Notes
-
[1]
Cf. Degos (1998), p. 95-96 ; Colasse et Durand (1994), p. 45-46 ; Pinceloup (1993), p. 95-86, 122, 177 ; Vlaemminck (1956), p. 198-207.
-
[2]
Cf. Marques de Almeida et da Conceição da Costa Marques, 1999 et 2003, à propos du Portugal.
-
[3]
Est aussi parfois mentionné Le Bilan explicite. Les titres exacts de ces ouvrages sont donnés en bibliographie (respectivement 1914, 1925, 1933b, 1927b).
-
[4]
C’est ainsi qu’il le raconte lui-même (cf. 1927b).
-
[5]
Les indications qui suivent puisent aux ouvrages de Pinceloup (1993) et de Degos (1998).
-
[6]
Cf. Touchard et al. (2002), Kuisel (1984) et Jonas (1991).
-
[7]
Cet ouvrage est la référence des écrits suivants, qui en constituent des extraits ou des dérivés : 1923a, 1923b, 1928b, 1932, 1933d, e, f, j, h et k, 1934b, d et f.
-
[8]
Cet ouvrage est la référence des écrits suivants, qui en constituent des extraits ou des dérivés : 1933i, 1934e ; 1928a, 1933c et 1934g.
-
[9]
Cet ouvrage est la référence des écrits suivants, qui en constituent des extraits ou des dérivés : 1933b, 1948, 1921-1922, 1926, 1928c,1931-1932a, 1931-1932b et 1934c.
-
[10]
Dumarchey (1927b), p. 5.
-
[11]
Dumarchey (1927b), p. 5.
-
[12]
Dumarchey (1927b), p. 6 à 8.
-
[13]
Ce que remarque, à son époque, Penglaou (1929), p. 13, note 5.
-
[14]
Préface d’Alfred Berran à Dumarchey (1934e).
-
[15]
Dumarchey (1933c), p. 131-133.
-
[16]
Dumarchey (1914), p. 100 ; Dumarchey (1925), p. 3. D’unités de valeur, c’est-à-dire de produits, biens susceptibles de concourir à la satisfaction d’un besoin humain.
-
[17]
Dumarchey (1925), p. 3.
-
[18]
Dumarchey (1925), p. 40-43.
-
[19]
Dumarchey (1925), p. 34-39.
-
[20]
Dumarchey (1925), p. 21. On retrouve l’analyse juridique « statique » en faveur des créanciers : Richard, 2001.
-
[21]
Dumarchey (1927b), p. 4. L’analyse critique de cet ouvrage de Léautey dans (1914), p. 32-48, éclaire ce paragraphe.
-
[22]
Dumarchey (1933b), p. 6.
-
[23]
Dumarchey (1933b), p. 20.
-
[24]
Dumarchey (1933b), p. 20.
-
[25]
Dumarchey (1933b), p. 20.
-
[26]
Dumarchey (1925), p. 326-327 (tableau de ventilation nature/process), p. 340 (tableau des pertes et profits) et p. 341 (citation).
-
[27]
Dumarchey (1935-1936), 1936, n° 90, avril, p. 216.
-
[28]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 263.
-
[29]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 264.
-
[30]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 264.
-
[31]
Les années trente sont, dit-on, le temps des replis corporatistes et des propositions de plans économiques. Ces dernières, d’origines diverses, seraient, au moins en apparence, fondées sur la volonté de bâtir l’ordre économique sur un équilibre rationnel et maîtrisé par les hommes au travers de mécanismes institutionnalisés, peu compatible avec la perspective libérale. Parmi ces plans, certains émanent de membres du X-Crise, tel Auguste Detœuf ; d’autres, à gauche, viennent des acteurs dominants de la CGT ou des néo-socialistes, dont Marcel Déat. Les projets de plans de ces derniers reflètent ceux élaborés par les mouvements socialistes, avec un certain opportunisme qui a conduit à ce que leur « plan français », présenté en 1935, soit qualifié de « charlatanisme » (Kuisel, 1984, p. 203).
-
[32]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 265.
-
[33]
Dumarchey (1935-1936), 1936, n° 87, mars, p. 90.
-
[34]
Paul Otlet, membre de la Société académique de comptabilité de Belgique, a exprimé dans les années vingt l’idée similaire que la comptabilité devait contribuer à dresser un « bilan mondial », cf. Forrester (1996). Je tiens à remercier le rapporteur pour les Xe Journées d’histoire de la comptabilité et du management qui m’a indiqué cette piste de réflexion.
-
[35]
Dumarchey (1934-1935), 1935, n° 78, juin, p. 171.
-
[36]
Cf., en 1927, la présentation de Dumarchey publiée par Experta, n° 28, janvier, p. 2 ; et, en 1946, sa nécrologie publiée par La Comptabilité et les Affaires et reproduite ci-après en conclusion.
-
[37]
Les écrits utilisés pour cette cartographie sont les suivants : Barthès (1930), qui ne se démarque pas de Penglaou (1929) ; Bournisien (1919) ; Dalsace (1930) ; Delaporte (1934, 1935, 1936) ; Demur (1930), ouvrage pédagogique ; de Fages de Latour (1926) ; Faure (1921) ; Gomberg (1930) ; Lefort (1929, 1934, 1941) ; Mariman (1921, 1929), historien de la comptabilité ; Monloup-Robert (1932-1933), directeur de l’ESC de Lyon et ancien directeur de La Tribune comptable ; Moulinier (1933), critique ponctuel des doctrines positives ; Moutault, cité comme « disciple » de Dumarchey par Lefort (1941) ; Penglaou, (1924, 1927-1928, 1929, p. 13-16) ; Pradès (1941), apôtre « du droit et du bon sens » ; Retail (1929) ; Royot (1936) ; Trinquier (1930).
-
[38]
Delaporte (1930), p. 371.
-
[39]
Dumarchey (1933c), n° 54, juin, p. 131-133.
-
[40]
Cf. in Dumarchey (1933b), p. 86.
-
[41]
Dumarchey (1933b), p. 48-49.
-
[42]
Cf. Dalsace (1930), p. 77-78.
-
[43]
Cf. respectivement Bulletin CCC, 1932, n° 76, janvier, p. 1395-1397 ; Experta, 1935, n° 133, octobre, p. 497.
-
[44]
Delaporte (1936), p. 501.
-
[45]
Delaporte (1930), p. 371.
-
[46]
Gomberg (1930), p. 552 et 558. Les renvois à son œuvre visent son livre : (1929), Histoire critique de la théorie des comptes, Genève. De Dumarchey, il cite La Théorie positive de la comptabilité.
-
[47]
Vlaemminck (1956), p. 199.
-
[48]
Intervention lors de la conférence de Penglaou à la CCC, cf. Penglaou (1927-1928), p. 426 ; puis Delaporte qui mentionnait encore Dumarchey in (1930, p. 371), ne le cite plus. Cf. son propos rapporté, tiré de (1936, p. 501), à rapprocher de Dumarchey (1934b).
-
[49]
Penglaou (1929), p. 14.
-
[50]
Penglaou (1929), p.16.
-
[51]
Penglaou (1929), p. 20.
-
[52]
Dumarchey (1934b), p. 73.
-
[53]
Dumarchey (1934b), p. 48-49.
-
[54]
Cf. Colasse et Durand (1994), p. 46.
-
[55]
Préface d’Alfred Berran à Dumarchey (1934e).
-
[56]
Delaporte (1936), p. 501.
-
[57]
Penglaou (1929), p. 36, note 1, et (1927-28), p. 438.
-
[58]
cf. respectivement, Bulletin CCC, 1932 : n° 76, janvier, p. 1395-1397 ; n° 77, février, p. 1413-1414.
-
[59]
Dumarchey (1934b), p. 73.
-
[60]
On doit par ailleurs remarquer que Dumarchey connaissait bien son temps : outre ses analyses économiques et sociales, il a en effet fait référence, dans la conclusion de La Théorie positive de la comptabilité, au rôle sociologique de celle-ci, propos qui se démarque de la vision positiviste à la Auguste Comte. Il considérait d’ailleurs que la comptabilité appartenait aux sciences sociales et non aux mathématiques, l’arithmétique n’étant qu’un moyen, à l’instar de l’arpentage qui use de la géométrie au service de la géologie (1914, p. 50).
-
[61]
Cette technicité n’épuise pas l’analyse : cf. Zimnovitch (1997), Bouquin (1995), Lemarchand et Le Roy (2000) à propos des enjeux concurrentiels du phénomène de normalisation comptable alors en cours.
-
[62]
Penglaou (1929), p. 20.
-
[63]
Traploir G. (1937), Résumés bibliographiques relatifs au prix de revient, PR 55, Cégos, sd (circa 1937), p. 46. AN 72 AS 2061. Je tiens à remercier vivement le professeur Lemarchand, à qui je dois cette information exclusive.
-
[64]
Il avait, il est vrai, exprimé que le niveau supérieur du bilan, résultant de sa démonstration, appartenait au pouvoir économique, expression logique d’une comptabilité de la valeur. Jean Fourastié, dont l’influence sur les premiers plans comptables français est connue (cf. Degos, 1997), a souligné l’importante contribution des idées de Dumarchey « aux progrès de l’art comptable » (cf. Vlaemminck [1956], p. 205).
-
[65]
La Comptabilité et les Affaires, 1946, n° 324, décembre, p. 373.
-
[66]
Cf. Vlaemminck (1956), p. 207.
1L’œuvre de Jean Dumarchey (1874-1946) a marqué son temps, et même le nôtre, ainsi que le révèlent les études comptables historiques de ces dernières décennies qui lui consacrent plusieurs pages, habituellement flatteuses, aux côtés de Léautey, Faure, Delaporte et Penglaou [1]. On rappelle également qu’il a inspiré l’un des grands économistes de la comptabilité de l’après-guerre, Jean Fourastié, auteur d’un « Que sais-je ? » sur la comptabilité toujours édité depuis sa première parution de 1943 (cf. Degos, 1997). Des chercheurs étrangers soulignent par ailleurs son influence internationale [2].
2Dumarchey est ainsi présenté comme un mathématicien de la comptabilité, ayant cherché à bâtir un système comptable, connu sous le nom de « Situation nette », inspiré à la fois par les travaux des économistes (J.-B. Say notamment) et la méthode mathématique.
3Ces analyses sont habituellement exposées en référence à ses trois ouvrages publiés dans la première moitié du xxe siècle : La Théorie positive de la comptabilité, La Comptabilité moderne et La Théorie scientifique du prix de revient [3]. L’œuvre de Dumarchey ne se limite pourtant pas à ces trois ouvrages ; il a en effet signé près d’une quarantaine de séries d’articles dans ces revues notables qu’étaient alors Experta, La Comptabilité et les affaires, La Tribune comptable.
4L’étude de son œuvre révèle que Dumarchey s’est préoccupé de la finalité de la comptabilité et de l’économie tout au long de ses travaux. Celui qui se destinait à l’enseignement supérieur et qui découvrit la comptabilité au hasard d’une reconversion salvatrice [4] résolut d’appliquer avec énergie la méthode positiviste des sciences naturelles à la compréhension de la discipline comptable. Ces travaux le conduisirent à affirmer que la comptabilité avait une finalité de laquelle devait découler toute son organisation : le contrôle de la valeur économique de l’entreprise, au sens de la maîtrise de l’information financière requise pour la présentation de la consistance et des variations de son patrimoine d’« utilités » (biens économiques). Cette visée patrimoniale, cette approche méthodique le mettaient en rupture avec les approches personnalistes alors dominantes, qui concevaient l’entreprise comme un lieu de relation entre personnes responsables (Colasse, 2000) et tendaient à en ignorer l’économie.
5L’essentiel de l’œuvre de Jean Dumarchey se situe dans l’entre-deux-guerres, à la suite de la publication en 1914 du premier de ses ouvrages, La Théorie positive de la comptabilité. À cette époque, la comptabilité s’apprend au travers des ouvrages de Degranges, Léautey et Guilbault, Deplanque, Lefebvre ou Faure [5]. Quelques associations professionnelles cherchent à unifier les comptables et à organiser leurs pratiques, avec un succès encore limité : l’Association des comptables de la Seine créée en 1847 ; la Société académique de comptabilité créée en 1881, devenue Société de comptabilité de France (SCF) en 1916 ; la Chambre syndicale des comptables et teneurs de livres de Lyon, créée en 1887 ; la Compagnie des experts-comptables de Paris fondée en 1895, pour l’essentiel.
6Lyon, cité de Dumarchey, est à l’époque une grande ville de France, très active en matière de commerce et d’échanges internationaux. Les premiers congrès internationaux de comptabilité ont eu lieu avant le tournant du siècle et la Grande Guerre. La fonction de preuve commerciale de la comptabilité apparaît prépondérante et l’impôt sur le revenu n’entre en scène qu’à partir de 1914.
7Les enseignements de comptabilité sont assurés pour l’essentiel dans les écoles supérieures de commerce et dans des établissements techniques spécialisés, que complètent les enseignements autonomes de la Société de comptabilité de France. La place des usages est forte dans la présentation des savoirs : ainsi que le souligneront Dumarchey (1914), puis Penglaou (1929) et d’autres à leur suite (Lefort, 1929, etc.), les ouvrages de comptabilité répètent des formules et des systèmes pratiques sans viser une organisation scientifique rigoureuse.
8Un billet d’humeur, publié dans le Bulletin de la Compagnie des chefs de comptabilité en 1928 (n° 28, janvier, p. 462) l’exprimera bien : « La Reine du Monde n’a pas de pieds : […] toutes les doctrines ou simili-doctrines en cours, […] péchaient toutes de la même façon : le manque de base. Léautey nous dit : “la science des comptes n’est pas faite”. L. Quesnot trouve dans la comptabilité des obscurités qui auraient pour cause “l’absence d’unité de vue, un manque de précision dans les idées, une analyse incomplète des situations, des analogies trompeuses.” Cette absence de base se traduit d’ailleurs dans la quasi-impossibilité de trouver une définition satisfaisante [de la comptabilité]. »
9Par ailleurs, la doctrine qui a cours est celle de la personnification des comptes : on recherche, derrière chaque compte, l’individu qui le représente (le « Comptable d’origine » pour Léautey (1897), le préposé aux comptes pour Faure). L’axiome des mouvements des comptes s’exprime par la maxime : « qui reçoit est débité, qui donne est crédité ».
10Parallèlement, dans le domaine scientifique, le positivisme, auquel a notamment contribué Auguste Comte (mort en 1857), avait marqué le pas au début du siècle [6] : l’éloge, par Bergson, de l’intuition en tant que méthode philosophique, puis les travaux psychanalytiques de Freud au début du siècle viennent troubler le jeu, et l’Année sociologique, lancée par l’équipe de Durkheim en 1896, contribue au renouveau en recherchant le « fait social », les « faits qui se répètent » au-delà des « faits individuels ». Les découvertes d’Einstein, les réflexions de Poincaré viennent relativiser les lois des phénomènes, physiques comme sociaux, que le positivisme se donnait pour mission de découvrir et d’appliquer.
11On aurait pu croire qu’à la suite de la Grande Guerre, parce qu’elle donne lieu à des mouvements artistiques (dada, etc.) qui ne reconnaissent plus à l’art le devoir de révéler le Beau puisque l’humanité est capable des pires abominations, science et philosophie persévéreraient totalement dans le rejet du positivisme et de ses lois du monde.
12Cependant, la reconstruction du pays aidant, les progrès concrets des entreprises et conglomérats industriels, après la guerre, dans leurs pratiques de rationalisation, et la référence volontariste à l’organisation scientifique du travail propagée par Taylor, conduisent finalement à un certain retour du saint-simonisme : la recherche des lois fondamentales des phénomènes bénéficie, dans les milieux entourant le monde des entreprises, d’une aura certaine dans toute cette première moitié du siècle.
13Les questions économiques sont donc importantes à cette époque, même si le libéralisme demeure, longtemps, non discuté. L’inflation et la monnaie conduisent à ce que se posent des questions importantes, en particulier en termes de valeur des biens. La comptabilité, légale, patrimoniale, voit sa pertinence affirmée, d’autant que les sociétés commerciales font appel à l’épargne publique et que l’évolution du secteur phare des transports nécessite d’être mesurée.
14L’industrialisation et la rationalisation appellent également une évolution de l’analyse des coûts, que l’on retrouve dans la question du prix de revient.
15L’ensemble de ces questions se trouve formulé dans des milieux nettement techniciens, très sensibles à la démarche logique du positivisme dans la quête de connaissance.
16C’est dans ce contexte que prend place l’œuvre de Dumarchey. On peut dire qu’elle est celle d’un théoricien d’une comptabilité orientée vers le contrôle de la valeur (1.), qui pourtant n’a lui-même atteint, de son vivant, qu’une faible mise en valeur de sa théorie comptable (2.).
1 – Dumarchey, théoricien d’une comptabilité orientée vers le contrôle de la valeur
17Les très nombreux ouvrages, articles et conférences de Dumarchey peuvent être regroupés autour des thèmes d’étude suivants :
- La Comptabilité moderne (1925) [7] traite, avec quelques nuances (et notamment une étude de la valeur de la monnaie), du sujet central de La Théorie positive de la comptabilité (1914, 1933) [8] : les fondements économiques de la comptabilité pensée comme une science, et les conséquences organiques qui en découlent en matière d’ordonnancement et d’évaluation des bilans.
- La Comptabilité moderne comprend également une analyse détaillée du prix de revient dont l’esprit rejoint celui de La Théorie scientifique du prix de revient (1933b, 1948) [9], mais dans un style plus pratique, un peu moins mathématique.
- Le Bilan explicite (1927a et 1927b) s’efforce de présenter de manière pratique, en une dizaine de pages, la construction théorique du bilan analysée en profondeur dans La Théorie positive de la comptabilité.
- Les questions de mathématiques (1927-1928 et 1934a) sont exposées pour que tous les comptables puissent accéder à son œuvre, dans la mesure où on lui a reproché son abstraction algébrique non comprise par les praticiens (notamment en ce qui concerne La Théorie scientifique du prix de revient).
- Les questions d’économie politique (1934-1935, 1933g et 1935-1936), œuvre de maturité, dépassent la dimension des exposés économiques présentés à l’appui de sa théorie comptable.
- Trois questions de fond :
- les fondements scientifiques de la comptabilité et les conséquences qui en découlent pour l’ordonnancement et l’évaluation des bilans ;
- la détermination du prix de revient, qui se détache du bilan pour alimenter la problématique d’information des dirigeants sur la rentabilité des productions ;
- l’explication des crises et euphories économiques et la façon de les maîtriser, thème d’économie politique.
- Deux questions de méthode :
- l’outil mathématique et scientifique qui permet d’atteindre à la perfection scientifique visée ;
- l’organisation de la transmission du savoir comptable.
18Les questions de méthode occupent quant à elles une place secondaire dans l’œuvre de Dumarchey et ne seront pas davantage évoquées ici.
19On reprendra successivement les trois thèmes de fond étudiés par Dumarchey.
1.1 – Une comptabilité scientifique axée sur la représentation de la valeur économique
20L’apport de Dumarchey qui a traversé le siècle tient assurément à l’effort qu’il a mené pour donner à la comptabilité des bases scientifiques tangibles. Ces bases, Dumarchey les décèle à l’issue d’une démarche quasi naturaliste, qui lui permet de mettre en lumière la finalité essentielle de la comptabilité : l’expression de la valeur économique du patrimoine de l’entreprise.
21La démarche, toute de méthode cartésienne, découvre ce principe après avoir fait table rase des esquisses antérieures. Ainsi, La Théorie positive de la comptabilité, après avoir analysé les systèmes des auteurs de l’époque (Deschamps, Lefèbvre, Léautey, etc.) et montré leurs insuffisances, construit une théorie de la comptabilité fondée sur l’économie et notamment l’œuvre de J.-B. Say.
22Ainsi qu’il l’expose avec simplicité dans Le Bilan explicite – conférence qui résume simplement sa démonstration –, l’objectif de la comptabilité et du bilan est, selon Dumarchey, d’exprimer « la situation économique d’une personne ou d’une entreprise » [10]. Dès lors, cette situation économique se décompose en trois éléments, susceptibles d’être rendus homogènes grâce à la monnaie : « […] ce que je possède et ce que l’on me doit […] mon “Actif” […] ce que je dois […] mon “Passif” » [11] et par différence, la « situation nette ». Cette décomposition a valu aux travaux de Dumarchey la qualification courante de « théorie de la situation nette ».
23Dumarchey poursuit sa démonstration en expliquant que ce bilan de forme condensée nécessite d’être explicité (d’où le titre de la conférence), car il n’en va pas de même de posséder des disponibilités ou des stocks, ou bien d’être débiteur à 30 jours ou à un an. Il présente donc la décomposition du bilan :
- tout d’abord en ce qui concerne l’actif : « 1) Le groupe des capitaux disponibles ; 2) Le groupe des capitaux de roulement ; 3) Le groupe des capitaux fixes » ;
- puis en ce qui concerne le passif: « Le groupe des dettes échues », « Le groupe des dettes à échoir » ;
- enfin, en ce qui concerne la situation nette : du côté du passif : « La situation nette active initiale (capital) », « Les réserves », « Les bénéfices de la période » ; et du côté de l’actif : « Le déficit initial », « Les pertes de la période » [12].
24La démonstration de Dumarchey est menée avec le souci de la méthode cartésienne : toujours décomposer les situations complexes en éléments simples, pour ensuite remonter à une situation simplement compliquée.
25Par ailleurs, manifestement accoutumé aux approches scientifiques des naturalistes et autres physiciens [13], il insiste sur les conditions de validité des classifications : homogénéité des termes, néanmoins distincts et indépendants, et rangement en série desdits termes.
26Le Bilan explicite présentait la question simplement, à l’occasion d’une conférence à l’Association des comptables de Roanne : La Théorie positive de la comptabilité, La Comptabilité moderne s’adressent pour leur part à des acteurs nettement plus « érudits », « avides […] de théories transcendantes » comme le soulignera plus tard le rédacteur en chef de La Comptabilité [14].
27La Théorie positive de la comptabilité suit ainsi le déroulement ci-après (titres en italique) :
- Position du problème comptable (52 p. ) : étude des travaux des économistes (Say, Courcelle-Seneuil, Proudhon) et des comptables (Deschamps, Lefèvre, Cerboni, Léautey et Guibault)
- Théorie de la valeur (35 p. ) : la valeur est la pierre angulaire de la comptabilité. Référence est faite aux analyses de Smith et Say sur la valeur (sociale, en usage, d’utilité) et le prix, sur les fondements de la valeur (travail, capital, propriété) et sur la convention monétaire, pour présenter une théorie positive statistique et dynamique de la valeur. Celle-ci est complétée d’une définition économique du produit (« une classe d’unités de valeur variable dans l’espace et dans le temps »), la « production » étant définie comme l’intervention humaine qui fait d’une chose une « utilité », c’est-à-dire qu’elle est susceptible de concourir à la satisfaction d’un besoin humain.
- Compte et bilan (20 p. ) : exposé des notions, présentation des trois formes élémentaires de bilan (selon les équilibres des actif, passif et situation nette), variations du bilan.
- Statique comptable (55 p. ) : analyse du bilan pratique, dont découle un essai de classification rationnelle et intégrale : genres, espèces, variétés, modalités. Le compte et son extension.
- Dynamique comptable (25 p. ) : les mouvements de comptes, édification de la loi dynamique des comptes. Digression sur le statut scientifique de la science comptable.
- Organologie comptable (77 p. ) : composition et décomposition des comptes, passage des comptes généraux aux sous-comptes, définition des livres comptables. Systèmes comptables : vers le système intégral.
- Les comptes de la production (54 p. ) : comptes a priori et comptes a posteriori de la production, produit et prix de revient, classification des frais de production.
- L’avenir de la comptabilité et son rôle sociologique (12 p. ) : sur l’enseignement, l’économie, le socialisme, et les critiques à venir de cette œuvre originale.
28De ce cadre économique, où la notion de valeur ressort comme une donnée référentielle, Dumarchey dégage une définition instrumentale du compte : « toute classe d’unités de valeur » [16]. La définition rompt avec les notions traditionnelles, qui voient souvent dans le compte le tableau des « doit et avoir » en lui-même. L’approche personnaliste alors dominante affirme « qui reçoit est débité, qui donne est crédité », et décèle derrière chaque compte un individu responsable à qui sont confiés les biens, leur inventaire, les bénéfices qui s’en dégageront : le caissier, le magasinier, le commerçant ou la maison de commerce, le capitaliste, etc. Dumarchey, tel un entomologiste, pose au contraire que le compte se divise entre son « point de vue » (la définition du compte selon le niveau de décomposition retenu pour exprimer le « caractère commun à toutes les unités groupées ») et son « extension » (la valeur monétaire du compte) et expose une organisation et une décomposition « naturelle » des bilans respectant les objectifs financiers et les procédés de classification présentés ci-avant avec Le Bilan explicite. La présentation statique du bilan est suivie d’un exposé de la dynamique du bilan, c’est-à-dire la mécanique de mouvements des comptes. Ce chapitre vise à justifier les écritures comptables de stocks, marchés à livrer et à recevoir,… et à expliquer, par l’arithmétique, ce qui constitue le point d’achoppement le plus sensible des approches personnalistes : le mouvement « inversé » du compte de pertes et profits.
29La Comptabilité moderne, publiée onze années après La Théorie positive de la comptabilité, va plus directement aux problématiques comptables que le premier ouvrage : les discussions économiques sont laissées de côté, tandis que l’accent est mis sur une présentation qualitative et surtout quantitative du bilan (titres de l’ouvrage en italique) :
Première partie. Le compte en général et le bilan du point de vue statique
- Notion et définition du compte (7 p. ) : le compte, défini par référence à la notion de valeur au sens commun, est une collection d’unités de valeur. Propriétés = A, dettes = P, différence = SN. La formule du bilan est donc A + SNp = P + SNa.
- Le bilan (7 p. ) : conception d’une science comptable transcendantale. Les trois formes du bilan, la loi générale de la variation du bilan.
- Étude statique qualitative du bilan (23 p. ) : la nécessité d’une décomposition du bilan condensé. Décomposition de l’actif, du passif et de la situation nette. Essai provisoire de classification.
- Étude quantitative du bilan (126 p. ) : étude des règles d’évaluation pour les différents comptes du bilan : espèces en caisse, créances, marchandises ; théorie du prix de revient ; instruments ; amortissements ; passif ; comptes d’ordre. Classification des bilans, formule intégrale du bilan. La dépréciation monétaire.
Deuxième partie. Le bilan dynamique
- La loi dynamique des comptes (23 p. ) : démonstration positive et pseudo-démonstration classique.
- La genèse des comptes et du bilan (59 p. ) : le système de tenue des livres, la partie double, les livres. Application. Les frais généraux. Les plus et moins-values sur marchandises. La liquidation de l’entreprise.
- Étude générale du fonctionnement des comptes dans les entreprises de production (56 p. ) : notions générales sur les entreprises, conditions de fonctionnement normal (la récupération du capital roulant, la récupération partielle du capital fixe, la création d’un excédent ou bénéfice). Rôle de régulateur du capital disponible. Application. Financement par emprunts. Formes légales de sociétés, commissions et participations, comptabilisation.
- Les comptes de production (49 p. ) : étude analytique et synthétique du compte « Marchandises ». Tableaux de calculs, application.
- La comptabilité des succursales (4 p. ) : mécanisme de la comptabilité des succursales.
- La division du travail comptable (19 p. ) : fractionnement des livres, tableaux de roulement, cylindre et disque tournant. Division organique des travaux, à la recherche d’un ordre naturel des opérations. Comptes de soudure. Comptes et livres de synthèse.
32Le chapitre relatif à l’analyse quantitative du bilan est substantiel en plus d’être volumineux : Dumarchey y développe une étude de la valorisation des postes comptables, en particulier des stocks.
33Il évoque ainsi quatre approches de la valeur :
- la valeur nominale ;
- la valeur actuelle (quand un intérêt sur créance est prévu) ;
- la valeur potentielle, c’est-à-dire le prix potentiel à la vente (inspirée de la loi du débit de Cournot), conduisant à envisager des comptes spécifiques au bilan pour suivre les plus et moins-values potentielles, contreparties de bénéfices et pertes potentiels en situation nette ;
- la valeur de revient, cumul des sommes engagées pour amener la marchandise en l’état.
34Dumarchey qualifie d’opportunistes les partisans de l’évaluation au prix de revient, et d’extrémistes ceux qui préconisent le cours du jour ou le plus faible du cours du jour et du prix de revient ; toutes solutions qu’il estime incomplètes. Sa préférence va à la valeur potentielle qui, à son sens, transcende les autres approches, au motif que le bilan doit tendre vers une photographie instantanée d’une situation, un « miroir fidèle » [19] exprimant le patrimoine de l’agent économique dont « […] le premier devoir économique consiste à faire face aux engagements qu’il a librement contractés et auxquels il ne pourra satisfaire qu’au prix d’une correspondance au moins exacte entre la liquidité de son actif et l’exigibilité de son passif ». [20] Un long chapitre est consacré à une illustration avec le cas d’une société de tannerie pour laquelle les mouvements comptables, de sa création à sa liquidation en passant par l’exploitation quotidienne, sont étudiés.
35Enfin, au-delà du système comptable, Dumarchey se soucie de l’organisation pratique de la comptabilité et des intervenants comptables. On notera que l’ouvrage contient également un chapitre entier consacré au phénomène de la hausse des prix (inflation), et son impact sur la valeur des biens, et l’auteur y montre que « chacun fait comme si 1 + 1 = 4 », en additionnant des francs d’hier (avant la guerre) et des francs d’aujourd’hui qui ne valent nullement la même chose. La comptabilité calcule des profits apparents, sur la base des montants dépensés pour chaque élément du coût de production, alors qu’il conviendrait de tabler sur le coût de « reproduction » ou de remplacement. Ce chapitre avait donné lieu à des conférences en 1923 (1923a) et 1925 (1926 et 1928c) et a été suivi d’un article (1928b) dans lequel il préconisait l’utilisation d’un indice général des prix, encore à créer à partir des principales marchandises pondérées selon leur importance économique, pour apprécier l’évolution des valeurs.
36La Comptabilité moderne est comparable à un cours – ou plutôt à un traité – de comptabilité, d’une comptabilité en passe de disposer d’une modélisation scientifique ; alors que le premier livre de Dumarchey pose les bases théoriques d’une toute nouvelle approche disciplinaire.
37Dumarchey s’en explique à demi-mots en introduction à sa conférence de Roanne, en expliquant qu’il est devenu comptable par hasard, alors qu’il désespérait de devenir un brillant universitaire ; et que l’occasion de travailler dans une grande maison de commerce lyonnaise puis d’accéder à l’enseignement technique de la comptabilité lui fit découvrir le Traité des inventaires et des bilans de Léautey : « Ce livre, lourd, solennel, mais plein d’un souffle fécond, m’enthousiasma et fut pour moi une révélation. Je ne concevais pas qu’on pût, en comptabilité, faire autre chose que traduire en une sorte de langage petit nègre la suite des faits banaux qui constituent la vie boutiquière. Je compris qu’il y avait une philosophie comptable et que cette matière, jadis dédaignée, était une mine de problèmes aussi profonds et infiniment plus intéressants que ceux que depuis des siècles ressasse notre vieil enseignement scholastique ; un champ de travail et de découvertes, presque vierge encore, et d’une fécondité sans pareille. » [21]
38La nécessité d’un travail de construction scientifique lui était ainsi évidente.
1.2 – Un prix de revient économique ?
39Le second thème d’études de Dumarchey, qui représente une longue section de La Comptabilité moderne, a également donné lieu à un opuscule tiré à part, La Théorie scientifique du prix de revient. Les deux ouvrages n’abordent pas la question sous le même angle.
- La Théorie scientifique… est un exposé résolument mathématique, flirtant avec le calcul différentiel et intégral, mais (relativement) simple à comprendre, en ce qu’il suit avec méthode les préceptes de Descartes comme cela a déjà été dit.
- La Comptabilité moderne (notamment p. 41 à 78) présente également une étude mêlant des réflexions comptables étayées de tableaux types, avec un calcul différentiel et intégral, mais illustré d’une longue application.
40La question du prix de revient déborde, avec l’évaluation des stocks au bilan, la vision patrimoniale et conduit Dumarchey à évoquer également le suivi des résultats, dans la perspective de la rationalisation de la production de l’entreprise. Le chapitre VIII de La Comptabilité moderne présente ainsi un tableau de répartition des frais annuels par nature et par étape du processus, que complète une présentation du compte de profits et pertes qu’il juge « de quelque utilité au point de vue statistique » [26] : sur l’exemple d’une tannerie, ce tableau présente en abscisse les frais annuels (achats de cuirs verts, salaires et appointements, assurances, amortissements, etc.) et en ordonnée les postes de répartition par « phases » (travail de rivière, bannerie, recouchage, cuirs finis, etc.). Le compte de pertes et profits reprend ensuite les frais annuels en distinguant entre produits et frais et entre le bénéfice brut sur marchandises (tenant compte des ventes, achats, stocks et main-d’œuvre industrielle) et le bénéfice net. L’éclairage analytique des opérations comptables en ressort clairement.
1.3 – Une vision économico-politique
41On avait déjà deviné, à l’exposé des bases que Dumarchey donne à la comptabilité (cf. 1.1), que celui-ci était particulièrement féru d’économie. Ses articles sur les causes et thérapeutiques des crises telles qu’il les voit et telles qu’il les comprend de l’œuvre d’Einstein, vont plus loin : Dumarchey s’efforce de convaincre que la seule solution pour la paix et le succès de la quête de la richesse économique passe par l’instauration d’une économie dirigée.
42Ces réflexions peuvent paraître éloignées de la question de la valeur comptable ; il ne s’agit, en vérité, que d’une différence de point de vue. Dumarchey est ainsi convaincu que les crises économiques tiennent à l’anarchie de la fonction économique spéculative et que « […] les hommes sont incorrigibles ; et les leçons tragiques qui ne leur ont pas été épargnées n’ont, jusqu’ici, servi à rien. » [27] Mais, insiste-t-il, pas n’importe quelle économie dirigée : une « économie planétaire », « […] Une économie consciente qui se dirigera elle-même par le jeu normal d’institutions constituant le cerveau et les membres de l’Être collectif. Et de même que chez l’individu sain les organes fonctionnent dans le calme, silencieusement, avec le seul frémissement imperceptible d’un moteur parfait ; de même devrait s’écouler sans arrêt, sans remous, et sans choc, le circulus majestueux aux mille affluents centrifuges et centripètes de la production, de la répartition et de la consommation des richesses. Mais il faut pour cela un plan, un plan conforme à la loi naturelle que l’on peut toujours contrecarrer, mais jamais éluder […] » [28]
43Ce sont des propos que les professeurs de médecine de l’époque et les politiques du début du siècle précédent n’auraient pas renié. Dumarchey affiche sa foi en une économie autorégulée par un « […] groupe final suprême [qui] n’aurait donc plus d’armée, mais une police hiérarchisée, en attendant l’Harmonie définitive à laquelle il n’est pas interdit de rêver ». [29] Il croit à une coordination initiale par la force, consolidée par le droit né sur des fictions métaphysiques, « […] mais qui devient par la suite objective et logique sur la base des habitudes acquises et d’un dynamisme évolutif reconnu ». [30]
44Sur le plan des équilibres économiques, il ne masque pas ses affinités électives, déjà révélées par le « plan » qu’il préconise, le « plan français », présenté par Marcel Déat [31] : « Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour reconnaître que tout le mal provient du fait que le travail, et par conséquent le travailleur lui-même, sont considérés comme une marchandise ; et qu’il en sera de même aussi longtemps que l’on ne renversera pas le problème, jusqu’ici pris à rebours : à savoir subordonner les prix aux pouvoirs d’achat et non pas les pouvoirs d’achat aux prix. » [32]
45Cette vision sociale des équilibres économiques rejoint une vision du droit au travail et aux loisirs qui, si elle était dans l’air du temps (1936 est l’année du Front populaire), n’en détonne pas moins : « En vérité, je crois qu’il est normal, qu’il est bon que chacun gagne sa vie à la sueur de son front ; mais qu’il est juste qu’on le lui permette, qu’on ne lui en enlève pas les moyens ; et même qu’on les lui fournisse. Il faut encore que cette conquête du nécessaire n’absorbe pas tous nos instants ; et qu’il soit loisible aux meilleurs de consacrer à leur perfectionnement moral et intellectuel les efforts que d’autres appliquent aux superflus matériels […] » [33] La question de l’identification de ces richesses du monde est ainsi bien présente, et avec elle celle de la valeur qu’il convient de compter [34].
46L’incidence pratique des remarques macro-économiques de Dumarchey pose cependant question. Son discours se situe à un niveau élevé de généralité, en décalage avec les enjeux concurrentiels et financiers du phénomène de normalisation privée, puis publique, qui sous-tendent l’introduction, en France, d’outils de comptabilité analytique en apparence purement techniques (Bouquin, 1995 ; Lemarchand et Le Roy, 2000). La considération de tels enjeux n’apparaît pas dans les écrits économico-politiques de Dumarchey, quelque peu abstraits.
47L’idée sociale des équilibres économiques est traitée, avec le même niveau d’analyse, dans la présentation par Dumarchey d’un livre d’Einstein, Comment je vois le monde. Notre auteur ne résiste pas au plaisir scientifique d’exposer la théorie de la relativité ; puis il présente les analyses économiques d’Einstein, le droit au travail et la place d’un État régulateur du marché du travail. Toutefois, le point le plus notable de l’article réside peut-être davantage dans la mise en avant de la « déclaration d’humanité » d’Einstein à laquelle, manifestement, Dumarchey adhère : « Je suis fermement convaincu que toutes les richesses du monde ne sauraient pousser l’humanité plus avant, même si elles se trouvaient dans les mains d’un homme aussi dévoué que possible au développement de l’humanité. Seul l’exemple de personnalités grandes et pures peut conduire aux nobles conceptions et aux nobles actions. L’argent n’appelle que l’égoïsme et pousse toujours irrésistiblement à en faire mauvais usage. Peut-on se représenter Moïse, Jésus, ou Gandhi, armés de la bourse de Carnegie ? » ; « Les idéals qui illuminent ma route et l’emplissent sans cesse d’un vaillant ouvrage sont le bien, la beauté et la vérité. Sans le sentiment d’être en harmonie avec ceux qui partagent ces convictions ; sans la poursuite de l’objectif, éternellement insaisissable dans le domaine de l’art, et la recherche scientifique, la vie me paraîtrait absolument vide. » [35] On perçoit combien Dumarchey, dont le dévouement à la recherche et au travail d’enseignement sera toujours reconnu [36], est sensible à cette déclaration d’exemplarité : Einstein exprime avec force et pureté le modèle du grand homme, chercheur et humaniste, auquel Dumarchey vise assurément à être identifié, au-delà de l’apparence de pure technicité que l’on pourrait prêter à ses contributions théoriques.
2 – La réception limitée de l’œuvre de Dumarchey de son vivant
48Dumarchey s’est efforcé de donner de multiples tribunes à ses analyses : en dehors de ses publications, on note qu’il fut rédacteur en chef de La Tribune comptable. Il fut par ailleurs enseignant dans diverses écoles techniques supérieures (école de tannerie française, école de chimie industrielle) ainsi qu’à la faculté de droit de Lyon qui avait créé en 1927 un enseignement en vue du diplôme d’expertise comptable reconnu par l’État. Il participa également aux travaux des professions à l’occasion de conférences des fédérations d’experts-comptables, puis en occupant les fonctions de membre du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et comptables agréés à la fin de sa vie (cf. conclusion).
49L’accueil de ses pairs a pourtant été très réservé (2.1) ; la diffusion de ses idées paraît avoir été ralentie par la haute technicité de ses démonstrations, et aussi par une certaine vivacité de ton (2.2).
2.1 – L’accueil très réservé des pairs de Dumarchey
50On a déjà signalé en introduction que les idées de Dumarchey se situaient en rupture avec les approches comptables traditionnelles. Il faut remarquer que la présentation des articles de l’entre-deux-guerres pourrait laisser croire que les analyses de Dumarchey sont ignorées, ou snobées dans la mesure où celles-ci ne sont que rarement citées dans les écrits de l’époque. Cependant, à l’instar des usages de la presse professionnelle, il ne semble pas habituel, à l’époque, de mentionner les autres travaux dans les articles (Charles Penglaou et René Delaporte font exception).
51Si l’on s’attache au contenu des analyses des pairs de Dumarchey, on note en revanche que ces contributions manifestent clairement la défense par plusieurs acteurs ou groupes d’acteurs d’analyses théoriques divergentes. Compte tenu du positionnement scientifique, voire scientiste de Dumarchey, qui veut renouveler la comptabilité en usant d’un corpus économique et mathématique lourd, on peut distinguer, d’une part, entre ceux qui choisissent de contribuer au débat en étudiant et discutant les idées de Dumarchey (ceux qui apportent leur « contribution éclairée ») et ceux qui, à l’opposé, ignorent ou feignent d’ignorer ces travaux ; d’autre part, entre ceux qui s’opposent à l’approche retenue par Dumarchey et ceux qui au contraire y adhèrent, éventuellement en toute ambiguïté. Ces distinctions ne correspondent pas exactement à l’opposition entre partisans de la tradition et partisans du renouveau, quoiqu’un auteur y ait vu la « nouvelle querelle des anciens et des modernes » (Sauvegrain, 1937). En effet, les opposants aux analyses de Dumarchey sont attachés les uns à la théorie, traditionnelle, de la personnification (G. Faure) ; les autres à la théorie, plus moderne, des valeurs et des droits (J. Bournisien).
52Par ailleurs, la contribution aux débats prend la forme, pour ceux qui y font référence :
- d’une présentation « objective » des analyses de Dumarchey (Retail, Dumur), ou bien plus subjective (Trinquier), voire choisie (Bournisien) de cette œuvre ;
- d’un rebond partiel à partir des idées de Dumarchey (Royot, Monloup-Robert) ;
- d’une tentative englobante de ces idées (Gomberg, Delaporte) ;
- ou, au contraire, de l’analyse de l’incomplétude de cette œuvre et de son dépassement (Penglaou).
53Le positionnement de tel ou tel auteur mériterait certainement d’être approfondi, s’agissant d’une première analyse [37]. On apportera quelques précisions, dans l’ordre chronologique de l’apparition des différents « acteurs » sur la scène comptable du xxe siècle.
2.1.1 – G. Faure
54Grand maître de l’époque décédé en 1932, encensé par la Fédération des compagnies des chefs de comptabilité, inspecteur de l’enseignement technique, cet auteur a choisi de taire, dans ses écrits (par ex. en 1921), les analyses de Dumarchey. Sa voie est cependant subtile, dans la mesure où il proclame que la théorie de la personnification est une fiction dont les vertus pédagogiques légitiment de la garder comme modèle. Il fut le fer de lance de la résistance à l’égard de la théorie positive. Sa théorie de la fiction pédagogique a eu les faveurs de l’enseignement officiel, tout en étant discutée par les « matérialistes », au nombre desquels Dumarchey, Delaporte, Gomberg et plus tard Royot. Delaporte estime que « […] G. Faure n’a fait que répandre, en France, la tradition de l’école personnaliste que Léautey avait déracinée en introduisant dans l’enseignement sa théorie plus scientifique, plus exacte, qui malheureusement n’était pas au point […] ». [38]
2.1.2 – J. Bournisien
55Cet auteur, tenant de la théorie de la valeur et des droits, affirme qu’une valeur est toujours active et un droit de propriété (attaché à une valeur) passif. Dumarchey réfute cette analyse, fragile, en soulignant que le titulaire du bilan est la clé de l’analyse, que n’a pas sentie son contradicteur. Celui-ci, pour sa part, résume l’œuvre de Dumarchey à l’équation de la situation nette, qu’il juge simpliste et abstraite (Bournisien, 1919) [39]. Ce qui, à tout le moins, exprime une lecture rapide des travaux de Dumarchey. Dans ce courant, J. Lefort (1929), plus objectivement, recherchera l’approche juridique sous-jacente aux analyses de Bournisien après avoir exposé les analyses positivistes de Dumarchey.
2.1.3 – M. Trinquier
56M. Trinquier et J. Dumarchey ont participé à une longue controverse, au ton assez vif. Trinquier, Membre de la CCC, vice-président du comité d’études de comptabilité industrielle de la compagnie, chef de la comptabilité de la CGCEM dirigée par E. Rimailho, adhère à la théorie de la personnification, et vise à lui bâtir une assise scientifique après les critiques de Penglaou. Adepte de la représentation scientifique, il considère (1930) [40] qu’« Il ne s’agit pas de dire “cela est”, mais “tout se passe comme si” ».
57Sa quête scientifique ne tient pas compte des notions de la valeur et du compte qui constituent les fondements des travaux de Dumarchey : en particulier, parce qu’il refuse qu’une science (comptable) dépende d’une autre science (économique).
58Dumarchey réfute ces analyses en considérant qu’elles expriment une confusion : « La comptabilité que nous pratiquons n’est pas une science, ne peut être une science, mais elle est une technique, un art. Et la véritable question est : y a-t-il, ou est-il possible de concevoir et de construire une science dont la technique comptable soit tributaire, comme la géodésie ou l’arpentage sont des applications de la géométrie, comme la médecine en est une autre de la biologie. » [41] Cette science, à son sens, il l’a déjà établie par la théorie positive de la comptabilité.
2.1.4 – A. Dalsace
59M. Dalsace a contribué à la diffusion des analyses de Dumarchey en donnant aux travaux de celui-ci son appui de conseil juridique, licencié en droit, ancien élève de l’École polytechnique. Appuyant les travaux positivistes de C. Manné, il affiche son adhésion à l’approche de Dumarchey, qu’il estime semblable à la sienne (1927). [42]
60Il s’oppose en cela à L. Retail, qui a fait œuvre objective mais sans cacher sa préférence pour la théorie de la personnification des comptes. Dalsace souligne également que Retail avoue pourtant que ses élèves ingénieurs comprennent mieux la théorie positive de la comptabilité que la théorie de la personnification, propos éclairant quant à la question de la diffusion de la théorie de Dumarchey.
2.1.5 – R. Delaporte
61Cet auteur est une personnalité de l’époque, de bien plus grande dimension que Dumarchey. Sa carrière éclectique l’a conduit notamment à assumer les fonctions de conseiller du commerce extérieur et à représenter la France aux congrès internationaux de comptabilité à Barcelone en 1929 et à Bruxelles en 1935, conférence qu’il présida. [43] Ces congrès étaient organisés par l’Association internationale de comptabilité, fondée par P. Otlet et dont Delaporte a pris la présidence en 1910.
62Delaporte, qui a présidé l’Union nationale des groupements comptables de France et des colonies, a lui aussi bousculé les théories traditionnelles, au nom d’une « doctrine rationnelle » [44] qu’il : « […] fonde sur l’opération économique naturelle et universellement employée : achats-ventes, et selon la formule en deux parties :
63Delaporte se réclame par ailleurs de L. Gomberg et de l’« économologique », « raisonnement économique » base de la science comptable de celui-ci [45], étant un partisan de la théorie de la valeur. L. Gomberg présente comme suit le caractère scientifique de l’économologique : « L’interdépendance causale des phénomènes de l’activité économique individuelle [objet du raisonnement et du chiffrage monétaire pour la comptabilité] peut parfaitement être exprimée en des formules numériques ayant le caractère d’une fonction mathématique, d’un théorème de causalité, d’une loi. […] Les essais de « mathématisation » de la comptabilité sont abondants dans la littérature comptable en plusieurs langues. J’ai rappelé que déjà Forni (en 1790) s’est appliqué à démontrer le jeu des comptes par des symboles géométriques. Depuis la seconde moitié du xixe siècle, de nombreux travaux, dont quelques-uns écrits avec une grande finesse d’analyse, ont été consacrés à des démonstrations mathématiques des éléments de la comptabilité. J’en ai cité les plus importants. Rendons un hommage tout particulier à un auteur français, J. Dumarchey qui, dans son livre d’une parfaite construction philosophique, fournit une multitude de formules basées sur des déductions d’une précision mathématique inattaquable, fruit d’un travail méticuleux de longue haleine et de réflexions mûries. » [46]
64Vlaemminck souligne la proximité de vues entre Delaporte et Dumarchey, « théori[ciens] matérialistes de la comptabilité sous son aspect économique […] ». [47] Cet historien souligne également l’importance de la théorie de la valeur dans leurs œuvres, notion essentielle quoique extrêmement controversée. Cette proximité de vue se retrouve aussi dans les interventions de Delaporte en faveur de Dumarchey, jusqu’à ce qu’il lui soit contesté d’utiliser l’expression de « doctrine positive » au motif que la fin de son bilan n’est pas la situation nette [48], visant davantage une comptabilité économique (dont pouvaient résulter plusieurs bilans selon les valeurs d’estimation) que strictement scientifique.
2.1.6 – CH. Penglaou
65Ch. Penglaou, pour sa part, estime que Dumarchey a construit une œuvre brillante, mais incomplète : il souligne l’absence dans cette œuvre, comme dans celle de Bournisien, de toute philosophie : « […] Le rôle cardinal de la philosophie ; la création d’une table des valeurs, d’une hiérarchie des choses où la comptabilité aurait trouvé place. Ainsi aurait pu s’esquisser une tentative de définition, de localisation ; c’est-à-dire qu’au regard d’autres activités spécifiques, on aurait pu déterminer le quid proprium de l’objet même du problème. » [49]
66Il estime ainsi que l’œuvre de Dumarchey part du résultat de la science comptable pour n’en saisir qu’un substrat mathématique, passant à côté de l’objet philosophique : « […] une manière de logique formelle de la comptabilité qui nous renseigne admirablement sur la contexture de l’objet étudié, sur son état géométrique, mais qui nous laisse tout ignorer de l’articulation interne, ce qui constitue précisément l’essence du fait observé. Science de sémantique qui s’attache surtout au véhicule de la pensée. » [50] Lui croit au contraire qu’il faut « […] envisager la comptabilité non plus comme un principe intangible, point de départ d’une déduction cartésienne, mais comme un ensemble de procédés plus ou moins empiriques et variables, toujours en devenir, protéiformes. De cette masse de “faire”, il convient d’ébaucher un profil moyen, une formule générique, abstraite, auxquels on puisse rattacher toutes les pratiques usitées. » [51] Son analyse des courants théoriques en vigueur le conduit à se rapprocher des travaux de Delaporte, tout en manifestant ses accointances avec les mouvements juridiques, notamment les travaux novateurs de François Gény (1915).
67Dumarchey a exprimé sa sympathie à l’égard de Penglaou, dont il vante la courtoisie et reconnaît l’ambition scientifique. Mais il ne partage pas son pessimisme quant à l’insuffisance de la théorie comptable, dans la mesure où il estime ses travaux personnels parfaitement satisfaisants. Il lui semble également que Penglaou, sans le dire, est bien plus proche de lui qu’il n’y paraît : concluant le commentaire des « trois phases de l’élaboration en matière de comptabilité » publié par celui-ci en réaction au congrès d’Angers, qui a préconisé la doctrine positive, il remarque à propos de l’agencement des raisonnements de Penglaou : « Qui croire ? Il n’y a pas de doctrine positive, mais il y a un phénomène comptable susceptible d’être étudié puis développé comme une géométrie. Il est vain de chercher une unité de doctrine, mais il faudrait cependant unifier les programmes d’enseignement… La Comptabilité est une technique, non une science… » [52]
68Si ces paradoxes autorisent à envisager certains rapprochements entre les deux auteurs, ceux-ci s’opposent néanmoins sur l’approche, normative de la part de Dumarchey quoique hypothético-déductive, dans la mesure où tout découle des concepts de valeur et de situation économique d’un agent, qui constituent des postulats ; plus simplement raisonnée de la part de Penglaou, soucieux d’appréhender les pratiques.
69Par ailleurs, les deux auteurs s’opposent sur le rôle du comptable : alors que Penglaou y voit un simple traducteur de décisions, d’appréciations, de calculs émanant de la direction de l’entreprise et des services techniques, Dumarchey estime au contraire que les questions de la valorisation intéressent au plus au point le comptable de l’entreprise : amortissements, évaluation des stocks, détermination du prix de revient, etc. [53]
70Ainsi, si l’on peut reconnaître aux deux auteurs le souci commun de connaître le réel et d’en dégager les lois, Dumarchey est manifestement marqué par une approche technologique, mathématique que Penglaou, plus proche des sphères juridiques et financières, relativise dans sa recherche nettement plus « philosophique » au sens classique.
2.2 – La délicate diffusion d’une œuvre scientifique de peu d’aménité
71Si l’approche mathématique retenue par Dumarchey explique ainsi certainement les réserves de ses pairs à l’égard de ses propositions théoriques, il ne faut pas non plus négliger l’effet de choix comportementaux. [54]
72Il faut ainsi remarquer que Dumarchey a collaboré de 1921 à 1923 à la revue La Comptabilité, puis de 1926 à 1929 à la revue Experta, avant de concentrer ses efforts au bénéfice de La Tribune comptable. Dumarchey et le rédacteur en chef de La Comptabilité ont tous deux donné une explication à la courte durée de ces collaborations.
73Ainsi, en 1934, Alfred Berran, rédacteur en chef de La Comptabilité, introduit la reproduction dans sa revue de la conclusion de la seconde édition de La Théorie positive de la comptabilité [55] en affichant, avec élégance, que « les études de Dumarchey revêtaient une allure trop érudite pour la majorité de nos lecteurs, plus avides d’articles pratiques que de théories transcendantes ».
74Dumarchey, présentant dans La Tribune comptable ses articles sur « la théorie ancienne et la théorie moderne de la comptabilité » (1933c), explique pour sa part que leur parution dans une « grande revue professionnelle » (Experta, 1928b) avait dû être « […] brusquement interrompue à la suite d’un incident regrettable qui marqua la fin d’une collaboration devenue impossible.[…] Pour édifier l’édifice, […] il m’a fallu […] démolir parfois les constructions branlantes du passé. […] On ne tue pas sans douleur ; on ne souffre pas sans révolte ; on me le fit bien voir. Et l’une de mes victimes, qui n’avait pas pour ma personne le respect dont je ne départis jamais pour celles des autres, y compris la sienne, poussa des clameurs si affreuses qu’elle m’épouvanta, et que je me décidai à attendre, sous l’orme, une époque plus clémente. Les temps sont révolus […] ».
75On peut rapprocher cette remarque de l’avant-propos à la première publication de La Théorie scientifique du prix de revient (1926) : Dumarchey y souligne que cette conférence à Nantes avait reçu un bon accueil mais que « Dans la suite, à l’occasion d’un certain congrès de Comptables, le feu prit aux poudres à mon sujet. Deux camps, les intellectuels et les Autres, faillirent en venir aux mains, les premiers se déclarant partisans d’une comptabilité de haute allure, les seconds préférant s’en tenir à leurs habitudes d’empirisme et de médiocrité. On m’a accusé d’employer des termes trop scientifiques. J’ai l’outrecuidance d’interpréter le reproche comme un compliment […] »
76R. Delaporte, plus tard, signale de même que les tenants de la théorie personnaliste, très influents dans la profession ainsi qu’à la tête du corps de l’inspection de l’enseignement technique (dont Gabriel Faure était membre), avaient alors organisé des ripostes virulentes contre les nouvelles théories comptables [56].
77Cela étant, il est difficile d’ignorer la virulence du chapitre de La Comptabilité moderne intitulé « La pseudo-démonstration classique ». Il n’est pas indifférent qu’un commentateur aussi mesuré que Penglaou ait qualifié ces propos de « violentes critiques » [57].
78Le tour d’horizon ainsi dressé montre que les partisans de Dumarchey sont rares, et ceux qui au moins acceptent de tenir sérieusement compte de ses travaux ne se révèleront que progressivement. L’approche mathématique a, incontestablement, compliqué la propagation de cette œuvre : ce « scientisme » est apparu quelque peu extrême à ces professionnels plus enclins semble-t-il à chercher des solutions pragmatiques. Le ton de Dumarchey a certainement contribué à leurs réserves.
79Néanmoins, sa théorie se propage : le VIe Congrès international de la comptabilité, qui s’est tenu en 1929 à Barcelone, et le Congrès national de la comptabilité qui s’est tenu en 1931 Strasbourg citent la théorie positive et la nécessité de faire évoluer les doctrines [58]. Le Congrès national de la comptabilité tenu à Angers en 1932, choisit même de préconiser « la doctrine positive », sous l’égide de R. Delaporte ; notion qui prête cependant à discussion, ainsi que le soulignent Penglaou, Moulinier (1933) et… Dumarchey lui-même, qui estime avec Penglaou qu’il est le seul positiviste de la comptabilité [59] et que l’intitulé de « doctrine positiviste » regroupe des tendances auxquelles il n’adhère pas (raison du froid avec Delaporte, cf. ci-dessus).
80Ses réflexions font évoluer la discipline comptable, dans un mouvement scientifique quelque peu normatif, à la recherche d’un sens aux états comptables. Il n’est pas encore question de la formulation de principes ou d’un cadre conceptuel, quoique les règles d’élaboration et d’évaluation des comptes soient présentées, et que la finalité de la comptabilité soit abordée, dans une perspective nettement patrimoniale, de la part de Dumarchey. [60]
81Ces remarques valent pour l’œuvre de Dumarchey relative à la construction de bases théoriques pour la comptabilité. En ce qui concerne ses autres thèmes d’études – prix de revient, économie politique – Dumarchey n’a pas eu la même audience : ainsi, aucune réaction n’a été identifiée dans la presse étudiée en ce qui concerne ses propositions en matière d’économie politique.
82Quant à la question du calcul du prix de revient, qui est un thème récurrent de l’époque, elle fait alors l’objet d’études nettement plus techniques, les controverses se situant en particulier autour de la question du choix du coût complet ou du coût partiel [61]. Ainsi, les échanges notables sur le prix de revient observés dans les revues durant l’entre-deux-guerres n’évoquent pas les travaux de Dumarchey, et ne paraissent pas s’en inspirer : il en est ainsi des échanges entre Léger (1927) et Bournisien (1927) d’une part, de ceux entre Mouchot (1935) et Olphe-Galliard (1935) d’autre part. Il en est de même d’études de références, en particulier les deux premières parce qu’elles émanent de membres influents de la Compagnie des chefs de comptabilité : Trinquier (1929), Penglaou (1931), Delaporte (1932).
83Une remarque de Penglaou (1929), alors chef de comptabilité de la Société Nancéenne de Crédit, cible bien la difficulté à utiliser en la matière les travaux de celui qu’il appelle le « mathématicien de la comptabilité » : « Les données, qui sont en grand nombre, sont difficiles à spécialiser et à exprimer. On arrive, dans la pratique, à en désigner une certaine quantité et on en fournit une expression aussi approchée que possible. Aussi ne faut-il pas conduire le processus déductif aboutissant au prix de revient avec la rigueur d’un raisonnement géométrique. Il est inutile et vain de pousser les calculs jusqu’à la dixième décimale dans la majorité des cas. On peut craindre que M. Dumarchey ait tendance à donner dans ce travers. » [62] Cette remarque se retrouve dans les analyses d’un des membres de la commission des prix de revient de la Cégos, évoquant divers ouvrages sur la question : « Si les principes dégagés [par Dumarchey] sont de haute portée, les solutions finales proposées ne semblent-elles pas permettre des applications concrètes et immédiates au calcul des prix de revient. » [63]
Conclusion
84Dumarchey est décédé juste après la guerre, en 1946. S’il a marqué son époque avec sa tentative pour construire rigoureusement une science pour la comptabilité, les années d’après-guerre, empreintes du pragmatisme anglo-saxon qui occupe de longues colonnes des revues comptables, vont faire le choix de la planification comptable selon des préceptes empruntés à ses travaux [64], peut-être sans le souci de la même rigueur.
85En dépit de ce retentissement dans certaines sphères bien avisées, le décès de Jean Dumarchey ne fit l’objet que de quelques lignes dans La Comptabilité et les Affaires (contre trois pages pour Delaporte en 1944 et pour Faure en 1932) : « Nous apprenons avec peine le décès de M. J.-B. Dumarchey, membre du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et comptables agréés, dont les obsèques ont eu lieu à Lyon, le 16 novembre 1946. M. Dumarchey était l’auteur de ce savant ouvrage intitulé Théorie positive de la comptabilité, dans lequel il exposa des idées toutes personnelles, émanant d’un esprit scientifique et mathématique, qui ne sont pas à la portée de tout le monde, mais qui mériteraient d’y être mises. M. Dumarchey collabora à notre revue dans les années qui suivirent la guerre de 1914-1918 à son retour de captivité : c’était un travailleur infatigable, très dévoué à la profession et aux jeunes, qu’il soutint par son enseignement à la faculté de droit de Lyon. » [65]
86Le ton était donné : la théorie positive de la comptabilité avait incontestablement bousculé brutalement les pratiques des maîtres des temps antérieurs et contribué au renouvellement du cadre théorique, voire à « enrichir une théorie quasi définitive de la comptabilité » [66] ; mais l’avenir était fait d’un autre pragmatisme, plus diplomatique, plus accessible, moins académique. Problématique demeurant toujours d’actualité.
Bibliographie
Revues consultées (périodiques du Dépôt légal)
- L’Actualité fiduciaire, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-73248, dépouillement 1927-1940.
- La Comptabilité et les Affaires, revue mensuelle de technique comptable et de gestion méthodique des entreprises, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-72423, dépouillement 1920-1931 puis 1940-1953. Revue éditée à Paris de 1920 à 1931 puis de 1940 à 1953. Rédacteur en chef : Alfred Berran.
- La Comptabilité, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-72423, dépouillement 1931-1939. Revue éditée à Paris de 1931 à 1939. Rédacteur en chef : Alfred Berran.
- Les Affaires, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-64809, dépouillement 1931-1939. Revue éditée à Paris de 1931 à 1939. Rédacteur en chef : Alfred Berran.
- La Tribune comptable, revue de doctrine économique et comptable, Lyon, Bibliothèque nationale de France, JO-76916, dépouillement 1931-1937. Revue fondée à Lyon en 1894 sous le titre La Tribune des comptables et des négociants. Rédacteur en chef: Mlle N. Robert, puis A. Monloup-Robert et enfin J. Dumarchey.
- Le Bulletin de la Compagnie des chefs de comptabilité, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-62122, dépouillement 1927-1932. Revue éditée à Paris. Rédacteur en chef : Alfred Cormier.
- Le Chef de comptabilité, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-21259, dépouillement 1934-1939 et 1946-1947. Revue éditée à Paris. Rédacteur en chef : Alfred Cormier.
- Experta, revue pratique de l’organisateur moderne, Paris, Bibliothèque nationale de France, JO-72877, dépouillement 1925-1936 et 1947-1951. Revue éditée à Paris de 1925 à 1951 avec une longue interruption entre 1937 et 1947. Rédacteur en chef : Fernand Léger.
Publications de J. Dumarchey
- Dumarchey J. (1914), La Théorie positive de la comptabilité, éditions Rey, Lyon, 306 pages, préface E. Cohendy (1re éd.).
- Dumarchey J. (1921-1922), « Le prix de revient : théorie nouvelle », La Comptabilité et les Affaires, 1921 : n° 16, avril, p. 106-107 ; n° 17, mai, p. 156-158 ; n° 19, juillet, p. 220-222 ; 1922 : n° 27, mars, p. 85-88 ; n° 28, avril, p. 105-108 ; n° 29, mai, p. 151-154 ; n° 30, juin, p. 192-195 ; n° 32, août, p. 249-251 ; n° 34, octobre, p. 322-328 ; n° 35, novembre, p. 352-358 ; n° 36, décembre, p. 402-407.
- Dumarchey J. (1923a), « Le mirage des chiffres : étude sur la répercussion comptable de la dépréciation monétaire », La Comptabilité et les Affaires, n° 40, avril, p. 121-131.
- Dumarchey J. (1923b), « Le poste marchandises au bilan. Conférence à la Société professionnelle des comptables de Lyon, novembre 1922 », La Comptabilité et les Affaires, n° 48, décembre, p. 439-446.
- Dumarchey J. (1925), La Comptabilité moderne. Essai de constitution rationnelle d’une discipline comptable au triple point de vue philosophique, scientifique et technique, éditions Gauthier-Villars, Paris, 372 pages.
- Dumarchey J. (1926), « La théorie scientifique du prix de revient », Experta, supplément au n° 20, avril, 15 pages.
- Dumarchey J. (1927a), « Le bilan explicite », conférence à l’Association des comptables de Roannes et de la région, 07/11/1926, Experta, n° 29, février, p. 3-11.
- Dumarchey J. (1927b), Le Bilan explicite, éditions d’Experta, brochure publiée en supplément par la revue, 11 pages.
- Dumarchey J. (1927-1928), « Une leçon de mathématiques à l’usage des comptables », Experta, 1927 : n° 33, juin, p. 256-258 ; n° 36, septembre, p. 394-398 ; n° 38, novembre, p. 502-505 ; 1928 : n° 40, janvier, p. 4-7.
- Dumarchey J. (1928a), « La théorie ancienne et la théorie nouvelle de la comptabilité », Experta, n° 43, avril, p. 186 et sq. ; n° 44, mai, p. 242 et sq. ; n° 45, juin, p. 304 et sq. ; n° 46/47, juillet-août, p. 355 et s.
- Dumarchey J. (1928b), « Étude sur la “mesure des affaires” de Charles-Marie Sabatier », Experta, n° 50, novembre, p. 577-585.
- Dumarchey J. (1928c), « La théorie scientifique du prix de revient », conférence faite à Nantes le 9 mai 1925, éditions d’Experta, brochure publiée en supplément par la revue, 15 pages.
- Dumarchey J. (1929), « Rapport sur l’enseignement supérieur de la comptabilité, présenté au congrès tenu à Marseille en 1929, Fédération des compagnies d’experts-comptables de France et des colonies », Experta, n° 62, novembre, p. 573-576.
- Dumarchey J. (1931-1932a), « Théorie scientifique du prix de revient », La Tribune comptable, 1931 : n° 34, octobre, p. 220-225 ; n° 35, novembre, p. 144-147 ; 1932 : n° 38, février, p. 26-29.
- Dumarchey J. (1931-1932b), « L’établissement des bases scientifiques de la comptabilité, réponse à M. Cormier et examen critique de l’étude de M. Trinquier », La Tribune comptable, 1931 : n° 26, décembre, p. 276-281 ; 1932 : n° 27, janvier, p. 6-9.
- Dumarchey J. (1932), « Objet de la science comptable. Le bilan », introduit « Une conception scientifique nouvelle » par le rédacteur en chef, La Tribune comptable, n° 41, mai, p. 103-106.
- Dumarchey J. (1933a), Théorie positive de la comptabilité, éditions Rey, Lyon, 301 pages, préface E. Cohendy et de l’auteur (2e éd.).
- Dumarchey J. (1933b), Théorie scientifique du prix de revient. Suivi d’une étude critique sur l’établissement des bases scientifiques de la comptabilité, réponse à M. Cormier et examen de l’étude de M. Trinquier, Bibliothèque du comptable, Lyon, 90 pages (1re édition).
- Dumarchey J. (1933c), « La théorie ancienne et la théorie moderne de la comptabilité », La Tribune comptable, n° 50, février, p. 27-29 ; n° 51, mars, p. 60-62 ; n° 52, avril, p. 85-86 ; n° 53, mai, p. 111-114 ; n° 54, juin, p. 131-133.
- Dumarchey J. (1933d), « La comptabilité, science ou technique », La Tribune comptable, n° 51, mars, p. 51-52.
- Dumarchey J. (1933e), « La loi du gonflement et du dégonflement des capitaux et les crises périodiques », La Tribune comptable, n° 52, avril, p. 75-80.
- Dumarchey J. (1933f ), « La valeur de la monnaie », La Tribune comptable, n° 53, mai, p. 103-108.
- Dumarchey J. (1933g), « La grande relève des hommes par la machine », La Tribune comptable, n° 55, juillet, p. 159-161.
- Dumarchey J. (1933h), « Les erreurs des doctrines modernes en comptabilité et leur défaut d’établissement logique », La Tribune comptable, n° 56, août, p. 183-186 ; n° 57, septembre, p. 203-208.
- Dumarchey J. (1933i), « La théorie positive de la comptabilité. Préface de la nouvelle édition », La Tribune comptable, n° 58, octobre, p. 231-233.
- Dumarchey J. (1933j), « Le compte », La Tribune comptable, n° 59, novembre, p. 255-258 ; n° 60, décembre, p. 276-281.
- Dumarchey J. (1933k), « Les erreurs des doctrines modernes en comptabilité et leur défaut d’établissement logique. Réponse de M. Trinquier et réplique de M. Dumarchey », La Tribune comptable, n° 60, décembre, p. 275-276.
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- Dumarchey J. (1934b), « Les trois phases de l’élaboration en matière de comptabilité », La Tribune comptable, n° 63, mars, p. 47-49 ; n° 64, avril, p. 71-73.
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- Dumarchey J. (1934d), « La loi dynamique des comptes », La Tribune comptable, n° 67, juillet, p. 143-147 ; n° 68, août, p. 167-172.
- Dumarchey J. (1934 e), « L’avenir de la comptabilité et son rôle sociologique (conclusion de la théorie positive de la comptabilité) », précédée d’une préface d’Alfred Berran, rédacteur en chef, La Comptabilité, vol. 175, n° 34, juillet, p. 271-281.
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- Dumarchey J. (1934-1935), « Einstein économiste », La Tribune comptable, 1934 : n° 72, novembre, p. 275-278 ; 1935 : n° 78, juin, p. 169-171 ; n° 80, août, p. 255-256.
- Dumarchey J. (1935-36), « Crises. Nosogénie et thérapeutique », La Tribune comptable, 1935 : n° 81, septembre, p. 285-287 ; n° 82, 83 et 84 [absents des archives nationales] ; 1936 : n° 85, janvier, p. 13-15 ; n° 86, février, p. 47-50 ; n° 87, mars, p. 89-94 ; n° 89, mai, p. 175-177 ; n° 90, avril, p. 215-217 ; nos 92-93, août-septembre, p. 263-266.
- Dumarchey J. (1936), présentation d’un article anonyme, « L’alignement du franc. Controverse à l’article de M. d’Hauteville du 25 octobre 1936 », La Tribune comptable, n° 95, novembre, p. 239-240.
- Dumarchey J. (1948), Théorie scientifique du prix de revient. Suivi d’une étude critique sur l’établissement des bases scientifiques de la comptabilité. Réponse à M. Cormier et examen de l’étude de M. Trinquier, Bibliothèque du comptable, Lyon, 94 pages (nouvelle édition).
Autres publications
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- Barthes M. (1930), « Introduction à la technique comptable », Bulletin de la Compagnie des chefs de comptabilité, n° 52, janvier, p. 896-898.
- Bouquin H. (1995), « Un aspect oublié de la méthode des sections : les enjeux d’une normalisation privée de la comptabilité de gestion », Revue française de comptabilité, n° 271, p. 63-71.
- Bournisien J. (1919), Essai de philosophie comptable, Imprimerie ouvrière, Limoges.
- Bournisien J. (1927), « Étude sur le prix de revient », Experta, n° 28, janvier, p. 7-9.
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- Marques de Almeida J.J. et da Conceição da Costa Marques M. (2003), « Dumarchey and the Accountancy in Portugal », working paper présenté aux IXe Journées d’histoire de la comptabilité et du management, Paris, 20 pages.
- Monloup-Robert C. (1932-33), « L’économie dirigée vue sous l’angle de la formule de Dumarchey », La Tribune comptable, 1933, n° 48, décembre, p. 265-269 ; 1932, n° 49, janvier, p. 1-4.
- Mouchot E. (1935), « Au sujet de l’établissement du prix de revient dans le commerce et dans l’industrie », Experta, nos 130-131, p. 326-327.
- Moulinier R. (1933), « Théorie positive… ou théorie patrimoniale ? », Experta, 1933, n° 106-107, juillet-août, p. 36-374.
- Olphe-Galliard A. (1935), « Au sujet de l’établissement du prix de revient dans le commerce et dans l’industrie », Experta, n° 125, p. 83 sq. et nos 130-131, p. 328.
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- Penglaou C. (1927-1928), « Les incertitudes de la doctrine comptable », Bulletin de la Compagnie des chefs de comptabilité, n° 27, décembre, p. 425 et 428-441 ; n° 28, janvier, p. 451-455.
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- Pinceloup C.-C. (1993), Histoire de la comptabilité et des comptables, tome 1, EDI-Nice, préface H. Court, 247 pages.
- Pradès C.-J. (1941), « La comptabilité fille du droit et du bon sens », La Comptabilité et les Affaires, n° 253, janvier-février, p. 9-16.
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- Touchard P., Bermond C., Cabanel P. et Lefebvre M. (2002), Le Siècle des excès. De 1870 à nos jours, PUF, Paris (6e éd.), 698 pages.
- Trinquier M. (1929), Comité d’étude de la comptabilité industrielle de la CCC, conférences « Introduction à la comptabilité industrielle », Bulletin de la Compagnie des chefs de comptabilité, juillet, fascicule n° 1.
- Trinquier M. (1930), « Établissement scientifique des bases de la comptabilité », conférence faite le 7 juin 1930 à la CCC, publié par la CCC et en annexe de Dumarchey (1933b).
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- Zimnovitch H. (1997), « Les calculs de prix de revient dans la seconde industrialisation en France », thèse de doctorat en sciences de gestion, Poitiers.
Mots-clés éditeurs : patrimoine, organisation, économie, comptabilité financière (objectifs), valeur, positivisme
Date de mise en ligne : 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/cca.113.0035Notes
-
[1]
Cf. Degos (1998), p. 95-96 ; Colasse et Durand (1994), p. 45-46 ; Pinceloup (1993), p. 95-86, 122, 177 ; Vlaemminck (1956), p. 198-207.
-
[2]
Cf. Marques de Almeida et da Conceição da Costa Marques, 1999 et 2003, à propos du Portugal.
-
[3]
Est aussi parfois mentionné Le Bilan explicite. Les titres exacts de ces ouvrages sont donnés en bibliographie (respectivement 1914, 1925, 1933b, 1927b).
-
[4]
C’est ainsi qu’il le raconte lui-même (cf. 1927b).
-
[5]
Les indications qui suivent puisent aux ouvrages de Pinceloup (1993) et de Degos (1998).
-
[6]
Cf. Touchard et al. (2002), Kuisel (1984) et Jonas (1991).
-
[7]
Cet ouvrage est la référence des écrits suivants, qui en constituent des extraits ou des dérivés : 1923a, 1923b, 1928b, 1932, 1933d, e, f, j, h et k, 1934b, d et f.
-
[8]
Cet ouvrage est la référence des écrits suivants, qui en constituent des extraits ou des dérivés : 1933i, 1934e ; 1928a, 1933c et 1934g.
-
[9]
Cet ouvrage est la référence des écrits suivants, qui en constituent des extraits ou des dérivés : 1933b, 1948, 1921-1922, 1926, 1928c,1931-1932a, 1931-1932b et 1934c.
-
[10]
Dumarchey (1927b), p. 5.
-
[11]
Dumarchey (1927b), p. 5.
-
[12]
Dumarchey (1927b), p. 6 à 8.
-
[13]
Ce que remarque, à son époque, Penglaou (1929), p. 13, note 5.
-
[14]
Préface d’Alfred Berran à Dumarchey (1934e).
-
[15]
Dumarchey (1933c), p. 131-133.
-
[16]
Dumarchey (1914), p. 100 ; Dumarchey (1925), p. 3. D’unités de valeur, c’est-à-dire de produits, biens susceptibles de concourir à la satisfaction d’un besoin humain.
-
[17]
Dumarchey (1925), p. 3.
-
[18]
Dumarchey (1925), p. 40-43.
-
[19]
Dumarchey (1925), p. 34-39.
-
[20]
Dumarchey (1925), p. 21. On retrouve l’analyse juridique « statique » en faveur des créanciers : Richard, 2001.
-
[21]
Dumarchey (1927b), p. 4. L’analyse critique de cet ouvrage de Léautey dans (1914), p. 32-48, éclaire ce paragraphe.
-
[22]
Dumarchey (1933b), p. 6.
-
[23]
Dumarchey (1933b), p. 20.
-
[24]
Dumarchey (1933b), p. 20.
-
[25]
Dumarchey (1933b), p. 20.
-
[26]
Dumarchey (1925), p. 326-327 (tableau de ventilation nature/process), p. 340 (tableau des pertes et profits) et p. 341 (citation).
-
[27]
Dumarchey (1935-1936), 1936, n° 90, avril, p. 216.
-
[28]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 263.
-
[29]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 264.
-
[30]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 264.
-
[31]
Les années trente sont, dit-on, le temps des replis corporatistes et des propositions de plans économiques. Ces dernières, d’origines diverses, seraient, au moins en apparence, fondées sur la volonté de bâtir l’ordre économique sur un équilibre rationnel et maîtrisé par les hommes au travers de mécanismes institutionnalisés, peu compatible avec la perspective libérale. Parmi ces plans, certains émanent de membres du X-Crise, tel Auguste Detœuf ; d’autres, à gauche, viennent des acteurs dominants de la CGT ou des néo-socialistes, dont Marcel Déat. Les projets de plans de ces derniers reflètent ceux élaborés par les mouvements socialistes, avec un certain opportunisme qui a conduit à ce que leur « plan français », présenté en 1935, soit qualifié de « charlatanisme » (Kuisel, 1984, p. 203).
-
[32]
Dumarchey (1935-1936), 1936, nos 92-93, août-septembre, p. 265.
-
[33]
Dumarchey (1935-1936), 1936, n° 87, mars, p. 90.
-
[34]
Paul Otlet, membre de la Société académique de comptabilité de Belgique, a exprimé dans les années vingt l’idée similaire que la comptabilité devait contribuer à dresser un « bilan mondial », cf. Forrester (1996). Je tiens à remercier le rapporteur pour les Xe Journées d’histoire de la comptabilité et du management qui m’a indiqué cette piste de réflexion.
-
[35]
Dumarchey (1934-1935), 1935, n° 78, juin, p. 171.
-
[36]
Cf., en 1927, la présentation de Dumarchey publiée par Experta, n° 28, janvier, p. 2 ; et, en 1946, sa nécrologie publiée par La Comptabilité et les Affaires et reproduite ci-après en conclusion.
-
[37]
Les écrits utilisés pour cette cartographie sont les suivants : Barthès (1930), qui ne se démarque pas de Penglaou (1929) ; Bournisien (1919) ; Dalsace (1930) ; Delaporte (1934, 1935, 1936) ; Demur (1930), ouvrage pédagogique ; de Fages de Latour (1926) ; Faure (1921) ; Gomberg (1930) ; Lefort (1929, 1934, 1941) ; Mariman (1921, 1929), historien de la comptabilité ; Monloup-Robert (1932-1933), directeur de l’ESC de Lyon et ancien directeur de La Tribune comptable ; Moulinier (1933), critique ponctuel des doctrines positives ; Moutault, cité comme « disciple » de Dumarchey par Lefort (1941) ; Penglaou, (1924, 1927-1928, 1929, p. 13-16) ; Pradès (1941), apôtre « du droit et du bon sens » ; Retail (1929) ; Royot (1936) ; Trinquier (1930).
-
[38]
Delaporte (1930), p. 371.
-
[39]
Dumarchey (1933c), n° 54, juin, p. 131-133.
-
[40]
Cf. in Dumarchey (1933b), p. 86.
-
[41]
Dumarchey (1933b), p. 48-49.
-
[42]
Cf. Dalsace (1930), p. 77-78.
-
[43]
Cf. respectivement Bulletin CCC, 1932, n° 76, janvier, p. 1395-1397 ; Experta, 1935, n° 133, octobre, p. 497.
-
[44]
Delaporte (1936), p. 501.
-
[45]
Delaporte (1930), p. 371.
-
[46]
Gomberg (1930), p. 552 et 558. Les renvois à son œuvre visent son livre : (1929), Histoire critique de la théorie des comptes, Genève. De Dumarchey, il cite La Théorie positive de la comptabilité.
-
[47]
Vlaemminck (1956), p. 199.
-
[48]
Intervention lors de la conférence de Penglaou à la CCC, cf. Penglaou (1927-1928), p. 426 ; puis Delaporte qui mentionnait encore Dumarchey in (1930, p. 371), ne le cite plus. Cf. son propos rapporté, tiré de (1936, p. 501), à rapprocher de Dumarchey (1934b).
-
[49]
Penglaou (1929), p. 14.
-
[50]
Penglaou (1929), p.16.
-
[51]
Penglaou (1929), p. 20.
-
[52]
Dumarchey (1934b), p. 73.
-
[53]
Dumarchey (1934b), p. 48-49.
-
[54]
Cf. Colasse et Durand (1994), p. 46.
-
[55]
Préface d’Alfred Berran à Dumarchey (1934e).
-
[56]
Delaporte (1936), p. 501.
-
[57]
Penglaou (1929), p. 36, note 1, et (1927-28), p. 438.
-
[58]
cf. respectivement, Bulletin CCC, 1932 : n° 76, janvier, p. 1395-1397 ; n° 77, février, p. 1413-1414.
-
[59]
Dumarchey (1934b), p. 73.
-
[60]
On doit par ailleurs remarquer que Dumarchey connaissait bien son temps : outre ses analyses économiques et sociales, il a en effet fait référence, dans la conclusion de La Théorie positive de la comptabilité, au rôle sociologique de celle-ci, propos qui se démarque de la vision positiviste à la Auguste Comte. Il considérait d’ailleurs que la comptabilité appartenait aux sciences sociales et non aux mathématiques, l’arithmétique n’étant qu’un moyen, à l’instar de l’arpentage qui use de la géométrie au service de la géologie (1914, p. 50).
-
[61]
Cette technicité n’épuise pas l’analyse : cf. Zimnovitch (1997), Bouquin (1995), Lemarchand et Le Roy (2000) à propos des enjeux concurrentiels du phénomène de normalisation comptable alors en cours.
-
[62]
Penglaou (1929), p. 20.
-
[63]
Traploir G. (1937), Résumés bibliographiques relatifs au prix de revient, PR 55, Cégos, sd (circa 1937), p. 46. AN 72 AS 2061. Je tiens à remercier vivement le professeur Lemarchand, à qui je dois cette information exclusive.
-
[64]
Il avait, il est vrai, exprimé que le niveau supérieur du bilan, résultant de sa démonstration, appartenait au pouvoir économique, expression logique d’une comptabilité de la valeur. Jean Fourastié, dont l’influence sur les premiers plans comptables français est connue (cf. Degos, 1997), a souligné l’importante contribution des idées de Dumarchey « aux progrès de l’art comptable » (cf. Vlaemminck [1956], p. 205).
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[65]
La Comptabilité et les Affaires, 1946, n° 324, décembre, p. 373.
-
[66]
Cf. Vlaemminck (1956), p. 207.