Notes
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[1]
Au double sens d’activité pouvant superviser et définir des activités.
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[2]
Littérature produite par des cabinets qui promettent à leurs clients une plus grande maîtrise des activités.
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[3]
Qui est plus sèchement formulé, une négation de l’acteur.
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[4]
Pour une présentation complète des aspects théoriques évoqués, voir Jensen, 1998 et Milgrom et Roberts, 1992.
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[5]
Le commissionnaire ici observé, reçoit un ordre d’enlèvement pouvant provenir du destin a taire (le plus souvent) ou de l’expéditeur.
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[6]
Le contrat de progrès qui définit l’organisation des temps d’activité des chauffeurs (temps de conduite, temps de service, temps de repos) est un impératif légal en France pour tous les membres de la profession.
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[7]
En cas de contestation à la livraison par exemple, le client peut opter, dans certains cas, pour un refus total ou partiel de la marchandise et les activités à réaliser dans chaque cas sont prévues par le manuel.
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[8]
L’expression imagée : « au cul du camion » sert à délimiter le périmètre d’action des uns et des autres.
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[9]
L’agent de la théorie de l’agence est un acteur, libre, décidant de ses actes et calculateur.
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[10]
Autrement formulé, il s’agit d’œuvrer à réduire l’incertitude, à formaliser les tâches, à employer au mieux les technologies, à travailler donc le cadre de l’action en étendant le domaine du décidable pour contrer les risques locaux de déviance.
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[11]
De fréquentes discussions tripartites : entreprise, consultant, chercheur, portèrent sur l’inévitable compromis à trouver dans la représentation des processus.
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[12]
Le lecteur reconnaîtra ici une occurrence de la situation dite du « dilemme du prisonnier » dans laquelle un élément d’opacité (la distance, l’absence, la complicité avec un tiers) encourage les comportements déviants et conduit à l’émergence d’un équilibre sous-optimal. Voir sur la question : Schmidt 2001 ; Axelrod, 1992 ou Leibenstein, 1982.
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[13]
L’argumentation d’Alchian et Demsetz est construite sur les difficiles séparation et évaluation des contributions individuelles dans un travail d’équipe (Alchian et Demsetz, 1976)
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[14]
Sans s’illusionner sur les capacités que pourrait avoir le chercheur et que n’aurait pas le management de l’entreprise étudiée.
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[15]
Nous reprenons l’expression du consultant avec lequel nous avons analysé le cas. Dans le cabinet auquel il appartenait l’expression : « business in the business » avait également cours pour évoquer ce type de risque. Les professionnels de l’audit bancaire utilisant l’expression : « bank in the bank ».
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[16]
L’activité d’assistance (aux destinataires) apparaît, l’objet de gestion : « colis débarqué, ouvert, vérifié » est créé, l’information permettant l’évaluation de cette nouvelle activité est collectée.
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[17]
La promesse faite à un client (encadré 1, citation 1) d’être en tête de tournée le lendemain peut, à la surprise des agents d’exploitation venir bouleverser le planning établi au centre pour le même jour.
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[18]
Et ce d’autant plus qu’ils sont souvent eux-mêmes les émetteurs de ces mesures ou calculs.
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[19]
Ces entretiens conduits par le consultant avaient pour objectif d’évaluer la pertinence des systèmes d’information de gestion et leur compatibilité avec le travail des opérateurs logistiques.
Introduction
1Le succès des concepts d’activité et de processus auprès des chercheurs, des contrôleurs de gestion et des cabinets spécialisés dans le diagnostic et la re-conception des organisations s’est construit comme en témoignent les manuels (Horngren, Datar, Foster 2003) en s’appuyant sur deux conventions majeures.
2Activités et processus sont tout d’abord considérés comme directement saisissables par les systèmes de gestion des entreprises. Facturer, livrer, autoriser, par exemple, désignent des faits ou des évènements concrets pouvant être parfaitement perçus et délimités par le modèle de gestion à l’œuvre dans l’entreprise. Ceci admis, gérer revient à réunir et à traiter au mieux des traces de consommations de ressources par des activités se réalisant telles qu’observées ou prescrites. L’écart entre l’action concrète des agents et l’action observée ou prescrite étant au quotidien considéré comme nul, le modèle de gestion et les systèmes qui le supportent peuvent être pensés comme tendant vers un système complet de pilotage du réel. Les coûts calculés peuvent être pensés dans le même ordre d’idée comme tendant à s’approcher de l’état de mesures objectives et les comparaisons inter-entreprises comme des confrontations « réel à réel ».
3Activités et processus peuvent être ensuite totalement contrôlés par une méta activité [1] de gestion en charge de leur rationalisation et de leur pilotage. Si cette deuxième hypothèse de travail a besoin de la première, elle y ajoute la dimension classique dans le monde des organisations humaines de la maîtrise distanciée. Le gestionnaire, à distance, peut orienter le comportement d’acteurs dont il connaît le catalogue complet d’actions. Il dispose des informations nécessaires et du pouvoir, délégué par un propriétaire ou une tutelle. Ce pouvoir et ces informations, font la différence entre sa méta activité et les activités contrôlées par lui. Cette convention « taylorienne » d’asymétrie dans les situations des acteurs, les uns concevant le travail, les autres l’exécutant tel que prescrit, n’est généralement pas et c’est sa faiblesse, complétée par la reconnaissance d’un risque d’asymétrie informationnelle. Tous, et notamment les gestionnaires concepteurs du modèle, sont censés savoir ce que font les autres ou disposer d’assez d’informations pour évaluer l’exécution des processus.
4Un modèle de gestion fait de règles, de conventions, de discours existe dans chaque entreprise qui manipule plus ou moins d’objets de gestion et qui est codifié d’une façon plus ou moins intégrée. Mais lorsque qu’une activité est gérée, l’accueil d’un client par exemple, elle est censée se déployer en conformité avec le modèle de gestion local et donc être lisible sur les supports de sa codification (main courante, fiches d’accueil, bordereau, etc.)
5Cette vision de l’entreprise comme un espace de représentation fidèle et de contrôle n’est pas sans utilité. Elle libère l’action et la décision du souci de la vérification perpétuelle, elle autorise des discours rationalisateurs et par effet d’adoption cumulative entre experts participe à la formalisation de processus d’action plus proches de la norme de l’efficience (Beniger, 1986) bien contrôlée.
6Cette vision permet aussi à une partie [2] de la littérature managériale (Hammel-Prahalad, 1994 ; Davenport 1993) de proposer une modélisation de l’entreprise basée sur une maîtrise supposée complète et certaine des ressources. Mais elle néglige l’acteur au profit de l’outil et est en retrait sur ce point face au modèle micro économique contractualiste (Brousseau 1993) qui, lui, construit sa vision de la firme à partir d’une axiomatique individualiste centrée sur l’asymétrie informationnelle et le risque d’opportunisme. Les stratèges (approche par les ressources et les compétences clefs) les organisateurs, les ingénieurs et les contrôleurs de gestion ont fréquemment recours à la convention selon laquelle la méta activité de gestion dispose d’une vision directe des actions concrètes ou d’une représentation fidèle et peut contrôler le tout. La négation de l’écart entre le perçu, le prescrit et le concret ou autrement formulé l’affirmation d’une traduction des actions des acteurs en signaux et des calculs du pilote en actions, si utile pour modéliser, est évidement un obstacle à la réalisation de diagnostics crédibles et partagés.
7L’asymétrie informationnelle, l’incomplétude du contrôle, l’opportunisme positif et négatif des acteurs, sont laissés dans l’ombre pour les besoins de la définition d’un instrument de gestion, la comptabilité d’activités ou l’ingénierie des processus, qui puisse valoir dans toutes les circonstances, sans avoir à questionner à tout moment les conditions de sa pertinence.
8Ces conventions pratiques de maîtrise de l’agir d’autrui font de plus abstraction du contexte d’adoption ou de rejet (Godowski, 2001) des instruments fournis aux acteurs (Pavé 1989) comme elles supposent toujours possible une réduction peu coûteuse de l’asymétrie informationnelle.
9Le décalage entre le monde des gestionnaires et le monde des processus concret d’action est une des expressions de l’opacité qui permet les conflits d’agence (Eisenhardt, 1989) les jeux d’économie d’efforts (Leibenstein, 1987) et l’exploitation asymétrique (Crozier, Friedberg, 1977) de certaines informations. Dans le cas du commissionnaire de transport évoqué dans ce papier, un écart net existe entre ce qui est pensé par les gestionnaires, et sert de base à des calculs de gestion et une pratique concrète qui peut être plus riche ou plus pauvre en activités. Une activité existe qui n’est pas reconnue par le système de gestion, dans l’exemple évoqué, le soutien apporté aux destinataires par les opérateurs lors de certaines livraisons. Réciproquement une activité codifiée n’est plus systématiquement actualisée, dans l’exemple, l’abandon (en accord avec certains destinataires) du contrôle au déchargement. Le métier pratiqué n’est pas tout à fait le métier géré, les calculs de gestion renvoient donc régulièrement à une norme idéale ou datée, des jeux apparaissent qui exploitent et structurent à la fois un contexte d’asymétrie d’information.
10La première partie du papier présente rapidement le protocole de la recherche et propose deux interprétations des écarts constatés entre le modèle de gestion des activités et leur déroulement concret. La première interprétation proposée est fidèle aux présupposés comportementaux de la théorie de l’agence ( Milgrom, Roberts, 1992), et fait de toute activité un lieu de conflit potentiel dans un contexte de coordination incertaine. La deuxième interprétation reprend des résultats antérieurs (Veran, 2003) construits à partir des travaux d’ Harvey Leibenstein (Leibenstein, 1982) et propose de voir dans la pratique de chaque activité un jeu conventionnellement cadré. Le contexte clinique une fois éclairé, la deuxième partie tente d’en prendre acte et propose une démarche de définition in-situ des activités et des processus. En donnant la parole aux acteurs et en rapprochant leurs dires du modèle de gestion en vigueur, quelques pistes de relecture des activités et des processus sont proposées.
1 – Activités prescrites et activités pratiquées. Une double interprétation
11Dans une définition généralement acceptée (Lorino, 1991) les activités produisent, sur la base de ressources disponibles et de règles de composition de ces ressources, des biens, des services, des informations à destination d’autres activités internes ou externes. En fin de processus, une activité interne produit une valeur à destination d’une activité externe, chez un partenaire. Si le partenaire de référence traditionnel est le client, il n’est pas inutile de considérer que certains processus créent une valeur à destination des fournisseurs, des sous-traitants, de l’administration fiscale, d’une banque. La valeur créée est une valeur d’usage. Elle doit en conséquence être appréciée sur l’activité destinataire interne ou externe à l’entreprise. Cette évaluation peut théoriquement être retournée vers l’activité concernée afin de valider ou d’in valider sa production. Elle est aussi captée par la méta activité de gestion qui en assure le contrôle. [3]
12Si la représentation du réel et son contrôle sont complets, comme le supposent souvent les méthodologies (Pesqueux, Martory, 1995) de l’approche par les activités, la création de valeur est maîtrisée. Cette maîtrise supposée permet d’imaginer une mise en cohérence des activités, la suppression ou le réalignement des activités qui sont vues comme détruisant ou faisant obstacle à la création de valeur. Elle permet aussi de penser une approche architecturale des processus (Schonberger, 1990) consistant à bâtir un enchaînement d’actions à partir de l’analyse des exigences des parties prenantes servies. Lorsque le flux d’activités pratiquées n’est qu’imparfaitement connu et maîtrisé, lorsque donc l’hypothèse d’incomplétude du contrôle est vérifiée, ces efforts de remise en ordre et d’ingénierie peuvent être vains car s’appuyant sur un modèle trop décalé. Cette situation est d’autant plus probable (Williamson, 1991) que le processus offre des occasions aux acteurs d’exercer leur liberté ou leur opportunisme. Dans un tel contexte la distance physique entre les acteurs crée de l’opacité pour chacun, des occasions existent facilitant l’émergence de marchés de comportements. Des interactions non modélisées et cachées se répètent qui structurent les activités. La liberté (l’opportunisme) des acteurs est alors productrice d’asymétrie informationnelle, des décisions peuvent être prises, des gestes faits, des engagements pris, qui peuvent échapper au modèle de gestion central. Des aléas peuvent aussi se produire, liés aux comportements des clients par exemple et venir affaiblir un peu plus le niveau du contrôle exercé.
13Afin d’illustrer ces points théoriques [4] l’encadré 1 reprend des déclarations collectées chez un commissionnaire de transport (annexes 1 et 2) sur une période de onze mois. Il est particulièrement instructif de confronter ces déclarations au modèle formel de gestion du processus commande livraison [5]. Ce modèle peut être reconstitué à la lecture de documents dispersés entre les mains de trois types d’acteurs : les agents d’exploitation qui sont chargés d’optimiser le remplissage des transports en coordonnant les ordres des clients et les offres des transporteurs, la direction générale qui joue ici un rôle de prescripteur de méthodes et qui est de plus en plus influencée dans sa démarche de rationalisation par les centrales d’achats de la grande distribution, le contrôle de gestion assuré par l’agent comptable qui consacre un peu de son temps à veiller au respect du contrat de progrès mis en place entre les partenaires de la filière [6].
14Le consultant, chargé de réaliser la mission (annexe 2) décrit le modèle de gestion des commandes comme le résultat de la pression exercée par les centrales d’achats et des contraintes réglementaire s nouvelles résultant de la mise en place du contrat de progrès. Les centrales d’achat veulent faire des opérateurs du transport des « regroupeurs » en amont des plates-formes, les amenant à gérer une multitude des relations avec les producteurs et les expéditeurs. Leur stratégie semble consister à maintenir à distance les coûts de transactions les plus nets de la filière. En se consacrant à l’après regroupement, les centrales ne traitent qu’avec un nombre réduits de partenaires, essentiellement des membres de leur groupe, laissant aux opérateurs de l’amont la gestion de la partie la plus complexe du système des relations logistiques.
15Le contrat de progrès pousse à une plus grande formalisation du modèle de gestion et à plus de contrôle. Il résulte de ce double faisceau de stress un fort besoin d’organisation et de mise en information (Zuboff, 1988) d’un processus qui jusque là fonctionnait selon les conventions professionnelles de la « route » et que l’on peut retrouver fréquemment à l’œuvre (Piercy, Cravens, Morgan, 1999) dans le transport de marchandises comme dans l’itinérance commerciale.
16Sont identifiées, définies et gérées les principales activités, de l’arrivée d’un ordre d’enlèvement à la livraison des marchandises. Le processus d’enlèvement livraison est décrit sous forme papier et numérique (logiciel de type workflow) dans un manuel de procédures à la disposition des agents d’exploitation. Ce que sont les activités d’embarquement et de déchargement y est défini. Nulle mention n’y figure cependant concernant l’après déballage, supposé être une activité de la chaîne de valeur des destinataires, l’optimisation des tournées est définie comme une activité réservée aux agents d’exploitation, les contrôles à effectuer y sont strictement listés. Globalement, le processus confié aux livreurs est défini comme un enchaînement d’activités physiques et informationnelles pour lequel les contraintes principales sont celles imposées par la marchandise et la distance à parcourir. Les exigences des clients (urgence de la livraison par exemple) sont considérées comme déjà intégrées par le siège au moment de la contractualisation et n’apparaissent que marginalement [7] comme éléments de structuration de la partie du processus déléguée aux chauffeurs livreurs. Les activités à réaliser par les chauffeurs livreurs sont circonscrites et organisées en considérant que ne leur sont déléguées que des tâches de déplacement contrôlé de la marchandise. Cette vision balistique du processus de transport exclut la réflexion commerciale, confiée officiellement à des agents spécialisés, et toute interférence dans la chaîne d’activité du client [8].
17Des éléments du manuel de procédures des agents d’exploitation sont repris dans le tableau de bord qu’utilise le contrôle de gestion pour évaluer régulièrement la qualité des prestations vendues. Ces évaluations sont basées sur des informations collectées par les chauffeurs livreurs et les agents d’exploitation sur des points de collecte définis en même temps que les activités composant le processus formel géré. Les éléments relatifs à la nature et à l’état des produits (fraîcheur par exemple) et au respect des engagements contractuels en matière de délai sont collectés principalement à la livraison. La mise en information du processus par le biais de ces collectes contribue à l’enrichissement d’une base ensuite exploitable dans le cadre de la certification qualité en même temps qu’elle conforte le modèle de gestion formalisé du processus. [9]
Encadré 1. quelques déclarations extraites des entretiens avec les chauffeurs livreurs [citations 1 à 6] et avec les cadres de direction [citations 7 à 10] lors des 13 entretiens réalisés. le style parlé a été conservé, les noms des personnes ont été changés, les expressions entre parenthèses ont été ajoutées
1) « …au fil du temps, il a fallu repérer ce que voulait le client, Jacques (un client) c’est un coup de main au déchargement, Paul (un autre client) c’est la garantie d’être en tête de tournée le lendemain.»
2) « …il m’arrive de garder un colis ou deux en frigo à la demande de Pierre (un client) le temps qu’il puisse dégager de la place… et même de laisser le colis de Pierre chez Paul. »
3) « …je sais que chez Georges (un client) cela va être plus long, je vais déballer, ranger les cartons…une fois ou deux j’ai même aidé à installer du matériel dans l’atelier. »
4) « …en théorie, je dois tout contrôler, mais pour Thomas (un client) et lorsque cela vient de chez Martin (un expéditeur) l’on gagne du temps…que l’on peut reperdre en rangement. »
5) « …au chargement, si c’est Denis (employé d’un expéditeur) je l’aide même à faire ses étiquettes…il est difficile de rester les bras croisés à les regarder charger. »
6) « …je ne peux pas tout dire mais ma journée dépend plus de qui je rencontre chez les expéditeurs et chez les destinataires que de ce qui écrit chez Roland (le directeur général). »
Extraits des entretiens avec les cadres de direction
7) « …j’en demande déjà assez aux chauffeurs, je ne peux pas en plus (leur) demander de me rendre compte dans les détails de toutes leurs tournées. »
8) « …quand Pierre (un client) me dit pourquoi il nous reste fidèle, je me dis qu’il faudrait revoir notre façon d’évaluer les chauffeurs – je mesure un délai et Pierre me parle du coup de main donné par Daniel (un chauffeur) – mais bon, je le sais, c’est ça qui compte. »
9) « …ce qui se passe sur la route, on ne peut pas le régenter de trop près, que la marchandise arrive en bon état et dans les délais, voila tout ce que je veux. »
10) « …après l’affaire avec Jules (un chauffeur licencié pour « coulage abusif ») un audit général nous avez amené à serrer les boulons… j’avais profité de l’occasion pour refondre une partie des documents et améliorer notre tableau de bord. »
Voir l’annexe 2 pour une présentation du protocole de la recherche.
18Exploitant ce modèle, le centre contrôleur n’imagine pas (ou refuse d’imaginer) qu’à distance les activités puissent être redéfinies, que des services puissent être rendus ou qu’un contrat inter individuel puisse être passé (encadré 1, citation 1) qui garantisse au client une priorité dans les livraisons du lendemain. D’une part ces redéfinitions ou renégociations d’activités ne font pas l’objet d’une mise en information de la part des acteurs de terrain, d’autre part le modèle de gestion en place ne prévoit rien pour accueillir ou adopter des informations « orphelines » d’un cadre de saisie. Au modèle formel : « action-information » qui sert de cadre au pilotage (par les agents d’exploitation) et au contrôle (par l’agent comptable) s’ajoutent des pratiques de jeux (encadré 1, citations 2 et 6) qui font émerger un processus d’action concret autant négocié localement que prescrit au centre. Les processus concrets peuvent ainsi différer des processus gérés et prescrits tant par leur périmètre qui peut comprendre plus ou moins d’activités, que par leur économie, des efforts cachés étant mobilisés, du travail programmé étant épargné.
1.1 – L’acteur et l’action décidée, une relecture du concept d’activité
19L’interprétation la plus classique de cette divergence centre périphérie est celle que l’on peut construire à partir des réflexions des théoriciens de l’agence (Jensen 1998) relatives à la coordination de l’action collective en présence d’asymétrie informationnelle.
20Le contrôle de l’action organisée (actions d’individus spécialisés volontairement coordonnées par un principal) est analysé par la théorie de l’agence (Jensen, Meckling 1976) essentiellement comme une question de contrôle et d’incitation des acteurs qui la déploient. La théorie (Eisenhardt, 1988, 1989) s’intéresse à la construction (tableau 1) par un « principal » d’un système incitation-contrôle qui indique aux agents les activités et les décisions qui leur sont déléguées. L’hypothèse est posée et maintes fois ré-affirmée d’un conflit potentiel entre les intérêts des deux parties qui doivent à la fois coopérer et atteindre des objectifs qui leur sont propres. Souvent critiquée (Perrow 1986) pour son retour à une rationalité strictement « calculatoire » et son approche de l’organisation de l’action en des termes strictement utilitaristes la théorie de l’agence, et c’est peut être son principal intérêt, fait de tout agent un acteur. Il peut décider de ce qui est bon pour lui, tenant compte de la situation qui est la sienne, des incitations qui lui sont présentées, de son intérêt. Si l’agent est acteur, l’activité est action décidée. La modélisation des activités et des processus ne peut plus faire l’économie de la décision déléguée, ni de son architecture, ni de sa dynamique locale. Cela nous invite, chaque fois que l’agir implique la délégation, à considérer que de l’incertitude peut être produite par les acteurs eux-mêmes qui vont décider tout autant qu’agir.
La théorie de l’agence, traits principaux (Eisenhardt, 1988, 989) et application au contrôle des processus
Traits principaux de la théorie de l’agence [10]
Traits principaux de la théorie de l’agence [10]
Application à la question du contrôle des processus
Application à la question du contrôle des processus
La théorie de l’agence, traits principaux (Eisenhardt, 1988, 989) et application au contrôle des processus
21L’asymétrie d’information, le fait pour un agent de posséder une information décisive exclusive (Milgrom, Roberts 1992) joue un rôle essentiel dans cette vision de l’action humaine organisée entre des spécialistes libres, décideurs, mais associés par des contrats. Une vision contractualiste et prudente (voire pessimiste) du monde des affaires pour laquelle il est essentiel de structurer précisément les délégations et leur mode de contrôle domine ici. Cette structuration impose d’abord une tentative de réduction de l’asymétrie informationnelle par la construction d’une vision commune des processus. Le cas interprété ici révèle l’acceptation tacite par le centre d’un degré d’asymétrie supportable, d’une situation d’agence en partie assumée. L’effort managérial de réduction de l’asymétrie n’est flagrant qu’en cas de conflit (encadré 1 citation 10) et l’opportunisme toléré en régime de croisière.
22Le modèle de gestion utilisé par le centre est un modèle incomplet qui ne retient que les éléments codifiés par certains acteurs et n’intègre pas les pratiques concrètes d’autres acteurs plus éloignés de la méta activité de gestion. Cette incomplétude, admise par les acteurs eux-mêmes et leurs conseils [11] semble résulter du jeu combiné de l’éloignement (entre activités du terrain et méta activités ) et du coût anticipé d’un affinement du modèle de gestion.
23L’observation du processus d’action (Anderson, Oliver 1987) qui apporterait au centre plus d’informations que la simple captation des résultats des efforts, est consommatrice en temps et en ressources. Elle comporte de plus un risque intrinsèque de dérive bureaucratique (encadré 1 citation 9) la mise en place d’une architecture de reporting-monitoring pouvant conduire à l’émergence de fonctions détachées de l’action et strictement focalisées sur la normalisation des comportements. Le suivi des actions engagées est rendu difficile par la nature foncièrement délocalisée de beaucoup d’entre elles. La distance entre le management et la livraison qui correspond à une plus grande proximité avec la clientèle, le temps passé hors les murs, l’accumulation de pratiques locales et d’informations spécifiques, font que le processus d’action des chauffeurs livreurs est en partie invisible pour certains acteurs. Cette « cécité » organisationnelle (Véran, 1998) qui agit comme un facteur aggravant de l’asymétrie informationnelle est coûteuse à combattre même si sa réduction semble impérative pour atteindre un bon niveau de coordination des efforts entre des agents dispersés et susceptibles d’opter pour un comportement déviant [12].
24Ce que relèvent certains travaux fidèles aux prémices de la théorie de l’agence (Eisenhardt, 1988,1989 Darmon, 1998) c’est que le degré de « programmabilité » (programmability) des processus, la possibilité de surveiller (monitorability) les comportements, l’évidence de la relation effort-résultat, la bonne définition du résultat attendu et l’importance des éléments contingents pouvant faire courir un risque de perte de revenu aux agents sont des variables déterminantes de design en matière de modèle de gestion des processus. Les mêmes travaux permettent de questionner une conception trop mécaniste du concept d’activité. L’activité perçue et prescrite est une interprétation datée, utile pour la décision de gestion et l’action, mais qui, dans un contexte d’asymétrie et de coordination non automatique ne peut être pensée que comme un point de vue particulier sur l’action. Le modèle de gestion qui codifie ce point de vue et qui peut être atomisé sur des supports variés est une mise en information incomplète par nature. Le degré d’incomplétude (Hart 1993) peut être réduit, et donc le risque d’agence, s’il est possible de substituer à un schéma humain d’interaction, un schéma donnant plus de part à une technologie programmable de production et moins de part au jeu des acteurs. Mais classiquement les acteurs anticipent sur les potentiels de réduction du jeu que portent les technologies. Ils en freinent en conséquence l’adoption ou tentent d’en réduire les effets.
1.2 – L’effort et le contrat, incomplétude des règles et liberté de décider
25Une deuxième interprétation du cas étudié peut être élaborée à partir des travaux de Leibenstein consacrés à : « l’efficience X » qui inspirèrent les auteurs du mouvement dit de l’économie des conventions (Batifoulier et al., 2001)
26L’idée de départ de Leibenstein qui anticipe sur la vision de la firme comme un lieu d’activation et de création de compétences (Stewart, 1997) est qu’une vision strictement « allocative » et normative ne peut permettre d’expliquer le niveau de performance atteint dans un périmètre d’action. Que celui ci soit décrit en termes de processus plus que d’entités n’enlève rien à la force de la proposition. Un facteur « X » d’efficience ou d’inefficience qui semble échapper à la statistique et à la comptabilité et d’une façon générale à la mesure semble être à l’œuvre qui détermine la performance atteinte dans un périmètre d’action. Il semble être un facteur fantôme doté de la capacité d’empêcher les combinaisons de ressources mesurables (heures de travail, volume de matière, équipements, trésorerie) de délivrer les outputs attendus. La relation inputs-outputs s’en trouve rendue incertaine et les mesures habituellement utilisées par les gestionnaires peu pertinentes ou plus difficiles à interpréter.
27Le concept d’efficience-X n’a évidemment de sens que tant que la performance dépend du bon déroulement des interactions entre agents productifs. Pour un artefact programmé, dont la fonction de production est parfaitement explicitée, qui ne participe à aucun jeu et n’économise pas ses efforts, la question est sans objet. Mais dès que l’on élargit la réflexion pour y inclure l’effort humain, transformé ou non par la machine (Zuboff, 1988) elle prend une importance incontestable.
28Deux aspects majeurs de l’argumentation d’Harvey Leibenstein en matière d’efficience ou d’inefficience X, l’incomplétude du contrat de travail et l’incomplète spécification de la fonction de production sont repris ici comme support de la seconde proposition d’interprétation du cas clinique.
1.2.1 – L’incomplétude du contrat
29L’argument de l’incomplétude du contrat de travail (Bazzoli, Kirat, Villeval, 1994) nous rappelle que ce qui est acheté par ce contrat ce sont des promesses de mise en œuvre d’une capacité dans un temps donné et non directement du travail et des efforts.
30Ces derniers restent à la discrétion des agents qui, libres de s’investir plus ou moins, de mobiliser avec plus ou moins d’enthousiasme leur talent et d’activer plus ou moins les savoirs dont ils sont porteurs déterminent largement le niveau de performance qui est atteint.
31C’est l’effort réel (Berthe, 2001) des agents qui importe, mais cet effort individuel n’est pas une marchandise dont on pourrait évaluer la qualité et la quantité au moment de la signature d’un contrat. Il faut se contenter des signaux émis par la contrepartie et des informations disponibles concernant les garanties offertes. Incertain au moment de la transaction qui l’attribue à un périmètre, l’effort est de plus difficilement [13] observable (Alchian, Demsetz, 1972, De Alessi, 1983) sauf peut-être dans des cas rares de co-présence permanente de tous les agents. L’effort est foncièrement incomplètement contrôlable sauf à spécialiser des surveillants coûteux et dont il faut être sûr qu’ils sont moins opportunistes que ceux qu’ils ont à surveiller. Le contrat de travail ne peut de surcroît comporter l’énoncé de toutes les situations à venir dans lesquelles des efforts seront à produire. Il ne peut en conséquence prévoir les quantités d’effort à produire dans chaque situation et il est conclu entre des parties qui ont conscience du caractère discrétionnaire de l’effort. Il comporte donc clairement une composante hiérarchique (Simon, 1951) qui cherche à remédier à son incomplétude en donnant à l’un des contractants la possibilité d’en appeler unilatéralement, selon les circonstances, aux efforts de l’autre. L’incomplétude du contrat de travail impose ainsi une certaine flexibilité qui est obtenue en confiant à l’employeur une option de mobilisation des efforts, option qu’il pourra exercer quant bon lui semblera.
32Les citations de l’encadré 1 illustrent à des degrés divers la question de l’incomplétude des contrats. Le périmètre et l’économie des processus sont transformés par les acteurs sans que le centre ne s’en doute. Le modèle de gestion qui semble valoir contrat pour les uns n’est qu’une référence souple pour les autres.
1.2.2 – L’incomplétude de la fonction de production
33L’argument de l’incomplète spécification de la fonction de production renvoie à toutes les situations où une incertitude irréductible est présente au cœur de l’organisation des processus.
34Il signifie que la liste des règles d’action, dans certaines circonstances, ne peut être donnée aux acteurs qui devront décider eux-mêmes de l’orientation à donner à leurs efforts.
35Si l’incomplétude du contrat résulte des effets combinés de l’incertitude du monde extérieur et de la liberté des acteurs dans la mobilisation de leurs efforts, l’incomplète spécification de la fonction de production résulte de la nature de certaines activités et des capacités limités de leurs concepteurs. Elle est cause d’une incertitude produite à l’intérieur même des processus.
36Cette incomplète spécification est évidente pour certaines activités de service à fort degré de contact avec la clientèle. Elle permet, c’est son bon coté, aux agents de s’adapter aux circonstances mais interdit de penser une relation simple de transformation des inputs en outputs. Des variations dans le niveau de performance sont donc prévisibles qui ne s’expliqueront pas par des variations de la dotation en facteurs. Les capacités d’observation et d’adaptation des agents sont déterminantes dans ce contexte ainsi que l’aptitude du management à les récompenser.
37L’incomplète spécification des processus de production signifie aussi que des décisions sont souvent à prendre au cœur de l’action qui influencent le niveau effectif de la performance. Répondre avec plus ou moins de zèle à une demande locale, corriger plus ou moins rapidement une erreur, ajuster son effort aux circonstances, sont des actions décidables sur l’instant et en situation qui illustrent le fait que la définition des processus d’action puisse et doive parfois être incomplète ex ante.
38L’incomplétude, des contrats et des règles de production, ne peut être évaluée qu’au niveau local, à la périphérie, par une investigation clinique [14] dont le but est de révéler les initiatives, les écarts, les jeux qui, au cœur de l’action, donnent une forme concrète aux processus et aux activités. À ce niveau, ce qui n’est pas strictement interdit comme aider un client ou s’engager à le rendre prioritaire (encadré 1 citations 1 et 5) ou qui n’est pas facilement vérifiable comme ici éviter un contrôle qualité ou créer un stock temporaire (encadré 1 citations 2 et 4) devient la variable d’un jeu. Ce jeu reste délimité par ce qui est strictement interdit, obligatoire ou facilement vérifiable, mais il se construit sous cette réserve à l’abri du regard des gestionnaires. Ces derniers sans croire à la perfection de leur modèle, reconduisent de façon routinière leurs évaluations les modérant parfois (encadré 1 citation 8) par un commentaire inspiré d’un écho venu du terrain, les reconsidérant (encadré 1 citation 10) à l’occasion d’une crise.
39Le jeu, qu’une lecture rapide des théories invoquées pourrait nous faire juger uniquement comme une déviance opportuniste (théorie de l’agence) ou une tentative pour économiser des efforts (théorie de l’efficience X) est une construction, un arrangement local qui peut être créateur de services. Les acteurs semblent vouloir profiter de leur liberté de fait pour entrer en collusion avec les destinataires, non pas toujours pour économiser leurs efforts mais pour parfois les employer différemment, selon un mode localement convenu. Stocker le colis de l’un chez l’autre, intervenir dans le processus du client, garantir un passage en tête de tournée, faire gagner du temps au client en court-circuitant un contrôle sont autant de façons de rendre service même si l’incomplétude du système d’évaluation ne permet au contrôle de gestion ni d’en rendre compte ni d’en apprécier l’intérêt. En même temps, l’arrangement inter-individuel est flagrant et le risque toujours présent de voir s’instaurer : « un flux d’affaires personnelles au cœur du business » [15] de l’entreprise. L’ambivalence de ces comportements, à la fois créateurs d’activités nouvelles et risqués rend plus difficile le management des processus. Au constat d’un décalage entre le modèle géré et les activités pratiquées vient s’ajouter un dilemme entre encouragement à l’enrichissement des processus et sanction des déviances risquées.
2 – Nouvelle définition des activités et modélisation de la décision
40Si les observations et les interprétations proposées en première partie ne prétendent pas régler la question de la bonne définition des activités et des processus, elles peuvent ouvrir la voie à une double discussion. La première est relative à l’importance à donner à l’analyse des comportements des acteurs dans le cadre d’un management par les activités, la deuxième concerne en conséquence ce que pourrait être une définition de l’activité intégrant un modèle plus réaliste de l’acteur. Au modèle de gestion formel qui permet le calcul et un contrôle incomplet mais utile faut-il adjoindre, au moins au niveau de la formulation théorique, une mise en situation des activités et des processus qui tienne compte des jeux des acteurs et qui puisse enrichir les diagnostic et les prescriptions ? La réponse à cette question et le choix pour une redéfinition plus ou moins radicale de l’activité dépendent de la conception adoptée en matière de modélisation de la décision.
41Les situations de jeu, en effet, peuvent se lire aussi bien comme des exercices de gestion individuelle des efforts que comme des cas d’activation d’un droit local à décider (decision right) même non formellement prescrit. Entre l’activité gérée et l’activité décidée localement (d’aider un client, de réduire un contrôle) il y a toute la différence que sous-entendent les concepts d’opérateurs et d’acteurs. Déjà la théorie de l’agence pose que l’individu, pensé dans un cadre contractualiste, est décideur du niveau de respect de ses engagements et de ses réactions aux imprévus. La théorie de l’efficience X, centrée sur les rapports entre la performance d’ensemble et les utilités individuelles, porte l’accent sur la décision de mobiliser plus ou moins ses forces et ses compétences. Dans les deux cas, l’activité concrète tant en matière de périmètre (ce qui est fait et ce qui n’est pas fait) que d’intensité (ce qui est engagé comme effort) est décidée. Les décisions concernées, qui peuvent être ponctuellement minuscules (ouvrir un colis, préparer des étiquettes) en terme de ressources engagées ou économisées, finissent en se répétant par constituer les régularités d’un jeu. Les déclarations 1 à 6 de l’encadré 1 sont toutes relatives à de telles régularités.
42Mais les décisions locales et donc les jeux sont contraints. Chacun connaît une partie des règles et sait jusqu’où aller ou ne pas aller. Les pratiques des acteurs rencontrés sont permises et même peut être rendues nécessaires par un cadre d’action (des processus et des activités) qui leur parait autoriser des jeux (encadré 1, cadre a) tout en donnant (encadré 1, cadre b) un cadre de référence. C’est parce qu’ils sont conscients des risques de rupture que les acteurs en charge du processus encadrent leurs jeux (Veran, 2003) par des conventions qui les limitent. Le jeu sur l’activité (ou dans l’activité) n’est joué qu’avec quelques partenaires (encadré 1, citations 5 et 6) rigoureusement sélectionnés. Le jeu ensuite ne se joue que dans une opacité habilement entretenue par la production des informations justes nécessaires au renforcement du modèle formel de gestion.
43Cela signifie qu’à tout moment les acteurs peuvent rentrer dans le rang et démontrer qu’ils savent interpréter la partition formelle qui leur est proposée. Ils sont ainsi capables de jouer un jeu et d’afficher les informations nécessaires à l’évaluation d’un autre. En respectant les impératifs de collecte (une signature numérique horodatée par exemple) les chauffeurs livreurs permettent au système formel de produire les informations de gestion nécessaires au renforcement de la partie correspondante (tracking des marchandises) du modèle géré.
44Le jeu enfin est encadré afin de conserver une option de retour à la norme. Si des activités différentes sont bien pratiquées, la différence n’interdit pas un retour rapide au cadre de référence si les agent y sont contraints.
2.1 – La décision, de la délégation au jeu
45Dans le périmètre étudié, apparaissent des activités pratiquées-non gérées et des activités gérées-non pratiquées, une condition déterminante de ces émergences positives ou négatives semble être toujours la distance avec le centre contrôleur et l’asymétrie informationnelle en résultant. Du fait de cette distance et de cette asymétrie, la valeur créée pour le client peut avoir d’autres causes et être d’une autre nature (encadré 1, citation 8) que celles affichées par le modèle de gestion. Cela vient relativiser la conception des processus et la création de valeur comme simplement conditionnés par la technologie et le modèle formel de gestion. L’hypothèse d’une valeur créée ou détruite du fait de l’opportunisme des acteurs ne peut être exclue. Autrement formulé, si un acteur interprétant son périmètre d’action considère qu’il incorpore un droit à décider et réitère des initiatives qui fidélisent ou dissuadent un client, un processus se structure en dehors du modèle formel qui ne fournit plus alors un cadre suffisant pour analyser la création de valeur. Des options ou des opportunités de création de valeur sont ainsi repérables par le chercheur ou le consultant qui ne sont ni nécessairement activées ni nécessairement prises en compte par le centre lorsque activées.
46Mais l’entreprise peut décider de valoriser une activité jusque là non reconnue, de reconsidérer le statut décisionnel de l’individu en charge d’une activité, d’enrichir en conséquence le modèle formel utilisé pour gérer les processus.
47Cette forme d’apprentissage peut comme ici subvenir après une crise (encadré 1, citation 10) ou résulter d’une démarche plus structurée de reconception du modèle formel. Dans le cas étudié, suite à une grave affaire de coulage, les procédures de contrôle sont revues et l’on profite de l’occasion pour essayer de valoriser certaines pratiques d’assistance au destinataire. Le gestionnaire relève des informations nouvelles, modifie les règles d’évaluation des chauffeurs livreurs et crée de nouveaux objets de gestion correspondant aux nouvelles activités considérées par le modèle [16].
48Ce dernier point est assez généralement observable. Lorsqu’une activité nouvelle est reconnue comme créatrice de valeur ou plus simplement comme devant faire partie d’un périmètre piloté, sa prise en compte s’accompagne de la désignation de nouveaux objets de gestion.
49Le résultat d’une activité reconnue (qu’elle soit productive ou contre productive comme une attente) doit être désigné et exister comme objet au sein du système d’information de gestion. Alors l’activité est formellement gérable parce que ce qu’elle produit (même de négatif ) rentre dans le modèle de gestion de l’entreprise.
50Une entreprise traditionnelle dans le monde du transport de marchandises met en œuvre un processus central (principal) qu’il est possible de schématiser par une séquence logique : réception d’un ordre, mise en place des moyens, prestation. Si chaque étape de cette séquence est une activité, c’est bien que sont reconnues les productions : « ordres reçus, moyens réservés, colis chargés, colis livrés » mais des productions peuvent exister sans être reconnues (pas de gestion des colis ouverts) ou exister et être reconnues, désignées et valorisées.
51Mais d’un point de vue gestionnaire il reste possible de désigner les colis ouverts déballés, de les traiter comme des objets de gestion et de valoriser les activités correspondantes.
52Des productions et des activités peuvent ainsi n’exister que potentiellement, sans être réalisées. Les processus existants peuvent de ce fait n’être eux-mêmes que des agencements particuliers, d’autres processus étant virtuellement possibles. L’affinement du système d’information de gestion, la construction d’un modèle moins sommaire d’évaluation de la performance, afin de faire croître le niveau du contrôle, semble donc passer par l’analyse de l’organisation concrète et des jeux des acteurs sur les activités retenues.
53Le repérage de ce que l’on peut appeler le champ décisionnel des acteurs c’est à dire de 1’ensemble des variables sur lesquelles tel ou tel individu peut à un moment donné dans un processus exercer un pouvoir de prise de décision fait partie de ce travail d’identification du cadre du jeu. Le déroulement des activités est conditionné par le comportement des acteurs et par les décisions que ceux-ci peuvent prendre. Sur un processus, cela peut vouloir dire, par exemple, qu’une activité est retardée parce qu’un acteur en amont a jugé nécessaire de parfaire une activité préparatoire. D’un processus à l’autre, cela peut vouloir dire, par exemple, qu’une activité est accélérée parce que certains acteurs polyvalents ont décidé de se porter momentanément sur elle. L’observation de l’aptitude des personnels à se coordonner au sein d’un processus, et éventuellement d’un processus à l’autre devient l’observation d’une compétence décisionnelle. Dans une interprétation stricte (Jensen 1998) du concept de « decision right » la délégation par un principal d’un pouvoir de prise de décision qui sans cela reste dans les mains des propriétaires des ressources, doit précéder et encadrer la décision de l’agent. Dans une approche plus ouverte, moins centrée sur les droits de propriété et tenant compte des jeux locaux, le champ décisionnel sera approché sans hypothèse de parfaite pré-construction par un principal et l’activité considérée pour partie comme ce que des acteurs non-propriétaires décident d’en faire. A la marge, sans détruire le jeu, ces acteurs font preuve d’une certaine compétence en intégrant les exigences non prévues de certains partenaires et en négociant des conditions spécifiques de réalisation des activités qui leurs sont dévolues.
54Il en va de même pour la question de la coordination. Les acteurs, au cœur de l’action, décident de se coordonner ou, au contraire, en privilégiant une vision étroite de leur métier, génèrent des problèmes (Rummler, Brache, 1990) de non-coordination. Dans cette vision, l’activité est une émergence potentielle et l’on ne peut, la concernant, séparer analyse des opérations et analyse des décisions. Les capacités qui sont mobilisées sur un processus sont autant des capacités à traiter de l’information et à décider que des capacités d’action au sens habituel du terme. Reconnaître un écart entre le prescrit et le réalisé c’est accepter l’idée qu’une valeur puisse être créée, altérée ou détruite par opportunisme, par l’exercice d’une capacité de prise de décision qui n’était pas formellement déléguée. C’est aussi accepter l’idée que le modèle de gestion puisse être incomplet et puisse bénéficier dans ses évolutions de la reconnaissance de bonnes et de mauvaises pratiques. Un audit régulier des stratégies locales devient impératif.
2.2 – L’activité comme production comportementale
55D’un strict point de vue formel, les activités gérées, une fois définies par le centre ne subissent que les contraintes générées par la rareté des ressources, la limitation des capacités humaines, la plus ou moins bonne coordination intra et inter processus. Chaque activité est cadrée par des règles propres, les capacités des outils qu’elle utilise spécifiquement, l’état de la division du travail et de la délégation des décisions. Ce modèle formel se nourrit et alimente des régularités qui constituent les processus les plus routiniers, traiter une commande, réagir à une réclamation, suivre un dossier. La réalisation régulière d’une même production, un schéma opérationnel stabilisé (consommation des ressources, intervention des personnels), une situation figée (dans le temps et l’espace) permettent d’insérer une activité dans le modèle formel de gestion. Ce modèle qui, comme le cas étudié le montre, s’actualise sur des supports divers, désigne et délimite les activités et les processus que l’entreprise a décider de gérer.
56Le diagnostic des activités ainsi mises en avant peut porter sur la compatibilité des objectifs ( volume, et qualité par exemple), sur le comportement des acteurs, sur les capacités utilisées, sur la pertinence des indicateurs de mesure de performance. Activité à réalisation certaine, activité programmable, activité répétitive, activité à réalisation aléatoire cohabitent et le modèle de gestion les désigne avec plus ou moins de précision.
57Au sein d’un processus particulier une question cruciale sera celle de la cohabitation d’activités de types différents. Les activités à réalisation certaine parce que fortement contrôlées (un événement déclencheur débouchant toujours sur le lancement d’une production) devront être coordonnées aux activités à réalisation plus aléatoires, les activités à rythme lent aux activités à rythme rapide, les activités répétitives aux activités exceptionnelles. Même si l’un des objectifs affichés de l’organisation des processus est de créer de la certitude et de la synchronisation, il est difficile d’imaginer pouvoir aligner toutes les activités sur un même modèle. Si le client d’un restaurant doit être certainement servi, des aléas subsistent au niveau des approvisionnements quotidiens, des différences de rythme sont visibles entre la salle et la cuisine, l’exceptionnel et l’ordinaire cohabitent d’une table à l’autre.
58L’aléa organisationnel permis par l’incomplétude des contrats et la définition partielle des fonctions de production, fait que le modèle formel est contesté (encadré 1, citations 7 à 10) par les micro décisions des acteurs en situation d’interagir avec leurs partenaires. Cette remise en question peut gommer la séparation formelle des activités (entre chaîne de valeur de l’entreprise et chaîne de valeur du client par exemple) et revisiter l’économie (la structure) même de certaines d’entre elles. Ce droit à décider que s’arrogent les acteurs bien qu’ici prudemment exercé, peut conduire à des dérives d’autonomisation et de non-coordination préjudiciables à la performance globale. Des répétitions injustifiées d’activités peuvent exister sur certains processus (dépose du colis d’un client chez un autre suivi d’une récupération entraînant un détour) des contrôles qualités être sacrifiés, des arrangements passés sans que l’on ne puisse en prévoir toutes les conséquences [17].
59Mais, le cas observé le montre, des opportunités nouvelles de création de valeurs peuvent être décelées aux marges du modèle formel retenu pour décrire un métier. L’aléa organisationnel peut produire un effet d’aubaine si, par un effort particulier de réduction d’asymétrie certains acteurs (ici un consultant) les présente au management comme des progrès possibles. Cela signifie que si l’on ne peut, dans bien des cas, pour la raison déjà évoquée de l’incomplète spécification de la fonction de production espérer reconstituer dans le détail les processus concret de création de valeur il reste possible de repérer certaines émergences et de les insérer au sein du modèle formel de gestion.
60Mais il est important pour ce faire d’adopter une posture de recherche permanente des activités invisibles, des décisions opportunistes et parfois opportunes, des arrangements locaux qui pourraient d e venir règles communes. Les valeurs non reconnues, les services non facturés aux clients ou pour d’autres partenaires les prestations sans contre partie laissent augurer des évolutions possibles du modèle de gestion dans le sens d’une réduction du déficit organisationnel interne ou externe. La production par exemple au sein d’une activité de réception et contrôle des factures d’une production : « factures classées et validées », la production par une activité de paiement des factures d’une production: « règlements justifiés » peuvent avoir une valeur pour un fournisseur qui souhaiterait mettre de l’ordre dans le suivi de ses créances. Un client a ainsi des activités créatrices de valeurs (informations pertinentes) à proposer à ses fournisseurs en situation de déficit organisationnel sur la fonction gestion des créances.
61Sans généraliser trop hâtivement, il est possible d’imaginer pouvoir repérer au niveau de chaque point de contact avec un partenaire des déficits dans l’organisation et la gestion de la relation susceptibles d’être comblés par la valorisation de la production de certaines activités même non prises en charge jusque là. Ce travail de repérage des opportunités émergentes de création de valeurs ne peut être conduit qu’en dépassant l’analyse du modèle formel de gestion des processus. Si ce modèle informe des choix principaux réalisés en matière de séparation, de périmètre et d’économie des activités il ne dit que partiellement ce qui est décidé au jour le jour et qui se constitue en régularités invisibles depuis le centre.
62Une régularité dans le comportement d’un acteur (toujours respecter par exemple les promesses faites à un partenaire) qui ne contrecarre pas la logique d’ensemble d’un processus peut rester longtemps invisible. Elle est cependant probablement solidaire d’un élément de la chaîne de valeur d’un partenaire et signale un accord local qui peut impliquer plus de deux acteurs. Laisser : « le colis de Pierre chez Paul » (encadré 1 citation 2) procure un avantage à Pierre et l’engage vis à vis de Paul et du chauffeur livreur de l’entreprise. Elle implique ainsi, bien que non présente dans le modèle formel du centre, des ressources et des efforts au nom d’une logique économique (une rationalité) que les acteurs savent défendre. Elle oblige les acteurs à une certaine régularité de comportement, créateur de confiance (Orléan 1994) tout autant que le respect des règles formelles qui régissent le processus concerné.
Conclusion
63Un cadre de référence conceptuel (Ecosip, 1999) s’est construit autour du triplet : « processus activité ressources » qui a vocation à fournir un socle sémantique partagé par les gestionnaires et les organisateurs. Ce socle formel incorpore deux conventions majeures qui donnent aux outils de gestion construits à partir de lui une autorité certaine dans leur rôle de soutien à la prise de décision. La première est une convention de bonne représentation du réel qui crédibilise les prescriptions en produisant des mesures et des calculs acceptés par leurs destinataires [18]. La deuxième est une convention de contrôle complet de l’action qui rassure le management en affirmant que les décisions prises par les agents entrent toutes dans le cadre d’une délégation initiée par un principal. Cette vision des organisations et de la coordination des acteurs qui se constitue en modèle et inspire la création de nombres de formes, bordereaux, tableaux de bord, graphes de processus et autres protocoles de contrôle, évacue par construction l’incertitude due aux comportements des agents et à l’incomplète définition des fonctions de production. Si conventions (Reynaud 1997) il y a cependant c’est bien parce que les acteurs, les mêmes qui localement jouent avec les règles formelles et produisent de l’incertitude, acceptent de cantonner leurs jeux dans le cadre proposé par le management. Le modèle formel peut donc être à la fois renforcé par les acteurs qui produisent les informations nécessaires à sa bonne alimentation et quotidiennement contredit par la mise en œuvre de décisions à nul moment déléguées.
64À une stricte orthodoxie (Jensen 1998) pour laquelle un agent ne fait que recevoir des délégations inaliénables par lui de droits à décider, l’observation du terrain oblige à ajouter un concept de décisions émergentes ou opportunistes. Ces dernières ne sont pas le fruit du démembrement par un principal d’un droit de propriété. Elles résultent d’arrangements locaux, de la captation d’opportunités dans un cadre de contrôle incomplet et d’asymétrie d’information. Dans le cas observé les acteurs redéfinissent ainsi les activités et les champs décisionnels les concernant. Si l’hypothèse de non-aliénabilité n’est pas remise en cause, le périmètre et l’économie des activités peut l’être. Des décisions de faire des choses imprévues et de ne pas faire des choses prévues apparaissent sans délégation préalable. Un modèle de l’activité comme espace d’activation par les acteurs d’opportunités de création et de destruction de valeur se dessine. Ce modèle peut venir compléter le modèle formel de calcul et de contrôle et fournir au management un cadre théorique qui puisse inclure une dimension comportementale.
Annexe 1 - Situation de l’entreprise
65L’activité principale de l’entreprise (90% de son chiffre d’affaires) consiste à affréter des camions pour le compte de clients (les destinataires le plus souvent) acheteurs de produits frais (fruits et légumes) auprès de producteurs et expéditeurs (conditionneurs) situés dans la partie sud du Vaucluse. Au total l’entreprise emploie 35 personnes dont 24 sur l’activité de commissionnaire. Les clients sont essentiellement des centrales d’achat et des grossistes de l’Ouest de la France (Pays de Loire, Sarthe, Bretagne, Côtes d’Armor, etc.) que l’entreprise livre quotidiennement et ce, le lendemain de la réception effective de l’ordre d’enlèvement.
66Le plus souvent, les producteurs et expéditeurs font livrer sur un site de groupage (l’intérêt de l’entreprise étant de voir un transport quitter ce site plein) mais il arrive aussi parfois que la marchandise soit enlevée sur le parcours. Des « agents d’exploitation » sont chargés d’optimiser et d’organiser le remplissage des transports en coordonnant les ordres des clients et les offres des transporteurs. Sous traitant de façon croissante l’opération de transport, l’entreprise est de plus en plus attentive à la qualité des prestations et est en passe d’être certifiée ISO 9002.
67Le secteur du transport des produits frais et des produits alimentaires au sein duquel opère l’entreprise a évolué sous l’effet de plusieurs facteurs.
- La maîtrise de la logistique par les centrales d’Achats de la grande distribution est le plus évident de ces facteurs. La mise en place de plates-formes à gestion directe ou déléguée est un moyen pour les grands de la distribution de maîtriser la partie aval (plate-forme, point de vente) de la chaîne logistique. Les opérateurs du transport se voient confier un rôle de « regroupeurs » en amont des plates-formes et ont ainsi à gérer une multitude des relations avec les producteurs et les expéditeurs.
- La mise en place du « contrat de progrès » entre les partenaires de la filière, la redéfinition et l’organisation des temps d’activité des chauffeurs (temps de conduite, temps de service, temps de repos) est un impératif pour tous les membres de la profession. Cet impératif s’est surajouté à une forte concurrence qui n’a pas permis d’en répercuter les effets au niveau des prix des prestations de transport.
- La croissance en technicité du métier sous le double impact de « l’interdiction de rupture » de la chaîne du froid qui a généré pour l’entreprise des investissements importants et de la généralisation de l’usage de l’informatique tant en matière administrative que logistique. Le transport devenant une activité « intelligente » (rôle croissant de l’informatique embarquée, bourses de frets télématiques, etc.) et une activité responsabilisante (respect de l’intégrité des produits) l’entreprise doit faire évoluer les hommes et les structures.
Annexe 2 - Protocole de la recherche
68Durant onze mois (septembre 2001 à juillet 2002) le chercheur a accompagné sept fois un consultant en organisation chargé par le directeur général de réaliser un diagnostic relatif aux systèmes d’informations de gestion de l’entreprise. Dans un premier temps, sans rencontrer de façon formelle les acteurs, le chercheur a réuni les éléments supports du modèle de gestion de l’entreprise : manuels de procédure des agents d’exploitation, feuilles de calculs du contrôle de gestion, tableau de bord de la direction générale, feuilles de route et liasses de documents rapportés par les chauffeurs livreurs. Dans les cinq derniers mois le chercheur a réalisé sur le terrain des observations passives (dont plusieurs voyages en accompagnement des chauffeurs) s’en tenant à un code de conduite négocié avec la direction et deux des membres les plus influents du personnel. En parallèle de ces observations le chercheur a participé en compagnie du consultant en charge du dossier à 13 entretiens [19] (dont 9 enregistrés) non directifs (7 chauffeurs livreurs, 4 agents d’exploitation, 2 cadres administratifs) d’une durée moyenne de 90 minutes. Les enregistrements de ces entretiens ont été mis à disposition du chercheur par le consultant durant deux mois avec une autorisation complète d’exploitation sous réserve de confidentialité.
69L’encadré 1 reprend des extraits des entretiens avec les chauffeurs livreurs et les cadres administratifs. Les entretiens avec les agents d’exploitation, à leur demande, n’ont pas été enregistrés. Leur position clef d’intermédiaire entre la direction et le terrain, et leur rôle de contrôleur des opérations expliquent de notre point de vue largement ce refus.
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Mots-clés éditeurs : processus, décision, asymétrie, contrôle
Mise en ligne 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/cca.121.0065Notes
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[1]
Au double sens d’activité pouvant superviser et définir des activités.
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[2]
Littérature produite par des cabinets qui promettent à leurs clients une plus grande maîtrise des activités.
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[3]
Qui est plus sèchement formulé, une négation de l’acteur.
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[4]
Pour une présentation complète des aspects théoriques évoqués, voir Jensen, 1998 et Milgrom et Roberts, 1992.
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[5]
Le commissionnaire ici observé, reçoit un ordre d’enlèvement pouvant provenir du destin a taire (le plus souvent) ou de l’expéditeur.
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[6]
Le contrat de progrès qui définit l’organisation des temps d’activité des chauffeurs (temps de conduite, temps de service, temps de repos) est un impératif légal en France pour tous les membres de la profession.
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[7]
En cas de contestation à la livraison par exemple, le client peut opter, dans certains cas, pour un refus total ou partiel de la marchandise et les activités à réaliser dans chaque cas sont prévues par le manuel.
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[8]
L’expression imagée : « au cul du camion » sert à délimiter le périmètre d’action des uns et des autres.
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[9]
L’agent de la théorie de l’agence est un acteur, libre, décidant de ses actes et calculateur.
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[10]
Autrement formulé, il s’agit d’œuvrer à réduire l’incertitude, à formaliser les tâches, à employer au mieux les technologies, à travailler donc le cadre de l’action en étendant le domaine du décidable pour contrer les risques locaux de déviance.
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[11]
De fréquentes discussions tripartites : entreprise, consultant, chercheur, portèrent sur l’inévitable compromis à trouver dans la représentation des processus.
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[12]
Le lecteur reconnaîtra ici une occurrence de la situation dite du « dilemme du prisonnier » dans laquelle un élément d’opacité (la distance, l’absence, la complicité avec un tiers) encourage les comportements déviants et conduit à l’émergence d’un équilibre sous-optimal. Voir sur la question : Schmidt 2001 ; Axelrod, 1992 ou Leibenstein, 1982.
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[13]
L’argumentation d’Alchian et Demsetz est construite sur les difficiles séparation et évaluation des contributions individuelles dans un travail d’équipe (Alchian et Demsetz, 1976)
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[14]
Sans s’illusionner sur les capacités que pourrait avoir le chercheur et que n’aurait pas le management de l’entreprise étudiée.
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[15]
Nous reprenons l’expression du consultant avec lequel nous avons analysé le cas. Dans le cabinet auquel il appartenait l’expression : « business in the business » avait également cours pour évoquer ce type de risque. Les professionnels de l’audit bancaire utilisant l’expression : « bank in the bank ».
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[16]
L’activité d’assistance (aux destinataires) apparaît, l’objet de gestion : « colis débarqué, ouvert, vérifié » est créé, l’information permettant l’évaluation de cette nouvelle activité est collectée.
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[17]
La promesse faite à un client (encadré 1, citation 1) d’être en tête de tournée le lendemain peut, à la surprise des agents d’exploitation venir bouleverser le planning établi au centre pour le même jour.
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[18]
Et ce d’autant plus qu’ils sont souvent eux-mêmes les émetteurs de ces mesures ou calculs.
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[19]
Ces entretiens conduits par le consultant avaient pour objectif d’évaluer la pertinence des systèmes d’information de gestion et leur compatibilité avec le travail des opérateurs logistiques.