Notes
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Jean-François Tétu est Professeur émérite à l’Institut d’Études politiques de Lyon (laboratoire ELICO), ancien président au CNU (section 71 et groupe XII), Professeur associé au réseau ORBICOM des chaires UNESCO. Il a publié notamment : en collaboration avec Maurice Mouillaud, Le Journal quotidien, Lyon, PUL, 1989 (en ligne aux PUL) ; « Du “public journalism” au “journalisme citoyen” », Questions de communication, n° 13, 2008.
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Les questions de cet entretien ont été conçues par Aliènor Bertrand et Frank Burbage. L’entretien a été réalisé en octobre 2009.
1 Cahiers Philosophiques La définition de l’opinion publique est loin d’aller de soi, alors même que l’usage de la notion est omniprésent. Comment définir « l’opinion publique » ? Quelle valeur possède cette notion pour décrire et analyser les sociétés contemporaines ? À quelle échelle ou niveau la situer exactement ? Y a-t-il une opinion publique locale ?
2 ? Jean-François Tétu La notion et le concept d’opinion publique ne vont évidemment pas de soi, aujourd’hui moins que jamais, où l’omniprésence des sondages dans l’activité politique ordinaire (la Cour des Comptes vient de rappeler à l’ordre l’Élysée sur ce point) va de pair avec une réflexion théorique qui en est fort éloignée.
3 Dans l’Antiquité et pendant le Moyen Age, l’opinion « publique » ne pouvait être que l’opinion du vulgaire que les bons esprits doivent ignorer, même si les princes doivent s’en soucier (cf. la réécriture romantique des révoltes populaires cristallisées autour de la figure de Jacques Bonhomme). L’« opinion » renvoie à la signification du verbe « opiner » qui égale un jugement peu fondé jusqu’à l’Encyclopédie. À la Renaissance, et sous l’influence de l’imprimé, les questions théologiques font l’objet de véritables campagnes de presse, et d’un très vaste mouvement d’impression de textes divers : le débat d’idées a acquis une valeur marchande, d’où la fortune, ou l’infortune des éditeurs de textes « réformés » puis ceux de la Contre-Réforme. On a là le premier exemple de la « publicité » comme principe fondateur d’une opinion « publique ». Cela se poursuit, évidemment grâce aux Gazettes, dans l’expansion du livre et de l’institutionnalisation d’un univers littéraire. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que, notamment grâce à Kant (Réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ?) et Fichte se construisent rationnellement l’idée du « public » et les conditions d’autorité ou de légitimité du jugement public (théorie normative du public, conceptualisation du droit d’auteur...) en même temps que l’idée du « Tribunal de l’opinion » s’impose chez les philosophes, notamment français (voir R. Chartier pour l’opinion publique bourgeoise, et A. Farge pour l’opinion publique populaire). Il faut attendre encore un siècle pour que la montée des « masses » pose la question de la mesure de l’opinion (voir G. Tarde et son interprétation du suffrage des masses où les voix sont dénombrées plutôt que pondérées). C’est le début de l’intervention des sociologues avant que les sondeurs ne prennent le devant de la scène, et que des mesures incessantes ne semblent concurrencer le Parlement.
4 Les premières véritables théories de l’opinion publique contemporaines sont américaines et datent d’environ un siècle. Le travail pionnier est incontestablement La République américaine, tome 3, de James Bryce (1888, traduit en français en 1901) qui met en évidence les interactions sociales et la circulation des médias qui préludent à la formation de l’opinion, suivi de A.B. Lowell (Public Opinion and Popular Government, 1913), de W. Lippmann (The Phantom Public, 1925) et de J. Dewey, The Public and its Problems, 1927). Il y a là, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, un vrai travail fondateur dont on peut dire qu’il s’achève avec George Gallup (Public Opinion in a Democracy, conférence de Princeton, 1939). D’autres travaux théoriques nettement plus récents, d’origine allemande, sont très mal connus en France, qui a fait un accueil enthousiaste à l’Espace public, de J. Habermas, mais n’a quasiment rien traduit de N. Luhmann.
5 Il faut dire que, après la Seconde Guerre mondiale, les recherches empiriques sont totalement dominantes, conduites par la psychologie sociale qui devient alors l’instrument majeur des politiques comme de l’univers publicitaire, jusqu’à ce que l’éclairage des études de réception (dont les cultural studies) ne renversent les propositions couramment admises sur l’effet des médias. On avait beau savoir depuis un bon moment qu’il n’y a pas d’effet mécanique des médias dans la formation de l’opinion, notamment grâce à des travaux marquants, américains là encore, depuis The People Choice, jusqu’à Personal Influence de Lazarsfeld en 1955, qui fonde l’idée de « leaders d’opinion » et d’« effets limités » des médias – le sens commun n’en voulait rien savoir.
6 Depuis deux ou trois décennies, un vrai travail théorique a repris, qui s’intéresse largement au processus de formation des opinions individuelles. Il est difficile d’en situer le centre, tant cette question anime des recherches dans les différentes sciences sociales, l’histoire, bien sûr, mais aussi la sociologie et les sciences politiques. En France, le fameux article de P. Bourdieu « L’opinion publique n’existe pas » (1973), suivi du livre de P. Champagne, Faire l’opinion, ont dénoncé et démontré les biais essentiels des sondages qui n’en continuent pas moins à faire l’actualité.
7 Aujourd’hui, les réflexions les plus intéressantes se tournent vers la « démocratie délibérative » comme alternative à la démocratie libérale. On s’attache surtout au caractère labile et instable des opinions individuelles, à la nécessité de prendre en compte la manière dont cette opinion se forme au contact des autres et évolue en permanence, c’est-à-dire qu’on s’interroge sur la délibération, le débat public, et la qualité réellement démocratique de l’opinion ? d’où une attention récente à toutes les formes d’exclusion.
8 Évidemment lié aux médias qui restent la principale source d’information sur les questions où se forme l’opinion, l'information sans cesse interprétée via l’expérience personnelle des individus et leurs interactions sociales, le lieu de l’opinion dépend de ses objets et des lieux de circulation des informations. La part des crises et des conflits y est majeure. Ainsi, la chute du mur de Berlin a-t-elle renforcé une opinion « européenne », tout comme le débat sur la Constitution européenne, ou encore l’attentat du 11 septembre a-t-il cristallisé l’idée extrêmement trompeuse, mais commode pour l’opinion, d’un « choc des civilisations ».
9 La localisation de l’opinion est donc directement fonction du lien entre l’information et l’expérience individuelle : il suffit d’une grève des transports en commun dans telle ou telle localité pour y voir surgir un débat, moteur de construction de l’opinion.
10 C.P. Quelles sont les médiations ou les médiateurs qui permettent la constitution d’une opinion publique locale ? Peut-on considérer que d’autres vecteurs de dimension nationale, voire internationale contribuent à la formation de l1opinion publique locale et comment le font-ils ?
11 ? J.-F.T. Il y en a énormément. D’abord, bien entendu, il y a les élus. Avec nos 35000 communes, la France a le plus grand nombre d’élus de l’Europe, et, si la réforme en cours des collectivités est effectivement appliquée, avec la fusion des conseillers départementaux et régionaux, il n’y aura au total que 3000 élus de moins sur un total d’environ 500 000 élus.
12 Mais la particularité du local (nous verrons plus loin comment le définir), est qu’aux élus s’ajoute une multitude d’acteurs que des lois récentes permettent de rassembler : ce sont par exemple les conseils de quartier ou les conseils de développement des agglomérations. Ces conseils, constitués de volontaires, donc non élus, sont une instance de débat et ont une force de proposition importante, même si leurs propositions sont très inégalement suivies, ce qui entraîne parfois ou souvent une désaffection qui en dit long sur l’attente de la population d’une participation plus forte aux décisions locales. Et puis surtout, il y a le tissu associatif, extrêmement dense en France, qui s’occupe d’à peu près tous les aspects de la vie en société, disons, pour aller vite, de la petite enfance à la solidarité à l’égard des personnes âgées, ou de tous les temps de la vie, notamment des loisirs et du sport. Ces institutions sont des médiations et leurs membres sont des médiateurs constants.
13 Depuis quelques années, des collectivités territoriales ont fait de grands efforts pour développer le débat public. On doit au moins signaler que Mme Ségolène Royal en a fait un des arguments de sa campagne pour les élections présidentielles. Mais j’observe que la région Rhône-Alpes en fait largement autant, sinon plus, que la région poitevine et que cette région dispose d’un panel de plus de 10 000 personnes qui acceptent de répondre aux questions des politiques en participant aux débats que la région organise. C’est beaucoup. C’est certes moins que la Suisse et ses multiples votations, mais ce n’est pas négligeable.
14 Il vaut la peine de s’arrêter un instant sur le modèle de démocratie « directe » dont notre voisin suisse offre un modèle original. Ce modèle, en effet, propose à la population un nombre de « votations » exceptionnel par rapport à nos pratiques, et sur toutes sortes de sujets. Je ne prendrai qu’un exemple : dans quelle langue l’école doit-elle être faite lorsqu’on est dans une de ces multiples localités où les langues officielles de la Suisse se rencontrent, le budget municipal ne permettant évidemment pas la multiplication des établissements ? La votation, précédée souvent d’un débat animé, permet d’y répondre. En outre, la multiplicité de ces votations, et de ses objets, a une vertu que nous ne connaissons pas, c’est que personne, ni individu, ni groupe, n’est systématiquement en minorité. Certes, la Suisse n’est pas un modèle d’accueil des étrangers, comme le récent vote pour le Grand Conseil de Genève vient de le montrer, avec la campagne assez vive menée contre les frontaliers, mais ce modèle permet de comprendre l’attachement de la population à son modèle politique d’une démocratie constamment en éveil. Naturellement, ce débat est un aliment important des médias locaux qui y sont relativement florissants. Ce qui me conduit à une autre dimension de la question.
15 Il y a en effet des « organes » qui ne sont pas exactement une médiation mais une médiatisation des médiations, qui les rendent plus ou moins visibles et lisibles : les deux médias phares que sont la presse locale ou régionale, et la presse des collectivités locales, qui ont des visées et des formes tout de même assez différentes. Je remarque cependant d’emblée qu’une des constantes de la presse locale consiste à mettre en évidence des figures locales, qu’elle renouvelle sans cesse. La presse locale fabrique et renouvelle sans cesse ses « notables », incarnant l’action et le débat local dans des figures proches de la population.
16 Naturellement, d’autres dimensions de la médiation interviennent sans cesse. Au premier rang d’entre elles on trouve les « corps intermédiaires » (partis, syndicats, associations, etc.) qui permettent l’articulation du local au local ou à l’international : qu’aurait été la crise de la sidérurgie lorraine sans cela, ou la crise de la production laitière, ou les marées noires en Bretagne...? Là encore, la presse est, a priori, ce qui permet d’articuler le local à des questions largement extra-locales.
17 C.P. Comment s’articulent les évolutions institutionnelles récentes – montée en puissance des régions comme acteurs « décentralisés », développement de l’intégration européenne – à la structure et à l’évolution des phénomènes d’opinion ? Comment jugez-vous le développement important de la communication institutionnelle des institutions locales (journaux des mairies et des régions, etc.) ? Quel est son impact ? De quelle manière vous semble-t-il judicieux de le mesurer ?
18 ? J.-F.T. La mondialisation a un effet paradoxal, c’est de rendre plus pertinent l’échelon local, celui où on vit, où on travaille, et où on meurt. Il y a deux niveaux dans votre question auxquels je répondrai séparément, celui du rôle des régions, et celui de la communication institutionnelle des collectivités locales et territoriales, où je reprendrai des points que j’ai depuis longtemps développés ailleurs.
19 Le premier niveau est indiscutable, celui de la montée en puissance des régions. Il faut lire la réforme en cours comme celle de l’affaiblissement probable des départements. Le problème est que dans notre fonctionnement actuel, l’action des collectivités est peu lisible (tel pourcentage de tels travaux publics par exemple). D’où l’attachement de la population et des élus au système qui par exemple attribue la gestion des écoles à la commune, celle des collèges au département, des lycées à la région, et des universités à l’État. Cela est peu lisible au moment de la rentrée des classes, vous en conviendrez. Le rôle réel des régions est à peu près aussi méconnu que le rôle de l’Europe, dont on ne fait guère que dénoncer les contraintes.
20 En matière de communication, malgré des efforts sensibles de la part des départements et des régions, c’est à l’échelle municipale qu’elle se développe le plus depuis que les lois de décentralisation ont donné aux élus locaux une nouvelle fonction, celle de gestionnaire de la cité. De ce fait, les collectivités locales ont dû construire un discours d’expertise qui vient concurrencer le discours proprement politique ou s’y substituer. Le phénomène est d’ailleurs assez général depuis trente ans : la légitimité politique semblant issue non des choix proprement politiques, mais de la compétence technique devant un « problème » ou une « crise », apparemment neutralisés politiquement par cette saisie gestionnaire. Les nouvelles responsabilités ont donc imposé le développement d’une communication spécifique et révélé le besoin de compétences et de techniques empruntées, de fait, au secteur privé. C’est un premier phénomène remarquable en ceci qu’il fait des collectivités un client potentiellement gigantesque pour des prestataires de service dont la compétence initiale est plus commerciale que politique, ce qui n’est pas sans effet quand cette collaboration voit la part du conseil prendre le pas sur celle du service. En tout état de cause, c’est une démarche très différente de l’information des médias puisqu’il s’agit, pour la collectivité ou l’élu, de s’adresser en son propre nom à ses électeurs concitoyens, ce qui la rapproche de la communication interne d’une entreprise, plus que de l’information générale des médias.
21 Deuxième effet de ces nouvelles responsabilités, et nouveau problème : les collectivités doivent désormais trouver leur place sur un « marché », marché des investisseurs et des créateurs d’emplois. La concurrence est ici externe ; il faut attirer et retenir investisseurs et touristes. D’où la nécessité de se doter d’une « identité » et de promouvoir son territoire à destination d’un public externe.
22 Troisième et dernier effet, la modification de la représentation du rapport entre territoire et politique, avec une croissance vertigineuse du rôle du territoire (et donc de ses frontières), totalement nécessaire à l’exercice du pouvoir : l’étendue du pouvoir est directement superposée à l’étendue des territoires sur lesquels il s’exerce, avec un effet immédiat sur la communication : si la communication vise la valorisation d’un territoire social et politique, elle ne le rend sensible que par ce qui en porte la trace ou la marque, pour le plus grand bonheur des urbanistes et architectes chargés d’en faire les monuments. On le voit bien ici, à Lyon, à l’insistance du conseil général à maintenir le projet assez pharaonique du Musée des Confluences.
23 La communication des collectivités doit donc s’analyser à partir de ses étapes. Au départ, il était indispensable de faire comprendre à la population le fonctionnement d’une collectivité et son rôle profondément accru (routes et moyens de transport, éducation, aides sociales, culture, etc.), ce qui conduit à une attitude d’explication, mais aussi de valorisation de ce qui est entrepris ou achevé. Cette communication est largement « fonctionnelle ». Un autre pôle de la communication, plus « institutionnel », doit présenter l’institution elle-même et faire valoir son action et ses personnels (on voit bien ici l’extension d’une logique « privée » à la logique « politique » des collectivités). La communication se trouve donc avoir trois objectifs, en fonction de ses destinataires : constituer l’image ou l’améliorer (« Montpellier la surdouée »), action tournée vers l’extérieur ; affirmer et valoriser le sentiment d’appartenance des agents, action tournée vers le public interne à l’entreprise-collectivité ; stimuler le changement, enfin, action destinée aux personnels, aux habitants, et aussi à la « clientèle » externe. Le but de tout cela étant de fortifier le sentiment d’appartenance à un territoire. L’enjeu de cette communication peut être défini comme l’articulation des marques du territoire et du discours sur ce territoire.
24 L’état des choses s’est profondément modifié dans les années 1980. Pour comprendre son rôle actuel, il convient cependant de relever quelques traits de l’évolution. Depuis la fin des années 1960 (Groupes d’action municipale), jusqu’à la fin des années 1970, le discours dominant était celui, non de la décentralisation, mais de la participation à la vie démocratique locale. Il s’agissait alors de développer l’information qui permettrait aux administrés de prendre une part plus active à l’aménagement du cadre de vie (montée du mouvement écologique et mouvements divers issus de 68). La visée est alors ouvertement politique : il s’agit de faire de la communication le moteur de la démocratie locale –, d’où la multiplication de journaux et brochures, certes, mais aussi de structures de dialogue et de participation (dont l’ouverture de l’information aux associations constitue un indice). Au tournant des années 1980, le rêve de démocratie locale est investi dans ce que beaucoup nomment le pari technologique : les nouvelles technologies de la communication font rêver d’une démocratie locale plus manifeste, d’où l’engouement des municipalités pour les journaux électroniques, mais aussi pour les radios locales (auxquelles souvent elles attribuent des subventions, des locaux et des personnels) et, bien sûr, pour la télématique naissante. C’est à l’occasion de l’irruption des NTIC que la communication s’est affirmée comme moteur du changement. Les années 2000 marquent le retour à une volonté de stimuler le débat participatif.
25 Enfin, s’il est assez clair que l’information des collectivités s’est largement construite contre le monopole de la presse quotidienne régionale, c’est sans doute la mutation de l’espace urbain qui fut déterminant : avec l’arrêt de l’urbanisation intensive et de la construction continue d’équipements collectifs (piscines, MJC, etc.), les formes de marquage du territoire doivent changer : on est passé, après la seconde crise pétrolière, du temps de la construction au temps de la gestion du territoire et de ses constructions ; la montée de la logique entrepreneuriale et de ses chantres se traduit par l’idée de « ville entreprise » qui l’exprime de façon assez mythique.
26 Il faut encore signaler la permanence du modèle du contrat social sous une forme assez triviale, dont la presse quotidienne régionale a, la première, indiqué la forme festive, romanesque, avec ses héros d’un jour : cette forme exclut le conflit social alors qu’elle exalte le conflit contre ce qui menace le groupe (pollution, par exemple). Ce dernier point comporte trois pierres d’angle sur lesquels la communication bute, sans pouvoir les franchir : le décalage entre l’image de la ville et les difficultés de vie des habitants ; l’exclusion de ceux dont on ne parle pas ; le silence sur ce qu’on ne fait pas. Ainsi cette communication est-elle affirmative et indicative ; elle ignore la négation et l’interrogation, tout autant que le conditionnel.
27 L’espace public apparaît lorsqu’à une parole individuelle se substitue une parole « au nom de ». La médiation est donc à la fois invention et production d’un espace public. Cet espace public est un espace politique si on entend par politique l’institutionnalisation des rapports sociaux. La presse a depuis deux siècles fort bien compris cela, mais, à l’échelle locale qui nous retient ici, elle identifie l’institution au notable, ancien ou nouveau. Ce faisant, elle glorifie le représentant à la place de la représentation, et échoue à être le médiateur qu’elle prétend. Les collectivités font une erreur inverse : craignant de paraître trop ouvertement faire la promotion de l’élu, elles brandissent les « réalisations » comme signe de leur légitimité ; elles ne fétichisent pas le notable, mais le lieu, pris pour médiation. Double échec, en fait, que traduisent à leur façon la baisse inexorable du lectorat et la lente désaffection des urnes.
28 C.P. Quel regard portez-vous sur la liberté ou la dépendance de la presse et des autres médias par rapport aux pouvoirs locaux ? Si dépendance il y a, quelles vous semblent être les formes les plus caractéristiques de cette dépendance ?
29 ? J.-F.T. Par rapport aux pouvoirs locaux, l’indépendance de la presse me paraît très large, et constante, car les élus locaux y ont tout intérêt. Je crois qu’il faut prendre la question autrement pour rendre compte de l’attitude des médias locaux, et je prendrai pour l’illustrer le traitement du social dans la presse quotidienne régionale.
30 La crise économique des dernières décennies, et pas seulement la crise financière, a mis en évidence l’omniprésence de problèmes sociaux et appelé l’attention sur l’accroissement du nombre de chômeurs, de « RMIstes », de personnes « sans domicile fixe »... ou sur les mesures destinées à en limiter les effets comme les accords pour le développement social des quartiers (DSQ). La presse accorde donc au « social » une place considérable sous trois formes principales : la reprise en bonne place du discours des élus ou des spécialistes du travail social, l’activité des associations à finalité sociale, et les multiples portraits de figures locales qui doivent au « social » leur notoriété. Là encore, il existe une forte spécialisation des pages du journal avec un ancrage résolument local des activités associatives et de leurs figures de proue.
31 Le thème majeur de la vision du « social » dans la presse est celui de la solidarité, perçue comme forme éminente ou archétypale du lien social, et, au fond, de l’excellence de la vie locale et des groupes locaux où cette solidarité peut s’exercer. La solidarité apparaît ici comme le lien social lui-même. Sur ce point, le discours de la presse semble donc très proche actuellement du discours politique dont il s’inspire largement. Les problèmes sociaux indiquent une fracture entre l’économique et le politique, et ce dernier cherche à le nier, ou le sublime dans la notion de solidarité. L’information locale, dont une fonction majeure est de permettre l’intégration de l’individu dans le groupe social proche se trouve ici rejoindre l’attitude des élus dans leur volonté d’occulter les brisures de la société. Pour cette raison, elle est ici très proche, à certains égards, de la presse des collectivités, en particulier lorsque, comme cette dernière, elle brandit les figures valorisantes qui, pour reprendre encore une analyse d’A. Marchand, « renvoie dans l’ordre de l’opacité les fractures du social ». Mais la presse quotidienne régionale, attentive aux mouvements des groupes, sait fort bien aussi rendre compte de mouvements sociaux lorsqu’ils semblent portés par la recherche ou l’affirmation de la solidarité. C’est ainsi qu’il faut comprendre la couverture des mouvements lycéens et, dans une moindre mesure, étudiants. Cette presse a généralement fort bien perçu dans ces mouvements une véritable aspiration à la solidarité, assez éloignée du combat politique. C’est au fond la même attitude, quasiment réflexe, qui pousse l’ensemble des médias à faire un accueil très favorable à toute entreprise « humanitaire » où le groupe social peut se saisir dans le spectacle de sa propre solidarité (téléthon).
32 Cependant, et pour la simple raison que le journaliste ne parle généralement pas de lui-même, mais à partir du discours d’acteurs sociaux, le choix que fait le journal de ces discours « primaires », pris comme source, font du social une catégorie balisée par le choix des types d’individus que le « social » semble ici privilégier : les jeunes, les personnes âgées, et les handicapés. On voit que ne figurent ici ni les immigrés ni les « nouveaux pauvres ». Le choix des jeunes, des vieux et des handicapés est directement dicté par les discours des éducateurs, animateurs, militants ou travailleurs sociaux qui se sont constitués autour de ces trois ensembles. L’exclusion (en tant que mal social absolu, dont la solidarité constitue l’antidote), ne fait pas l’objet d’un discours direct dans la presse régionale (au contraire de ce qui se passe dans des publications récentes écrites par des SDF autour de leur propre expérience), mais d’un double traitement indirect ; d’abord une reprise des points de vue des travailleurs sociaux, professionnels ou militants, et ensuite, sous une toute autre forme, celle du fait divers, la dangerosité des conséquences de l’exclusion. Ainsi, une délinquance ostentatoire (explosion des banlieues) resurgit-elle régulièrement dans le fait divers, sans que l’existence même de l’exclusion ou de l’exclu puisse être saisie autrement que sous le regard clinique des spécialistes du social. Le fait que l’exclusion fasse retour sous forme de délinquance montre que ce n’est pas l’exclu ni le délinquant qui intéresse le journal, mais le groupe social lui-même et sa sécurité, qui se trouvent ici ou là perturbés.
33 En dehors donc du fait divers, la presse quotidienne régionale se trouve très proche de la presse des collectivités parce que cette dernière lui a emprunté, et pour cause, le mimétisme usuel dans la presse par rapport au discours politique. Du discours des élus, donc, elle reprend deux thèmes fréquents : l’affirmation d’une solidarité affichée qui occulte l’exclusion, et l’affirmation d’une solidarité à retrouver. Elle y ajoute le discours du travailleur social ou plutôt un discours sur le travail social, beaucoup plus affirmé que montré ou analysé.
34 On peut donc dire, comme le fait A. Marchand de la presse des collectivités, qu’il s’agit là d’un discours « effaceur » qui gomme les ruptures et les fractures du social au nom des groupes constitués.
35 Mais on doit remarquer aussi, dans les pages locales, une triple absence qui renvoie à ce que nous disions plus haut des formes de l’exclusion, l’absence des « nouveaux pauvres », des chômeurs, et des immigrés. L’immigré, archi-présent dans le discours politique et l’information nationale, est absent de la presse quotidienne régionale, comme il l’est de la presse des collectivités (où il est systématiquement occulté par la mention du nom de l’habitant, sauf, encore une fois, dans le fait divers). Le chômage est au cœur du discours politique, mais il n’a pas de place dans l’information locale, sinon par présupposition dans l’annonce des suppressions d’emploi dans les entreprises, et enfin, la « nouvelle pauvreté » reste invisible, sauf lorsque, chaque hiver, on s’étonne qu’on puisse encore en France mourir de froid.
36 En fin de compte, le traitement du « social » est un bon indicateur de la représentation du « local ». Ainsi peut-on dire que la solidarité, affichée comme valeur fondamentale, sert avant tout à marquer l’existence de groupes où la solidarité est un objectif où s’illustrent des individus « notables ».
37 J’aimerais achever ma réponse sur cette question en faisant un rapide gros plan sur l’information économique. Aucun secteur de l’information n’a bénéficié d’autant d’attention depuis vingt ans que l’activité économique. Et, pas plus sur ce point que sur les autres, le local, et notamment la ville ne paraissent avoir été visés en tant que tels ou comme le bon niveau de saisie de l’information. Il y a donc un paradoxe : si la ville en tant qu’ensemble immobilier, objet d’incessantes transformations, est omniprésente dans le journal, c’est la seule visibilité de la ville comme objet de regard qui semble privilégiée, au détriment des gens qui y vivent, y travaillent, et y meurent. Et comme le constat est à peu près général, on ne peut incriminer la ligne éditoriale de tel ou tel journal. Il faut donc croire que le journal, très à l’aise avec de petits groupes sociaux, capable de s’adapter avec aisance aux modifications de la vie politique et de l’activité économique dans son ensemble, ne parvient pas à rendre compte de la complexité du phénomène urbain contemporain, et que, ne pouvant saisir la multiplicité des réseaux qui la font vivre et changer, privilégie son image à son fonctionnement, et préfère mettre en valeur son patrimoine restauré ou les plans de son avenir, plutôt que de tenter une construction originale de l’ensemble de ses mutations.
38 C.P. Qu’en est-il de la formation des journalistes et de l’organisation des métiers de l’information par rapport aux enjeux de la vie locale ? Existe-t-il une spécificité du traitement des sources de l’information locale ? Qu’est-ce qu’un « correspondant local » d’un journal régional ?
39 ? J.-F.T. Je peux répondre très rapidement : la formation des journalistes méconnaît totalement ou presque les enjeux du local. Cette formation est centrée sur la partie la plus prestigieuse du journalisme, la politique nationale. Il y a depuis près de quarante ans maintenant une formation pour les « journalistes-reporters d’image », et depuis vingt-cinq ans pour les magazines qui ont connu un développement foudroyant au tournant des années 1970 et 1980. Mais le local, méprisé, est largement ignoré. On peut en dire autant de la connaissance des régions, et a fortiori, de leur rôle chez nos voisins européens.
40 Quant au « correspondant », lointain descendant de la « correspondance », c’est-à-dire des lettres qui alimentaient la presse régionale dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, il est employé essentiellement à la couverture de la « petite » locale. Longtemps choisi pour son accès à l’information, notamment en zone rurale, où le correspondant idéal était secrétaire de mairie ou instituteur, il s’est rajeuni, féminisé, et travaille le plus souvent au sein d’agences du journal régional, ce qui accroît sa dépendance à l’égard du responsable de cette agence.
41 C.P. Y a-t-il une spécificité des supports des médias locaux ? Jugez-vous les formes de la presse locale plutôt innovantes ou plutôt inertes ? Quel est le rôle des radios locales ? Les nouvelles télévisions locales changent-elles la donne ? Y a-t-il un usage spécifique d’Internet au niveau local ? Lequel ? Que peut-on en attendre à l’avenir ?
42 ? J.-F.T. Il est probable que le développement de la communication des collectivités s’est construit sur un défaut des médias traditionnels : la radio de proximité a fait long feu, du moins en milieu urbain, et la TV locale n’a pas fait, en France, la preuve de sa viabilité, malgré le maintien sous perfusion de rares TV locales encore en vie ; quant à la presse écrite, elle est si facilement un relais des institutions qu’il est très difficile d’admettre autrement que par prétérition qu’elle ferait de l’information quand les collectivités font de la communication ; les deux tendent un miroir, mais ce n’est pas le même parce que la presse quotidienne régionale, visant un espace de diffusion, tend au lecteur le miroir de son image alors que la collectivité, visant un espace de pouvoir, lui tend l’image d’un territoire bien géré.
43 Les formes de l’information locale sont donc beaucoup plus inertes qu’innovantes, et le développement de la presse gratuite des villes n’a rien changé.
44 Quand à l’Internet, je voudrais d’abord renvoyer à un volume que le réseau d’études du journalisme auquel j’appartiens a publié sous le titreInform@tion.local (cf. www. surlejournalisme.com). Il n’a pas apporté la révolution qu’on imaginait.
45 C.P. Y a-t-il des mises en scène particulières à la représentation de la vie politique locale ? Y a-t-il des différences selon les médias ? Comment sont représentés les différents acteurs de ces scènes locales, élus majoritaires, élus minoritaires, opposants, associatifs, citoyens ? La dimension nationale ou internationale des personnages affecte-t-elle ces mises en scène ?
46 ? J.-F.T. On voit à l’œuvre certains modes usuels d’écriture de la presse quotidienne régionale qui méritent d’être relevés. D’abord, l’existence d’un nom propre dans le titre qui produit l’effet de référence ou plus exactement un effet d’anaphore qui renvoie le groupe social des lecteurs à l’existence hors journal d’un membre du groupe que le groupe est censé désormais connaître. Ensuite, l’usage systématique de groupes nominaux (« départ à la retraite de x ») où l’absence de verbe permet une « achronisation » de l’événement qui affirme son caractère itératif ; en somme ce processus de désignation régulier indique que celui (le notable) qui vit un événement ponctuel dans sa vie individuelle confirme une structure stable de la société (le modèle pouvait être « soixante ans au service de… »). Cette notabilisation (on trouve le même phénomène dans les activités culturelles) est un processus cognitif opéré par le journal sur deux modèles : x a opéré une performance (transformation d’un état) ; x continue à… (permanence de la compétence) ; dans les deux cas, c’est la compétence, valorisée socialement qui est en jeu. On peut donc chercher à établir un inventaire des valeurs qui constituent cette compétence. Au premier chef, on trouve le travail, et au deuxième rang des occasions de notabilisation, le couple où se lit la stabilité de la famille comme institution. La combinaison la plus valorisée est celle qui associe les valeurs individuelles (le courage) et les valeurs sociales (le dévouement). Enfin, si la dimension temporelle est toujours marquée (il faut du temps pour acquérir une compétence sociale notable), le futur est toujours présenté comme continuité et non changement, et le notable est toujours situé dans un corps social constitué depuis longtemps. En voilà assez pour signaler que le but recherché est encore une fois la stabilité du groupe social garantie par la continuité. On peut ainsi considérer que la notabilité est plus importante que tout le reste, car c’est le processus de notabilisation qui est important.
47 Pour conclure cet entretien, je voudrais insister sur le fait que le journaliste n’est pas fondé à parler « de lui-même ». Sa matière première n’est ni la réalité du monde, ni sa propre perception ou son opinion. Il parle toujours à partir d’autres discours, ceux des acteurs sociaux qu’il a choisis. D’où l’importance, assez fondamentale, des discours rapportés. Il a en effet la possibilité de traiter des propos des acteurs sociaux soit comme « source de l’information », ce qui les légitime, soit comme « objet de l’information », ce qui les délégitime. C’est de là sans doute que vint l’importance indiscutable, historiquement, des radios dites « libres » : des personnes ou des groupes pouvaient, grâce à cela, parler « en leur nom » au lieu d’être « objet » et non « sujet » des propos des médias. Qu’il s’agisse des sidérurgistes (Lorraine cœur d’acier), ou des immigrés arabophones (Radio Salam est, à Lyon, un exemple remarquable), des gens parlent « en leur nom ». Il n’en va pas autrement des « sans papiers » et de leurs journaux. L’émission historique de la BBC « Des Français parlent aux Français » répondait ainsi à Radio Paris (« Radio Paris ment, Radio Paris est allemand »). Ainsi, dans le débat public, l’exclusion porte moins sur ceux dont on ne parle pas que sur le clivage entre ceux « qui » parlent, et ceux « dont » on parle. C’est bien pourquoi, à la fin du Second Empire, Jules Vallès avait été la plume d’un journal intitulé La Rue. C’était la parole des sans-grade qu’il voulait faire entendre ainsi.
48 Ce rappel du XIXe siècle m’invite à insister sur le fait que l’esthétique du journalisme est restée celle du « réalisme », ou du « naturalisme », qui fait par exemple qu’un personnage est défini, métaphoriquement, par son décor ou son vêtement, ou encore sa façon de parler, son accent, par exemple.
49 Le traitement du conflit (quel qu’il soit, politique ou sportif) a été profondément influencé par l’illustration qui ne connaît guère que deux états, la victoire, ou la défaite. D’où la domination d’un modèle « agonistique » qui domine tout récit, propice à être illustré par le sourire ou la jubilation du vainqueur. Les codes iconiques (bras levés pour la victoire) ne font qu’illustrer cela.
50 De ce fait, les médias ont peu d’armes pour traiter de la « concertation », bien plus difficile à dire et illustrer que le conflit, sinon par les poignées de main qui concluent un accord. Mais les joueurs de football victorieux et vaincus aussi se serrent la main, et aussi les joueurs de tennis. Les journaux préfèrent donc le conflit clairement visible. Ma propre interprétation de la faible couverture des occasions de débat public (dont j’ai d’ailleurs fait part aux responsables de la région Rhône-Alpes) est que le journal local/régional y est comme dépossédé de son rôle, les citoyens se passant en somme de lui lorsqu’ils se concertent et débattent « en leur nom et ensemble ». Ils sont donc fort mal à l’aise car cela ne ressemble ni à la « fête » qu’ils savent fort bien traiter, ni au conflit d’où sortira un vainqueur. En somme la « participation » leur vole leur rôle.
51 Il existe, pour cette raison aussi, une très forte distorsion entre médias locaux et nationaux, comme on a pu le voir aux Minguettes, à Vénissieux, en 1981, et dix ans plus tard à Vaulx-en-Velin. Si la « crise » des Minguettes, en 1981, a suscité la première apparition de la « banlieue » au JT, c’était sur un malentendu exploité par les médias nationaux. Cela n’était alors qu’un « grand jeu ». J’y étais. Rien à voir avec les émeutes des dernières années.
52 La grande difficulté des médias est de savoir comment parler de l’« autre », celui qu’on ne veut pas voir ou celui qui fait peur. En 1981, je me souviens d’une conversation avec l’un des « chefs de bande » de Vénissieux, à qui je disais que les « flics » allaient recevoir des R18 « turbo » (une voiture Renault de l’époque) : « Chouette, me dit-il en riant, on va pouvoir piquer des BM. » C’était alors un rodéo, un jeu de piste qui se terminait rituellement par l’incendie de « la » voiture volée, comme un « feu de camp » (rien à voir avec les records de Kronenbourg vs l’Eslau à Strasbourg le 31 décembre).
53 Pendant ce temps (on était en été, et il faisait chaud), les femmes étaient dehors et parlaient de leurs enfants, de l’école, et du chômage, déjà. Cela n’intéressait pas Paris Match.
54 Les médias ont rendu les gamins de ce temps héros de western, comme je l’ai vu à Vaulx-en-Velin dix ans plus tard, où me conviait régulièrement son maire, exceptionnel, M. Charrier. Le match entre les banlieues se passait à la télé, et personne n’y pouvait rien. Le spectacle était « vendeur ».
55 Je peux seulement sur ce point témoigner de l’effort des médias locaux pour calmer le jeu, effort inutile en face des médias nationaux qui, eux, poussaient au crime.
Notes
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[1]
Jean-François Tétu est Professeur émérite à l’Institut d’Études politiques de Lyon (laboratoire ELICO), ancien président au CNU (section 71 et groupe XII), Professeur associé au réseau ORBICOM des chaires UNESCO. Il a publié notamment : en collaboration avec Maurice Mouillaud, Le Journal quotidien, Lyon, PUL, 1989 (en ligne aux PUL) ; « Du “public journalism” au “journalisme citoyen” », Questions de communication, n° 13, 2008.
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[2]
Les questions de cet entretien ont été conçues par Aliènor Bertrand et Frank Burbage. L’entretien a été réalisé en octobre 2009.