Cet ouvrage intervient dans une période où l’étude des romans de Chrétien de Troyes semble connaître une relative désaffection, au profit des proses du Graal. À cet égard, les pages liminaires retracent à grands traits les étapes d’une dynamique de mise en prose des récits en vers. Cette réécriture s’accompagne d’une élucidation des « fils d’Ariane planant dans le vide » (p. 5) que Chrétien aurait disposés – par là, l’a. désigne le degré d’abstraction et d’allusion qu’atteignent ses récits.
L’introduction a pour vertu de déterminer l’origine politique et esthétique de ces mises en prose : telle quelle, cette littérature ne pouvait plus être goûtée, ne serait-ce que pour des motifs d’ordre linguistique. Le xve s. voit à cet égard l’émergence d’une langue renouvelée en profondeur, dessinant « un nouvel espace d’expression » (p. 11). Le corpus retenu pour mener à bien cet examen comparatif de la forme prose et de la forme vers se fonde sur trois romans, dont l’a. retient des versions séparées par plusieurs siècles, livrant ainsi un système panoptique : l’Érec en prose, le Cligès en prose et le Lancelot en prose.
Les trois parties qui composent cette étude envisagent successivement l’influence de la réécriture sur la narration, le « désir de véridicité » (Annie Combes, Les Voies de l’aventure : réécriture et composition romanesque dans le Lancelot en prose, Paris, Honoré Champion [Nouvelle biliothèque du Moyen Âge, 59], 2001 p. 65) dont elle est porteuse, enfin un versant linguistique et stylistique donnant une vision de l’écriture comme théâtre d’une expérimentation perpétuelle…