Notes
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[1]
Pour Degeorge et al. (1999), un seuil de résultat correspond à un niveau de résultat autour duquel des irrégularités statistiques de distribution ont été constatées (le résultat nul ; le résultat de la période précédente). Dans le questionnaire de Graham et al. (2005), les dirigeants indiquent vouloir publier des résultats légèrement supérieurs à ces seuils (respectivement publier un petit bénéfice ou éviter de publier une perte ; publier un résultat supérieur à celui de la période précédente ou éviter une baisse du résultat).
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[2]
Dans la suite de ce document, le terme activation sera utilisé pour évoquer le fait que les dépenses de R&D sont comptabilisées à l’actif.
-
[3]
L’activation des dépenses de R&D est permise par la SSAP 13 lorsque 5 conditions sont remplies : (i) le projet est clairement identifié, (ii) les dépenses qui s’y rapportent sont clairement identifiables, (iii) le projet est techniquement faisable et viable commercialement, (iv) les revenus générés sont supérieurs aux coûts et (v) l’entreprise dispose des ressources adéquates pour achever le projet.
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[4]
Ces résultats ont été établis à partir d’entreprises françaises soumises au PCG. Suivant l’article 361-2 du PCG appliqué jusqu’en 2005, les dépenses de R&D pouvaient être activées, à titre exceptionnel « à la condition de se rapporter à des projets nettement individualisés ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale et dont le coût peut être distinctement établi ».
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[5]
L’IAS 38 distingue les dépenses des projets de développement et les dépenses de recherche. Ces dernières doivent être obligatoirement inscrites en charges. À l’inverse, les dépenses de développement doivent être activées dès lors que les six conditions fixées par la norme sont respectées. Dans le cas contraire, elles sont inscrites en charges. Les dirigeants disposent d’une certaine latitude pour qualifier les projets car, si la norme donne une définition et des exemples des phases de recherche et développement (§8, §56 et §59), elle indique que les notions de recherche et développement peuvent être interprétées de manière plus large (§ 52).
-
[6]
Aboody et Lev (1998) étudient l’activation des dépenses de développement de logiciels aux USA selon la SFAS 86. Landry et Callimaci (2003) étudient l’activation des dépenses de R&D au Canada (norme CICA 3450). Enfin, l’étude de Thi et al. (2009) repose sur un échantillon d’entreprises allemandes soumises aux normes IFRS.
-
[7]
Dans cette étude, l’appartenance de l’auditeur à un bug 4 est le proxy d’un audit de qualité.
-
[8]
Nous excluons l’exercice 2005. En effet, l’IFRS 1 proposait des dispositifs transitoires. Dès lors, les chiffres comptables publiés en 2005 (et notamment le résultat) ne sont pas comparables à ceux des exercices suivants (Capkun et al. 2011).
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[9]
Les données sur la R&D ont été collectées manuellement dans les rapports annuels (dans le rapport de gestion et dans les comptes consolidés). L’obtention du rapport annuel est donc une condition nécessaire pour constituer l’échantillon.
-
[10]
Nous n’étudions ici que les dépenses internes de R&D. En effet, l’activation des dépenses externes de R&D est systématique dans la mesure où l’IAS 38 considère que les immobilisations acquises sont génératrices d’avantages économiques futurs et que les coûts attribuables à ces immobilisations sont distinctement établis (IAS 38, § 25 et 26).
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[11]
L’amortissement est théorique car cette donnée n’est pas disponible. Il s’agit ici d’un amortissement théorique sur 5 ans débutant en moyenne au milieu de l’année (1/5*0.5). Des tests complémentaires ont été réalisés en supprimant ce proxy d’amortissement. Cela conduit au reclassement de 7 individus. Les résultats sont robustes en tenant compte de cette autre segmentation d’échantillon. Par souci de simplification, les tableaux de résultat ne sont pas reproduits ici.
-
[12]
Il est à noter que les statistiques fournies ne concernent pas des entreprises, mais des individus (une entreprise sur une année). En effet, une entreprise peut être incitée à gérer les résultats pour atteindre un seuil en t et pas en t+1. Ainsi, nous étudions les décisions d’investissement et de comptabilisation de la R&D en t, ceci, quels que soient les choix managériaux en t-1.
-
[13]
Les tests VIF sont systématiquement < 2 (tolérance > 0.6), ce qui permet de certifier l’absence de problème de multicolinéarité.
-
[14]
Une information comptable est dite pertinente si elle « a la capacité d’influencer les décisions prises par les utilisateurs des états financiers » (IFRS, cadres conceptuels, FQC6). Si les dépenses de R&D sont activées de manière opportuniste, il est probable que les actifs de R&D ne représentent pas ce qu’ils sont censés représenter, raison pour laquelle les investisseurs n’utiliseraient pas cette information.
Introduction
1Dans l’étude par questionnaire menée par Graham et al. (2005), 85 % des dirigeants américains déclarent qu’il est important, ou très important, de publier un résultat supérieur à celui de la période précédente. De la même manière, atteindre le bénéfice est important pour 65 % d’entre eux. Ainsi, atteindre les seuils de résultat [1] est un enjeu majeur pour les dirigeants. Les études s’intéressant à la distribution des résultats mettent en évidence une irrégularité statistique de distribution autour de ces seuils : les entreprises publiant des résultats légèrement supérieurs aux seuils sont surreprésentées (Burgsthaler et Dichev 1997 ; Degeorge et al. 1999). Un constat identique a été fait en France (Mard 2004 ; Jeanjean et Stolowy 2008 ; Vidal 2008). Selon Vidal (2008), la distribution des résultats non gérés devrait suivre une courbe plus ou moins gaussienne, c’est-à-dire sans irrégularité. Suivant ce raisonnement, l’irrégularité statistique de distribution serait causée par la gestion des résultats (notée GR).
2Dans cet article, il s’agit d’examiner si les dépenses de recherche et développement (désormais R&D) sont utilisées comme des modalités de GR pour atteindre ces seuils. Les dépenses de R&D peuvent être utilisées de deux manières, autrement dit, deux modalités de GR sont liées aux dépenses de R&D.
3Premièrement, leur comptabilisation permet d’ajuster le niveau de résultat. D’un côté, inscrire ces dépenses en charges fait diminuer le résultat. D’un autre côté, les inscrire à l’actif [2] permet de gérer à la hausse le résultat en évitant de comptabiliser des charges. L’activation des dépenses de R&D pour atteindre les seuils s’apparente à de la gestion des résultats par les choix comptables (notée GRC). La GRC « est obtenue en changeant les méthodes comptables ou les estimations utilisées lors de la présentation des états financiers » (Zang 2012, p. 676).
4Deuxièmement, les dirigeants peuvent limiter leurs dépenses de R&D, ce qui a pour conséquence de limiter les charges imputées au compte de résultat. La réduction des dépenses de R&D pour atteindre les seuils peut être qualifiée de gestion réelle des résultats (notée GRR). Celle-ci est définie par Zang (2012, p. 676) comme une « action délibérée qui modifie le résultat reporté dans une direction particulière ; cette action porte sur le timing ou la structuration des opérations, des investissements ou des opérations de financement ; cette action a des conséquences sous-optimales pour l’activité ».
5Cette étude a trois objectifs. Premièrement, il s’agit de déterminer si, en France, les dépenses de R&D sont effectivement réduites pour publier des résultats supérieurs aux seuils. Deuxièmement, nous observons si les dirigeants utilisent l’activation des dépenses de R&D pour gérer les résultats. Cependant, comme l’indiquent Fields et al. (2001), s’intéresser à une modalité de GR à un moment donné n’est pas suffisant pour expliquer la stratégie globale de GR. Ainsi, le troisième objectif de cette étude est de déterminer si les modalités de GR liées à la R&D sont utilisées de manière coordonnée pour atteindre chacun des seuils.
6La première contribution de l’étude est liée aux modalités de GR étudiées. En effet, les recherches antérieures étudiant simultanément la GRR et la GRC s’intéressent à des modalités de GR qui, en apparence, n’ont pas de lien. La GRC est généralement étudiée au travers des accruals discrétionnaires, c’est-à-dire un ensemble de choix comptables (par exemple Zang 2012). La GRR est quant à elle appréhendée au travers des flux de trésorerie (par exemple Ayers et al. 2006) ou via le modèle de Roychowdhury (2006) permettant d’identifier la surproduction, la réduction des dépenses discrétionnaires (par exemple Cohen et al. 2008 ; Zang 2012) ou encore via la cession d’actifs (Gunny 2010). À notre connaissance, notre étude est la première à s’intéresser à la manière dont les dirigeants coordonnent l’utilisation de plusieurs modalités de GR liées à un même objet.
7La seconde contribution de l’étude est liée au fait que nous nous intéressions à l’utilisation de la R&D comme modalité de GR. En effet, la réduction des dépenses de R&D pour atteindre un seuil est un phénomène qui a été observé pour des entreprises qui inscrivent en charges l’ensemble des dépenses de R&D (par ex. Garcìa-Osma et Young 2009 ; Gunny 2010). Pour ces entreprises, la réduction des dépenses de R&D entraîne mécaniquement une augmentation du résultat comptable. Or, selon la norme IAS 38 utilisée notamment par les entreprises françaises, les dépenses de R&D sont inscrites à l’actif lorsque plusieurs conditions sont remplies. Ainsi, on peut investir dans la R&D sans inscrire de charges au compte de résultat si les dépenses sont intégralement activées. Le niveau de charges liées aux dépenses de R&D peut ainsi être géré via l’activation de ces dépenses. Dès lors, il est particulièrement pertinent d’observer si la réduction des dépenses de R&D pour atteindre des seuils est influencée par l’activation des dépenses de R&D. Pour cela, il est nécessaire d’étudier dans un seul modèle les deux modalités de GR liées à la R&D. Aussi, s’intéresser à deux modalités de GR liées à un même objet permet d’identifier si la normalisation comptable influence directement la GRC, mais aussi si elle influence indirectement la GRR.
8L’étude de la comptabilisation des dépenses de R&D est particulièrement pertinente dans le contexte français. Les études de value relevance montrent une réaction positive des marchés à l’activation des dépenses de R&D (Dumas et Martinez, 2015 pour une revue de la littérature). La France constitue une exception : les marchés financiers ne réagissent pas positivement à l’activation (Cazavan-Jeny et Jeanjean, 2005 ; 2006). Pour expliquer leurs observations, les auteurs indiquent que les investisseurs n’auraient pas confiance dans les chiffres comptables publiés, les dirigeants ayant pu activer les dépenses de R&D de manière opportuniste. Il devient alors intéressant d’observer si, en France, les dépenses de R&D sont activées de manière opportuniste dans le but de gérer les résultats comptables.
9L’échantillon est composé d’entreprises françaises cotées sur la période 2006-2011. Les résultats sont présentés en trois temps. Dans un premier temps, nous nous focalisons sur la réduction des dépenses de R&D. Les résultats montrent que les dépenses de R&D sont réduites pour atteindre le bénéfice et publier un résultat supérieur à la période précédente. Par ailleurs, il apparaît que les dirigeants utilisent davantage cette modalité de GR lorsque les firmes inscrivent en charges l’intégralité des dépenses de R&D. En d’autres termes, la réduction des dépenses de R&D pour atteindre des seuils est restreinte lorsqu’une partie des dépenses de R&D est activée.
10Dans un deuxième temps, nous nous intéressons à l’activation des dépenses de R&D. Il apparaît que les dépenses de R&D sont effectivement activées pour atteindre le bénéfice et publier un résultat supérieur à la période précédente.
11Le troisième volet des résultats permet de déterminer si les deux modalités de GR sont utilisées de manière coordonnée. Pour cela, nous utilisons les tests de médiation (Zhao et al. 2010) ainsi qu’un système d’équations simultanées (Das et al. 2011). Il apparaît que les deux modalités se substituent l’une à l’autre. En d’autres termes, l’utilisation modérée d’une modalité de GR est compensée par la forte utilisation de la seconde modalité. Il apparaît même que pour atteindre le bénéfice, les dirigeants recourent peu à la GRR. Ils compensent cette carence en utilisant davantage l’activation des dépenses de R&D. Ainsi, l’activation permet d’atténuer, mais ne supprime pas complètement, l’utilisation de la réduction des dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice.
12L’article est organisé comme suit. La revue de la littérature (1.) précède la formulation des hypothèses (2.), la présentation de l’échantillon (3.) et la méthodologie (4.). Les résultats sont exposés (5.) et discutés (6.) dans les dernières sections.
1 – Revue de la littérature
13La revue de la littérature s’intéresse aux deux modalités de GR liées aux dépenses de R&D : la réduction des dépenses de R&D (1.1.) et leur activation (1.2.).
1.1 – Réduction des dépenses de R&D pour atteindre les seuils
14Deux types d’études ont permis de conclure à une réduction des dépenses de R&D pour atteindre les seuils. Les premières étudient les comportements d’investissement en R&D en fonction d’une situation ex ante : la possibilité de publier un résultat supérieur aux seuils. Par exemple, Baber et al. (1991) comparent les dépenses de R&D d’entreprises se trouvant dans deux situations distinctes : (i) situation dans laquelle la réduction de ces dépenses permettrait de publier des résultats supérieurs aux seuils et (ii) autres situations. Ils montrent que les dépenses de R&D augmentent plus faiblement dans la première situation. Ils en concluent que certains dirigeants réduisent leurs dépenses de R&D pour atteindre des seuils. En adoptant une méthodologie similaire à celle de Baber et al. (1991), Garcìa-Osma et Young (2009) montrent que la réduction des dépenses de R&D est plus fréquente lorsque les seuils sont accessibles via la réduction de ces dépenses.
15Les secondes études se positionnent dans une situation ex post : le fait que les entreprises aient publié des résultats supérieurs aux seuils. Ces recherches observent si la réduction des dépenses de R&D est à l’origine de cette situation (Garcìa-Osma et Young 2009 ; Gunny 2010). Garcìa-Osma et Young (2009) montrent que la réduction des dépenses de R&D est plus fréquente dans les entreprises qui ont publié un résultat bénéficiaire. Par ailleurs, Gunny (2010) détermine l’ajustement intentionnel des dépenses de R&D en calculant l’écart entre les dépenses de R&D observées et les dépenses théoriques de R&D. Ces résultats montrent que la publication d’un résultat supérieur aux seuils est effectivement expliquée par une réduction intentionnelle des dépenses de R&D. Toutes les études que nous venons de citer se basent sur des échantillons d’entreprises inscrivant en charges l’ensemble des dépenses de R&D (Baber et al. 1991 ; Garcìa-Osma et Young 2009 ; Gunny 2010).
16Seules, deux études observent la réduction des dépenses de R&D pour des entreprises évoluant dans des environnements comptables permettant l’activation. La première est celle de Mande et al. (2000) qui se base sur un échantillon de 106 entreprises japonaises. Les auteurs mettent en évidence une réduction des dépenses de R&D pour atteindre le seuil. Ils trouvent des résultats similaires en ne retenant que les entreprises inscrivant en charges l’ensemble des dépenses de R&D (95 entreprises). Cependant, Mande et al. (2000) n’ont pas étudié la réduction des dépenses de R&D pour la population d’entreprises activant une partie de leurs dépenses de R&D (11 entreprises). La seconde étude est celle d’Eisele (2012) qui s’appuie sur un échantillon d’entreprises allemandes soumises aux IFRS. L’auteur montre que la publication d’un résultat supérieur au seuil n’est pas expliquée par la réduction des dépenses de R&D. L’activation des dépenses de R&D peut être à l’origine de ce résultat contradictoire. En effet, les entreprises allemandes peuvent ajuster leur niveau de charges liées à la R&D par l’activation (Thi et al. 2009).
17Il est donc pertinent d’examiner si la méthode de comptabilisation des dépenses de R&D a une influence sur l’utilisation, par les dirigeants, de la réduction des dépenses de R&D pour atteindre des seuils.
1.2 – Activation des dépenses de R&D pour atteindre les seuils
18L’activation des dépenses de R&D permet de gérer à la hausse les résultats en annulant les charges qui auraient dû être constatées au compte de résultat. Trois études se sont penchées sur l’activation des dépenses de R&D comme modalité de GR pour atteindre les seuils.
19D’abord, Oswald (2008) s’intéresse à des entreprises britanniques soumises à la SSAP 13 [3]. L’auteur segmente l’échantillon en deux : (i) les entreprises pour lesquelles l’inscription des dépenses de R&D en charges conduirait à publier une perte et pour lesquelles l’activation de ces dépenses conduirait à publier un bénéfice et (ii) les autres. Il montre que l’activation survient davantage lorsque celle-ci permet d’atteindre le bénéfice. Les observations réalisées en France confirment que les dépenses de R&D sont activées pour atteindre les seuils (Cazavan-Jeny et al. 2011) [4]. Ces deux études s’intéressent à des entreprises pour lesquelles l’activation des dépenses de R&D est soumise à la discrétion des dirigeants.
20Dumas et Martinez (2015) étudient la comptabilisation des dépenses de R&D pour des entreprises françaises soumises aux normes IAS-IFRS. Selon l’IAS 38, l’activation des dépenses de développement est obligatoire lorsque l’entité peut démontrer que 6 conditions sont remplies [5] : 1) la faisabilité technique nécessaire à l’achèvement de l’immobilisation incorporelle […] ; 2) son intention d’achever l’immobilisation incorporelle et de la mettre en service ou de la vendre ; 3) sa capacité à mettre en service ou à vendre l’immobilisation incorporelle ; 4) la façon dont l’immobilisation incorporelle générera des avantages économiques futurs probables. […] ; 5) la disponibilité de ressources techniques, financières et autres, appropriées pour achever le développement et mettre en service ou vendre l’immobilisation incorporelle ; 6) sa capacité à évaluer de façon fiable les dépenses attribuables à l’immobilisation incorporelle au cours de son développement.
21Malgré cette norme comptable restrictive, il apparaît que les dépenses de R&D sont davantage activées lorsque cet enregistrement comptable permet d’atteindre les seuils (Dumas et Martinez 2015). Ils argumentent que les dirigeants ont une certaine latitude comptable dans la mesure où il est de leur fonction d’apprécier si chacun des six critères d’activation est rempli. Les études d’Aboody et Lev (1998), de Landry et Callimaci (2003) et de Thi et al. (2009) confirment que l’activation est utilisée comme une modalité de GR malgré des normes comptables imposant l’activation sous conditions [6].
22Dans ces études, la seule modalité de GR étudiée est l’activation des dépenses de R&D. Il est intéressant de déterminer si, parallèlement cette modalité de GRC, les dirigeants utilisent la réduction des dépenses de R&D (GRR) pour atteindre les seuils.
2 – GRR et GRC pour atteindre des seuils : hypothèses
23Dans cette section, nous présentons d’abord les études observant simultanément la GRR et la GRC pour atteindre des seuils (2.1.). Cela permettra d’apporter les arguments nécessaires pour présenter nos hypothèses (2.2.).
2.1 – GRR et GRC : revue de la littérature
24Pour atteindre les seuils de résultat nul et de résultat de la période précédente, les dirigeants peuvent réaliser différents choix de gestion au cours de l’exercice (GRR). Ils peuvent aussi effectuer plusieurs choix comptables durant l’établissement des états financiers (GRC). Plusieurs articles parviennent à la conclusion que ces deux types de gestion expliquent la publication de résultats légèrement supérieurs aux seuils : Burgsthaler et Dichev (1997) ; Ayers et al. (2006) ; Burgstahler et Eames (2006) ou encore Eisele (2012). Pour autant, ces études ne permettent pas de certifier que les dirigeants utilisent de manière coordonnée ces deux modalités de GR.
25Récemment, les articles se sont intéressés aux modalités de GR privilégiées par les dirigeants. Pour ce faire, les chercheurs se sont focalisés sur les contraintes et les coûts associés à chaque type de GR.
26Concernant les contraintes, Zang (2012) montre qu’un audit de qualité limite la GRC (GR par les choix comptables) et favorise la GRR. Par ailleurs, Cohen et al. (2008) étudient la GRR et la GRC avant et après l’adoption de la SOX aux États-Unis. Ils montrent qu’avant 2002, la GRC était beaucoup utilisée alors que les dirigeants avaient peu recours à la GRR. La SOX ayant eu pour effet d’accroître le contrôle des comptes, il apparaît qu’après 2002 les dirigeants utilisent davantage la GRR et recourent moins à la gestion par les choix comptables (GRC).
27Par ailleurs, les chercheurs se sont attachés à observer les coûts relatifs à chaque type de GR. Globalement, la GRR est plus coûteuse que la GRC (Eisele 2012). Dans ce contexte, Zang (2012) montre que la GRR est peu utilisée lorsque la firme est en difficulté financière. De la même manière, le suivi de la firme par des investisseurs institutionnels s’intéressant aux performances de long terme permet de limiter l’utilisation de la GRR (Bushee 1998 ; Zang 2012). Lorsque les coûts de la GRR sont élevés, les dirigeants recourent peu à ce type de GR et utilisent davantage la GRC.
28Ainsi, les études montrent que lorsqu’une contrainte ou un coût restreint l’utilisation d’une modalité de GR, l’autre est fortement utilisée. Il semble donc qu’il existe un effet de substitution entre les deux modalités de GR.
2.2 – GRR et GRC liées à la R&D : hypothèses
29Les entreprises soumises à l’IAS 38 comptabilisent les dépenses de R&D selon deux méthodes (Tsoligkas et Tsalavoutas 2011 ; Dumas et Martinez 2015). La première consiste à maintenir en charges l’intégralité des dépenses de R&D. La seconde consiste à inscrire à l’actif une partie des dépenses de R&D (les autres dépenses étant inscrites en charges). Les modalités de GR mobilisables ne sont pas les mêmes selon la méthode de comptabilisation des dépenses de R&D.
30Pour les firmes inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D, la seule modalité de GR utilisable est la réduction des dépenses de R&D (GRR). À ce propos, les études s’intéressant aux entreprises inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D montrent que ces dépenses sont effectivement réduites pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente (par ex. Baber et al. 1991 ; Garcìa-Osma et Young 2009). Aussi, nous supposons que les entreprises françaises qui utilisent cette méthode comptable réduiront leurs dépenses de R&D pour atteindre les seuils.
- Hypothèse 1 : Les entreprises françaises cotées qui inscrivent en charges l’intégralité des dépenses de R&D utilisent la réduction des dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente.
31Pour les entreprises qui activent une partie des dépenses de R&D, les deux modalités de GR sont mobilisables : la GRC (l’activation des dépenses de R&D) et la GRR (la réduction des dépenses de R&D). Il s’agit alors de déterminer quelle modalité de GR est privilégiée par les dirigeants.
32D’un côté, réduire les dépenses de R&D a des conséquences économiques néfastes sur le long terme (Graham et al. 2005). Par exemple, Bens et al. (2002) observent que la réduction des dépenses de R&D entraîne une chute des flux de trésorerie et du ROA futurs. Cette chute de performance se retrouve aussi dans le cours boursier (Garcìa-Osma et Young 2009).
33Les entreprises qui ont géré leurs résultats via la réduction de dépenses discrétionnaires (R&D et marketing) affichent un rendement boursier de -15 % sur quatre ans, contre un rendement de +30 % pour les entreprises n’ayant pas utilisé cette modalité de GR (Mizik 2010).
34D’un autre côté, il semble compliqué pour les auditeurs de limiter la GRC liée à l’activation des dépenses de R&D. En effet, les dirigeants disposent d’une certaine discrétion comptable pour observer si chacun des critères d’activation est rempli (Dumas et Martinez 2015). Par exemple, un des critères mentionné par l’IAS 38 est l’intention d’achever l’immobilisation incorporelle. La validation de ce critère est laissée à l’appréciation du dirigeant. Dans ce cadre, il peut être difficile pour les auditeurs de remettre en cause les opinions formulées par les dirigeants (Smith et al. 2001). D’ailleurs un audit de qualité ne semble pas restreindre l’utilisation de l’activation des dépenses de R&D réalisée pour atteindre des seuils (Dumas Martinez 2015) [7].
35Dans la mesure où le coût de la GRR (réduction des dépenses de R&D) est élevé et que les contraintes liées à la GRC (l’activation) semblent limitées, nous supposons que les dirigeants privilégieront l’activation des dépenses de R&D (GRC), afin de limiter l’utilisation de la réduction des dépenses de R&D (GRR) pour atteindre les seuils. Aussi, pour les entreprises activant une partie des dépenses de R&D, nous posons trois hypothèses : (H2) les dirigeants utilisent la GRC (l’activation), (H3) ils n’utilisent pas la GRR (la réduction des dépenses) et (H4) la GRC compense le manque de GRR.
- Hypothèse 2 : Les entreprises françaises cotées qui activent une partie des dépenses de R&D utilisent l’activation des dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente.
- Hypothèse 3 : Les entreprises françaises cotées qui activent une partie des dépenses de R&D ne réduisent pas leurs dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente.
- Hypothèse 4 : Pour les entreprises françaises cotées qui activent une partie des dépenses de R&D, l’absence de réduction des dépenses de R&D est compensée par l’activation de ces dépenses pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente.
3 – Échantillon
3.1 – Constitution de l’échantillon
36Le tableau 1 présente le processus de constitution de l’échantillon.
Constitution de l’échantillon
Constitution de l’échantillon
37Cet échantillon est composé d’entreprises françaises cotées sur le NYSE-Euronext Paris sur la période 2006-2011 [8]. Sont retirées de l’échantillon (i) les entreprises financières et sociétés d’assurance en raison de la non-comparabilité des chiffres comptables publiés ; (ii) les entreprises pour lesquelles les rapports annuels ne sont pas disponibles [9] ; (iii) les entreprises n’ayant pas d’activité de R&D, c’est-à-dire lorsque la partie activité en matière de recherche et développement du rapport annuel est absente ou déclarée sans objet et que les comptes consolidés ne présentent aucun chiffre lié à la R&D et (iv) celles pour lesquelles les données comptables n’ont pas pu être collectées dans les rapports annuels ou dans les bases de données. Par ailleurs, pour 21 individus, le ratio dépenses de R&D rapportées au chiffre d’affaires est supérieur à 1. Ces entreprises n’étant pas à maturité, elles sont retirées de l’échantillon. Enfin, dans 20 cas, nous n’avons pas pu déterminer avec certitude les montants des dépenses de R&D inscrits en charges et les montants activés. Elles sont donc retirées de l’échantillon.
3.2 – Segmentation de l’échantillon
38Il est nécessaire de déterminer la situation dans laquelle la réduction des dépenses de R&D et/ou leur activation permettraient d’atteindre les seuils. Cette identification repose sur deux indicateurs :
39Les dépenses théoriques de R&D (DEP_RD it-1) : suivant Baber et al. (1991), Bushee (1998) et Garcìa-Osma et Young (2009), les dépenses de R&D de l’année précédente sont utilisées comme proxy des dépenses théoriques (ou dépenses normales) de R&D. Cette variable représente l’effort de R&D : dépenses activées plus dépenses inscrites en charges [10].
40L’écart de résultat (ECAR_R) : il est calculé par différence entre le seuil et le résultat réel avant comptabilisation des dépenses de R&D. Les seuils correspondent (i) au résultat nul ou (ii) au résultat de la période précédente (noté par la suite : résultat t-1). Le résultat réel avant R&D est déterminé en ajustant le résultat net des charges de R&D (dépenses inscrites en charges + amortissement théorique des dépenses de R&D activées sur l’année) [11]. Nous neutralisons aussi l’effet de la diminution d’impôts liée aux charges de R&D.
42Les entreprises sont incitées à utiliser la R&D pour atteindre les seuils lorsque : ECAR_Rit > 0 et ECAR_Rit < DEP_RDit-1. Dans cette situation, si l’ensemble des dépenses théoriques de R&D était inscrit en charges, le résultat publié (le résultat après comptabilisation des charges de R&D) serait inférieur au seuil. Dans ce cas, la réduction d’une partie des dépenses de R&D et/ou leur activation permet de limiter les charges et ainsi de publier un résultat supérieur au seuil.
43Les entreprises se trouvant dans les autres situations ne sont pas incitées à gérer les résultats (Cazavan-Jeny et al. 2011 ; Garcìa-Osma et Young 2009). Lorsque ECAR_Rit < 0, l’entreprise ne peut pas publier un résultat supérieur au seuil, même en réduisant à zéro les dépenses de R&D et/ou en les activant intégralement. Lorsque ECAR_Rit > DEP_RDit-1, l’entreprise publie un résultat supérieur au seuil même en comptabilisant en charges l’intégralité des dépenses théoriques de R&D.
44Le tableau 2 présente la segmentation de l’échantillon en fonction des situations [12].
Segmentation de l’échantillon
Segmentation de l’échantillon
3.3 – Description de l’échantillon
45Le tableau 3 présente les principales caractéristiques économiques de notre échantillon (panel 1 : individus incités à réduire les dépenses de R&D et/ou les activer pour atteindre les seuils). À titre de comparaison, nous présentons aussi les statistiques de l’échantillon d’entreprises qui ne sont pas incitées à activer ou réduire les dépenses de R&D pour atteindre les seuils (panel 2).
Statistiques descriptives de l’échantillon
Statistiques descriptives de l’échantillon
Avec : VAR_RD : variation des dépenses internes de R&D exprimée en pourcentage ; RD_CA : dépenses de R&D rapportées au chiffre d’affaires ; ACTI_POUR : pourcentage de dépenses internes de R&D activées ; ACTI_RD : dépenses internes de R&D activées rapportées au total de l’actif brut ; TAIL (en k€) : total actif brut; CAPEX (en k€) : dépenses d’investissement (hors dépenses de R&D) ; ENDET (en k€) : dettes long terme rapportées aux capitaux propres ; FTO (en k€) : flux de trésorerie opérationnel.46De manière générale, le tableau fait ressortir des valeurs maximum très élevées. Par exemple, les dépenses de R&D augmentent de 1 007 % (VAR_RD) pour le maximum du panel. Ces valeurs extrêmes pourraient avoir une incidence significative sur nos analyses. C’est pourquoi, suivant Capkun et al. (2011), les valeurs extrêmes seront winsorisées au seuil de 1 %.
47Concernant l’investissement en R&D, les dépenses de R&D augmentent (VAR_RD), quelle que soit la situation. Cependant, l’augmentation moyenne se situe à 7,2 % pour les entreprises incitées à la GR (panel 1) contre 12,6 % pour celles du panel 2. Par ailleurs, les dépenses de R&D représentent entre 4,4 % et 9,9 % du chiffre d’affaires (RD_CA). L’intensité d’investissement en R&D est plus élevée lorsque les entreprises sont en situation d’atteindre les seuils. Ce résultat n’est pas illogique : plus l’investissement en R&D est élevé, plus le potentiel de GR liée à la R&D est important.
48Concernant l’activation, elle représente 23,8 % des dépenses totales de R&D (ACTI_RD) et 3,6 % du total actif pour le panel 1. Lorsque les firmes ne sont pas incitées à gérer les résultats (panel 2), l’activation est plus faible (21,0 % des dépenses totales et 1 % du total actif).
49Concernant les autres variables, le total actif (TAIL), l’endettement (ENDET), les autres dépenses d’investissement (CAPEX) et les flux de trésorerie opérationnels (FTO) semblent plus élevés pour les firmes du panel 2. Enfin, précisons que pour ces variables (TAIL, CAPEX, FTO), elles seront exprimées en valeur relative dans nos modèles afin de limiter les biais liés à l’effet d’échelle.
4 – Méthodologie
50Trois modèles sont présentés. Ils répondent à chacun des objectifs de la recherche : déterminer si les dépenses de R&D sont réduites pour publier un résultat supérieur aux seuils (4.1.), si ces dépenses de R&D sont activées pour atteindre les seuils (4.2.) et enfin si ces deux modalités de GR sont utilisées de manière coordonnée (4.3.).
4.1 – Modèle 1 : réduction des dépenses de R&D et atteinte des seuils
51Tous les modèles présentés concernent les entreprises en situation de publier un résultat supérieur aux seuils (ECAR_Rit > 0 et ECAR_Rit < DEP_RDit-1). Dans ce cas, ECAR_R représente le niveau maximum de charges de R&D qu’il est possible de comptabiliser avant que le résultat publié ne devienne inférieur au seuil.
52Le modèle 1 s’écrit comme suit (les variables étant présentées en détail dans l’annexe 1) :
54Les dépenses de R&D sont réduites pour atteindre des seuils si ECAR_R influence positivement AJUST_RD : plus l’écart de résultat est faible, plus les dirigeants auront tendance à réduire les dépenses de R&D.
55Nous ajoutons ensuite plusieurs variables de contrôle : chiffre d’affaires (CA), moyenne des dépenses de R&D du secteur (RD_SECT), flux de trésorerie opérationnel (FTO), opportunités d’investissement (M/B), les autres dépenses d’investissement (CAPEX). Ce groupe de variables permet d’estimer la variation « normale » des dépenses de R&D (Berger 1993 ; Garcìa-Osma et Young 2009 ; Gunny 2010 ; Eisele 2012). Intégrer ces variables permet donc d’observer si, au-delà de la variation « normale » des dépenses de R&D, les dépenses de R&D sont ajustées « intentionnellement » pour publier un résultat supérieur aux seuils (Garcìa-Osma et Young 2009).
56Par la suite, les variables de la théorie politico-contractuelle (Watts et Zimmerman 1986) sont ajoutées au modèle 1 pour tenir compte des autres incitations à la GR. Suivant cette théorie, une entreprise de grande devrait être incitée (TAIL) à augmenter les dépenses de R&D (GR à la baisse). Par ailleurs, le résultat comptable peut être utilisé comme un indicateur susceptible de déclencher des covenants (renégociation des contrats d’endettement) ou d’améliorer la rémunération variable des dirigeants basée sur les performances. Les dirigeants peuvent être incités à réduire leurs dépenses de R&D (c.à.d. gérer à la hausse les résultats) pour améliorer leur rémunération ou éviter de déclencher les covenants. Nous intégrons au modèle 1 deux proxys représentant les deux facteurs incitant à réduire les dépenses de R&D : le pourcentage de rémunération variable du dirigeant (SAL_VAR) et le niveau d’endettement (ENDET).
57Pour comprendre l’ajout des dernières variables de contrôle, il est nécessaire de préciser que la R&D est un investissement de long terme. Réduire ces dépenses de long terme pour publier le niveau de résultat souhaité s’apparente donc à du court-termisme (Bange et DeBondt 1998). Le fait que le dirigeant quitte ses fonctions l’année suivante (CHG_DIR) peut exacerber ce comportement (Dechow et Sloan 1991).
4.2 – Modèle 2 : activation des dépenses de R&D et atteinte des seuils
58Le modèle 2 s’écrit comme suit (les variables étant présentées en détail dans l’annexe 1) :
60Si les dirigeants activent les dépenses de R&D pour atteindre les seuils, alors ECAR_R devrait influencer négativement ACTI_RD : plus l’écart de résultat est faible, plus les dirigeants auront tendance à activer les dépenses de R&D.
61Nous ajoutons plusieurs variables de contrôle. Les premières (TAIL, ENDET ET SAL_VAR) sont issues de la théorie politico-contractuelle (Watts et Zimmerman 1986). Suivant Cazavan-Jeny et Jeanjean (2006), la taille devrait inciter les dirigeants à gérer les résultats à la baisse (inscrire les dépenses de R&D en charges) alors que l’endettement et la rémunération variable devraient les inciter à activer ces dépenses de R&D (gestion à la hausse des résultats).
62Par ailleurs, plusieurs variables ont été identifiées dans la littérature comme influençant la comptabilisation des dépenses de R&D. Lorsque l’intensité d’investissement en R&D (RD_CA) est élevée, les dirigeants sont incités à réduire les coûts de la comptabilisation des dépenses de R&D en les inscrivant en charges (Oswald 2008). Le ratio Market to Book (M/B) représente les performances futures anticipées par le marché. Parallèlement, les dépenses de R&D activées se rapportent à des projets pour lesquels des avantages économiques futurs sont attendus. Aussi, ces deux variables représentent des perspectives de croissance et devraient donc être associées positivement.
63Par ailleurs, en raison du risque et de l’asymétrie d’information liée à l’innovation, les firmes investissant en R&D ont des difficultés à obtenir des financements externes (Savignac 2006). La R&D est donc principalement financée par des ressources internes (FTO). L’absence de ces ressources de financement peut conduire les dirigeants à gérer à la hausse les résultats pour réduire le risque perçu par les financeurs externes et ainsi obtenir ces financements (Djama et al. 2014).
64Enfin, nous ajoutons la variable changement de dirigeant (CHG_DIR). Le fait que le dirigeant quitte ses fonctions l’année suivante peut l’inciter à gérer à la hausse ses résultats via l’activation des dépenses de R&D (Mard et Marsat 2009).
65L’annexe 2 présente la matrice de corrélation des variables indépendantes (pour les modèles 1 et 2). Il est à noter que les écarts de résultat sont fortement corrélés. Afin d’éviter les biais liés à la multicolinéarité, nous réaliserons deux équations : une relative au seuil de résultat nul (incluant la variable ECAR_Rnul) et une autre relative au seuil de résultat t-1 (avec ECAR_Rt-1). D’autres variables indépendantes sont corrélées. Des tests VIF sont menés afin d’identifier les éventuels problèmes de multicolinéarité [13].
4.3 – Modèle 3 : utilisation coordonnée de la réduction des dépenses de R&D et de leur activation
66Le modèle 3 est construit en fonction du timing selon lequel les dirigeants peuvent mobiliser les deux types de GR (Zang 2012). Pour atteindre les seuils (ECAR_R), les dirigeants peuvent, au cours de l’exercice comptable, réduire leurs dépenses de R&D (AJUST_RD). Après la clôture de l’exercice (c.à.d. lors de l’établissement des états financiers), ils peuvent activer ces dépenses de R&D (ACTI_RD).
Modèle 3 : influence de l’écart de résultat sur l’activation des dépenses de R&D et effet médiateur de la réduction des dépenses de R&D
Modèle 3 : influence de l’écart de résultat sur l’activation des dépenses de R&D et effet médiateur de la réduction des dépenses de R&D
R&D et effet médiateur de la réduction des dépenses de R&DAvec : ECAR_R : Écart de résultat ; AJUST_RD : variation des dépenses internes de R&D rapportée au total de l’actif et ACTI_RD : dépenses de R&D activées rapportées au total de l’actif. Les variables sont présentées en détail dans l’annexe 1.
67Nous testons ici un effet médiateur. Baron et Kenny (1986, p. 1176) indiquent « qu’une variable peut être qualifiée de médiatrice dans la mesure où elle rentre en compte dans la relation entre la variable prédite et le critère ». Cet effet est testé par le biais de trois équations ainsi que du test z de Sobel.
- AJUST_RD = α1 + a (ECAR_R) + ε1
- ACTI_RD = α2 + c (ECAR_R) + ε2
- ACTI_RD = α3 + c (ECAR_R) + b (AJUST_RD) + ε3
68Suivant la méthodologie de Zhao et al. (2010), il y a médiation lorsqu’ECAR_R influence ACTI_RD à travers AJUST_RD, autrement dit, si l’effet indirect (chemin a*b) est significatif. Cette médiation est dite totale si l’effet direct (chemin c) est non significatif. Dans ce cas, ECAR_R influence ACTI_RD uniquement à travers AJUST_RD. La médiation est qualifiée de partielle lorsque l’effet direct (chemin c) et l’effet indirect (a*b) sont significatifs. Toutefois, observer la significativité du chemin a*b n’est pas suffisant. Pour certifier d’une médiation, l’effet indirect (a*b) doit être statistiquement différent de l’effet direct (chemin c). Le test Z de Sobel et le test de Bootstrap de Preacher et Hayes (2004) permettent de tester la différence entre ces deux effets.
69L’hypothèse 4 suppose que l’activation des dépenses est utilisée pour atteindre les seuils, mais compense aussi l’absence de réduction des dépenses de R&D. En d’autres termes, l’effet total (chemin a*b) devrait être significatif. Si l’activation est utilisée seule, seul l’effet direct (chemin c) serait significatif. Le test Z de Sobel et le bootstrap permettront donc de déterminer si l’activation compense la non-utilisation de la réduction des dépenses de R&D pour atteindre les seuils.
5 – Résultats
70Pour répondre aux trois objectifs de la recherche, les résultats sont présentés en trois temps : réduction des dépenses de R&D pour atteindre des seuils (5.1.), activation pour atteindre des seuils (5.2.) et utilisation coordonnée des deux modalités de GR (5.3.). Cette partie se termine par la présentation de tests de robustesse (5.4.).
5.1 – Réduction des dépenses de R&D pour atteindre les seuils
71L’hypothèse 1 suppose que les dirigeants des entreprises inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D réduisent leurs dépenses de R&D pour atteindre les seuils, contrairement aux firmes qui activent une partie de ces dépenses (hypothèse 3).
72Le tableau 4 compare la variation des dépenses de R&D en fonction de la méthode de comptabilisation et du seuil de résultat à atteindre.
Réduction des dépenses de R&D pour atteindre des seuils : comparaison de moyenne en fonction de la méthode comptable et du seuil de résultat à atteindre**
Réduction des dépenses de R&D pour atteindre des seuils : comparaison de moyenne en fonction de la méthode comptable et du seuil de résultat à atteindre**
Activant : individus activant une partie des dépenses de R&D, Inscrivant en charges : Individus inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D.** statistiquement significatif au seuil de 5 %.
73Globalement, il apparaît qu’en moyenne, les dépenses de R&D augmentent plus lorsque les entreprises activent une partie des dépenses de R&D (différence significative au seuil de 5 %). Il apparaît même que les dépenses de R&D diminuent pour les firmes souhaitant atteindre le bénéfice et inscrivant en charges l’intégralité des dépenses. Cela suggère que la réduction des dépenses de R&D est plus faible lorsque les firmes activent une partie des dépenses de R&D.
74Le tableau 5 présente le modèle 1 pour les deux seuils et pour les deux méthodes de comptabilisation des dépenses de R&D (inscription en charges de l’intégralité des dépenses de R&D ou activation d’une partie de ces dépenses).
Influence de l’écart de résultat sur la réduction des dépenses de R&D
Influence de l’écart de résultat sur la réduction des dépenses de R&D
AJUST_RDit = α0 + α1 ECAR_Rit + α2 ΔCAit + α3 ΔRD_SECTjt + α4 ΔM/Bit + α5 CAPEXit + α6 FTOit + α7 TAILit + α8 SAL_VAR kt + α9 ENDETit + α10 CHG_DIR kt + εit.Activant : individus activant une partie des dépenses de R&D, Inscrivant en charges : Individus inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D.
***, ** : statistiquement significatif au seuil de 1 %, 5 %. Avec : i : entreprise ; j : secteur ; k : dirigeant ; t : année ; AJUST_RD : variation des dépenses de R&D rapportée au total actif ; ECAR_Rnul : écart entre le résultat nul et le résultat net avant charges de R&D ; ECAR_Rt-1 : écart entre le résultat de la période précédente et le résultat net avant charges de R&D ; ΔCA : variation du chiffre d’affaires ; ΔRD_SECT : variation moyenne des dépenses de R&D des entreprises du secteur ; M/B : ratio market to book ; CAPEX : dépenses d’investissement (hors dépenses de R&D) ; FTO : flux de trésorerie opérationnel ; TAIL : ln du total de l’actif ; SAL_VAR : pourcentage de rémunération variable en espèces ; ENDET : dettes long terme rapportées aux capitaux propres ; CHG_DIR : 1 si le dirigeant quitte ses fonctions l’année suivante, 0 sinon.
Annexe 1 pour le détail de calcul des variables et annexe 2 pour la matrice des corrélations.
75Les R2 ajustés, statistiquement significatifs au seuil de 5 %, s’établissent entre 15,9 % et 37 %. Il apparaît que l’écart de résultat influence significativement et positivement l’ajustement des dépenses de R&D. Cela suggère que les dirigeants réduisent leurs dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente.
76Il apparaît cependant que la réduction des dépenses de R&D est atténuée lorsque les firmes activent une partie des dépenses de R&D. Cela s’observe par le seuil de signification pour le résultat nul (ECAR_Rnul n’influence AJUST_RD qu’au seuil de 10 % lorsque les firmes activent une partie des dépenses de R&D) et par le coefficient de régression pour le seuil du résultat t-1 qui est plus accentué pour les firmes maintenant en charges l’intégralité des dépenses de R&D.
77Aussi, nous pouvons valider l’hypothèse 1 : les dépenses de R&D sont réduites pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente lorsque les firmes inscrivent en charges l’intégralité des dépenses de R&D. Cependant, cette modalité de GR est aussi utilisée par les firmes qui activent une partie de leurs dépenses de R&D. Cela nous conduit à rejeter l’hypothèse 3. Il est cependant à noter que le lien entre ECAR_Rnul et AJUST_RD n’est significatif qu’au seuil de 10 % lorsque les firmes activent une partie des dépenses de R&D.
78Plusieurs éléments intéressants émergent des variables de contrôle. Il apparaît d’abord que le flux de trésorerie influence positivement la variation des dépenses de R&D. Cela confirme l’idée selon laquelle, la R&D est principalement financée par des ressources internes (Savignac 2006), ou, à l’inverse, le manque de financement interne conduit les dirigeants à gérer les résultats (Djama et al. 2014). Dans le même ordre d’idée, il apparaît que la variation du chiffre d’affaires est associée positivement à AJUST_RD. Il est possible que l’augmentation du chiffre d’affaires, associée à une augmentation des ressources financières, favorise l’investissement en R&D. Enfin, il semble que les dirigeants gèrent à la hausse leurs résultats l’année précédant leur départ (Mard et Marsat 2009).
5.2 – Activation des dépenses de R&D pour atteindre les seuils
79L’hypothèse 2 suppose que les dirigeants activent les dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente. Le tableau 6 reporte les résultats du modèle 2 pour les deux seuils de résultat : le résultat nul et le résultat t-1.
80Les R2 sont statistiquement significatifs au seuil de 1 % et se situent entre 23,3 % et 37,6 %. Il apparaît que l’écart de résultat influence significativement l’activation des dépenses de R&D. Le coefficient négatif suggère que les dirigeants activent les dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice et le résultat de la période précédente. Cela nous permet de valider l’hypothèse 2.
81Concernant les variables de contrôle, la taille influence négativement l’activation. Conformément à l’hypothèse de Watts et Zimmerman (1986) et aux observations de Cazavan-Jeny et Jeanjean (2006), les entreprises de grande taille essaient de minimiser les coûts politiques en diminuant le résultat via l’inscription en charges des dépenses de R&D. Par ailleurs, le FTO influence positivement l’activation. Dans la mesure où le FTO a pour effet d’augmenter les dépenses de R&D (tableau 5), la probabilité que l’entreprise ait des projets remplissant toutes les conditions d’activation, augmente avec l’accroissement de l’investissement en R&D.
Influence de l’écart de résultat sur l’activation des dépenses de R&D
Influence de l’écart de résultat sur l’activation des dépenses de R&D
ACTI_RDit = α0 + α1 ECAR_Rit + α2TAILit + α3 SAL_VARkt + α4 ENDETit + α5 RD_CAit + α6 M/Bit + α7 FTOit + α8 CHG_DIRkt + εit.Les tests sont réalisés en excluant les individus inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D
***, **, * : statistiquement significatif au seuil de 1 %, 5 % et 10 %. Avec : i : entreprise ; j : secteur ; k : dirigeant ; t : année ; ACTI_RD : dépenses de R&D activées rapportées au total actif ; ECAR_Rnul : écart entre le résultat nul et le résultat net avant charges de R&D ; ECAR_Rt-1 : écart entre le résultat de la période précédente et le résultat net avant charges de R&D ; M/B : ratio market to book ; FTO : flux de trésorerie opérationnel ; TAIL : ln du total de l’actif ; SAL_VAR : pourcentage de rémunération variable en espèces ; ENDET : dettes long terme rapportées aux capitaux propres ; CHG_DIR : 1 si le dirigeant quitte ses fonctions l’année suivante, 0 sinon ; RD_CA : dépenses de R&D rapportées au chiffre d’affaires.
Annexe 1 pour le détail de calcul des variables et annexe 2 pour la matrice des corrélations.
5.3 – Utilisation coordonnée des deux modalités de GR liées à la R&D pour atteindre les seuils
82Le tableau 7 présente les résultats du modèle 3 pour les deux seuils de résultat. Après avoir résumé le modèle (nombre d’individus, R2 et statistique F), le tableau est divisé en deux parties. La première présente les résultats de différentes régressions linéaires : (i) la variable indépendante sur la variable médiatrice (chemin a), (ii) la médiatrice sur l’indépendante (chemin b), (iii) l’effet indirect (chemin a * b) et (iv) l’effet direct (chemin c). Le tableau 7 expose, dans une seconde partie, les statistiques du test Z de Sobel ainsi que les intervalles de confiance du Bootstrap (1 000 réplications, significativité au taux de 5 %).
Modèle 3 : influence du résultat avant charges de R&D sur l’activation des dépenses de R&D et effet médiateur de l’ajustement des dépenses de R&D
Modèle 3 : influence du résultat avant charges de R&D sur l’activation des dépenses de R&D et effet médiateur de l’ajustement des dépenses de R&D
Chemin a : effet de l’écart de résultat (ECAR_R) sur l’ajustement des dépenses de R&D (AJUST_R) ; chemin b : effet de l’ajustement des dépenses de R&D (AJUST_RD) sur l’activation (ACTI_RD) ; chemin a*b : effet indirect (influence de l’écart de résultat (ECAR_R) sur l’activation (ACTI_RD) en tenant compte de l’ajustement des dépenses de R&D AJUST_RD) ; chemin c : effet direct (influence de l’écart de résultat (ECAR_R) sur l’activation (ACTI_RD) sans tenir compte de l’ajustement des dépenses de R&D).Les tests sont réalisés avec la macro Preacher et Hayes (2004) disponible à l’adresse suivante : http://www.afhayes.com/spss-sas-and-mplus-macros-and-code.html.en. Cet échantillon exclut les individus inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D.
***, **, * : statistiquement significatif au seuil de 1 %, 5 % et 10 %. Les résultats sont légèrement différents en fonction des seuils à atteindre. Concernant le résultat nul, il apparaît que l’écart de résultat influence positivement l’ajustement des dépenses de R&D (chemin a). Conformément aux résultats du tableau 5, cette relation n’est significative qu’au seuil de 10 %. Concernant le chemin b, la variation des dépenses de R&D influence positivement l’activation (ce résultat n’est cependant pas significatif). Ensuite, l’écart de résultat influence négativement l’activation (effet direct : chemin c). L’effet indirect (a*b) est quant à lui significatif. Cet effet est statistiquement différent de l’effet direct (le test Z de Sobel est significatif et le Bootstrap n’inclut pas zéro). Ces résultats prouvent l’effet médiateur (Zhao et al. 2010).
83La médiation est dite partielle : ECAR_R influence ACTI_RD partiellement à travers AJUST_RD. Cela signifie qu’une partie de l’effet de la variable indépendante (ECAR_R) s’exerce directement sur la variable dépendante (ACTI_RD). En d’autres termes, l’activation des dépenses de R&D est parfois utilisée seule pour atteindre le bénéfice. Une autre partie de l’effet de la variable indépendante (ECAR_R) sur la variable dépendante (ACTI) est médiatisée par AJUST_RD. La médiation est qualifiée de concurrente (Zhao et al. 2010). Cela signifie que l’utilisation d’une modalité de GR limite le recours à l’autre modalité. Dans le cas du seuil de résultat nul, les dirigeants recourent faiblement à la réduction des dépenses de R&D. Il est probable que l’activation (GRC) soit alors utilisée pour compenser ce manque de GRR.
84Concernant le résultat de la période précédente, il apparaît qu’ECAR_Rt-1 influence positivement AJUST_RD (chemin a) : les dépenses de R&D sont réduites pour publier un résultat supérieur à la période précédente. Par ailleurs, le chemin b est significatif : l’augmentation des dépenses de R&D conduit à une augmentation de l’activation. Ensuite, l’effet direct (chemin c) et l’effet total (a*b) sont significatifs au seuil de 1 %. Une nouvelle fois le test Z de Sobel est significatif et le Bootstrap n’inclut pas zéro. Il y a donc un effet médiateur. La médiation est partielle : l’activation est parfois utilisée seule (effet direct) pour publier un résultat supérieur à la période précédente. La médiation est aussi concurrente : le faible recours à une modalité de GR est compensé par la forte utilisation de l’autre modalité de GR.
85Globalement, les tests de médiation révèlent qu’une partie des dirigeants utilisent uniquement l’activation des dépenses de R&D pour atteindre les seuils. Dans les autres cas, les deux modalités de GR se substituent l’une à l’autre.
86À ce stade, nous ne pouvons pas apporter de réponse à l’hypothèse 4. En effet, la procédure décrite par Zhao et al. (2010) ne permet pas de valider le construit. Le modèle 3 repose sur le constat que la GRR (réduction des dépenses de R&D) est utilisable durant l’exercice comptable alors que l’activation (GRC) est une modalité de GR utilisable après la clôture de l’exercice comptable.
87Dans la mesure où l’activation et l’ajustement des dépenses de R&D sont deux modalités de GR qui poursuivent le même objectif (atteindre les résultats cibles), il est probable que les dirigeants planifient l’utilisation de ces deux modalités de GR de manière simultanée. Cela peut créer un biais d’endogénéité (l’ajustement des dépenses de R&D pouvant être considéré comme un élément expliqué par l’activation et vice versa). Les tests d’Hausman (hypothèse nulle d’absence d’endogénéité) mettent en évidence l’existence d’une endogénéité de l’activation sur l’ajustement des dépenses de R&D (p < 0,000 pour le résultat nul et p < 0,000 pour le résultat t-1) et de l’ajustement sur l’activation (p < 0,004 pour le résultat nul et p < 0,000 pour le résultat t-1). Il est donc nécessaire de tenir compte de cette endogénéité avant de présenter des conclusions définitives concernant l’hypothèse 4.
5.4 – Tests de robustesse : contrôle de l’endogénéité
88Nous construisons ici un modèle d’équations simultanées permettant de tenir compte de l’endogénéité (Das et al. 2011). Le modèle 4 se présente ainsi :
& ACTI_RDit = α0 + α1 ECAR_Rit + α2 AJUST_RDit + α3 (VAR_EXO)it + εit.
90Il s’agit d’un modèle d’équations simultanées 3 SLS (Orens et al. 2010). Les variables dépendantes sont (i) l’ajustement des dépenses de R&D et (ii) l’activation. Ces deux variables sont dites endogènes : une modalité de GR explique, et est expliquée par l’autre. Les modèles 3 SLS permettent de tenir compte de ce phénomène autorécursif. Les variables exogènes (VAR_EXO) sont les variables expliquant l’ajustement et l’activation des dépenses de R&D conformément aux modèles 1 et 2. Le tableau 8 présente, pour les deux seuils, les résultats des régressions simultanées expliquant (i) l’activation (partie du haut) et (ii) l’ajustement des dépenses de R&D (partie du bas).
Modèle explicatif de l’ajustement des dépenses de R&D et de leur activation pour atteindre des seuils et prise en compte de l’endogénéité de l’activation et de l’ajustement des dépenses de R&D
Modèle explicatif de l’ajustement des dépenses de R&D et de leur activation pour atteindre des seuils et prise en compte de l’endogénéité de l’activation et de l’ajustement des dépenses de R&D
Three-stage least squares sous le logiciel Stata. Les tests sont réalisés en excluant les individus inscrivant en charges l’intégralité des dépenses de R&D.***, **, * : statistiquement significatif au seuil de 1 %, 5 % et 10 %.
ACTI_RD : dépenses de R&D activées rapportées au total actif ; AJUST_RD : variation des dépenses de R&D rapportée au total actif ; ECAR_Rnul : écart entre le résultat nul et le résultat net avant charges de R&D ; ECAR_Rt-1 : écart entre le résultat de la période précédente et le résultat net avant charges de R&D ; M/B : ratio market to book ; FTO : flux de trésorerie opérationnel ; TAIL : ln du total de l’actif ; SAL_VAR : pourcentage de rémunération variable en espèces ; ENDET : dettes long terme rapportées aux capitaux propres ; CHG_DIR : 1 si le dirigeant quitte ses fonctions l’année suivante, 0 sinon ; RD_CA : dépenses de R&D rapportées au chiffre d’affaires ; ΔCA : variation du chiffre d’affaires ; ΔRD_SECT : variation moyenne des dépenses de R&D des entreprises du secteur.
Annexe 1 pour le détail de calcul des variables et annexe 2 pour la matrice des corrélations.
91Concernant le résultat nul, il apparaît qu’ECAR_Rnul influence négativement et significativement (au seuil de 5 %) ACTI_RD : les dépenses de R&D sont activées pour atteindre le bénéfice. En revanche, AJUST_RD n’explique pas ACTI_RD. En d’autres termes, l’ajustement des dépenses de R&D n’a pas d’influence sur l’activation. Concernant l’équation du bas, il apparaît qu’ECAR_Rnul n’influence pas AJUST_RD (les dirigeants ne semblent pas utiliser la réduction des dépenses de R&D pour atteindre le bénéfice), alors que l’activation explique positivement l’ajustement des dépenses de R&D : plus les dépenses de R&D augmentent, plus elles sont activées.
92Ainsi, pour atteindre le bénéfice, les dirigeants recourent peu à la réduction des dépenses de R&D. En revanche, ils utilisent l’activation pour atteindre ce seuil. En plus, l’activation compense l’augmentation des dépenses de R&D. Nous pouvons donc valider l’hypothèse 4 pour le seuil de résultat nul.
93Concernant le résultat de la période précédente, il apparaît que les dirigeants activent les dépenses de R&D pour publier un résultat en augmentation (ECAR_Rt-1 influence négativement ACTI_RD). La variable endogène AJUST_RD influence positivement ACTI_RD : plus les dépenses sont réduites, moins elles sont activées. Concernant l’ajustement des dépenses de R&D, il apparaît que les dépenses sont réduites pour atteindre ce seuil. Parallèlement, ACTI_RD influence positivement AJUST_RD : plus les dépenses de R&D sont activées, moins les dirigeants réduisent leurs dépenses.
94Cela nous permet de conclure à un effet de substitution entre les deux modalités de GR. Lorsque les dirigeants recourent à la GRR, ils utilisent peu la GRC et vice versa. En revanche, il n’est pas possible de conclure que les dirigeants privilégient l’une ou l’autre modalité de GR pour atteindre le résultat de la période précédente. Nous ne pouvons donc pas valider l’hypothèse 4 pour ce second seuil.
6 – Discussion des résultats et conclusion
95En résumé, cet article s’intéresse à deux modalités de GR liées à la R&D. Les résultats mettent en évidence une réduction des dépenses de R&D pour atteindre les seuils. Ce comportement est exacerbé lorsque les firmes inscrivent en charges l’intégralité des dépenses de R&D. Ensuite, il apparaît que les dirigeants utilisent l’activation pour limiter les charges. Enfin, l’analyse simultanée de l’activation et de la réduction des dépenses permet de mettre en évidence le fait que les deux modalités de GR se substituent l’une à l’autre. Il apparaît même que les dirigeants utilisent de manière privilégiée l’activation pour atteindre le bénéfice. L’activation est utilisée à la fois pour atteindre ce seuil, mais compense aussi la carence de GRR. Si l’activation permet de limiter le recours à la réduction des dépenses de R&D, elle n’abolit pas complètement l’utilisation de cette dernière modalité de GR.
96La discussion des résultats porte sur quatre éléments. Le premier élément concerne la réduction des dépenses de R&D. En effet, si nous mettons en évidence un lien statistiquement significatif entre la variation des dépenses de R&D et l’écart de résultat, les conclusions sont cependant à nuancer. Par réduction des dépenses de R&D, il ne faut pas nécessairement entendre coupe dans les budgets des projets de R&D en cours. Il est probable que ce lien statistiquement significatif corresponde au fait que le début de nouveaux projets de R&D soit différé dans le temps. Différer le début des projets correspondrait alors à retarder d’un exercice la comptabilisation des dépenses au début de projets, c’est-à-dire des dépenses de recherche qui sont obligatoirement inscrites en charges. Cette explication est confortée par la littérature et les résultats de cette étude. Comme indiqué dans l’étude par questionnaire de Graham et al. (2005), les dirigeants déclarent gérer leurs résultats en retardant le début de nouveaux projets. Les résultats du tableau 3 permettent de corroborer ces résultats : les dépenses de R&D augmentent même lorsque les entreprises ont des incitations à gérer les résultats pour atteindre les seuils.
97Le second élément de discussion concerne l’activation des dépenses de R&D. Dans cette étude, nous mettons en évidence que les dépenses de R&D sont activées pour atteindre des seuils. Dans la mesure où les dépenses de R&D semblent être activées de manière opportuniste (cf. tableau 6), il est probable que les actifs de R&D ne soient pas une information comptable pertinente (cf. Cazavan-Jeny et Jeanjean 2006 ; Cazavan-Jeny et al. 2011) [14]. Les résultats de cette étude montrent aussi que l’activation permet de restreindre l’utilisation de la réduction des dépenses de R&D. Ces éléments peuvent placer les normalisateurs devant un arbitrage. En effet, interdire l’activation permettrait de supprimer la possibilité pour les dirigeants de faire un choix comptable opportuniste nuisant à la pertinence des informations comptables. Dans le même temps, cela semble encourager les dirigeants à réduire leurs dépenses de R&D pour atteindre les seuils. D’un autre côté, permettre l’activation semble limiter la GRR réalisée via la réduction des dépenses de R&D, mais fait courir le risque d’une activation opportuniste des dépenses de R&D.
98Le troisième élément de discussion concerne les modalités de GR utilisées par les dirigeants français pour atteindre les seuils. Dans notre étude, nous mettons en évidence une stratégie de GR dans laquelle les dirigeants utilisent de manière coordonnée la GRR et la GRC pour atteindre les seuils. Les applications de cette méthodologie sont potentiellement nombreuses. Cependant, notre étude se focalise sur les modalités de GR liées aux dépenses de R&D. Les dirigeants disposent d’une multitude d’autres choix permettant de gérer les résultats. Des recherches futures peuvent être menées pour observer si d’autres modalités de GR sont utilisées pour atteindre les seuils comme par exemple les accruals discrétionnaires pour la GRC, ou d’autres modalités de GRR telles que les cessions d’actifs (Gunny 2010) ou encore la surproduction (Roychowdhury 2006).
99Le dernier élément considéré dans cette discussion concerne les seuils de résultat étudiés. À côté des deux seuils considérés dans cet article (le résultat nul et le résultat de la période précédente), Degeorge et al. (1999) ont mis en évidence une irrégularité de distribution autour d’un troisième seuil : les prévisions d’analystes. Pour atteindre ce seuil, les dirigeants peuvent non seulement utiliser la GRR et la GRC, mais ils peuvent aussi essayer d’influencer les analystes afin que ces derniers révisent leurs prévisions à la baisse (Das et al. 2011). Dans le cadre de recherches futures, il serait particulièrement pertinent d’étudier si la gestion des prévisions d’analystes est associée à la GRC et/ou à la GRR pour atteindre ce seuil.
Définition des variables
(1) Il est à noter que les dépenses de R&D sont qualifiées d’internes à partir du moment où aucune information dans le rapport annuel ne stipule que ces dépenses sont externes.
(2) Le total bilan (ou total actif net) est retraité des dépenses nettes de R&D activées sur l’année. Il s’agit des dépenses de R&D activées sur l’année diminuée de leur amortissement théorique (amortissement sur 5 ans débutant en moyenne au milieu de l’année). TOT_ACT_RETit = TOT_ACTit – (ACT_RDit - ACT_RDit * 1/5 *0.5). Ce retraitement permet de neutraliser les effets d’une activation potentiellement opportuniste de la R&D sur le total actif net.
Matrice des corrélations des variables indépendantes des modèles 1 et 2
100Corrélations de Spearman (en haut à droite) et Pearson (en bas à gauche).
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Mots-clés éditeurs : gestion des résultats par les choix comptables, gestion réelle des résultats, gestion des résultats, R&D
Mise en ligne 16/08/2017
https://doi.org/10.3917/cca.232.0111Notes
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[1]
Pour Degeorge et al. (1999), un seuil de résultat correspond à un niveau de résultat autour duquel des irrégularités statistiques de distribution ont été constatées (le résultat nul ; le résultat de la période précédente). Dans le questionnaire de Graham et al. (2005), les dirigeants indiquent vouloir publier des résultats légèrement supérieurs à ces seuils (respectivement publier un petit bénéfice ou éviter de publier une perte ; publier un résultat supérieur à celui de la période précédente ou éviter une baisse du résultat).
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[2]
Dans la suite de ce document, le terme activation sera utilisé pour évoquer le fait que les dépenses de R&D sont comptabilisées à l’actif.
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[3]
L’activation des dépenses de R&D est permise par la SSAP 13 lorsque 5 conditions sont remplies : (i) le projet est clairement identifié, (ii) les dépenses qui s’y rapportent sont clairement identifiables, (iii) le projet est techniquement faisable et viable commercialement, (iv) les revenus générés sont supérieurs aux coûts et (v) l’entreprise dispose des ressources adéquates pour achever le projet.
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[4]
Ces résultats ont été établis à partir d’entreprises françaises soumises au PCG. Suivant l’article 361-2 du PCG appliqué jusqu’en 2005, les dépenses de R&D pouvaient être activées, à titre exceptionnel « à la condition de se rapporter à des projets nettement individualisés ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale et dont le coût peut être distinctement établi ».
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[5]
L’IAS 38 distingue les dépenses des projets de développement et les dépenses de recherche. Ces dernières doivent être obligatoirement inscrites en charges. À l’inverse, les dépenses de développement doivent être activées dès lors que les six conditions fixées par la norme sont respectées. Dans le cas contraire, elles sont inscrites en charges. Les dirigeants disposent d’une certaine latitude pour qualifier les projets car, si la norme donne une définition et des exemples des phases de recherche et développement (§8, §56 et §59), elle indique que les notions de recherche et développement peuvent être interprétées de manière plus large (§ 52).
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[6]
Aboody et Lev (1998) étudient l’activation des dépenses de développement de logiciels aux USA selon la SFAS 86. Landry et Callimaci (2003) étudient l’activation des dépenses de R&D au Canada (norme CICA 3450). Enfin, l’étude de Thi et al. (2009) repose sur un échantillon d’entreprises allemandes soumises aux normes IFRS.
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[7]
Dans cette étude, l’appartenance de l’auditeur à un bug 4 est le proxy d’un audit de qualité.
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[8]
Nous excluons l’exercice 2005. En effet, l’IFRS 1 proposait des dispositifs transitoires. Dès lors, les chiffres comptables publiés en 2005 (et notamment le résultat) ne sont pas comparables à ceux des exercices suivants (Capkun et al. 2011).
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[9]
Les données sur la R&D ont été collectées manuellement dans les rapports annuels (dans le rapport de gestion et dans les comptes consolidés). L’obtention du rapport annuel est donc une condition nécessaire pour constituer l’échantillon.
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[10]
Nous n’étudions ici que les dépenses internes de R&D. En effet, l’activation des dépenses externes de R&D est systématique dans la mesure où l’IAS 38 considère que les immobilisations acquises sont génératrices d’avantages économiques futurs et que les coûts attribuables à ces immobilisations sont distinctement établis (IAS 38, § 25 et 26).
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[11]
L’amortissement est théorique car cette donnée n’est pas disponible. Il s’agit ici d’un amortissement théorique sur 5 ans débutant en moyenne au milieu de l’année (1/5*0.5). Des tests complémentaires ont été réalisés en supprimant ce proxy d’amortissement. Cela conduit au reclassement de 7 individus. Les résultats sont robustes en tenant compte de cette autre segmentation d’échantillon. Par souci de simplification, les tableaux de résultat ne sont pas reproduits ici.
-
[12]
Il est à noter que les statistiques fournies ne concernent pas des entreprises, mais des individus (une entreprise sur une année). En effet, une entreprise peut être incitée à gérer les résultats pour atteindre un seuil en t et pas en t+1. Ainsi, nous étudions les décisions d’investissement et de comptabilisation de la R&D en t, ceci, quels que soient les choix managériaux en t-1.
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[13]
Les tests VIF sont systématiquement < 2 (tolérance > 0.6), ce qui permet de certifier l’absence de problème de multicolinéarité.
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[14]
Une information comptable est dite pertinente si elle « a la capacité d’influencer les décisions prises par les utilisateurs des états financiers » (IFRS, cadres conceptuels, FQC6). Si les dépenses de R&D sont activées de manière opportuniste, il est probable que les actifs de R&D ne représentent pas ce qu’ils sont censés représenter, raison pour laquelle les investisseurs n’utiliseraient pas cette information.