Notes
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[1]
Le droit particulier comprend les lois particulières promulguées pour la communauté de fidèles d’un territoire déterminé. La communauté capable de recevoir une loi particulière peut être disciplinée par des lois qui ne concernent pas les autres communautés.
-
[2]
Parmi les sujets qui peuvent produire le droit particulier, on peut mentionner évidemment les conciles particuliers, soit pléniers (qui comprennent les Églises particulières qui participent d’une même conférence épiscopale, cf. can. 439 § 1), soit provinciaux (qui comprennent les Églises particulières appartenant à une province ecclésiastique, cf. can. 440 § 1). Ces conciles ont eu, dans le passé, une grande importance ; le Code leur reconnaît la capacité d’établir des lois qui ont valeur, dans le respect du droit universel, seulement pour les Églises appartenant au territoire pour lequel le concile a été célébré (cf. can. 445). Les lois établies par les divers conciles peuvent être promulguées après la recognitio du S.-Siège (cf. can. 446).
-
[3]
Nous reprenons dans cet article plusieurs points développés dans la « Chronique du Consortium international “Droit Canonique et Culture” », cf. S. Recchi, « La législation complémentaire des conférences épiscopales et l’inculturation du droit canonique. Le cas de l’Afrique », dans A.C., xlii, 2000, p. 313-30.
-
[4]
E. Corecco, “lus universale, ius particulare”, dans Pontificium Consilium de legum textibus interpretandis, Ius in vita et in missione Ecclesia. Acta Symposii Internationalis Iuris Canonici, 19-24 avr. 1993, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 1994, p. 571.
-
[5]
À cet égard, parmi les autres ouvrages, cf. H. Legrand, J. Manzanares et A. Garcia y Garcia (dirs), Natura e futuro delle Conferenze episcopali, Actes du Colloque international de Salamanque (3-8 janv. 1988), Bologne, 1988 ; G. Ghirlanda, « De episcoporum conferentiis reflexiones », dans Periodica, 79, 1990, p. 625-61 ; F. Guillemette, « Les conférences épiscopales sont-elles une institution de la collégialité épiscopale ? », dans Studia canonica, 25, 1991, p. 3976 ; G. Feliciani, « Le Conferenze episcopali », dans AA.VV., Collegialità e primato, coll. Il Codice del Vaticano II, 9, Bologne, 1993, p. 189-219 ; Collectif, « Studi sulle Conferenze episcopali » (dossier), dans Ius Ecclesiae, 1, 1989, p. 3-91 ; Th. J. Reese (dir.), Episcopal Conferences. Historical, Canonical and Theological Studies, Washington, 1989 ; Collectif, « Conférences des évêques et conciles particuliers » (dossier), dans La Synodalité. La participation au gouvernement dans l’Église. Actes du VIIe congrès international de droit canonique, Paris, Unesco, 21-28 sept. 1990, A.C., hors série I, Paris, 1992, p. 285-516.
-
[6]
Communicationes, 15, 1983, p. 135. À cette lettre sont ajoutées, en annexe, deux listes indicatives, avec, respectivement, 22 cas où les conférences épiscopales sont libres de porter des normes complémentaires, et 21 cas où elles sont obligées de le faire.
-
[7]
M. Costalunga, « Prefazione », dans J. T. Martin De Agar, La legislazione delle Conferenze episcopali complementare al CIC, Giuffrè, Milan, 1990, X-XI.
-
[8]
Cf. Martin De Agar, La legislazione., op. cit., p. 755 sv.
-
[9]
Dans les matières où les conférences épiscopales ne peuvent pas exercer ce pouvoir, des procédures alternatives sont en effet possibles, comme la recherche de l’accord de chaque évêque, membre de la conférence, ou même la promulgation de la part de chaque évêque diocésain, dans son Église particulière, des décisions, des instructions, des directives pastorales de la conférence.
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[10]
L’ACÉRAC réunit les conférences épiscopales du Cameroun, du Gabon, du Tchad, de la Guinée-Équatoriale, de la République centrafricaine et du Congo.
-
[11]
Le département de Droit canonique de l’Université catholique d’Afrique centrale a publié à ce sujet, dans le cadre du Consortium international « Droit canonique et culture », le livre : S. Recchi (dir.), Autonomie financière et gestion des biens dans les jeunes Églises d’Afrique, Yaoundé, 2003, qui a été réédité par l’Harmattan en 2007.
-
[12]
Cf. S. Recchi, « L’implantation des Églises nouvelles et le problème de l’autofinancement des Églises d’Afrique centrale. Une approche canonique », dans Autonomie financière.., op. cit., p. 28-31.
1Le Code actuel laisse la possibilité aux législateurs des Églises locales de créer un droit particulier. En effet, le Code n’a pas seulement, comme l’ancien, des préoccupations d’universalité, mais aussi celles qui concernent les adaptations nécessaires dans les Églises locales. Le renvoi à la législation particulière est un principe co-essentiel à l’esprit du nouveau législateur qui a permis d’effectuer une réduction quantitative des règles de droit commun par rapport à la législation précédente [1].
2Le droit particulier ne s’oppose pas au droit universel, n’est pas non plus un moyen pour se soustraire aux exigences de l’universalité du peuple de Dieu ou de la communion ecclésiale. Il donne, par contre, la possibilité de réaliser une saine autonomie et une décentralisation qui permet de promouvoir les valeurs des communautés particulières, d’adapter les exigences du droit universel. Grâce au droit particulier, le législateur de l’Église peut répondre aux besoins des cultures spécifiques, protéger et exprimer la vie de foi des différentes communautés ecclésiales. Les législateurs particuliers sont tous ceux qui peuvent établir des lois pour une partie de l’Église, pour un territoire déterminé ou pour une communauté. Nous faisons référence, ici, surtout aux conférences épiscopales [2].
L’activité législative des conférences épiscopales
3Des secteurs de compétences sont confiés actuellement aux conférences épiscopales. Le Code leur a attribué un rôle significatif pour compléter sa législation, pour la rendre spécifique et l’adapter aux exigences des fidèles dans les différents milieux [3]. Le can. 447 définit leur réalité institutionnelle et leur finalité propre comme suit : « La conférence des Évêques, institution à caractère permanent, est la réunion des Évêques d’une nation ou d’un territoire donné, exerçant ensemble certaines charges pastorales pour les fidèles de son territoire, afin de mieux promouvoir le bien que l’Église offre aux hommes, surtout par les formes et moyens d’apostolat adaptés de façon appropriée aux circonstances de temps et de lieu, selon le droit ».
4L’activité des conférences épiscopales vise la promotion du bien de ses fidèles, par des formes et des moyens d’apostolat adaptés, de façon appropriée aux circonstances de temps et de lieu.
5Étant donné qu’une conférence épiscopale comprend normalement un territoire avec une certaine homogénéité ethnique, sociale et culturelle, elle peut agir plus facilement pour le bien des fidèles qui vivent vivent les mêmes réalités.
6Le Code donne aux conférences épiscopales la compétence sur de multiples matières, dans le but d’assurer, dans leur territoire, une discipline ou des solutions adaptées (on pourrait dire « inculturées »), qui répondent aux exigences communes à l’espace humain qui lui est propre. En effet, dans l’Église, elles peuvent être considérées aujourd’hui comme les organismes les plus qualifiés pour adapter la loi universelle aux différentes exigences des lieux et des temps.
Le droit produit par les conférences épiscopales
7Le droit produit par les conférences épiscopales peut être défini comme un droit particulier et complémentaire. Quelque auteur a contesté la qualification de « particulier » pour le droit propre des conférences épiscopales, parce que, au sens strictement ecclésiologique, l’évêque et lui seul, en tant que Pasteur de l’Église particulière, est le législateur particulier [4].
8Ce n’est pas ici le lieu pour développer le débat théologique sur la nature des conférences épiscopales et leur autorité [5]. Nous restons sur un terrain canonique et pragmatique, en les considérant comme un groupement d’Églises particulières, avec pour fondement une réalité socio-culturelle, appelé à exercer une fonction agrégative et pastorale de grande importance.
9Il ne faut pas sous-estimer le rôle législatif en faveur des fidèles du territoire de la compétence des conférences épiscopales ; elles représentent, en effet, une structure supradiocésaine de coopération qui exprime la solidarité et la commune responsabilité des évêques, visant une convergence des actions pastorales dans un territoire homogène.
10Le pouvoir des conférences épiscopales n’est pas en opposition à celui de l’évêque ; il n’est pas non plus une menace pour sa potestas ordinaire et immédiate ; par contre, il la rend plus efficace, agissant comme un prolongement de la tâche de l’évêque diocésain pour mieux la réaliser, en collaboration avec les évêques auxquels il est lié par une proximité géographique. Cette collaboration est encore plus importante pour les jeunes Églises d’Afrique où l’évêque est confronté à des problèmes qu’il serait souvent difficile d’affronter seul.
11Quant à la production d’un droit particulier, son importance ressort bien de la lettre que la Secrétairerie d’État adressa, en 1983, à tous les présidents des conférences épiscopales pour solliciter la promulgation des normes complémentaires au Code.
12« La législation particulière confiée par le Code aux conférences épiscopales est l’expression de la sollicitude apostolique pour les Églises particulières qui forment la conférence ; mais elle est surtout la prestation d’un véritable service à l’égard du Peuple de Dieu, et ce service se réalise, en définitive, par la détermination de la discipline qui doit être un instrument efficace de renouveau et de vie ecclésiale grâce à son adaptation aux situations locales concrètes ». La Lettre disait en conclusion : « On ne doit pas pour autant différer ce travail plus qu’il n’est nécessaire ; il faut au contraire lui donner la priorité sur d’autres tâches moins urgentes » [6].
13Les conférences épiscopales auraient dû élaborer cette législation particulière pour l’entrée en vigueur du Code, le 27 novembre 1983, mais vu l’impossibilité de respecter cette date, la Secrétairerie d’État décida de proroger jusqu’au 31 décembre 1984 la validité des normes transitoires prises ou à prendre par les conférences, en attendant l’élaboration demandée. Finalement le laps de temps s’avérant encore trop court, on prorogea les normes transitoires un temps indéterminé.
14Les difficultés à réaliser rapidement les normes complémentaires au Code provenaient aussi bien des conférences que des dicastères romains. Les domaines de compétence législative demandaient aux conférences une étude approfondie, la disponibilité des experts et exigeaient de prendre des décisions selon les procédures rigoureuses prévues par le can. 455.
15Du côté des dicastères romains compétents pour la recognitio des décrets généraux des conférences, notamment la Congrégation pour les évêques ou la Congrégation pour l’évangélisation des peuples pour les pays de mission, il fallait étudier la législation particulière, demander l’avis d’autres dicastères selon la compétence dans la matière, renvoyer éventuellement des propositions d’amélioration, et finalement demander l’approbation du Pontife romain.
16En conclusion la plupart des conférences épiscopales d’Afrique accusent, aujourd’hui encore, un grand retard dans l’élaboration de ces normes, même si les dernières années ont vu plusieurs conférences s’engager pour rattraper ce retard [7].
Les compétences des conférences épiscopales
17Le Code attribue aux conférences épiscopales la tâche de porter des normes complémentaires au Code sur plusieurs matières. Les compétences étaient bien plus nombreuses et importantes dans le projet initial du Code, mais la crainte de voir menacée l’autonomie de chaque évêque diocésain a conduit le législateur au choix actuel. On peut ainsi compter dans le Code environ 90 renvois aux compétences des conférences [8] dont la moitié sont de nature législative [9].
18Le pouvoir législatif des conférences n’a pas un caractère général comme dans le cas des conciles provinciaux ou pléniers (can. 445), mais concerne de manière exclusive les matières établies par le droit universel, ou des matières déterminées par une décision particulière du Siège apostolique. Le Code établit que les conférences épiscopales « doivent » ou « peuvent » délibérer sur certaines matières ; quelquefois, on demande leur accord pour certaines décisions. Sans dresser ici la liste exhaustive de toutes leurs compétences, on peut dire que leur domaine d’intervention est globalement significatif en vue d’adapter la loi universelle, la discipline et les structures ecclésiales.
19Les conférences sont appelées à régler plusieurs aspects de l’administration des diocèses et du personnel ecclésiastique, à porter des normes sur les ministères laïques, sur la formation en vue du diaconat permanent, sur le statut canonique des prêtres, y compris l’élaboration d’une Ratio institutionis sacerdotalis nationale (can. 242 § 1).
20D’autres compétences concernent les associations des laïcs, les conditions pour leur participation à certaines tâches propres du ministère sacré (can. 766, 1421 § 2, 112 § 1).
21Elles sont aussi appelées à établir des normes pour certains organismes de la structure de l’Église, à l’égard du conseil presbytéral (can. 494), du collège des consulteurs (can. 502 § 3), ou encore des normes pour la nomination des curés ad tempus (can. 522).
22C’est aux conférences épiscopales qu’il revient de définir des directives pour une meilleure répartition du clergé et de choisir l’organisme de leur assistance sanitaire et de sécurité sociale (can. 1274 § 2)
23En matière d’éducation chrétienne, elles sont tenues d’appliquer les principes fondamentaux (can. 804 § 1). On attend d’elles l’élaboration de normes sur l’œcuménisme (can. 755 § 2, 844 § 4), sur les moyens de communication sociale (can. 772 § 2, 831 § 2, 825, 830 § 1).
24Il leur revient la tâche d’adaptation liturgique et plusieurs compétences en matière de célébration des sacrements.
25Il ne faut pas oublier les compétences en matière patrimoniale et sur l’administration des biens ecclésiastiques (can. 1262, 122, 1292 § 1) et enfin concernant les procédures canoniques (can. 425§ 4, 1714, 1733 § 2).
26Dans tous ces domaines, les conférences épiscopales sont appelées à produire un droit « complémentaire », pour intégrer les dispositions du droit universel du Code, afin que celui-ci soit mieux perçu dans les différents milieux ecclésiaux.
L’activité des conférences épiscopales en afrique centrale
27Si l’on considère l’activité des conférences épiscopales en Afrique en général, on peut s’apercevoir que quelques conférences uniquement ont accompli, au moins partiellement, le travail de production des normes demandées par le Code. On peut citer l’Inter-Territorial Catholic Bishops’ Conference (ITCABIC) qui réunit la Gambie, le Libéria et la Sierra Leone ; les conférences épiscopales du Nigeria, du Bénin, du Ghana et du Rwanda ; plus récemment, c’est aussi le cas pour les conférences de l’Afrique du Sud, du Kenya, de la Namibie, la Tanzanie et du Zimbabwe.
28S’agissant des conférences épiscopales membres de l’Association des conférences épiscopales de la région de l’Afrique centrale [ACÉRAC] [10], qui nous intéressent particulièrement, aucune d’elles n’a accompli cette tâche. On peut ajouter, toutefois, que la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, outre la Ratio institutionis sacerdotalis nationale déjà ratifiée par le Siège apostolique (can. 242 § 1), a présenté à Rome une première série de normes complémentaires pour la recognitio, proposition à laquelle Rome a répondu par quelques suggestions d’amendement.
29À l’intérieur de l’ACÉRAC, donc, l’essentiel du travail reste à faire. Pour ces Églises, il y a des domaines où il serait urgent d’élaborer des normes complémentaires, justement pour une meilleure adaptation de la discipline universelle et pour la promotion d’une évangélisation plus approfondie. Souvent les dispositions de l’Église sont ressenties comme « étrangères » dans certaines cultures locales. En matière de sacrements, par exemple, les compétences attribuées aux conférences à l’égard du mariage sont très significatives. Le can. 1120 leur permet de créer un rite liturgique propre, comprenant la forme juridique dans laquelle l’assistant au mariage doit demander et recevoir le consentement en tenant compte « des usages locaux et populaires adaptés à l’esprit chrétien ».
30Ces Églises connaissent très bien les difficultés dues à la grande distance entre les formes traditionnelles du mariage coutumier, qui est le « vrai » mariage pour une grande partie des fidèles, et la forme canonique établie par le Code. D’où l’importance d’encourager des rites adaptés pour ce sacrement. Par l’accomplissement de ce que le législateur universel demande aux conférences épiscopales, dans cette matière, on pourrait mieux répondre aux exigences pastorales du peuple et réduire la dichotomie perçue entre le mariage coutumier et le mariage chrétien.
31Les conférences épiscopales ont également le pouvoir d’autoriser une plus grande insertion des laïcs dans l’accomplissement de certaines tâches ecclésiastiques (assistent au mariage, juge du tribunal, etc.). Un aspect important de la législation complémentaire concerne la matière patrimoniale. Si l’on considère la situation de la plupart des diocèses, on se rend compte de l’urgence de porter les normes demandées par le Code, permettant de préciser, par exemple, les actes qui dépassent l’administration ordinaire et les aliénations, actes pour lesquels l’évêque ne peut pas agir sans l’accord de certains conseils diocésains.
32Les conférences épiscopales sont aussi invitées à porter leur attention (comme certaines l’ont fait) sur l’aide économique des fidèles à leur Église, pour élaborer des attitudes pastorales communes. Ce domaine est particulièrement important et délicat, d’autant plus que la plupart de ces Églises, qui vivent aujourd’hui grâce à l’aide venant de l’extérieur, sont à la recherche de leur autonomie financière, qui serait le signe d’une plus grande maturité des fidèles.
33Récemment, du 29 juin au 6 juillet 2008, s’est tenue à Bangui la 8e Assemblée plénière de l’ACÉRAC sur le thème : « Pour une meilleure gestion des biens dans les Églises d’Afrique centrale ». Un sujet d’étude de grande actualité pour ces Églises particulières, confrontées à la nécessité d’une correcte gestion des biens et, en même temps, à l’urgence d’une propre autonomie financière [11]. Les enquêtes qui ont été menées dans les 56 diocèses de l’ACÉRAC montrent, avec une évidence indéniable, leur substantielle dépendance économique.
34Le rapport final nous apprend, en effet, que les aides venant de l’extérieur varient fortement d’un diocèse à l’autre mais qu’elles sont globalement élevées dans la mesure où la moyenne s’établit à 64 % des ressources disponibles. En outre, 62 % des diocèses ont une part de leur budget issue à 80 % ou plus de l’aide extérieure. Ce manque d’autonomie n’est pas seulement un symptôme de situations objectives de pauvreté propres aux milieux sociaux africains, mais aussi un symptôme d’une participation faible du peuple de Dieu à la subsistance de l’Église [12]. Dans leur message final adressé au Peuple de Dieu, les évêques de l’ACÉRAC, parmi leurs résolutions, se sont engagés à « élaborer, au sein de nos conférences épiscopales respectives, les normes nationales en matière d’administration et d’aliénation des biens temporels, comme le demande le droit universel ».
35À l’occasion de la prochaine rencontre programmée au Gabon, en 2011, nous verrons le chemin que ces Églises auront su parcourir.
Conclusion
36Nous avons porté un regard général sur les conférences épiscopales et leurs compétences pour produire un droit complémentaire. Nous avons constaté également que cette tâche n’est pas encore accomplie, en Afrique centrale, sinon d’une manière partielle. Évidemment, la production d’un droit particulier peut naître à partir de l’expérience ecclésiale d’un peuple, de sa réflexion sur la foi, de ses difficultés et de la nécessité de les surmonter. Les causes du retard qui marque l’activité des conférences épiscopales à cet égard, peuvent s’expliquer par le manque d’experts en science canonique, mais également par un retard à comprendre l’importance de ce travail d’adaptation du droit universel.
37Souvent, nous assistons à des prises de positions de la part de certains théologiens ou canonistes africains revendiquant la nécessité d’un droit africain (à l’exemple du Code promulgué pour les Églises catholiques orientales), requête qui semble contraster avec la difficulté à accomplir la tâche bien plus modeste de créer le droit complémentaire demandé par le Code pour répondre plus efficacement aux exigences des cultures et milieux africains.
38Certes, le pouvoir des conférences épiscopales de porter des décrets généraux s’exerce dans un cadre limité par des restrictions qui concernent soit la matière à traiter soit la procédure à suivre pour leur promulgation.
39S’agissant de la matière, les conférences ne peuvent délibérer que sur les affaires désignées par le droit universel (ou lors d’une décision du S.-Siège) ; quant à la procédure, les décrets doivent être portés pendant l’assemblée plénière et être rendus à la majorité de deux tiers au moins des suffrages. Leur promulgation est valide après la reconnaissance par le Siège apostolique.
40La condition de la recognitio fait dire à certains auteurs qu’elle représente une limitation à l’activité de production du droit complémentaire et une soumission de la particularité à l’universalité. Par ce moyen, sans aucun doute, le Siège apostolique donne une force juridique aux décisions de la conférence épiscopale car la recognitio n’est pas une pure formalité, son rôle étant de vérifier l’orthodoxie des décisions et, surtout, d’exprimer juridiquement la communion entre le S.-Siège et les conférences épiscopales.
41Malgré ces considérations et malgré les restrictions du droit universel, le constat demeure que les conférences épiscopales d’Afrique centrale n’ont pas encore saisi toute l’importance de leur activité législative et n’ont pas profité pleinement des chances offertes à cet égard par le Code actuel pour adapter la discipline universelle et développer une identité juridique plus proche des exigences du peuple de Dieu qui vit en Afrique centrale.
Notes
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[1]
Le droit particulier comprend les lois particulières promulguées pour la communauté de fidèles d’un territoire déterminé. La communauté capable de recevoir une loi particulière peut être disciplinée par des lois qui ne concernent pas les autres communautés.
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[2]
Parmi les sujets qui peuvent produire le droit particulier, on peut mentionner évidemment les conciles particuliers, soit pléniers (qui comprennent les Églises particulières qui participent d’une même conférence épiscopale, cf. can. 439 § 1), soit provinciaux (qui comprennent les Églises particulières appartenant à une province ecclésiastique, cf. can. 440 § 1). Ces conciles ont eu, dans le passé, une grande importance ; le Code leur reconnaît la capacité d’établir des lois qui ont valeur, dans le respect du droit universel, seulement pour les Églises appartenant au territoire pour lequel le concile a été célébré (cf. can. 445). Les lois établies par les divers conciles peuvent être promulguées après la recognitio du S.-Siège (cf. can. 446).
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[3]
Nous reprenons dans cet article plusieurs points développés dans la « Chronique du Consortium international “Droit Canonique et Culture” », cf. S. Recchi, « La législation complémentaire des conférences épiscopales et l’inculturation du droit canonique. Le cas de l’Afrique », dans A.C., xlii, 2000, p. 313-30.
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[4]
E. Corecco, “lus universale, ius particulare”, dans Pontificium Consilium de legum textibus interpretandis, Ius in vita et in missione Ecclesia. Acta Symposii Internationalis Iuris Canonici, 19-24 avr. 1993, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 1994, p. 571.
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[5]
À cet égard, parmi les autres ouvrages, cf. H. Legrand, J. Manzanares et A. Garcia y Garcia (dirs), Natura e futuro delle Conferenze episcopali, Actes du Colloque international de Salamanque (3-8 janv. 1988), Bologne, 1988 ; G. Ghirlanda, « De episcoporum conferentiis reflexiones », dans Periodica, 79, 1990, p. 625-61 ; F. Guillemette, « Les conférences épiscopales sont-elles une institution de la collégialité épiscopale ? », dans Studia canonica, 25, 1991, p. 3976 ; G. Feliciani, « Le Conferenze episcopali », dans AA.VV., Collegialità e primato, coll. Il Codice del Vaticano II, 9, Bologne, 1993, p. 189-219 ; Collectif, « Studi sulle Conferenze episcopali » (dossier), dans Ius Ecclesiae, 1, 1989, p. 3-91 ; Th. J. Reese (dir.), Episcopal Conferences. Historical, Canonical and Theological Studies, Washington, 1989 ; Collectif, « Conférences des évêques et conciles particuliers » (dossier), dans La Synodalité. La participation au gouvernement dans l’Église. Actes du VIIe congrès international de droit canonique, Paris, Unesco, 21-28 sept. 1990, A.C., hors série I, Paris, 1992, p. 285-516.
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[6]
Communicationes, 15, 1983, p. 135. À cette lettre sont ajoutées, en annexe, deux listes indicatives, avec, respectivement, 22 cas où les conférences épiscopales sont libres de porter des normes complémentaires, et 21 cas où elles sont obligées de le faire.
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[7]
M. Costalunga, « Prefazione », dans J. T. Martin De Agar, La legislazione delle Conferenze episcopali complementare al CIC, Giuffrè, Milan, 1990, X-XI.
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[8]
Cf. Martin De Agar, La legislazione., op. cit., p. 755 sv.
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[9]
Dans les matières où les conférences épiscopales ne peuvent pas exercer ce pouvoir, des procédures alternatives sont en effet possibles, comme la recherche de l’accord de chaque évêque, membre de la conférence, ou même la promulgation de la part de chaque évêque diocésain, dans son Église particulière, des décisions, des instructions, des directives pastorales de la conférence.
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[10]
L’ACÉRAC réunit les conférences épiscopales du Cameroun, du Gabon, du Tchad, de la Guinée-Équatoriale, de la République centrafricaine et du Congo.
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[11]
Le département de Droit canonique de l’Université catholique d’Afrique centrale a publié à ce sujet, dans le cadre du Consortium international « Droit canonique et culture », le livre : S. Recchi (dir.), Autonomie financière et gestion des biens dans les jeunes Églises d’Afrique, Yaoundé, 2003, qui a été réédité par l’Harmattan en 2007.
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[12]
Cf. S. Recchi, « L’implantation des Églises nouvelles et le problème de l’autofinancement des Églises d’Afrique centrale. Une approche canonique », dans Autonomie financière.., op. cit., p. 28-31.