Introduction
1La mondialisation de l’économie et la concurrence exacerbée des pays émergents ne laissent d’avenir aux pays mûrs d’Amérique du Nord, de la vieille Europe et au Japon que dans leur capacité à maintenir un rythme d’innovations élevé et une avance technologique leur permettant de remplacer les productions devenues obsolètes ou peu compétitives. Tout un courant de réflexions sur l’écologie des populations d’organisations, à la suite d’Hannan et Freeman (1977) et Aldrich (1979), a travaillé sur ce sujet du renouvellement du tissu économique et la croissance des entreprises émergentes a été étudiée par de nombreux auteurs (cf. pour une synthèse Delmar, Davidsson et Gartner (2003) et Biga et Gailly (2011)). Les petites entreprises fondées sur la science et capables de croître très rapidement en utilisant les nouvelles technologies représentent l’élément déterminant de la nouvelle économie de la connaissance (Redis 2007). Ces start-ups sont des jeunes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance dans le secteur des nouvelles technologies. Ce sont des entreprises qui viennent d’être lancées par leurs dirigeants et actionnaires. Elles n’ont pas de passé, ni d’actifs corporels importants et elles évoluent souvent dans un environnement technologique très mouvant. Leurs flux de trésorerie disponibles sont négatifs pour un moment et leur niveau de risque spécifique est très élevé ce qui explique qu’elles n’aient pas d’autre choix que de se financer par capitaux propres (d’après le Vernimmen.net). Pour survivre et croître, ces jeunes pousses high-tech, parmi d’autres facteurs importants, doivent se doter d’un système de pilotage de la performance adéquat (Almus et Nerlinger 1999 ; Zahra, Sapienza et Davidsson 2006). Le contrôle de gestion des start-ups représente donc un enjeu considérable aussi bien d’un point de vue économique au niveau macro (la croissance de l’économie) que pour répondre aux besoins spécifiques des gestionnaires des PME concernées au niveau micro (la réussite de l’entreprise).
2Le contrôle de gestion en PME est toutefois un terrain de recherche imparfaitement défriché (Mitchell et Reid 2000) même si certains travaux existent sur la mesure statique de l’outillage du contrôle de gestion dans les PME qu’elles soient artisanales ou entrepreneuriales. Notre projet de recherche se situe à un niveau différent : il privilégie l’étude de la structuration dynamique du contrôle de gestion des start-ups. La démarche sera qualitative et basée sur des études de cas. Nous chercherons à voir si les start-ups se comportent de la même façon les unes par rapport aux autres et aussi par rapport aux autres PME dans la structuration de leur système de pilotage de la performance aux différentes phases de leur croissance. Nous mettrons en évidence que la mise en place du contrôle de gestion dans les start-ups dépend pour beaucoup du niveau de développement de leur activité productive et commerciale. Il y a de grandes différences entre les start-ups enracinées dans la science qui cherchent principalement à finaliser techniquement et commercialiser une innovation (comme beaucoup de biotechs) et les start-ups qui souhaitent développer par elles-mêmes une chaîne de valeur au service de leur business model (comme souvent dans l’économie numérique). Dans le premier cas le contrôle de gestion est seulement utile alors que dans le second cas c’est une nécessité.
3Nous ferons d’abord une synthèse des résultats connus dans la littérature en matière de contrôle de gestion des PME et nous présenterons les objectifs et les modalités de l’étude que nous avons réalisée auprès de start-ups (partie 1). Nous décrirons ensuite les systèmes de pilotage de la performance mis en œuvre dans huit start-ups (partie 2). Enfin nous les analyserons (partie 3).
1 – Problématique et méthodologie de la recherche
4Un état des outils et des pratiques de contrôle de gestion en PME va d’abord être fait (section 1.1.) et complété par une réflexion sur le processus de structuration du contrôle de gestion en PME (section 1.2.). Nous montrerons que la population des PME en croissance, innovantes et fondées sur les connaissances et la technologie, a des spécificités qui sont susceptibles de générer un comportement différent en matière de pilotage de la performance (section 1.3.). La méthodologie et le terrain de notre recherche seront enfin présentés (section 1.4.).
1.1 – Les outils et pratiques du contrôle de gestion dans les PME
5Les PME sont habituellement caractérisées par un certain nombre de critères liés à la taille mesurée en nombre de salariés, en chiffre d’affaires et en total d’actif au bilan. Pour l’Union Européenne (circulaire 361 établie en 2003), la PME correspond à l’ensemble des sociétés indépendantes (donc pas les filiales de grands groupes) ayant moins de 250 salariés et avec un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un bilan inférieur à 43 millions d’euros. Cette classification inclut les très petites entreprises (TPE) de moins de 10 salariés, les petites entreprises (PE) de 10 à 50 salariés, les entreprises moyennes (ME) de 50 à 250 salariés. Elle est prolongée par la catégorie des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) de 250 à 5 000 salariés. Si l’on considère que ce qui caractérise la PME c’est la proximité spatiale, hiérarchique et fonctionnelle (Torres 2002), il est clair que le recours aux dispositifs formels garants de la convergence des comportements est limité par nature. Le dirigeant est sur le terrain et assure la mise en œuvre de ses choix stratégiques et opérationnels par une supervision directe. Ceci est d’autant plus vrai que les tâches sont souvent peu spécialisées dans la PME, les systèmes d’information sont très simples et la stratégie peu formalisée. Les instruments du contrôle de gestion seront donc en général peu développés, limités à leur rôle d’aide à la prise de décision, mis en œuvre par les acteurs de terrain (en l’absence très souvent d’une fonction contrôle de gestion) et épars, sans mise en cohérence globale.
6La littérature relative au contrôle de gestion en PME s’est focalisée sur la taille de l’entreprise. Il est assez normal qu’une petite entreprise de type artisanal sans vocation de croissance et restant durablement en dessous de 50 salariés n’ait pas de raisons de structurer vraiment un système de pilotage de la performance. Pour les entreprises moyennes les choses sont plus complexes. Une entreprise industrielle de taille moyenne, a une activité de transformation assez conséquente au niveau des processus internes de sa chaîne de valeur et fait travailler en son sein des spécialistes très différents. Une comptabilité de gestion est alors nécessaire surtout si la production est diversifiée (Nobre 2001). À l’inverse, une entreprise commerciale regroupant un grand nombre de magasins, mais tous vendant le même type de produits et organisés de façon simple et identique (un responsable de magasin, un ou deux vendeurs, une apprentie) avec un organigramme plat, n’a pas besoin de calculs de coûts détaillés et peut se développer même de façon importante sans que structurer son contrôle de gestion soit un impératif immédiat (cf. à ce propos la situation décrite par Meyssonnier et Zawadzki 2008). Mais en matière de budgets, un reporting mensuel est généralement nécessaire et il en est de même pour le suivi des indicateurs physiques et financiers des tableaux de bord (voir à ce propos Germain 2005). Ainsi, les lois d’usage et les comportements sont différents selon que l’on parle des calculs et de l’analyse des coûts (plus importants pour les PME industrielles que pour les PME commerciales en raison d’un déterminisme technico-commercial), du pilotage de la performance par les budgets (qui semble lié à la taille en raison d’un déterminisme organisationnel) ou du pilotage de la performance par les indicateurs de gestion (qui sont courants en PME dans le cas des tableaux de bord opérationnels et privatifs mais qui n’apparaissent souvent qu’à partir d’une certaine taille dans le cas des tableaux de bord stratégiques de type balanced scorecard). Le seuil des 100 salariés est considéré par Nobre (2001) comme celui d’une généralisation assez fréquente des budgets et des tableaux de bord en PME. Ceci est toutefois un peu moins net quand la famille propriétaire est fortement présente dans le top management car alors la supervision collective de la famille peut partiellement suppléer l’absence de système formalisé de pilotage de la performance (Speckbacher et Wentges 2012).
7On distingue classiquement les PME selon la typologie bien connue de Julien et Marchesnay (1987) qui oppose les PME artisanales sans volonté prioritaire de croissance (PME de type PIC : Pérennité-Indépendance-Croissance) et les PME entrepreneuriales dont la petite taille correspond juste à un moment particulier dans un projet consubstantiel de croissance (PME de type CAP : Croissance-Autonomie-Pérennité). La taille est un facteur partiellement explicatif de la présence d’outils de contrôle de gestion dans les PME stables de type artisanal (quoique de façon différenciée et avec beaucoup de limites comme nous venons de le voir) mais apporte un éclairage insuffisant si on considère spécifiquement les entreprises entrepreneuriales qui ne sont pas petites par nature mais petites pour un moment et n’ont pas vocation à le rester. Dans le cadre d’une approche dynamique de la structuration de leur contrôle de gestion, c’est à cette catégorie de PME dont la vocation première est de dépasser l’état d’entreprise de petite taille dans une logique de développement de leur activité et d’innovation au sens de Schumpeter (1935) que nous allons nous intéresser (plus exactement à un segment de cette population de PME CAP, les entreprises fondées sur la science et innovantes).
1.2 – La structuration du contrôle de gestion dans les PME en croissance
8Plutôt qu’une approche statique des pratiques de contrôle de gestion en PME centrée sur quelques outils génériques en matière de contrôle de gestion (calculs de coûts, budgets, tableaux de bord), il nous semble préférable pour comprendre le fonctionnement des PME de type CAP de développer une approche du système de pilotage de la performance de la PME qui soit plus large (incluant la formulation des objectifs stratégiques, l’identification des chaînes de causalité, la détermination des niveaux de performance, le système incitatif d’intéressement). Cette approche globale et ouverte en matière d’instrumentation de gestion est plus à même de saisir la diversité des dispositifs de contrôle qui concourent à la mise sous tension de la start-up. Elle est tout à fait compatible avec l’approche de Simons (1995) qui distingue les usages diagnostique ou interactif des leviers du contrôle. La référence n’est donc plus à trouver dans le contrôle de gestion classique d’Anthony (1965) centré sur la modélisation financière mais au niveau du système global de pilotage de la performance de Ferreira et Otley (2009) qui garantit que les choix du business model seront mis en œuvre dans les processus opérationnels. Nous nous situons donc dans une approche de type Performance Measurement Systems (PMS) plus que dans une approche de type Management Control Systems (MCS) si on reprend la classification des cadres de référence théoriques de la recherche en contrôle de gestion de la PME de Garengo, Biazzo et Bititci (2005). L’étude du contrôle de gestion va aussi changer de perspective, elle ne va pas être statique (en coupe) mais dynamique (en processus) et elle ne se fera plus en prenant en compte le critère quantitatif de la taille mais le critère beaucoup plus qualitatif du moment dans le cycle de vie de l’entreprise (Condor 2012). Ceci amènera naturellement à s’intéresser aux effets de seuils et aux ruptures dans le fonctionnement interne lié à la croissance des PME.
9Greiner (1972) a mis en évidence l’apparition de seuils organisationnels dans le développement de la PME. Son analyse a été reprise ensuite notamment par Adizes (1991) et Godener (2002). La distinction en cinq phases, voire plus, intervenant systématiquement dans la trajectoire de croissance des PME, utilisée par Churchill et Lewis (1983) et beaucoup d’autres auteurs, est aujourd’hui très contestée (Phelps, Adams et Bessant 2007 ; Levie et Lichtenstein 2010) car les constations empiriques sur la structure organisationnelle et le comportement général des PME ne sont absolument pas convergentes. Par contre, pour ce qui relève spécifiquement du contrôle de gestion, les trois étapes de la structuration du contrôle de gestion permettant de passer de la petite entreprise à fonctionnement informel et peu instrumenté à l’entreprise moyenne avec mise en place de procédures formalisées et d’outils de contrôle de gestion dédiés et ensuite à l’entreprise de taille intermédiaire avec délégation des responsabilités et mise en place d’un système de contrôle global, semblent assez naturelles.
10En effet, la petite entreprise à son premier stade de développement est d’abord très largement la projection de son dirigeant fondateur : les modes de fonctionnement informels et la supervision directe sont essentiels. À un moment donné, dans sa croissance, l’entreprise connaît des dysfonctionnements internes en raison de l’inadaptation de plus en plus criante entre, d’une part, sa taille et les problèmes de gestion auxquels elle doit faire face et, d’autre part, son type de management souvent intuitif et extrêmement personnalisé. La formalisation des procédures dans l’organisation devient donc indispensable. C’est là le premier seuil dans la vie de la PME : l’étape de la formalisation qui intervient souvent quand l’entreprise doit gérer une cinquantaine de salariés (le nombre de personnes à gérer semblant un critère assez central) mais avec une grande variance liée à l’activité et à une multitude de facteurs de contingence. Si pour Brac de la Perrière (1978) ce premier seuil organisationnel se situe aux alentours de 50 salariés, pour Steimetz (1969) et Basire (1976) il est plus bas, à environ 30 salariés, et pour Gélinier et Gaultier (1974) ou Kalika (1985) il est plus élevé, à environ 100 salariés. Une fois cette transition effectuée, au deuxième stade de son développement, l’entreprise moyenne (étudiées par Reyes 2004) a rationalisé et stabilisé son fonctionnement et s’est dotée de plusieurs instruments de contrôle de gestion mais qui ne sont pas forcément articulés. Elle est confrontée ensuite, si elle poursuit sa croissance, à la nécessité d’embaucher des spécialistes, de circonscrire et répartir les fonctions et l’entreprise doit s’assurer alors de la convergence des comportements et du suivi de ses performances. Un système global de pilotage doit donc être mis en place car on ne peut concevoir de délégation des responsabilités sans modalités de reporting ou système d’accountability. C’est alors qu’intervient souvent le second seuil dans la vie de la PME (combinant décentralisation des responsabilités et structuration de la gestion) quand l’entreprise doit gérer de l’ordre de 250 salariés mais avec là encore une grande variance dans la taille déclenchant ce changement. Une fois dépassé cette étape, le troisième niveau de développement de la PME est atteint et au stade adulte les spécificités liées à la taille s’estompent et l’Entreprise de Taille Intermédiaire (ETI), qu’elle est maintenant devenue, relève fondamentalement des mêmes problématiques que les entreprises classiques pour ce qui a trait au contrôle de gestion. On pourrait même aller jusqu’à soutenir que c’est l’existence d’un contrôle de gestion structuré avec ses outils (de contrôle budgétaire notamment) et ses acteurs (directeur financier ou contrôleur de gestion) qui est le marqueur du passage de l’état de PME à celui d’entreprise « standard ».
11Le moment dans le cycle de vie de l’entreprise semble logiquement important pour les modes de gestion et l’instrumentation liée des PME en croissance, pourtant les approches par les processus liés au cycle de vie de l’entreprise sont très rares dans la littérature académique. Comme le remarque Condor (2012) on ne peut citer qu’une seule étude longitudinale menée sur la durée (Meyssonnier et Zawadzki 2008). Elle mettait d’ailleurs en évidence une structuration tardive de la gestion et les grandes difficultés à mettre en place le contrôle de gestion : le deuxième seuil n’étant pas encore survenu dans cette entreprise commerciale de près de 1 000 salariés en pleine croissance mais avec un organigramme très plat et avec une présence très forte de la famille à tous les postes de direction. Dans cette perspective fondée sur le cycle de vie de la PME, l’étude des start-ups (entreprises récentes en forte croissance et fondées sur la science) est un champ d’exploration particulièrement intéressant.
1.3 – Les spécificités de la structuration du contrôle de gestion dans les start-ups
12Dans la mise en œuvre des outils de gestion, on admet généralement que trois dimensions sont à prendre en compte : les aspects liés à l’environnement socio-politique, les aspects liés à la dimension psycho-cognitive des acteurs, les aspects liés à la rationalité technique des outils (De Vaujany 2005 ; Grimand 2006). Ces trois dimensions vont impacter la mise en œuvre du contrôle de gestion des start-ups de façon différente de ce qui se passe dans les autres PME.
13Dans le cas des PME familiales classiques qui constituent l’essentiel du tissu économique en régions, les modes de gestion sont à l’interface de logiques gestionnaire (permettre la croissance et la rentabilité de l’entreprise), patrimoniale (développer la richesse de la famille propriétaire) et de pouvoir (assurer le statut et l’influence du dirigeant). La structuration du contrôle de gestion peut être retardée quand les aspects sociologiques prennent le pas sur les nécessités gestionnaires. Ainsi Nobre et Zawadzki (2013) ont pu montrer de façon convaincante comment un échec dans la mise en place d’un système de pilotage cohérent et global de la performance s’expliquait avec une grille de lecture d’inspiration sociologique (l’analyse stratégique de Crozier). Dans d’autres cas, ce sont les dimensions psycho-cognitives qui peuvent expliquer certains paradoxes et l’écart entre ce qui semblerait souhaitable du point de vue de la rationalité de gestion et ce qui est possible au regard des dispositions psycho-cognitives des acteurs. Chapelier (1997) a mis ainsi en évidence l’importance du profil des dirigeants et les difficultés à s’approprier les outils de gestion pour des dirigeants non formés à cela.
14Le cas des start-ups est particulièrement intéressant car il semble théoriquement capable de résister à ces deux grilles d’analyse (socio-politique et psycho-cognitive). Les start-ups ne sont pas héritières d’une longue tradition familiale (avec les règles, routines, contraintes découlant de l’environnement familial). Ce sont des firmes purement entrepreneuriales qui ont vocation à s’extraire des pesanteurs sociologiques de toute nature pour réussir. Comme elles ne subissent pas d’héritage lourd en termes de contexte et de modes de fonctionnement, elles peuvent assez facilement s’affranchir des obstacles sociologiques et mettre en place le contrôle de gestion nécessaire. Par ailleurs, les start-ups sont des entreprises basées sur la technologie, fondées par des scientifiques innovants bien formés dans le domaine technique, assistés par des spécialistes en gestion ou se donnant les moyens de se former eux-mêmes aux techniques du management et donc décidés à dépasser les obstacles psycho-cognitifs qui pourraient entraver la nécessaire instrumentation de leur gestion. Les limites socio-politiques et psycho-cognitives à la structuration du contrôle de gestion sont donc plus facilement levées dans les start-ups que dans les autres PME. L’étude des start-ups est un champ peu exploré mais potentiellement riche d’apports pour la recherche sur le contrôle de gestion en PME car, il faudrait vérifier sur le terrain si comme nous venons de le supposer à partir d’hypothèses logiques, c’est un domaine où a priori la structuration du contrôle de gestion devrait se faire rapidement, de façon adaptée aux besoins de l’entreprise et dans une logique essentiellement rationaliste. Les start-ups seraient alors susceptibles de rentrer dans la catégorie mise en évidence par Torres (1997) des PME dénaturées, c’est-à-dire petites par la taille mais se comportant en matière de pratiques et d’instrumentation de gestion (et pour nous spécialement en matière de contrôle de gestion) mutadis mutandis comme les grandes entreprises.
15La littérature spécifique sur le contrôle de gestion des start-ups est très limitée. Granlund et Taipaleenmäki (2005) ont montré, à partir d’une étude de neuf PME de la nouvelle économie, que la pression du temps et les contraintes en termes de délais, échéances et enjeux temporels poussent les dirigeants des start-ups à privilégier la prévision plus que le contrôle. Ils doivent aussi intégrer la pression de parties prenantes externes aux premiers rangs desquelles les fonds de capital-risque puis plus tard les analystes financiers quand les dirigeants envisagent de se faire financer par les marchés. Ceci conduit les auteurs à insister sur l’approche par le cycle de vie de l’entreprise pour comprendre l’évolution des systèmes de contrôle de gestion des start-ups, comme le font dans un autre contexte Moores et Yuen (2001). Davila et Foster dans une étude de référence auprès de 78 start-ups de moins de 10 ans et entre 50 et 100 salariés (Davila et Foster 2005) mettent en évidence que l’adoption des budgets pour assurer le pilotage de la performance est corrélée avec plusieurs facteurs : la présence dans le capital de fonds d’investissement ; l’expérience de gestion du principal dirigeant de l’entreprise et sa croyance dans les bienfaits du système de prévisions budgétaires ; la présence d’un Directeur Administratif et Financier (DAF) ; le nombre d’employés. Après ces explications relatives aux facteurs explicatifs de la structuration du contrôle de gestion, voyons maintenant la nature et le contenu des systèmes de pilotage de la performance des start-ups d’après la littérature. Davila et Foster (2007) montrent qu’avec les documents comptables prévisionnels, trois outils de contrôle de gestion sont souvent articulés : le suivi des processus opérationnels, le suivi de la trésorerie, le suivi des ventes. Avec en général un rythme mensuel et une comparaison du prévisionnel et du réalisé. À côté de cela les start-ups US mettent en œuvre des outils stratégiques et de management tels que : charte de valeurs, guide des procédures, identification des objectifs stratégiques et des objectifs RH en découlant en termes de recrutements.
16Par ailleurs, pour tenter de caractériser le style de mise en œuvre du contrôle de gestion dans les start-ups, on peut aussi s’inspirer de la typologie de la fonction contrôle de gestion proposée par Sponem et Lambert (2009) prenant en compte l’autorité plus ou moins importante dans l’entreprise et le « client » principal du contrôleur de gestion dans la structure. Pour eux : le contrôle de gestion peut être « discret » quand son autorité est faible et son client est le management local (fonction effacée, essentiellement dans les groupes dominés par les commerciaux) ; le contrôle de gestion est « garde-fou » quand son autorité est faible et son client la direction générale (fonction cantonnée, essentiellement dans les groupes dominés par les ingénieurs) ; le contrôle de gestion est « partenaire » quand son autorité est forte et son client est le management local (fonction assumée, dans les groupes à contrôle budgétaire assez lâche) ; le contrôle de gestion est « omnipotent » quand son autorité est forte et son client est la direction générale (fonction dominante, dans les groupes à contrôle budgétaire strict). Il nous semble que cette grille de lecture est susceptible d’aider à la caractérisation des configurations de contrôle de gestion dans les start-ups avec une adaptation due au fait qu’on rencontre souvent dans ces petites structures un Responsable Administratif et Financier (RAF) au scope plus large que le seul contrôle de gestion.
1.4 – La démarche de recherche mise en œuvre
17Notre étude, de nature qualitative, porte sur le contenu et les modalités de mise en place du contrôle de gestion dans les start-ups fondées sur la science. La démarche qui vient spontanément à l’esprit serait de mener une étude longitudinale dans une ou plusieurs start-ups comme cela a déjà été effectué dans une PME familiale par Meyssonnier et Zawadzki (2008). Mais ceci a plusieurs inconvénients. Il faudrait suivre sur plusieurs années plusieurs start-ups en sachant que la mortalité est très forte dans les premières années. Ceci imposerait de sélectionner une dizaine de start-ups émergentes afin de pouvoir analyser les cas des deux ou trois qui auraient survécu et se seraient développées de façon autonome sans sombrer ou être absorbées. C’est une démarche très chronophage, aléatoire et illustrative mais peu probante car aboutissant à la description d’un cas unique ou d’une poignée de cas. Nous avons donc opté pour une démarche alternative. Au lieu de faire un travail sur la durée dans une start-up qui se développerait et constituerait progressivement son système de pilotage de la performance, nous avons décidé de travailler en coupe sur un échantillon de huit start-ups à des moments différents de leur cycle de croissance, donc en sélectionnant des cas d’entreprises performantes à plusieurs titres (leur notoriété dans leur écosystème régional entrepreneurial, leur pérennité et leur croissance) avec une certaine diversité de leurs activités. Et ceci nous a permis également d’interroger nos interlocuteurs sur les évolutions passées de leurs outils de contrôle de gestion dans une approche historique rétrospective.
18Il y a un intérêt à étudier les processus de création et de développement des start-ups dans une logique spatiale comme l’ont montré Garnier et Mercier (2007). C’est pourquoi nous avons mené notre recherche exploratoire au niveau de l’écosystème nantais constitué autour de la valorisation économique de la science (un des plus dynamiques en France après Paris et Rhône-Alpes). Des contacts ont été pris avec les structures nantaises en lien avec les start-ups et nous avons utilisé toutes les informations publiques disponibles (greffes des tribunaux de commerce, sites internet des entreprises, coupures de presse, etc.). Nous avons pris en compte les rapports de stage de nos étudiants dans ces entreprises ainsi qu’un mémoire universitaire rédigé par le dirigeant fondateur de l’entreprise A qui a passé un master Management et Administration des Entreprises, option contrôle de gestion et a produit une réflexion sur son expérience propre. Des entretiens enregistrés d’une durée d’une à deux heures ont eu lieu avec les dirigeants des huit start-ups (cf. tableau 1 a, page suivante) en utilisant un guide d’entretien (permettant de balayer les points suivants : parcours du fondateur dirigeant et histoire de l’entreprise ; business model et chaîne de valeur de l’entreprise ; structure et états comptables de l’entreprise ; description des outils de contrôle de gestion en place ; étapes de la structuration de son système de pilotage ; enjeux et perspective en matière de contrôle de gestion ; etc.). Nous avons collecté le maximum possible de documents internes sur leur contrôle de gestion à cette occasion. Ils se présentent sous la forme de documents écrits ou plus souvent de fichiers numériques et tableaux Excel, parfois de nature comparable comme pour les budgets de trésorerie ou les documents préparatoires aux déclarations fiscales pour bénéficier du statut Jeune Entreprise Innovante (JEI) ou du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), parfois assez différents quand il s’agit de tableaux de bord opérationnels liés à la R&D, à la production ou à l’activité commerciale.
Les huit entretiens réalisés avec les start-ups
Les huit entretiens réalisés avec les start-ups
19Ceci a été complété par des entretiens auprès de leurs partenaires les plus proches : l’incubateur régional, les fonds de capital-risque et les experts-comptables spécialisés dans les start-ups qui contribuent au développement des outils de contrôle de gestion des start-ups.
Les six entretiens réalisés avec les partenaires des start-ups
Les six entretiens réalisés avec les partenaires des start-ups
20Les entreprises étudiées (qui constituent un échantillon de convenance, non significatif statistiquement mais très illustratif de la situation des start-ups ayant réussi et bien gérées d’après les experts du secteur rencontrés sur place) sont présentées dans le tableau 2 page suivante. Nous avons privilégié les start-ups dont les experts locaux nous avaient indiqué qu’elles étaient les plus intéressantes, celles déployant les méthodes et les outils jugés les plus adaptés et qui réussissaient en développant une approche avancée et pertinente en matière de pilotage de la performance d’après les différents experts-comptables, les investisseurs, les responsables de structures d’accueil et leurs collègues de la communauté des entrepreneurs high-tech. Ainsi notre étude porte plus sur l’analyse fine ancrée dans le terrain des best practices (auprès de start-ups sélectionnées) que sur une simple mesure des pratiques moyennes de toutes les start-ups (possible par questionnaire mais d’un intérêt plus réduit à notre avis).
21Dans notre démarche nous nous sommes arrêtés à cet échantillon car en raison du principe de saturation cognitive, il nous a semblé que la multiplication des cas n’apporterait plus d’information pertinente supplémentaire significative après ces quelques études de start-ups (et d’ailleurs localement on nous a fait plusieurs fois la remarque que nous avions identifié et rencontré les entreprises probablement les plus intéressantes). Nous étudierons donc successivement : le cas de deux start-ups naissantes de moins de 10 salariés avec peu ou pas de Chiffre d’Affaires (CA) ; le cas de trois start-ups en développement de 5 à 10 ans d’existence avec une vingtaine de salariés et 1 à 2 millions de CA ; le cas de deux start-ups en croissance de 5 à 10 ans d’existence, avec une cinquantaine de salariés et quelques millions de CA ; le cas d’une start-up mature de 15 ans d’existence, avec 250 salariés et 140 millions de CA.
Les huit start-ups nantaises étudiées
Les huit start-ups nantaises étudiées
2 – Description des modes de contrôle de gestion des start-ups
22L’organisation et l’instrumentation du contrôle de gestion des huit start-ups nantaises à différentes étapes de leur développement vont maintenant être décrites : les start-ups naissantes (section 2.1.), les petites entreprises en développement (section 2.2.), les start-ups moyennes en croissance (section 2.3.) et une entreprise devenue mature (section 2.4.). Cette classification en fonction de la taille et de l’âge de l’entreprise est prise par commodité pour présenter les start-ups étudiées mais elle ne présume pas d’une éventuelle corrélation avec la question de la structuration du contrôle de gestion qui est au cœur de notre recherche.
2.1 – Start-ups naissantes : les très petites entreprises A et B
23L’entreprise A est dans sa deuxième année d’existence. Elle a été fondée fin 2011 par deux docteurs en informatique, spécialisés en traitement automatique des langues, de l’Université de Nantes. L’entreprise a été lauréate du concours national de création d’entreprise du Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur en 2012. Fin 2012, il y a six personnes travaillant dans l’entreprise, un des deux fondateurs est parti, une salariée actionnaire depuis l’origine a aussi été licenciée. Le dirigeant qui pilote cette TPE indique ses attentes en matière de système de pilotage (Poulard 2013) :
« En tant que dirigeant, je suis tiraillé entre deux visions de mon entreprise. La première est celle de mon business plan. Celui-ci couvre trois ans d’activité avec les bilans et comptes de résultat correspondants et fournit un plan de financement. Le problème est qu’il est déconnecté de la réalité à la minute où il est imprimé. La seconde est celle de ma banque ou plutôt de la trésorerie disponible, de la production en cours, des charges à payer et des factures clients en attente de paiement. C’est une vision plus proche du terrain et de la réalité mais qui ne permet aucune prise de recul ni de se projeter dans l’avenir. »
25Un système de pilotage de la performance simple est mis en place par le dirigeant. C’est un instrument de gestion personnel, alimenté et utilisé uniquement par lui, ce qui est classique dans une TPE. Il est composé de trois éléments : un suivi mensuel de la trésorerie (trois indicateurs), un suivi hebdomadaire et trimestriel de l’effort commercial (une petite dizaine d’indicateurs), un suivi mensuel et annuel du CA réalisé (deux indicateurs). En matière de trésorerie :
« L’objectif du suivi mensuel est de vérifier l’adéquation de la balance mensuelle de trésorerie avec les budgets et de calculer le burn rate de l’entreprise (soit le nombre de mois pendant lesquels je peux maintenir mon activité de prospection et de production à supposer que je ne fasse pas de CA). Si l’hypothèse peut paraître étrange pour une société bien établie, c’est un indicateur utile pour une société comme la nôtre qui cherche encore son marché. »
27La société est donc en phase d’exploration. Un suivi hebdomadaire permet de piloter de façon très détaillée l’effort commercial au plus près de l’opérationnel en adaptant la stratégie si nécessaire. Les indicateurs retenus pour ceci concernent : l’effort de prospection en nombre d’envoi de mail ou de coups de téléphone ; le nombre, l’identification et la qualification des contacts pertinents ; le nombre de contacts utiles et de rendez-vous pris ; le nombre de rendez-vous de découverte réalisés pendant la semaine ; le nombre de propositions commerciales envoyées ; le nombre de contrats signés et le CA gagné. La proportion entre chacun de ces indicateurs permet de calculer un taux de transformation reflétant l’efficacité de la démarche. Ces éléments servent de support à la réunion hebdomadaire qui permet de dresser le bilan de la semaine écoulée et de préparer la semaine à venir. De son côté, la réalisation de la stratégie globale est jugée mensuellement avec une comparaison entre le prévu et le réel en matière de CA.
28L’entreprise B existe depuis 2007. Elle développe une nouvelle molécule évitant les rejets et les effets indésirables en cas de transplantation sur laquelle elle a déposé 5 brevets. La molécule va entrer en phase 1 (essais sur l’homme) et l’entreprise a passé récemment un accord de licence avec un groupe pharmaceutique important. Elle n’a pas de CA mais des redevances permettant de couvrir les frais de développement de la molécule jusqu’à la phase 1. Elle fait des pertes depuis sa création. Une autre molécule en phase moins avancée bénéficie de subventions et une troisième molécule va être sélectionnée afin d’être développée. Le cycle de développement des molécules par les biotechs est long et passe par différentes étapes d’exploration :
« Pour la première molécule on a passé un deal avec un laboratoire pharmaceutique. Ceci nous permet de financer notre R&D. On est confiant sur le risque scientifique. On a tout testé par rapport aux animaux. Mais l’importance de l’impact positif sur l’homme est encore aléatoire et il peut y avoir des problèmes de délais. La molécule n’est pas fabriquée par nous. Tout est sous-traité à des partenaires différents pour le manufactoring et on fait appel également à des consultants scientifiques extérieurs pour avoir les avis les plus pointus selon les questions qu’on se pose. Chacun est le meilleur dans son domaine. »
30L’entreprise ne cherche pas à grossir fortement :
« On veut rester une petite équipe. Monter jusque vers 30 à 50 personnes mais pas plus. On ne cherche pas à constituer notre propre plateforme scientifique et de développement. On veut garder le lien avec les centres académiques et les groupes industriels et faire de l’ingénierie avec leurs plates-formes spécialisées dans des partenariats différents selon la nature des molécules. »
32La dirigeante, qui est maintenant assistée par une RAF, s’appuie essentiellement sur un tableau de trésorerie. C’est l’outil principal de contrôle financier. La comptabilité est sous-traitée à un expert-comptable. Le recours aux projets collaboratifs et au Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est essentiel. On ventile les charges et les temps de travail sur les activités (molécule développée n° 1, molécule émergente n° 2, autres molécules en phase de sélection) et sur les frais généraux. Le comité de direction (P.-D.G., RAF et directeur de la recherche) se réunit toutes les semaines mais les documents comptables ne servent qu’une fois par an.
2.2 – Start-ups en développement : les petites entreprises C, D et E
33L’entreprise C a mis au point une technologie de perçage assisté par vibrations à basses fréquences. Elle a déposé quatre brevets. Ses clients sont des industriels comme Airbus et d’autres entreprises de l’aéronautique ainsi que des ensembliers intégrateurs vendant une gamme de perceuses industrielles dont certaines dotées de la technologie de l’entreprise C. L’entreprise a été fondée en 2007. De 2007 à 2010, l’activité commerciale est restée embryonnaire. À partir de 2011, l’activité s’est fortement développée. Le déclic a été l’obtention de deux gros contrats de plusieurs milliers de machines à équiper pour le lancement de l’Airbus 350. L’entreprise a été créée par un agrégé de mécanique mort prématurément à trente-six ans. L’associé et la famille du fondateur ont poursuivi le développement de l’entreprise. Sur les douze salariés, quatre s’occupent de la R&D (améliorer la technologie actuelle et préparer la nouvelle technologie alternative). Le dirigeant s’occupe du commercial et de la gestion. Il est assisté d’un directeur scientifique qui supervise d’une part les process de la R&D et d’autre part la production et le bureau d’étude pour les clients. L’entreprise n’a jamais perdu d’argent. Un comité de gestion, avec le dirigeant, le responsable scientifique et la famille du fondateur, se réunit tous les trimestres. L’entreprise a un plan à 3 ans. La technologie suit un cycle qu’il faut parcourir étape après étape afin de se faire référencer et d’être accepté par les clients industriels. L’entreprise travaille beaucoup par affaires et donc avec des problèmes fréquents de décalage dans le temps des projets industriels. Il n’y a pas de prospection commerciale globale mais il faut gagner des projets industriels auprès de gros donneurs d’ordre avec une croissance qui se fait par sauts en fonction du lancement de leurs investissements même si la technologie est aussi intégrée sur les machines des fabricants de machines outils les plus connus (ce qui génère des revenus récurrents). Le contrat de 2011 a généré une trésorerie excédentaire considérable qui a permis le développement de l’entreprise. L’entreprise a atteint une phase de consolidation de sa technologie initiale et repart pour le développement d’une nouvelle technologie (phase d’exploration). Le dirigeant insiste sur l’importance du suivi de la trésorerie dans son pilotage :
« On n’a pas de fabrication. On recourt à des sous-traitants. Nous, on conçoit, on assemble, on contrôle et on assure la mise sur le marché : on est de la matière grise uniquement. Dans cette situation, pour moi le plus important c’est la trésorerie. Le suivi détaillé du plan de trésorerie par quinzaines sur Excel est mon outil de pilotage essentiel. À travers la trésorerie on voit tout. »
35Les autres outils de pilotage de la performance (inexistants dans les cas précédents des entreprises A et B) sont très réduits :
« On n’a pas de suivi comptable. Les comptes sont entièrement tenus par un expert-comptable qui passe 2 fois par an (en fin de premier semestre et à la clôture). On a une comptabilité analytique très rudimentaire, juste pour distinguer les charges de R&D (pour le Crédit d’Impôt Recherche) des charges d’exploitation courante. On ne suit pas les charges par affaires ou projets : juste par nature. L’essentiel des charges est fixe : comme charges variables, on n’a que les achats consommés et on ne fait pas de suivi détaillé des temps. »
37Il n’y a donc pas de comptabilité analytique. L’entreprise fixe ses prix de vente à partir d’une estimation de ce que le client va économiser grâce à la technologie qu’on lui vend. On ne raisonne pas à partir d’un chiffrage des coûts (démarche par l’amont de type « cost + ») ni par une comparaison avec les prix de marché (démarche par l’aval de type target costing) mais à partir d’un seuil d’acceptabilité pour le client en fonction de l’avantage technico-commercial délivré par la technologie.
38Une autre entreprise, entre dans cette même catégorie de start-ups. Il s’agit de l’entreprise D, créée il y a 6 ans, qui est spécialisée dans les logiciels de gestion de l’information patrimoniale (archives historiques, musées, valorisation du patrimoine privé des entreprises) pour assurer la numérisation de documents physiques existants ou la création de documents directement dématérialisés. L’entreprise est sur un modèle d’éditeur (4 personnes en R&D) et d’intégrateur de ses produits (8 personnes en relation avec les clients). Les clients sont à 90 % publics et il y a toujours un contrat de maintenance associée. Le facteur clé de succès de l’entreprise est la connaissance intime du métier et des règles de gestion des archives. L’entreprise ne fait pas trop de recherche fondamentale ou de contrats collaboratifs sur fonds publics. Elle s’est lancée tout de suite sur le marché. La croissance est à deux chiffres en moyenne depuis la création, toujours avec un bénéfice. Le dirigeant est diplômé d’Audencia. Un des deux fondateurs est parti récemment. Le dirigeant a racheté ses parts et à cette occasion un investisseur, personne physique, est entré dans le capital pour 10 %. Il n’y a pas d’objectif d’élargir le capital ou de recourir à des fonds d’investissement (l’entreprise recourt à des avances remboursables de Bpifrance pour financer la R&D). Dans l’activité il n’y a pas de très gros projets, plutôt un ensemble de contrats diffus autour de 100 K€ chacun. Il y a une forte part récurrente avec les licences de maintenance chez les clients qui représentent un tiers du CA. Le contrôle de gestion commercial est donc très développé, dans une logique d’exploitation et avec un système diagnostique au sens de Simons, avec une dizaine d’indicateurs commerciaux mensuels (prises de commandes, ventes concrétisées, taux de conversion en vente des propositions, marge commerciale, délais de règlement, impayés) :
« Dans le domaine commercial on a une vision très fine avec douze segments et cinq étapes commerciales. On a donc une prévision très détaillée en amont du budget des ventes. »
40L’instrumentation de gestion est moins développée dans les autres domaines :
« On a une RAF depuis 6 mois avec toujours le cabinet d’expert-comptable en soutien. La RAF fait la comptabilité, la trésorerie, la GRH et on tient un budget depuis 2 ans avec un reporting mensuel. Avant on avait juste des extraits d’informations comptables venant du cabinet et on faisait une analyse trimestrielle succincte sur Excel. Aujourd’hui, on n’a toujours pas de comptabilité analytique. On n’a pas de ventilation de frais généraux. On vient de se doter d’un nouvel outil de gestion de projet qui intégrera le suivi des heures et permettra de calculer les coûts liés et les écarts, mais pour le moment on n’a pas encore les indicateurs. Pour la grille tarifaire, on ne part pas des coûts mais des prix du marché avec une optimisation par rapport aux concurrents. On gagne de l’argent mais on n’en sait pas le détail. »
42Il y a depuis un an un comité de direction avec le directeur des opérations et la directrice commerciale qui se réunit une fois par mois (le dirigeant envisage de distribuer des actions gratuites aux deux directeurs sur la base de contrats d’objectifs). Il y a un tableau stratégique mensuel avec des indicateurs commerciaux, d’exploitation et financiers. Il y a des réunions mensuelles avec tout le personnel sur des questions diverses et le P.-D.G. fait des points comptables et stratégiques deux fois par an.
43La troisième entreprise relevant de cette catégorie est l’entreprise E. L’activité de l’entreprise E est la mécanique des fluides et l’entreprise est directement issue des laboratoires de l’École Centrale de Nantes. Elle est spécialiste de la simulation numérique hydrodynamique maritime. Elle est capable de prédire pour ses clients les comportements des bateaux dans l’eau sans avoir besoin de faire des essais en carène mais juste par simulation numérique. Elle vise à étendre ses activités par-delà le maritime vers d’autres champs d’application utilisant les flux d’eau ou d’huile. Elle comporte maintenant une vingtaine de salariés dont quinze ingénieurs et neuf docteurs (les deux catégories se recoupant). L’entreprise s’est développée avec des projets collaboratifs subventionnés et des projets industriels pour de grandes entreprises clientes. Grâce au statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) et au dispositif de Crédit d’Impôt Recherche (CIR), elle n’a jamais eu de résultat déficitaire depuis sa création (les subventions représentant de 30 % à 70 % des dépenses selon les projets). Après un passage d’un à six salariés lors des trois premières années où elle ne faisait quasiment que des projets collaboratifs, elle a connu une phase de structuration avec l’embauche d’un Responsable Administratif et Financier (RAF), d’un responsable commercial et d’un responsable production. Elle a alors atteint très rapidement une quinzaine de salariés et a développé ses contrats avec des clients industriels. L’objectif est que les projets collaboratifs aidés qui permettent de développer les savoir-faire et la R&D ne représente plus que 25 % du CA, le reste provenant des projets industriels. L’étape future (7 ans après la création et 3-4 ans après cette première structuration) est pour l’entreprise de se développer à l’international (des projets existent en Amérique du Sud et en Asie) et d’atteindre rapidement les 50 salariés. Il n’y a pas eu de pertes en matière de résultat ni de problèmes de trésorerie au quotidien mais pas non plus de croissance exponentielle. L’objectif de développer de façon très importante une nouvelle activité de vente de logiciels sous la forme de licences, avec des droits d’usage encaissés annuellement, amènera à embaucher beaucoup de programmeurs et à se confronter à des problèmes de financement et de développement rejoignant ceux habituellement rencontrés par les start-ups. Elle combine donc exploration et exploitation des marchés. Pour cela il est prévu de faire appel à des fonds d’investissement. Le pilotage de l’entreprise, qui semble de forme interactive au sens de Simons, avec un contrôle budgétaire assez lâche, est principalement fondé sur les temps des ingénieurs, que ce soit dans la recherche-développement ou dans la prestation de services pour les clients. Mais ce contrôle de gestion opérationnel est fait dans les équipes et pas directement par le RAF :
« Les activités de recherche-développement sont homogènes et tout est modélisé en fonction des temps passés. On suit tous les projets dans une maquette de chiffrage. On connaît le prix moyen par jour vendu. Et derrière on a un budget temps géré chaque semaine par chaque chef de projet. On fait des réunions de production hebdomadaires pour manager les équipes. On a des déclarations de temps (qui servent aussi pour les justificatifs du Crédit d’Impôt Recherche). Tous les frais sont affectés sur cette base en coût chargé sur la base des heures. Les frais ne donc sont pas distingués par projets mais répartis de façon indirecte forfaitairement. On ne calcule pas de résultats par projets. Les ingénieurs sont essentiellement pilotés par les temps. On fait du réestimé et on a un résultat mensuel global de l’entreprise mis à jour au fil de l’eau. »
45L’instrumentation générale de gestion est bien développée. Le RAF indique :
« Je m’occupe de la RH, de la comptabilité et du contrôle de gestion. On tient un compte de résultat mensuel. On a sur Excel un suivi hebdomadaire de la facturation et des recouvrements ; des indicateurs de trésorerie, de suivi des sous-traitants, de mesure de l’avancement des projets ; un suivi différencié des projets collaboratifs, industriels et de R&D pure. Je sors également un tableau de bord mensuel global de l’entreprise avec des indicateurs RH, de production, commerciaux et de résultat. »
2.3 – Start-ups en croissance : les entreprises moyennes F et G
47L’entreprise F est spécialiste de l’e-relation instantanée en ligne. Elle est leader sur le marché français dans son domaine. Elle offre aux entreprises de l’internet des solutions techniques permettant d’améliorer la satisfaction du client, de diminuer les coûts de production dans la prise de contact et d’accroître le CA. Elle est passée de 15 à 50 salariés en 2013, a un CA de 2,6 millions d’euros, 1 000 sociétés clientes dont la moitié du top 15 du e-commerce, des sociétés d’assurance et de la finance, des institutionnels, etc. Elle a été créée il y a 4 ans par un ancien étudiant d’IUT après une première expérience de start-up qui s’est révélée un échec. La première année a été consacrée à « l’évangélisation » du marché (mise en place gratuitement sur le net de 5 à 10 % de ce qui fait la solution) et a permis d’obtenir le premier contrat avec la Fnac.com qui est devenu « la » référence client. La seconde année a permis d’atteindre un CA de 450 K€ et de devenir rentable. Dans une logique d’exploitation des marchés, la troisième année a permis de structurer l’activité en quatre pôles : le commercial (en direct et en indirect), la communication en amont et les services aux professionnels en aval, enfin la R&D. Le CA est composé à 70 % d’abonnements à la solution et à 30 % des services d’installation et de configuration chez le client. L’entreprise est possédée majoritairement par le dirigeant et son associé (qui est dans la société mais n’a plus de poste à responsabilité) et a dans son capital des business angels et un fonds d’investissement très connu. Le comité de direction (P.-D.G. plus les quatre directeurs de pôles) se réunit toutes les semaines et discute des indicateurs qui remontent de chacun des pôles (tableau de bord global construit bottom-up). Tous les mois un compte de résultat établi par le cabinet d’expertise-comptable est discuté et communiqué aux investisseurs lors d’une réunion de reporting. Tous les mois également les salariés sont réunis pendant 20 mn pour une information descendante. Le budget est actualisé tous les 6 mois et présenté lors d’un séminaire de tout le personnel par le P.-D.G. et les managers. On a donc un contrôle budgétaire plutôt strict. L’entreprise n’a pas de projets de R&D collaboratifs et ne recourt pas au CIR. Elle a une culture du résultat économique et est tournée vers la satisfaction client. Pour justifier la vente de la solution au client, on calcule avec lui son ROI sur cet investissement. Il n’y a pas de comptabilité analytique dans l’entreprise. L’entreprise envisage de se doter d’un ERP permettant d’automatiser le reporting et d’éviter les saisies manuelles. Le recrutement d’un Directeur Administratif et Financier (DAF) est également en projet.
48La seconde entreprise relevant de cette catégorie de start-ups est l’entreprise G. G est une start-up du domaine de l’industrialisation des logiciels. Elle a été créée en 2005 par trois associés développeurs informatiques en lien très étroit avec le laboratoire d’informatique de l’Université de Nantes. L’entreprise fait des outils pour les informaticiens. Elle industrialise les logiciels en modélisant les plans de logiciels libres. Elle a plusieurs gros clients dans l’informatique embarquée. Ce sont des solutions dédiées avec plus de service de paramétrage pour les grands groupes que de ventes de licences. L’entreprise, qui combine exploration et exploitation des marchés, n’a connu aucune perte au cours de son développement, sauf une année. L’entreprise bénéficie des aides JEI et CIR (les subventions et le Crédit d’Impôt Recherche représentent environ 1/3 du CA de l’entreprise). Le CA de la dernière année est un peu en deçà des objectifs en raison du décalage d’un projet dans le temps et de l’annulation d’un autre projet. 20 % des effectifs fait de la recherche et il y a plus de dix docteurs en informatique dans l’entreprise. La croissance a été très rapide jusqu’en 2009. Pendant 3 ans, elle a embauché une personne par mois. Un des trois associés a quitté l’entreprise tout en gardant ses parts. Le gérant s’occupe aussi du commercial. La DAF a été recrutée début 2007 et un directeur opérationnel a été recruté en 2008. D’après la DAF, les acteurs du pilotage de la performance sont variables selon les domaines :
« Le gérant a la haute main sur la finance comme sur la stratégie. Le pilotage des projets industriels est fait par le directeur opérationnel. Moi je m’occupe surtout des projets collaboratifs et de l’optimisation des subventions et de la fiscalité. Je fonctionne alors presque comme un centre de profit. Et puis je fais tout le reste : RH, trésorerie, juridique, support à la gestion interne, etc. »
50Le temps des programmeurs est l’élément central dans la modélisation des coûts et des devis en matière de CA :
« Tous les salariés complètent des déclaratifs pré-remplis toutes les semaines. Le directeur opérationnel suit les heures des projets industriels et collaboratifs de façon hebdomadaire et rend des comptes au gérant une fois par mois. On prend le coût des programmeurs plus un coefficient pour ventiler les charges indirectes. Pour les projets industriels dédiés aux grands comptes c’est le directeur opérationnel qui pilote aidé par moi (la DAF). Pour les projets collaboratifs, c’est l’inverse : le directeur opérationnel me fournit des informations sur les temps et moi je fais la synthèse. »
52L’instrumentation de gestion est très riche et les bases de données très complètes, le fonctionnement est de type diagnostique pour ce qui concerne les indicateurs physiques et le suivi opérationnel mais la formalisation agrégée dans des tableaux de bord structurés n’est pas trop développée. Le contrôle budgétaire à dominante financière est donc plutôt lâche.
2.4 – Start-up mature : l’entreprise de taille intermédiaire H
53L’entreprise H a été fondée à la fin des années 1990 par un étudiant en IUT informatique. Elle réalise la vente de produits numériques high-tech. Depuis la fondation de l’entreprise, la croissance est à deux chiffres. Environ sept ans après sa fondation la société n’avait toujours qu’une situation comptable tous les six mois. Un poste de DAF est alors créé. L’équipe de direction comprend actuellement, quatorze ans après sa fondation, un directeur du marketing (qui s’occupe du site et de la vente sur internet), une directrice des opérations (hot line, logistique, SAV), un directeur du développement (achats, agences avec conseillers mais pas de vente), plus le DAF, un DSI et un directeur qualité. La croissance a été très forte. L’entreprise est numéro 2 sur son marché qu’elle explore et exploite. Les recrutements ont été très importants mais se tassent un peu. L’entreprise se finance en partie avec un BFR négatif (règlement à 30 jours fin de mois pour les fournisseurs alors que les clients règlent à la livraison). La marge en frontal baisse mais les marges arrière sont très importantes. Cela pose un problème dans la budgétisation car les ristournes interviennent en fin d’exercice avec des effets de seuils très importants et pas facilement budgétisables mensuellement. On ne fait pas un suivi budgétaire sur la base de l’exercice comptable avec prévisionnel réalisé et écarts mais il y a tous les mois des réunions de forecast. L’entreprise, dont le fonctionnement actuel est de type diagnostique et le contrôle budgétaire est lâche, doit structurer son fonctionnement, rationaliser et automatiser son pilotage de la performance avec des KPI et des ROI intégrés. Le recrutement d’un contrôleur de gestion est en cours.
54Un résumé des données collectées sur le système de pilotage de la performance des start-ups est présenté dans le tableau 3.
Caractéristiques des systèmes de pilotage de la performance observés
Caractéristiques des systèmes de pilotage de la performance observés
3 – Analyse et discussion des modes de contrôle de gestion des start-ups
55Nous allons utiliser une méthodologie de recherche « à la Gioia » (Gioia et al. 2013) pour synthétiser les entretiens recueillis sur le terrain. Nous pouvons structurer les verbatims, cités dans la partie 2 à l’occasion de la présentation des configurations de contrôle de gestion mis en œuvre dans les différentes start-ups, en les regroupant par thèmes communs transversaux que nous présenterons en quatre catégories (instruments, contexte managérial, étapes dans la croissance, caractérisation du système) dans le tableau ci-dessous.
Synthèse des verbatims particulièrement significatifs
Synthèse des verbatims particulièrement significatifs
56Les douze verbatims issus du terrain (résumés ici dans les concepts de premier ordre) seront donc utilisés en étant regroupés dans quatre thématiques agrégées (identifiées dans des concepts de 2e ordre) qui nourriront notre analyse. Nous commencerons par décrire l’instrumentation mise en œuvre dans les start-ups étudiées (section 1). Ensuite, en prenant en compte également d’autres verbatims recueillis auprès des partenaires des start-ups, nous pourrons expliquer l’usage des outils par le rôle des actionnaires et des dirigeants dans la mise en œuvre du contrôle de gestion, par la nature de l’activité de la start-up ainsi que par les étapes dans la croissance de la start-up. Une caractérisation différenciée de la nature du contrôle de gestion des start-ups pourra en être déduite. Tout ceci sera effectué dans la section 2.
3.1 – Les outils du contrôle de gestion des start-ups
57En matière d’outils de contrôle de gestion, plusieurs pistes de réflexion apparaissent suite à l’étude des start-ups nantaises. Dans le tableau 5 (ci-dessous), nous identifions les outils du contrôle de gestion présents, à un degré ou un autre, dans les start-ups étudiées.
Outils de contrôle de gestion mis en œuvre dans les start-ups nantaises étudiées
Outils de contrôle de gestion mis en œuvre dans les start-ups nantaises étudiées
58On a pu identifier sept instruments de référence du pilotage de la performance des start-ups :
- le budget de trésorerie pour suivre les encaissements et les décaissements et le compte de résultat de la comptabilité générale pour analyser les produits et les charges ;
- les deux tableaux de bord opérationnels de production et commercial ;
- les trois outils classiques du contrôle de gestion que sont la comptabilité de gestion (souvent avec une ventilation forfaitaire des charges indirectes sur la base des temps), le système budgétaire (plus pour la prévision que pour le contrôle) et le tableau de bord global de pilotage (mais très rarement aussi élaboré qu’un balanced scorecard).
59Le suivi de la trésorerie est le premier des outils utilisés et il est toujours essentiel. Les postes du compte de résultat (charges et produits) sont eux souvent suivis mensuellement de façon peu détaillée dans les plus petites des start-ups (TPE). La start-up plus développée (PE) utilise également les documents comptables de synthèse pour effectuer un pilotage simplifié de la performance de l’entreprise. Les tableaux de bord opérationnels, liés aux métiers, sont développés et pris en charge par le dirigeant et les acteurs de l’exploitation, notamment le directeur marketing pour le tableau de bord commercial (en cas de conquête et de gestion d’une base de clientèle large) et le directeur des opérations pour le tableau de bord de production (en cas d’activité productive de l’entreprise) dès que ces fonctions sont créées.
60Dans les calculs de coûts, les charges sont en général imputées aux prestations de services dans des démarches de coûts complets (et pas de coûts partiels) mais les clefs de répartition sont très sommaires. On n’utilise ni les centres d’analyse de la méthode traditionnelle, ni les activités et les processus de la méthode ABC : on affecte forfaitairement tous les frais généraux sur la base des heures de main-d’œuvre directe dans une démarche très sommaire qui ne permet aucune traçabilité des calculs de coûts. Dans ces métiers du numérique ou de la prestation de services à haute valeur ajoutée, le pilotage se fait essentiellement par les temps des ingénieurs et des chercheurs. On a donc une modélisation économique fondée sur les temps qui pourrait se prêter dans une phase ultérieure du développement des start-ups à la mise en œuvre d’une méthode plus sophistiquée mais de même inspiration, comme le Time Driven – ABC (Kaplan et Anderson 2008).
61Les budgets sont souvent utilisés plus comme des éléments prévisionnels dans le cadre d’un plan à 3 ou 5 ans que comme un véritable système de contrôle de l’exploitation. Comme le remarquaient dans un autre contexte Gervais et Thenet (1998, p. 85) :
« En période d’instabilité, la finalité de la planification et de la gestion budgétaire est moins d’allouer les ressources pour optimiser le fonctionnement de l’entreprise que de retrouver le sens de la situation, en observant, en analysant, en expérimentant et en donnant aux décideurs la possibilité de se réorienter rapidement en cas d’erreur. »
63Ce n’est que si la start-up prend en charge la production effective des solutions inventées, donc si d’une entreprise de matière grise et de R&D on passe à une entreprise délivrant directement des outputs utilisables réalisés au travers de processus productifs organisés par elle-même ou bien si on a atteint un stade de maturité (ETI ou GE), que le contrôle budgétaire se déploie pleinement avec prévisions, reporting, analyse d’écarts et actions correctives.
64Pour les tableaux de bord stratégiques, les dirigeants se construisent des outils ad hoc. Peut-être que la référence au balanced scorecard serait instructive (Kaplan et Norton, 1996) par la prise en compte de ses quatre axes (dimensions de performance financière, de satisfaction client, d’optimisation des processus productif et de renouvellement du potentiel en termes de ressources matérielles et immatérielles disponibles pour la croissance). Mais c’est surtout par sa logique de construction prenant en compte les liens de causalité entre les indicateurs des différents axes et les mises en relation entre les indicateurs avancés aux sources de la performance et les indicateurs retardés constatant la performance réalisée que le balanced scorecard est un outil prometteur pour les start-ups.
3.2 – Éléments explicatifs des usages constatés
65Si nous reprenons les dimensions agrégées issues des entretiens avec les dirigeants des start-ups, complétées par des entretiens réalisés avec leurs partenaires naturels (animateurs institutionnels de l’éco-système, investisseurs spécialisés, experts-comptables, etc.), nous pouvons identifier plusieurs éléments déterminants en matière de contrôle de gestion des start-ups.
3.2.1 – Spécificités du financement et de la gouvernance des start-ups françaises
66Blatt (2009) insiste sur l’importance de la formalisation des cartes cognitives et des modes décisionnels des équipes de direction des start-ups. De l’étude des expériences de huit start-ups, nous pouvons tirer des enseignements sur l’environnement et les acteurs de la mise en œuvre du contrôle de gestion dans les start-ups en liaison avec leur chaîne de valeur.
67L’analyse des start-ups de notre échantillon nous amène à rejoindre les conclusions de Granlund et Taipaleenmäki (2005) sur l’importance de la pression temporelle et l’insistance sur la prévision plus que sur le contrôle dans l’instrumentation de gestion. Par contre les start-ups françaises sont encore dans un environnement où le poids des pouvoirs publics (par les nombreuses structures d’accompagnement, les dispositifs de subventionnement, de contrat aidés et de crédits d’impôts) sont plus prégnants dans la phase initiale de développement que les mécanismes de type marché (business angels, fonds d’investissement risqués, cotation sur des marchés, etc.). Et si des business angels entrent au capital dans la phase précoce d’amorçage (avant les fonds de capital-risque), ils ne poussent pas spécialement au développement de l’instrumentation du pilotage de la performance :
« En tant de business angels, on signe un pacte avec le dirigeant de la start-up. On a des réunions pour être informés de la gestion, en général tous les trimestres. Mais le support des échanges est souvent une note rédigée plus que des chiffres. On ne demande pas d’informations chiffrées très développées. On cherche seulement à se faire une idée sur le comportement du dirigeant par rapport à son business model et à avoir des repères sur son business plan. ».
69Dans notre petit échantillon, les investisseurs externes exercent donc une plus faible influence sur le développement des outils du contrôle et l’information financière que dans les pays de tradition anglo-saxonne (et c’est peut-être regrettable car la start-up bénéficiant des dispositifs institutionnels d’aide fiscale profite moins de l’implication de partenaires financiers privés avertis et exigeants).
70Dans notre échantillon, les fonds d’investissements sont beaucoup moins présents que dans l’étude nord-américaine de Davila et Foster (2005). Dans l’échantillon des 78 start-ups US d’un âge moyen de 5 ans, l’expérience des dirigeants est en moyenne de 18 ans, le nombre moyen d’employés est de 120 employés avec un CA moyen de 11 millions de dollars, alors que pour notre échantillon, l’âge moyen de l’entreprise est plus élevé, l’expérience des dirigeants plus réduite, les effectifs plus faibles et le CA généré également plus faible. Davila et Foster (2007) remarquent que la mise en place des systèmes de management formalisés va parfois de pair avec le départ de dirigeants comme si les entrepreneurs initiaux n’étaient pas toujours les mieux placés pour être les managers de la croissance future. Dans les start-ups que nous avons étudiées, nous n’avons pas vu de changement du principal dirigeant (cela étant probablement lié à la faible présence des fonds d’investissements) mais par contre nous avons vu des départs au sein de l’équipe des fondateurs, le dirigeant maitrisant le mieux les aspects managériaux prenant progressivement l’ensemble des pouvoirs et les autres fondateurs s’éloignant ou étant écartés.
3.2.2 – Influence des différences sectorielles
71Un facteur de contingence important qui a émergé dans notre étude est l’impact considérable des différences sectorielles entre les biotechs et les start-ups du numériques. Un expert-comptable nantais spécialisé des start-ups et rencontré lors de notre étude relève :
C’est ce qui ressort aussi de nos entretiens avec la dirigeante de la biotech B. Et cela impacte l’instrumentation du contrôle de gestion.« Il n’y a pas plus de casse dans les entreprises techno que dans les business traditionnels. Les dirigeants se débrouillent mieux dans les start-ups : ils recherchent les techniques de gestion les plus adaptées et il existe pas mal de moyens de financement dédiés. Il y a une différence toutefois entre les biotechs et le numérique. Dans les biotechs c’est beaucoup plus risqué, plus compliqué et il y a moins de volume au début. Les entrepreneurs dans les biotechs sont très tournés vers l’innovation et la recherche. Ceux des TIC sont plus polyvalents. »
3.2.3 – Identification des différentes phases de la structuration du système de pilotage
72Notre étude permet de distinguer les étapes du développement des start-ups et les dispositifs de pilotage de la performance développés successivement.
73Dans les TPE et certaines PE étudiées, on a pas ou peu de CA. Il y a une priorité à la finalisation de la technologie pour les biotechs (avec une prévision de la trésorerie et un suivi de la R&D) ou à la recherche du marché dans les start-ups du numérique (avec une prévision de la trésorerie et dans ce cas un suivi de la prospection commerciale). Le rôle psycho-cognitif et d’aide à la décision de l’outillage de contrôle de gestion est primordial à cette étape. Comme le remarque un expert-comptable spécialisé dans les start-ups :
« En général au début la start-up n’a pas de ventes. Il faut tenir pendant les 2 années où on fait de la R&D. On n’a pas alors de contrôle de gestion mais du contrôle de la trésorerie. On est à la recherche de l’équilibre du cash avant de chercher à atteindre le seuil de rentabilité. Les premières années, on n’a pas besoin de beaucoup de tableaux de bord ou d’outils de pilotage. »
75Le dirigeant de l’entreprise A a un retour d’expérience simple après six mois de conception et fonctionnement du système de pilotage de la performance de sa TPE :
« J’en retire trois enseignements principaux. Premièrement, un système de pilotage ne résiste que s’il est mis à jour régulièrement. Un tableau de bord non actualisé est contreproductif. Deuxièmement, il ne faut pas tomber dans une recherche excessive de précision. Les chiffres ne représenteront jamais la totalité de la réalité de terrain et il est frustrant de chercher à aller trop loin. Enfin, il faut savoir remettre en cause ses choix. Comme l’activité, les indicateurs ne sont pas figés et doivent évoluer. Si j’ai gardé un certain nombre de ces indicateurs ces derniers mois, c’est essentiellement pour permettre une prise de recul. Mais je n’utilise pas le suivi de l’écart de trésorerie avec le prévisionnel, c’est une information superflue qui m’encombre. A l’opposé, les problème de report de trésorerie non pris en compte lors du redressement du prévisionnel sont problématiques et risquent de m’induire en erreur : je dois absolument les intégrer à mon analyse. »
77On remarque donc l’importance du tableau de trésorerie et le rôle des chiffres plus pour la prévision que pour le contrôle. A cette étape les partenaires financiers comme la banque Publique d’Investissement (Bpifrance) qui attribue des prix et verse des aides sous diverses formes ne demande pas plus :
« On finance de l’exploratoire. On teste les verrous technologiques. On veut des rapports là dessus mais le contrôle de gestion n’est pas au cœur de nos préoccupations. C’est différent des investisseurs en capital-risque qui arriveront à une étape plus tardive et qui eux sont plus actifs par rapport au reporting. ».
79Ensuite à une seconde étape, dans certaines PE et ME, le CA se développe rapidement avec parfois cohabitation de projets collaboratifs de R&D et de projets plus appliqués, valorisés auprès de clients industriels. Ces entreprises recourent fortement aux dispositifs JEI et CIR. Souvent dans ces entreprises, on a seulement un RAF rapportant au dirigeant alors qu’il y a déjà un directeur scientifique et un directeur commercial. Comme le remarque un investisseur :
« Il y a un seuil à 1 ou 2 millions d’euros de CA et autour des 15 à 20 personnes. C’est un cap en matière d’organisation. »
81Un système de pilotage interactif de la performance est alors mis en place en général avec un budget simplifié utilisé principalement pour la prévision et assez peu pour le reporting, des calculs de coûts limités avec seulement des taux chargés sur la MOD pour ventiler en masse les frais généraux et pas d’analyse détaillée d’écarts sur l’ensemble des postes. Un compte de résultat mensuel est aussi souvent fourni par l’expert-comptable :
« Dans cette phase l’expert-comptable est souvent le mieux placé pour réaliser toutes les opérations comptables et sortir les indicateurs nécessaires. »
83Enfin, troisième phase du développement du système de pilotage, dans certaines ME et les ETI, la structuration de l’entreprise et la mise en place d’un DAF et parfois d’un contrôleur de gestion sont en cours ou réalisées. Le contrôle de gestion permet d’assurer la convergence des comportements avec analyse d’écarts, usage diagnostique des outils et structuration de la gestion ce qui permet d’assurer un développement important et qui se diversifie (développement international, croissance externe, etc.).
3.2.4 – Caractérisation de la place et de la nature du contrôle de gestion des start-ups
84Si nous reprenons la typologie de Sponem et Lambert (2009) et que nous l’appliquons à notre échantillon, certaines choses apparaissent. Il n’y a pas de personne en charge du contrôle de gestion en dehors du dirigeant dans les TPE A et B ou dans la petite entreprise C et la moyenne entreprise F. Les start-ups D, E, G, H ont un RAF ou un DAF qui exerce une fonction « garde-fou ».
85Les outils de prévision sont nécessaires pour voir si le business model fonctionne ou s’il faut l’infléchir. Les budgets de trésorerie, de CA et – spécificité des start-ups – de subventions, crédit d’impôts et autres ressources annexes, sont indispensables. Mais leur usage n’est pas top-down (mise en œuvre de la stratégie avec procédures de reporting strict avec calculs d’écarts et mise sous tension de l’organisation pour atteindre les objectifs). On assiste plutôt à un usage bottom-up (suivi en temps réel de l’impact de l’action de l’entreprise avec remontées des indications du terrain et ajustement en temps réel des efforts de l’entreprise, re-prévisions fréquentes et apprentissage collectif des membres de la start-up). Si on reprend la distinction de Simons (1995), on n’est pas dans un contrôle de type diagnostique où les systèmes d’information formels sont utilisés pour contrôler le résultat et corriger les déviations par rapport aux standards préétablis de performance. On est plutôt dans un contrôle interactif où l’information produite fait l’objet de discussions et interprétations et permet de débattre sur les données, les plans et leurs hypothèses sous-jacentes. En phase de démarrage d’activités, de lancement de produits ou services, c’est d’ailleurs assez naturel car on est dans une démarche d’exploration plus que d’exploitation (Burns et Stalker 1961).
86Ainsi, dans les start-ups émergentes le dirigeant n’utilise que des linéaments de contrôle de gestion essentiellement pour développer son approche cognitive du business model. Dans les start-ups en croissance le contrôle de gestion a un rôle de garde-fou et les outils de pilotage de la performance sont essentiellement utilisés de façon interactive et pour la prévision. Dans les start-ups matures, le contrôle de gestion est structuré comme dans les autres entreprises et fonctionne souvent de façon diagnostique. Il faut toutefois faire attention à un biais possible dans notre étude. Nous avons rencontré des start-ups qui ont réussi souvent parce que leur dirigeant avait les qualités de manager nécessaires et savait faire sa place au contrôle de gestion. Ce n’est pas toujours le cas. Un expert-comptable spécialisé dans les start-ups témoigne :
« Beaucoup de dirigeants de start-ups ne sont pas assez ouverts à l’outillage de gestion. Ils sont avant tout des chercheurs focalisés sur la technique, sur l’innovation et pas assez tournés vers le commerce et la valeur pour le client. Par exemple, ils sont parfois moins tournés vers le marché que les dirigeants d’entreprises familiales classiques. Ils pensent plus à la possibilité de récolter des aides publiques directes ou indirectes qu’à satisfaire une clientèle solvable. »
Conclusion
88La start-up n’est pas une PME classique. C’est ce que l’on peut qualifier de PME entrepreneuriale dans son projet et de managériale dans ses méthodes ou de grande entreprise en miniature (Torres 1998, p. 162). Ceci se manifeste clairement dans le champ particulièrement significatif du contrôle de gestion. Dans le processus de développement de la start-up, on remarque d’abord le faible impact des jeux sociologiques des acteurs classiques dans les PME (famille, expert-comptable généralistes, etc.) qui peuvent souvent être des obstacles au développement autonome d’une fonction DAF dans la PME et à l’outillage de gestion interne (cf. à ce propos Nobre et Zawadzki 2013). La culture des dirigeants entrepreneurs qui sont pour la plupart issus d’écoles d’ingénieurs ou de management ou docteurs en sciences est rationaliste et managériale (mais parfois elle est trop peu tournée vers le marché et n’intègre pas assez la valeur créée pour le client ce qui signe l’échec de la start-up) et les expert comptables et les partenaires qui les conseillent et les accompagnent dans le processus de développement de la start-up poussent à la structuration la plus rapide possible du système de pilotage de l’entreprise. Les dispositifs de contrôle de gestion des start-ups qui réussissent semblent donc en général bien adaptés aux besoins. Ils ne sont pas ajustés ex post à la suite de la constatation de dysfonctionnements ou de carences mais sont souvent mis en place ex ante pour accompagner la croissance anticipée.
89Notre étude exploratoire nous a permis de dégager des traits communs aux processus de mise en place du système de pilotage de la performance des start-ups. Le principal outil de contrôle de gestion utilisé dans les start-ups émergentes encore à l’état de TPE avec un CA nul ou très faible est le budget de trésorerie pour le suivi des encaissements (y compris subventions ou aides diverses) et surtout des décaissements. Dans les start-ups en développement, encore petites entreprises, le compte de résultat mensuel simplifié (permettant un suivi des produits et des charges) ainsi que les tableaux de bord opérationnels de production et/ou commercial sont souvent utilisés en plus du budget de trésorerie qui reste central. Dans les entreprises moyennes high-tech, les outils habituels du contrôle de gestion apparaissent : comptabilité de gestion simplifiée fondée très souvent sur la ventilation forfaitaire des frais généraux sur la base des heures de travail (impact interne des modes de calcul nécessités par le CIR) ; système budgétaire (avec usage plus pour la prévision que pour le contrôle) ; tableau de bord de pilotage global (mais rarement formalisé sous la forme d’un balanced scorecard).
90On constate aussi une diversité des seuils de structuration du contrôle de gestion (phénomène déjà mis en évidence par Meyssonnier et Zawadzki 2008) et la contingence des formes prises par cette structuration. Des dispositifs différents de pilotage de la performance sont mis en place selon que l’on a une activité de conception (ou de production à la commande pour quelques gros contrats et des revenus récurrents liés) ou bien une production en série pour une masse de clients à prospecter et exploiter. Dans le premier cas (importance de la recherche et des gros contrats bénéficiant souvent d’aides publiques), on aura des contrats collaboratifs ou des liens forts avec les institutions de recherche et un recours important au CIR avec une faible instrumentation de gestion et pas de responsable en charge du contrôle de gestion. On utilisera essentiellement le budget de trésorerie, l’analyse des postes du compte de résultat et des indicateurs de gestion. Dans le second cas (conquête d’une clientèle étendue et prestations productives répondant à une demande du marché), on utilisera largement les outils de contrôle de l’exploitation aussi bien dans l’activité commerciale que dans la production ainsi qu’une comptabilité de gestion souvent fondée sur les temps et un suivi budgétaire plus serré. Cette distinction mise en évidence par notre étude mériterait d’être vérifiée par une étude statistique permettant de vérifier la contingence des pratiques de contrôle de gestion par rapport à chaîne de valeur : peu de contrôle si proximité à la science, plus de contrôle si proximité au marché.
91Notre approche nous a montré qu’il était nécessaire d’avoir une vision globale du système de pilotage de la performance des start-ups prenant en compte, à côté de la modélisation financière classique du contrôle de gestion, les dispositifs plus opérationnels liés aux spécificités du métier ou au business model de l’entreprise. Cette étude devra être prolongée et validée par une vérification statistique des enseignements dégagés ici sur une population plus importante de start-ups. On pourrait aussi avancer dans la voie de l’élaboration d’outils adaptés aux start-ups grâce à des démarches de recherche action à visée ingéniérique.
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