Notes
-
[1]
D. Arnaud et D. Péron, dans Libération, 25-26 sept. 2010, p. 2.
-
[2]
M. Blondel, L’Action (1893), Paris, P.U.F., p. 396.
-
[3]
Grossièreté doit être entendu ici comme ce qui est mal dégrossi.
-
[4]
Terme employé par M. Blondel, op. cit., p. 396.
-
[5]
M. Blondel, ibid.
-
[6]
Y. de Montcheuil, op. cit., p. 22.
-
[7]
Ibid., p. 118.
-
[8]
R. Guardini, Le Seigneur, Alsatia, Paris, 1945, vol. I, p. 122.
-
[9]
Ibid., p. 121.
-
[10]
M. Blondel, op. cit., p. 396.
-
[11]
R. Guardini, op. cit., p. 121.
-
[12]
Je pense aux conséquences dramatiques de la production et du trafic de drogue.
-
[13]
Sans pour autant séparer cette dimension extrinsèque de l’intrinsèque. Ce sont plutôt les deux facettes d’un même signifié : l’une théologique, l’autre juridique.
-
[14]
He 2, 4 ; « sunepimarturoumenos » connote l’étroite association du témoignage divin à celui du fidèle.
-
[15]
Can. 2116 § 2, CIC de 1917.
-
[16]
H. Misztal, Le cause di canonizzazione, Storia e procedura, LEV, Rome, 2005, p. 187.
-
[17]
SM, art. 26, 1.
-
[18]
H. Misztal, op. cit, p. 186.
-
[19]
SM, art. 6.
-
[20]
Benoît XIV, De Servorum Dei beatificatione et Beatorum canonizatione, livre II, chap. 39, n° 7.
-
[21]
Cf. SM, Introduction, p. 13, al. 2.
-
[22]
Pour le confort du lecteur, nous écrirons par la suite : super miro, sous-entendant l’adjectif praesumpto.
-
[23]
Il n’est alors pas tenu de suivre les normes mentionnées ci-dessus, même si par analogie, il serait bien inspiré d’en adopter les principes et un certain nombre de dispositions particulières visant à garantir la sûreté de l’enquête et l’information sérieuse de qui doit décider en un domaine grave et sensible de la mission de l’Église.
-
[24]
À Lourdes, l’évêque propre de la personne guérie reçoit l’avis de la Commission médicale, et décide en son âme et conscience. À notre connaissance, il n’y a pas de normes diocésaines pour la reconnaissance des miracles. Nous ignorons si la commission médicale se saisit motu proprio d’un cas signalé ou si elle est saisie par l’évêque propre de la personne guérie.
-
[25]
Pour le confort du lecteur, je ne mentionnerai ici que l’évêque diocésain, sous entendant toujours la mention de l’éparque.
-
[26]
DPM, chap. I, art. 1.
-
[27]
Le can. 382 désigne les pasteurs en charge des institutions mentionnées au can. 368, « sauf s’il apparaît qu’il en va autrement de par la nature des choses ou bien en vertu des dispositions du droit ». Le can. 368 assimile au diocèse, « sauf s’il s’avère qu’il en va autrement » : la prélature territoriale et l’abbaye territoriale, le vicariat apostolique et la préfecture apostolique, ainsi que l’administration apostolique érigée de façon stable. Les normes concernant la procédure sur le miracle ne prévoient pas d’exception. Ni la nature des choses.
-
[28]
SM, art. 12.
-
[29]
SM, art. 13 ; cf. NS, 2a.
-
[30]
SM, art. 21, 2.
-
[31]
SM, art. 15, 2.
-
[32]
NS, n° 5, b ; cité par SM, art. 21, 2.
-
[33]
SM, art. 22, 1.
-
[34]
DPM, I, 2, 5° ; NS, n° 32 ; SM, art. 36, 2.
-
[35]
Cf. SM, note 51.
-
[36]
On comprend que la Congrégation pour les causes des Saints insiste sur cette exigence de rigueur juridique qui n’a d’autre raison que de contribuer à fonder la certitude des preuves et de la procédure, et faciliter ainsi le traitement de la cause dans sa phase romaine.
-
[37]
SM, art. 38.
-
[38]
SM, art. 39.
-
[39]
SM, art. 38, 2.
-
[40]
SM, art. 40.
-
[41]
SM, art. 2 ; en note 11, SM renvoie aux can. 1999-1241 du CIC 17 (livre IV, De processibus – Pars 2a, De causis beatificationis…).
-
[42]
SM, art. 59, 2.
-
[43]
SM, art. 47-48.
-
[44]
SM, art. 52.
-
[45]
SM, art. 55.
-
[46]
SM, art. 54.
-
[47]
SM, art. 56, 1.
-
[48]
SM, art. 56, 2.
-
[49]
Cette attribution n’est pas directement attribuée par SM, mais se déduit de plusieurs articles.
-
[50]
NS, n° 15, a ; SM, art. 60, 3 ; SM, art. 81.
-
[51]
SM, art. 59, 3.
-
[52]
SM, art. 49.
-
[53]
SM, art. 60, 3.
-
[54]
SM, art. 60, 4. Il semble que rien dans les normes n’interdise de nommer deux médecins experts pour faciliter leur présence aux interrogatoires des témoins, lorsque ce sont des professionnels en exercice. Il sera nécessaire alors qu’ils bénéficient des mêmes informations et coordonnent leurs interventions.
-
[55]
SM, art. 81.
-
[56]
SM, art. 87.
-
[57]
SM, art. 61.
-
[58]
SM, art. 51.
-
[59]
SM, art. 86, 3.
-
[60]
Cf. SM, art. 38.
-
[61]
SM, art. 90.
-
[62]
Il semble cependant que la Congrégation pour les Causes des Saints ait une préférence pour des formules de serment distinctes du procès-verbal de la session et jointes à celui-ci en annexe.
-
[63]
Cf. SM, art. 77-81.
-
[64]
SM, art. 85, 2.
-
[65]
SM, art. 85, 3.
-
[66]
SM, art. 91, 3.
-
[67]
SM, art. 92, 4.
-
[68]
SM art. 99, 1.
-
[69]
SM art. 97 qui renvoie en note au can. 1553 du CIC 83.
-
[70]
SM, art. 98.
-
[71]
SM, art. 101.
-
[72]
SM, art. 102 qui renvoie à NS, n° 20, 3°, et au can. 1550 § 2, 1° du CIC 83.
-
[73]
Can. 1550, § 1. « Ne seront pas admis à porter témoignage les mineurs de moins de quatorze ans et les faibles d’esprit ; ils pourront cependant être entendus sur décret du juge le déclarant expédient ». Ce canon concerne les procédures judiciaires.
-
[74]
SM, art. 107-108.
-
[75]
Cf. SM, art. 104, 1.
-
[76]
SM, art. 96, 2.
-
[77]
De source officieuse, la Congrégation pour les Causes des Saints constate de fréquentes confusions à ce sujet.
-
[78]
SM, art. 110, 1 ; NS, 34, b.
-
[79]
Ibid.
-
[80]
SM, art. 105.
-
[81]
SM, art. 106.
-
[82]
SM, art. 104, 2.
-
[83]
SM, art. 111-113.
-
[84]
SM, art. 120, 2.
-
[85]
SM, art. 121, 1.
-
[86]
En écrivant causes des saints, SM ne distingue pas entre les deux procédures concernées.
-
[87]
SM, art. 121, 2.
-
[88]
SM, art. 95.
-
[89]
SM, art. 122, 1.
-
[90]
SM, art. 95. L’art. 95 est décidément mal rédigé, puisque n’y est pas fait mention du vice-postulateur, comme à l’art. 122, 1.
-
[91]
SM, art. 123.
-
[92]
SM, art. 127. Les actes produits en une autre langue pourront être traduits en l’une de ces six langues. On peut s’étonner que l’allemand n’y figure pas. Les articles 124 à 127 réglementent l’oeuvre de traduction des actes. Ils doivent être appliqués si les actes en français sont traduits en italien dans le cadre de l’enquête diocésaine.
-
[93]
Cf. SM, art. 128-133.
-
[94]
SM, art. 129 ; NS, 29, a.
-
[95]
SM, art. 134.
-
[96]
SM, art. 137.
-
[97]
SM, art. 138-140.
-
[98]
SM, art. 143.
-
[99]
SM, art. 144.
-
[100]
SM, art. 149. Une réponse officieuse de la Congrégation pour les Causes des Saints à l’auteur, de février 2011, suggère que l’expert médecin donne aussi son avis sur le cas : « Al termine dell’inchiesta sarebbe opportuno che redigesse una breve relazione sul caso di cui si tratta nella quale esprima anche un suo parere circa la qualità dei testi medici o tecnici escussi ».
-
[101]
SM, art. 150.
-
[102]
DPM, n° 13, 1°.
-
[103]
DPM, n° 13, 2°.
-
[104]
On renverra, pour un approfondissement de la question, à la bibliographie suivante : M. Blondel, L’Action, op. cit ; « Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d’apologétique et sur la méthode philosophique dans l’étude du problème religieux », dans Annales de philosophie chrétienne, janv.-juil. 1896 ; Congrégation pour les Causes des Saints, Normes à suivre lors des enquêtes menées par les évêques dans les causes des saints, 7 févr. 1983, dans A.A.S. 75 (1983), p. 396-403 ; D.C. 80 (1983), p. 1140-43 ; Sanctorum Mater, Instruction pour le déroulement des enquêtes diocésaines ou éparchiales regardant les causes des saints, 17 mai 2007, Rome ; R. Guardini, Le Seigneur, op. cit., 2 vol. ; Jean-Paul II, Constitution apostolique Divinus perfectionis Magister, 25 janv. 1983, dans A.A.S. 75 (1983), p. 349-55 ; D.C. 80 (1983), p. 1138-40 ; H. Misztal, Le cause di canonizzazione…, op. cit. ; Y. De Montcheuil, Maurice Blondel…, op. cit. ; R. Rodrigo, Manuale per istruire i processi di canonizzazione, Institutum historicum Augustinianorum Recollectorum, Rome, 1998.
I. Quelques considérations sur le miracle
a) Mirum,prodigium, signum ? Qu’est-ce qu’un miracle ?
1« Ce qu’il y a d’agréable avec le succès de Des hommes et des dieux, outre qu’il oblige à se poser beaucoup de questions factuelles et philosophiques, c’est qu’il relève de l’intempestif, de quelque chose qui ne saurait être le résultat d’un programme ou d’une recette. Un miracle en somme » [1].
2Mais qu’est-ce qu’un miracle ?
3Selon la doctrine canonique, un miracle est un phénomène de l’ordre sensible – à caractère prodigieux, étonnant (mirum) – inexplicable dans l’état actuel des connaissances scientifiques, interprété comme signe de la présence active, salvatrice, du Dieu vivant. Un élément s’ajoute à cette définition, dans une cause de béatification ou canonisation : en réponse à la prière par l’intercession d’un serviteur ou d’une servante de Dieu.
4Le miracle a un caractère de déchirure et d’irruption dans le cours ordinaire des choses. Maurice Blondel le qualifie de « brusquerie exceptionnelle » [2]. Le miracle n’a pas seulement un caractère prodigieux (mirum, prodigium, tèraton), mais il est un signe (signum, sèmeion) : « Ce qu’il y a de particulier dans le miracle, écrit le P. de Montcheuil, c’est que l’anomalie physique liée à un fait d’ordre religieux est le vêtement d’une intention miséricordieuse de Dieu qui, condescendant à la grossièreté [3] spirituelle de la moyenne de l’humanité, lui adresse un appel propre à lui faire lever les yeux au ciel ».
5Comme signe – ou symbole [4] – du surnaturel, le miracle ne contraint pas la raison à reconnaître ce qu’il signifie. « Les symboles expressifs » du surnaturel « ne sauraient être que des signes à double entente », c.-à-d. pouvant être compris selon deux niveaux d’intelligibilité. Ils « ne sauraient avoir une efficacité nécessitante : ils ne peuvent offrir l’infini que sous les traits du fini. […] Les grandeurs spirituelles n’ont rien de cet éclat qui force l’assentiment en s’imposant aux sens, rien de cette évidence qui violente l’entendement sans réserver l’entière liberté du cœur » [5].
6La prudence de l’Église et son exigence procédurale pour l’examen d’un miracle ne tient pas simplement à une préoccupation de vérité, mais – et cela peut paraître paradoxal – au fait que le miracle est une expression inadéquate du mystère de la grâce. Il est même, selon Montcheuil, « la moins significative des manifestations du surnaturel » [6] en tant qu’il ne relève pas du mode ordinaire d’expression de la grâce divine. Il n’en est pas le « réceptacle adéquat », mais remplit une fonction analogique. Son rôle intrinsèque est de manifester « le caractère anormal de la grâce ». Commentant la pensée de Blondel, le P. de Montcheuil écrit fort justement : « Parce qu’il apparaît comme une dérogation déconcertante dans les faits habituels, il exprime, dans un autre plan, la dérogation essentielle qui transfigure et déifie l’homme, mais non sans le contredire, le mortifier et le distendre onéreusement. Il y a dans la vie surnaturelle, comme une reprise en sous-œuvre, comme un retournement de tout notre être. Ce sont ces caractères de nouveauté, de perspective changée, et aussi de paternelle bonté, d’attention singulière, que le miracle a pour raison d’être de témoigner » [7].
7Le miracle est une fenêtre ouverte sur le visage de Dieu qui « est le Dieu des cœurs », écrit Romano Guardini en commentant le miracle évangélique de la résurrection du fils de la veuve de Naïm. « Chacun de nous doit être persuadé que pour Dieu son existence est plus importante que celle de Sirius et de la Voie lactée. Le cœur et le destin de chacun de nous est pour Dieu le centre du monde » [8]. C’est ainsi qu’à cause d’une souffrance humaine « Dieu appelle […] les lois de la nature à un service supérieur exceptionnel » [9].
8En quel sens peut-on parler de « dérogation… dans les faits habituels » ? Le temps n’est plus où les milieux scientifiques professaient l’immutabilité des lois de la nature. Aujourd’hui, tous les scientifiques considèrent, avec plus d’humilité et d’ouverture sur l’inconnu, que les lois que la raison tire de la répétibilité d’un phénomène peuvent être tenues pour valides jusqu’à ce qu’elles soient remises en cause par la découverte d’un nouvel aspect vérifiable des phénomènes, et qu’une nouvelle théorie soit élaborée qui rende compte de l’expérience acquise.
9Le phénomène qui déroge aux lois de la nature, selon la signification propre de ce verbe, se déroule d’une manière qui ne suit pas les processus considérés comme ordinaires ou normaux – parce que vérifiés et explicables dans l’état actuel de la connaissance et des théories scientifiques – sans pour autant que l’on puisse en nier la légitimité : « le fait est que… ».
10Devant un phénomène imprévisible et avéré, le scientifique se pose en observateur et en chercheur de vérité : « chaque phénomène est un cas singulier et une solution unique » [10], écrivait Maurice Blondel. S’il ne peut en rendre compte dans l’état actuel de ses connaissances, l’expert scientifique restera devant une question à laquelle il tentera de répondre. En aucun cas, s’il est cohérent avec lui-même, il exclura l’éventualité d’une insuffisance de sa science en l’état actuel. C’est au contraire l’aiguillon du chercheur que le constat de son incapacité actuelle à rendre compte d’un fait. C’est aussi son honneur que de ne pas vouloir à tout prix reconduire le phénomène en question dans le cadre des connaissances déjà acquises et certifiées. L’ouverture d’esprit est tout aussi essentielle au progrès des sciences que l’exercice de l’esprit critique. Et il n’est pas inutile de préciser, quand le miracle présumé est la guérison d’une personne, que l’investigation scientifique inclut la prise en compte de facteurs d’ordre moral : la crédibilité de la personne guérie doit évidemment être examinée, surtout si elle est la seule à pouvoir attester de certains symptômes de sa maladie, mais elle ne peut faire l’objet d’un soupçon systématique – d’un a priori contraire à sa crédibilité – sans que soit mise à mal l’ouverture d’esprit nécessaire à la recherche de la vérité.
11Quelles sont les dimensions de cette ouverture d’esprit ? Peut-on être un authentique scientifique, même dans les sciences de la terre et de la vie, sans ouverture à la transcendance, au moins comme une dimension possible de la réalité des choses ? Sans pouvoir développer ici une réponse construite, nous nous contenterons d’affirmer, avec Romano Guardini que « le comportement de l’homme vivant d’une vie spirituelle représente par rapport au pur biologique quelque chose d’irréductiblement nouveau » [11].
12Cela étant dit, il reste qu’en tant que phénomène présumé d’origine divine le miracle peut et doit nécessairement faire l’objet d’une investigation soignée et prudente, tant scientifique que théologique.
13La recherche de vérité que constitue la procédure super miro se situe sur les deux plans à la fois : celui du signe lui-même, en tant que signifiant, et celui de ce qu’il signifie : le signifié. Elle engage donc les ressources de la raison et de la foi. Celles de la raison selon la méthodologie des sciences concernées par le phénomène en cause, d’où l’intervention de plusieurs experts, médecins ou autres. Celles de la foi, selon la méthodologie de la science théologique, dans la mesure où le signifié relève de l’action de Dieu dans le monde, dans le cadre général de l’économie du salut, mais aussi de par le processus qui conduit l’évêque, qu’il soit de Rome ou d’ailleurs, selon sa charge d’enseignement, à reconnaître la nature miraculeuse du phénomène en question et à la déclarer telle.
b) Le sens du miracle dans une cause de béatification et canonisation
14Dans le cadre d’une cause de béatification et canonisation, le signe que constitue le miracle revêt une signification intrinsèque que nous mentionnions plus haut. Cette signification ne peut être réduite à la seule affirmation générale de la gratuité de la grâce divine et de sa dimension surprenante. Mais elle comporte – et parfois de manière très éloquente – une dimension prophétique plus concrète. Elle dit une parole en rapport avec l’annonce de la Bonne Nouvelle en un moment particulier de l’Histoire.
15Il n’est pas indifférent, par exemple, que le miracle ayant permis la canonisation de Juan Diego, le voyant et messager de la Vierge de Guadalupe, au Mexique, ait été le rétablissement complet en quarante-huit heures d’un jeune drogué qui s’était lui-même défenestré du dixième étage d’un immeuble alors qu’il était en crise aiguë de manque. Sa guérison a comporté la désintoxication totale des drogues lourdes auxquelles il était asservi. Dans le contexte local, et même global, du trafic de drogue, une parole a été dite et offerte à entendre. Les événements actuels du Mexique [12] en illustrent de manière dramatique l’actualité et la valeur d’espérance. Plus récemment, la guérison miraculeuse d’une religieuse atteinte de la maladie qui a constitué la montée au calvaire du pape Jean-Paul II durant les dix dernières années de son pontificat, religieuse membre d’un institut consacré au bien de la famille et de la vie à naître, d’une femme qui se reconnaît de la « génération Jean-Paul II », cette guérison proclamée miraculeuse, dans le contexte français de la révision des lois de bioéthique, est riche de signification. Et sous d’autres aspects encore, elle porte la marque d’un événement prophétique, au sens de l’annonce d’une parole de Dieu dans le monde actuel.
16En lien avec une cause de béatification et canonisation, le miracle a aussi une signification que je dirais extrinsèque [13], dans la mesure où ce signe est reconnu comme une expression de la vox Dei, comme une approbation divine reconnue par le souverain pontife pour décréter la béatification ou la canonisation d’un serviteur ou d’une servante de Dieu. Cette voix de Dieu vient compléter, d’une part, la vox populi portée par la réputation de sainteté et celle des signes, et, de l’autre, la vox Ecclesiae, la voix de l’Église exprimée par la reconnaissance de l’héroïcité des vertus du serviteur ou de la servante de Dieu au terme de l’enquête de la Congrégation pour les Causes des Saints. Cette vox Dei réalise en un cas particulier ce qu’affirme la Lettre aux Hébreux : Dieu « témoigne avec » [14] ceux qui ont entendu les enseignements du Seigneur.
17La reconnaissance d’un miracle obtenu par l’intercession du serviteur ou de la servante de Dieu a donc un caractère de preuve, dans le cadre de la procédure de béatification et de canonisation.
18Il est intéressant de relever une évolution récente de la pratique procédurale sur ce point. En effet, les dispositions promulguées par Benoît XIV et reprises – moyennant de légères modifications – par le CIC de 1917 [CIC 17] ont été modifiées par la pratique de la Congrégation pour les Causes des Saints depuis 1975.
19Benoît XIV avait en effet établi l’exigence de deux, trois ou quatre miracles pour la béatification, selon le degré de certitude présenté par les témoignages reçus lors du procès de l’ordinaire puis du procès apostolique : testes de visu, ex auditu a videntibus, ex auditu a non videntibus, ex traditione. Le can. 2117 du CIC 17 stipule ceci : « Pour la béatification des serviteurs de Dieu deux miracles sont requis, si des témoins oculaires ont fourni la preuve des vertus, tant dans le procès informatif que dans le procès apostolique, ou si ceux qui ont été entendus lors du procès apostolique furent au moins des témoins tenant les choses de témoins oculaires ; il faut trois miracles, si les témoins ont été oculaires au procès informatif, mais si ceux du procès apostolique ont seulement appris les faits d’autres témoins qui ne les ont pas vus ; il en faut quatre, si dans le double procès les vertus ont seulement été attestées par des témoins de tradition et par des documents ».
20Pour ce qui concerne la canonisation, le can. 2138 du CIC 17 stipulait : « § 1. Pour la canonisation de bienheureux qui ont été formellement béatifiés, il faut l’approbation de deux miracles survenus après la béatification formelle. § 2. Pour la canonisation de bienheureux qui ont été béatifiés de façon équipollente, il faut l’approbation de trois miracles survenus après la béatification équipollente ».
21Et le can. 2139, § 2 du CIC 17 renvoyait aux règles des can. 2116-2124 du même Code pour la discussion de ces nouveaux miracles.
22Quant aux martyrs, le Code pio-bénédictin prévoyait la possibilité d’une dispense de la preuve par les miracles et les prodiges si le fait et la cause du martyre était évidents [15].
23Selon H. Misztal, « dans les dernières années, et précisément depuis l’Année sainte 1975, la preuve du deuxième miracle ne fut plus exigée d’abord pour la béatification puis pour la canonisation. Cette dispense de l’approbation d’un second miracle devint une coutume et constitue maintenant la pratique habituelle de la Congrégation » [16].
24Cette pratique de la Congrégation pour les Causes des Saints a été formalisée dans le Règlement de 1983 [17], la constitution apostolique Divinus perfectionis Magister se taisant sur ce sujet. Le Règlement de 2000 n’en dit rien non plus. La question est donc considérée comme relevant simplement de la pratique de la Congrégation.
25En l’état actuel des choses, il n’est dont requis, hormis le cas de martyre, que le constat d’un seul miracle accompli post mortem par l’intercession du serviteur ou de la servante de Dieu pour la béatification, et, pour la canonisation, celui d’un seul autre miracle accompli après la célébration de la béatification ou béatification formelle.
26Peut-être faut-il voir dans cette pratique relativement nouvelle la conséquence d’une plus grande exigence critique dans l’enquête sur la vie et les vertus, manifestée particulièrement par le travail de la commission historique ? De sorte que la preuve de l’héroïcité des vertus soit tenue pour plus assurée qu’auparavant.
27Il est intéressant de relever au passage que Benoît XIV mettait en parallèle le procès en béatification et le procès pénal sur ce point, affirmant que l’on devait atteindre le même degré de rigoureuse certitude sur les faits, dans l’un et l’autre procès [18]. Même s’il affirmait que la preuve dans la cause de béatification devait être pleine (probatio plena) et pas nécessairement plénissime (probatio plenissima), autrement dit exclure tout doute possible. Le degré de certitude de la reconnaissance du miracle est celui de la certitude morale.
28Peut-être aussi peut-on voir dans cette réduction quantitative de la preuve par le miracle un sens plus affiné, parce que moins conditionné par un souci apologétique, du signe que représente le miracle ? Peut-être enfin est-ce une sage et prudente mise en œuvre du commandement : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu » ?…
29Notons encore que la doctrine distingue trois degrés de miracles : le miracle du premier degré dépasse les forces naturelles au sens strict (quoad substantiam), par exemple la guérison d’une maladie de Parkinson, la reconstitution d’un membre perdu par amputation etc. ; le miracle du second degré regarde le sujet (quoad subjectum), par exemple la force surhumaine déployée par le Vacher du Bessillon, près de Cotignac, pour soulever un rocher lourd de plusieurs tonnes sous lequel une source a jailli ; le miracle au troisième degré se réfère aux modalités du fait miraculeux (quoad modum), par exemple le concours de circonstances ayant présidé à l’obtention de la grâce demandée.
30De leur côté, les faits extraordinaires d’ordre moral, parce qu’ils ne présentent pas de caractère prodigieux au regard des lois de la nature physique, ne sont pas considérés comme miraculeux au sens de cette procédure.
31Enfin, il convient de relever qu’à côté des miracles, la procédure en béatification et canonisation prend en compte des signes qui ne sont pas des miracles : les grâces reçues par l’intercession du serviteur de Dieu et la réputation des signes (fama miraculorum) qui s’en suit, c.-à-d. « l’opinion répandue parmi les fidèles selon laquelle Dieu concède des grâces et des faveurs par l’intercession du Serviteur de Dieu » [19], « de telle sorte qu’une fois que la dévotion envers lui est née en un ou plusieurs lieux, il soit invoqué par la plupart dans leurs nécessités » [20].
II. La procédure sur le miracle présumé
32Les textes de référence concernant la procédure sur le miracle présumé sont, outre le Code de droit canonique en vigueur [CIC 83] dont le can. 1403 renvoie à la loi particulière, la constitution apostolique Divinus perfectionis Magister du 25 janv. 1983 [DPM] avec ses Normes afférentes du 7 févr. 1983 (Normae servandae… [NS]), et l’instruction Sanctorum Mater [SM] de la Congrégation pour les Causes des Saints, du 17 mai 2007.
33Comme l’a rappelé le préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, cette instruction, approuvée par le souverain pontife, n’est pas un texte de loi mais un acte administratif de la Congrégation qui l’a publié en vertu de son pouvoir exécutif. Il ne modifie pas les lois en vigueur mais vise à fournir aux évêques et éparques un guide sûr et complet pour la mise en œuvre de l’enquête diocésaine sur les vertus du serviteur ou de la servante de Dieu, et de celle sur le miracle présumé [21].
34On relèvera au passage qu’il existe d’autres enquêtes super praesumpto miro [22] que celle qui est connexe d’une cause de béatification et canonisation. L’évêque diocésain peut en effet, de sa propre initiative, conduire une telle enquête sur un fait présumé miraculeux survenu dans le ressort de sa juridiction ou concernant l’un de ses diocésains [23], comme c’est le cas à Lourdes par exemple [24].
35Concernant les causes de béatification et canonisation, leur réservation au souverain pontife a pour conséquence une procédure à deux niveaux : l’Église particulière – ou l’institution assimilée – et la curie romaine. Il en sera ainsi pour la procédure sur le miracle présumé en lien avec la cause de béatification et canonisation.
36Il est à noter que l’instruction SM ne fait mention, dans son titre et la plupart de ses articles, que de l’évêque diocésain ou de l’éparque, son équivalent en droit oriental [25]. Elle ne supprime cependant pas la capacité d’agir en la matière prévue par DPM pour les « hiérarques et autres juridiquement assimilés » [26]. L’art. 3 de SM mentionne explicitement ces derniers et renvoie au can. 381, § 2 du CIC 83 pour la détermination des personnes assimilées à l’évêque diocésain [27].
37Enfin, avant d’entrer dans les particularités de la procédure super miro, nous ferons remarquer que la dépendance de ladite procédure par rapport à la procédure de béatification et canonisation entraînera un certain nombre de conséquences de nature à lui donner un tour spécifique. L’une de ces conséquences, dans les normes et la pratique actuelle de la Congrégation pour les Causes des Saints, est que, une fois l’enquête diocésaine terminée et ses actes délivrés à la Congrégation pour les Causes des Saints, l’évêque diocésain ou son délégué ne seront informés par voie administrative d’aucun acte de la phase romaine, jusqu’à la décision finale inclusivement.
38À l’origine de la procédure super miro, comme sa cause déclenchante, se trouve la requête du postulateur de la cause de béatification et canonisation. Le postulateur a reçu le signalement d’un phénomène présumé miraculeux dont il a vérifié le fumus veritatis par une rapide – mais sérieuse – enquête officieuse. Il aura parfois le choix entre plusieurs miracles comme ce fut le cas pour le bienheureux Jean-Paul II. Il lui incombe alors de choisir lesquels feront l’objet de la procédure super miro. Car il peut y avoir plusieurs procédures simultanées qui sont alors autonomes les unes par rapport aux autres.
39Le postulateur a reçu mandat de l’acteur de la cause de béatification et canonisation [28] et il doit avoir été approuvé par l’évêque compétent pour ladite cause [29]. Lequel évêque doit être distingué, au moins en droit, de celui qui a compétence pour l’enquête diocésaine sur le miracle présumé [30], nous en parlerons plus loin.
40Pendant la phase romaine de la cause de béatification et canonisation, le postulateur aura besoin d’un nouveau mandat de l’acteur et de l’approbation de la Congrégation pour les Causes des Saints [31]. Cette disposition vaut aussi pour la procédure super miro.
41Qui est l’évêque compétent pour la phase diocésaine de la procédure sur le miracle ? Il s’agit de l’évêque « du lieu où est survenu le miracle » [32].
42La compétence peut-elle être attribuée à un autre évêque ? Les art. 22 à 24 de SM prévoient la possibilité d’un transfert de compétence pour l’enquête diocésaine, sans préciser s’il s’agit de la procédure de béatification et canonisation ou de celle sur le miracle. De ce silence, on peut conclure qu’il s’agit des deux. Ce transfert de compétence à un autre évêque que celui de l’art. 21 de SM est concédé par la Congrégation pour les Causes des Saints, moyennant une entente préalable entre l’évêque requérant et l’évêque compétent au titre de SM.
43Les motifs indiqués par l’instruction pour ce transfert ne sont pas exhaustifs : « où se trouvent les preuves les plus importantes ou bien où le serviteur de Dieu a vécu la plus grande partie de sa vie » [33]. On peut donc en imaginer d’autres, par exemple en raison de graves difficultés objectives à enquêter dans le diocèse où a eu lieu le miracle pour des raisons politiques ou autres.
44Il reste que ce transfert est une grâce et que la Congrégation pour les Causes des Saints est souveraine pour en décider. Il ne peut être exigé ou revendiqué.
45Le postulateur est tenu d’adresser à l’évêque compétent un libelle de requête demandant l’ouverture de l’enquête sur le miracle présumé. Ce libelle est distinct de celui sur les vertus du Serviteur de Dieu, en conséquence de la séparation des procédures [34].
46L’art. 36, § 3, de SM définissant le contenu du libelle de requête s’inspire du can. 1504 du CIC 83 [35] qui définit le contenu du libelle introductif d’une instance judiciaire. Le libelle de requête doit comporter l’objet de la requête : le postulateur « demande officiellement à l’évêque diocésain d’entreprendre la cause… » (§ 1). Le § 3 reprend les 2°, 3° et 4° du can. 1504 en requérant un exposé sommaire des faits et des preuves, l’indication des adresses de l’acteur et du postulateur et l’authentification du libelle (signature, date, lieu). C’est l’un des indices du caractère juridique – ou si l’on veut analogiquement judiciaire – de l’enquête sur le miracle, dès son principe. Cette nature juridique de l’enquête sur le miracle présumé a pour conséquence une exigence de rigueur dans la constitution des actes et le respect des formes juridiques requises, à l’instar de celle qui a ordinairement cours dans les procès judiciaires [36].
47Ce libelle doit être accompagné de documents annexes [37] qui seront joints au procès verbal de session d’ouverture de l’enquête [38] : – un exposé sommaire du cas, bref et précis, sur les circonstances du cas ; – une liste de témoins ; – les documents relatifs au cas, en particulier les documents médicaux ou techniques [39]. Ceux-ci pourront être complétés par la suite. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait toutes les recherches documentaires possibles avant la présentation du libelle. Il faudra cependant présenter des pièces assez significatives pour que les expertises préalables puissent être faites.
48Le libelle de requête concernant un miracle présumé peut-il être rejeté par l’évêque ? L’art. 2 de SM s’applique ici, me semble-t-il : l’évêque peut le refuser, mais il doit le faire par un décret motivé. Lequel décret est susceptible de recours hiérarchique, en tant qu’acte administratif.
49Il semble, de par la nature des choses, qu’il ne puisse être accepté qu’en dépendance de l’action sur les vertus héroïques et les signes en général, c.-à-d. une fois la procédure de béatification engagée moyennant les vérifications préalables requises [40]. On pourra cependant procéder à la récolte de preuves, en prenant soin de le faire dans les formes juridiques requises, « ne pereant probationes », selon les art. 82-84 de SM.
50La connexion et la dépendance des deux procédures quant à leur origine, ont pour autre effet qu’une fois le libelle de requête accepté l’évêque peut ouvrir l’enquête diocésaine. Il n’a pas à s’enquérir du nihil obstat de la Congrégation pour les Causes des Saints. L’acceptation du libelle de requête ouvre la porte à l’enquête diocésaine.
51Comme nous l’avons déjà relevé, rien n’empêche juridiquement le postulateur, s’il est en présence de plusieurs miracles présumés, de présenter plusieurs libelles de requête en même temps, au même ou à divers évêques diocésains. Chaque procédure est alors autonome, au moins dans la phase diocésaine. Dans la phase romaine, il est très vraisemblable que la première qui atteindrait son but mettrait un terme aux autres, devenues non nécessaires.
a) L’enquête diocésaine
52L’instruction SM, comme déjà la constitution DPM, n’emploie jamais le terme procès pour désigner cette première phase de la procédure, pas plus que l’on n’y qualifie de tribunal la commission d’enquête diocésaine. L’enquête diocésaine correspond cependant à ce que l’ancien droit appelait le « procès de l’ordinaire », par distinction avec le « procès apostolique » qui correspondait à la phase romaine actuelle [41]. La différenciation d’avec une procédure proprement judiciaire est ainsi mieux marquée, mais c’est surtout l’unité de l’ensemble de la procédure, en ses deux phases constitutives, qui est mise en valeur.
53L’enquête sur le miracle suit le même itinéraire que celle sur l’héroïcité des vertus. Il faut définir cet itinéraire en extrayant de SM les dispositions la concernant. On peut ainsi distinguer sept étapes : 1. nomination des officiers ; 2. session d’ouverture ; 3. sessions pour l’audition des témoins ; 4. publication des actes ; 5. sessions pour la collation et la comparaison des actes originaux (Archetypus) et de la copie conforme (Transumptum) ; 6. nomination du courrier ; 7. session de fermeture.
54Avant d’examiner ces étapes pas à pas, sans entrer dans tous les détails mais en abordant quelques points de plus grande importance, je voudrais signaler qu’il serait prudent, de la part de l’évêque diocésain ou de son futur délégué épiscopal, de soumettre le cas aux médecins envisagés comme médecins ab inspectione de l’enquête, par exemple, pour s’assurer du fumus veritatis fondant la présomption de miracle, et qu’il vaille la peine d’instruire une telle enquête.
551. La nomination des officiers de l’enquête. Qui sont ces officiers ? Le délégué épiscopal, le promoteur de justice, le notaire – et éventuellement des notaires adjoints [42] – l’expert médecin ou l’expert technique selon que le miracle présumé est une guérison ou d’une autre nature.
56Ces nominations sont faites par un décret de l’évêque diocésain contresigné par le chancelier du diocèse, ou un autre notaire si ce dernier devait être nommé délégué épiscopal ou notaire de l’enquête [43]. Elles n’ont d’effet que jusqu’au terme de la session de fermeture [44]. Passée la fermeture de l’enquête, tous perdent leur charge.
57Le délégué épiscopal – si l’évêque décide d’en désigner un, car il peut instruire par lui-même – est unique [45]. Il doit être qualifié en droit canonique et en théologie, la qualification historique paraissant secondaire, voire inutile pour la cause super miro [46]. Il lui revient de conduire l’instruction.
58Le promoteur de justice, unique lui aussi et pour lequel est requise la même qualification personnelle que celle du délégué, doit « veiller à l’exact respect des dispositions légales au cours de l’instruction » [47], ainsi qu’à la complétude des actes et documents relatifs à l’objet de l’enquête [48]. Il lui revient de préparer les questionnaires – ou interrogatoires, selon le vocable de SM malencontreusement équivoque en français – en vue de l’audition des témoins [49], avec l’aide de l’expert médecin ou technicien [50].
59Si l’instruction précise que tout fidèle peut être nommé notaire [51], il est évident que l’on aura tout intérêt à choisir un fidèle capable de discrétion et au moins formé à la bureautique. Le premier bénéficiaire de la discrétion du notaire et de tous les officiers de l’enquête est évidemment la personne guérie elle-même, ou les personnes ayant bénéficié du miracle présumé, en un temps où la pression médiatique peut s’avérer très lourde à supporter pour qui n’aurait pas les protections adaptées.
60L’expert médecin ou technicien est l’un des officiers de l’enquête. Il ne peut donc exercer une autre charge dans le cadre de la même enquête [52]. Deux tâches lui reviennent : aider à la rédaction du questionnaire [53] et assister à l’interrogatoire des témoins [54] pour, le cas échéant, poser des questions pertinentes par l’intermédiaire du délégué épiscopal. Le renvoi par la note 77 de l’art. 60, § 3 de SM à l’art. 81 de SM induit à conclure que c’est à cet expert que l’évêque diocésain doit communiquer la documentation présentée par le postulateur pour pouvoir aider à la rédaction du questionnaire [55].
61La Congrégation pour les Causes des Saints fait remarquer à qui veut l’entendre que, dans le cas d’une guérison, cet expert médecin ne doit pas être confondu avec les experts médecins ab inspectione dont il sera question plus loin.
622. La session d’ouverture de l’enquête. Elle est normalement présidée par l’évêque, qui peut cependant déléguer un prêtre à cette fin [56].
63Le lieu des sessions est le siège du tribunal diocésain ou un autre lieu approprié, à l’exclusion de ceux auxquels était lié le Serviteur de Dieu [57]. L’art. 61 de SM exclut expressément le siège de l’institut de vie consacrée, de la société de vie apostolique ou de l’association d’appartenance du serviteur de Dieu. Que signifie siège, ici : maison généralice, maison provinciale, maison d’inscription, siège statutaire d’une association, maison associative fréquentée habituellement par le serviteur de Dieu ? La nature de la cause semble indiquer que ce terme désigne toutes les maisons concernées, de manière à garantir l’indépendance totale de l’enquête.
64La session d’ouverture a pour objet la prestation de serment de l’évêque, du postulateur et des officiers qui doivent tous y être présents [58]. La prestation de serment est orale, mais consignée par écrit et signée de la main de chacun. Il faut relever que SM inclut l’évêque parmi les prestataires du serment en se référant à l’art. 6, c, de NS qui ne fait mention que des officiers de l’enquête, ce que n’est pas l’évêque. Cette inclusion est donc praeter legem.
65Si SM prévoit que la session d’ouverture puisse être célébrée en présence des fidèles [59], sans distinction entre les deux types d’enquête concernés, la prudence me paraît indiquer de ne pas le faire pour l’enquête sur le miracle présumé. Ou sinon de limiter la participation à quelques fidèles bien choisis pour leurs qualités, dont la discrétion ne sera pas la moindre.
66Les actes de la première session, outre le procès-verbal de session qui en décrit le déroulement, comporteront en annexe : 1. l’éventuel rescrit de transfert de compétence ; 2. une copie authentifiée du mandat du postulateur ; 3. le libelle de requête avec les documents annexes [60] : exposé bref et précis sur le cas, liste des témoins (ou Notula testium), documents relatifs au cas ; 4. les décrets de nomination des officiers de l’enquête.
67Le notaire de la première session ne peut pas être le notaire de l’enquête. SM fait mention du chancelier non comme une règle mais comme une pratique générale [61]. Si celui-ci est nommé notaire de l’enquête, n’importe quel autre notaire n’appartenant pas aux officiers pourra être désigné. La solennité propre à cette session d’ouverture de l’enquête indique que l’on ne fasse cependant pas appel à un notaire désigné ad actum.
68Le procès verbal doit être signé par l’évêque et par chacun des officiers, et contresigné par le notaire pour authentification. Il peut intégrer les formulaires de prestation de serment, avec les signatures des prestataires, sinon ces documents seront versés aux actes de la session [62].
693. Les sessions pour l’audition des témoins. L’interrogatoire des témoins suppose la rédaction préalable du questionnaire. Celle-ci est le fait du promoteur de justice, aidé de l’expert. Le questionnaire doit être daté et signé par le promoteur de justice. Il ne doit pas être communiqué à l’avance aux témoins [63].
70Un autre préalable nécessaire est la convocation des officiers du tribunal et du témoin à interroger, soit par citation soit par un autre moyen sûr [64]. Il faut pouvoir être sûr que la citation est parvenue au témoin et déposer le procès-verbal de citation aux actes de la session.
71Un troisième préalable à la première session d’interrogatoire des témoins, dans le cas d’une guérison présumée miraculeuse, est la nomination de deux experts « ab inspectione ». Il ne s’agit pas d’un préalable de droit, mais pour la bonne conduite de l’enquête, il paraît opportun de procéder dès que possible à ces nominations. Car il serait vain de poursuivre l’enquête si la guérison n’était pas vérifiée ab initio, au moins quant à l’examen clinique et aux principaux moyens d’investigation. Quitte à ce que d’autres examens utiles et nécessaires soient faits plus tard, en cours d’enquête. C’est la tâche des deux médecins experts chargés de l’examen clinique de la personne présumée miraculée.
72Un témoin empêché doit communiquer le motif de son absence [65] car celui-ci peut importer à la qualité de l’enquête, tant en raison de motifs de conscience qui pourraient avoir une incidence sur l’évaluation de la qualité du témoignage, qu’à cause de possibles influences sur le cours de l’enquête elle-même.
73Chaque session se tient en présence des officiers de l’enquête, dont évidemment un seul notaire. Le promoteur de justice ne peut être absent que pour motifs graves [66]. Dans ce cas, son absence sera mentionnée dans le procès-verbal et il devra lire les actes de ladite session pour d’éventuelles observations au délégué sur la suite de l’enquête. Le fait qu’il ait pris connaissance de ces actes doit être mentionné dans les actes eux-mêmes ou dans ceux de la session suivante.
74Le promoteur de justice et l’expert peuvent suggérer au délégué épiscopal de poser des questions nécessaires et utiles au témoin, en cours d’audience.
75L’expert doit être présent à l’audition des témoins. Les graves motifs qui peuvent justifier l’absence de l’expert doivent être indiqués dans les actes de la session [67]. L’instruction SM se révèle plus exigeante, sur ce point, pour l’expert que pour le promoteur de justice dont les motifs d’absence n’ont pas à être mentionnés par écrit. Par ailleurs, l’art. 92, § 3 recommande au délégué épiscopal de convoquer de nouveau un témoin si l’expert le juge opportun.
76En revanche, le postulateur et le vice-postulateur ne sont pas admis à la session d’interrogation des témoins. Ils ne prendront connaissance des actes qu’au moment de leur publication.
77Qui est appelé à témoigner ? Des personnes dignes de foi [68], en nombre raisonnable, que l’évêque ou le délégué épiscopal peuvent limiter [69].
78Les témoins doivent être témoins oculaires (de visu). Il pourra être utile de recueillir des témoignages indirects de qui a reçu des informations de témoins oculaires (de auditu a videntibus).
79Les témoins qui ont entendu celui qui a entendu (de auditu ab audientibus) ne sont pas admis [70]. En outre, SM exclut de la preuve testimoniale les informations protégées par le secret de la confession ou par celui de l’accompagnement spirituel, au for interne extrasacramentel [71]. La nature des choses indique que le « directeur spirituel » dont il est question ne désigne pas seulement un prêtre mais tout fidèle ayant exercé cette charge. Cela peut poser question pour les supérieurs dans la Compagnie de Jésus, à qui les religieux doivent un « compte de conscience », ainsi que dans d’autres instituts de vie consacrée comme les monastères, selon le type de relation qu’un membre a entretenu avec son supérieur.
80Le postulateur et le vice-postulateur sont aussi exclus de la preuve testimoniale durant l’exercice de leur charge [72].
81Les témoins sont de deux sortes : les témoins induits et les témoins d’office.
82Les témoins induits (testes inductos) par le postulateur, dont la personne guérie elle-même – si elle est en mesure de témoigner : si elle vit encore…
83Faut-il qu’elle soit en âge d’ester, par analogie avec le can. 1550 du CIC 83 [73] ? Le caractère non judiciaire de la procédure me paraît indiquer que l’âge de raison suffira en l’occurrence. Car le témoignage de foi de l’enfant peut être reçu comme un élément probatoire, et plus encore ce qu’il pourra dire de son expérience intime de la guérison. À charge pour les experts de se prononcer sur la crédibilité du témoignage.
84Les médecins qui ont soigné la personne guérie seront normalement induits par le postulateur, ainsi que d’autres témoins du cas. SM prévoit deux manières de recueillir leur témoignage au cas où ils ne voudraient pas se prêter à un interrogatoire en session [74] : le rapport écrit sous la foi du serment et l’interrogatoire hors session par une personne de préférence experte qui comparaîtra elle-même comme témoin au cours d’une session, pour rendre compte de son entretien.
85La liste des témoins induits présentée ab initio par le postulateur n’est pas limitative. Il peut en proposer d’autres au cours de l’enquête, que le délégué épiscopal peut admettre ou refuser [75].
86Les témoins d’office (testes ex officio) cités par le délégué épiscopal, « spécialement si contraires à la cause » [76]. La pratique en requiert deux au moins, qui seront distincts des médecins ab inspectione [77]. Il est clair que leur position contraire à la cause ne peut suffire à les faire interroger judiciairement. Elle ne dispense pas le délégué épiscopal d’examiner au préalable s’ils sont dignes de foi.
87Parmi les témoins d’office figurent les experts médecins « ab inspectione » qui comparaîtront en leur temps, en session, pour remettre leurs avis écrits, rédigés séparément. D’où la nécessité de les distinguer de l’expert médecin de l’art. 60 de SM. Leur tâche est de rendre compte de l’état de santé actuel de la personne guérie et de la persistance de la guérison [78]. Il leur revient aussi, en vue de l’établissement de leurs rapports, de demander les examens utiles et nécessaires pour rendre compte de l’état de santé actuel de la personne guérie, « en employant tous les moyens cliniques et techniques appropriés » [79].
88Un témoin a la possibilité de remettre une déclaration écrite au délégué épiscopal, qui sera versée aux actes de l’enquête [80]. Cela ne dispense cependant pas de l’interroger dans les formes voulues [81].
89L’absence d’un témoin induit ou ex officio doit faire l’objet d’un document qui en expose les motifs et sera joint aux actes de la session concernée [82]. SM ne précise pas qui est l’auteur du document. Il me semble indiqué que ce document soit signé par le délégué épiscopal et le promoteur de justice.
90L’interrogatoire de témoins résidant dans un autre diocèse que celui où a lieu l’enquête peut se faire moyennant un déplacement des officiers de l’enquête nécessaires à la tenue d’une session, pourvu qu’ils soient munis de l’autorisation écrite de l’évêque du lieu. L’autre mode prévu est l’enquête rogatoire. Cette modalité est beaucoup plus lourde puisque l’évêque ad quem, sur demande de l’évêque a quo, devra procéder selon les Normae servandae et l’instruction SM en décrétant une enquête propre à son diocèse.
91L’usage du magnétophone et de l’ordinateur est permis et réglementé par SM qui intègre les dispositions du Code de droit canonique en la matière [83].
92Il peut être opportun, dans une enquête sur une guérison, de faire comparaître les médecins ab inspectione en fin d’enquête. La date de leur rapport pourra conforter la preuve de la persistance de la guérison, surtout si la procédure a duré longtemps. Il est à prévoir qu’au cours de la phase romaine la Congrégation pour les Causes des Saints demandera, d’année en année, une attestation de la persistance de la guérison de la personne présumée miraculée.
934. La publication des actes. Une fois recueillis les témoignages et rassemblés les documents médicaux ou techniques nécessaires à l’information de la Congrégation pour les Causes des Saints, la publication des actes peut avoir lieu, dont il sera dressé procès-verbal. L’évêque ou le délégué épiscopal y manifeste son intention de clore l’enquête [84].
94Les actes originaux ou Archetypus de l’enquête sont communiqués au promoteur de justice qui doit les examiner ex officio [85]. Cela constitue une particularité des « causes des saints » par rapport aux procédures judiciaires et s’applique donc à la procédure super miro [86].
95Le promoteur de justice peut demander un complément d’enquête [87]. On imagine sans peine que la Congrégation pour les Causes des Saints cherche à obtenir par là la présentation d’actes à peu près irréprochables dans leur forme juridique et dans leur fond.
96Le décret de publication des actes accorde au postulateur la « possibilité de prendre vision des dépositions des témoins et des documents » [88]. Prendre vision ne signifie pas obtenir une copie ! SM dit ailleurs, dans le même sens : « examiner les actes » [89]. Le postulateur ou le vice-postulateur peuvent aussi demander un complément d’enquête par les divers moyens admis : audition de témoins et documents. SM fait mention de « nouveaux témoins » [90], mais rien n’empêche de réentendre, si nécessaire, un témoin déjà entendu, par exemple lorsque deux témoignages discordent substantiellement sur un même fait.
97Un complément d’enquête devra se conclure par une nouvelle publication des actes, assortie des mêmes clauses d’examen des actes par le postulateur ou le vice-postulateur et par le promoteur de justice. Dont il sera dressé procès-verbal joint aux actes de l’enquête [91].
98La session de fermeture peut-elle alors être célébrée ? Pas encore ! Car si les langues admises pour l’étude des causes par la Congrégation pour les Causes des Saints sont : « le latin, le français, l’anglais, l’italien, le portugais et l’espagnol » [92], cette Congrégation demande que les actes d’une procédure super miro concernant une guérison soient traduits en italien à l’intention des experts médecins de ladite Congrégation. Cela étant, il ne semble pas nécessaire que cette traduction – qui relève d’une pratique non écrite et pas de SM – soit faite avant la fermeture de l’enquête, mais elle peut être effectuée après la remise des actes à la Congrégation.
995. Les sessions pour la collation et la comparaison des actes originaux et de la copie conforme. Un dernier préalable à la session de fermeture est la constitution de deux copies des actes : d’abord une copie conforme – ou Transumptum – des actes originaux ou Archetypus [93]. Un copiste dûment mandaté et doublement assermenté – avant et au terme de son ouvrage – se met à l’œuvre avec la sagacité et la prudence qu’imposent la facilité du copier-coller et l’usage de la photocopieuse, tant pour éviter des pertes de données que pour garder le secret de l’enquête qu’il a promis de garder jalousement.
100La copie conforme, par décret de l’évêque ou du délégué épiscopal, a pu être réalisée au fur et à mesure de l’instruction de la cause [94].
101Une fois que le copiste remis la copie conforme et prêté serment d’avoir accompli fidèlement sa tâche, on doit comparer l’Archetypus et le Transumptum pour en vérifier la pagination (Collatio) et le contenu (Auscultatio). SM n’impose pas que cette comparaison se fasse en présence des officiers de l’enquête, mais en ouvre seulement la possibilité [95].
102Une autre copie de l’Archetypus, qui peut être faite par photocopie de la Copie conforme, sera aussi confectionnée, appelée copie publique [96].
103Les sessions de collation et de comparaison doivent faire l’objet de procès-verbaux signés par le notaire.
1046. Nomination du courrier. Elle ne fait pas l’objet d’une session spéciale, mais le décret qui en atteste doit figurer aux actes la session de fermeture. Le courrier [97] est une personne désignée par l’évêque diocésain, dûment assermentée, chargée d’apporter à la Congrégation pour les Causes des Saints la copie conforme, la copie publique et la traduction des actes en italien, en deux exemplaires.
1057. La session de fermeture. C’est la session de clôture de l’enquête diocésaine. Elle est présidée par l’évêque ou un prêtre de son choix [98]. L’évêque y déclare l’enquête définitivement close. Comme doivent le faire individuellement les officiers de l’enquête et le postulateur, il jure d’avoir exercé fidèlement sa charge et de conserver le secret. Il ordonne que soit dressé procès-verbal de la session de fermeture.
106Le secret de l’enquête, s’agissant d’une enquête connexe à une cause de béatification et canonisation est celui des documents d’archives du Saint-Siège. Il ne sera levé qu’à l’ouverture des Archives secrètes du Vatican incluant la période donnée. Aujourd’hui les archives sont ouvertes jusqu’à 1936.
107C’est au cours de cette session que le courrier prête serment de s’acquitter de sa mission [99].
108L’instruction SM détaille les actes conclusifs destinés à sceller l’Archetypus et les copies définitivement, c.-à-d. sauf ouverture sur ordre de la Congrégation pour les Causes des Saints ou jusqu’à l’ouverture des Archives secrètes du Vatican. L’Archetypus, fermé et cacheté, est conservé, sur ordre de l’évêque, aux archives diocésaines.
109Les plis contenant les copies, dûment fermés et cachetés, sont accompagnés d’un pli des lettres (plicum litterarum) contenant une lettre de l’évêque ou du délégué épiscopal au préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, portant sur les particularités de l’enquête : qualité des témoins, régularité des actes. Le promoteur de justice peut y joindre une lettre contenant ses propres observations.
110L’expert médecin est invité par SM à présenter un rapport sur le déroulement des interrogatoires des témoins médecins [100]. Ce rapport sera joint aux autres lettres. Cette dernière invitation doit être considérée attentivement car il peut être très utile à la Congrégation pour les Causes des Saints de disposer de cette espèce de note d’audience, en particulier sur ce que l’expert médecin a pu percevoir de non dit dans la déposition du médecin traitant, ou sur ce qui permettrait à la Congrégation de mieux évaluer la qualité de son témoignage.
111Dans le pli des lettres on ajoutera l’instrument de clôture : « une déclaration sur papier à en-tête, dans laquelle l’évêque certifie le contenu des plis » contenant les copies « et en déclare accomplie la clôture » [101].
112Et sic transit… causa ad congregationem !
b) La procédure à la Congrégation pour les Causes des Saints
113Une fois les actes déposés à la Congrégation pour les Causes des Saints, la procédure en sa phase romaine se déroule normalement en six étapes : 1. la validation des actes de la cause et la rédaction de la positio ; 2. l’expertise préalable par des consulteurs experts, portant sur l’état de complétude des actes à étudier ; 3. l’examen de la cause par la commission des experts, portant sur le fond, sous l’aspect médical ou technique ; 4. l’examen de la cause par les experts théologiens, portant sur la relation entre miracle présumé et prière par l’intercession du serviteur de Dieu ; 5. l’examen de la cause par les cardinaux et évêques de la Congrégation pour les Causes des Saints, ayant pour objet la déclaration ou non d’un miracle attribué à l’intercession du serviteur de Dieu ; 6. la décision du souverain pontife d’approuver la reconnaissance du miracle par la Congrégation pour les Causes des Saints ou de renvoyer la cause à la Congrégation.
114Le premier acte de la Congrégation pour les Causes des Saints est de vérifier, moyennant examen sous la responsabilité du sous-secrétaire, la validité juridique de ces mêmes actes [102]. Cette validité étant établie en réunion ordinaire des officiers, un rapporteur est nommé qui prépare la positio, c.-à-d. l’instrument de travail des médecins et théologiens. Le rapporteur est assisté pour cela d’un collaborateur externe [103]. Rien n’empêche que le postulateur remplisse cet office ou y collabore étroitement.
115Il n’est pas impossible à la Congrégation pour les Causes des Saints de décider que, si les experts préalables ont rendu un avis sur le fond et non seulement sur la suffisance du contenu des actes, ces mêmes experts seront intégrés à la commission des experts (en italien : consulta).
116Le nombre des experts médecins de la consulta, chargés de répondre à la question de fond, a été porté de 5 à 7 par la Congrégation pour les Causes des Saints, depuis un an ou deux. L’enquête super miro dans la cause de Jean-Paul II a été examinée sous ce régime. La question posée à la consulta des experts peut être formulée de la manière suivante : le cas est-il explicable en l’état actuel des connaissances scientifiques, ou non ? Si la réponse est négative, la cause passe à la consulta des théologiens.
117Les experts théologiens ont à répondre à la question : peut-on établir un lien de causalité entre la guérison présumée miraculeuse et la prière par l’intercession du serviteur de Dieu ?
118La congrégation des pères cardinaux et évêques doit répondre à la question : y a-t-il lieu de déclarer miraculeuse la guérison attribuée à l’intercession du serviteur de Dieu ?
119Il revient au Saint Père d’approuver la décision des pères cardinaux et évêques ou non, et d’autoriser le culte public en décrétant la béatification du serviteur de Dieu. Il est important de relever ici que la reconnaissance du miracle n’est pas le fait du pontife suprême, mais celui de la Congrégation des cardinaux et évêques, dont la décision est approuvée par lui.
Conclusion
120Il est clair, au terme de ce regard sur la procédure sur le miracle présumé qu’il s’agit bien d’une enquête en recherche de vérité, ou, pour le dire autrement, en recherche de sens. Personne n’y est mis en accusation et surtout pas la raison humaine et ses acquis scientifiques. S’agissant d’une guérison, une personne y est évidemment mise en examens - au pluriel – à laquelle il faut patience et humilité, générosité aussi pour se prêter à cette recherche de la vérité qui la rejoint dans le plus intime de son corps et lui demande de livrer avec ses propres mots ce qu’elle peut communiquer d’une expérience spirituelle proprement indicible lorsqu’elle procède d’une opération authentiquement divine. Le Dr Patrick Theillier, ancien responsable du bureau médical de Lourdes rapporte que les personnes miraculées déclarent avoir vécu leur guérison comme une nouvelle naissance.
121La procédure super praesumpto miro est un lieu de convergence de la raison et de la foi. Le droit canonique est l’humble et rigoureux serviteur de cette rencontre, de ce double regard. Rarement mieux qu’ici, il se révèle comme l’instrument de l’interrogation humaine devant une parole-événement de Dieu et le service du Christ Sauveur qui est Résurrection et Vie [104].
Notes
-
[1]
D. Arnaud et D. Péron, dans Libération, 25-26 sept. 2010, p. 2.
-
[2]
M. Blondel, L’Action (1893), Paris, P.U.F., p. 396.
-
[3]
Grossièreté doit être entendu ici comme ce qui est mal dégrossi.
-
[4]
Terme employé par M. Blondel, op. cit., p. 396.
-
[5]
M. Blondel, ibid.
-
[6]
Y. de Montcheuil, op. cit., p. 22.
-
[7]
Ibid., p. 118.
-
[8]
R. Guardini, Le Seigneur, Alsatia, Paris, 1945, vol. I, p. 122.
-
[9]
Ibid., p. 121.
-
[10]
M. Blondel, op. cit., p. 396.
-
[11]
R. Guardini, op. cit., p. 121.
-
[12]
Je pense aux conséquences dramatiques de la production et du trafic de drogue.
-
[13]
Sans pour autant séparer cette dimension extrinsèque de l’intrinsèque. Ce sont plutôt les deux facettes d’un même signifié : l’une théologique, l’autre juridique.
-
[14]
He 2, 4 ; « sunepimarturoumenos » connote l’étroite association du témoignage divin à celui du fidèle.
-
[15]
Can. 2116 § 2, CIC de 1917.
-
[16]
H. Misztal, Le cause di canonizzazione, Storia e procedura, LEV, Rome, 2005, p. 187.
-
[17]
SM, art. 26, 1.
-
[18]
H. Misztal, op. cit, p. 186.
-
[19]
SM, art. 6.
-
[20]
Benoît XIV, De Servorum Dei beatificatione et Beatorum canonizatione, livre II, chap. 39, n° 7.
-
[21]
Cf. SM, Introduction, p. 13, al. 2.
-
[22]
Pour le confort du lecteur, nous écrirons par la suite : super miro, sous-entendant l’adjectif praesumpto.
-
[23]
Il n’est alors pas tenu de suivre les normes mentionnées ci-dessus, même si par analogie, il serait bien inspiré d’en adopter les principes et un certain nombre de dispositions particulières visant à garantir la sûreté de l’enquête et l’information sérieuse de qui doit décider en un domaine grave et sensible de la mission de l’Église.
-
[24]
À Lourdes, l’évêque propre de la personne guérie reçoit l’avis de la Commission médicale, et décide en son âme et conscience. À notre connaissance, il n’y a pas de normes diocésaines pour la reconnaissance des miracles. Nous ignorons si la commission médicale se saisit motu proprio d’un cas signalé ou si elle est saisie par l’évêque propre de la personne guérie.
-
[25]
Pour le confort du lecteur, je ne mentionnerai ici que l’évêque diocésain, sous entendant toujours la mention de l’éparque.
-
[26]
DPM, chap. I, art. 1.
-
[27]
Le can. 382 désigne les pasteurs en charge des institutions mentionnées au can. 368, « sauf s’il apparaît qu’il en va autrement de par la nature des choses ou bien en vertu des dispositions du droit ». Le can. 368 assimile au diocèse, « sauf s’il s’avère qu’il en va autrement » : la prélature territoriale et l’abbaye territoriale, le vicariat apostolique et la préfecture apostolique, ainsi que l’administration apostolique érigée de façon stable. Les normes concernant la procédure sur le miracle ne prévoient pas d’exception. Ni la nature des choses.
-
[28]
SM, art. 12.
-
[29]
SM, art. 13 ; cf. NS, 2a.
-
[30]
SM, art. 21, 2.
-
[31]
SM, art. 15, 2.
-
[32]
NS, n° 5, b ; cité par SM, art. 21, 2.
-
[33]
SM, art. 22, 1.
-
[34]
DPM, I, 2, 5° ; NS, n° 32 ; SM, art. 36, 2.
-
[35]
Cf. SM, note 51.
-
[36]
On comprend que la Congrégation pour les causes des Saints insiste sur cette exigence de rigueur juridique qui n’a d’autre raison que de contribuer à fonder la certitude des preuves et de la procédure, et faciliter ainsi le traitement de la cause dans sa phase romaine.
-
[37]
SM, art. 38.
-
[38]
SM, art. 39.
-
[39]
SM, art. 38, 2.
-
[40]
SM, art. 40.
-
[41]
SM, art. 2 ; en note 11, SM renvoie aux can. 1999-1241 du CIC 17 (livre IV, De processibus – Pars 2a, De causis beatificationis…).
-
[42]
SM, art. 59, 2.
-
[43]
SM, art. 47-48.
-
[44]
SM, art. 52.
-
[45]
SM, art. 55.
-
[46]
SM, art. 54.
-
[47]
SM, art. 56, 1.
-
[48]
SM, art. 56, 2.
-
[49]
Cette attribution n’est pas directement attribuée par SM, mais se déduit de plusieurs articles.
-
[50]
NS, n° 15, a ; SM, art. 60, 3 ; SM, art. 81.
-
[51]
SM, art. 59, 3.
-
[52]
SM, art. 49.
-
[53]
SM, art. 60, 3.
-
[54]
SM, art. 60, 4. Il semble que rien dans les normes n’interdise de nommer deux médecins experts pour faciliter leur présence aux interrogatoires des témoins, lorsque ce sont des professionnels en exercice. Il sera nécessaire alors qu’ils bénéficient des mêmes informations et coordonnent leurs interventions.
-
[55]
SM, art. 81.
-
[56]
SM, art. 87.
-
[57]
SM, art. 61.
-
[58]
SM, art. 51.
-
[59]
SM, art. 86, 3.
-
[60]
Cf. SM, art. 38.
-
[61]
SM, art. 90.
-
[62]
Il semble cependant que la Congrégation pour les Causes des Saints ait une préférence pour des formules de serment distinctes du procès-verbal de la session et jointes à celui-ci en annexe.
-
[63]
Cf. SM, art. 77-81.
-
[64]
SM, art. 85, 2.
-
[65]
SM, art. 85, 3.
-
[66]
SM, art. 91, 3.
-
[67]
SM, art. 92, 4.
-
[68]
SM art. 99, 1.
-
[69]
SM art. 97 qui renvoie en note au can. 1553 du CIC 83.
-
[70]
SM, art. 98.
-
[71]
SM, art. 101.
-
[72]
SM, art. 102 qui renvoie à NS, n° 20, 3°, et au can. 1550 § 2, 1° du CIC 83.
-
[73]
Can. 1550, § 1. « Ne seront pas admis à porter témoignage les mineurs de moins de quatorze ans et les faibles d’esprit ; ils pourront cependant être entendus sur décret du juge le déclarant expédient ». Ce canon concerne les procédures judiciaires.
-
[74]
SM, art. 107-108.
-
[75]
Cf. SM, art. 104, 1.
-
[76]
SM, art. 96, 2.
-
[77]
De source officieuse, la Congrégation pour les Causes des Saints constate de fréquentes confusions à ce sujet.
-
[78]
SM, art. 110, 1 ; NS, 34, b.
-
[79]
Ibid.
-
[80]
SM, art. 105.
-
[81]
SM, art. 106.
-
[82]
SM, art. 104, 2.
-
[83]
SM, art. 111-113.
-
[84]
SM, art. 120, 2.
-
[85]
SM, art. 121, 1.
-
[86]
En écrivant causes des saints, SM ne distingue pas entre les deux procédures concernées.
-
[87]
SM, art. 121, 2.
-
[88]
SM, art. 95.
-
[89]
SM, art. 122, 1.
-
[90]
SM, art. 95. L’art. 95 est décidément mal rédigé, puisque n’y est pas fait mention du vice-postulateur, comme à l’art. 122, 1.
-
[91]
SM, art. 123.
-
[92]
SM, art. 127. Les actes produits en une autre langue pourront être traduits en l’une de ces six langues. On peut s’étonner que l’allemand n’y figure pas. Les articles 124 à 127 réglementent l’oeuvre de traduction des actes. Ils doivent être appliqués si les actes en français sont traduits en italien dans le cadre de l’enquête diocésaine.
-
[93]
Cf. SM, art. 128-133.
-
[94]
SM, art. 129 ; NS, 29, a.
-
[95]
SM, art. 134.
-
[96]
SM, art. 137.
-
[97]
SM, art. 138-140.
-
[98]
SM, art. 143.
-
[99]
SM, art. 144.
-
[100]
SM, art. 149. Une réponse officieuse de la Congrégation pour les Causes des Saints à l’auteur, de février 2011, suggère que l’expert médecin donne aussi son avis sur le cas : « Al termine dell’inchiesta sarebbe opportuno che redigesse una breve relazione sul caso di cui si tratta nella quale esprima anche un suo parere circa la qualità dei testi medici o tecnici escussi ».
-
[101]
SM, art. 150.
-
[102]
DPM, n° 13, 1°.
-
[103]
DPM, n° 13, 2°.
-
[104]
On renverra, pour un approfondissement de la question, à la bibliographie suivante : M. Blondel, L’Action, op. cit ; « Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d’apologétique et sur la méthode philosophique dans l’étude du problème religieux », dans Annales de philosophie chrétienne, janv.-juil. 1896 ; Congrégation pour les Causes des Saints, Normes à suivre lors des enquêtes menées par les évêques dans les causes des saints, 7 févr. 1983, dans A.A.S. 75 (1983), p. 396-403 ; D.C. 80 (1983), p. 1140-43 ; Sanctorum Mater, Instruction pour le déroulement des enquêtes diocésaines ou éparchiales regardant les causes des saints, 17 mai 2007, Rome ; R. Guardini, Le Seigneur, op. cit., 2 vol. ; Jean-Paul II, Constitution apostolique Divinus perfectionis Magister, 25 janv. 1983, dans A.A.S. 75 (1983), p. 349-55 ; D.C. 80 (1983), p. 1138-40 ; H. Misztal, Le cause di canonizzazione…, op. cit. ; Y. De Montcheuil, Maurice Blondel…, op. cit. ; R. Rodrigo, Manuale per istruire i processi di canonizzazione, Institutum historicum Augustinianorum Recollectorum, Rome, 1998.