Notes
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[1]
Ce texte a été écrit dans le cadre d’une résidence à Halle, en tant que professeur invité par la Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg et par l’Interdisziplinäres Zentrum für die Erforschung der Europäischen Aufklärung (IZEA). J’ai plaisir à remercier le professeur Robert Fajen, à l’origine de cette invitation.
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[2]
Toutes nos citations des Bijoux indiscrets sont données dans l’édition réalisée par Jean-Christophe Abramovici, dans Diderot, Contes et romans, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2004, p. 1-238.
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[3]
Voir la préface de J. Rustin à son édition des Bijoux indiscrets, Paris, Gallimard, 1981, p. 9-10.
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[4]
Sur le conte philosophique diderotien, deux thèses récemment soutenues et à paraître : M. Fourgnaud, Le Conte à visée morale et philosophique de Fénelon à Voltaire (Bordeaux, 2013), et K. Baron, Diderots Erzählungen : Die Charaktergeschichte als Medium der Aufklärung, Paderborn, Wilhelm-Fink-Verlag, 2014.
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[5]
Comme le précise J.-C. Abramovici, éd. cit., p. 963.
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[6]
Voir C. Bournonville, C. Duflo, A. Faulot, S. Pelvilain (éd.), Prévost et les Débats d’idées de son temps, Louvain-Paris-Walpole MA, Peteers, à paraître en 2015.
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[7]
G. Lessing, Dramaturgie de Hamburg [1768], trad. E. de Suckau, Paris, Didier, 1869, p. 390.
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[8]
Jacques Rustin, qui rappelle que la critique (Aram Vartanian, Raymond Jean, R. J. Ellrich) a très tôt souligné l’importance de ce thème dans Les Bijoux indiscrets, met aussi en valeur le côté mystifiant de cet apparent sérieux dans la numérotation des essais de l’anneau (éd. cit., p. 23-25).
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[9]
Outre qu’on trouve ici une formule (le mot X est vide de sens) que Diderot affectionne, dans son souci encyclopédiste et parfois nominaliste de chasser les mots qui ne recouvrent rien, ou qui, pire encore, voilent quelque chose d’inavouable, se dit ici sur le fond, comme le rappelle J.-C. Abramovici, la théorie de la taupinerie (éd. cit., p. 213) : « Il y a un peu de testicule au fond de nos sentiments les plus sublimes et de notre tendresse la plus épurée » (à Damilaville, 30 novembre 1760, dans Diderot, Œuvres, éd. L. Versini, Paris, Robert Laffont, 1997, t. V, p. 297).
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[10]
Sur ce travestissement et sa signification, voir le commentaire de F. Lotterie, Le Genre des Lumières : femme et philosophe au XVIIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 117-123.
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[11]
Voir par exemple P. Hadot, Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris, Fayard, (1992) 1997, p. 154.
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[12]
Voir C. Duflo, Diderot : du matérialisme à la politique, Paris, CNRS éditions, 2013, chap. III : « De la physiologie à l’anthropologie : l’apport des médecins », p. 61-85.
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[13]
Voir C. Duflo, Diderot philosophe, Paris, Honoré Champion, (2003) 2013, p. 447-452.
« Pour Sophie, elle leva le masque, brava les discours, mit du rouge et des mouches, se répandit dans le grand monde, et eut des aventures. »
1 La dédicace qui ouvre Les Bijoux indiscrets (« À Zima ») affirme d’emblée et sans ambiguïté l’appartenance de l’œuvre à un certain genre libertin, en s’inscrivant dans la lignée de Crébillon, cité pour Tanzaï et Néadarné (1734) et Le Sopha (1741), et de Duclos, auteur des Confessions du comte de *** (1741). Cette inscription générique est redoublée dès l’incipit, qui cite une série de noms de personnages tout droit sortis des fictions merveilleuses, plus ou moins érotiques et orientales du moment : Tanzaï, Acajou, Zulmis, Splendide, Angola, Misapouf, etc. Il y a là un hommage, et l’affirmation également d’une forme de concurrence littéraire ludique : saisissant une mode qui bat alors son plein, le jeune Diderot se met sur les rangs pour figurer lui aussi, comme toute cette littérature facile, « sous votre oreiller » (p. 3). On sait que Diderot, bien des années plus tard, soucieux de se forger une image de philosophe respectable, en fit d’ailleurs tomber la faute sur Mme de Puisieux, laquelle aurait mis son amant au défi de faire aussi bien que Crébillon [3].
2 Si cette référence à la fiction érotico-orientale crébillonesque est évidente, on peut se demander cependant dans quelle mesure elle ne vient pas faire écran et empêcher de voir que Les Bijoux s’inscrivent aussi dans une autre lignée, peut-être moins inoffensive, celle des fictions à ambition philosophique et en premier lieu des Lettres persanes (1721) avec lesquelles le roman de Diderot entretient bien des affinités. Dans tous les cas, la forme choisie permet l’accumulation indéfinie d’épisodes, l’entremêlement des discours et l’hybridité des registres, et Diderot joue pleinement de ces possibilités digressives. Mais ce désordre apparent, cette accumulation qui pourrait donner un sentiment d’éclatement du texte, est compensé par la présence de lignes de force qui lient ensemble les chapitres et donnent à la totalité une unité et une dynamique. Dans le détail, de multiples effets d’annonces et d’échos viennent tenir ce rôle de liant ; dans l’ensemble le prétexte grivois fait le point de départ du texte et en assure le fil directeur narratif, régulièrement rappelé par l’entretien d’un faux suspense quant à ce que dira enfin le bijou de la favorite. L’aspect le plus rhapsodique du texte vient précisément du fait que près de la moitié des chapitres quittent ce prétexte grivois pour se faire l’écho, et souvent la satire, des débats du temps, du bruissement des polémiques intellectuelles, des multiples sujets à la mode dans la société cultivée. Et pourtant, sur ce terrain même, ce qui pourrait donner un sentiment d’éclatement est unifié par un ton, volontiers léger, sceptique, moquant la gravité de ceux qui prennent ces débats au sérieux, et une série d’interrogations philosophiques qui perce sous les questions mondaines.
3 Si Les Bijoux indiscrets sont aussi un roman à ambition philosophique, comment le sont-ils ? Comment et pourquoi s’articulent la dimension érotique essentielle à la narration et la dimension philosophique ? Celle-ci produit-elle des effets sur celle-là, et inversement ? Et, last but not least, pour dire quoi ? On voudrait ici, après avoir tenté de décrire la manière spécifique dont ce roman met en scène les débats d’idées, montrer que deux thèmes philosophiques forts dominent et organisent tant la diégèse que le contenu dissertatif : l’expérience et la détermination. Épistémologie ludique de l’expérience d’un côté, avec le travail du sultan pour dévoiler les vérités cachées à l’aide de son anneau magique, anthropologie métaphysique de l’autre, avec les disputes fantaisistes sur le siège de l’âme, qui portent en réalité sur la question de savoir ce qui, en nous, est la partie dominante. Mais de quoi le sultan fait-il l’expérience répétée, sinon de la non-liberté, de la détermination de la volonté par le corps ? Or une telle expérience doit être racontée, elle ne peut se retracer qu’en passant par un récit, qui dise les causes et les effets, l’histoire des corps, le mouvement des passions. Il n’y a que celui qui ne raconte pas, c’est-à-dire qui ne voit pas l’homme dans le temps, qui peut penser être libre, détaché de la chaîne des causes et des effets. La philosophie narrative est ici l’expérience de la détermination.
Roman libertin et débat d’idées
4 Les Bijoux indiscrets présentent un certain nombre de traits qui deviendront caractéristiques de la manière dont Diderot pratique des modes d’écriture à la fois narrative et philosophique dans ses contes et romans [4] : le doute sur l’instance énonciatrice, tout d’abord, marqué par le fait qu’on ne sait jamais qui parle, puisque celui qui tient la plume (le caudataire) ne fait que traduire un auteur africain au manuscrit d’ailleurs lacunaire ; la manière permanente dont la fiction se met elle-même en doute et se moque d’elle-même et de ses procédés ; l’écriture oblique, c’est-à-dire le fait qu’on parle régulièrement d’une chose pour en désigner une autre ; enfin, le passage en revue satirique des idées du temps, mais sans jamais livrer ou imposer de conclusion. L’effet sceptique est permanent, sans que le scepticisme soit lui-même une conclusion possible – ce qui serait encore une manière de donner des leçons. C’est au lecteur de penser, et la fiction travaille à constituer un lecteur critique.
5 De ce point de vue l’héritage des Lettres persanes est manifeste, et plusieurs signes ne laissent aucun doute sur cette filiation. Le bilan très critique du règne de Louis XIV qui va jusqu’à l’évocation des débuts de la Régence et du système de Law, au chapitre L, dont on peut bien supposer qu’il avait perdu de son actualité et de sa dimension corrosive en 1748, année de publication des Bijoux indiscrets comme De l’esprit des lois, est imprégné de souvenirs du texte de 1721. La liste des livres antisomnifères (p. 182), qui inclut les romans de Marivaux, Crébillon et Duclos, répond à la curieuse ordonnance médicale de livres de dévotion anti-insomnie de la lettre CXLII [5]. Le récit de la visite de Sélim à Paris au chapitre XLIV n’est pas sans rappeler celui de Rica. Sélim paraît « comme un phénomène » et fait l’intérêt et l’étonnement des femmes de la cour qui ne veulent pas le laisser retourner « dans un vilain pays où les femmes sont gardées à vue par des hommes qui ne le sont plus. […] On dit qu’ils n’ont rien. Cela est bien déparant pour un homme » (p. 170). Les chapitres écrits plus tardivement, dans les années 1775-1780, et ajoutés par les éditeurs depuis Naigeon montrent que Diderot continue, lorsqu’il revient à la fiction congoise, de se souvenir du modèle persan. La réflexion sur la mode du chapitre XIX, qui fait écho à la lettre XCIX, mène à une leçon de relativisme inscrite dans cette filiation : « Il est sûr que nous paraîtrions aussi bizarres à ces insulaires, qu’ils nous le paraissent. » (p. 63) Le thème même de la relativité des préjugés en matière sexuelle, qui rapproche ces chapitres du Supplément au voyage de Bougainville, fait aussi le lien, dans ce contexte oriental, avec la fiction de Montesquieu : « Ô étranger ! que tout est opinion et préjugé ! On appelle crime chez toi, ce que nous regardons comme un acte agréable à la divinité ! » (p. 54) L’arrivée du voyageur chez les insulaires géomètres donne lieu à une variation plaisante sur le thème de la lettre XXX et son fameux « Comment peut-on être persan ? » : « Il s’éleva autour de moi un bruit de mille voix d’hommes et de femmes qui répétaient : C’est un Congo, c’est un Congo, c’est un Congo. […] Une foule d’habitants […] demandaient à voir le Congo. Je me montrai ; je parlai ; et ils s’éloignèrent tous avec un mépris marqué par des huées, en s’écriant : Fi donc ! c’est un homme. » (p. 59)
6 Comme chez Montesquieu, le dispositif littéraire vise à produire un lecteur critique, l’anecdote se fait philosophie narrative, la forme ouverte accueille tant les débats du temps que leur relativisation satirique et sceptique. Car il ne va sans doute pas de soi que le roman érotico-oriental à la manière de Crébillon puisse laisser beaucoup de place à de tels débats. La légèreté du ton supportera-t-elle une telle greffe ? Même rhabillée à l’orientale, il n’est pas certain que l’évocation de la controverse des newtoniens et des cartésiens et des raisons profondes de l’adhésion à l’un ou à l’autre système (chap. IX) n’alourdisse pas abusivement le divertissement littéraire attendu – il en va de même de la présentation de l’opposition de Lully (Utmiutsol) et de Rameau (Utrémifasolasiututut ; chap. XIII). Bien sûr, le roman « sérieux » promu par Prévost avait déjà démontré sa capacité d’intégrer les débats intellectuels de l’époque [6]. Et, comme chez Prévost, le lectorat auquel le texte s’adresse est le même qui lit les journaux et s’intéresse à ces questions publiques : en les intégrant et en les traitant de façon plaisante, le romancier peut espérer rencontrer l’intérêt des lecteurs quant aux thèmes sur lesquels il se porte. Mais, chez Prévost, la manifestation d’ambitions philosophiques du texte romanesque va avec la recherche d’un effet de sérieux. Il n’est pas clair qu’un roman qui s’inscrit explicitement dans la lignée du Sopha et de Tanzaï gagne à produire un tel effet, un peu contradictoire avec l’esthétique revendiquée.
7 Le développement argumenté ne risque-t-il pas de couper l’intérêt romanesque, tout porté sur le dévoilement d’aventures sexuelles cachées et sur le récit gazé de péripéties obscènes ? Diderot – ce sera une des caractéristiques de son style narratif – bouscule quelque peu le lecteur dans ses attentes. Mais il met en scène en même temps cette difficulté esthétique et le côté incongru de cette hybridité du texte, dans un dispositif typiquement sceptique, ici produit par les moyens de la narration, qui a pour effet que la fiction intègre ces débats tout en en montrant la vanité.
8 Exemplaire ici est la controverse sur le théâtre du chapitre XXXVIII, dont Lessing a le premier montré tout le sérieux et toute la portée [7]. Contre Sélim, Mirzoza affirme la supériorité des tragédies des anciens, non pas en raison du respect des règles, mais en raison du choix du sujet, de la simplicité de l’action contre les « épisodes » des modernes, et de l’exactitude de l’imitation : « Il n’y a que le vrai qui plaise et qui touche. » (p. 135) Les tirades de Mirzoza s’allongent, elles se font démonstratives et rhétoriques, multiplient les connecteurs logiques (« or », « mais »…), prennent l’auditeur (Sélim et, à travers lui, le lecteur) à témoin par une série de questions oratoires, le forcent à conclure dans son sens (« convenez que »), examinent les différentes dimensions de la pièce depuis le choix du sujet jusqu’au dénouement. Il est clair que le texte risque fort ici de quitter la légèreté du conte grivois et de décourager le lecteur qui ne chercherait qu’à s’amuser. Au lieu de dissimuler cette tension esthétique, Diderot la souligne dans la figure de Mangogul – ici représentant complice du lecteur de romans libertins : « De par Brama, s’écria le sultan en baillant, madame a fait une dissertation académique. » (p. 135) Quelques paragraphes plus loin, il sort, laissant la conversation se poursuivre entre Sélim et Mirzoza, puis revient une page plus bas en affirmant : « J’ai, comme vous le voyez, des secrets pour abréger une poétique quand je la trouve longue. » (p. 136) On apprendra plus loin qu’il est allé pendant ce temps écouter le caquet d’un bijou. En soulignant son côté dissertatif, le sultan se moque du débat et contribue à en relativiser la portée. Le texte organise ainsi une complicité ludique avec le lecteur qu’une telle dissertation pourrait ennuyer et qui serait tenté, comme le sultan, de sauter les pages pour apprendre au plus vite les suites des révélations grivoises des bijoux. Mais cette auto-ironie est à double niveau, puisqu’en se moquant du sérieux du débat d’idées elle en souligne en même temps, précisément, le sérieux. Comme le dit Mangogul s’expliquant sur sa conduite : « S’il arrive à un homme de s’ennuyer des belles choses et de s’amuser à en entendre de mauvaises, tant pis pour lui. Cette injuste préférence n’ôte rien au mérite de ce qu’il a quitté ; il en est seulement déclaré mauvais juge. » (p. 139)
9 Ainsi le texte des Bijoux revendique-t-il une forme d’instabilité générique, une hybridité qui greffe sur l’héritage du conte érotico-oriental celui du roman à ambition philosophique : le lecteur, comme Mangogul, veut distraire son ennui, et il est invité à le suivre dans son entreprise amusante, mais aussi dans son devenir philosophe. Le travail de la narration va aussi consister à intriquer l’une et l’autre : « J’ai cessé d’être sultan pour être philosophe, et je puis entendre et dire la vérité. » (p. 105)
Reconnaissez l’expérience
10 On l’a dit souvent, l’expérience est le thème qui relie les préoccupations du Diderot encyclopédiste, celui qui publiera quelques années plus tard les Pensées sur l’interprétation de la nature, et le scénario à prétexte grivois et à forme ouverte des Bijoux indiscrets. Il s’agit surtout du thème qui noue le plus fortement les deux versants du texte de 1748. Armé de la bague de Cucufa, Mangogul devient un expérimentateur baconien, qui multiplie les épreuves et les varie dans leurs conditions et dans leurs objets. Les « essais de l’anneau » se présentent sous une forme apparemment systématique que mime leur numérotation jusqu’à 30. Mais la numérotation est quelque peu fantaisiste, puisqu’il manque le vingtième essai, et que certains sont par ailleurs non numérotés [8] – le lecteur est ainsi averti qu’il convient de ne pas trop prendre cette imitation du discours savant au sérieux et surtout qu’il est nécessaire de rester vigilant face à l’ordre de la fiction.
11 En dépit de ce tour léger par lequel le roman rappelle son arbitraire et sa fantaisie, il est manifeste que ces essais répétés de Mangogul peuvent être liés à l’allégorique éloge de l’expérience du chapitre XXXII qui est sans doute la formulation la plus claire, à l’orée des Lumières, de leur méfiance à l’égard des grands systèmes métaphysiques et de leur exigence expérimentale comme seule méthode de refondation possible d’une véritable science. Mangogul, en rêve, y visite la région des hypothèses, fragile édifice sans fondement mais s’élevant vers le ciel, où des vieillards presque nus se disputent des lambeaux de la robe de Socrate en essayant de pousser vers le ciel des bulles de savon. Il rencontre Platon qui lui explique que ce temple a été celui de la philosophie, dont les beaux jours sont passés à la mort de Socrate : « Qui rassemblera ces morceaux, continua Platon, et nous restituera la robe de Socrate ? » (p. 110) En réponse à cette question, arrive le personnage de l’expérience, d’abord enfant, puis grandissant au fur et à mesure de ses acquis – le télescope, le pendule, le prisme – jusqu’à devenir un géant qui fait écrouler le palais des hypothèses. L’allégorie n’a rien d’ambigu : l’expérience ne détruit que des édifices inconsistants et fonde sur cette nécessaire destruction la science moderne, celle des Galilée et des Newton, qui met fin aux systèmes des métaphysiciens et qui est le début d’un retour à la vraie philosophie.
12 Dans ce texte qui lutte, par une série de liens narratifs et thématiques d’un chapitre à l’autre, contre le risque d’éclatement et de dispersion inhérent à ce type de récit épisodique, le discours sur l’expérience avait d’ailleurs été préparé au chapitre XXIX, dans le dialogue qui suit l’exposé de la philosophie de Mirzoza. Sélim objecte la tradition philosophique, qui affirme que la nature ne fait rien en vain. La réponse de Mirzoza est la leçon anticipée du rêve allégorique du sultan : « Laissons là vos sages et leurs grands mots […] et quant à la nature, ne la considérons qu’avec les yeux de l’expérience. » (p. 102) Le chapitre XIX, qui fait partie de ceux qui ont été élaborés postérieurement à la première publication, souligne que les querelles d’école infinies sont le fait d’aveugles qui disputent des couleurs ou de sourds qui disputent des sons, parce qu’ils n’ont pas l’expérience pour trancher et mettre fin aux systèmes (p. 63).
13 Le pari entre Mangogul et Mirzoza, relançant le suspense à mi-parcours, relève lui-même d’une forme d’épistémologie de l’expérience qui, dans un mouvement ludique iconoclaste, se moque en même temps des théologiens. Il s’agit de savoir s’il y a des femmes vertueuses :
14 « […] s’il y a une femme sage, il peut y en avoir mille.
15 – Oh ! pour la possibilité, dit Mangogul, je ne la dispute point.
16 – Mais si vous convenez qu’elles sont possibles, reprit Mirzoza, qui vous a révélé qu’elles n’existaient pas ?
17 – Rien que leurs bijoux, répondit le sultan. Je conviens toutefois que ce témoignage n’est pas de la force de votre argument. […] Vous m’avez prouvé l’existence des femmes sages, à peu près comme on démontre celle de Brama en braminologie. » (p. 117-118)
18 On voit que la comparaison est à double entente : elle souligne la faiblesse de l’argument de Mirzoza de manière intradiégétique, et invite du même coup de manière extradiégétique le lecteur complice à méditer sur la faiblesse de la preuve de l’existence de Dieu par sa possibilité, quand les expériences répétées ne le donnent à voir nulle part. Mais la discussion se poursuit, et porte sur la qualité et la quantité des expériences. Le propos s’applique à l’argument narratif, il justifie tant la multiplicité des expériences passées du sultan que ses enquêtes futures ; il est clair qu’il détourne aussi parodiquement de vraies questions de philosophie expérimentale :
19 « Je ne conclus pas seulement de la possibilité ; je pars d’un fait, d’une expérience.
20 – Oui, continua Mangogul ; d’un fait mutilé, d’une expérience isolée, tandis que j’ai pour moi une foule d’essais que vous connaissez bien. » (p. 118)
21 Que peut-on conclure des expériences ? Peut-on induire une conclusion universelle d’une série d’essais qui semblent dire toujours la même chose ? Dans quelles conditions une expérience est-elle probante ? Quand et comment faut-il en faire varier les paramètres ? Une seule expérience contraire suffit-elle à renverser une théorie générale ? Ces questions sont bien de celles qui préoccupent par ailleurs Diderot épistémologue et encyclopédiste. Ce qu’il découvre ici n’est pas seulement une manière de les mettre en scène ludiquement, simple transposition ou application décalée, mais plutôt que le discours sur l’expérience peut devenir un principe diégétique : non seulement quelque chose dont on parle et qui engendre des discours, lesquels tiennent leur comique du décalage entre le sérieux du sujet philosophique et le plaisant de l’objet auxquels ils s’appliquent, mais bien également un moteur d’engendrement d’histoires à raconter.
22 Ainsi, les essais de l’anneau magique servent à plusieurs reprises à faire justice, contre les apparences et les discours mensongers, lorsque les veuves réclament des pensions non méritées, quand un jeune homme est faussement accusé de viol ou s’il s’agit de réduire à néant les discours calomniateurs des petits maîtres. À chaque fois, l’expérience ne vient pas seulement comme un coup d’arrêt, mais elle donne matière à récits – notamment ceux des bijoux et leur singulier point de vue narratif.
23 Une expérience doit être racontée. Elle engendre des récits qui la décrivent dans son dispositif, la narrent dans son processus et dans son résultat. Lorsque la favorite veut prouver le caractère faux du théâtre français, elle invente un scénario pour une expérience imaginaire (que Diderot développera dans la partie « Dor val et moi » du Fils naturel) : imaginons un étranger qui ne connaît rien du théâtre et à qui on fait croire qu’il assiste dissimulé à la réalité d’une intrigue de sérail, l’illusion durerait-elle bien longtemps ? (p. 137) La démarche expérimentale, ici toute intellectuelle, passe par un microrécit. Il faut montrer l’expérience imaginaire se déployant dans le temps pour lui donner une forme de consistance.
24 De même, lorsque le sultan, dans une crise de misogynie dont le texte se moque, veut montrer la continuité de la femme et de l’animal, il envisage une expérience : « Il est si vrai, morbleu, que la femme n’est qu’un animal, que je gage qu’en tournant l’anneau de Cucufa sur ma jument, je la fais parler comme une femme. » (p. 105) Cette expérience engendre le petit conte du chapitre XXXI, avec une série de péripéties narratives qui suivent les règles du récit : portrait de la petite jument, tant physique que moral, anecdote sur la petite jument, refus de prendre en note le discours du bijou d’une bête par le secrétaire de Mangogul, vite remplacé par un Provençal moins soucieux de sa dignité, interprétations divergentes des doctes ignorants, hommage intertextuel aux Voyages de Gulliver, résumé des amours de la petite jument et réponse à la gageure du sultan. L’expérience suppose la narration de l’expérience, elle engendre des récits, et ce roman qui prend pour thème la question de l’expérience en fait aussi le principe d’engendrement de sa forme romanesque.
Les automates
25 Ces expériences réitérées du sultan, de quoi sont-elles l’expérience ? Que disent tous ces récits des bijoux ? Formulé d’une façon désobligeante qui en limite la portée, le principe de l’essai de l’anneau sur la petite jument est pourtant fort clair. En établissant la continuité de la femme et de l’animal, il démontre, comme toutes les autres expériences du sultan mais en variant les conditions, que les actions sont déterminées par les organes et en premier lieu par les organes sexuels.
26 « Vraiment, dit Mirzoza, si nos bijoux pouvaient expliquer toutes nos fantaisies, ils seraient plus savants que nous-mêmes.
27 – Et qui vous le dispute ? repartit le sultan. Aussi crois-je que le bijou fait faire à une femme cent choses sans qu’elle s’en aperçoive ; et j’ai remarqué dans plus d’une occasion que telle qui croyait suivre sa tête, obéissait à son bijou. » (p. 79)
28 Mangogul entame alors une discussion sur le siège de l’âme féminine – qui porte en réalité sur le point d’origine de la volonté. Le sultan suppose que l’anneau de Cucufa ne crée pas la parole des bijoux, mais qu’il la donne simplement à entendre distinctement, qu’il fonctionne comme un révélateur bruyant et scandaleux d’une réalité silencieuse. De là, Mangogul produit un classement du genre féminin en fonction de la manière dont le bijou détermine l’individu, qui n’oublie pas de rappeler que les sentiments s’enracinent d’une manière ou d’une autre dans le corps sexué : « D’habiles gens prétendent que le mot tendre, pris sans aucun rapport au bijou, est vide de sens. » (p. 80 [9]) La thèse, répétée, est matière à récit, puisqu’elle donne lieu à la fable racontée par Sélim sur l’amour platonique (chapitre LIII), qui illustre le fait que même les plus beaux sentiments supposent l’espoir de jouir.
29 Mais c’est à Mirzoza qu’il revient d’affiner et d’universaliser la métaphysique trop partielle et partiale du sultan. À l’issue de la discussion entamée au chapitre XXV, la favorite annonce qu’elle va donner à son tour « un petit échantillon de [sa] philosophie » (p. 81). Au chapitre XIX (on remarque encore une fois le souci de Diderot de lier entre eux des chapitres parfois distants, pour assurer une forme d’unité à un roman sans cesse digressif), elle s’exécute. Travestie en professeur de la Sorbonne grâce à deux jupons noirs, une perruque et un bonnet carré, elle « se crut habillée en philosophe, lorsqu’elle se fut déguisée en chauve-souris » (p. 97). Ce travestissement [10] annonce bien sûr une parodie plaisante de leçon philosophique, mais il permet aussi, du point de vue de la justification narrative, de tenir une telle leçon dans le cadre d’un sérail érotico-oriental que la tradition romanesque n’a guère configuré pour cela. Pour qu’il y ait une dissertation philosophique dans un roman, fut-elle fantaisiste, il faut qu’il y ait un personnage qui la soutienne et qui soit légitimé au sein de la fiction pour le faire, c’est-à-dire produit par elle de telle sorte qu’il soit, en effet, habillé en philosophe, même s’il s’agit d’un épisode carnavalesque : l’habit autorise le propos (« Vous avez déjà l’esprit et le ton de votre nouvel état », remarque Mangogul, p. 97).
30 Dans ce cadre comique, commence une leçon sur le siège de l’âme, sujet comique en effet, comme le montrera très froidement, peu de temps après, le supplément que Diderot ajoute au très orthodoxe article « Âme » de l’abbé Yvon pour l’Encyclopédie. Le débat, relancé après Descartes et sa fameuse glande pinéale, y est retracé par Diderot qui se livre à un inventaire de toutes les hypothèses physiques et métaphysiques sur la localisation de l’âme et de toutes les difficultés insolubles qu’elles suscitent. Le lecteur intelligent et averti de l’Encyclopédie est, on peut le supposer, censé conclure par lui-même qu’il est douteux que l’âme soit quelque chose de différent du corps et qu’il s’agit peut-être d’une seule et même chose. Mangogul, dans le chapitre suivant, pointe d’ailleurs vers une telle conclusion, aussi loin sans doute qu’on peut aller dans ce type de texte : « Il faudrait, en suivant vos idées, que nous eussions tous des âmes ; or, voyez donc, délices de mon cœur, qu’il n’y a pas le sens commun dans cette supposition. » (p. 104)
31 Mais en réalité, le véritable objet de la leçon de Mirzoza, quelles que soient les conséquences matérialistes que le lecteur est invité à tirer par lui-même, n’est pas tant la question de l’existence d’une âme immatérielle, qu’elle met d’ailleurs d’emblée entre parenthèses (« Je suppose l’existence d’une substance différente de la matière et […] ils [les pédagogues de Mangogul] la tiennent pour démontrée », p. 97). La question posée par Mirzoza est celle du principe directeur – ce que les stoïciens nomment hégemonikon [11]. Qu’est-ce qui, en nous, commande nos volontés et nous détermine à l’action ? Mirzoza se propose de « jeter les premiers fondements d’une métaphysique expérimentale » (p. 98). Il s’agit d’observer l’être humain et de raconter son développement. Elle raconte alors que le siège de la volonté n’est pas la tête, mais différentes parties du corps, selon les âges, selon les moments, selon les individus. Dans l’enfant comme dans le danseur, « la tête est soumise aux pieds » (p. 101). Dans la femme voluptueuse, « l’âme occupe le bijou » (p. 102). On peut ainsi classer les individus selon le type de détermination qui les caractérise. Au récit de la promenade de l’âme dans le corps auquel elle appartient, Mirzoza substitue une image plus saisissante encore, qui fait spectacle divertissant et philosophique :
32 « Ah ! s’il m’était donné seulement pour vingt-quatre heures d’arranger le monde à ma fantaisie, je vous divertirais par un spectacle bien étrange : en un moment j’ôterais à chaque âme les parties de sa demeure qui lui sont superflues, et vous verriez chaque personne caractérisée par celle qui lui resterait. Ainsi les danseurs seraient réduits à deux pieds, ou à deux jambes tout au plus ; les chanteurs à un gosier ; la plupart des femmes à un bijou ; les héros et les spadassins à une main armée ; certains savants à un crâne sans cervelle ; il ne resterait à une joueuse que deux bouts de mains qui agiteraient sans cesse des cartes ; à un glouton, que deux mâchoires toujours en mouvement ; à une coquette, que deux yeux ; à un débauché, que le seul instrument de ses passions ; les ignorants et les paresseux seraient réduits à rien.
33 – Pour peu que vous laissassiez de mains aux femmes, interrompit le sultan, ceux que vous réduiriez au seul instrument de leurs passions, seraient courus. Ce serait une chasse plaisante à voir ; et si l’on était partout ailleurs aussi avide de ces oiseaux que dans le Congo, bientôt l’espèce en serait éteinte. » (p. 102-103)
34 Bien des années plus tard, Diderot sera très intéressé par la médecine vitaliste de Bordeu et de Ménuret qui donne à chaque organe une volonté propre et fait du tout que nous sommes le résultat d’une négociation plus ou moins harmonieuse entre les exigences plus ou moins forte de ces différentes volontés. On comprend en quoi, sur ce point, le philosophe a reconnu dans la médecine vitaliste la science qui convenait à sa philosophie [12]. La métaphysique expérimentale de Mirzoza est le constat de l’universelle détermination. Elle porte sur la manière dont nos volontés sont déterminées par nos organes. « Les trois quarts des hommes et toutes les femmes ne sont que des automates » (p. 105), conclut le sultan, qui n’a comme toujours qu’en partie compris la leçon.
35 Mais l’auteur africain, lui, a compris, et donne même quelques indications philosophiques pour aller plus loin. Les organes qui déterminent nos volontés sont eux-mêmes de « pures machines » : « Ici l’auteur africain rapporte tout au long l’argument métaphysique contre l’âme des bêtes, qu’il applique avec toute la sagacité possible au caquet des bijoux. » (p. 162)
36 C’est dire que nos organes, comme l’animal machine cartésien, n’ont ni âme ni liberté. La liaison très forte des deux notions (l’une se prouve par l’autre et, inversement, l’absence de l’une témoigne de l’absence de l’autre) est d’ailleurs ici assignée à sa source la plus forte dans la philosophie moderne, puisque c’est bien Descartes qui a fait de l’absence de liberté un des signes déterminant du caractère automate de l’animal, et par conséquent de son absence d’âme spirituelle. Mais si les bijoux, qui nous déterminent fondamentalement, sont de pures machines, alors la conséquence sur nous se tire d’elle-même.
37 La fable des insulaires du chapitre XVIII – chapitre rajouté dans lequel Diderot invente une forme de science-fiction pornographique – accentue sous une forme fantaisiste la description du caractère déterminé et déterminant des organes. Les insulaires élaborent une science des mariages en fonction de la forme géométrique des bijoux et de leur température, mesurée à l’aide d’un thermomètre – objet d’expérience scientifique s’il en est, notamment perfectionné de manière toute récente par Réaumur, comme le signale l’Encyclopédie. Dans le texte de 1748, déjà, la chaleur du tempérament emportait la volonté, mais la chose était dite dans une métaphore toute platonicienne : « Quand le tempérament est monté à un certain degré, c’est un cheval fougueux qui emporte son cavalier à travers champs. » (p. 181)
38 On notera que cette métaphysique expérimentale, qui prend la forme d’une anthropologie causale, se déploie d’ailleurs sur d’autres sujets que le caquet des bijoux, liant les uns aux autres les différents thèmes rencontrés. Le débat sur la nature des rêves agité au chapitre XLII, par exemple, travaille à montrer que ce qui pourrait passer pour le domaine de l’extravagance et du caprice, ou de l’inspiration divine extraordinaire, est constitué d’associations qui s’expliquent mécaniquement par la façon dont les activités de veille ont affecté les fibres de notre cerveau. Tout est automate en nous.
39 Ou encore, de même que le caquet des bijoux fait entendre de façon audible ce qu’ils ont toujours dit sans qu’on les entende, de même le récit de Sélim (chap. L), qui montre la cour de Louis XIV vieillissant transformée en une galerie de pantins, fait voir assez clairement que le corps politique fonctionne (ici de façon déréglée et sénile), comme le corps individuel, dans un vaste système de détermination [13]. Si l’on compare cette image à celle des individus réduits à leur organe dominant proposée par Mirzoza, l’une procède par addition (faire apparaître les ficelles qui nous déterminent) et l’autre par suppression (faire disparaître tous les organes qui ne sont pas nécessaires pour comprendre nos actions) : elles viennent dire la même détermination générale.
40 C’est ici que la narration joue à plein son rôle philosophique. Car la liberté ou son absence peuvent toujours être proclamées de façon abstraite. Mais il suffit de raconter pour faire sentir la détermination, dire les causes et les effets, reconfigurer la volonté dans le temps auquel elle appartient, dans l’ordre de la succession où elle n’est que prise de conscience du discours silencieux des organes. Le caquet des bijoux ne dit pas autre chose. Il y a philosophie narrative parce qu’il faut raconter l’expérience de la détermination. Ce n’est que lorsqu’on ne raconte pas qu’on a le sentiment de se déterminer sans cause. Le récit fait apparaître les enchaînements.
41 Ainsi, en dépit de son inscription liminaire dans l’héritage du roman exotico-libertin à la manière de Crébillon, Les Bijoux indiscrets entretiennent une ambition philosophique forte qui lorgne sans doute plutôt vers les Lettres persanes. Cette ambition se marque d’abord dans cette forme épisodique qui fait alterner les discours grivois des bijoux et l’inventaire satirique des débats d’idées du temps, mais également, de manière beaucoup plus forte et plus intéressante, dans le développement de deux thèmes qui intriquent inséparablement les deux côtés du roman : l’expérience et la détermination. Car, sur ces deux questions précisément, l’investigation philosophique doit passer par les moyens de la narration. Il y a exercice de philosophie narrative ici, dans la mesure où l’on recherche dans la narration la refiguration des successions temporelles que ces deux questions supposent. Une expérience se déploie dans le temps et doit être racontée. La détermination se révèle lorsque l’on déploie nos actions dans le temps ; l’investiguer philosophiquement, c’est en faire l’objet d’un récit. Néanmoins, sur aucune de ces deux questions, ni sur toute autre, le texte des Bijoux ne présente de conclusion dogmatique. La narration met en œuvre un processus d’intellection, les conditions d’émergence et de déploiement d’une série d’interrogations, qu’il revient au lecteur de poursuivre. Il y a là un effet sceptique, qu’on peut trouver également dans les Lettres persanes, mais on peut considérer que chez Diderot comme chez Montesquieu, ce n’est pas le dernier mot, et qu’il s’agit bien plutôt de constituer peut-être un peu malgré lui le lecteur de roman, attiré par le doux parfum du scandale et la recherche d’un divertissement facile, en lecteur philosophe.
Notes
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[1]
Ce texte a été écrit dans le cadre d’une résidence à Halle, en tant que professeur invité par la Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg et par l’Interdisziplinäres Zentrum für die Erforschung der Europäischen Aufklärung (IZEA). J’ai plaisir à remercier le professeur Robert Fajen, à l’origine de cette invitation.
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[2]
Toutes nos citations des Bijoux indiscrets sont données dans l’édition réalisée par Jean-Christophe Abramovici, dans Diderot, Contes et romans, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2004, p. 1-238.
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[3]
Voir la préface de J. Rustin à son édition des Bijoux indiscrets, Paris, Gallimard, 1981, p. 9-10.
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[4]
Sur le conte philosophique diderotien, deux thèses récemment soutenues et à paraître : M. Fourgnaud, Le Conte à visée morale et philosophique de Fénelon à Voltaire (Bordeaux, 2013), et K. Baron, Diderots Erzählungen : Die Charaktergeschichte als Medium der Aufklärung, Paderborn, Wilhelm-Fink-Verlag, 2014.
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[5]
Comme le précise J.-C. Abramovici, éd. cit., p. 963.
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[6]
Voir C. Bournonville, C. Duflo, A. Faulot, S. Pelvilain (éd.), Prévost et les Débats d’idées de son temps, Louvain-Paris-Walpole MA, Peteers, à paraître en 2015.
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[7]
G. Lessing, Dramaturgie de Hamburg [1768], trad. E. de Suckau, Paris, Didier, 1869, p. 390.
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[8]
Jacques Rustin, qui rappelle que la critique (Aram Vartanian, Raymond Jean, R. J. Ellrich) a très tôt souligné l’importance de ce thème dans Les Bijoux indiscrets, met aussi en valeur le côté mystifiant de cet apparent sérieux dans la numérotation des essais de l’anneau (éd. cit., p. 23-25).
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[9]
Outre qu’on trouve ici une formule (le mot X est vide de sens) que Diderot affectionne, dans son souci encyclopédiste et parfois nominaliste de chasser les mots qui ne recouvrent rien, ou qui, pire encore, voilent quelque chose d’inavouable, se dit ici sur le fond, comme le rappelle J.-C. Abramovici, la théorie de la taupinerie (éd. cit., p. 213) : « Il y a un peu de testicule au fond de nos sentiments les plus sublimes et de notre tendresse la plus épurée » (à Damilaville, 30 novembre 1760, dans Diderot, Œuvres, éd. L. Versini, Paris, Robert Laffont, 1997, t. V, p. 297).
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[10]
Sur ce travestissement et sa signification, voir le commentaire de F. Lotterie, Le Genre des Lumières : femme et philosophe au XVIIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 117-123.
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[11]
Voir par exemple P. Hadot, Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris, Fayard, (1992) 1997, p. 154.
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[12]
Voir C. Duflo, Diderot : du matérialisme à la politique, Paris, CNRS éditions, 2013, chap. III : « De la physiologie à l’anthropologie : l’apport des médecins », p. 61-85.
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[13]
Voir C. Duflo, Diderot philosophe, Paris, Honoré Champion, (2003) 2013, p. 447-452.