Couverture de CDAP_002

Article de revue

Fonction publique

Pages 20 à 26

Notes

  • [1]
    Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation (JORF du 29 juin 2023).
  • [2]
    Décret n° 2023-312 du 26 avril 2023 portant relèvement du minimum de traitement dans la fonction publique (JORF du 27 avril 2023).
  • [3]
    JOAN du 30 mai 2023, page 4928.
  • [4]
    Sénat, Rapport d’information n° 443 (2022-2023), « Transformer les ressources humaines des armées : définir un modèle en cohérence avec nos ambitions stratégiques », 22 mars 2023.
  • [5]
    Expression que le rapport du Sénat du 22 mars 2023 emprunte à un autre rapport de la même assemblée : Sénat, Rapport d’information n° 334 (2022-2023), « Ukraine : un an de guerre. Quels enseignements pour la France ? », 8 février 2023 (p. 36).
  • Augmentation de la valeur du point d’indice
  • Relèvement du minimum de traitement
  • Résultats de « tests de discrimination » au sein des fonctions publiques
  • Évolution des effectifs du ministère des Armées

• Augmentation de la valeur du point d’indice

1 Un décret du 28 juin 2023 [1] augmente la valeur du point d’indice de la fonction publique de 1,5 % à compter du 1er juillet 2023. La valeur annuelle du traitement afférent à l’indice 100 majoré est ainsi portée de 5 820,04 euros à 5 907,34 euros à compter du 1er juillet 2023. Le décret attribue des points d’indice majoré différenciés pour les indices bruts 367 à 418 au 1er juillet 2023. Il attribue par ailleurs 5 points d’indice majoré à compter du 1er janvier 2024.

• Relèvement du minimum de traitement

2 Un décret du 26 avril 2023 augmente, à compter du 1er mai 2023, le minimum de traitement [2] fixé par la grille régissant la rémunération de la fonction publique afin de s’aligner sur la hausse du Smic, soit l’équivalent de 38 euros brut par mois pour les rémunérations les plus basses. Le décret fixe en effet le minimum de traitement, aujourd’hui correspondant à l’indice majoré 353 (soit indice brut 385), à l’indice majoré 361 (correspondant à l’indice brut 397).

• Résultats de « tests de discrimination » au sein des fonctions publiques

3 Selon une réponse ministérielle publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale le 30 mai 2023 [3], le ministre chargé de la Fonction publique a été commanditaire depuis 2016 de quatre « tests de situation » ou « tests de discrimination » (également désignés testings) dits « Discriminations à l’Embauche dans la Sphère Publique : Effets Respectifs de l’Adresse et de l’Origine » (DESPERADO), dans les trois versants de la fonction publique. Le « test de situation » consiste à faire constater toute forme de discrimination. Cette méthode soumet deux ou plusieurs profils comparables à une même demande, sauf en ce qui concerne le critère susceptible d’exposer aux discriminations, et notamment l’accès à un entretien d’embauche. S’agissant des différences à l’œuvre sur la question des biais de recrutement entre les divers types de fonctions publiques (hospitalière, territoriale, d’État), les résultats issus de l’ensemble des « tests de discrimination » montrent que, pour le recrutement de cadres administratifs, aucune différence n’est significative, ni au niveau agrégé ni pour aucun des trois versants, pour le critère de l’adresse ; des discriminations en raison de l’origine ne sont caractérisables et caractérisées que dans la fonction publique territoriale. Pour le critère de l’origine, au niveau agrégé de l’ensemble des trois versants, la différence du taux de rappel (ou écart des taux de succès) est de 6,8 points de pourcentage entre le candidat de référence et le candidat supposé d’origine maghrébine. Au niveau de chaque versant, les écarts de taux de succès entre les candidats de référence et les candidats d’origine maghrébine ne sont significatifs ni dans la fonction publique d’État ni dans la fonction publique hospitalière. L’écart n’apparaît significatif que dans la fonction publique territoriale, où l’écart entre le taux de succès du candidat de référence et le candidat supposé d’origine maghrébine est de 8,56 points de pourcentage. Il apparaît que ces candidats ont 22 % de chances en moins de recevoir une réponse positive par rapport aux candidats de référence.

4 Pour lutter contre les discriminations à l’embauche dans l’administration publique, le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques indique agir sur plusieurs leviers : tout d’abord, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) incite l’ensemble des employeurs publics, de l’État, territoriaux et hospitaliers à candidater au label « Diversité et Égalité ». Le plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2023-2026 porté par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRAH) comporte à cet égard une mesure visant à garantir l’exemplarité de l’État à travers le respect des engagements pris par les ministères dans le cadre du label « Diversité » délivré par l’AFNOR (Association française de normalisation). Le cahier des charges de ces labels engage en effet les administrations à évaluer et à améliorer leurs procédures et pratiques de ressources humaines à l’aune du principe de non-discrimination.

• Évolution des effectifs du ministère des Armées

Les objectifs de la loi de programmation militaire 2024-2030 quant aux effectifs du ministère des Armées

5 Le Parlement a adopté, le 13 juillet 2023, la loi de programmation militaire 2024-2030. Le texte – qui prévoit un budget de 413 milliards d’euros, soit une hausse de 40 % du budget de la défense par rapport à la période 2019-2025 et qui vise à « préparer » et « moderniser » les forces armées, en soutenant la dissuasion nucléaire et les capacités de projection et d’intervention – comporte une cible quant aux effectifs employés par le ministère des Armées qui est fixée à 275 000 à l’horizon 2030 : 6 300 postes seront ouverts. Afin de renforcer le lien armées-nation, la réserve opérationnelle sera augmentée. L’objectif est d’atteindre 80 000 réservistes en 2030 et 105 000 au plus tard en 2035, soit un militaire de réserve pour deux militaires d’active.

6 La préparation de ce texte législatif a donné lieu à plusieurs rapports parlementaires : l’un d’eux portait sur les transformations des ressources humaines du ministère des Armées et sur les défis à relever.

Rapport d’information sur les transformations des ressources humaines des armées

7 Le Sénat a publié, en effet, le 22 mars 2023, un rapport d’information qui effectue un bilan de l’évolution des ressources humaines depuis le milieu des années 1990 et qui analyse les moyens susceptibles d’en améliorer la gestion dans la perspective de la préparation de la loi de programmation militaire 2024-2030 [4]. À l’issue d’un cycle d’auditions avec des responsables des ressources humaines, les rapporteurs du Sénat ont dressé un constat et identifié plusieurs points d’attention qui sont les suivants.

8 Ils font tout d’abord remarquer que la structure actuelle des ressources humaines du ministère des Armées, qui atteint 272 571 postes en 2023, résulte des transformations profondes qui se sont produites pendant les deux décennies qui ont suivi le choix fait par la Présidence de la République de suspendre progressivement la conscription à partir de 1997. Cette transition vers une armée de professionnels, ou professionnalisation, constitue une rupture avec le modèle antérieur fondé sur l’existence d’un service militaire hérité de la période révolutionnaire et progressivement modernisé. En effet, l’année qui précédait la réforme, en 1996, les appelés jouaient encore un rôle structurant dans les forces armées puisqu’ils représentaient 40 % des personnels militaires du ministère de la Défense (soit un effectif de 189 000 personnes). La professionnalisation a eu des conséquences importantes pour chacune des forces armées qui ont connu pendant la même période une restructuration significative : l’armée de terre a dissous 51 régiments et 218 établissements ; la Marine nationale a désarmé une vingtaine de navires dont le porte-avions Foch et l’armée de l’air et de l’espace a fermé 10 bases aériennes sur les 42 qui existaient en 1996. Les effectifs du ministère de la Défense ont été réduits de 29 % en cinq ans entre 1997 et 2002 dans le cadre de la professionnalisation des armées.

9 Dans le courant des années 2000, peu de temps après la mise en œuvre de la restructuration profonde du modèle de ressources humaines constituée par la professionnalisation des armées, le ministère de la Défense a été, une nouvelle fois, dès 2007, largement réformé dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 qui se sont à nouveau traduits par d’importantes réductions d’effectifs. Entre 2009 et 2012, le ministère de la Défense a ainsi été le ministère qui a connu, après le ministère des Affaires étrangères, le plus faible taux de remplacement des départs avec une proportion de seulement 13 %. Les forces armées ont connu pendant cette période un rythme soutenu de déflation de leurs effectifs avec une réduction de 7,1 % du nombre de postes entre 2009 et 2012 (soit un taux d’effort supérieur à la moyenne de l’administration sur l’ensemble du budget général qui a été de 5,4 %). Les rapporteurs soulignent que les décisions prises pendant la période de la Révision générale des politiques publiques continuent de produire des effets déstabilisateurs sur la structure du personnel des armées. Ainsi, à la suite de cette réforme, l’armée de terre a fait face à de départs massifs de cadres expérimentés dont les compétences ne peuvent être reconstituées qu’après une période de plusieurs années, en particulier dans les fonctions opérationnelles qui n’étaient pas identifiées comme prioritaires pendant cette période dont notamment la défense sol-air et les unités très spécialisées du génie. L’armée de l’air, quant à elle, a connu, elle aussi, à la même période, un déficit structurel de main-d’œuvre dans certains domaines, dont notamment la sécurité et la protection des bases aériennes (suppression de 30 % entre 2008 et 2016), le domaine des mécaniciens aéronautiques (suppression de 4 000 postes sur cette même période) ou encore dans le domaine de la gestion des ressources humaines (suppression de 600 postes de recruteurs et formateurs entre 2008 et 2015). Dans la marine nationale, enfin, la réduction des effectifs engagée dans les années 1990 et prolongée dans les années 2000 a eu pour conséquence de renforcer le recours à l’externalisation ou à l’emploi de civils pour certaines fonctions préalablement assurées par des militaires, dont notamment les fonctions de soutien et le maintien de condition opérationnelle.

10 Cependant, à partir de 2015, la dégradation du contexte sécuritaire (attaques terroristes, guerre du Haut-Karabagh, guerre russo-ukrainienne) a conduit le pouvoir exécutif à infléchir puis à mettre fin à plusieurs décennies de déflation des effectifs du ministère de la Défense. Après un premier mouvement qui, en 2015, avait consisté à atténuer l’objectif de réduction des effectifs qui était inscrit dans la loi de programmation militaire 2014-2019 puis à y renoncer, une trajectoire de redressement progressif a été enclenchée et poursuivie jusqu’à la fin de la période de la programmation militaire, avec un schéma d’emploi de 5 646 créations de postes dans le périmètre du ministère de la Défense entre 2015 et 2019, soit une augmentation de 2 % des effectifs. L’actuelle loi de programmation militaire 2019-2025 se situe dans la continuité de cette dynamique de redressement progressif du format de ressources humaines des armées en prévoyant la création de 6 000 équivalents temps plein (ETP) en sept ans. En 2021, vingt-cinq ans après la décision d’engager la professionnalisation des forces armées, le ministère des Armées a atteint un effectif de 271 268 postes, soit une réduction globale de 208 144 postes depuis 1996, dont 70 804 après l’achèvement de la professionnalisation en 2002. Les rapporteurs font remarquer qu’à titre de comparaison, ces plus de 200 000 postes supprimés représentent plus du double des effectifs du ministère de la Justice.

11 Les rapporteurs font ensuite observer qu’au-delà du défi chronique que représente le recrutement annuel d’environ 40 000 personnes chaque année par le ministère des Armées, la prochaine programmation militaire devra à la fois répondre au double défi de la fidélisation de ses personnels civils et militaires et permettre la transformation de la réserve opérationnelle.

12 La fidélisation des militaires conditionne la constitution des viviers nécessaires pour permettre aux armées de disposer d’un encadrement intermédiaire et supérieur de qualité ou encore de techniciens expérimentés pour former et encadrer les jeunes recrues. Doivent ainsi être maintenus les mécanismes ayant notamment pour objet d’assurer le renouvellement des contrats des militaires du rang ou encore de « carriériser » les sous-officiers, c’est-à-dire de faire accéder sur examen ou concours un militaire au statut de carrière. Dans la population des officiers, au sein de laquelle les militaires de carrière sont majoritaires, l’enjeu de la fidélisation est également prégnant dans la mesure où un nombre croissant d’officiers de carrière issus des grandes écoles militaires quittent les forces armées, représentant un taux de départ de plus de 15 % dix ans après la sortie de l’école. Pendant longtemps, l’écrasante majorité des officiers et des sous-officiers voyaient comme une évidence de réaliser l’ensemble de leur parcours professionnel au sein de l’armée. Ce n’est plus le cas. Un nombre croissant de militaires perçoivent désormais leur passage par les armées comme une étape parmi d’autres dans leur parcours professionnel. Ainsi, l’objectif d’une durée moyenne de service de huit ans pour les militaires du rang de l’armée de terre n’est pas atteint : il est d’un peu plus de cinq en 2021. Cette évolution a des conséquentes déstabilisantes pour le ministère, qui doit perpétuellement renouveler la formation de ses recrues et dispose de moins en moins de personnels expérimentés pour ce faire. Les risques de départ de l’institution sont concentrés au sein des militaires ayant six à quinze ans d’ancienneté qui sont les plus critiques sur le déroulement de leur carrière. De nombreux départs des forces armées s’expliquent moins par la volonté de quitter l’institution militaire que par le poids que les sujétions militaires font peser sur la vie personnelle et familiale des militaires. La Marine nationale estimait en 2017 que le taux de chômage était de 32 % pour les conjoints de marins dans l’année qui suit sa mobilité. Le rapport relève par ailleurs que l’évolution des grilles indiciaires des militaires depuis plusieurs années s’est traduite par un phénomène de tassement qui limite les incitations à la progression et, partant, fragilise la fidélisation des militaires. L’enjeu de recrutement et de fidélisation des personnels est particulièrement prégnant dans les domaines de recrutement prioritaire du renseignement et de la cyberdéfense. Les rapporteurs soulignent le risque réel de décrochage des rémunérations des personnels du ministère vis-à-vis du secteur privé, en particulier dans le domaine cyber qui souffre d’un manque de lisibilité des carrières et d’une concurrence avec le marché de l’emploi civil lui-même en tension. Dans ces conditions, l’actualisation des grilles indiciaires, la politique de « prime pour les compétences spécifiques des militaires » (PCSMIL) et la poursuite du plan « famille » constituent des leviers importants de fidélisation des personnels des armées.

13 Par ailleurs, le projet de doublement des réserves opérationnelles, annoncé par le Président de la République dans son discours aux armées du 13 juillet 2022, ne pourra produire ses effets, selon les rapporteurs, qu’à la condition d’être accompagné des moyens budgétaires nécessaires à sa mise en œuvre. À leurs yeux, la constitution d’une réserve plus accessible et plus lisible pour les citoyens suppose une réforme et une fluidification des processus de recrutement et de gestion des réservistes, dont la complexité constitue un frein à l’engagement et au maintien dans la réserve de certains réservistes. Ils soulignent également que la gestion des 80 000 réservistes opérationnels à horizon 2030 se traduira par un besoin de recrutement estimé à 1 000 militaires d’active sur l’ensemble de la période. Ils ajoutent que la mise en œuvre de la transformation annoncée du modèle de réserve suppose de prévoir des dépenses supplémentaires notamment pour équiper et former les réservistes opérationnels de premier niveau. La modernisation du processus de recrutement et de gestion annoncée pour permettre de renforcer l’accessibilité de la réserve impliquera également des dépenses dont l’intégration à la prochaine programmation militaire est une condition du succès du projet de transformation de la réserve opérationnelle annoncé par le Président de la République.

14 En définitive, tout le rapport vise à souligner que la trajectoire en ressources humaines de la programmation militaire doit être en rapport avec les ambitions élevées inscrites dans la « Revue nationale stratégique » présentée par le Président de la République en novembre 2022 et tout particulièrement son objectif n° 10 qui consacre le fait que les armées « sont préparées à un engagement majeur et prêtes à s’engager dans un affrontement de haute intensité », laquelle est une nécessité pour que la dissuasion nucléaire française ne devienne pas sa « nouvelle ligne Maginot » [5]. La hausse historique du budget des armées actée en juillet 2023 par la loi de programmation militaire 2024-2030 semble aller, pour partie au moins, dans le sens préconisé par le Sénat en matière de ressources humaines.


Date de mise en ligne : 07/09/2023

https://doi.org/10.3917/cdap.002.0020

Notes

  • [1]
    Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation (JORF du 29 juin 2023).
  • [2]
    Décret n° 2023-312 du 26 avril 2023 portant relèvement du minimum de traitement dans la fonction publique (JORF du 27 avril 2023).
  • [3]
    JOAN du 30 mai 2023, page 4928.
  • [4]
    Sénat, Rapport d’information n° 443 (2022-2023), « Transformer les ressources humaines des armées : définir un modèle en cohérence avec nos ambitions stratégiques », 22 mars 2023.
  • [5]
    Expression que le rapport du Sénat du 22 mars 2023 emprunte à un autre rapport de la même assemblée : Sénat, Rapport d’information n° 334 (2022-2023), « Ukraine : un an de guerre. Quels enseignements pour la France ? », 8 février 2023 (p. 36).

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions