de la durée standard présente un risque de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse ; les offres peuvent varier en fonction du nombre de lots pouvant être obtenus pour les marchés dont la valeur estimée dépasse un seuil à définir par voie réglementaire.
Juridictions
Responsabilité des gestionnaires publics
37 Depuis le début de l’année 2023, la Cour des comptes dispose de pouvoirs nouveaux qui lui permettent de mieux responsabiliser les gestionnaires publics et prévenir les irrégularités portant atteinte à l’ordre public financier. En effet, les gestionnaires publics peuvent faire l’objet de poursuites et d’amendes. Plus de quarante affaires sont en cours d’instruction et quatre ont déjà fait l’objet de jugements.
38 La Cour a créé une plateforme de signalement [8] permettant à tout citoyen d’informer de toute infraction pressentie ou toute irrégularité dans la gestion. Ainsi, fin 2023, ce sont quelques 1400 signalements qui ont été faits à la Cour.
39 Fait nouveau, ce régime concerne les agents publics mais également les élus puisqu’un maire a déjà été condamné à une lourde amende.
Certification des comptes des collectivités territoriales
40 Le rapport du Gouvernement au Parlement portant sur le bilan définitif de l’expérimentation de la certification de comptes et publié le 30 juin 2023 préconisait de « réserver la certification des comptes aux collectivités locales les plus importantes sur une base facultative ». Dans un référé en date du 11 décembre 2023 [9], la Cour appelle l’attention du gouvernement sur la principale recommandation de ce document, qui est de conserver un caractère facultatif à la certification des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements, sans changement par rapport à la situation actuelle. Au contraire, la Cour estime indispensable d’instaurer une obligation de certification des comptes par des commissaires aux comptes, en la proportionnant aux enjeux financiers du secteur public local. Cette certification obligatoire concernerait ainsi les comptes de l’ensemble des régions et des départements, ainsi que ceux des communes et des groupements de collectivités (intercommunalités, syndicats) ayant également une taille importante.
41 Pour la Cour, l’absence de certification obligatoire pour les collectivités territoriales ne serait pas cohérente avec les choix faits pour les autres administrations publiques (État, Sécurité sociale…).
42 Les collectivités expérimentatrices ont souligné les apports de la certification pour améliorer la fiabilité de leurs comptes et renforcer la maîtrise des risques de portée financière qui affectent les opérations qu’elles effectuent et comptabilisent, ainsi qu’en rend compte le bilan final de l’expérimentation publié par la Cour en janvier 2023 Elle préconise à nouveau que la certification des comptes par un commissaire aux comptes soit rendue obligatoire pour l’ensemble des régions et des départements, ainsi que pour les communes et les groupements de collectivités (intercommunalités, syndicats) ayant également une taille importante, selon un ou plusieurs seuils tenant compte de la forte concentration des enjeux financiers sur un petit nombre d’entités. À ce titre, elle rappelle que moins de 1 800 entités (soit moins de 3 % du nombre total d’entités du secteur public local) sont à l’origine de 80% du total des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Cour des comptes : La politique de lutte contre l’immigration irrégulière
43 La Cour, dans un rapport daté du 4 janvier 2024, consacré à la politique de lutte contre l’immigration irrégulière [10], et notamment aux moyens mis en œuvre et aux résultats obtenus, a analysé les trois grands volets de cette politique : la surveillance des frontières, la gestion administrative des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et l’organisation de leur retour dans leur pays d’origine.
44 Le nombre d’étrangers en situation irrégulière est généralement estimé à partir du nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État (439 000 en juin 2023), mais cette estimation présente de nombreuses limites.
45 Face à une pression croissante depuis 2015, mesurée par plusieurs indicateurs, la protection des frontières incombe à deux autorités « gardes-frontières » : la police aux frontières et les Douanes qui se partagent la tenue de 126 points d’entrée dans l’espace Schengen en provenance des pays tiers. Depuis 2015, elles sont aussi fortement mobilisées par le contrôle des frontières avec les autres pays de l’espace Schengen. Ce rétablissement du contrôle des frontières intérieures, censé être temporaire, dure depuis huit ans et présente une efficacité limitée. La Cour recommande de revoir l’attribution des points de passage frontalier entre ces deux administrations et de recueillir et conserver l’identité des personnes interpellées à la frontière.
46 La Cour constate que le cadre législatif de la lutte contre l’immigration irrégulière est particulièrement mouvant : il a connu 133 modifications en moins de dix ans. Malgré la réitération régulière des priorités ministérielles au gré de l’actualité, les services administratifs et les juridictions chargés de la gestion des étrangers en situation irrégulière peinent à remplir leurs missions, du fait de leur manque de moyens. Avec 447 257 obligations de quitter le territoire (OQTF) prononcées entre 2019 et 2022, les préfectures sont saturées. La Cour recommande de renforcer les moyens humains des services chargés des étrangers dans les préfectures et d’engager une simplification du contentieux des étrangers. De plus, les systèmes d’information visant à contrôler les frontières sont insuffisamment interconnectés. Enfin, la Cour souligne la nécessité que les ministères concernés apportent effectivement les moyens humains prévus au nouvel office central de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM).
47 Le retour d’une personne dans son pays d’origine peut être volontaire, aidé ou forcé. L’éloignement forcé demeure majoritaire, car les personnes étrangères cherchent plutôt à se maintenir sur le territoire national. Or, l’éloignement forcé est contraint par plusieurs difficultés. Les centres de rétention administrative (CRA) manquent de policiers pour en assurer la surveillance, limitant ainsi les places disponibles ; aussi, depuis août 2022, le ministère de l’intérieur concentre ses efforts sur les personnes susceptibles de causer un trouble à l’ordre public. Ensuite, entre 20 et 30 % des étrangers ne sont pas identifiés avec certitude, empêchant leur éloignement. Enfin, l’État rencontre des difficultés à obtenir les laissez-passer consulaires de la part des États d’origine des personnes concernées, ce qui conduit la Cour à préconiser une centralisation des demandes de laissez-passer. Au total, malgré les moyens alloués, seules 12 % des OQTF sont exécutées.
48 Le coût direct de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière est d’environ 1,8 Md€ par an. Elle mobilise près de 16 000 fonctionnaires et militaires à temps plein. La police aux frontières est la seule force opérationnelle dont la lutte contre l’immigration irrégulière est une priorité permanente. L’organisation de cette politique incombe principalement au ministère de l’intérieur, qui définit seul ses orientations stratégiques et pourvoit l’essentiel des moyens mobilisés. Dans ce contexte, la coordination interministérielle, en particulier avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, est insuffisamment développée. Or, l’immigration irrégulière affecte un nombre important de ministères. La Cour recommande donc de formaliser une stratégie interministérielle à trois niveaux : au niveau français, elle fixerait le rôle de chaque ministère et identifierait les failles juridiques. Au niveau européen, la France doit poursuivre ses efforts de mobilisation des leviers européens, en particulier sur les visas, la politique commerciale et la protection des frontières extérieures.
Notes
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[4]
JO Sénat p. 6446.
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[5]
JO Sénat p. 6574.
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[6]
Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte (JORF du 24 octobre 2023).
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[7]
CSRD : acronyme de « Corporate Sustainability Reporting Directive » en anglais.
Il s’agit de la directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (JOUE du 16 décembre 2022). - [8]
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- [10]