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Article de revue

Droit canonique des associations privées de fidèles : quelle actualisation depuis l’innovation de la codification de 1983 ? Contexte français

Pages 319 à 340

Notes

  • [1]
    Une singularité associative exorbitante du droit canonique commun, cf. J.-P. Durand, La liberté des congrégations religieuses en France, Cerf, 1999, Paris, 3 vol.
  • [2]
    En parlant d’autonomie des associations privées, nous pensons à la liberté dont disposent ces associations dans la poursuite et la réalisation de leurs buts conformément à leurs statuts. Mais cette liberté s’exerce en pleine communion ecclésiale. Aussi la mise en œuvre de cette liberté doit-elle être compatible avec la préservation de l’ordre ecclésial et du bien commun ecclésial, c’est-à-dire l’ensemble des exigences ecclésiales qui permettent aux fidèles – à titre individuel ou en groupe – d’accomplir adéquatement leur mission : autonomie ne signifie donc pas indépendance totale.
    Sur l’usage du terme « autonomie » en droit canonique, cf. E. Molano, La autonomiaprivada en el ordenamiento canonico. Criterios para su delimitaciôn material y formal, Pampelune, 1974, 316 p. ; id., « Fundamento y funciôn de la autonomia privada en el derecho canonico », dans La Norma en el Derecho Canonico (Actas del III congreso internacional de derecho canonico), Pampelune, 1979, p. 1159-1164 ; id., « El principio de autonomia privada y sus consecuencias canonicas », Ius Canonicum, 94, 2007, p. 441-463 ; P. Fedele, « Il problema dell’autonomia privata nell’ordinamento canonico », dans La Norma en el Derecho Canonico, op. cit., p. 757768 ; G. Lesage, « L’autonomie privée dans le droit de l’Église », ibid., p. 1137-1150.
  • [3]
    Selon le can. 686, § 1 du CIC/17, une association n’est reconnue comme association ecclésiastique que dans la mesure où elle a été érigée ou, au moins approuvée par l’autorité compétente. Cela montre à quel point le caractère ecclésiastique des associations dans le CIC/17 reposait principalement sur l’intervention de l’autorité ecclésiastique. À défaut de l’érection ou de l’approbation par l’autorité ecclésiastique, l’association était réputée inexistante dans l’Église. C’était véritablement la base de la « recognitio in Ecclesia ». D’une certaine façon, l’autorité ecclésiastique apparaît comme le principal protagoniste dans le domaine associatif, cf. A.M. Punzi Nicolo, Gli enti nell’ordinamento canonico, Milan-Padoue, 1983, p. 83-94 ; G. Rivetti, Il fenomeno associativo nell’ordinamento della chiesa tra libertà e autorità, Giuffrè, Milan, 2008, p. 37 ; V. Marano, Il fenomeno associativo nell’ordinamento ecclesiale, Giuffrè, Milan, 2003, p. 10 ; A. Talamanca, « La qualificazione delle associazioni tra vecchio e nuovo codice », dans Das konsoziative Element in der Kirche. Akten des VI. Internationalen Kongresses fur Kanonisches Recht, Munich (14-19 sept. 1987), 1989, p. 629 ; G. Cassandro, « La disciplina delle associazioni e la codificazione del’17 », dans Studi in onore di Gaetano Catalano, t. i, Rubbettino, 1998, p. 371 ; F. Romita, « De fidelium associationibus principia juridica de jure condendo », MonitorEcclesiasticus, 87,1962, p. 525.
  • [4]
    Sacrée Congrégation du Concile, Resolutio Corrienten, A.A.S., 13, 1921, p. 135-140.
  • [5]
    À propos de cette innovation, nous observons que le concile Vatican II accorde une place de choix au droit d’association dans l’Église. Celui-ci fait du droit d’association un droit fondamental en vertu duquel les fidèles peuvent agir dans l’Église, que ce soit individuellement ou associés avec d’autres. Autrement dit, avec le concile Vatican II, le fait de s’associer n’est plus perçu comme une simple faculté qui serait concédée, mais plutôt un droit qui a en lui-même sa légitimité ontologique. Ce droit est à la fois le reflet d’une exigence humaine et chrétienne. D’une part, les êtres humains idoines sont appelés à s’associer entre eux par des liens sociaux en vertu du principe de socialité inhérent à la nature humaine ; ce qui justifie l’enracinement du droit d’association dans le droit naturel. D’autre part, les chrétiens sont unis par une autre dimension intrinsèquement liée au fait d’être chrétien. Ainsi la dimension naturelle est, en outre, enrichie pour le chrétien, par une nouvelle dimension, à travers la réception du baptême. Ce sacrement institue un sujet de droits dans le Peuple de Dieu ; droits inhérents aux réalités surnaturelles ontologiques de l’être du chrétien et de sa dignité. Pour approfondir davantage ces différents aspects, cf. Concile Vatican II, décret Apostolicam Actuositatem ; A. Del Portillo, Fidèles et laïcs dans l’Église. Fondements de leurs statuts respectifs, Paris, 1980, p. 101 ; P.J. Viladrich, Teoria de los derechos fundamentales del fiel. Presupuestos criticos, Ediciones Universidad de Navarra, 1969, p. 306-307 ; J. Hervada, « Los derechos fundamentales del fiel a examen », dans Fidelium Iura, 1, 1991, p. 243 ; L. Navarro Marfâ, « El fundamento y contenido del derecho de asociaciôn en la Iglesia », dans Das konsoziativeElement in der Kirche, op. cit., p. 54-55.
  • [6]
    Concile Vatican II, constitution Lumen gentium.
  • [7]
    En promulguant le CIC/17 à travers la constitution Providentissima Mater Ecclesia, le pape Benoît XV commence par la présentation de l’Église comme une « société parfaite » (Benoît XV, constitution apostolique Providentissima Mater Ecclesia, dans préface au CIC/17).
  • [8]
    P. Lombardia souligne à juste titre le caractère « hiérarchologique » d’une telle ecclésiologie, cf. P. Lombardia, « Le droit public ecclésiastique selon Vatican II », Appolinaris, 60, 1967, p. 70.
  • [9]
    A. Borras parle d’une « hiérarchopraxie », c’est-à-dire une pratique où les clercs sont perçus comme des acteurs vis-à-vis d’autres fidèles qui, eux, sont confinés dans un rôle de simples spectateurs, A. Borras, « Le discrédit du droit canonique. Enjeux et défis d’une crise », Foi et Temps, 5, 1983, p. 395.
  • [10]
    Concile Vatican II, constitution Lumen gentium, n° 32.
  • [11]
    A. Del Portillo, op. cit., p. 103.
  • [12]
    C’est précisément ce que fit observer le pape Jean-Paul II lors de la promulgation du CIC/83 en ces termes : « Cet instrument qu’est le code correspond pleinement à la nature de l’Église, spécialement comme le décrit le magistère du concile Vatican II en général, et en particulier dans son enseignement ecclésiologique. En un certain sens, on pourrait même voir dans ce code un grand effort pour traduire en langage canonique cette doctrine même de l’ecclésiologie conciliaire », cf. Jean-Paul II, constitution apostolique Sacrae disciplinae leges (texte en français), D.C., n° 1847, 6 mars 1983, p. 246.
  • [13]
    E. Corecco, « Les présupposés ecclésiologiques et culturels du nouveau code », dans Théologie et droit canon. Écrits pour une nouvelle théorie générale du droit canon, Éditions universitaires de Fribourg (Suisse), 1990, p. 233.
  • [14]
    Avant le concile Vatican II, on identifiait souvent le fidèle au laïc. D’où une certaine ambiguïté, à l’origine d’une confusion entre la notion de fidèle et de laïc, considérées parfois à tort comme des notions équivalentes. L’une des manifestations les plus patentes de cette confusion est le fait que le CIC/17 ait traité des associations de fidèles sous la rubrique des laïcs, cf. A. Del Portillo, op. cit., p. 22-29 ; P. Lombardia, « Los laicos en el derecho de la Iglesia », dans lus Canonicum, 1966, p. 340.
  • [15]
    P.J. Viladrich, op. cit., p. 167-168, puis p. 309-312 ; J. Hervada et P. Lombardia, El derecho del pueblo de Dios (introducciôn, la constitution de la Iglesia), vol. i, Pampelune, 1970, p. 270-271.
  • [16]
    Il s’agit des can. 299 à 311 du CIC/83.
  • [17]
    C’est notamment le cas de nombreux groupements volontaires dépourvus de reconnaissance ecclésiale formelle et qui peuvent même ne pas avoir de statuts, cf. J. M. Swerry, « Les grands traits du droit associatif dans le code de droit canonique de 1983 », dans Religieuses d’action hospitalière et sociale. Revue trimestrielle d’information, n° 349 (Vie associative et congrégations), 1995, p. 33.
  • [18]
    Il n’est pas rare de trouver de petits groupes existant par exemple dans le cadre d’une paroisse qui n’envisagent pas de s’étendre ni de promouvoir des initiatives s’adressant à d’autres personnes, mais dont le but est simplement d’instaurer un dialogue qui favorise la vie chrétienne entre quelques fidèles qui en font partie.
  • [19]
    Cette expression s’applique en principe aux associations engagées dans un processus de transformation très probable en instituts religieux parce qu’elles en remplissent les conditions. Nous nous permettons d’utiliser la même expression par analogie pour montrer que les associations de fait non admises, quoique étant légitimes, sont néanmoins encouragées à s’engager dans le processus de demande d’une admission ecclésiale.
  • [20]
    Certains auteurs préfèrent parler de l’agnitio qui s’applique à l’association en tant que réalité qui existe déjà préalablement à sa reconnaissance par l’autorité ecclésiastique. À travers la reconnaissance s’opère simplement l’insertion dans la vie ecclésiale avec toutes les conséquences juridiques qui y sont attachées, cf. V. De Paolis, « Diritto dei fedeli di associarsi e la normativa che lo regola », dans Fedeli Associazioni Movimenti. XXVII Incontro di Studio, Villa Cagnola (Gazzada) 2-6 juill. 2001, Milan, 2002, p. 131 ; G. Feliciani, « Il diritto di associazione e le possibilita della sua realizzazione nell’ordinamento canonico », dans Das konsoziative Element in der Kirche, op. cit., p. 406-407.
  • [21]
    Voir L. Prados Torreira, « La intervenciôn de la autoridad sobre la autonomia estatutaria », dans Das konsoziative Element in der Kirche, op. cit., p. 476 ; S. Pettinato, « Associazioni private dei fedeli e ‘‘debita relatio’’ con l’autorità ecclesiastica », I.D.E., 97, 1986, p. 513, note 47.
    La préférence du terme probatio pour qualifier l’acte de l’autorité ecclésiastique requis en vue d’attribuer la personnalité juridique à une association privée, traduit vraisemblablement le désir du législateur de modérer la force juridique de l’intervention de l’autorité ecclésiastique afin de mieux garantir le droit d’association des fidèles et l’autonomie qui en résulte pour les associations privées (J. Manzanares, « Las asociaciones canônicas de fieles. Su regulaciôn juridica », dans Simposio sobre asociaciones canonicas de fieles, Université Pontificale de Salamanque, 1987, p. 122). On saisit d’autant mieux la nuance étymologique quand on la situe dans le cadre de la distinction entre associations publiques et privées : alors que le code parle de « statuta… probata » dans le cas des associations privées (can. 322, § 2), le même code parle de « statuta… approbatione indigent auctoritatis ecclesiasticae. » en ce qui concerne les statuts des associations publiques (can. 314). Il y a là, à notre avis, une indication, au moins implicite, d’une certaine différence quant à l’intervention de l’autorité ecclésiastique dans l’approbation des statuts, selon qu’il s’agit des statuts d’une association publique ou ceux d’une association privée à laquelle il faut attribuer la personnalité juridique.
  • [22]
    On pense à l’administration ou à l’aliénation des biens.
  • [23]
    C’est le cas du droit d’agir en justice qui a toujours été considéré comme l’un des indices spécifiques de la personnalité juridique.
  • [24]
    Il peut être difficile en droit canonique de prendre un phénomène, ici la nouveauté, comme critère pour une qualification juridique : à partir de quand et selon quelles conditions une institution cesse d’être nouvelle ? Le can. 605 du CIC/83 parle toutefois de « l’approbation de nouvelles formes de vie consacrée ». Des formes organisationnelles, parce qu’inédites, peuvent réclamer une prise en compte de leur degré de nouveauté par le droit canonique. Quant aux expressions de « communautés nouvelles » ou de « nouveaux mouvements religieux », ces appellations sont loin d’être stabilisées, même si la pratique, quelques auteurs et des autorités en font usage.
  • [25]
    A. Jacobs, « Les associations de fidèles dans l’Église », Studia Canonica, 22, 1998, p. 379.
  • [26]
    L. Gerosa, « Mouvements ecclésiaux et Église institutionnelle : concurrence ou co-essentialité ? », dans L’Église dans la mondialisation. L’apport des communautés nouvelles. Colloque de Rome, Éd. de l’Emmanuel, 2001, p. 145 ; voir aussi C. Redaelli, « Aspetti problematici della normativa canonica e della sua applicazione alla realtà associativa della chiesa », dans Fedeli AssociazioniMovimenti, op. cit, p. 167 ; C. Hegge, « I movimenti ecclesiali e la ricezione del Concilio Vaticano II », Periodica, 88,1999, p. 521-522.
  • [27]
    Il s’agit plus précisément du respect des critères d’ecclésialité, c’est-à-dire un minimum d’exigences ecclésiales auxquelles doit se conformer toute association pour être reconnue dans l’Église, cf. l’exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici,D.C, 86, 1989, p. 153-196, surtout p. 169-170 sur les critères d’ecclésialité pour les associations de laïcs ; voir aussi R. Pagé, « Note sur les critères d’ecclésialité pour les associations de laïcs », Studia Canonica, 24, 1990, p. 455-463.
  • [28]
    La principale caractéristique des associations non déclarées appelées aussi associations de fait est d’être dépourvues de personnalité juridique ; celle des associations déclarées étant de disposer de la personnalité juridique restreinte contrairement aux associations reconnues d’utilité publique qui, elles, disposent d’une capacité juridique plus étendue du fait de la grande personnalité juridique dont elles sont dotées.
  • [29]
    Cf. J.-P. Durand, ibid.
  • [30]
    Avec P. Lombardia, nous entendons par droit divin l’ensemble des facteurs juridiques qui ont Dieu comme auteur et auxquels les normes du droit canonique humain sont subordonnées de sorte que ces dernières sont dépourvues de valeur si elles s’avèrent contraires au droit divin, cf. P. Lombardia, Lecciones de derecho canonico, Madrid, 1984, p. 20 ; J.-P. Schouppe, « Le droit divin des canonistes et le droit naturel des juristes : des facteurs stabilisateurs en asymétrie », dans P. Gérard, F. Ost et M. Van De Kerchove (dirs), L’accélération du temps juridique, Bruxelles, 2000, p. 216.
  • [31]
    C’est ce que souligne le pape Jean-Paul II dans un message à l’occasion du XVIe Symposium juridique de droit canonique et de droit civil organisé par l’Institutum Utriusque Iuris de l’université pontificale du Latran : « Le système juridique de la communauté ecclésiale tend avant toute chose à réaliser la communion ecclésiale, en faisant prévaloir la dignité de chaque baptisé, dans l’égalité substantielle et dans la diversité des rôles de chacun » (Jean-Paul II, « La personne humaine, référence de tout ordre juridique », D.C., 2274, 2002, p. 662).
  • [32]
    J.-P. Durand, « Le baptême comme source des droits et des devoirs des fidèles », dans J. I. Arrieta, Ius divinum. Atti del XIII Congresso internazionale di diritto canonico (Venise 17-21 sept. 2008), Venise, 2010, p. 697-752.
  • [33]
    J.-P. Durand, « Note sur le canon 127, § 2, 2 comme indice d’une gouvernance ecclésiale par consensus », dans A. Borras (dir.), Délibérer en Église (hommage à Raphaël Collinet), Lessius, Bruxelles, 2010, p. 160-163.
  • [34]
    En Europe, on peut citer l’exemple de l’Espagne et de Italie : Commissione Episcopale per il Laicato, Nota pastorale. Le aggregazioni nella Chiesa (Rome, 29 avril 1993), dans Enchiridion della Conferenza Episcopale Italiana, Bologne, Edizioni Dehoniane, 1996, p. 697-739 ; Conférence épiscopale espagnole, Instruccciôn sobre asociaciones canônicas de ambito nacional (texte approuvé par la XLIVe Assemblée plénière de la Conférence épiscopale espagnole, le 24 avril de 1986), dans Simposio sobre asociaciones canonicas de fieles, Universidad Pontificia de Salamanque, p. 339-347.
  • [35]
    Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, « Les associations canoniques nationales. Réflexions doctrinales », Bulletin de la Conférence des évêques de France, 40, 1992, p. 545-551. Comme l’indique si bien le titre, il s’agit des réflexions doctrinales sur les associations canoniques nationales. Grâce à un vote positif, ce document a été adopté au cours de l’assemblée de 1991 après que le comité canonique eût complété et amendé la version initiale présentée par le doyen P. Valdrini, en tenant compte des remarques faites par les membres de l’Assemblée. La note précédant le document précise sa portée juridique en soulignant qu’il ne s’agit pas d’un texte législatif.
  • [36]
    Les associations de fait sont celles où les membres se regroupent en s’abstenant de demander la reconnaissance canonique de leurs statuts, mais elles n’en demeurent pas moins sous la vigilance de l’autorité hiérarchique (n° 4). Les associations sans personnalité juridique, quant à elles, se caractérisent par le fait que leurs statuts sont reconnus par l’autorité ecclésiastique, c’est-à-dire « visés par l’autorité ecclésiastique qui, ainsi, considère que rien n’y contredit les éléments constitutifs et la discipline commune de l’Église » (n° 8). Enfin, pour les associations dotées de la personnalité juridique, leurs statuts sont approuvés ; cette approbation signifiant un examen plus approfondi par l’autorité compétente (n° 9).
  • [37]
    Du point de vue technique : résultant d’une clause statutaire, le droit de veto permet à son titulaire de s’opposer à une résolution soumise à la volonté collective. Une décision est validement prise si la majorité qui l’a votée contient la voix du membre détenteur du droit de veto. Qu’en est-il de ce pouvoir à travers lequel se manifeste une volonté individuelle susceptible de mettre en échec une volonté collective ? En réalité, c’est l’association qui décide de se munir de statuts civils contenant ce droit de veto. Concrètement, la validité de certaines décisions est subordonnée à l’absence de veto du membre au profit duquel ce droit est reconnu. En l’appliquant aux associations civiles qui revendiquent clairement ainsi leur attachement à l’Église, le droit de veto confère à l’autorité ecclésiastique (ou à son représentant) un pouvoir de contrôle sur les décisions importantes des dites associations civiles. C’est en réalité un moyen dont peut se servir l’autorité ecclésiastique pour veiller à ce que, dans une association civile, les décisions importantes ne portent atteinte aux intérêts de l’Église. Il n’est pas nécessaire que ce droit de veto s’exerce pour la gestion ordinaire de l’association civile, mais soit réservé pour les matières et les décisions les plus importantes ou extraordinaires (P. Reigne, « Les clauses statutaires éliminant ou restreignant le jeu démocratique dans les associations », Revue des sociétés, 1990, p. 389).
  • [38]
    Le membre de droit n’a pas nécessairement un droit de veto. La désignation d’un ou plusieurs membres de droit apporte une présence et un conseil potentiel significatifs. Mais l’absence de la compétence du droit de veto prive le membre de droit d’un pouvoir juridique de s’opposer à telle décision obtenue par le vote majoritaire. Sachant que la loi du 1er juillet 1901 donne la liberté aux associations de déterminer elles-mêmes les différentes catégories de membres et les pouvoirs attribués à chaque catégorie, il va de soi qu’on peut insérer dans les statuts une clause mentionnant expressément un ou plusieurs membres de droit.
  • [39]
    Cf. Le livre V du CIC/83.
  • [40]
    O. Échappé, « Les biens des associations d’Église », A.C., xlvii (2005), 2006, p. 62.

1L’une des nouveautés significatives en droit canonique des associations de fidèles est la prise en compte explicite de la notion d’associations privées de fidèles dans le Code de droit canonique de rite latin de 1983.

2Cette nouveauté advient dans un contexte plus large, c’est-à-dire celui de toutes les associations de fidèles existant dans l’Église. À leur propos, ce Code prend acte explicitement que des associations naissent de l’initiative des fidèles. Dans cette Église, le Code constate qu’il existe des associations de plusieurs régimes institutionnels : d’une part, il y a la vie associative singulière [1] des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique et d’autre part, il y a la vie d’associations de fidèles distinctes de cette première catégorie : ce sont les associations où des fidèles, clercs ou laïcs, ou encore clercs et laïcs ensemble, tendent par un agir commun en vue de différents objets possibles selon le Code latin, à favoriser une vie plus parfaite, à promouvoir le culte public, à promouvoir la doctrine chrétienne, à exercer d’autres activités d’apostolat, des œuvres de piété, des œuvres de charité, ou à promouvoir l’animation de l’ordre temporel par l’esprit chrétien.

3Le Code latin de 1983 admet que les associations privées de fidèles jouissent d’une autonomie propre. Mais elles jouissent de cette autonomie selon l’ordre canonique [2]. Toutes les associations de fidèles, associations publiques et associations privées de fidèles, sont soumises selon le CIC/83, à la vigilance de l’autorité ecclésiastique à laquelle il appartient d’avoir soin que l’intégrité de la foi et des mœurs y soit préservée, et de veiller à ce que des abus ne se glissent pas dans la discipline ecclésiastique. Toutes ces associations sont aussi soumises à la vigilance du gouvernement de cette même autorité. Et pour les associations privées de fidèles, le même Code latin insiste quant à la vigilance ecclésiastique légitime sur les deux finalités suivantes : que les associations privées de fidèles évitent la dispersion des forces et que l’exercice de leur apostolat soit ordonné au bien commun.

4L’étude des associations privées de fidèles dans l’Église conduit à s’intéresser à la fois à leur origine et à leur régime actuel, en 2012. Sans prétendre faire œuvre d’historien ni de sociologue, on évoquera quelques facteurs, qui sont à notre avis décisifs, quant à ce qui motive et structure de telles associations privées de fidèles. Nous nous en tiendrons à certains aspects qui constituent autant de maillons essentiels dans l’institutionnalisation de ces associations. Tel est l’objet de la première partie de notre travail.

5Dans la deuxième partie, nous examinerons la législation canonique sur les associations privées de fidèles, c’est-à-dire telle qu’elle apparaît dans le CIC/83. Ce qui constitue un véritable corpus codifié de droit associatif canonique privé. Nous tenterons d’en montrer l’originalité, en même temps que nous ferons part de quelques difficultés qu’occasionne la mise en œuvre de certaines normes.

6Enfin, bien souvent, les associations ecclésiales, fussent-elles privées, œuvrent à la fois dans l’Église et dans la société civile où elles doivent se conformer au droit civil ; celui-ci étant entendu ici au sens du droit séculier. Ainsi peut se poser la question de la dualité du statut associatif civil et du statut associatif canonique. Partant de l’exemple précis d’un contexte séculier particulier (celui de la France), il nous semble important de voir comment peut s’articuler le droit associatif canonique latin de l’Église catholique romaine et le droit associatif civil d’un pays donné, sous l’angle de la préservation autant que faire se peut de la spécificité canonique des associations privées à travers un usage compatible avec les mécanismes civils découlant du droit associatif civil. On se propose d’aborder cet aspect dans la troisième partie de notre travail.

I. Facteurs décisifs pour les associations privées de fidèles

7À quels types de facteurs l’émergence des associations privées de fidèles est-elle liée ? Il importe de nous interroger sur le degré de liberté accordé au droit d’association dans l’Église de la part de son ordonnancement institutionnel. Fondamentalement, nous avons à considérer l’ecclésiologie promue par le concile Vatican II : nous savons que le fidèle y est perçu en tant que sujet prééminent de la vie ecclésiale. Plus largement, la mission de l’Église est de proposer un rapprochement entre chaque être humain et Dieu révélé en Jésus-Christ. Que des associations privées de fidèles existent dans l’Église catholique, apostolique et romaine, cette existence les place devant cette tâche ecclésiale de rédemption où l’être humain est au centre de la prévenance de Dieu.

La reconnaissance du droit d’association

8Les associations privées ne peuvent se concevoir sans une mise en lumière de la singulière évolution de la place et du droit d’association dans l’Église. Un premier cap nous semble avoir été franchi en ce sens par une décision en 1921 de la Sacrée Congrégation du Concile. Saisie d’un litige opposant l’évêque de Corrientens (Argentine) à la société Saint-Vincent de Paul, la Sacrée Congrégation du Concile reconnut alors la légitimité de l’autonomie des laïcs dans la constitution et la direction des associations laïques, en distinguant clairement à cette occasion, les associations ecclésiastiques des associations laïques. Cette décision – appelée Resolutio Corrienten – est particulièrement importante en ce qu’elle reconnaît clairement la légitimité des associations laïques. De ce point de vue, elle va au-delà de la vision étroite du CIC 117 sur les associations de fidèles ; une vision dans laquelle les associations n’étaient considérées comme ecclésiastiques que dans l’unique mesure où elles étaient érigées ou approuvées par l’autorité ecclésiastique [3]. Avec cette résolution, au contraire, à côté des associations érigées et dirigées par l’autorité ecclésiastique, on admet l’existence légitime d’autres associations qui naissent de la libre initiative des fidèles et sont gouvernées par eux [4]. Ce faisant, la Resolutio Corrienten complète substantiellement la législation de 1917 sur les associations de fidèles ; une législation qui n’envisageait pas l’existence d’associations librement formées par les fidèles pour la simple raison qu’elle ne concevait pas l’existence d’autres entités que celles qui avaient leur origine dans un acte de l’autorité ecclésiastique.

9Référence fondamentale en matière d’associations de fidèles, la brèche ouverte par cette décision favorisera une réflexion plus approfondie sur les traits caractéristiques du droit d’association dans l’Église. Ce dont le concile Vatican II se fera l’écho en proclamant solennellement et explicitement le droit d’association dans l’Église. Tel qu’entendu par ce concile, le droit d’association permettra de mieux situer les associations, en mettant l’accent sur le fait que la cause efficiente du lien associatif ne découle pas d’une concession de la hiérarchie ecclésiastique [5]. C’est une perspective qui aidera considérablement à s’ouvrir à de nouveaux horizons, notamment par rapport à la protection des initiatives privées de type associatif et à leur légitime autonomie.

10Le droit d’association ainsi conçu impliquait, de la part du législateur ecclésiastique, la protection des associations librement constituées par les fidèles. La raison d’être des associations privées de fidèles dans l’Église catholique apostolique et romaine est par conséquent de garantir et protéger l’existence et la vie juridique des entités créées par les fidèles.

Un approfondissement ecclésiologique à Vatican II

11S’il est un facteur qui a eu une influence décisive sur différents domaines de la vie ecclésiale, c’est bien l’ecclésiologie développée par le concile Vatican II. La notion de peuple de Dieu mise en relief par le concile Vatican II a permis de mieux souligner la dimension communautaire de l’Église, sans pour autant méconnaître la diversité des charismes et des ministères. À partir de Vatican II, les charismes et les ministères sont davantage situés dans une responsabilité commune, à porter selon les vocations et missions de chacun [6]. C’est en se référant à l’ecclésiologie antérieure qu’on prend la mesure d’une pareille innovation. En raison de cette ecclésiologie axée surtout sur la notion de société parfaite [7], l’Église était conçue et perçue avant tout dans sa dimension hiérarchique à telle enseigne qu’en découlait une vision quasi exclusivement hiérarchique de celle-ci [8]. Une telle ecclésiologie n’était pas de nature à encourager le législateur ecclésiastique à établir un cadre juridique adéquat permettant de tenir compte des initiatives privées promues personnellement ou collectivement par les fidèles. Bien au contraire, l’initiative dans la vie ecclésiale revenant avant tout à la hiérarchie, celle des simples fidèles trouve à peine sa place dans l’Église [9]. Il n’est donc pas étonnant, dans ce contexte, que les associations de fidèles aient été considérées avant tout comme des entités dont l’existence est tributaire de la hiérarchie ecclésiastique.

12L’ecclésiologie promue par le concile Vatican II aboutit à une vision renouvelée de l’Église. La notion de peuple de Dieu, mise en avant par le concile Vatican II, permet de dépasser la vision hiérarchologique à l’origine du CIC/17. Selon l’ecclésiologie sous-jacente au CIC/17, la socialité était située surtout sur le rapport hiérarchique. Dans la doctrine du concile Vatican II, la notion de peuple de Dieu implique que la socialité dans l’Église réside plutôt dans l’union de tous les fidèles en ce qui concerne la fin unique et commune de l’Église qui incombe à tous, et selon la mission propre à chacun [10]. La mission de l’Église n’est plus conçue exclusivement comme la mission de la hiérarchie. Tous les membres du peuple de Dieu sont appelés à participer activement, avec une égale dignité de chaque fidèle, à l’unique mission de l’Église à travers ce que A. Del Portillo appelle un officium nativum[11]. On ne méconnaît pas pour autant la diversité des charismes et des ministères que l’on situe autrement, répétons-le, au service d’une responsabilité commune. Dans la doctrine du concile Vatican II, la socialité a ainsi des fondements distincts de ceux qui sous-tendaient l’ecclésiologie sous-jacente au CIC/17. Il est intéressant, du point de vue strictement juridique, de souligner ce changement notable induit par la nouvelle ecclésiologie promue par le concile Vatican II. Cette nouvelle vision jouera indubitablement un rôle déterminant dans le processus de la prise en compte des initiatives privées qui sont à l’origine des associations privées de fidèles. Au fond, le CIC/83 demeure pour l’essentiel la traduction juridique de cette ecclésiologie [12].

Le fidèle comme sujet prééminent de la vie ecclésiale

13La condition de fidèle est étroitement liée à la nouvelle vision de l’Église que promeut le concile Vatican II. Par fidèle (christifidelis), on entend la condition commune de membre du peuple de Dieu acquise par le baptême et antérieure à toute distinction. En quoi peut-elle être considérée comme un des facteurs de l’émergence des associations privées ? En mettant en valeur la condition fondamentale de fidèle, s’ouvre une autre perspective : la figure théologique et juridique du fidèle apparaît comme englobant et transcendant à la fois les différents états de vie des fidèles (clérical, religieux et laïque), au point qu’elle ne s’identifie spécifiquement à aucun de ces trois états, empêchant ipso facto d’ériger l’un d’eux en sujet hégémonique [13]. Ce qui n’était pas le cas, loin s’en faut, avant le concile Vatican II [14].

14Venons-en à l’élément caractéristique de la condition fondamentale de fidèle qui n’est autre que le baptême en tant qu’acte générateur de cette condition et dont découle l’incorporation au peuple de Dieu et la participation à la vie de l’Église. Étant consécutive à la réception du baptême, la condition de fidèle se situe sur un plan radical qui est commun à tous les membres du peuple de Dieu. Ce qui fait de la condition de fidèle une condition ontologico-sacramentelle avec des exigences individuelles et ecclésiales inhérentes à celle-ci [15]. Dès lors, sur le plan juridique, la notion de fidèle traduit la relation juridique fondamentale dans laquelle se trouve le fidèle au sein du peuple de Dieu et dont découlent des effets juridiques qui consistent ici en des droits et là en des devoirs.

15La mise en valeur de la condition fondamentale de fidèle a finalement permis d’en tirer des conséquences juridiques déterminantes. Ainsi en est-il des droits et devoirs fondamentaux dont tous les fidèles sont titulaires indistinctement et qui reposent sur des fondements immuables : qu’il s’agisse du fondement de la dignité humaine de créatures de Dieu créées par lui à son image ou du fondement, pour chaque fidèle, de sa vocation chrétienne de baptisé où Dieu s’est définitivement engagé. Partant, on ne peut pas ne pas reconnaître aux fidèles une sphère à la fois de liberté et de pleine communion ecclésiale, y compris dans le domaine associatif. Force est de constater que cela a été rendu davantage possible grâce à la place donnée au fidèle en tant que protagoniste co-responsable suo modo dans la vie ecclésiale et de la vie ecclésiale.

16Tels sont les contours majeurs des facteurs à l’origine des associations privées qui s’inscrivent, en définitive, dans un processus dont la particularité réside dans l’imbrication de ces différents facteurs. Le législateur ecclésiastique s’y référera pour déterminer les traits caractéristiques de telles associations.

II. L’officialisation du régime des associations privées de fidèles dans le CIC/83

17Aborder les associations privées à l’aune de ce qu’en dit le CIC/83 implique que l’on procède à un état des lieux sur la législation canonique en vigueur en la matière. Une fois ce cadre délimité, on évoquera les difficultés que suscite la mise en œuvre de certaines normes sur les associations privées et le rôle important des praticiens dans l’application de la législation y relative.

Le droit associatif privé depuis le Code latin de 1983

18Il est hors de propos ici de nous livrer à un exposé détaillé et systématique de toute la législation canonique en vigueur sur les associations privées [16]. On se contentera d’en présenter des éléments parmi les plus aptes, selon nous, à donner une vue d’ensemble sur celles-ci. Il semble possible de distinguer trois types d’associations privées dans le CIC/83 : les associations de fait, les associations dépourvues de la personnalité juridique dont les statuts ont fait l’objet d’une recognitio et les associations dotées de la personnalité juridique dont les statuts ont fait l’objet d’une probatio de l’autorité ecclésiastique.

19Évoquer les associations de fait comme l’un des trois types d’associations privées prévues par le CIC/83 peut a priori paraître surprenant d’autant que le code n’en parle pas expressément en ces termes. Sont-elles dans l’Église ? À partir des normes sur les associations privées de fidèles, nous pouvons déduire l’existence d’associations privées de fait dont les statuts ne sont ni admis ni reconnus par l’autorité ecclésiastique [17]. Peut-on dès lors invoquer le principe de la liberté canonique d’association ? À notre avis, font partie des associations privées, les associations qui, après avoir été constituées par les fidèles à travers un accord privé, n’ont ni demandé, ni obtenu une mesure formelle de reconnaissance de la part de l’autorité ecclésiastique. En clair, ce sont des associations dans lesquelles les fidèles se regroupent sans demander la reconnaissance canonique des statuts [18]. Ces associations existent légitimement dans l’Église, même si elles sont constituées par un accord privé et non un acte de l’autorité compétente. Le § 3 du can. 299 soumet l’admission dans l’Église à la reconnaissance préalable des statuts, mais ce paragraphe ne soumet pas l’existence de l’association dans l’Église à une admission préalable que prononcerait l’autorité ecclésiale compétente. Si ces associations de fait et sans admission ecclésiale existent légitimement dans l’Église, elles sont en effet invitées fermement par le CIC/83 à rechercher la communion hiérarchique ecclésiale, à solliciter leur admission ecclésiale, à se placer sous la vigilance des autorités ecclésiales légitimes, comme nous l’avons rappelé en introduction à la présente étude. En d’autres termes, ces associations de fait non admises sont, quant à l’admission à demander, in fieri[19].

20Il convient de rappeler à ce sujet que la légitimité d’une association privée n’est pas liée avant tout à sa reconnaissance par l’autorité ecclésiastique. Il ne faudrait pas confondre l’existence d’une part et l’admission d’autre part, à propos des associations privées de fidèles qui n’ont pas la personnalité juridique canonique. Vouloir subordonner la légitimité d’une association privée à la reconnaissance de ses statuts par l’autorité ecclésiastique implique, sinon une négation, du moins une restriction du droit d’association des fidèles, car ceux-ci seraient obligés de s’en référer à l’autorité ecclésiastique pour acquérir ou mériter leur existence. Or, le droit d’association, y compris pour les fidèles catholiques, est un droit naturel. Sa mise en œuvre ne requiert aucun acte préalable de la part de l’autorité. Ce qui, à notre avis, signifie qu’une association existe dans l’Église du fait de sa constitution par les fidèles à travers un acte propre de ceux-ci. Les associations de fait de fidèles découlent ainsi de la mise en œuvre du droit et de la liberté d’association des fidèles. À ce titre, ces associations existent légitimement dans l’Église.

21S’agissant des associations privées dépourvues de la personnalité juridique, mais dont les statuts ont fait l’objet d’une recognitio, elles découlent du can. 299 § 3. Selon ce canon, aucune association n’est admise dans l’Église à moins que ses statuts ne soient reconnus par l’autorité compétente. L’admission, nous le disions, est donc une autre phase, distincte de l’existence. La recognitio des statuts est l’acte canonique par lequel l’autorité ecclésiastique prend connaissance d’une association privée de fidèles à travers la présentation des statuts. Elle les examine pour voir si leur contenu est conforme ou non à la doctrine, à la discipline et à l’intégrité des mœurs. Ce qui peut rester complexe, est que par ce biais, l’autorité ecclésiastique atteste qu’elle admet l’existence de cette association, et non seulement les buts ou les moyens d’action de l’association concernée, tels qu’ils apparaissent dans ses propres statuts [20]. Par ailleurs, aux associations privées sans personnalité juridique dotées de la simple recognitio, le can. 310 reconnaît une certaine capacité juridique. En effet, les membres de ces associations peuvent non seulement exercer des droits et contracter des obligations conjointement, mais aussi acquérir et posséder des biens en copropriétaires et copossesseurs. D’où il importe de souligner que le manque de personnalité juridique ne signifie pas une absence totale d’un sujet de droit. Un premier degré de subjectivité est déjà à prendre en considération en droit canonique. En cas d’absence de personnalité juridique canonique, il manque uniquement un second degré, ou une forme particulière de subjectivité qui n’est conférée qu’à travers la personnalité juridique. La simple reconnaissance ou recognitio des statuts ne confère pas la personnalité juridique canonique de droit privé.

22Deux actes canoniques sont nécessaires pour l’accès à la personnalité juridique de droit canonique, l’acte reconnaissant cette personnalité et l’acte se prononçant sur les statuts. Remarquons qu’une dualité procédurale s’impose aussi légalement pour l’accès à la personnalité juridique de droit canonique public.

23Pour ce qui concerne les associations privées qui accèdent à la personnalité juridique de droit canonique privé, il est nécessaire que les statuts aient fait l’objet d’une approbation ; l’autorité fait sienne les dispositions des statuts. La personnalité juridique de droit canonique privé est attribuée à une association privée, dans la mesure où ses statuts sont approuvés par l’autorité ecclésiastique compétente (can. 322, § 2) [21]. L’acquisition de la personnalité juridique a pour conséquence essentielle le droit pour l’association, en tant que telle, d’être constituée en sujet d’obligations et de droits, distinct des membres qui la composent. Le régime d’indivision de ses biens cesse. Ce qui lui confère une capacité juridique propre dans l’ordre juridique canonique, c’est-à-dire l’aptitude à réaliser et à développer les activités relatives aux intérêts propres de l’association, notamment en ce qui concerne surtout les biens patrimoniaux [22] ou extrapatrimoniaux [23].

24En introduisant les associations privées dans le CIC/83, le législateur ecclésiastique a établi un cadre à la fois large et souple pour ces associations. Un cadre ouvert à leur développement selon les différents buts qu’elles se proposent, pour autant que ces buts soient compatibles avec la foi et les mœurs de l’Église. Cette législation canonique témoigne de la prise en considération de la liberté et de la responsabilité croissantes reconnues ainsi aux fidèles dans le domaine associatif. Il s’agit là d’un indice révélateur de la transformation profonde qui s’est opérée dans l’Église. Toutefois, répétons-le, si les associations privées jouissent d’une autonomie qui leur est propre, elles sont néanmoins soumises à la vigilance de l’autorité ecclésiastique (can. 323).

Difficultés relatives à la mise en œuvre de certaines normes sur les associations privées

25Si, dans l’ensemble, la distinction entre les différents types d’associations privées paraît claire, il n’en demeure pas moins que certains éléments distinctifs entre ces associations sont parfois délicats à saisir. Tel est le cas, par exemple, de la différence entre les associations privées qui sont dotées de la personnalité juridique canonique de droit privé et celles qui en sont dépourvues. Comme nous l’avons souligné précédemment, les associations privées dotées de la personnalité juridique canonique de droit privé jouissent d’une capacité juridique qui leur permet d’entreprendre certaines activités en tant qu’entités distinctes des membres qui les composent. C’est d’ailleurs ce que confirme le can. 113, § 2 d’après lequel, à côté des personnes physiques, existent également des personnes juridiques qui sont des sujets d’obligations et de droits. Parallèlement, le can. 310 relatif aux associations privées dépourvues de la personnalité juridique canonique de droit privé, rappelle que celles-ci ne sont pas comme telles sujets d’obligations et de droits.

26Concernant les associations privées dépourvues de la personnalité juridique canonique de droit privé, à défaut d’être considérées comme de véritables sujets d’obligations et de droits au regard des dispositions canoniques que nous venons d’évoquer, on est amené à s’interroger sur leur nature. Nous sommes d’avis que le manque de personnalité juridique n’induit pas forcément un déni de subjectivité comme cela a été mentionné plus haut. Nous y voyons plutôt un degré de subjectivité différent de celui que confère la personnalité juridique. Dès lors, n’y-a-t-il pas dans les dispositions canoniques une certaine imprécision problématique sur la nature juridique des associations privées sans personnalité juridique ? De même, une association sans personnalité juridique a des biens, mais en indivision. Il lui incombe de les gérer dans cette vie associative indivise. Une gestion précisément par l’un des membres mandaté pour cette gestion par les autres membres. Et les archives des comptes rendus doivent conserver ces décisions indivises, avec les traces de ces délégations, mandats, procurations, y compris par une comptabilité tenue à jour et susceptible d’être contrôlée au canonique et au civil. Ce sont là des subtilités qui requièrent une attention et une vigilance accrues lors de la rédaction des statuts des associations privées dépourvues de personnalité juridique canonique de droit privé : qu’il s’agisse du statut des biens de ces associations ou des modalités de désignation du procureur ou du mandataire et de leurs pouvoirs respectifs, cela requiert une particulière attention afin d’éviter tout ce qui pourrait prêter à confusion dans les rapports entre les membres de l’association et l’association, ainsi que dans les rapports entre l’association et les tiers. L’action conjointe des membres est essentielle, puisque l’association sans personnalité juridique ne peut agir comme sujet de droit ; ce qu’elle n’est donc pas en effet au sens strict.

27Dans un autre registre, on voit poindre une difficulté liée à des associations surtout fondées dans la seconde moitié du XXe siècle : elles sont parfois désignées par l’expression fort fragile de « communautés nouvelles » [24]. On constate que celles-ci font souvent le choix du statut canonique d’association privée dotée de la personnalité juridique parce qu’elles ont besoin d’une plus grande sphère de liberté pour se développer conformément à leur inspiration initiale. En même temps, le recours à un tel statut ne semble pas pleinement satisfaisant en raison de la nature particulière de ces communautés. Tant et si bien qu’on en vient à s’interroger sur un éventuel statut intermédiaire entre les associations d’une part et d’autre part les instituts de vie consacrée ou les sociétés de vie apostolique [25]. Ou faudrait-il une loi-cadre en droit canonique censée régir exclusivement de telles entités intermédiaires [26] ? Sans aller plus loin, ces difficultés montrent le rôle primordial que doit jouer la doctrine par sa créativité, en tenant compte des problématiques ou questions juridiques qui surgissent. Une meilleure efficience de la législation canonique est à ce prix. Et le cas échéant, ces efforts pourraient à notre avis fournir au législateur les matériaux d’éventuelles innovations.

Rôle des praticiens

28En parlant de praticiens, nous faisons allusion aux différents acteurs susceptibles d’apporter un éclairage canonique, soit par leur fonction, soit par leur compétence. Les chancelleries diocésaines ne sont certes pas submergées aujourd’hui sous le poids excessif des demandes de reconnaissance des associations de fidèles, du moins pour le cas de la France. Il n’empêche qu’il arrive souvent que les promoteurs d’une association ecclésiale en gestation s’interrogent sur le statut canonique le plus adapté à convenir au regard de la législation canonique en vigueur. On est parfois perplexe face aux groupements qui émanent de l’initiative privée des fidèles et qui, tout en demandant une reconnaissance de la part de l’autorité ecclésiastique, souhaitent tout de même garder une certaine liberté. Sous réserve de l’observation de certaines conditions [27], dans ce cas, la figure canonique d’association privée, souvent méconnue, s’y prête bien. Pourtant, on n’en saisit pas toujours toutes les dimensions ni toute la portée. C’est ici que le rôle des praticiens du droit canonique s’avère important pour faciliter l’accessibilité ainsi que l’intelligibilité de la législation canonique sur les associations de fidèles.

29S’agissant des associations privées, importante est la clarification du lien qui les unit à l’autorité ecclésiastique, importante aussi est la fonction du statut juridique ecclésial. Car cela permet de préciser la nature de leur insertion dans le champ communautaire ecclésial. N’est-ce pas, sur cette base, une démarche et une institutionnalisation qui aident en principe à se prémunir contre tout arbitraire et qui garantit un espace de liberté qui soit ainsi juridiquement protégé ?

III. Plaidoyer pour un meilleur usage des mécanismes civils dans le contexte séculier français

30Une meilleure préservation, au civil, de l’identité ecclésiale des associations canoniques privées passe par certaines adaptations. À notre avis, elles impliquent un usage compétent et ajusté des mécanismes civils. Dans ce but, nous examinerons d’abord la prééminence en France du droit associatif civil français sur le droit associatif canonique. Nous évoquerons ensuite l’attitude de la hiérarchie ecclésiastique française face à la question des associations privées de fidèles. Nous oserons souligner les possibilités envisageables à la date de la parution de la présente étude.

De la prééminence du droit associatif civil français sur le droit associatif canonique, pour tenir compte de l’État de droit du pays.

31Parler de la prééminence du droit associatif civil français sur le droit associatif canonique, c’est en quelque sorte se situer à la rencontre entre le droit associatif républicain français et le droit interne associatif de l’Église catholique apostolique et romaine. En pratique, très souvent, les associations canoniques privées n’œuvrent pas seulement au sein de l’Église ; elles se situent aussi dans la société française. En tout cas, elles doivent agir sans ignorer l’État de droit français, et cela dans tous les contextes : pour leur organisation interne, pour leur vie dans l’Église et pas seulement pour leur insertion et leur engagement dans la société civile française. Il semble évidemment difficile de procéder à une analyse minutieuse des associations privées en France sans prendre en considération les législations canonique ici et civile là, en matière associative. D’où la nécessité d’examiner ce qui sous-tend en soi le droit associatif civil français. À ce sujet, eu égard à leur nature, les associations civiles sont en France de caractère privé. Le droit français ne connaît pas les corporations religieuses du droit public allemand. En France, le caractère privé est une caractéristique indissociablement liée à la loi du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association, loi fondamentale en ce qui concerne les associations civiles, là où en France cette loi est applicable. Selon cette loi, les personnes privées établissent librement l’objet et les principes d’organisation d’une association à travers un accord de volontés individuelles. Il s’en suit que les associations civiles se caractérisent par leur nature essentiellement contractuelle, au point que le droit associatif civil français apparaît comme un droit « contractualiste ». Ceci est vrai du régime associatif contractuel des associations non déclarées, déclarées, reconnues d’utilité publique [28], y compris le titre III de la reconnaissance légale des congrégations religieuses : l’institution contractuelle congréganiste reçoit de manière néo-régalienne de la part de l’État l’octroi de cette reconnaissance [29]. Sont également contractualistes les associations inscrites, depuis la loi initialement allemande de 1908, pour le cas de l’Alsace-Moselle.

32Parler en outre du droit canonique catholique romain revient à parler de l’un des droits internes ou de l’une des disciplines internes à telle religion, à tel groupement de conviction. En l’espèce, le droit canonique – lequel comporte un droit canonique associatif –, est un droit sui generis. En d’autres termes, le droit canonique reste un droit spécifique et séparé des ordres juridiques séculiers, distinct et séparé ici du droit français et de l’État de droit français. À l’origine et au fondement de l’Église catholique romaine et a fortiori de son droit, il y a une initiative divine selon cette foi religieuse : ce don divin donne lieu à un droit divin d’une part, et indirectement au droit canonique seulement ecclésiastique, d’autre part [30]. Ce droit divin, parce que nous sommes en présence d’un chrétien et catholique romain, est un droit qui appelle l’adhésion consentie par chaque fidèle au don gratuit divin. Il s’ensuit que la gouvernance ecclésialo-canonique n’est pas seulement hiérarchique, mais communionnelle [31], avec le consensus comme critère organisationnel de l’autorité et de l’obéissance dans l’Église. Un tel régime religieux de pouvoirs définit un statut des fidèles catholiques en tant que sujets ; ce même régime définit une spécificité des structures de participation dans l’Église [32]. Si la dimension contractuelle n’est pas exclue du droit associatif canonique, il reste cependant qu’il s’agit d’un contrat d’une autonomie moderne, mais d’une hétéronomie théologico-canonique. Cette dernière repose sur une Alliance entre Dieu révélé en Jésus-Christ et l’humanité. Une alliance qui est rédemptrice car elle se propose de rendre possible le salut métaphysique chrétien de chaque individu humain. Ainsi le droit associatif canonique apparaît-il comme un droit « consensualiste » en ce sens que ce qui le sous-tend c’est le consensus ouvert à cette initiative divine [33].

33À la lumière de ce qui précède, le droit associatif civil français d’une part, et le droit associatif canonique de l’autre, reposent à l’évidence sur des postulats différents et impliquent deux rationalités normatives respectives ou situées souvent aux antipodes l’une de l’autre. Bien plus, dans le cas de la France, de façon générale, le droit civil reconnaît au droit canonique le statut, non pas d’un ordre juridique souverain, mais plutôt d’un ensemble de règlements intérieurs d’ordre privé soumis au droit civil, notamment en raison du principe de laïcité pour tout l’État de droit de la République depuis 1946 et du principe de séparation depuis 1905 pour certains de ses territoires. Les laïcités à la française invitent au respect réciproque, moyennant l’intérêt ou l’ordre publics à honorer. Le régime issu de la loi du 9 décembre 1905 de la Séparation respecte les règles propres de chaque culte sans leur reconnaître de valeur supérieure au droit français. Ce régime issu de 1905 ainsi que les autres régimes français de la liberté de religion en vigueur en France ne donnent pas une valeur civile aux normes canoniques et ne soumettent pas le droit français aux droits internes de religions. Partant, il apparaît clairement que le droit associatif canonique appartient au phénomène institutionnel d’un droit interne propre à une religion. Et cela, moyennant le respect de la part du droit interne de religion à l’égard de l’ordre public républicain français en vigueur.

34En prenant acte de la primauté de la loi du 1er juillet 1901 en tant que cadre fondamental de la vie associative en France, les associations canoniques ne sont pourtant pas tenues, en raison de la liberté religieuse et de religion en France, de s’organiser selon le droit français des associations. Mais la liberté religieuse et de religion ne peut porter atteinte à l’ordre public. Cette liberté ne peut donc pas porter atteinte à l’état des personnes que l’État de droit français garantit avec le droit européen et le droit international. Cela étant dit, si des associations canoniques veulent exister sur le plan civil, être opposables aux tiers selon les garanties du droit français, il revient aux canonistes d’aider ces associations canoniques à se munir de mécanismes juridiques civils adéquats, mais qui n’obèrent en rien l’originalité des institutions canoniques : faire en sorte que celles-ci agissent conformément au droit civil en veillant à ne pas porter atteinte à la spécificité canonique concernée.

L’attitude de la hiérarchie ecclésiastique française face à la question des associations privées de fidèles

35Conscientes de la place et du rôle des associations de fidèles, bien des conférences des évêques ont étudié cette question en rapport avec les législations civiles en vigueur dans les pays où elles œuvrent [34]. Pour ce qui est de la France, à ce jour, un document consacré exclusivement à la question des associations de fidèles témoigne de la prise de conscience de l’importance des associations de fidèles dans la vie de l’Église catholique en France et dans sa mission apostolique au sein de la société française. Intitulé Associations canoniques nationales. Réflexions doctrinales, ce document a été publié dans le Bulletin officiel de la conférence des évêques de France le 11 février 1992 [35]. Il comprend au total 15 points, répartis comme suit : une introduction – où on procède à une brève présentation de l’importance du phénomène associatif dans l’Église et du droit d’association en tant qu’il appartient au statut fondamental des fidèles (n° 1) –, puis 4 parties en effet importantes, à savoir : la régulation du droit d’association ; les associations publiques et privées ; les associations nationales et le rapport au droit français.

36Tout en précisant que l’association privée apparaît comme la forme habituelle de l’exercice du droit d’association permettant aux fidèles de coopérer à la mission de l’Église (n° 5), le document distingue les associations de fait, les associations sans personnalité juridique et les associations dotées de la personnalité juridique [36]. En outre, une place importante y est accordée aux associations nationales érigées ou reconnues par la conférence des évêques, qu’elles soient publiques ou privées. Leurs statuts doivent alors être approuvés ou reconnus par l’Assemblée plénière des évêques de France (n° 10). En ce qui concerne les associations privées, même si elles sont dépourvues du statut d’association nationale, le document rappelle qu’elles peuvent néanmoins exercer leur activité dans d’autres diocèses que celui de leur création, pourvu que cela soit notifié au préalable à l’évêque diocésain pour lui permettre d’accomplir son devoir de vigilance (n° 11).

37Une dernière observation relative au rapport des associations de fidèles avec le droit civil français mérite d’être mentionnée. Par le truchement du rapport au droit civil français, on aborde la question des associations de fidèles dans le contexte spécifique de la France. Partant du fait qu’il existe en France des associations exerçant une activité dans l’Église sur la base du seul statut civil de la loi de 1901, le document préconise une articulation avec le statut canonique. Pour les associations privées – précise le document – cette articulation revient « à tout mettre en œuvre pour conserver le caractère propre de l’organisation canonique et assurer les conditions d’exercice du droit d’association des fidèles voulues par l’Église » (n° 14). Par ailleurs, le document mentionne la nécessité de l’avis du conseil permanent à propos des associations privées nationales souhaitant se doter du statut d’association civile. Cette prudence se justifie par le fait que « la réception de la loi de 1901 dans l’Église peut être à l’origine de problèmes car elle obéit à une logique qui pourrait, dans certains cas, rendre difficile le respect d’éléments législatifs du code de 1983 » (n° 15).

38Répondant à la nécessité d’une harmonisation à l’échelle nationale sur la question des associations de fidèles, un document de cette nature constitue indéniablement une aide. En effet, il contient des indications permettant, tant à la conférence des évêques qu’aux évêques dans leurs diocèses respectifs, de mieux se situer vis-à-vis des associations de fidèles. De plus, un tel document est aussi une illustration de l’adaptation des normes canoniques aux nécessités d’une Église locale (en France), et aux Églises particulières, surtout diocésaines, qui la composent. Ce document contribue à façonner un droit canonique local ou particulier, ici français, en matière d’associations de fidèles. Pour notre part, nous pensons qu’il faut continuer à travailler au prolongement des indications contenues dans le document afin qu’elles débouchent sur des applications plus concrètes, sur lesquelles ne peut s’attarder davantage un tel document dont le but est d’offrir une vision d’ensemble sur une réalité donnée. Aussi préconisons-nous, en dernier lieu, des pistes dans le prolongement de ce qui existe à ce jour, en ce qui concerne les associations privées de fidèles en France.

Possibilités envisageables

39Au cœur du dispositif canonique régissant les associations privées, nous observons qu’il existe une plus grande marge de liberté pour les fidèles, quant à leur capacité de constituer ces associations au moyen d’une convention privée conclue entre eux. Ce qui, en principe, leur permet de déterminer librement les règles de fonctionnement du cadre statutaire au service du but qu’ils ont choisi. L’autorité ecclésiastique n’intervient que pour exercer une vigilance sur ces associations. Telle nous semble être l’originalité canonique des associations privées, dont il faut tenir compte, en particulier dans la recherche des mécanismes civils afin d’être juridiquement en mesure de préserver leur identité ecclésiale.

40D’une part, il est important de garantir l’exercice de la vigilance de l’autorité ecclésiastique, y compris sur le plan civil et donc au moyen des statuts des associations civiles servant de supports associatifs civils aux associations canoniques privées. Pour ce faire, diverses solutions statutaires peuvent être envisagées. D’aucuns préconisent le recours au droit de veto pour sauvegarder le contrôle de l’association civile [37] ou la désignation d’un membre de droit, par l’autorité ecclésiastique, au sein des instances dirigeantes de l’association civile [38]. Que dire de telles clauses dans le cas des associations civiles qui sont le pendant des associations canoniques privées ? Pour ce qui est du droit de veto, on serait plus enclin à répondre par la négative. En effet, il nous semble que la nature du contrôle qu’implique la mise en œuvre du droit de veto s’accorde mal avec la nécessité d’une modalité de contrôle qui assure un équilibre entre le respect de l’autonomie des associations privées et le droit de regard de l’autorité ecclésiastique dont nous parlions plus haut. Aussi le droit de veto nous paraît-il disproportionné par rapport à la réalité du contrôle qui incombe à l’autorité ecclésiastique dans une association canonique privée, à moins qu’il ne soit soumis à un usage des plus restrictifs dans le cas des associations d’une certaine importance. Mais en cas de conflit grave – comme une dérive intégriste –, l’absence d’un droit de veto affaiblit l’association civile support ainsi que l’association canonique privée qui ainsi ne disposent pas de moyens juridiques décisifs pour garantir la pleine communion ecclésiale. Quant à la désignation d’un membre de droit par l’autorité ecclésiastique, qu’en penser ? Il importe de tenir compte du droit canonique des associations privées qui, à la fois, admet leur liberté et recommande leur ouverture à la régulation de communion ecclésiale. Mais il est vain semble-t-il de considérer la désignation d’un membre de droit par l’autorité ecclésiastique comme une panacée ou, mieux, une solution passe-partout, et donc s’appliquant indistinctement aux associations servant de supports civils aux associations canoniques privées. Quelques nuances s’imposent sans doute en proportionnant les solutions à la taille des associations dont il est question, à l’objet de leur activité ainsi qu’aux finalités qu’elles s’assignent. À notre avis, on peut concevoir la désignation d’un membre de droit par l’autorité ecclésiastique dans le cas des associations d’une certaine importance, alors que celle-ci serait peut-être sans utilité pour d’autres associations de taille modeste qui n’ont nullement besoin de dispositions statutaires rigides. En tout état de cause, il importe de procéder à une rigoureuse appréciation des circonstances concrètes avant de déterminer la modalité de contrôle de l’autorité ecclésiastique au civil. Ce qui passe inévitablement par une hiérarchisation des intérêts en présence, sans stéréotypes a priori.

41D’autre part, deux autres pôles statutaires peuvent contribuer à la sauvegarde de l’originalité canonique des associations privées à travers les statuts civils : en l’occurrence l’objet social et la situation patrimoniale. Il est indispensable que l’objet social soit clairement défini, y compris dans son lien avec l’Église, de sorte que celui-ci ne soit en contradiction ni avec les buts, ni avec la nature de l’association canonique. Du point de vue civil, les instances dirigeantes d’une association exercent la mission dont elles sont investies en se conformant à l’objet social. Leurs actes doivent tendre à la réalisation de cet objet tel qu’il apparaît dans les statuts. Par conséquent, le soin et la rigueur à apporter à la détermination de l’objet social présentent l’avantage de faire en sorte que soit respectée le plus possible l’identité ecclésiale de l’association. Une ambiguïté à ce sujet peut s’avérer fort préjudiciable à l’Église et aux personnes physiques, quand surviennent certains conflits dont la résolution ne peut se faire que devant les juridictions civiles.

42En outre, les biens de ces associations méritent aussi une attention particulière à l’échelon de la rédaction des statuts. C’est ce que nous appelons la situation patrimoniale. Conformément au droit canonique, les biens des associations privées sont régis par les dispositions statutaires qui leur sont propres. Ils ne sont pas des biens ecclésiastiques [39] puisqu’ils ne sont pas la propriété d’une personne juridique canonique de droit public. Dans ces conditions, le rôle de l’autorité ecclésiastique est de veiller à l’utilisation de ces biens conformément aux buts de ces associations. En aucun cas, l’autorité ecclésiastique ne pourrait s’immiscer dans la gestion des biens des associations privées. Dans la mesure où de telles associations se constituent en associations civiles régies par la loi du 1er juillet 1901, il convient, pour reprendre les termes d’Olivier Échappé, de « faire vivre efficacement le droit canonique des personnes juridiques et des biens à l’intérieur du droit français » [40]. À cet égard, en amont, il faut être attentif à certaines clauses au moment de la rédaction des statuts. Ainsi en est-il des clauses relatives à la dissolution de l’association et la dévolution des biens. La dévolution faisant souvent suite à la dissolution de l’association, il est souhaitable que la décision relative à cette dernière soit soumise à une majorité conséquente comme par exemple la majorité absolue ou qualifiée, suivant l’importance du patrimoine de l’association. De même s’impose une clause tout aussi claire et précise au sujet de la dévolution des biens, de sorte que celle-ci se fasse en faveur d’une association poursuivant des buts similaires et partageant le lien de communion avec l’autorité ecclésiastique. Ce faisant, la prise des décisions engageant le patrimoine associatif devrait ainsi être mieux encadrée ; ce qui en principe peut diminuer le risque de dispersion, voire d’évasion des biens. Pas plus qu’il ne faut perdre de vue une clause statutaire qui permettrait la prise en compte de la volonté de la personne juridique canonique par le conseil d’administration civil.

43Somme toute, en traitant la question de l’émergence des associations privées en droit canonique et en en tentant une évaluation dans un contexte séculier précis, on se rend compte à quel point il faut être attentif aux potentialités qu’offrent les législations civiles pour une meilleure expression de la spécificité canonique de certaines entités de l’Église catholique romaine. Il y va de l’efficacité concrète de ces entités, non seulement au sein de l’Église, mais aussi en rapport avec les législations civiles des États où elles œuvrent. Il en va de la recherche de garanties suffisantes de la spécificité de la mission religieuse, humanitaire voire culturelle de l’Église dans le contexte à considérer : un contexte séculier laïque et multiconfessionnel en France. Chaque vie associative est à ajuster selon le contexte des sociétés. Peut-être convient-il également d’insister sur le bénéfice à trouver dans cet effort institutionnel canonique et civil : ne serait-ce qu’en contribuant tant soit peu à un changement de mentalités sur la perception à tort des normes canoniques qui seraient uniquement un ensemble de règles juridiques rigides et étouffantes, alors qu’on y trouve une véritable protection des initiatives privées des fidèles, pour peu qu’il en soit fait usage à bon escient.

Notes

  • [1]
    Une singularité associative exorbitante du droit canonique commun, cf. J.-P. Durand, La liberté des congrégations religieuses en France, Cerf, 1999, Paris, 3 vol.
  • [2]
    En parlant d’autonomie des associations privées, nous pensons à la liberté dont disposent ces associations dans la poursuite et la réalisation de leurs buts conformément à leurs statuts. Mais cette liberté s’exerce en pleine communion ecclésiale. Aussi la mise en œuvre de cette liberté doit-elle être compatible avec la préservation de l’ordre ecclésial et du bien commun ecclésial, c’est-à-dire l’ensemble des exigences ecclésiales qui permettent aux fidèles – à titre individuel ou en groupe – d’accomplir adéquatement leur mission : autonomie ne signifie donc pas indépendance totale.
    Sur l’usage du terme « autonomie » en droit canonique, cf. E. Molano, La autonomiaprivada en el ordenamiento canonico. Criterios para su delimitaciôn material y formal, Pampelune, 1974, 316 p. ; id., « Fundamento y funciôn de la autonomia privada en el derecho canonico », dans La Norma en el Derecho Canonico (Actas del III congreso internacional de derecho canonico), Pampelune, 1979, p. 1159-1164 ; id., « El principio de autonomia privada y sus consecuencias canonicas », Ius Canonicum, 94, 2007, p. 441-463 ; P. Fedele, « Il problema dell’autonomia privata nell’ordinamento canonico », dans La Norma en el Derecho Canonico, op. cit., p. 757768 ; G. Lesage, « L’autonomie privée dans le droit de l’Église », ibid., p. 1137-1150.
  • [3]
    Selon le can. 686, § 1 du CIC/17, une association n’est reconnue comme association ecclésiastique que dans la mesure où elle a été érigée ou, au moins approuvée par l’autorité compétente. Cela montre à quel point le caractère ecclésiastique des associations dans le CIC/17 reposait principalement sur l’intervention de l’autorité ecclésiastique. À défaut de l’érection ou de l’approbation par l’autorité ecclésiastique, l’association était réputée inexistante dans l’Église. C’était véritablement la base de la « recognitio in Ecclesia ». D’une certaine façon, l’autorité ecclésiastique apparaît comme le principal protagoniste dans le domaine associatif, cf. A.M. Punzi Nicolo, Gli enti nell’ordinamento canonico, Milan-Padoue, 1983, p. 83-94 ; G. Rivetti, Il fenomeno associativo nell’ordinamento della chiesa tra libertà e autorità, Giuffrè, Milan, 2008, p. 37 ; V. Marano, Il fenomeno associativo nell’ordinamento ecclesiale, Giuffrè, Milan, 2003, p. 10 ; A. Talamanca, « La qualificazione delle associazioni tra vecchio e nuovo codice », dans Das konsoziative Element in der Kirche. Akten des VI. Internationalen Kongresses fur Kanonisches Recht, Munich (14-19 sept. 1987), 1989, p. 629 ; G. Cassandro, « La disciplina delle associazioni e la codificazione del’17 », dans Studi in onore di Gaetano Catalano, t. i, Rubbettino, 1998, p. 371 ; F. Romita, « De fidelium associationibus principia juridica de jure condendo », MonitorEcclesiasticus, 87,1962, p. 525.
  • [4]
    Sacrée Congrégation du Concile, Resolutio Corrienten, A.A.S., 13, 1921, p. 135-140.
  • [5]
    À propos de cette innovation, nous observons que le concile Vatican II accorde une place de choix au droit d’association dans l’Église. Celui-ci fait du droit d’association un droit fondamental en vertu duquel les fidèles peuvent agir dans l’Église, que ce soit individuellement ou associés avec d’autres. Autrement dit, avec le concile Vatican II, le fait de s’associer n’est plus perçu comme une simple faculté qui serait concédée, mais plutôt un droit qui a en lui-même sa légitimité ontologique. Ce droit est à la fois le reflet d’une exigence humaine et chrétienne. D’une part, les êtres humains idoines sont appelés à s’associer entre eux par des liens sociaux en vertu du principe de socialité inhérent à la nature humaine ; ce qui justifie l’enracinement du droit d’association dans le droit naturel. D’autre part, les chrétiens sont unis par une autre dimension intrinsèquement liée au fait d’être chrétien. Ainsi la dimension naturelle est, en outre, enrichie pour le chrétien, par une nouvelle dimension, à travers la réception du baptême. Ce sacrement institue un sujet de droits dans le Peuple de Dieu ; droits inhérents aux réalités surnaturelles ontologiques de l’être du chrétien et de sa dignité. Pour approfondir davantage ces différents aspects, cf. Concile Vatican II, décret Apostolicam Actuositatem ; A. Del Portillo, Fidèles et laïcs dans l’Église. Fondements de leurs statuts respectifs, Paris, 1980, p. 101 ; P.J. Viladrich, Teoria de los derechos fundamentales del fiel. Presupuestos criticos, Ediciones Universidad de Navarra, 1969, p. 306-307 ; J. Hervada, « Los derechos fundamentales del fiel a examen », dans Fidelium Iura, 1, 1991, p. 243 ; L. Navarro Marfâ, « El fundamento y contenido del derecho de asociaciôn en la Iglesia », dans Das konsoziativeElement in der Kirche, op. cit., p. 54-55.
  • [6]
    Concile Vatican II, constitution Lumen gentium.
  • [7]
    En promulguant le CIC/17 à travers la constitution Providentissima Mater Ecclesia, le pape Benoît XV commence par la présentation de l’Église comme une « société parfaite » (Benoît XV, constitution apostolique Providentissima Mater Ecclesia, dans préface au CIC/17).
  • [8]
    P. Lombardia souligne à juste titre le caractère « hiérarchologique » d’une telle ecclésiologie, cf. P. Lombardia, « Le droit public ecclésiastique selon Vatican II », Appolinaris, 60, 1967, p. 70.
  • [9]
    A. Borras parle d’une « hiérarchopraxie », c’est-à-dire une pratique où les clercs sont perçus comme des acteurs vis-à-vis d’autres fidèles qui, eux, sont confinés dans un rôle de simples spectateurs, A. Borras, « Le discrédit du droit canonique. Enjeux et défis d’une crise », Foi et Temps, 5, 1983, p. 395.
  • [10]
    Concile Vatican II, constitution Lumen gentium, n° 32.
  • [11]
    A. Del Portillo, op. cit., p. 103.
  • [12]
    C’est précisément ce que fit observer le pape Jean-Paul II lors de la promulgation du CIC/83 en ces termes : « Cet instrument qu’est le code correspond pleinement à la nature de l’Église, spécialement comme le décrit le magistère du concile Vatican II en général, et en particulier dans son enseignement ecclésiologique. En un certain sens, on pourrait même voir dans ce code un grand effort pour traduire en langage canonique cette doctrine même de l’ecclésiologie conciliaire », cf. Jean-Paul II, constitution apostolique Sacrae disciplinae leges (texte en français), D.C., n° 1847, 6 mars 1983, p. 246.
  • [13]
    E. Corecco, « Les présupposés ecclésiologiques et culturels du nouveau code », dans Théologie et droit canon. Écrits pour une nouvelle théorie générale du droit canon, Éditions universitaires de Fribourg (Suisse), 1990, p. 233.
  • [14]
    Avant le concile Vatican II, on identifiait souvent le fidèle au laïc. D’où une certaine ambiguïté, à l’origine d’une confusion entre la notion de fidèle et de laïc, considérées parfois à tort comme des notions équivalentes. L’une des manifestations les plus patentes de cette confusion est le fait que le CIC/17 ait traité des associations de fidèles sous la rubrique des laïcs, cf. A. Del Portillo, op. cit., p. 22-29 ; P. Lombardia, « Los laicos en el derecho de la Iglesia », dans lus Canonicum, 1966, p. 340.
  • [15]
    P.J. Viladrich, op. cit., p. 167-168, puis p. 309-312 ; J. Hervada et P. Lombardia, El derecho del pueblo de Dios (introducciôn, la constitution de la Iglesia), vol. i, Pampelune, 1970, p. 270-271.
  • [16]
    Il s’agit des can. 299 à 311 du CIC/83.
  • [17]
    C’est notamment le cas de nombreux groupements volontaires dépourvus de reconnaissance ecclésiale formelle et qui peuvent même ne pas avoir de statuts, cf. J. M. Swerry, « Les grands traits du droit associatif dans le code de droit canonique de 1983 », dans Religieuses d’action hospitalière et sociale. Revue trimestrielle d’information, n° 349 (Vie associative et congrégations), 1995, p. 33.
  • [18]
    Il n’est pas rare de trouver de petits groupes existant par exemple dans le cadre d’une paroisse qui n’envisagent pas de s’étendre ni de promouvoir des initiatives s’adressant à d’autres personnes, mais dont le but est simplement d’instaurer un dialogue qui favorise la vie chrétienne entre quelques fidèles qui en font partie.
  • [19]
    Cette expression s’applique en principe aux associations engagées dans un processus de transformation très probable en instituts religieux parce qu’elles en remplissent les conditions. Nous nous permettons d’utiliser la même expression par analogie pour montrer que les associations de fait non admises, quoique étant légitimes, sont néanmoins encouragées à s’engager dans le processus de demande d’une admission ecclésiale.
  • [20]
    Certains auteurs préfèrent parler de l’agnitio qui s’applique à l’association en tant que réalité qui existe déjà préalablement à sa reconnaissance par l’autorité ecclésiastique. À travers la reconnaissance s’opère simplement l’insertion dans la vie ecclésiale avec toutes les conséquences juridiques qui y sont attachées, cf. V. De Paolis, « Diritto dei fedeli di associarsi e la normativa che lo regola », dans Fedeli Associazioni Movimenti. XXVII Incontro di Studio, Villa Cagnola (Gazzada) 2-6 juill. 2001, Milan, 2002, p. 131 ; G. Feliciani, « Il diritto di associazione e le possibilita della sua realizzazione nell’ordinamento canonico », dans Das konsoziative Element in der Kirche, op. cit., p. 406-407.
  • [21]
    Voir L. Prados Torreira, « La intervenciôn de la autoridad sobre la autonomia estatutaria », dans Das konsoziative Element in der Kirche, op. cit., p. 476 ; S. Pettinato, « Associazioni private dei fedeli e ‘‘debita relatio’’ con l’autorità ecclesiastica », I.D.E., 97, 1986, p. 513, note 47.
    La préférence du terme probatio pour qualifier l’acte de l’autorité ecclésiastique requis en vue d’attribuer la personnalité juridique à une association privée, traduit vraisemblablement le désir du législateur de modérer la force juridique de l’intervention de l’autorité ecclésiastique afin de mieux garantir le droit d’association des fidèles et l’autonomie qui en résulte pour les associations privées (J. Manzanares, « Las asociaciones canônicas de fieles. Su regulaciôn juridica », dans Simposio sobre asociaciones canonicas de fieles, Université Pontificale de Salamanque, 1987, p. 122). On saisit d’autant mieux la nuance étymologique quand on la situe dans le cadre de la distinction entre associations publiques et privées : alors que le code parle de « statuta… probata » dans le cas des associations privées (can. 322, § 2), le même code parle de « statuta… approbatione indigent auctoritatis ecclesiasticae. » en ce qui concerne les statuts des associations publiques (can. 314). Il y a là, à notre avis, une indication, au moins implicite, d’une certaine différence quant à l’intervention de l’autorité ecclésiastique dans l’approbation des statuts, selon qu’il s’agit des statuts d’une association publique ou ceux d’une association privée à laquelle il faut attribuer la personnalité juridique.
  • [22]
    On pense à l’administration ou à l’aliénation des biens.
  • [23]
    C’est le cas du droit d’agir en justice qui a toujours été considéré comme l’un des indices spécifiques de la personnalité juridique.
  • [24]
    Il peut être difficile en droit canonique de prendre un phénomène, ici la nouveauté, comme critère pour une qualification juridique : à partir de quand et selon quelles conditions une institution cesse d’être nouvelle ? Le can. 605 du CIC/83 parle toutefois de « l’approbation de nouvelles formes de vie consacrée ». Des formes organisationnelles, parce qu’inédites, peuvent réclamer une prise en compte de leur degré de nouveauté par le droit canonique. Quant aux expressions de « communautés nouvelles » ou de « nouveaux mouvements religieux », ces appellations sont loin d’être stabilisées, même si la pratique, quelques auteurs et des autorités en font usage.
  • [25]
    A. Jacobs, « Les associations de fidèles dans l’Église », Studia Canonica, 22, 1998, p. 379.
  • [26]
    L. Gerosa, « Mouvements ecclésiaux et Église institutionnelle : concurrence ou co-essentialité ? », dans L’Église dans la mondialisation. L’apport des communautés nouvelles. Colloque de Rome, Éd. de l’Emmanuel, 2001, p. 145 ; voir aussi C. Redaelli, « Aspetti problematici della normativa canonica e della sua applicazione alla realtà associativa della chiesa », dans Fedeli AssociazioniMovimenti, op. cit, p. 167 ; C. Hegge, « I movimenti ecclesiali e la ricezione del Concilio Vaticano II », Periodica, 88,1999, p. 521-522.
  • [27]
    Il s’agit plus précisément du respect des critères d’ecclésialité, c’est-à-dire un minimum d’exigences ecclésiales auxquelles doit se conformer toute association pour être reconnue dans l’Église, cf. l’exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici,D.C, 86, 1989, p. 153-196, surtout p. 169-170 sur les critères d’ecclésialité pour les associations de laïcs ; voir aussi R. Pagé, « Note sur les critères d’ecclésialité pour les associations de laïcs », Studia Canonica, 24, 1990, p. 455-463.
  • [28]
    La principale caractéristique des associations non déclarées appelées aussi associations de fait est d’être dépourvues de personnalité juridique ; celle des associations déclarées étant de disposer de la personnalité juridique restreinte contrairement aux associations reconnues d’utilité publique qui, elles, disposent d’une capacité juridique plus étendue du fait de la grande personnalité juridique dont elles sont dotées.
  • [29]
    Cf. J.-P. Durand, ibid.
  • [30]
    Avec P. Lombardia, nous entendons par droit divin l’ensemble des facteurs juridiques qui ont Dieu comme auteur et auxquels les normes du droit canonique humain sont subordonnées de sorte que ces dernières sont dépourvues de valeur si elles s’avèrent contraires au droit divin, cf. P. Lombardia, Lecciones de derecho canonico, Madrid, 1984, p. 20 ; J.-P. Schouppe, « Le droit divin des canonistes et le droit naturel des juristes : des facteurs stabilisateurs en asymétrie », dans P. Gérard, F. Ost et M. Van De Kerchove (dirs), L’accélération du temps juridique, Bruxelles, 2000, p. 216.
  • [31]
    C’est ce que souligne le pape Jean-Paul II dans un message à l’occasion du XVIe Symposium juridique de droit canonique et de droit civil organisé par l’Institutum Utriusque Iuris de l’université pontificale du Latran : « Le système juridique de la communauté ecclésiale tend avant toute chose à réaliser la communion ecclésiale, en faisant prévaloir la dignité de chaque baptisé, dans l’égalité substantielle et dans la diversité des rôles de chacun » (Jean-Paul II, « La personne humaine, référence de tout ordre juridique », D.C., 2274, 2002, p. 662).
  • [32]
    J.-P. Durand, « Le baptême comme source des droits et des devoirs des fidèles », dans J. I. Arrieta, Ius divinum. Atti del XIII Congresso internazionale di diritto canonico (Venise 17-21 sept. 2008), Venise, 2010, p. 697-752.
  • [33]
    J.-P. Durand, « Note sur le canon 127, § 2, 2 comme indice d’une gouvernance ecclésiale par consensus », dans A. Borras (dir.), Délibérer en Église (hommage à Raphaël Collinet), Lessius, Bruxelles, 2010, p. 160-163.
  • [34]
    En Europe, on peut citer l’exemple de l’Espagne et de Italie : Commissione Episcopale per il Laicato, Nota pastorale. Le aggregazioni nella Chiesa (Rome, 29 avril 1993), dans Enchiridion della Conferenza Episcopale Italiana, Bologne, Edizioni Dehoniane, 1996, p. 697-739 ; Conférence épiscopale espagnole, Instruccciôn sobre asociaciones canônicas de ambito nacional (texte approuvé par la XLIVe Assemblée plénière de la Conférence épiscopale espagnole, le 24 avril de 1986), dans Simposio sobre asociaciones canonicas de fieles, Universidad Pontificia de Salamanque, p. 339-347.
  • [35]
    Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, « Les associations canoniques nationales. Réflexions doctrinales », Bulletin de la Conférence des évêques de France, 40, 1992, p. 545-551. Comme l’indique si bien le titre, il s’agit des réflexions doctrinales sur les associations canoniques nationales. Grâce à un vote positif, ce document a été adopté au cours de l’assemblée de 1991 après que le comité canonique eût complété et amendé la version initiale présentée par le doyen P. Valdrini, en tenant compte des remarques faites par les membres de l’Assemblée. La note précédant le document précise sa portée juridique en soulignant qu’il ne s’agit pas d’un texte législatif.
  • [36]
    Les associations de fait sont celles où les membres se regroupent en s’abstenant de demander la reconnaissance canonique de leurs statuts, mais elles n’en demeurent pas moins sous la vigilance de l’autorité hiérarchique (n° 4). Les associations sans personnalité juridique, quant à elles, se caractérisent par le fait que leurs statuts sont reconnus par l’autorité ecclésiastique, c’est-à-dire « visés par l’autorité ecclésiastique qui, ainsi, considère que rien n’y contredit les éléments constitutifs et la discipline commune de l’Église » (n° 8). Enfin, pour les associations dotées de la personnalité juridique, leurs statuts sont approuvés ; cette approbation signifiant un examen plus approfondi par l’autorité compétente (n° 9).
  • [37]
    Du point de vue technique : résultant d’une clause statutaire, le droit de veto permet à son titulaire de s’opposer à une résolution soumise à la volonté collective. Une décision est validement prise si la majorité qui l’a votée contient la voix du membre détenteur du droit de veto. Qu’en est-il de ce pouvoir à travers lequel se manifeste une volonté individuelle susceptible de mettre en échec une volonté collective ? En réalité, c’est l’association qui décide de se munir de statuts civils contenant ce droit de veto. Concrètement, la validité de certaines décisions est subordonnée à l’absence de veto du membre au profit duquel ce droit est reconnu. En l’appliquant aux associations civiles qui revendiquent clairement ainsi leur attachement à l’Église, le droit de veto confère à l’autorité ecclésiastique (ou à son représentant) un pouvoir de contrôle sur les décisions importantes des dites associations civiles. C’est en réalité un moyen dont peut se servir l’autorité ecclésiastique pour veiller à ce que, dans une association civile, les décisions importantes ne portent atteinte aux intérêts de l’Église. Il n’est pas nécessaire que ce droit de veto s’exerce pour la gestion ordinaire de l’association civile, mais soit réservé pour les matières et les décisions les plus importantes ou extraordinaires (P. Reigne, « Les clauses statutaires éliminant ou restreignant le jeu démocratique dans les associations », Revue des sociétés, 1990, p. 389).
  • [38]
    Le membre de droit n’a pas nécessairement un droit de veto. La désignation d’un ou plusieurs membres de droit apporte une présence et un conseil potentiel significatifs. Mais l’absence de la compétence du droit de veto prive le membre de droit d’un pouvoir juridique de s’opposer à telle décision obtenue par le vote majoritaire. Sachant que la loi du 1er juillet 1901 donne la liberté aux associations de déterminer elles-mêmes les différentes catégories de membres et les pouvoirs attribués à chaque catégorie, il va de soi qu’on peut insérer dans les statuts une clause mentionnant expressément un ou plusieurs membres de droit.
  • [39]
    Cf. Le livre V du CIC/83.
  • [40]
    O. Échappé, « Les biens des associations d’Église », A.C., xlvii (2005), 2006, p. 62.
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