Couverture de CANO_053

Article de revue

Droit français du caractère propre confessionnel

Contribution du droit français et du droit canonique à sa réception par son école privée

Pages 273 à 281

Notes

  • [1]
    Conférence du 9 avril 2010 à la Faculté de Droit canonique de l’I.C.P. avec le Secrétariat général de l’Enseignement catholique.
  • [2]
    Loi n° 59-1557 du 31 déc. 1959 (version initiale), Journal officiel, 2 et 3 janv. 1960 ; cf. Code de l’éducation (et ses mises à jour).
  • [3]
    M.-È. Aubin, « La question de la liberté de l’enseignement », dans R. Denoix de Saint-Marc (dir.), Deuxième centenaire du Conseil d’État, La Revue administrative, Paris, PUF, 2001, vol. 1, p. 306-315.
  • [4]
    Voir l’évolution de la différenciation entre contrats simples et contrats d’association (…).
  • [5]
    F. Bellengier, Le chef d’établissement privé et l’État, collection Les indispensables, Paris, Berger-Levrault, 3e éd., 2004, p. 23.
  • [6]
    Op. cit., p. 11.
  • [7]
    A. Lanfrey, Sécularisation, séparation et guerre scolaire. Les catholiques français et l’école (1901-1914), préface du cardinal Jean Honoré, collection Histoire, Cerf, Paris, 2003, 639 p.
  • [8]
    Décision du Conseil constitutionnel du 23 nov. 1977, et loi du 25 nov. 1977 dite loi Guermeur : dans Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, préface de Mgr J.-P. Ricard (alors président de la Conférence des évêques), coll. Droit civil ecclésiastique, Cerf, Paris, 2005, 2e éd., p. 1205 et sv. ; JOLD, 26 nov. 1977, p. 5539.
  • [9]
    Décision du Conseil constitutionnel n° 77-87 DC du 23 nov. 1977, dans Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, op. cit., p. 285 (loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 déc. 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement, Rec., p. 42 et sv. ; JOLD, 25 nov. 1977, p. 5530).
  • [10]
    M.-È. Aubin, « La question de la liberté de l’enseignement », op. cit., p. 306 : Ce principe fondamental de la liberté de l’enseignement, écrit Marie-Ève Aubin, « n’est qu’une composante ou un mode d’exercice de la liberté de conscience et de la liberté d’expression entendue comme le droit de communiquer librement ses pensées et ses opinions ».
  • [11]
    Loi du 25 janv. 1985, dite loi Chevènement, JOLD, 26 janv. 1985, p. 1088.
  • [12]
    Cf. Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, Conférence des évêques de France & CORREF, CDrom, février 2010 : * Sources en droit international et en droit de l’intégration européenne : Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, article 26 ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, article 18-4 ; Convention internationale des droits de l’enfant, 20 novembre 1989, articles 18 et 28. – * Voir le droit du Conseil de l’Europe (…) : Voir les arrêts de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (…). – * Voir le droit de l’Union européenne : Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2000, Article 14 ; Traité constitutionnel simplifié, 2007.Article 14. – * Voir Droit interne français, 1793-2011 et s. (…). Code de l’Éducation nationale, 2000 et s. (…).
  • [13]
    cf. Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, Paris, CEF, Cdrom, 2010 et aux éditions du Cerf, 1996 et 2005. À paraître prochainement une 4e version en Cdrom (CEF).
  • [14]
    Parlement européen, « Résolution sur la liberté d’enseignement dans la Communauté européenne, 14 mars 1984 », D.C., 1873, 1984, p. 489-490.
  • [15]
    Voir notamment les travaux de Nicole Fontaine (…) et du Service juridique du Secrétariat général de l’enseignement catholique (…) ; et dans F. Messner, P.-H. Prélot, J.-M. Woehrling (dirs), Traité de droit français des religions, coll. Juris-classeur, Paris, Litec, 2003, 1317 p. ; voir X. Delsol, A. Garay et E. Tawil, Droit des cultes. Personnes, activités, biens et structures, coll. Référence, Paris, coéd. Dalloz & Juris-association, Paris, 2005, 639 p. ; Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, Laïcité et liberté religieuse. Recueil de textes et de jurisprudence, Paris, Les éditions des Journaux officiels, 2011, 502 pages.
  • [16]
    J.-P. Durand, « Éducation catholique et culture », in Revue d’éthique et de théologie morale « Le Supplément », N°196, mars 1996, p. 123-156.
  • [17]
    Conférence des Évêques de France, Enseignement catholique français, Statut de l’enseignement catholique, Paris, Secrétariat général, avril 1996, 30 p. ; Vatican II, Déclaration Gravissimum educationis, 28 octobre 1965, dans Concile œcuménique Vatican II, Paris, Centurion, 1967, 1112 p. ; Jean-Paul II, « Exhortation apostolique Catechesi tradendae, 16 octobre 1979 », D.C., 1773, 1979, p. 913-921 ; Congrégation pour l’Éducation catholique, « L’école catholique, 19 mars 1977 », D.C., 1725, 1977, p. 705-716 ; Congrégation pour l’Éducation catholique, « Dimension religieuse de l’éducation dans l’école catholique ; éléments de réflexion et de révision, 7 avril 1988 », in D.C., 1967, 1988, p. 814-831 ; Code de droit canonique latin, 1983 (en particulier son livre III) ; Code des canons des Églises orientales, 1990 (…)

1En matière scolaire, la France connaît un défi consistant à démontrer que le caractère propre confessionnel d’une école privée respecte la liberté de conscience et respecte l’enseignement public républicain. C’est l’œuvre initiée par la loi Debré du 31 décembre 1959. Existe un second défi ; il consiste à démontrer que l’association grandissante au service public de l’enseignement des écoles privées – de caractère propre et sous contrat avec l’État – institue des conditions qui garantissent encore suffisamment le respect du caractère propre et le respect de l’autonomie des écoles privées. C’est l’œuvre poursuivie diversement par le droit français ultérieur, avec les étapes constitutionnelles et législatives de 1977 et maints développements normatifs à partir de la loi Chevènement de 1985. Personnellement, je pourrais plus longuement expliquer pourquoi je ne confonds pas caractère propre et autonomie, à propos des écoles privées sous contrat d’association avec l’État. Mais j’en resterai pour le présent texte à quelques rappels concernant le caractère propre, une notion du droit français que le droit canonique devrait davantage prendre en compte.

I. Caractère propre et autonomie des écoles privées sous contrat d’association.

2Il y a une cinquantaine d’années, la loi Debré du 31 décembre 1959 [2] a entendu contribuer à une paix scolaire durable en France entre écoles publiques et écoles libres [3]. Cette loi de 1959 a voulu qu’en contractant avec l’État, des écoles libres à caractère propre – notamment confessionnel – puissent coopérer avec l’enseignement public.

3Moyennant une subvention publique à l’œuvre scolaire – œuvre qui est certes privée mais d’intérêt général –, l’État place l’établissement privé concerné sous le contrôle de l’État. Dans la mesure où cet établissement privé d’enseignement sous contrat avec l’État a un caractère propre, cette école privée conserve son caractère propre tout en devant délivrer son enseignement scolaire dans le respect total de la liberté de conscience. Précisément, la loi Debré de 1959, en son article 1er alinéa 2°, déclare que tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances, y ont accès.

4Par contrat [4] avec l’État, telle école libre à caractère propre s’engage à respecter d’un côté la liberté de conscience de chaque membre de sa propre communauté éducative et à respecter d’un autre côté, moyennant financement public, un triple contrôle [5] sur l’enseignement prodigué dans cette école sous contrat, sur son fonctionnement administratif et sur l’emploi des ressources économiques de cette école libre sous contrat avec l’État. Selon Ferdinand Bellengier en 2004 [6], alors que les lois du 1er juin 1971 et du 25 novembre 1977 ont affirmé l’autonomie des établissements, la loi du 25 janvier 1985 et les normes de l’État ultérieures ont mis l’accent sur l’association des écoles libres sous contrat d’association au service public. Il ne m’appartient pas ici et maintenant d’en discuter. Ces conditions ne peuvent pas ne pas interférer pour une part non négligeable sur le respect par l’État de droit français de la liberté de l’enseignement, et interférer sur le respect par cet État de droit – et par chaque membre de la communauté éducative – du degré d’affirmation du caractère propre par les soins de l’école privée sous contrat concernée.

5Un caractère propre qui peut être confessionnel, c’est à dire relevant de la tutelle « canonique » d’un culte. Mais d’autres caractères propres existent ; par exemple ils relèvent d’une inspiration religieuse, philosophique, pédagogique.

6En tout cas, les modalités de contrôle par les pouvoirs publics peuvent occasionner des inquiétudes et nourrir un débat sur le degré d’autonomie des écoles libres : que ce soit en vertu des limites de l’ordre public, que ce soit au regard l’obligation scolaire – précisée davantage par la loi de décembre 1998 –, et que ce soit suivant des conditions contractuelles légales qui peuvent lier l’État français à telle école privée, à telle école privée ayant un caractère propre, par exemple le caractère propre catholique romain.

7La loi du 31 décembre 1959 avait bénéficié notamment d’une période où régnait un climat propice à l’unité nationale. Ce qui avait permis d’obtenir du Parlement le vote de cette loi scolaire d’unité nationale : que le principe de la liberté de l’enseignement avec ses écoles libres et l’école laïque ne serve plus à opposer deux jeunesses, ni deux France, a fortiori pour des motifs et des intérêts politico-religieux.

II. Quand la liberté de l’enseignement cherche à se dégager d’un enlisement politico-religieux.

8Rappelons que la liberté de l’enseignement fut proclamée sous la Révolution française pour la première fois par le décret Bouquier du 15 décembre 1793. Ensuite le Directoire maintint cette liberté ; mais cette dernière disparut sous le Consulat. Il fallut attendre la loi Guizot sur l’instruction primaire du 28 juin 1833 sous la Monarchie de Juillet pour rétablir la liberté de l’enseignement.

9Aux XIXe et XXe siècles, la liberté de l’enseignement s’est affranchie difficilement des tensions politico-religieuses [7]. Les vingt dernières années du XIXe siècle voient se consommer un divorce entre l’Église catholique et l’école publique.

10Notons que la loi Guizot de 1833 prévoyait, elle, des comités de contrôles sur les écoles communales par exemple par les soins des curés, voire pour les écoles d’arrondissements par des ministres des quatre cultes qui avaient été reconnus depuis les articles organiques gallicans de Napoléon Bonaparte. Les différents contrôles ecclésiastiques que l’État lui-même organise sur l’école et sur l’université publiques au XIXe siècle n’ont pas manqué d’alimenter une lutte à l’encontre des juridictions ecclésiastiques et à opposer davantage religion et science. Il s’avère que l’Église catholique et la République française sont ainsi placées comme en porte-à-faux sur les domaines des libertés individuelles et des libertés publiques. S’accentuèrent des déchirures à l’intérieur de chaque famille spirituelle ou politique : que ce soit entre catholiques ou entre libéraux, entre radicaux, entre républicains et entre socialistes aussi.

11Au XXe siècle, la revendication en faveur de la liberté de l’enseignement peut encore être étiquetée de droitière ; le professeur de libertés publiques Jean Rivero le fait remarquer. En 1946, les débats sont si passionnés que le principe de la liberté de l’enseignement n’est pas inscrit dans le préambule de la constitution de la IVe République, alors qu’il le fut dans la constitution de l’an III de 1795.

III. Droit de la liberté de l’enseignement et droit des entreprises de tendance ou de caractère propre.

12Ce n’est qu’en 1977 [8] que la liberté de l’enseignement et le respect du caractère propre atteignent une valeur législative et même constitutionnelle : ce n’est donc qu’à partir de 1977 que le Conseil constitutionnel a qualifié la liberté de l’enseignement de « principe fondamental reconnu par les lois de la République » [9]. Cette même décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977 précise que la liberté de conscience doit « être regardée comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », après avoir cité le préambule de la constitution de 1946 : « Nul ne doit être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».

13Pour obtenir de l’État, de la loi, du droit constitutionnel, la garantie d’ordre public en faveur du caractère propre de ces écoles privées sous contrat avec l’État, cela a demandé de pouvoir s’appuyer juridiquement sur le principe de la liberté de l’enseignement. Mais encore fallait-il que la liberté de l’enseignement soit perçue comme compatible avec le respect de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. Il a donc fallu en quelque sorte dissiper les préjugés subsistant à l’encontre de la liberté de l’enseignement et à l’encontre des religions, a fortiori lorsqu’elles fondent des écoles privées à caractère propre confessionnel : chaque religion respecte-t-elle la liberté de conscience et l’enseignement public républicain français ? Les avis étant si partagés en France que le principe de la liberté de l’enseignement n’a pu être inscrit dans la constitution de la IVe République de 1946, ni dans celle de la Ve République en 1958.

14Dans l’esprit des évolutions normatives depuis 1977, il est possible de lire dans l’œuvre jurisprudentielle du Conseil d’État en 1999 que la liberté de l’enseignement s’enracine dans le principe de la liberté de conscience [10].

15Au début de la Ve République, la loi du 31 décembre 1959 entend cultiver la liberté de l’enseignement ; une liberté où telle école libre a le droit d’affirmer tel caractère propre, notamment catholique, moyennant le respect de l’ordre public et de l’obligation scolaire. Entre 1959 et 2011, l’État a précisé les conditions selon lesquelles des établissements d’enseignement privés peuvent obtenir l’autorisation de l’État de contracter avec lui pour être associés au service public de l’Éducation nationale, moyennant le respect de la part de tout caractère propre d’école libre de la liberté de conscience de chaque élève, de chaque membre du personnel, tant enseignant et qu’administratif, et moyennant le respect, précise la loi de 1985 [11], d’un enseignement selon les règles et les programmes de l’enseignement public. Jusqu’en 1959, faute d’aide de l’État, l’initiative scolaire libre ou privée manquait de subsides et coûtait toujours plus cher aux parents. Devant la croissance démographique après la Seconde Guerre mondiale, l’État a pu calculer qu’en obtenant le concours d’écoles libres, cela lui coûterait moins cher que de faire porter cette charge par un surcroît d’effort de la part de l’enseignement public.

16Dès 1959, la loi Debré inaugure une procédure qui cherche à faciliter l’harmonie et la compatibilité entre la liberté de l’enseignement et la liberté de conscience : d’un côté que l’État sache associer des écoles privées, même avec caractère propre confessionnel catholique, au service public scolaire [12] : ces écoles privées associées auront à savoir respecter le même programme d’enseignement public, à savoir l’enseigner à tout élève, catholique ou non, à respecter la liberté de conscience de tout élève, de tout enseignant, de tout administratif, et de tout parent ; d’un autre côté, cette association d’écoles privées sous contrat avec l’État doit être assortie d’une garantie de respect du caractère propre de cette école privée confessionnelle, ce qui retiendra la première partie de notre exposé.

17Il n’appartient pas au présent exposé de procéder à un bilan juridique, ni moins encore à une évaluation en matière de droit de la liberté de l’enseignement concernant les écoles privées ayant un caractère propre, notamment catholique. Rares sont les écoles relevant d’autres confessions religieuses ; qu’elles soient juives, protestantes, orthodoxes, musulmanes, bouddhiques.

18Le respect du caractère propre de la part des membres de la communauté éducative a suscité une jurisprudence, une pratique administrative, voire des lois : par exemple à propos de préceptes religieux concernant la nourriture des cantines, à propos d’absences pour motifs religieux et de modes d’habillement avec signes distinctifs susceptibles ou non de porter atteinte à l’ordre public [13]. En cas de conflits à propos d’un retrait canonique de l’agrément par les soins de la tutelle confessionnelle, ne pas oublier la dispense canonique, puis les contentieux canoniques, avant les procès séculiers : en cas de procédure avec délais de recours canoniques à respecter, une médiation laisse courir les délais de recours. Ce qui ne veut pas dire que la médiation est à exclure, mais il faut prévenir toutes les parties au différend.

Remarques conclusives : Point d’appui du droit français à un dialogue avec le caractère propre ?

19La session du 23 novembre 2011 porte sur l’autonomie de l’établissement scolaire associé à l’État, une autonomie se cherchant au service de l’intérêt général. Sans doute, cette autonomie relève à la fois de la liberté de l’enseignement, du rapport entre droit privé et droit public, et du caractère propre lui-même. Ces différentes composantes de cette autonomie ont ses fondements en droit interne français, avec l’appui du droit international et du droit de l’intégration européenne [14], comme les intervenants de cette session sauront l’exposer.

20Le caractère propre catholique est le plus largement répandu des caractères propres confessionnels existant en France, en nombre d’établissements, de contrats avec l’État et de nombre d’élèves inscrits en France métropolitaine – moyennant les particularités d’Alsace-Moselle – et enfin en Outre-mer [15].

21Le caractère propre prévu et garanti depuis 1959 par le droit français est reçu par l’Église catholique dans le cadre de sa propre mission religieuse, culturelle et humanitaire d’assumer et de promouvoir l’éducation catholique.

22Il importe donc de revenir sur le caractère propre, notion du droit français à recevoir en droit canonique, à propos du caractère propre confessionnel catholique romain. En effet les deux domaines, ici de l’autonomie et là du caractère propre, ne se recouvrent pas, ni ne se confondent.

23Au canoniste, il apparaît que la notion juridique française de caractère propre est à confronter aux exigences de la notion canonique d’éducation catholique ou d’éducation chrétienne [16]. Là aussi le présent exposé n’a pas pour fonction de donner ici un bilan de la canonicité de l’Église catholique en matière d’éducation catholique, c’est à dire à propos du degré d’engagement officiel de cette Église en faveur des conditions de l’éducation, de la formation, de la culture, de la vie morale et théologale pour le développement intégral de chaque individu humain, pour le salut des âmes et la consécration du monde à Dieu, le Dieu d’amour et de miséricorde, le Dieu un en trois personnes divines [17].

24La canonicité doit se garder des pièges de communautarismes d’enfermement et des pièges de prosélytisme de mauvais aloi, c’est d’autant plus vrai pour son droit canonique missionnaire et son droit canonique de la charge d’enseignement incombant à l’Église catholique, mais aussi son droit des fidèles catholiques qui sont tenus d’annoncer l’Évangile en témoignant au cœur d’un processus permanent d’inculturation, où l’Évangile, lui-même toujours porté par une culture la transcende pour être un ferment critique de ce qui peut être abusif dans une culture, tout en sachant que l’évangélisation doit pouvoir compter sur le meilleur de chaque culture.

25Or le droit français apporte un domaine où le caractère propre peut se manifester explicitement sans être confondu avec la tâche de la catéchèse réservée aux fidèles catholiques présents dans et auprès de chaque communauté éducative scolaire : Car en effet, tout individu, même non baptisé, peut être en droit d’être informé à propos du caractère propre de l’établissement scolaire qu’il fréquente comme élève, comme parent, comme enseignant, comme administratif, comme membre de la pastorale scolaire. Il s’agit que chaque école puisse prévoir non seulement une présentation informationnelle et accessible à son caractère propre, mais des lieux suffisamment pédagogiques et dignes pour des dialogues ajustés, au moyens des rencontres possibles entre les cultures, entre les spiritualités.

26Ainsi ce lieu d’expression et de rencontre du caractère propre est prévu dans la réflexion des pouvoirs publics ; il faudra obtenir de faire subventionner lestâches d’intérêt général culturel correspondantes, celles d’animateurs et animatrices du caractère propre.

Un conseil parlementaire :

27Il est possible de consulter le rapport de la mission de l’Assemblée nationale de 2003 sur les signes religieux à l’école : il y précise ceci : « le caractère propre (de l’établissement) peut s’exprimer dans les activités extérieures au secteur sous contrat ou bien, à l’intérieur même de ce secteur, par une approche pédagogique différente qui peut tenir compte du caractère confessionnel de l’établissement (article 4 de la loi Debré devenu l’article I 442-5 du Code de l’Éducation nationale ».

28Il ne s’agit pas d’un cours de culture religieuse ni d’un prosélytisme non avoué, ni non plus un abandon de la fonction catéchétique à la seule fonction culturelle, mais de transmettre et de dialoguer à propos du caractère propre de tel établissement précis et dûment fréquenté pendant des années par des individus très différents, riches de leurs différences, de leurs points communs et de leur non indifférence à ce qui est engagé pour eux dans cet établissement à l’échelon des finalités à actualiser chaque jour par la communauté éducative avec son chef d’établissement et en dialogue avec sa tutelle canonique et les inspections académiques.


Date de mise en ligne : 13/03/2021

https://doi.org/10.3917/cano.053.0273

Notes

  • [1]
    Conférence du 9 avril 2010 à la Faculté de Droit canonique de l’I.C.P. avec le Secrétariat général de l’Enseignement catholique.
  • [2]
    Loi n° 59-1557 du 31 déc. 1959 (version initiale), Journal officiel, 2 et 3 janv. 1960 ; cf. Code de l’éducation (et ses mises à jour).
  • [3]
    M.-È. Aubin, « La question de la liberté de l’enseignement », dans R. Denoix de Saint-Marc (dir.), Deuxième centenaire du Conseil d’État, La Revue administrative, Paris, PUF, 2001, vol. 1, p. 306-315.
  • [4]
    Voir l’évolution de la différenciation entre contrats simples et contrats d’association (…).
  • [5]
    F. Bellengier, Le chef d’établissement privé et l’État, collection Les indispensables, Paris, Berger-Levrault, 3e éd., 2004, p. 23.
  • [6]
    Op. cit., p. 11.
  • [7]
    A. Lanfrey, Sécularisation, séparation et guerre scolaire. Les catholiques français et l’école (1901-1914), préface du cardinal Jean Honoré, collection Histoire, Cerf, Paris, 2003, 639 p.
  • [8]
    Décision du Conseil constitutionnel du 23 nov. 1977, et loi du 25 nov. 1977 dite loi Guermeur : dans Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, préface de Mgr J.-P. Ricard (alors président de la Conférence des évêques), coll. Droit civil ecclésiastique, Cerf, Paris, 2005, 2e éd., p. 1205 et sv. ; JOLD, 26 nov. 1977, p. 5539.
  • [9]
    Décision du Conseil constitutionnel n° 77-87 DC du 23 nov. 1977, dans Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, op. cit., p. 285 (loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 déc. 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement, Rec., p. 42 et sv. ; JOLD, 25 nov. 1977, p. 5530).
  • [10]
    M.-È. Aubin, « La question de la liberté de l’enseignement », op. cit., p. 306 : Ce principe fondamental de la liberté de l’enseignement, écrit Marie-Ève Aubin, « n’est qu’une composante ou un mode d’exercice de la liberté de conscience et de la liberté d’expression entendue comme le droit de communiquer librement ses pensées et ses opinions ».
  • [11]
    Loi du 25 janv. 1985, dite loi Chevènement, JOLD, 26 janv. 1985, p. 1088.
  • [12]
    Cf. Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, Conférence des évêques de France & CORREF, CDrom, février 2010 : * Sources en droit international et en droit de l’intégration européenne : Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, article 26 ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, article 18-4 ; Convention internationale des droits de l’enfant, 20 novembre 1989, articles 18 et 28. – * Voir le droit du Conseil de l’Europe (…) : Voir les arrêts de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (…). – * Voir le droit de l’Union européenne : Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2000, Article 14 ; Traité constitutionnel simplifié, 2007.Article 14. – * Voir Droit interne français, 1793-2011 et s. (…). Code de l’Éducation nationale, 2000 et s. (…).
  • [13]
    cf. Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, Paris, CEF, Cdrom, 2010 et aux éditions du Cerf, 1996 et 2005. À paraître prochainement une 4e version en Cdrom (CEF).
  • [14]
    Parlement européen, « Résolution sur la liberté d’enseignement dans la Communauté européenne, 14 mars 1984 », D.C., 1873, 1984, p. 489-490.
  • [15]
    Voir notamment les travaux de Nicole Fontaine (…) et du Service juridique du Secrétariat général de l’enseignement catholique (…) ; et dans F. Messner, P.-H. Prélot, J.-M. Woehrling (dirs), Traité de droit français des religions, coll. Juris-classeur, Paris, Litec, 2003, 1317 p. ; voir X. Delsol, A. Garay et E. Tawil, Droit des cultes. Personnes, activités, biens et structures, coll. Référence, Paris, coéd. Dalloz & Juris-association, Paris, 2005, 639 p. ; Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, Laïcité et liberté religieuse. Recueil de textes et de jurisprudence, Paris, Les éditions des Journaux officiels, 2011, 502 pages.
  • [16]
    J.-P. Durand, « Éducation catholique et culture », in Revue d’éthique et de théologie morale « Le Supplément », N°196, mars 1996, p. 123-156.
  • [17]
    Conférence des Évêques de France, Enseignement catholique français, Statut de l’enseignement catholique, Paris, Secrétariat général, avril 1996, 30 p. ; Vatican II, Déclaration Gravissimum educationis, 28 octobre 1965, dans Concile œcuménique Vatican II, Paris, Centurion, 1967, 1112 p. ; Jean-Paul II, « Exhortation apostolique Catechesi tradendae, 16 octobre 1979 », D.C., 1773, 1979, p. 913-921 ; Congrégation pour l’Éducation catholique, « L’école catholique, 19 mars 1977 », D.C., 1725, 1977, p. 705-716 ; Congrégation pour l’Éducation catholique, « Dimension religieuse de l’éducation dans l’école catholique ; éléments de réflexion et de révision, 7 avril 1988 », in D.C., 1967, 1988, p. 814-831 ; Code de droit canonique latin, 1983 (en particulier son livre III) ; Code des canons des Églises orientales, 1990 (…)

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