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Cour des comptes, « La prise en compte de l’environnement dans le budget et les comptes de l’État. Exercices 2020-2023 ». S2023-0746. Mise en ligne le 27 juillet 2023.
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Arrêté du 31 août 2023 portant création du label « Services Publics + », JORF n° 0202 du 1er septembre 2023.
- Gestion publique
- Services publics et citoyens
- Réformes et territoires
Gestion publique
Cour des comptes : renforcer la qualité de la dépense publique
1 Sous le titre « Renforcer la qualité de la dépense publique », la Cour des comptes a rendu publiques le 7 juillet neuf notes thématiques. Les notes thématiques publiées par la Cour des comptes visent à contribuer à la revue des dépenses initiée par le Gouvernement dans la perspective des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2024. Synthétiques et ciblées, elles capitalisent sur les nombreux travaux récents réalisés par les chambres de la Cour.
2 Neuf thèmes sont abordés, qui correspondent à des politiques publiques essentielles pour les citoyens, dans lesquels les questions de l’efficacité et de l’efficience de l’action publique se posent avec une acuité particulière.
3 Ces études de la Cour sont particulièrement significatives car elles révèlent les défauts de fonctionnement de la dépense publique auxquels il est urgent de remédier. En ce sens, la Cour des comptes est dans son rôle de conseil des pouvoirs publics. L’évolution de ces neuf thèmes restera probablement sous surveillance de la Cour.
Piloter et évaluer les dépenses fiscales [1]
4 Les dépenses fiscales sont en fait des avantages fiscaux et réductions d’impôt prévus par la loi et susceptibles de bénéficier à différentes catégories de contribuables. Or, la maîtrise du coût des dépenses fiscales nécessite un pilotage tout aussi rigoureux que celui qui existe en matière budgétaire. D’après la Cour, pour y parvenir, il est nécessaire de les considérer comme des dépenses budgétaires ordinaires, avec le même niveau d’exigence sur leur suivi et sur leur efficience, en les évaluant et en les intégrant dans la revue de dépenses initiée par le Gouvernement. La Cour identifie quatre leviers d’action :
- un mécanisme de plafonnement du coût des dépenses fiscales est institué sur la période 2023-2027 ;
- les conférences fiscales annuelles se voient assigner un objectif explicite de pilotage et de rationalisation des dépenses fiscales ;
- la durée de toute nouvelle dépense fiscale doit être limitée à quatre ans ;
- l’évaluation exhaustive de l’ensemble des dépenses fiscales doit être programmée dans le cadre des revues de dépenses à l’horizon 2027 et en plaçant ces travaux sous la responsabilité d’un comité ad hoc.
Apprécier la contribution de la dépense publique à la transition écologique [2]
6 Pour atteindre les ambitieux engagements internationaux pris par la France en faveur du climat et d’autres défis environnementaux, la dépense publique sera sollicitée de manière croissante dans les prochaines années. Cet impératif devra se concilier d’une part avec la maîtrise des dépenses prévue par la trajectoire des lois de programmation des finances publiques, et d’autre part avec les nouveaux besoins sectoriels. Une évaluation des financements publics nécessaires à la transition écologique est donc essentielle pour garantir que les moyens mobilisés sont proportionnés aux bénéfices attendus. Or, cette évaluation fait actuellement défaut en dépit des nouveaux instruments mis en place comme la nouvelle annexe budgétaire, dite « budget vert ».
7 La Cour préconise d’affiner la granularité d’analyse et d’améliorer le suivi de l’exécution du budget afin notamment de s’assurer que les dépenses votées « vertes » ne soient détournées de leur objectif. Elle souhaite également que les collectivités locales et les opérateurs de l’État s’orientent vers un « budget vert ». Enfin, elle remarque que l’urgence a pu conduire à des choix peu judicieux en matière de développement durable et propose de conduire des études d’impact plus précises.
Les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales [3]
8 Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre disposent de ressources qui sont versées par les particuliers ou les entreprises. Ils perçoivent en outre un certain nombre de ressources financières allouées par l’État qui prennent des formes multiples. La Cour identifie trois leviers d’action, afin de faire jouer à ces transferts financiers un rôle plus actif dans le redressement des finances publiques, de mieux proportionner leur contribution au financement des missions des collectivités territoriales dans un cadre solidaire et de les redéployer vers le financement des coûts de la transition écologique.
9 Ainsi, la Cour suggère de lier les transferts financiers de l’État vers les collectivités locales au niveau des ressources et charges de ces collectivités, d’orienter les soutiens vers l’investissement et vers la transition écologique. La DGF pourrait être fléchée vers une plus grande réduction des inégalités. Enfin, le « saupoudrage » qui rend les transferts inefficaces devrait être supprimé et remplacé par des stratégies mieux définies.
Garantir l’efficacité des aides de l’État aux entreprises pour faire face aux crises [4]
10 La Cour a examiné les aides de l’État aux entreprises pour faire face aux crises sanitaire et énergétique. Pour améliorer la qualité des aides publiques octroyées aux entreprises en temps de crise et réduire les dépenses, la Cour identifie trois leviers d’action : affirmer le caractère temporaire des aides et prévoir leur évaluation ; mieux évaluer les besoins des entreprises et la nécessité de la dépense ; systématiser les outils de contrôle a priori.
Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage [5]
11 Il est nécessaire de recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage, compte tenu de la très forte dynamique des dépenses relatives au compte personnel de formation (CPF) et, surtout à l’apprentissage. Si l’accès à ces dispositifs a été fortement encouragé, le développement de l’apprentissage a surtout bénéficié aux étudiants de l’enseignement supérieur. En outre, le système visant à s’assurer de la qualité des formations délivrées présente des lacunes. Pour remédier à cette situation, la Cour propose de mobiliser trois leviers d’action, déclinés en recommandations afin d’agir plus résolument pour améliorer la qualité de la dépense et adapter le financement aux enjeux.
12 La Cour suggère d’orienter les financements en priorité au bénéfice des jeunes rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi et vers des actions permettant aux actifs de monter en qualification ; elle souhaite un renforcement des exigences en matière de qualité des actions de formation et de lutte contre la fraude (notamment resserrement des certifications professionnelles enregistrées par France compétences) et préconise un pilotage stratégique et de leviers de régulation permettant d’assurer la soutenabilité financière du système de formation professionnelle et d’alternance à travers un cadre pérenne de concertation entre l’État et les partenaires sociaux à mettre en place et un ajustement du niveau de financement des contrats d’apprentissage à poursuivre.
Privilégier l’approche territoriale et l’autonomie dans la gestion des dépenses d’éducation [6]
13 La Cour a analysé les dépenses consacrées à la politique scolaire, leur nature, leur volume et leur évolution, dépenses particulièrement importantes sans que les résultats de ces engagements soient au rendez-vous. Le périmètre retenu est celui des dépenses supportées par le budget de l’État, décrites dans la mission interministérielle « enseignement scolaire », et celles qui sont à la charge des collectivités territoriales, régions, départements et communes. La Cour identifie quatre leviers d’amélioration, potentiellement mis en œuvre par voie d’expérimentation, qui doivent avoir pour conséquence une approche territoriale et une autonomie plus marquée des établissements : profiter de la baisse démographique qui diminue les charges ; surmonter les disparités territoriales ; déconcentrer la gestions des établissements d’enseignements pour raccourcir le circuit des décisions ; prioriser la gestion des ressources humaines qui est la grande difficulté du ministère.
Les forces de sécurité intérieure : des moyens accrus, une efficience à renforcer [7]
14 La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) votée en 2022 prévoit une augmentation significative des moyens consacrés au ministère de l’Intérieur, dont une part prépondérante bénéficie aux forces de sécurité intérieure. Des hausses de crédits ont été consacrées aux augmentations salariales des policiers et gendarmes prévues dans le cadre du « Beauvau de la Sécurité », finançant des primes souvent sans cohérence et qui ne résolvent pas les difficultés croissantes de recrutement et de fidélisation des forces de l’ordre. Les revendications des forces de sécurité restent élevées malgré les montants budgétaires consacrés depuis de nombreuses années. La Cour présente trois leviers d’action pour permettre aux forces de l’ordre d’améliorer, à budget constant, la qualité de la dépense et du service rendu aux citoyens : une articulation plus cohérente des forces de sécurité intérieure avec la prise en compte de la police municipale et une nouvelle répartition des zones de police et de gendarmerie ; des réformes structurelles à engager en matière de ressources humaines avec une formation modernisée dans les écoles de police ; une programmation nécessaire pour les projets immobiliers et numériques et notamment une modernisation du matériel numérique.
Accélérer la réorganisation des soins de ville pour en garantir la qualité et maîtriser la dépense [8]
15 Les dépenses de soins de ville sont essentiellement constituées des honoraires médicaux et paramédicaux, des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux), des indemnités journalières, des actes de biologie médicale et des transports sanitaires. En 2022, elles constituent, devant l’hôpital, le premier poste des dépenses d’assurance maladie. L’enveloppe prévisionnelle annuelle de ces dépenses comporte de nombreuses zones qui échappent en tout ou partie à toute régulation. Certaines pistes lancées par les pouvoirs publics (comme la coordination et le partage de compétences entre professionnels de santé libéraux) sont intéressantes mais leur efficacité reste à démontrer.
16 La Cour propose de conforter la couverture territoriale de l’offre de soins et d’améliorer la qualité des soins en centrant les rémunérations sur la prévention, la qualité et l’organisation ; elle souhaite également un renforcement des contrôles contre la fraude.
Assurer la cohérence de la politique du logement face à ses nouveaux défis [9]
17 Les fondamentaux de la politique du logement, élaborés il y a plus de cinquante ans, ne correspondent plus aux réalités de la France de 2023. Cette politique à vocation notamment sociale n’est pas efficace alors que les enjeux sont nombreux : nécessité d’un meilleur ciblage des diverses aides et des bénéficiaires du parc de logements sociaux, réponse aux évolutions des besoins des ménages sur le territoire, adaptation de l’habitat au vieillissement de la population, à une décohabitation croissante et au changement climatique. Pour assurer une cohérence à la politique du logement, la Cour propose des leviers d’action susceptibles d’être mobilisés : le développement d’une approche qualitative pour prendre en compte les nouvelles priorités sociales et environnementales ; le recentrage sur les publics les plus défavorisés en soutenant la location abordable ; la différenciation de l’approche selon les territoires.
Nouveauté dans la procédure budgétaire : l’évaluation de la qualité de l’action publique
18 Publié en juillet 2023, dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, le « rapport d’évaluation de la qualité de l’action publique » expose le bilan des évaluations des actions menées en 2023 et s’accompagne de propositions de réformes et d’économies, en application de l’article 167 de la Loi de finances (LFI) pour 2023 [10].
19 Ce nouveau dispositif a pour objectif de créer un cadre institutionnel d’évaluation de l’action publique qui s’établisse dans le temps et qui contribue, dans un contexte de sortie de crise, à la maîtrise de la trajectoire des finances publiques. Dans ce cadre, des revues de dépenses thématiques sont réalisées sur l’ensemble du champ des administrations publiques (État, collectivités territoriales et administrations de sécurité sociale).
20 Les revues de dépenses sont des processus d’évaluation approfondie des modalités d’intervention publique et des dépenses qui y sont associées, sous l’angle de leur pertinence, de leur efficacité et de leur efficience. Elles permettent à la fois d’améliorer la qualité de l’action publique, mais aussi d’identifier les possibilités de réduire ou de réallouer certaines dépenses jugées peu performantes au regard des objectifs liés ou devenues non pertinentes du fait de l’évolution du contexte économique et social.
21 La maîtrise des dépenses doit s’accompagner d’un renforcement de la qualité des dépenses, notamment en finançant des investissements indispensables pour assurer les transitions écologique et numérique, atteindre le plein emploi et s’assurer de la compétitivité des entreprises, notamment dans le cadre du plan « France 2030 ».
22 Ce rapport du Gouvernement au Parlement présente le dispositif mis en place depuis début 2023 (1re partie), le bilan de ce premier exercice de revues de dépenses 2023-2027 permettant d’identifier des mesures d’économie (2e partie) et propose une méthode de programmation des futures revues de dépenses (3e partie).
Budget vert : des améliorations nécessaires
23 Depuis l’automne 2020, le « Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État » annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2021 présente une analyse environnementale du budget [11]. La première partie de ce rapport, appelée « budget vert », vise à coter les dépenses prévisionnelles du budget de l’État selon leur impact sur l’environnement.
24 Cette démarche s’inscrit dans une recherche plus générale vers davantage de transparence sur l’impact environnemental des flux financiers, suite à la demande de nombreuses parties prenantes. L’examen des différentes méthodes utilisées en France pour mettre en œuvre une cotation environnementale, c’est-à-dire pour classer les flux financiers en fonction de leur impact sur l’environnement, montre que celles-ci sont inégalement rigoureuses. Si tous les acteurs, y compris l’État pour son « budget vert », s’appuient sur les six objectifs environnementaux définis dans la taxonomie européenne, certains prennent une certaine liberté à l’égard des normes posées par les actes délégués de cette réglementation. Le niveau d’exigence le plus élevé est celui applicable à la communication financière des entreprises. La méthode de classement des dépenses publiques apparaît comme la plus accommodante, qu’elle soit appliquée au « budget vert » français ou aux financements d’origine européenne comme la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) instaurée en 2021. Au regard des démarches promues par l’Union européenne et l’OCDE, la production annuelle d’un rapport de cotation environnementale annexé au projet de loi de finances n’apparaît que comme une composante de la budgétisation environnementale stricto sensu (« green budgeting »). Cette dernière peut mettre en relation les finances publiques et la protection de l’environnement de diverses manières qui s’étendent par exemple au suivi des crédits exécutés, à la programmation pluriannuelle et aux avis rendus par les tiers indépendants. La France ne met pas en œuvre l’ensemble de ces outils. Pour suivre et évaluer chaque année la performance environnementale, l’approche budgétaire et comptable doit être distinguée de la déclaration de performance extra-financière (DPEF) qui présente l’analyse des principaux risques, politiques, procédures et indicateurs de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) que les sociétés anonymes cotées réalisant notamment 100 millions d’euros de chiffre d’affaires sont tenues de publier mais qui n’est pas utilisée sous cette forme par l’État et ses établissements publics.
Services publics et citoyens
Conseil d’État et services publics
25 Le Conseil d’État a choisi de consacrer son étude annuelle à la capacité des services publics à atteindre « le dernier kilomètre », c’est-à-dire à répondre aux besoins de chaque usager aussi éloigné soit-il de Paris ou des services publics [12]. Dans cet objectif, le Conseil s’est interrogé sur la manière dont sont conçues les politiques publiques dans les administrations centrales et comment est envisagée l’atteinte du dernier kilomètre. Il fait un constat du fossé qui s’est creusé entre les attentes des usagers et l’action publique malgré les efforts entrepris pour y remédier. Il propose aussi une méthode pour réussir ce « dernier kilomètre », en fondant à chaque fois ses propositions sur des expériences réussies sur le terrain.
26 Les usagers comparent facilement la proximité, la simplicité, la rapidité des services publics avec celles d’autres acteurs, y compris du secteur privé. Malgré les efforts réalisés par les administrations pour tenir compte de la satisfaction des usagers, l’appareil administratif de notre pays s’est complexifié dans son organisation (décentralisation, déconcentration, ouverture à la concurrence, création d’agences, etc.), y compris territoriale (métropolisation, périurbanisation, transferts de compétences), et dans son fonctionnement (numérisation accélérée). Ces transformations, bénéfiques pour une majorité d’usagers, ont aussi eu des conséquences négatives pour une partie de la population, notamment les personnes fragiles ou en difficulté (qui, en ce qui concerne l’usage d’Internet, sont pour la plupart âgées mais également jeunes peu formées ou peu équipées).
27 Par ailleurs, en ayant choisi de privilégier sa fonction de stratège, l’État a renvoyé l’exécution des politiques publiques aux acteurs locaux, se privant ainsi largement des retours du terrain et rencontrant des difficultés dans l’exercice de sa fonction de concepteur de politiques publiques. Enfin, en dépit d’efforts indéniables pour essayer de maîtriser l’inflation normative, le volume des normes n’a cessé de croître, contribuant à faire peser la complexité de l’action administrative sur l’usager et sur les acteurs de terrain en charge du dernier kilomètre. Ces acteurs ont du mal à être à jour sur les textes (lois, textes réglementaires, circulaires, tous jugés « prioritaires »). Le Conseil d’État relève toutefois que les acteurs des politiques publiques ont pris conscience de cette crise au cours des dernières années et ont développé de nouvelles initiatives pour tenter d’y remédier.
28 Pour répondre à ce constat et tenter de combler ce fossé, le Conseil d’État formule douze propositions réalistes qui dessinent une nouvelle méthode pour l’action publique. Elles renouent pleinement avec la culture du service (utilité, continuité, accessibilité, adaptabilité) et donnent aux acteurs de terrain la latitude dont ils ont besoin.
29 Trois objectifs essentiels gouvernent ces propositions :
- Un impératif de proximité : il faut des personnes pour parler aux personnes. Il y a notamment urgence à sortir du 100 % numérique en renouant avec l’accueil téléphonique et physique, à repérer et à accompagner de façon précoce ceux qui « ne rentrent pas dans les cases », à communiquer différemment auprès des usagers et à développer « l’aller-vers », via les maisons France Services par exemple ou par une « livraison à domicile » de l’action publique.
- Un besoin de pragmatisme : l’action publique doit répondre aux problèmes que rencontrent réellement les usagers en les écoutant et en construisant avec eux des solutions adéquates. L’administration doit en outre toujours chercher à intégrer la complexité plutôt qu’à la faire reposer sur l’usager. À cet égard, plusieurs simplifications mises en place pour faire face à l’urgence de la crise Covid constituent des pistes intéressantes qui devraient être approfondies. Enfin, de manière générale, il paraît indispensable de consacrer autant d’énergie à faire fonctionner les services existants, à assurer la maintenance des réseaux, qu’à initier de nouvelles politiques publiques.
- Un maître-mot, la confiance : il faut valoriser les acteurs de terrain et agents publics et s’appuyer sur des personnes capables d’avoir un effet d’entraînement sur le système (élus locaux, préfets, associations, médiateurs, acteurs de la société civile). Il importe également de sortir de la culture de la verticalité pour laisser des marges de manœuvre aux acteurs qui exécutent l’action publique et assumer ainsi une plus grande subsidiarité. Cela suppose de faire des choix clairs, y compris s’agissant des moyens, et de changer la façon d’élaborer les normes : se concentrer sur les principes et les effets à atteindre et laisser les acteurs tester, adapter les réponses au terrain. Il paraît par ailleurs nécessaire de valoriser la logique du travail en équipe et de mettre la confiance au cœur d’un management public qui valorise le service à l’usager.
31 Enfin, les propositions formulées aujourd’hui par le Conseil d’État dans son étude invitent à s’interroger sur la question du temps de l’administration. Pour que les promesses portées par toute réforme se concrétisent au bénéfice des usagers, il est nécessaire de prendre le temps, celui de l’écoute, de la co-construction et de la coopération.
32 Les 12 propositions sont listées ci-dessous :
- Assurer l’accès de tous les usagers aux politiques et aux services publics
- Accompagner les publics qui en ont le plus besoin
- Délivrer des messages compréhensibles par tous
- Développer le « aller-vers », voire le « aller-chez »
- Écouter
- Construire l’action publique avec les usagers et les acteurs de terrain, dont les collectivités territoriales
- Simplifier la vie des usagers
- Doter les politiques publiques des moyens nécessaires et prendre en compte d’emblée les questions d’intendance
- Réussir le dernier kilomètre avec les agents publics et tous les acteurs de l’action publique
- Pratiquer la subsidiarité
- Passer d’une « logique du mistigri » à une logique de coopération
- Mettre le service au cœur du pilotage de l’action publique
Cour des comptes et citoyens : un exercice démocratique renouvelé et élargi
34 À l’occasion de la campagne 2023 et après le succès de 2022, la Cour des comptes a décidé de pérenniser l’exercice de démocratie participative au travers d’une campagne de la consultation citoyenne en ligne et de l’élargir aux Chambres régionales et territoriales des comptes [13]. Dans l’objectif de se placer au plus près des préoccupations des citoyens, il est désormais possible de proposer des sujets locaux. Par ailleurs, afin de favoriser la participation démocratique des jeunes, la plateforme est également accessible aux 15-18 ans qui disposent de la majorité numérique (loi du 7 juillet 2023).
35 En 2022, plus de 9 000 citoyens avaient participé à la plateforme en soumettant une proposition, commentant ou soutenant d’autres contributions. À la suite de cette campagne, six rapports ont été choisis par la Cour, dont trois d’entre eux ont déjà été rendus publics. Consacrés respectivement au recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil et aux soutiens publics aux fédérations de chasseurs, ils ont chacun rencontré un important écho médiatique. Un troisième rapport d’initiative citoyenne portant sur la politique d’égalité entre les femmes et les hommes menée depuis 2017 a également connu lors de sa publication en septembre 2023 une belle reconnaissance.
36 Lutte contre la pauvreté, adaptation au vieillissement dans les territoires, ramassage des ordures ménagères, organisation des transports collectifs, rénovation thermique des bâtiments publics, etc. Les thèmes à suggérer sont multiples et peuvent concerner tous les domaines de l’action publique à la seule condition qu’ils relèvent du bon usage de l’argent public…
37 Les enquêtes seront ensuite réalisées à partir de 2024, avant d’être rendues publiques.
Labellisation des services publics
38 Un arrêté [14] publié le 1er septembre instaure un nouveau label « Services Publics + », label attribué pour trois ans après un audit mené par un organisme certificateur sous l’autorité de la commission nationale du label : sont concernés les services centraux et déconcentrés de l’État, les établissements publics de l’État, les établissements publics locaux d’enseignement, les organismes de sécurité sociale et les établissements publics de santé. Les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent s’engager volontairement dans le programme Services Publics + et se porter également candidat(e)s au label « Services Publics + ».
39 Ce label atteste de la qualité du service rendu et de la mise en application des engagements du programme « Services Publics + ». Pour l’obtenir, les structures doivent mettre en œuvre les engagements communs à tous les services publics en matière de qualité de service fixés par le comité interministériel de la transformation publique (CITP), publier des résultats de qualité et de satisfaction des usagers, mettre en place des dispositifs d’écoute des usagers, s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de leur service, etc.
Réformes et territoires
Réflexions en cours concernant les États généraux de l’administration territoriale
40 L’administration territoriale de l’État (ATE), qui a été profondément reformée ces dernières années, va faire l’objet d’états généraux, comme il l’avait été indiqué lors du Comité interministériel de la transformation publique du printemps dernier. En effet, les réformes ont entraîné des insatisfactions aussi bien du côté des agents que des usagers, qui ne savant plus « qui fait quoi ? » et à quelle administration ou quel guichet s’adresser. Les sigles ont été modifiés, les compositions des « directions départementales interministérielles » restent floues pour beaucoup et la coordination des services pose problème.
41 Ces états généraux seront organisés dans les territoires et viseront à mettre en valeur les missions et les agents de l’ensemble du périmètre de l’ATE autour de sept thèmes prioritaires : l’accueil et le service aux usagers ; l’attractivité des métiers de l’ATE ; l’administration territoriale outre-mer ; les chantiers de convergence au sein de l’ATE ; la déconcentration et l’articulation des échelons déconcentrés ; l’équilibre missions-moyens et, enfin, la parole de l’État dans les territoires.
42 Depuis 2018-2019, de nombreux changements ont été initiés comme le transfert de la gestion administrative de services déconcentrés de Matignon à la Place Beauvau, la création de secrétariats généraux communs (SGC) aux directions départementales interministérielles (DDI) et aux préfectures, la mise en place de nouvelles directions régionales ou départementales ou, plus globalement, par le renforcement de l’autorité des préfets sur les services déconcentrés. Mais ces mouvements importants se sont faits dans le cadre d’une déflation des effectifs (–30 % depuis 2010) et d’une contestation larvée du nouveau rôle du ministère de l’Intérieur auquel s’ajoute un sentiment de « moins de services publics » sur le territoire exprimé par les citoyens parfois violemment.
43 Face à cette situation, le Gouvernement relance la déconcentration, réouvre des sous-préfectures en milieu rural ou, comme c’est le cas dans le projet de loi de finances pour 2024, renforce les effectifs avec la création programmée de 232 nouveaux postes. L’objectif est de réaffirmer le retour du « territoire » et notamment du département comme un élément essentiel de la vie citoyenne en France.
Évaluation des secrétariats généraux communs départementaux
44 Une mission inter-inspection s’est déroulée au printemps 2023 pour évaluer les secrétariats généraux communs départementaux (SGCD). Créés au 1er janvier 2021, les SGCD constituent un service déconcentré à vocation interministérielle placé sous l’autorité du préfet. Ils assurent la gestion des « fonctions support » de la préfecture, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles.
45 Le SGCD du Rhône, par exemple, assure la gestion de près des 1 450 agents de la préfecture, sous-préfecture, des directions départementales interministérielles (DDI) et de ses propres services, relevant de 6 périmètres ministériels et répartis sur 18 sites ! Il intervient ainsi en matière budgétaire, d’achat public, d’affaires immobilières et de maintenance des bâtiments, de systèmes d’information et de communication, de logistique, d’archivage, d’accueil du public et de ressources humaines. Il exerce également les missions de contrôle de gestion et de suivi des démarches qualité de la préfecture, le contrôle interne financier de la préfecture et des directions départementales interministérielles, la communication interne de la préfecture, la communication relative aux fonctions support à destination des agents de la préfecture, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles.
46 Le Rhône étant département chef-lieu de région, le Secrétariat général commun départemental du Rhône est chargé également, en matière de ressources humaines, pour le compte des autres préfectures de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de l’organisation et de l’animation du dialogue social régional, du suivi de la gestion des carrières des agents des 12 préfectures de la région, de l’organisation des concours, ainsi que de la définition du plan régional de formation du ministère de l’Intérieur. Ainsi, le SGCD a une vocation préfectorale et interministérielle lourd, peut-être un peu trop lourde au regard de ses moyens de fonctionnement et de la rapidité de sa mise en route.
47 L’objectif était une mutualisation, une de plus dans l’administration territoriale de l’État (ATE), afin d’améliorer les services rendus aux différentes entités, tout en maintenant la capacité des directeurs à piloter leur structure et conduire leurs missions et en permettant des économies.
48 Le rapport considère que le résultat des SGCD est mitigé avec des incidents de paie, des problèmes informatiques, ou encore les retards de paiement liés à l’absence de dépannage… Une préparation probablement insuffisante, notamment quant à l’équipement informatique de services différents, a complexifié le travail des agents, confrontés à de nombreux « irritants », avec des systèmes hétérogènes qui conduisent parfois à des erreurs de saisie, notamment pour la gestion de personnels aux statuts, missions et règles de gestion par définition très variés puisqu’appartenant à différents ministères. Un constat confirmé par les inspections, soulignant un paramétrage des postes du ministère de l’Intérieur et des préfectures parfois non compatible avec les besoins des ministères techniques de l’administration territoriale de l’État.
49 La mission inter-inspections recommande de « simplifier au maximum les procédures et outils de travail » des agents, en améliorant l’environnement de travail numérique et en travaillant au « développement de passerelles entre les systèmes d’information », notamment en matière RH. Des améliorations sont attendues pour offrir une vue d’ensemble la plus complète possible aux gestionnaires des ressources humaines sur leurs différentes populations, la fusion des systèmes d’information sur les ressources humaines (SIRH) ministériels n’étant plus à l’ordre du jour après le fiasco, entres autres, de l’Opérateur national de paye.
Notes
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Cour des comptes, « La prise en compte de l’environnement dans le budget et les comptes de l’État. Exercices 2020-2023 ». S2023-0746. Mise en ligne le 27 juillet 2023.
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Arrêté du 31 août 2023 portant création du label « Services Publics + », JORF n° 0202 du 1er septembre 2023.