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Article de revue

Les points rouges, ou les critères de l'urgence dans une équipe mobile psychiatrie-précarité

Pages 159 à 178

Notes

  • [1]
    Julien Damon, La Question SDF, Paris, Puf, « Le Lien social », 2002.
  • [2]
    Cécile Brousse, Jean-Marie Firdion & Maryse Marpsat, Les Sans-domicile, Paris, La Découverte, 2008.
  • [3]
    Sur les raisons de l’accroissement de la visibilité des SDF dans l’espace urbain, voir Julien Damon, op. cit. et Stéphane Rullac, Le Péril SDF. Assister et punir, Paris, L’Harmattan, « Questions contemporaines », 2008.
  • [4]
    Sur l’émergence de la notion « d’urgence sociale », voir Stéphane Rullac, op. cit., et Daniel Cefaï, Édouard Gardella, L’Urgence sociale en action. Ethnologie du Samusocial de Paris, Paris, La Découverte, 2011.
  • [5]
    Anna Marquès, Construire sa légitimité au quotidien. Le travail micropolitique autour d’une Équipe mobile de psychiatrie-précarité, thèse de doctorat de sociologie, EHESS, 2010.
  • [6]
    Antoine Lazarus & Hélène Strohl, Une souffrance qu’on ne peut plus cacher, Paris, Délégation interministérielle à la ville et au développement urbain, 1995. En ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/954050300/index.shtml (page consultée le 7/10/2013).
  • [7]
    Philipe Jean Parquet (dir.), Souffrance psychique et exclusion sociale, rapport ministériel, 2003. En ligne : http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_PARQUET_Septembre_2003_Souffrance​_psychique_et_exclusion.pdf (page consultée le 7/10/2013).
  • [8]
    Anna Marquès, op. cit., p. 105.
  • [9]
    Circulaire ministérielle DHOS/O2/DGS/6C/DGAS/1A/1B n° 2005-521 du 23 nov. 2005 relative à la prise en charge des besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion et à la mise en œuvre d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie. En ligne : http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2006/06-01/a0010069.htm (page consultée le 7/10/2013).
  • [10]
    Alain Mercuel, Ardian Qerimi, État des lieux des Équipes mobiles psychiatrie-précarité 5 ans après la circulaire, Communication orale à la 4e Journée nationale des EMPP, 14 mars 2011, CH Sainte Anne, 2011. Les diapositives de cette communication sont consultables en ligne www.rrapp.fr/request.php?32 (page consultée le 7/10/2013).
  • [11]
    S.F. Nielsen, C.R. Hjorthoj, A. Erlangsen, M. Nordentoft, Psychiatric disorders and mortality among people in homeless shelters in Denmark: A nationwide register-based cohort study, Lancet, 2011, n° 25(377), p. 2205-14.
  • [12]
    Sa seconde activité, aussi importante quantitativement et qualitativement, est un « accompagnement au chez-soi » de personnes sans abri.
  • [13]
    Nous avons réalisé une enquête ethnographique avec une présence continue dans l’équipe durant deux ans (de janvier 2011 à décembre 2012). Nous avons assisté de façon régulière aux « staffs rue » pendant 13 mois. 25 réunions ont été enregistrées et retranscrites entre janvier et octobre 2012. Trois méthodes d’analyse ont été mobilisées pour traiter ce matériel : 1/ une analyse de la mise en récit des situations ; 2/ une analyse longitudinale des différents cas abordés au cours de ces réunions ; 3/ une mise en regard des enregistrements des réunions avec, d’une part, les comptes rendus internes de ces staffs qui servent d’archivage des discussions, et d’autre part, les observations saisies dans le dossier médical.
  • [14]
    C’est-à-dire toute personne régulièrement suivie par l’équipe, dont la situation n’est pas considérée comme urgente ou préoccupante, et qui n’est pas hospitalisée.
  • [15]
    Erving Goffman, Les Cadres de l’expérience, Paris, Minuit, 1991.
  • [16]
    D’autres ruptures avec le modèle biomédical dominant s’observent dans cette équipe, mais nous n’avons pas la place de les détailler ici.
  • [17]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, t. 1, La Présentation de soi, Paris, Minuit, 1973, p. 105-136.
  • [18]
    L’hospitalisation à la demande d’un tiers désigne une hospitalisation sous la contrainte. À la suite de la Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, le sigle est devenu SDT (soins à la demande d’un tiers).
  • [19]
    CMU : Couverture maladie universelle. AME : Aide médicale d’État.
  • [20]
    AAH : Allocation adulte handicapé. RSA : Revenu de solidarité active.
  • [21]
    Byron Good, Comment faire de l’anthropologie médicale ? Médecine, rationalité et vécu, Le Plessis-Robinson, Les Empêcheurs de penser en rond-Institut Synthélabo, 1998.
  • [22]
    Ce qui est souvent difficile compte tenu de la saturation des services psychiatriques. Dès lors, lorsqu’une personne fugue d’un service, sa place ne lui est gardée au mieux que quelques jours.
  • [23]
    Louise Fournier & Céline Mercier (dir.), Sans domicile fixe. Au-delà du stéréotype, Montréal, Les Éditions du Méridien, 1996.
  • [24]
    Nous faisons ici un usage restrictif de la notion de contrôle social.
  • [25]
    Sue Estroff, Le Labyrinthe de la folie. Ethnographie de la psychiatrie en milieu ouvert et de la réinsertion, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1998.
  • [26]
    Gwénaëlle Mainsant, Prendre le rire au sérieux. La plaisanterie en milieu policier, in Didier Fassin & Alban Bensa (dir.), Les Politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, Paris, La Découverte, 2009, p. 99-123.
  • [27]
    Depuis la fin de notre enquête, des modifications notables sont apparues dans l’organisation du travail de l’équipe. Une réorganisation en « pôle rue » et en « pôle chez soi » a eu pour conséquence une spécialisation des professionnels dans le travail de rue ou dans l’accompagnement au logement. Dès lors, les professionnels participant aux « staffs rue » sont moins nombreux, et le bureau où ils se réunissent leur est exclusivement dédié. Ceci a pour effet de séparer « coulisses » et « scène ». Le langage familier tend à s’estomper.
  • [28]
    Frank Bourdeaut, Les émotions dans la relation de soin : des racines de leur répression aux enjeux de leur expression, Éthique & Santé, 2006, 3, p.133-137.
  • [29]
    Ibid., p. 137.
  • [30]
    Jennifer Malat, Expanding research on the racial disparity in medical treatment with ideas from sociology, Health, 2006, vol. 10(3), p. 259-282.
  • [31]
    Monique Membrado, La décision médicale entre expertise et contrôle de la demande : le cas des interruptions de grossesse pour motif thérapeutique, Sciences sociales et Santé, juin 2001,vol. 19 n° 2, p. 31-62.
  • [32]
    Anne Paillet, Sauver la vie, donner la mort. Une sociologie de l’éthique en réanimation néonatale, Paris, La Dispute, « Corps, santé, société », 2007.
  • [33]
    Nora K. Bell, Triage in medical practices: an unacceptable model?, Social Science and Medicine, 1981, vol. 15F, p. 151-156.

Ciblage et tri

1« Figures typiques de l’exclusion », les SDF (Sans-domicile fixe) sont devenus en France depuis la fin des années 1990 un enjeu des politiques sociales et une cible des dispositifs d’assistance, tandis que déclinaient les politiques répressives à leur égard [1]. La crise du logement depuis les années 1980, la précarisation de l’emploi [2] et la transformation des formes de pauvreté (touchant les populations plus jeunes et plus urbaines) ont accru le nombre des grands exclus en France. De plus, l’augmentation de leur visibilité dans l’espace urbain [3] a modifié la perception des SDF par la société française : ceux-ci ont été considérés comme des victimes. Ce changement de regard a permis l’émergence de politiques publiques de type « humanitaire » qui, en consacrant la notion « d’urgence sociale [4] », ont créé des dispositifs d’action publique – tels que le Samusocial de Paris en 1993 – ciblant les publics les plus précaires.

2Du fait de la sensibilisation de la société française à la problématique des personnes vivant dans la rue, un groupe de travail s’est penché sur leur souffrance psychique [5]. Le rapport produit [6], suivi quelques années plus tard d’un rapport ministériel sur la psychiatrie et la grande précarité [7], a permis que le Plan de santé mentale 2005-2008 prévoie des mesures pour répondre aux besoins en santé mentale des populations en situation de grande précarité et d’exclusion, parmi lesquelles la création des Équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) qui dépendent des établissements psychiatriques. Selon la sociologue A. Marques, la création des EMPP ne correspond pas à « une définition d’un problème public, mais la définition de sa solution [8] ». Cependant, l’émergence des EMPP marque aussi l’apparition de véritables politiques catégorielles visant une population désignée par les institutions spécialisées (ici l’hôpital psychiatrique) et définie à la fois par son statut social (être SDF) et par ses besoins en santé mentale.

3Si la première EMPP est apparue en 1998, la circulaire ministérielle de 2005 [9] a permis une montée en charge de ces dispositifs. Il en existait 126 en France en 2010, mais leurs budgets et leurs effectifs sont restés restreints [10]. La première mission des EMPP est « d’aller vers » ces populations de grands exclus. La seconde est de soutenir les équipes médico-sociales de « première ligne » intervenant auprès de ces populations dans un rôle d’interface et d’organisation des parcours de soins.

4L’EMPP sur laquelle porte cet article cible exclusivement les personnes vivant dans la rue depuis plusieurs mois (voire plusieurs années), souffrant de troubles psychiatriques sévères (principalement la schizophrénie et la bipolarité) et qui sont en rupture de soins psychiatriques ou n’en ont jamais reçu. Cette catégorie de population, considérée comme difficile à atteindre par les politiques de santé publique, présente une surmortalité avérée [11].

5Cette EMPP effectue principalement un « travail de rue » qui consiste, par le biais de maraudes, à aller vers les personnes, sur leur lieu de vie, afin d’évaluer leur situation et de nouer des liens, avec comme objectifs un accompagnement à l’accès aux soins et un recouvrement des droits sociaux [12]. Au cours de ce « travail de rue », l’EMPP réalise un premier tri de la population des sans-abri sur la base de critères médicaux qui correspondent à ce que les professionnels nomment une « clinique de la rue ». Cette activité consiste à repérer parmi les personnes vivant dans la rue celles qui manifestent par leur attitude ou leur comportement des signes de troubles mentaux. Ce premier repérage visuel est complété par une prise de contact avec la personne permettant de confirmer, par exemple, les éléments délirants ou le degré d’anxiété, et de poser les jalons d’un premier diagnostic. À l’issue de ce travail de repérage et d’évaluation psychiatrique et sociale, les professionnels de l’EMPP décident d’inclure (ou non) la personne dans la file active de l’équipe.

6La définition politique des catégories de populations ciblées par les politiques d’action publique et leur interprétation locale par la désignation du lieu où doivent s’effectuer ces tris – la rue – correspondent à un premier niveau du triage et n’ont été évoquées que rapidement car l’approche de notre article est résolument micro-sociologique. Elle vise à analyser, par une ethnographie des pratiques professionnelles [13], un second niveau du triage : la construction situationnelle de l’urgence. Le triage s’y opère lors d’un moment particulier de l’activité de cette équipe : « les staffs rue ». Notre analyse porte sur les critères de sélection des « cas urgents » nécessitant une intervention spécifique. En d’autres termes, nous analysons les modalités selon lesquelles l’EMPP étudiée désigne une situation donnée concernant une personne relevant de sa file active comme étant une situation urgente.

Les « staffs rue »

7L’urgence n’est pas ici l’urgence médicale ou chirurgicale mettant en jeu le pronostic vital ; elle se réfère davantage à la notion de « crise », c’est-à-dire une situation clinique, mais aussi sociale, marquée par son instabilité. Alors que l’urgence psychiatrique « vraie » appelle une réponse qui ne peut être différée, la crise, elle, peut s’étendre sur plusieurs semaines. Pour les personnes qui vivent dans la rue, le lien qui unit crise et urgence est d’autant plus ténu que les personnes en crise se mettent en danger, en partie parce qu’elles vivent dans la rue. Ce danger potentiel amène à considérer la plupart des situations de crise comme urgentes – c’est-à-dire devant être prises en compte dans la semaine. Cette catégorisation implique alors une intervention soutenue de l’équipe qui va organiser des maraudes « ciblées » pour rencontrer la personne, éventuellement chaque jour de la semaine, et entreprendre un suivi avec des entretiens et des accompagnements répétés. Cependant, les possibilités d’action face à une personne en crise dans la rue sont relativement réduites. Si l’équipe tente généralement d’établir un contact avec la personne, de discuter de soins, d’évoquer la question d’un traitement médicamenteux, il est souvent nécessaire de recourir à l’hospitalisation (éventuellement sous la contrainte) pour amorcer un traitement et stabiliser la personne. Comparativement à d’autres services médicaux (services d’urgences des hôpitaux par exemple), la singularité de cette opération de catégorisation de l’urgence réside dans le fait que les professionnels s’accordent un temps, parfois long, pour examiner la situation et pour faire le choix de lui donner la priorité de leur action.

8La catégorisation des situations urgentes intervient lors d’une réunion hebdomadaire (le lundi), le « staff rue », qui implique la quinzaine de professionnels de l’équipe amenés à intervenir dans la rue. Au cours de cette réunion, d’une durée de 2 heures (de 9h à 11h), sont présentées les situations préoccupantes des personnes suivies par l’équipe depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et celles des nouvelles personnes rencontrées ; les signalements de personnes reçus au cours de la semaine précédente sont repris. Une seconde réunion se tient le lundi après-midi, au cours de laquelle sont examinées les situations des autres personnes de la file active, ou « suivis habituels [14] ». Ces réunions permettent de discuter les modalités de l’intervention de l’équipe mobile pour chaque personne. En cela, elles reprennent les caractéristiques des staffs médicaux hospitaliers. Cependant, un certain nombre d’éléments distinguent ces staffs de ceux qu’il est possible d’observer ailleurs.

9Précisons le cadre situationnel [15] de ces réunions. Les locaux de cette équipe étaient situés, au moment de nos observations, dans un vieil appartement d’un immeuble du centre ville qui n’avait pas été aménagé pour cette utilisation. La réunion se tenait dans une pièce ayant de multiples fonctions (réunion, salle à manger, salle d’attente, bureau du coordinateur) – ce qui en faisait un espace banalisé d’où étaient absentes les marques habituelles des espaces dédiés aux soins. De plus, tous les participants étaient assis sur des canapés disposés autour d’une table basse et un psychiatre était assis derrière le seul bureau de la pièce pour saisir les observations sur le dossier-patient informatisé. Pour des raisons de convivialité, un café était généralement mis à disposition des uns et des autres sur la table basse.

10Au cours de la réunion, tous les professionnels ont le même droit à la parole et à la prise de décision. En effet, de par le modèle de soins que cette équipe a choisi, le travail médical n’est pas surplombant par rapport au travail social et les hiérarchies tendent à être estompées ; de plus, la division du travail est moins marquée que dans les services hospitaliers, et chaque professionnel a une relative autonomie dans son travail. Même si, in fine, la décision revient aux médecins, l’équipe revendique le fait que la parole des professionnels non médicaux ait un poids équivalent à celle des médecins. Ce mode de fonctionnement s’explique par des principes sous-jacents à la création de l’équipe qui s’est construite en réaction aux insuffisances constatées dans la prise en charge institutionnelle des personnes sans abri. De ce mode de construction « contre » ou « en réaction à », renforcé par le refus d’une culture médicale perçue comme élitiste et réservée aux seuls professionnels, découle l’idée de développer un modèle de soin singulier et adapté à la population cible, mais aussi d’inventer une organisation d’équipe qui rompe avec l’organisation pyramidale caractéristique de l’institution hospitalière [16].

11Ces différents éléments (usages multiples de la pièce, disposition matérielle, café, faible hiérarchie…) permettent de dire, en langage goffmanien, que ces « staffs rue » sont à la fois une « région antérieure » (la scène où se déroule la représentation) où les normes professionnelles de cette équipe sont concrétisées, et une « région postérieure » (ou coulisses) où les professionnels abandonnent leur façade sociale et où les rapports interpersonnels sont de l’ordre de la familiarité [17], comme nous allons le voir plus loin.

La construction de la personne en cas urgent

12De grands tableaux blancs quadrillés, de type « tableaux d’organisation », étaient accrochés aux murs de la salle multi-usage. Inspirés des techniques nord-américaines de l’Assertive Community Treatment, ces tableaux sont des intermédiaires entre l’affichage du dossier médical (puisqu’ils contiennent le nom de la personne, des informations la concernant et son diagnostic), et le « tableau de bord » de gestion d’entreprise (puisque y sont aussi notés les indicateurs de l’action de l’équipe). Au cours du staff, les décisions concernant l’intervention de l’équipe (« créer du lien », « accompagner à… », « évaluation », « HDT [18] », etc.) sont inscrites sur une des colonnes, face au nom de la personne. Lorsque, à l’issue de la discussion, la situation d’une personne est considérée comme étant « une urgence », un point rouge est noté sous son nom. Si la situation est « préoccupante », mais sans être une urgence, un cercle rouge est tracé. La semaine suivante, la situation de la personne est réévaluée. Si celle-ci n’est plus une priorité pour le travail de l’équipe, le point rouge est effacé. Cette codification a pour objectif de rappeler à l’équipe tout au long de la semaine la priorité de la situation. Elle a aussi un effet performatif : le point rouge est une manière pour désigner l’urgence lorsque les situations des personnes sont évoquées (« M. X, c’est un point rouge »).

13Les « suivis habituels » ne portent aucune marque. Leur situation est aussi discutée, parfois aussi longuement que celles catégorisées comme urgentes. Cependant, les interventions prévues pour ces personnes sont conditionnées par le temps que laisse à l’équipe la prise en charge des situations urgentes. De fait, lorsque les « points rouges » sont nombreux et renvoient à des situations très compliquées, les personnes étant catégorisées en « suivis habituels » peuvent ne pas être vues par l’équipe au cours de la semaine.

14Nous avons analysé la manière dont les professionnels parlent d’une personne, la manière dont ils la présentent et la décrivent aux autres membres de l’équipe. Le premier constat est que la façon de saisir la réalité d’une personne diffère de celle des staffs médicaux « classiques ». On n’observe pas ce que l’on pourrait appeler « l’effet microscope » rencontré dans les staffs médicaux (où la vision est centrée sur un organe ou une pathologie), mais une vision élargie de la personne, avec une équivalence des aspects sociaux de la situation décrite par rapport aux aspects biologiques ou anatomiques. Les situations présentées concernent les personnes qui peuvent être connues par la plupart des membres de l’équipe, ou seulement par un ou deux d’entre eux. Sont alors évoqués lors des présentations, à la fois :

  • la description physique de la personne (y compris vestimentaire) pour que les autres professionnels la reconnaissent lors de leur tournée ;
  • la description des symptômes observés (qui recoupe souvent la description physique) comme argumentation de la nécessaire intervention de l’équipe ;
  • les circonstances de la rencontre qui apportent des arguments supplémentaires pour l’évaluation de la symptomatologie ;
  • mais aussi les compétences et les capacités de survie de la personne dans la rue au moment de la rencontre, son histoire personnelle, son environnement social et le risque que représente pour elle un temps supplémentaire passé dans la rue ;
  • enfin, d’autres éléments qui composent sa situation sociale : connaissance de son identité réelle, la possession de papiers d’identité, sa couverture sociale (CMU, AME… [19]), les ressources dont elle dispose (AAH, RSA… [20]), la régularité ou non de sa situation de présence sur le territoire, etc.

15Ces éléments de présentation sont aussi une manière d’organiser et d’interpréter le vécu, comme l’illustre l’extrait de notes de terrain suivant :

Psychiatre : Il est effectivement tout le temps sur le Bd X. Les autres clodos du Bd X le connaissent très bien […] la date de naissance ne correspond pas avec ce qu’il nous a dit. Il avait carrément déliré sur le fait qu’il avait fait l’Indochine. Alors, soit il a fait l’Indochine, il a l’air vieux quand même… […] c’est un ancien militaire, ça c’est sûr. Mais quelle guerre il a fait ? Ça, je ne sais pas. Moi je pensais qu’il avait plus de 80 ans. Et là, la date de naissance… il a 55 ans […] Je pense qu’il a plus de 70 ans, 80 ans, il est hyper vieux ! Il n’a plus de dents, il est tout maigre… […] Quand il était sous le pont, je pensais qu’il n’était même pas capable de marcher. Là, il marche, il se balade avec ses sacs. Il est tellement délabré, c’est hallucinant ! […] En l’interrogeant, il ne sait pas la date, il est complètement désorienté et je me demande s’il ne s’est pas intoxiqué au CO [monoxyde de carbone] et du coup […] déjà en vivant sous son tunnel avec les pots d’échappement, mais en plus il se chauffait avec un réchaud dessous […]. Donc, il a des éléments délirants, des éléments démentiels et en plus peut-être un truc d’intoxication au CO. Ce qui expliquerait qu’il a un cerveau de 200 ans.
Assistante sociale : Je crois que la principale question pour lui c’est la notion de danger. Est-ce qu’il est vraiment en danger, auquel cas on l’hospitalise et on le met en maison de retraite, encore faut-il que…
Psychiatre : Quoiqu’il s’en sort pas mal dans la rue. Je ne sais pas comment il fait, là il donnait du pain aux pigeons, il ne le mangeait pas le pain ! […] Je suis moins inquiète depuis que je l’ai vu galoper. Comme ça, je me dis, voilà, on pense qu’il est complètement démuni et en fait il a l’air de s’en sortir pas trop mal.
Comme l’a montré Byron Good [21], c’est la mise en récit par les soignants qui construit leur perception d’une personne en tant que patient ou, dans cette équipe, en tant que personne relevant de leur « file active ». Lors de ces mises en récits, des registres discursifs relevant de logiques diverses sont mobilisés et produisent des interprétations visant à convaincre l’auditoire de la gravité d’une situation qui doit être traitée « en urgence ».

Les logiques de la catégorisation des cas urgents

16La « psychiatrie de rue » n’est pas théorisée. Le contexte environnemental des personnes et leur situation d’errance ne permettent pas d’appliquer les « protocoles » et autres arbres décisionnels qui sous-tendent les décisions médicales dans les services de soins « dans les murs ». Dès lors, le choix de désigner une situation comme urgente repose sur différentes « logiques », dont certaines sont implicites, voire non conscientes, qui peuvent être imbriquées, se renforcer ou se neutraliser. Par souci de clarté, nous les présentons séparément.

Logique médicale

17Selon la logique médicale et dans le contexte particulier des personnes sans abri présentant des troubles psychiatriques sévères, les situations catégorisées comme urgentes sont celles de personnes dont la gravité des troubles les met en danger. Il peut s’agir alors de troubles somatiques, fréquents chez les personnes sans abri, mais dont l’absence de prise en compte par la personne elle-même amène l’équipe à s’en inquiéter à sa place. Il peut s’agir également de symptômes psychiatriques particulièrement prononcés mettant la personne en danger (risque de passage à l’acte, d’auto-agressivité, ou lorsque l’état psychique de la personne est tel qu’elle est dans l’incapacité de s’occuper d’elle-même et ne cherche plus à se nourrir, à s’abriter des intempéries, à se protéger du froid, etc.).

18Selon cette même logique, d’autres situations sont catégorisées comme urgentes en raison de l’articulation entre la temporalité de la maladie mentale et la possibilité de créer une alliance thérapeutique. En effet, les professionnels savent identifier le moment opportun pour intervenir en fonction des capacités d’engagement de la personne dans le soin et de la qualité du lien construit avec elle, permettant de pronostiquer l’impact le plus favorable de leur intervention.

Logique de protection des plus vulnérables

19L’évaluation d’une situation se fait à l’aide d’un certain nombre d’éléments qui signalent ou soulignent la vulnérabilité d’une personne. Celle-ci est établie à partir de deux ensembles de critères. Les premiers se rapportent à l’apparence physique et biologique de la personne et à son corps, tels que le genre (les individus de genre féminin sont davantage soumis au risque de violence, notamment sexuelle, que leurs homologues masculins), l’âge (les personnes âgées supportent plus difficilement les conditions de vie dans la rue), ou encore les compétences physiques et les capacités motrices de la personne.

20Les seconds critères sont relationnels et sociaux. Ils comprennent la connaissance des structures existantes à destination des personnes sans abri, leur usage (et sa continuité) de ces institutions, la connaissance de la ville et la capacité à se repérer et se mouvoir dans l’espace urbain, l’appartenance de la personne à un groupe, à un réseau ou son intégration dans un quartier particulier, afin d’évaluer les éventuels soutiens dont elle pourra bénéficier. La possession de biens matériels (moyens directs pour se protéger du chaud, du froid, vêtements de rechange), l’existence d’un lieu de vie privilégié (une cabane, un bout de trottoir, un parking, un squat) et la capacité de la personne à demander de l’aide (et ainsi de pouvoir solliciter les réseaux d’aide médico-sociaux), sont également pris en compte dans la catégorisation des cas effectuée au cours du staff.

21Chacun de ces critères n’est que rarement signifiant en lui-même, mais la combinaison de plusieurs d’entre eux débouche sur la notion de « compétences de survie à la rue », dont l’absence ou l’altération peut conduire à une catégorisation en situation urgente.

Logique institutionnelle

22Selon cette « logique institutionnelle », les situations sont considérées comme urgentes non pas en fonction de la situation de la personne, de son état physique ou psychique, mais à partir de critères liés au modèle de soin que cette équipe cherche à mettre en œuvre ou à la recherche d’une continuité du projet de soins. Par exemple, lorsqu’une personne hospitalisée par l’équipe fugue de l’hôpital, la situation est marquée comme une urgence, et l’équipe va organiser des maraudes pour la retrouver. L’objectif est alors de comprendre les raisons de son départ, et éventuellement de la faire « réintégrer » (selon le terme en usage) dans le service d’où elle s’est enfuie.

23Cette logique tient, avant tout, au fait que l’hospitalisation, qu’elle soit libre ou sous la contrainte, résulte, dans la grande majorité des cas, d’un long processus de construction de liens entre l’équipe et la personne. Il aura fallu la rencontrer à plusieurs reprises, la rassurer sur l’hôpital, mobiliser des professionnels pour réaliser l’hospitalisation (EMPP, pompiers, parfois même la police), trouver une place libre dans un service [22] et coordonner tout cela pour aboutir à l’hospitalisation. C’est donc pour éviter de perdre le bénéfice du travail organisationnel réalisé qu’il est important pour l’équipe de retrouver le plus rapidement possible la personne en fugue.

24Ce pragmatisme est également présent dans la catégorisation en situations urgentes des personnes pour lesquelles l’expectative de rétablissement sanitaire et social est forte. Ces situations correspondent à celles de personnes vivant dans la rue avec des troubles psychiatriques sévères avérés, et pour lesquelles l’équipe présume que les chances de voir un projet de soin aboutir et la personne sortir de la rue sont les plus élevées. Il s’agit généralement de personnes jeunes, avec des compétences intellectuelles et sociales nettement perceptibles malgré l’importance des symptômes et la gravité de la situation dans laquelle elles se trouvent, qui ne sont pas chronicisées et pour lesquelles on peut s’attendre à un rétablissement « rapide », comme cela a été le cas pour plusieurs personnes suivies par l’équipe qui, en quelques semaines, ont recouvré leurs droits sociaux, un logement, un travail, un conjoint, etc. Il n’est jamais certain que ces « success stories » aboutissent, mais l’équipe tente régulièrement sa chance lors de situations similaires dont la sortie par le haut de la file active est particulièrement gratifiante.

25De plus, ces réussites sont particulièrement importantes dans la mesure où elles représentent le contrepoint des « causes perdues », représentation des personnes de la rue que nombre de professionnels des services d’urgence et d’hospitalisation partagent et nourrissent en insistant sur l’incurie des personnes de la rue, leur instabilité psychique et leur errance qui les rendraient peu réceptives aux soins [23].

Logique de contrôle social

26Par logique de « contrôle social » nous entendons celle qui conduit à catégoriser en cas urgents des situations où les personnes dérangent l’ordre public par la mise en danger d’elle-même ou d’autrui [24]. Il peut s’agir de situations de risque de passage à l’acte hétéro-agressif, lorsqu’une personne, du fait de son état psychique, peut agresser physiquement autrui. Il peut aussi s’agir de situations où la personne, du fait de son comportement « inadapté ou particulièrement exalté », pour reprendre le langage psychiatrique, excède ou provoque son entourage, générant l’hostilité des autres sans-abri, des commerçants et/ou des passants. Les conséquences de ce comportement ne sont pas maîtrisables et exposent la personne à un risque d’agression ou d’interpellation par la police. Il s’agit alors pour l’équipe d’intervenir avant que la violence n’explose ou qu’une mesure répressive non adaptée à la situation ne soit prise.

Logique de l’affectivité

27Dans les discussions du staff, nous avons observé une imbrication de plusieurs registres sémantiques – langage familier et lexique médical –, notamment en raison de la superposition des « régions antérieures » et « postérieures ». D’une part, cette superposition introduit de la familiarité dans les échanges d’ordre professionnel avec des effets sur la dynamique de l’équipe. En effet, le registre familier produit de l’horizontalité dans les interactions entre professionnels, ce qui conduit à un effet de boucle : la moindre importance accordée à la hiérarchie dans l’équipe favorise l’usage du langage familier qui, à son tour, renforce l’horizontalité souhaitée par l’équipe. D’autre part, elle a des effets sur la construction du cas : l’usage du langage familier et son alternance avec le langage médical produisent un effet de dramatisation. En effet, si ce mélange des registres n’est pas intentionnel, il a parfois pour effet d’obtenir l’adhésion de l’auditoire, en le choquant ou en provoquant sa compassion, et donc de justifier l’intervention de l’équipe.

28On retrouve par exemple l’usage fréquent de figures de style telles que la répétition d’adverbes quantifiants pour décrire le trouble, ou celui de mots argotiques plus expressifs et porteurs d’une tonalité émotionnelle. Cependant, l’alternance du langage familier et du lexique médical traduit surtout le fait que les soignants sont parfois submergés par la souffrance, l’étrangeté, l’injustice et la violence des situations.

29De nombreuses touches humoristiques viennent également ponctuer les staffs malgré la pénibilité des cas présentés et la complexité des situations rencontrées, comme cela peut être observé dans diverses situations professionnelles, notamment en psychiatrie [25]. Lorsque les professionnels font face à la souffrance d’autrui, l’humour fonctionne comme une soupape ; il est un moyen de mettre à distance les difficultés. De plus, à l’instar de ce qu’a montré Gwénaëlle Mainsant pour les policiers [26], l’humour peut être un véritable mode de communication permettant d’exprimer ce que le langage médical n’autorise pas, notamment le questionnement sur la légitimité d’une action entreprise par l’équipe, comme l’illustrent ces extraits de staffs :

30

« On lui met une perf de kétamine sur la place X [rires]. Vous voulez des soins alternatifs ? Tu vas voir ! Tout le monde sous kétamine. »
« Vous trouvez un SDF sur un matelas, vous roulez le matelas avec de la corde et vous l’amenez en psychiatrie. Vous le trempez dans du neuroleptique ! »
« – P1 : lui, il faut vraiment l’hospitaliser ! / – P2 : On lui lance une fatwa ? »

31Ces verbatim doivent être replacés dans leur contexte : une discussion entre plusieurs personnes qui examinent les différentes alternatives et s’interrogent sur la meilleure façon (et le meilleur moment) d’intervenir auprès d’une personne. Derrière le bouclier protecteur de l’humour et de la métaphore, se déploient le questionnement des professionnels sur la légitimité de l’action à entreprendre et leur ambivalence à l’égard de la mission de contrôle social qu’ils ont à endosser.

32La possibilité d’utiliser le langage familier et l’humour comme mode de communication est un des effets de la superposition des régions antérieures et postérieures. Alors que le langage médical est technique et dénué d’affects, mettre les coulisses sur la scène c’est permettre que se libèrent les réactions émotionnelles [27]. Il en ressort que les émotions du professionnel peuvent participer des prises de décision, et y jouent parfois un rôle aussi important que la rationalité médicale. En effet, cette libération des émotions amène régulièrement des professionnels à faire de véritables plaidoyers en faveur d’une intervention urgente pour une personne qui les a plus particulièrement touchés. Cette stratégie d’influence, consciente et assumée par une partie d’entre eux qui parlent alors de leur « chouchou » ou de leur « protégé », répond à une logique affective mobilisant émotions et sentiments dans un cadre néanmoins régulé (le staff).

33Il n’y a, dans ce constat, aucun jugement de valeur de notre part. À l’instar de Bourdeaut [28], nous voyons dans la capacité des soignants à s’émouvoir une expression de leur « humanité » et de leur empathie. Alors que leur déontologie professionnelle leur demande de réprimer ou de contrôler leurs émotions, considérées comme un élément « non rationnel » dans la prise de décision, cette présence émotionnelle, loin d’être un manque de professionnalisme, nous semble être une « réponse socialement adéquate [29] » à la souffrance qu’ils rencontrent au quotidien.

34Au total, dans cette étude micro-sociologique, nous avons fait le choix d’analyser la décision explicite de priorisation de l’intervention d’une équipe médico-sociale auprès de certaines personnes, en nous centrant sur le processus cognitif et sur les logiques des acteurs. La complexité des situations rencontrées explique que les prises de décision reposent sur des raisons médicales et sociales (assistance à personne en danger), mais aussi sur des logiques implicites (affectives ou institutionnelles), des valeurs (dont la protection des plus vulnérables), et des idéologies (dont la centralité de la lutte contre les inégalités sociales face à la santé). D’autres travaux ont déjà montré que des critères non médicaux (religieux, culturels, ethniques, économiques, moraux, politiques, etc.) participent à la décision médicale dans des domaines aussi variés que la conduite diagnostique et thérapeutique [30], l’interruption de grossesse [31] ou l’interruption de la réanimation [32], pour ne citer que ces exemples.

35Implicitement, cette pratique de catégorisation est une forme de tri car les ressources (humaines) de l’équipe seront allouées en priorité à certaines personnes. Dès lors, la décision comporte une dimension éthique puisque les professionnels sont confrontés à un dilemme entre, d’une part, le principe d’équité (apporter une aide médico-sociale à toutes les personnes qui relèvent de leurs compétences) et, d’autre part, le principe médical et légal « d’obligation de moyens » exigée des professionnels de santé (qui leur demande de mettre en œuvre tous les moyens techniques et humains nécessaires pour résoudre un problème). Si ce dilemme n’est pas formulé dans ces termes par les professionnels que nous avons observés, ils ont néanmoins conscience d’avoir à opérer un choix : une intervention intensive auprès d’une seule personne ne peut se faire qu’aux dépens du suivi d’autres patients.

36Cependant, à l’inverse de ce que l’on peut observer dans d’autres situations où le tri repose, outre les critères médicaux, sur la valeur sociale accordée à l’individu [33], c’est sur les individus les plus marginaux, les plus grands exclus de la société et les plus vulnérables, que cette équipe cible son travail, en priorisant son action selon une combinaison complexe de différentes logiques.

Notes

  • [1]
    Julien Damon, La Question SDF, Paris, Puf, « Le Lien social », 2002.
  • [2]
    Cécile Brousse, Jean-Marie Firdion & Maryse Marpsat, Les Sans-domicile, Paris, La Découverte, 2008.
  • [3]
    Sur les raisons de l’accroissement de la visibilité des SDF dans l’espace urbain, voir Julien Damon, op. cit. et Stéphane Rullac, Le Péril SDF. Assister et punir, Paris, L’Harmattan, « Questions contemporaines », 2008.
  • [4]
    Sur l’émergence de la notion « d’urgence sociale », voir Stéphane Rullac, op. cit., et Daniel Cefaï, Édouard Gardella, L’Urgence sociale en action. Ethnologie du Samusocial de Paris, Paris, La Découverte, 2011.
  • [5]
    Anna Marquès, Construire sa légitimité au quotidien. Le travail micropolitique autour d’une Équipe mobile de psychiatrie-précarité, thèse de doctorat de sociologie, EHESS, 2010.
  • [6]
    Antoine Lazarus & Hélène Strohl, Une souffrance qu’on ne peut plus cacher, Paris, Délégation interministérielle à la ville et au développement urbain, 1995. En ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/954050300/index.shtml (page consultée le 7/10/2013).
  • [7]
    Philipe Jean Parquet (dir.), Souffrance psychique et exclusion sociale, rapport ministériel, 2003. En ligne : http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_PARQUET_Septembre_2003_Souffrance​_psychique_et_exclusion.pdf (page consultée le 7/10/2013).
  • [8]
    Anna Marquès, op. cit., p. 105.
  • [9]
    Circulaire ministérielle DHOS/O2/DGS/6C/DGAS/1A/1B n° 2005-521 du 23 nov. 2005 relative à la prise en charge des besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion et à la mise en œuvre d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie. En ligne : http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2006/06-01/a0010069.htm (page consultée le 7/10/2013).
  • [10]
    Alain Mercuel, Ardian Qerimi, État des lieux des Équipes mobiles psychiatrie-précarité 5 ans après la circulaire, Communication orale à la 4e Journée nationale des EMPP, 14 mars 2011, CH Sainte Anne, 2011. Les diapositives de cette communication sont consultables en ligne www.rrapp.fr/request.php?32 (page consultée le 7/10/2013).
  • [11]
    S.F. Nielsen, C.R. Hjorthoj, A. Erlangsen, M. Nordentoft, Psychiatric disorders and mortality among people in homeless shelters in Denmark: A nationwide register-based cohort study, Lancet, 2011, n° 25(377), p. 2205-14.
  • [12]
    Sa seconde activité, aussi importante quantitativement et qualitativement, est un « accompagnement au chez-soi » de personnes sans abri.
  • [13]
    Nous avons réalisé une enquête ethnographique avec une présence continue dans l’équipe durant deux ans (de janvier 2011 à décembre 2012). Nous avons assisté de façon régulière aux « staffs rue » pendant 13 mois. 25 réunions ont été enregistrées et retranscrites entre janvier et octobre 2012. Trois méthodes d’analyse ont été mobilisées pour traiter ce matériel : 1/ une analyse de la mise en récit des situations ; 2/ une analyse longitudinale des différents cas abordés au cours de ces réunions ; 3/ une mise en regard des enregistrements des réunions avec, d’une part, les comptes rendus internes de ces staffs qui servent d’archivage des discussions, et d’autre part, les observations saisies dans le dossier médical.
  • [14]
    C’est-à-dire toute personne régulièrement suivie par l’équipe, dont la situation n’est pas considérée comme urgente ou préoccupante, et qui n’est pas hospitalisée.
  • [15]
    Erving Goffman, Les Cadres de l’expérience, Paris, Minuit, 1991.
  • [16]
    D’autres ruptures avec le modèle biomédical dominant s’observent dans cette équipe, mais nous n’avons pas la place de les détailler ici.
  • [17]
    Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, t. 1, La Présentation de soi, Paris, Minuit, 1973, p. 105-136.
  • [18]
    L’hospitalisation à la demande d’un tiers désigne une hospitalisation sous la contrainte. À la suite de la Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, le sigle est devenu SDT (soins à la demande d’un tiers).
  • [19]
    CMU : Couverture maladie universelle. AME : Aide médicale d’État.
  • [20]
    AAH : Allocation adulte handicapé. RSA : Revenu de solidarité active.
  • [21]
    Byron Good, Comment faire de l’anthropologie médicale ? Médecine, rationalité et vécu, Le Plessis-Robinson, Les Empêcheurs de penser en rond-Institut Synthélabo, 1998.
  • [22]
    Ce qui est souvent difficile compte tenu de la saturation des services psychiatriques. Dès lors, lorsqu’une personne fugue d’un service, sa place ne lui est gardée au mieux que quelques jours.
  • [23]
    Louise Fournier & Céline Mercier (dir.), Sans domicile fixe. Au-delà du stéréotype, Montréal, Les Éditions du Méridien, 1996.
  • [24]
    Nous faisons ici un usage restrictif de la notion de contrôle social.
  • [25]
    Sue Estroff, Le Labyrinthe de la folie. Ethnographie de la psychiatrie en milieu ouvert et de la réinsertion, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1998.
  • [26]
    Gwénaëlle Mainsant, Prendre le rire au sérieux. La plaisanterie en milieu policier, in Didier Fassin & Alban Bensa (dir.), Les Politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, Paris, La Découverte, 2009, p. 99-123.
  • [27]
    Depuis la fin de notre enquête, des modifications notables sont apparues dans l’organisation du travail de l’équipe. Une réorganisation en « pôle rue » et en « pôle chez soi » a eu pour conséquence une spécialisation des professionnels dans le travail de rue ou dans l’accompagnement au logement. Dès lors, les professionnels participant aux « staffs rue » sont moins nombreux, et le bureau où ils se réunissent leur est exclusivement dédié. Ceci a pour effet de séparer « coulisses » et « scène ». Le langage familier tend à s’estomper.
  • [28]
    Frank Bourdeaut, Les émotions dans la relation de soin : des racines de leur répression aux enjeux de leur expression, Éthique & Santé, 2006, 3, p.133-137.
  • [29]
    Ibid., p. 137.
  • [30]
    Jennifer Malat, Expanding research on the racial disparity in medical treatment with ideas from sociology, Health, 2006, vol. 10(3), p. 259-282.
  • [31]
    Monique Membrado, La décision médicale entre expertise et contrôle de la demande : le cas des interruptions de grossesse pour motif thérapeutique, Sciences sociales et Santé, juin 2001,vol. 19 n° 2, p. 31-62.
  • [32]
    Anne Paillet, Sauver la vie, donner la mort. Une sociologie de l’éthique en réanimation néonatale, Paris, La Dispute, « Corps, santé, société », 2007.
  • [33]
    Nora K. Bell, Triage in medical practices: an unacceptable model?, Social Science and Medicine, 1981, vol. 15F, p. 151-156.
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