Notes
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[1]
Évaluation établie selon leur quartier de résidence à Mexico et la catégorie socio-professionnelle de leurs parents. Les pères de ces patientes exercent des professions libérales, sont cadres supérieurs, boucher (père de Jazmín) ou cuisinier (père de Begonia). Les mères sont femmes au foyer, professeur du secondaire (mère de Lila) ou secrétaire à mi-temps (mère de Jazmín). Afin de respecter l’anonymat, les prénoms de ces jeunes filles ont été changés.
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[2]
Nous donnons cette précision pour deux raisons principales : 1) expliquer selon quels critères nous avons pu entrer en contact avec des jeunes filles atteintes d’anorexie ; 2) mettre en évidence qu’une approche médicale a constitué le point de départ de notre recherche – ceci se reflète dans chacune des parties de l’exposé –, même si notre souhait a été de nous en affranchir.
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[3]
Darmon (2003) a réalisé un découpage temporel de ce qu’elle a appelé la « carrière anorexique ». Celle-ci se compose de quatre étapes : 1) « Commencer » [le régime] ou s’engager dans une prise en main ; 2) « Continuer » (1) : maintenir l’engagement ; 3) « Continuer » (2) : maintenir l’engagement malgré les alertes et la surveillance ; 4) « Être prise en charge » : s’en remettre à l’institution. Le découpage temporel, que nous proposons ici entre phases passives, phases actives et phases de recul du trouble, correspond à différentes périodes que nous avons pu observer lors de la quatrième étape de la « carrière anorexique » dégagée par Darmon.
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[4]
Le terme lanugo, dérivé du latin lana, signifie « laine » et « texture laineuse », et renvoie au duvet que l’on trouve sur la peau de certains fruits, comme la pêche, et les feuilles de certaines plantes.
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[5]
« Aménorrhée » est un terme médical qui vient du grec : a (privatif), mèn (mois) et rhein (couler).
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[6]
Les quatre critères sont : le refus de maintenir le poids corporel au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et la taille ; la peur intense de prendre du poids ou de devenir gros ; l’estimation erronée du poids corporel ; l’absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs (DSM-IV, 1995 : 558-559).
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[7]
À Mexico et au début des années 2000, est apparu le terme metrosexual pour qualifier les hommes de plus en plus soucieux de leur bien-être corporel, clients des salons de beauté et consommateurs de produits cosmétiques.
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[8]
En général, une fête est organisée dans les familles de classe populaire et le voyage à l’étranger est l’option des familles plutôt aisées.
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[9]
D’après les interventions des filles en thérapies de groupes, on peut même avancer qu’il s’agit d’une constante repérable dans bon nombre de pratiques quotidiennes : si la peur d’interagir avec l’autre sexe caractérise les périodes actives du trouble, la volonté de le séduire signe de façon incontournable un cheminement vers la guérison.
1Le spectre de la mort émane souvent de l’apparence corporelle des jeunes filles qui souffrent d’anorexie mentale. L’émaciation, la vision des reliefs osseux sous une peau pâle, le corps qui flotte dans des vêtements trop lâches, n’ont pas seulement un pouvoir d’évocation : le risque de mort est présent. Des signes de carences graves dues à la dénutrition, des troubles du rythme cardiaque peuvent faire pressentir la fragilité du pronostic vital. Le suicide fait aussi partie des issues possibles du trouble anorexique.
2Si ce flirt avec la mort est réel, il est important de ne pas réduire l’anorexie à ce désir unique qui serait accepté et attendu par les jeûneuses. Hyperactives et souvent animées de projets ambitieux, les jeunes filles brassent de nombreuses activités, ne se reconnaissent pas comme étant « malades » et l’idée de mort semble totalement absente de leur esprit. Dans ces moments-là, l’anorexie donne l’impression de n’être rien de moins qu’une stratégie de vie. Loin d’être linéaires et uniformes, ces états physiques et émotionnels, qui oscillent entre l’aspiration vers la mort et l’impulsion pour la vie, dépendent des histoires vécues par les jeunes filles, de l’évolution de leur trouble et de leur prise en charge ou non par une équipe thérapeutique.
3La présente recherche se fonde sur un travail de terrain réalisé à Mexico en 2004 et, plus exactement, dans une clinique privée spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire. Pendant une année, nous avons relevé les histoires de vie de huit patientes, mené avec elles des entretiens approfondis et suivi les consultations et thérapies de groupe. Ces jeunes filles, âgées de 13 à 24 ans, venaient de milieux sociaux moyens et supérieurs [1]. L’équipe médicale de la clinique recevait ces personnes plusieurs fois par semaine et depuis une période plus ou moins longue – entre 1 mois et 3 ans. D’après la classification psychiatrique américaine, était établi le diagnostic d’« anorexie mentale » : les médecins recouraient au DSM-IV, qui est la quatrième version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux [2].
4Remises entre les mains de cette équipe soignante, les jeunes filles semblaient connaître trois phases : 1) des moments de déprime intense, ou ce que nous appellerons des « phases passives », marquées par un état corporel en déréliction et par une attitude d’indifférence envers la vie en général et de repli sur soi ; 2) des « phases actives » pendant lesquelles les jeunes filles paraissaient parfaitement maîtresses de leur refus alimentaire, engagées dans un contrôle ferme de leur corps et dominatrices dans leurs relations interpersonnelles ; 3) des « phases de recul du trouble anorexique » où elles commençaient progressivement à « lâcher prise », c’est-à-dire à renoncer aux logiques de contrôle dans lesquelles elles se trouvaient enfermées [3].
5Ces étapes ne répondent pas à un ordre établi. Selon la patiente observée, les phases actives étaient plus ou moins entrecoupées de phases passives et le cheminement vers la guérison – non repéré chez toutes les jeunes filles –, pouvait être ponctué de rechutes, de périodes actives ou passives. La vitalité est une notion vague et fluctuante dans l’anorexie et ce découpage du trouble en différentes temporalités n’a qu’un but : pouvoir nuancer l’analyse fondée sur le discours de ces jeunes filles.
6Comme on le sait, l’anorexie mentale est descriptible par une série de signes stéréotypés. Entre autres, on peut mentionner l’amaigrissement et la peur de grossir, la perception erronée du corps, l’aménorrhée, la fragilité des ongles, la chute des cheveux, la froideur des membres, la sécheresse de la peau, le développement de lanugo [4], les insomnies et la fatigue due à une hyperactivité. Dans cette liste non exhaustive, notre regard se portera sur trois aspects corporels : l’aménorrhée, le lanugo et les rapports entretenus avec les cheveux. Quelles représentations suscitent ces trois éléments chez ces jeunes filles qui souffrent d’anorexie ? À quelles pratiques se livrent-elles ? L’objectif ici est d’explorer la nature des liens possibles entre le sang, la pilosité et les cheveux qui existent dans l’imaginaire de ces filles, selon les différentes phases qu’elles traversent.
7L’anorexie est, le plus souvent, abordée au travers des prismes de l’alimentation et de l’obsession de la minceur. Pourquoi l’envisager ici à partir de ses manifestations, a priori secondaires, telles que le sang, la pilosité et les cheveux ? En amont de ce travail, se logent plusieurs hypothèses. L’anorexie mentale est propre, sans être exclusive, au genre féminin. Dans une recherche antérieure (Tinat, 2005 : 106), nous avons démontré que les rapports au corps chez ces jeunes filles pouvaient être symboliquement interprétés comme une tentative d’inversion de la « valence différentielle des sexes » (Héritier, 1996) ou comme une volonté de renverser l’ordre hiérarchique masculin/féminin, supérieur/inférieur. De fait, d’après leurs représentations et pratiques corporelles et en reprenant la dichotomie aristotélicienne, elles se situent du côté du sec – de par leur aménorrhée –, du léger, du fort, de l’hyperactif, du dominable, du contrôlable, etc. Même si les réactions face au développement abondant de leur pilosité n’auront peut-être pas la même teneur que celles suscitées par la suspension de leurs menstruations, on suppose que, lié à la puberté, le fait d’associer le sang à la pilosité permettra d’approfondir cette thématique du masculin et du féminin dans l’anorexie.
8En effet, ce trouble surgit, le plus fréquemment, avant ou pendant la puberté. Au moment de ce passage de l’enfance à l’âge adulte, coïncident les apparitions de flux mensuels et de pilosité. Cependant, sous l’effet des fortes restrictions alimentaires, on observe chez ces filles un dérèglement de ces ajustements corporels qu’engendre la puberté. Si les menstruations permettent la sexualité reproductive, on se souvient aussi que Berg, au travers de Leach, a insisté sur la symbolique sexuelle de la pilosité et des cheveux (1958). Notre intention ici ne sera pas forcément de confirmer les métaphores entre appareils génitaux/poils et cheveux, cheveux longs/sexualité sans contrainte et cheveux attachés/sexualité contrôlée ; rester trop près de ces associations comporte le risque d’enfermer ces jeunes filles dans des interprétations figées. Même si l’on pressent que les liens possibles entre sang, pilosité et cheveux dans l’anorexie tendront vers une réflexion sur la sexualité au moment de la puberté, l’idée principale ici est avant tout de se placer du côté de ces jeunes filles, de comprendre leurs représentations et pratiques corporelles autour de la vitalité, cette notion si aléatoire dans l’anorexie.
De l’aménorrhée au sang qui coule volontairement
Les représentations de l’aménorrhée
9Les jeunes filles qui souffrent d’anorexie sont parfois aménorrhéiques [5]. Cette absence du flux menstruel fait partie des quatre critères du DSM-IV qui permettent d’établir le diagnostic d’une anorexie [6]. L’aménorrhée peut être primaire, si l’adolescente n’a jamais été réglée, ou secondaire, en cas d’arrêt des menstruations pendant plus de trois mois consécutifs. Bien que se produisant régulièrement, l’aménorrhée n’est pas spécifique à l’anorexie. Le cycle menstruel est facilement perturbé par des chocs émotionnels, des états de tension ou de surmenage. Bruch rappelle qu’en « période de guerre, dans les camps de concentration et en prison, l’incidence de l’aménorrhée était élevée » (1994 [1973] : 322). En dehors de ces conditions extrêmes et dans l’anorexie, plusieurs significations – d’ordre médical, psychologique et psychanalytique – ont été attribuées à cet arrêt des règles.
10On peut d’abord le relier à l’amaigrissement, puisqu’une perte de 10 à 15 % du poids entraîne une aménorrhée. Cet argument reste cependant contesté : le flux menstruel disparaît souvent avant la restriction alimentaire et la perte pondérale (Corcos, 2005 : 118). Une autre explication situe l’aménorrhée comme « l’un des effets du comportement général de maîtrise caractéristique dans l’anorexie : maîtrise des ingestions et des excréments, maîtrise du corps, maîtrise des relations interpersonnelles, maîtrise des études… » (ibid.). Certains psychanalystes, comme Combe (2002 : 3-6), rapprochent les interruptions des menstruations dans l’anorexie du refus de la féminité et du désir de voir disparaître certaines « règles » du quotidien. L’aménorrhée des jeunes anorexiques est aussi reliée à un état d’immaturité psychologique, sensible à travers l’attitude vis-à-vis de la sexualité. Le refus de la nourriture est assimilé au refus des rapports sexuels et l’arrêt des règles peut symboliser le maintien du statut d’enfant et la peur inconsciente de la fécondation. À cet égard, Maître écrit que « les façons anorectiques d’être au monde se trouvent caractérisées par le refus d’assumer l’apanage des femmes dans la transmission de la vie » (2000 : 8). Signe de la grossesse, mais aussi de la stérilité et de la ménopause, l’aménorrhée peut refléter chez ces filles d’autres états émotionnels.
11À la clinique, toutes les filles rencontrées étaient en aménorrhée secondaire depuis de longs mois. Les représentations, liées à l’arrêt des règles et livrées lors des entretiens, doivent être ordonnées en fonction des différentes temporalités du trouble. Dans les phases passives, les jeunes filles manifestent de l’indifférence face à ce changement corporel : « Cela m’est égal d’avoir mes règles ou non, tout ce que je veux, c’est maigrir », affirment-elles le plus souvent. Dans les phases actives, elles se réjouissent franchement de la disparition de leurs menstruations. Les raisons avancées sont : 1) que les règles sont « contraignantes et douloureuses » ; 2) que ces dernières les « affaiblissent, fatiguent » et les « empêchent d’être fortes et dynamiques » ; 3) qu’il est « injuste que les menstruations n’incombent qu’aux femmes et que les hommes n’aient pas à les subir » et que, pour cette dernière raison, elles « préféreraient être des hommes ». Enfin, lorsqu’elles cheminent vers une guérison, informées par les médecins des conséquences d’une trop longue aménorrhée, elles souhaitent à nouveau être réglées. L’idée de souffrir d’ostéoporose les épouvante. La réapparition du flux menstruel, réenclenchée ou non par l’absorption d’œstrogènes, les soulage : elles pensent « recouvrer la santé ». Dans ces moments-là, elles retournent leur discours : « Les hommes n’ont pas la chance de vivre la grossesse et de sentir le bébé grandir en eux. »
12La question du sang menstruel engendre, chez ces filles, un discours qui met en relief la comparaison, voire la compétition, avec l’autre sexe. L’aménorrhée est valorisée en tant qu’elle permet de contrecarrer un ordre biologique qui les place en situation d’infériorité par rapport aux hommes. Le retour des règles est d’autant mieux accepté par ces filles qu’il signifie l’affirmation du pouvoir génésique féminin que les hommes n’ont pas. Ce discours ne paraît pas propre et exclusif aux jeunes filles qui souffrent d’anorexie ; il renvoie surtout aux affects liés à la transformation des corps au moment de la puberté.
La fausse apparition des règles
13L’apparition des menstruations, qui signe le début de la puberté, laisse souvent un souvenir précis. S’il est impossible de restituer ici toutes les histoires individuelles recueillies, il faut en revanche signaler un élément important : trois des huit jeunes filles interrogées ont vécu une fausse apparition de leurs règles.
14Lila relate un accident survenu à l’âge de 9 ans. Pendant son enfance, « indépendante et intrépide », elle se mêlait toujours aux jeux de garçons. Un jour de vacances, Lila partit en vélo avec son frère et son cousin. Les freins de sa bicyclette ne fonctionnaient pas et, dans un champ en friche parsemé d’ornières, elle chuta et se blessa l’entrejambe. De retour à la maison, elle ne se targua pas de son escapade avec les garçons. Sa mère, en revanche, vit les traces de sang dans son linge et lui fournit des serviettes hygiéniques en lui annonçant qu’elle était réglée, que cette « chose » lui permettrait « d’avoir des enfants plus tard » et qu’elle était donc « désormais devenue une jeune fille ». Trois jours plus tard, la mère emmena Lila chez le médecin qui découvrit la plaie provoquée par l’accident. Lila eut ensuite ses « vraies règles » à l’âge de 15 ans.
15Les récits des deux autres filles suivent la même progression : 1) une chute qui fait saigner l’entrejambe ; 2) le secret gardé de l’accident à cause d’une circonstance d’interdiction – deux des filles avaient suivi des garçons et bravé l’autorisation parentale ; 3) la mère qui découvre le sang sur les sous-vêtements et qui explique à sa fille qu’elle est désormais dotée de la possibilité de procréer. Ces anecdotes représentent pour les trois filles un mauvais souvenir qui les avait envahies d’un sentiment de honte. Elles se trouvaient face à un problème qui ne les concernait pas encore, projetées dans une « puberté avant l’heure », annoncée et entérinée par le discours de la mère.
16Ces fausses apparitions de règles soulignent l’opposition entre sang menstruel et sang qui coule par accident. On sait avec Aristote que la grande différence entre les hommes et les femmes est que les premiers ne perdent leur sang que volontairement, dans des occasions qu’ils ont recherchées comme la chasse, la guerre, la compétition, tandis que les secondes subissent régulièrement leurs pertes sanguines sans pouvoir s’y opposer (Héritier, 1996 : 26). Au plan symbolique, lorsqu’elles sont reconnues comme « fausses règles », celles-ci représentent un glissement soudain du masculin au féminin qui n’aurait pas dû avoir lieu.
Les pratiques d’automutilation
17Les pratiques de mutilation de la chair sont bien connues depuis la « sainte anorexie » : Marie de l’Incarnation se mortifiait en portant la haire et le cilice – étoffes grossières en poils de chèvre ou de chameau – avec le désir d’atteindre le corps souffrant des autres (Maître, 2000 : 116-117) ; quand Catherine de Sienne prononça son vœu de chasteté, elle se flagella jusqu’au sang, s’ébouillanta aux jets d’eau de Vignone et se coupa les cheveux à ras (Maître, 1997 : 262).
18Depuis cette époque, quelques siècles se sont écoulés, les profils anorexiques se sont diversifiés et le contexte socioculturel, dans lequel on se place ici, est radicalement différent : les représentations religieuses ont disparu, mais les pratiques d’automutilation, chez les personnes qui souffrent de troubles alimentaires, restent fréquentes (Corcos, 2005 : 137-167).
19À la clinique, seule une jeune fille, Violeta, était concernée par ces « coulées de sang volontaires ». Dans les phases actives, elle aime « se lacérer les poignets environ une fois tous les 15 jours ». Elle justifie son acte en ces termes : « Je me libère de la colère qui m’anime intérieurement et de ma frustration… J’aime voir mon sang couler et, surtout, savoir que j’en suis responsable. » Sans doute faudrait-il attribuer une signification psychanalytique et replacer ce comportement à l’intérieur de l’histoire de Violeta. Là n’est pas notre intention. Le simple relevé de cette assertion de Violeta, additionné à la joie que lui procure son aménorrhée, nous renvoie à nouveau au discours aristotélicien. Au plan symbolique, cette jeune fille se situe du côté du « sang qui coule volontairement » – mais qui ne produit rien –, c’est-à-dire, du côté du masculin.
20Ces brèves considérations sur le sang dans l’anorexie permettent de faire émerger trois éléments liés entre eux. Il semble tout d’abord délicat pour ces jeunes filles d’accepter l’arrivée de leur puberté – que celle-ci soit véritablement ou faussement déclarée –, parce qu’elle marque la formation de leur « corps de femme », « affaibli » mensuellement et « capable de procréer ». Ensuite, le passage difficile du corps d’enfant au corps féminin vs. le corps masculin se retrouve non seulement dans un discours comparatif qu’elles peuvent tenir, mais aussi au travers d’une lecture symbolique de leurs comportements. Quand le sang coule par accident ou volontairement et quand il cesse de couler (cas de l’aménorrhée), on peut avancer qu’elles se trouvent symboliquement du côté du masculin. Enfin, au-delà de cette approche dichotomique, on observe aussi en filigrane, dans les représentations et les pratiques autour du sang chez ces filles, un troisième élément qui est la rage de devoir se soumettre à des lois biologiques – comme les menstruations – et/ou le plaisir extrême de « sentir maîtresse de son corps » – comme dans l’automutilation de Violeta.
Lanugo et autres poils
21D’après le discours médical, la dénutrition des personnes qui souffrent d’anorexie peut provoquer l’apparition sur certaines parties du corps d’un duvet lanugineux appelé « lanugo » (González, 2002 : 65). Il s’agit d’un mécanisme de protection du corps afin de maintenir la chaleur corporelle. Non pigmenté, composé de poils longs, souples et fins, le lanugo n’est pas propre à l’anorexie : il constitue en réalité la première pilosité de l’être humain qui se développe chez le fœtus dès le troisième mois de vie in utero. Ce duvet recouvre tout le corps du fœtus et disparaît spontanément avant la naissance, plus rarement après. Cette information attire l’attention : on retrouve, tant chez la femme enceinte que chez la jeune anorexique, la présence simultanée de l’aménorrhée et du développement de lanugo. Une précision s’impose : la femme enceinte est en aménorrhée et c’est le fœtus qui porte le lanugo alors que la jeune anorexique rassemble à elle seule les deux modifications corporelles. En ne nous intéressant qu’au lanugo, nous pourrions avancer que, d’un point de vue psychanalytique, la jeune qui souffre d’anorexie se trouve dans un état assimilable à celui du fœtus, c’est-à-dire, dans un état qui précéderait une naissance ou le saut vers une nouvelle vie. Cette mise en parallèle ne peut être qu’hypothétique et métaphorique, en tant qu’elle n’a jamais été formulée par les jeunes filles rencontrées.
22Revenons donc à des observations de terrain. À la clinique, seule la moitié des jeunes filles présentait sur certaines parties – principalement le dos, le visage et le ventre – une fine couche de lanugo. Dans les phases passives du trouble, elles se montrent indifférentes à cet état corporel. En dehors de ces moments, cette couche duveteuse suscite leur profond dégoût et un sentiment d’horreur. Ce type de poils leur rappelle « les singes et les hommes primitifs » ; elles associent leurs poils à la virilité masculine et l’idée de se trouver « dans la peau d’un homme » leur est proprement insupportable. Ce n’est pas seulement le lanugo, mais tous les poils du corps, qui provoquent cette répulsion : « Il n’y a rien de plus laid que des poils chez une femme », affirme Jazmín, à l’instar de ses compagnes. Toutes sans exception traquent le moindre poil en s’épilant entièrement les jambes, le maillot, les aisselles, la moustache et les bras.
23Les sourcils sont particulièrement soignés : finement épilés ou carrément rasés et redessinés au crayon. Cette pratique n’étonne guère : à Mexico comme dans d’autres capitales « occidentalisées », l’épilation des sourcils – ainsi que le recours aux cosmétiques – est une marque de beauté féminine. Cette pratique surprend davantage quand nous nous confrontons à des filles au corps décharné, aux besoins corporels déniés, et que seule l’épilation délicate de leurs sourcils signe une volonté de vivre. Qu’il s’agisse de cette partie et non d’une autre mobilise notre intérêt en ce sens que les yeux font partie des organes les plus importants pour les jeunes anorexiques : sans la vision, elles ne pourraient mener à bien l’évaluation constante de leur corps. Cecilia se rase entièrement les sourcils et se les redessine d’un mince trait de crayon qui s’arrête à la moitié du sourcil rasé. « C’est plus joli ainsi », dit-elle. Au-delà de la justification esthétique, on peut se demander si cet acte ne confirme pas davantage : 1) qu’elle a une vision déformée de son corps – les personnes qui souffrent d’anorexie sont aussi connues pour cela ; 2) qu’elle entend se donner la longueur de sourcil qu’elle-même souhaite et non se soumettre à celle qui pousserait naturellement.
24Les jeunes filles interrogées sont unanimes : le lanugo et les autres poils sont difficilement supportables pour elles. « Une femme belle est une femme sans poil », « les poils appartiennent aux hommes », affirment-elles. Afin de réparer ces dérèglements corporels, elles recourent à l’épilation pour se sentir « plus propres, plus hygiéniques, plus féminines ». Il faut noter que certaines d’entre elles ont une pilosité très peu développée. D’après les dossiers médicaux, les jeunes filles ont le plus souvent une toison pubienne vierge ou presque, et il en est de même pour le reste du corps. Les filles concernées s’en réjouissent : cette absence inattendue de pilosité rappelle les saignements menstruels non souhaités dans les phases actives du trouble.
25Les réactions, que suscite le développement de lanugo chez ces jeunes filles, diffèrent de celles suscitées par l’aménorrhée : à aucun moment elles ne se vantent d’être viriles, d’être comme les hommes. Au contraire, les poils les horripilent et elles font tout pour s’en débarrasser. Dans cette traque contre le moindre poil, il convient, comme pour le sang, de dégager plusieurs éléments d’interprétation. Le plus évident et le moins relié à l’anorexie est le critère esthétique, tant valorisé par les filles. Comme le rappelle Bromberger (2005 : 24-29), si le lisse féminin et le dru masculin ont constitué le paradigme de la beauté et de la normalité dans l’histoire de l’Occident, on constate aussi une tendance récente au recul des pilosités viriles : le lisse, obtenu grâce à tous types de techniques d’épilation, est un signe de beauté et de modernité tant chez les hommes que chez les femmes [7]. En dépit de ces nouvelles tendances que les jeunes filles n’ignorent pas, elles adoptent un discours qui oppose les différences corporelles, naturelles et surtout culturelles, entre le féminin et le masculin : la beauté féminine, louée à outrance, semble être leur cheval de bataille et, comme on le verra dans le rapport aux cheveux, une arme de séduction. Au-delà de l’esthétique, la notion de contrôle apparaît clairement. De la même façon qu’elles enragent de devoir subir la perte de flux menstruels, elles ne supportent pas l’idée qu’un duvet puisse recouvrir leur corps sans qu’elles l’aient décidé elles-mêmes. Les manifestations corporelles, qui échappent à leur pouvoir de décision, provoquent en elles une certaine colère. Si l’apparition du lanugo est en partie liée aux restrictions alimentaires, la poussée des autres poils correspond davantage aux changements dus à la puberté. Une fois encore, ces filles semblent vouloir rester à un stade pré-pubertaire, conserver un corps d’enfant imberbe comme celui qu’elles ont toujours connu. À un niveau symbolique, en nous référant à l’article de Leach (1958) et en rappelant que la pubescence fait partie des caractères sexuels secondaires de la puberté, on pourrait en déduire que ces jeunes filles expriment aussi, par ce rejet des poils, un refus d’assumer leur sexualité.
L’anorexie tirée par les cheveux
26D’un point de vue médical, les fortes restrictions alimentaires, l’anémie et les troubles hormonaux dans l’anorexie peuvent entraîner une fragilisation et une perte des cheveux (González, 2002 : 65). Sur le terrain, ces effets ne sont pas toujours visibles et les jeunes filles interrogées ont rarement évoqué ce genre de problèmes. Ce qui interpelle en revanche, c’est la façon dont elles arrangent ou n’arrangent pas leurs cheveux. Ces coiffures dépendent de leur état émotionnel.
De l’incestueux dans les cheveux ?
27Dans les phases passives, les filles ont les cheveux hirsutes, en bataille, très gras, très sales. Cet état de déréliction transparaît également au travers des autres rapports qu’elles entretiennent avec leur corps et de leur apparence vestimentaire. Deux des huit jeunes filles interrogées se rappellent aussi avoir eu l’envie subite d’être « coiffées comme un garçon ». Violeta s’est levée un matin « hantée par l’idée de se raser le crâne pour ressembler à un homme ». Elle passa à l’acte, ravie, mais déchanta presque aussitôt : elle refusa de sortir de chez elle pendant plusieurs semaines.
28Une histoire similaire est rapportée par Lila. Treize jours après le suicide de son frère, elle décida d’arrêter de manger et, quinze jours après cette décision, elle se rendit chez le coiffeur pour avoir une « coupe très courte » comme celle qu’avait son frère. Pendant plusieurs mois, elle s’est réjouie d’arborer la même coiffure que son frère disparu. Cette pratique doit être reliée à son contexte. Lila et son frère – de deux ans son aîné et né le même jour qu’elle – s’entendaient « à merveille » : tous deux se disaient fréquemment combien ils s’aimaient. Pour elle, son frère était son « ami », son « complice et compagnon de jeu ». Lui ne cessait de lui affirmer : « Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. » Quelques semaines avant la tragédie, tous deux avaient demandé à leurs parents de leur offrir un voyage en Europe de deux mois, l’été suivant, pour les 15 ans de Lila. Au Mexique, les 15 ans des jeunes filles sont célébrés par un rite qui consiste en une fête réunissant famille et amis ou bien en un voyage à l’étranger [8] ; ce rite représente le passage du statut de jeune fille à celui de femme, désormais en droit de se marier et d’avoir des enfants.
29Cette histoire fait émerger une dyade frère-sœur presque indivisible. Quand son frère meurt, Lila sent qu’une « partie d’elle-même est morte ». Cette relation ressemble à un inceste sans passage à l’acte, un inceste « symbolique » : le souhait de Lila de partir en tête-à-tête avec son frère pour ses 15 ans fait penser à une forme de « lune de miel ». À ce trait incestueux dans l’intentionnalité, on ajoutera qu’à cause du drame, Lila n’a pas pu concrétiser « son passage au statut de femme » et qu’elle a peut-être refusé de devenir une femme sans l’extérioriser verbalement (Tinat, 2005 : 111).
Du contrôle du corps à l’opération de séduction
30Dans les phases actives du trouble, il semble n’y avoir qu’une « coiffure possible » pour ces jeunes filles. Toutes sans exception tirent sévèrement en arrière leurs cheveux et les tressent ou les attachent en queue de cheval ou en chignon, à la manière de danseuses classiques. Aucune mèche ne dépasse et la chevelure est plaquée grâce à une couche de gel. En début de thérapie, elles affirment que cette coiffure est la plus pratique pour le bon déroulement de leurs activités. En fin de thérapie, elles se justifient autrement. Lila lance : « Cette coiffure faisait partie des contrôles que j’avais sur moi-même. J’aimais sentir mes cheveux collés sur mon crâne. » Pour Violeta, cette coiffure avait « pour but de ne pas attirer le regard des garçons à l’école » parce que « les garçons pensent que les filles aux cheveux détachés sont plus accessibles que les autres ».
31Quand les jeunes filles lâchent prise sur leurs restrictions alimentaires et corporelles, elles commencent à dénouer leurs cheveux et à en prendre soin. Elles les revitalisent grâce à des produits spéciaux et se rendent régulièrement, presque périodiquement, pourrait-on dire – entre une fois par semaine et une fois par mois – chez le coiffeur. Ces pratiques ne sont pas forcément celles des jeunes filles issues de bonnes familles. Au Mexique, le salon de beauté s’érige en institution : il représente à la fois un espace de sociabilité des femmes de tous milieux et un lieu de passage fréquent et obligé pour différents soins corporels (coiffure, manucure, épilations, maquillage, etc.). Pour toutes les filles interrogées, « une femme pour être femme doit avoir les cheveux longs », « une femme aux cheveux longs et détachés a davantage de succès auprès des hommes qu’une femme aux cheveux courts ». À la fin de sa thérapie, Cecilia se présente en consultation dans une tenue vestimentaire sexy, le visage maquillé et les cheveux pailletés. Le médecin la taquine : « Jolie comme tu es, n’as-tu pas peur d’attirer le regard des garçons ? » et Cecilia répond : « Non, au contraire. Je voudrais désormais être toujours admirée ! »
32De ces rapports aux cheveux, on peut dégager plusieurs éléments d’interprétation dont le point de convergence semble être la sexualité. Dans les moments de déprime intense, on observe une maltraitance et/ou un abandon des soins apportés à la chevelure ainsi que des pratiques ponctuelles et impulsives, comme le rasage, qui rappellent celles des saintes anorexiques (cf. Catherine de Sienne, mentionnée plus haut) et, plus généralement, celles des aspirantes à la qualité de nonne. La « coupe courte » de Lila a pour but principal de faire revivre son frère qu’elle aimait tant. La perte du frère et la souffrance qui l’accompagne semblent compensées par la perte ou coupe des cheveux de Lila qui représente l’amour et la complicité qui l’unissaient à son frère. Dans l’énonciation, cette pratique n’est pas dissociée du discours amoureux tenu par Lila envers son frère et peut, en ce sens, renvoyer à la relation d’inceste au plan symbolique, repérée à travers d’autres éléments de leur histoire.
33De la phase active au recul du trouble, on observe chez ces jeunes filles un double passage : 1) des cheveux sévèrement tirés en arrière aux cheveux libres et détachés ; et 2) du refus catégorique d’attirer les regards masculins à la volonté de devenir leur unique cible [9]. La simultanéité de l’action et du changement de positionnement par rapport à l’autre sexe laisse entendre que, chez ces filles, le fait de lâcher leurs cheveux symbolise l’acceptation de leur corps séducteur et sexualisé.
34Par-delà la sexualité, c’est aussi l’acceptation de leur féminité qui est en jeu et l’on relève dans leur discours la façon dont elles se représentent le masculin et le féminin au travers de rapports dichotomiques : cheveux courts/cheveux longs ; cheveux attachés/cheveux détachés ; cheveux sales/cheveux propres. À la lumière de ces rapports, se dessine l’expression de la « toute-puissance » des anorexiques : en se rasant la tête, les filles veulent ressembler aux garçons ; une coiffure sévère représente leur volonté de tout contrôler ; les soins de la chevelure en fin de thérapie semblent n’avoir qu’un but : ensorceler le sexe opposé, c’est-à-dire le dominer.
Conclusion
35Quels liens se tissent donc entre le sang, la pilosité et les cheveux dans l’expérience anorexique ? À partir des considérations précédentes, il semble possible de dégager trois liens ou plutôt trois pistes de réflexion.
36Tout d’abord, s’impose la notion de contrôle. Le fait que cet aspect réunifie les rapports aux menstruations, aux poils et aux cheveux n’étonne guère : le contrôle est omniprésent dans l’anorexie, et pas seulement dans les rapports aux corps (Tinat, 2006). Ce qui est intéressant ici, ce ne sont pas les multiples contrôles exercés par les jeunes filles sur leur corps, mais les sentiments de rage et de colère qui traversent ces filles lorsqu’elles ne peuvent pas le maîtriser. Rien ne semble plus désolant pour elles qu’un sang qui coule mensuellement et des poils qui poussent abondamment. Ces deux manifestations corporelles représentent le « corps vivant » et une interprétation possible pourrait être que ces jeunes sont irritées par les expressions de cette vitalité qui s’imposent à elles. Cette explication fait écho à l’image de la mort qu’on évoquait en introduction : refuser ces signes de vitalité reviendrait à désirer la mort, de façon réelle ou symbolique. Cependant, nous opterons davantage ici pour une autre interprétation : dans les phases actives, tout se passe comme si les jeunes filles envisageaient leur corps comme leur pire ennemi, qui leur impose une loi à laquelle elles ne peuvent se soumettre parce qu’elles ne l’ont pas édictée. On se trouve donc face à un ordre hiérarchique en vase clos, un mécanisme de pouvoir entre la jeune fille et son corps, c’est-à-dire de la jeune fille avec elle-même. Cette logique nous rappelle le titre de l’œuvre de Raimbault et d’Eliacheff (1989) : ces filles sont des « indomptables ».
37Comme deuxième lien, et en maintenant le regard vers l’exercice des jeux de pouvoir, surgit la thématique du masculin et du féminin. Le discours des jeunes filles pose systématiquement, au centre de leur expérience corporelle, la différence des sexes et les relations de genre. De façon schématique : leur aménorrhée les réjouit parce qu’elles préféreraient être des hommes ; quand leurs règles reviennent, elles se targuent du pouvoir génésique des femmes dont sont privés les hommes ; elles détestent le lanugo qui les rend poilues comme des hommes et s’épilent le moindre poil pour rester belles et féminines ; dans les phases actives de leur trouble, elles s’attachent les cheveux pour détourner l’attention des hommes, mais les détachent dans les phases de guérison pour mieux séduire les hommes ; dans les phases de déprime, deux jeunes filles se sont subitement rasé et coupé les cheveux pour ressembler à un homme. Ces observations confirment l’hypothèse selon laquelle les jeunes filles atteintes d’anorexie aimeraient inverser « la valence différentielle des sexes » (Héritier, 1996). Cependant, le gros plan effectué sur ces trois aspects – sang, pilosité et cheveux – permet de révéler deux mécanismes différents dans cette tentative d’inversion. Dans les phases passives et actives, il semble qu’elles aimeraient prendre la place des hommes, c’est-à-dire, se hisser, malgré leur sexe féminin, au rang supérieur du masculin. Dans les phases de recul du trouble, leur discours dithyrambique sur la féminité laisse entendre en revanche qu’elles aimeraient instaurer un nouvel ordre hiérarchique : féminin/masculin, supérieur/inférieur.
38Cette dernière observation, où le féminin dominerait symboliquement le masculin, est particulièrement visible dans les rapports de séduction que les jeunes filles découvrent en phase de guérison. La sexualité peut être vue comme étant le troisième lien. Si celle-ci est progressivement assumée par les jeunes filles quand le trouble régresse, c’est-à-dire quand les règles reviennent ou quand elles détachent leurs cheveux, on rejoint Moisseeff (1987 : 143) pour avancer que cette sexualité est déniée, abandonnée ou inexistante dans les phases passives et actives du trouble anorexique. Par leur aménorrhée, elles montrent leur incapacité à accepter leur potentiel de reproduction. En livrant bataille contre leur pilosité et en gardant les cheveux attachés sévèrement, elles se débarrassent des signes majeurs de leur corps sexualisé.
39Les représentations et les pratiques de ces jeunes filles atteintes d’anorexie, sur le sang, la pilosité et les cheveux, s’articulent donc, au moins, autour de trois liens : le contrôle ou plutôt la rage de ne pas pouvoir contrôler des transformations corporelles, la volonté d’inverser la « valence différentielle des sexes » et les rapports à la sexualité. À nos yeux, la corde qui enserre ces trois liens est la puberté. Enterrer l’enfance pour renaître adulte implique un bon nombre de défis corporels, sexuels et genrés auxquels ne se confrontent pas sans difficulté les jeunes filles qui souffrent d’anorexie.
Bibliographie
Bibliographie
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- 2006 « Le contrôle extrême de la nourriture. Un regard sur l’anorexie mentale à Mexico », Journal des anthropologues 106-107 : 105-122.
Mots-clés éditeurs : Anorexie mentale, sexualité, féminin/masculin, corps
Mise en ligne 03/11/2019
https://doi.org/10.3917/cas.006.0043Notes
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[1]
Évaluation établie selon leur quartier de résidence à Mexico et la catégorie socio-professionnelle de leurs parents. Les pères de ces patientes exercent des professions libérales, sont cadres supérieurs, boucher (père de Jazmín) ou cuisinier (père de Begonia). Les mères sont femmes au foyer, professeur du secondaire (mère de Lila) ou secrétaire à mi-temps (mère de Jazmín). Afin de respecter l’anonymat, les prénoms de ces jeunes filles ont été changés.
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[2]
Nous donnons cette précision pour deux raisons principales : 1) expliquer selon quels critères nous avons pu entrer en contact avec des jeunes filles atteintes d’anorexie ; 2) mettre en évidence qu’une approche médicale a constitué le point de départ de notre recherche – ceci se reflète dans chacune des parties de l’exposé –, même si notre souhait a été de nous en affranchir.
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[3]
Darmon (2003) a réalisé un découpage temporel de ce qu’elle a appelé la « carrière anorexique ». Celle-ci se compose de quatre étapes : 1) « Commencer » [le régime] ou s’engager dans une prise en main ; 2) « Continuer » (1) : maintenir l’engagement ; 3) « Continuer » (2) : maintenir l’engagement malgré les alertes et la surveillance ; 4) « Être prise en charge » : s’en remettre à l’institution. Le découpage temporel, que nous proposons ici entre phases passives, phases actives et phases de recul du trouble, correspond à différentes périodes que nous avons pu observer lors de la quatrième étape de la « carrière anorexique » dégagée par Darmon.
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[4]
Le terme lanugo, dérivé du latin lana, signifie « laine » et « texture laineuse », et renvoie au duvet que l’on trouve sur la peau de certains fruits, comme la pêche, et les feuilles de certaines plantes.
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[5]
« Aménorrhée » est un terme médical qui vient du grec : a (privatif), mèn (mois) et rhein (couler).
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[6]
Les quatre critères sont : le refus de maintenir le poids corporel au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et la taille ; la peur intense de prendre du poids ou de devenir gros ; l’estimation erronée du poids corporel ; l’absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs (DSM-IV, 1995 : 558-559).
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[7]
À Mexico et au début des années 2000, est apparu le terme metrosexual pour qualifier les hommes de plus en plus soucieux de leur bien-être corporel, clients des salons de beauté et consommateurs de produits cosmétiques.
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[8]
En général, une fête est organisée dans les familles de classe populaire et le voyage à l’étranger est l’option des familles plutôt aisées.
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[9]
D’après les interventions des filles en thérapies de groupes, on peut même avancer qu’il s’agit d’une constante repérable dans bon nombre de pratiques quotidiennes : si la peur d’interagir avec l’autre sexe caractérise les périodes actives du trouble, la volonté de le séduire signe de façon incontournable un cheminement vers la guérison.