Notes
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Des études de l’impact de l’APD sur l’économie helvétique ont été réalisées en 1994, 1998, 2002. et 2006. Selon les années, le coefficient multiplicateur associé à un franc d’APD oscille entre 1.40 et 1.79. Environ 20 000 emplois sont directement ou indirectement liés à l’aide au développement (DDC, 2006a).
Fondements stratégiques de la coopération helvétique pour le développement
1La Suisse est regardée au sein de la communauté mondiale de l’aide, comme un donneur constructif avec une longue tradition de coopération, en particulier dans le domaine humanitaire. Elle prend une part active à la réflexion internationale sur des questions telles que l’appropriation, la gouvernance et les États fragiles. Elle se montre déterminée à accroître le volume et la qualité de son aide. Depuis le dernier examen par les pairs (en 2005), elle s’est efforcée d’adopter une approche plus stratégique de la coopération pour le développement en utilisant au mieux le cadre juridique et institutionnel complexe sous-tendant son action dans ce domaine.
2Pour le Conseil fédéral, « consolider la position de la Suisse dans un monde globalisé » est une des cinq priorités de la législature 2007-11. Cela témoigne à quel point la Suisse est dans son élément face à la mondialisation, avec son économie axée sur l’exportation dans laquelle le secteur financier est à l’origine de près de 12 % du produit intérieur brut. En dépit des effets de la crise mondiale et des pressions qui en résultent sur ses capacités financières, la Suisse maintient son engagement, pris à Monterrey, de consacrer 0.4 % de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD) en 2010. Elle entend ainsi montrer l’idée qu’elle se fait de la solidarité dans un environnement mondial interdépendant en rapide mutation.
Fondements juridiques de la coopération helvétique pour le développement
3La « solidarité » est un des principes directeurs clés de la politique étrangère suisse, laquelle est largement dictée par les intérêts nationaux helvétiques. Cette association entre solidarité et intérêt personnel bien compris est inscrite dans l’article 54 de la Constitution fédérale (CH, 1999), lequel pose les fondements de la coopération helvétique pour le développement en stipulant que : « La Confédération s’attache à préserver l’indépendance et la prospérité de la Suisse ; elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu’à promouvoir le respect des droits de l’homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles ». Par conséquent, comme il est indiqué dans le Rapport de politique étrangère 2007 « une politique de développement qui entend atteindre ses objectifs dans le cadre fixé par la Constitution doit promouvoir et défendre les intérêts tant immatériels que matériels de la Suisse, afin de mettre en œuvre l’idéal de solidarité sociale ». Les intérêts nationaux que la Suisse poursuit à travers sa politique de coopération pour le développement sont d’ordre économique, sécuritaire, migratoire et environnementaux, sans oublier la nécessité de pouvoir compter sur des réglementations internationales ayant force obligatoire, des partenaires forts et une emprise renforcée de la démocratie (DFAE, 2007).
4C’est ainsi que promouvoir le développement économique des pays partenaires et leur intégration dans l’économie mondiale est un des piliers de la politique économique extérieure de la Suisse, et concourt également à la préservation des intérêts économiques nationaux à l’étranger. Le programme d’aide est une composante de ce vaste programme d’action bénéfique pour toutes les parties. S’il vise à apporter aux pays partenaires un soutien économique, des financements pour leurs infrastructures et des services de facilitation des échanges, il a aussi des retombées positives sur l’économie suisse, au niveau de l’emploi et du rendement des investissements. Ces retombées font l’objet d’un suivi, une étude sur le sujet étant commanditée tous les quatre ans par la Direction du développement et de la coopération (DDC) [1]. Cette démarche tend à favoriser la cohérence des politiques au service du développement, encore que trouver un compromis entre des intérêts contradictoires reste un défi dans le système suisse, basé sur le consensus (chapitre 2).
5Sur le plan juridique, le programme d’aide de la Suisse trouve sa justification dans deux lois fédérales. La Loi fédérale sur la coopération au développement et l’aide humanitaire internationales (1976) définit les objectifs de l’aide internationale apportée par la Suisse aux pays du Sud ; elle établit que « la coopération au développement soutient les efforts des pays en développement en vue d’améliorer les conditions de vie de leurs populations. Elle doit contribuer à mettre ces pays en mesure d’assurer leur développement par leurs propres forces. Elle tend, à long terme, vers un meilleur équilibre au sein de la communauté internationale » (CH, 1976, article 5). Par ailleurs, la coopération pour le développement avec les pays d’Europe orientale et de la Communauté des États indépendants (CEI) est régie par une loi spécifique, adoptée en 1995 et prorogée pour dix ans par le Parlement en 2006 (CH, 2006a). L’objectif premier en est d’ « appuyer les efforts de transition vers des systèmes démocratiques et pluralistes et vers un développement basé sur l’économie de marché, les principes sociaux et la protection de l’environnement ». En œuvrant à l’instauration d’un développement pacifique et durable en Europe de l’Est, la Suisse entend également rehausser la stabilité et la sécurité dans sa propre région.
6Ces deux lois fédérales prévoient un dispositif de financement pluriannuel de l’aide publique, à travers des crédits-cadres soumis à l’approbation du parlement (tableau 2, chapitre 3). Chaque crédit-cadre est justifié par un message du Conseil fédéral qui définit les orientations stratégiques, les objectifs et les résultats escomptés des activités financées. Chaque message renvoie à une région géographique (pays en développement du Sud, ou Europe orientale et CEI) ou un domaine (coopération économique et commerciale, aide humanitaire, paix civile et droits de l’homme) spécifique. L’Arrêté fédéral de 2007 concernant un crédit-cadre pour la protection de l’environnement mondial est lui aussi pour l’essentiel mis en œuvre au moyen de financements relevant de l’APD. Cela dit, s’ils sont source de prévisibilité et de souplesse, ces messages et les crédits-cadres qui y sont associés conduisent à une fragmentation administrative du système d’aide, chacun couvrant des horizons temporel et thématique différents et s’inscrivant dans une approche qui lui est propre.
Cadre institutionnel de la coopération helvétique pour le développement
7En vertu de l’Ordonnance de 1977 concernant la coopération au développement et l’aide humanitaire internationales (CH, 2008a), deux institutions se partagent la responsabilité de la définition et de la mise en œuvre du programme d’aide de la Suisse, la Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)et le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) du Département fédéral de l’économie (DFE). Le Conseil fédéral a réexaminé ce double chapeautage du système de coopération pour le développement à l’occasion des réformes opérées dans l’administration suisse pour en améliorer l’efficience entre 2006 et 2008. Il est alors parvenu à la conclusion que le dispositif devait être maintenu mais qu’il fallait faire la chasse aux doubles emplois et instaurer des synergies entre les deux ministères (graphique 1). Le Message de 2008 concernant la continuation de la coopération technique et de l’aide financière en faveur des pays en développement (CH, 2008b, qu’on appellera ici « Message Sud ») insiste sur les impératifs de cohérence et de complémentarité. Les rôles spécifiques dévolus à la DDC et au SECO sont les suivants :
- la DDC s’occupe de la coordination d’ensemble des activités à l’appui du développement, de la coopération technique et de l’aide financière en faveur des pays très pauvres et vulnérables, en conflit ou en situation de fragilité et d’Europe orientale et de la CEI, ainsi que de l’aide humanitaire. C’est aussi d’elle que relèvent les relations de la Suisse avec le système des Nations unies, à l’exclusion des instances de ce dernier traitant des questions commerciales. En 2007, la DDC a assuré l’administration de 66.4 % du budget total de la coopération pour le développement
- le Centre de prestations Coopération et développement économiques du SECO est responsable des mesures de politique économique et commerciale visant les pays et régions d’un niveau inférieur à la catégorie « investissement » qui ont des chances de s’intégrer aux marchés mondiaux ainsi que les pays d’Europe orientale et de la CEI. Le SECO a en charge les relations de la Suisse avec les instances des Nations unies dont les activités sont liées au commerce et partage avec la DDC la responsabilité des relations avec le groupe de la Banque mondiale et les banques régionales de développement. En 2007, le SECO a assuré la gestion de 12.6 % de l’APD totale (dont 3.5 % au titre de l’allégement de la dette)
Le système suisse de coopération pour le développement
Le système suisse de coopération pour le développement
8De son côté, la Division politique IV du DFAE se charge de la formulation des politiques de la Suisse concernant la paix et les droits de l’homme et de la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir la paix et améliorer le respect des droits de l’homme dans le monde entier. Elle gère ainsi quelque 2.5 % de l’APD. D’autres départements fédéraux interviennent aussi dans les activités de coopération pour le développement. Parmi ces derniers, les deux plus importants sont l’Office fédéral des migrations (ODM), qui traite les demandes d’asile et/ou s’applique à faciliter le retour des réfugiés dans leur pays d’origine (9 % de l’APD) et le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, qui gère la participation de la Suisse aux initiatives internationales de promotion de la paix (3 %). D’autres instances fédérales, de même que les cantons et les municipalités, apportent également leur soutien aux activités en faveur du développement, à travers des ONG ou directement, mais cette contribution reste limitée (5 %).
9À côté du parlement, auquel elle assigne un rôle de supervision et de décision budgétaire, la Loi fédérale de 1976 a mis en place deux organes chargés de coordonner les politiques relatives au développement : (i) le Comité interdépartemental pour le développement et la coopération internationaux (IKEZ), présidé par la DDC, qui assure la coordination entre les départements et autres instances fédérales suisses intervenant dans le programme d’aide, et (ii) la Commission consultative de la coopération internationale au développement, qui remplit avant tout un rôle de conseil auprès du Conseil fédéral. Composée de 20 membres issus du parlement, du secteur privé, des sphères syndicales, des milieux universitaires ainsi que du monde des ONG et de la presse, cette Commission émet des avis sur des grandes questions de coopération pour le développement sous la forme d’exposés adressés au Conseil fédéral ou au parlement. Elle contribue à stimuler le consensus sur les grandes orientations du programme d’aide, qu’il s’agisse du volume, des canaux d’acheminement ou de la gestion stratégique de ce dernier (CC, 2008).
10Ce dispositif est considéré comme de nature à mobiliser un soutien politique dans le système suisse, fondé sur le consensus : le fait que, sur les sept ministres siégeant au Conseil fédéral, deux s’occupent de questions intéressant la coopération pour le développement garantit une défense efficace des objectifs de développement et accroît la considération prêtée à la coopération pour le développement dans les discussions gouvernementales. D’un autre côté, le cadre juridique et institutionnel conduit à une fragmentation du système d’aide qui risque de nuire à une conception unifiée du programme d’aide et de l’efficacité de l’aide. Ce dispositif requiert une grande cohésion entre les deux ministères et des efforts permanents pour réduire les doubles emplois et les coûts de transaction qui en résultent (chapitre 4).
Cadre stratégique de la coopération helvétique pour le développement
Vers une approche stratégique unifiée
11La loi de 1976 sur la coopération au développement et l’aide humanitaire internationales (CH, 1976) autorise une marge de manœuvre suffisante pour adapter le programme d’aide au nouveau contexte de la coopération internationale grâce aux orientations stratégiques définies dans les messages. Le parlement a demandé au Conseil fédéral d’envisager une actualisation de la Loi. S’il prend des dispositions dans ce sens, le Conseil fédéral devra conserver présente à l’esprit la nécessité d’une ouverture face à l’évolution du contexte de l’aide internationale et donc éviter de donner au nouveau texte un caractère par trop normatif.
12La Suisse s’emploie à améliorer la cohérence et la cohésion de son système, comme il le lui avait été recommandé lors de l’examen par les pairs de 2005 (annexe A et chapitre 4). Suite à un rapport de sa Commission de gestion paru en décembre 2006, le parlement a enjoint le Conseil fédéral (i) d’améliorer le leadership stratégique au sein du DFAE et de la DDC, (ii) de formuler une stratégie unifiée pour la coopération helvétique pour le développement, (iii) de recentrer le programme sur les domaines où la Suisse jouit d’un avantage comparatif et (iv) de revoir en conséquence la répartition géographique et sectorielle des portefeuilles de la DDC et du SECO. Le Conseil a accepté cette motion en mars 2008 ; sa première action a été de présenter en même temps au parlement les deux messages concernant respectivement la DDC et le SECO, qui couvrent plus de 80 % du programme d’aide.
13Cette présentation simultanée a permis au parlement d’avoir une vue d’ensemble des activités mises en œuvre par la DDC et le SECO et de cerner clairement les rôles respectifs, le ciblage géographique et thématique et les ressources des deux instances. Elle fournit aussi des indications sur l’orientation de l’ensemble du programme d’aide, expose le contexte international dans lequel s’inscrit l’aide au développement et définit trois objectifs stratégiques et six domaines d’intervention prioritaires en matière de coopération pour le développement (tableau 1). Ces trois objectifs stratégiques, qui sont alignés sur les objectifs de la politique étrangère helvétique, sont les suivants : (i) assurer la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et faire reculer la pauvreté, (ii) promouvoir la sécurité humaine et réduire les risques pour la sécurité, et (iii) contribuer à une mondialisation soucieuse du développement (CH, 2008b). Cette démarche globale est la bienvenue car elle favorise l’implication de tous les secteurs de l’administration. Les six domaines prioritaires donnent lieu à des approches opérationnelles, un ciblage institutionnel et des partenariats spécifiques. Tous ces éléments constituent un cadre d’ensemble équilibré, qui s’accorde bien à la conception pluripartite, reposant sur l’association de divers canaux d’acheminement de l’aide, adoptée par la Suisse.
14Le Conseil fédéral prévoit par ailleurs d’harmoniser le calendrier des crédits-cadres pour la prochaine législature (2013-16). Il a donc fixé l’échéance des crédits-cadres de 2008 de telle sorte que leur renouvellement coïncide avec le début de la nouvelle législature. Il sera certes essentiel de veiller à la continuité, mais cela aidera à définir et mettre en œuvre, en matière de coopération pour le développement, un projet stratégique d’ensemble. L’équipe chargée de l’examen salue ces mesures constructives et invite la Suisse à poursuivre ses efforts de renforcement de la cohésion stratégique. Comme on le verra plus loin, cela implique de réaffirmer la suprématie de la lutte contre la pauvreté en tant qu’objectif du programme d’aide helvétique, de rationaliser les domaines d’intervention au niveau des différentes institutions et entre ces dernières, de mieux intégrer les questions transversales dans le programme d’aide, et d’asseoir plus fermement la vision stratégique sur la valeur ajoutée que peut apporter l’intervention de la Suisse.
Réaffirmer la suprématie de la lutte contre la pauvreté en tant qu’objectif du programme d’aide helvétique
15La Loi fédérale de 1976 préconise de soutenir avant tout « les efforts des pays en développement, régions et groupes de population les plus défavorisés », faisant ainsi incontestablement de la lutte contre la pauvreté l’objectif premier de la coopération suisse pour le développement. La répartition géographique des apports est conforme à cet objectif (chapitre 3). Pour l’avenir, la Suisse doit continuer à faire de la lutte contre la pauvreté son objectif suprême. Les derniers messages définissaient des objectifs supplémentaires : c’est ainsi que dans le Message Sud 2008, la « sécurité humaine » et une « mondialisation propice au développement » apparaissent en tant que deuxième et troisième priorités, respectivement, du programme d’aide de la Suisse. L’objectif annoncé dans le Message 2008 concernant le financement des mesures de politique économique et commerciale au titre de la coopération au développement est quant à lui de contribuer « à une mondialisation en faveur du développement », et partant faire reculer la pauvreté dans les pays partenaires. Enfin l’objectif prioritaire défini dans le Message 2006 sur la poursuite de la coopération avec les États d’Europe de l’Est et de la CEI est « favoriser la transition vers la démocratie et une économie sociale de marché ». Si ces orientations ne sont pas en contradiction avec l’objectif de lutte contre la pauvreté – d’ailleurs les questions d’équité sont abordées dans les programmes-pays – cette dernière, notamment à travers l’instauration d’une mondialisation équitable et respectueuse de l’environnement, n’en pourrait pas moins apparaître comme le but ultime de l’aide au développement dans tous les textes officiels. Cela contribuerait à assurer que la lutte contre la pauvreté devienne expressément le fil conducteur de la coopération avec les pays d’Europe orientale et autres à revenu intermédiaire.
Objectifs stratégiques et domaines d’intervention prioritaires de la coopération helvétique pour le développement
Objectifs stratégiques et domaines d’intervention prioritaires de la coopération helvétique pour le développement
Rationaliser les domaines d’intervention au niveau des différentes institutions et entre ces dernières
16Le cadre fourni par les trois objectifs et six domaines d’intervention prioritaires définis dans le message de 2008 pourrait être affiné de façon à renforcer la cohérence et le ciblage de l’orientation du programme d’aide. Même si le nombre de thèmes prioritaires de la coopération avec le Sud a été ramené à dix, le programme d’aide de la Suisse couvre toujours un éventail important de secteurs et de questions transversales (tableau 2). En particulier, de nouveaux thèmes ont fait leur apparition avec la réorganisation de la DDC en 2008, notamment le changement climatique, les migrations et la sécurité alimentaire au niveau des programmes mondiaux. Du fait de la dispersion des ressources qui en résulte, cette prolifération risque de compromettre les compétences acquises dans certains domaines, comme l’intervention dans les États fragiles, où la Suisse s’est acquis une réputation de savoir-faire ces dernières années (encadré 1). Recentrer l’attention sur quelques thèmes, en leur affectant des financements spécifiques adéquats, rehausserait l’impact de l’action de la Suisse. Il conviendrait aussi de remédier aux incohérences qui subsistent entre institutions, notamment aux divergences entre les questions transversales traitées par la DDC, d’une part, et le SECO, d’autre part.
Priorités thématiques du programme helvétique de coopération pour le développement
Priorités thématiques du programme helvétique de coopération pour le développement
Encadré 1. Une réputation de savoir-faire en matière de renforcement de la sécurité et de construction de la paix dans les situations de fragilité
Mieux intégrer les questions transversales dans le programme d’aide
17La gouvernance est un thème transversal aussi bien pour la DDC que pour le SECO. La Suisse participe à un certain nombre de grands programmes dans ce domaine et consacre environ 12 % de son aide bilatérale au secteur « gouvernement et société civile » (tableau B.5 de l’annexe B). Cela dit, il ressort de la mission effectuée au Nicaragua qu’elle pourrait pousser plus avant l’intégration de cette considération dans ses programmes, la prise en compte des questions de gouvernance n’étant une priorité pour le bureau local que depuis 2007 (annexe E). Dans d’autres domaines, les approches adoptées par la DDC et le SECO ne sont pas identiques, et la Suisse aurait tout à gagner à arrêter des thèmes transversaux communs pour l’ensemble de son programme d’aide. Le changement climatique, par exemple, est regardé comme un thème transversal par le SECO alors qu’il fait l’objet de « programmes d’envergure mondiale » à la DDC (chapitre 6).
18L’égalité des sexes n’est un thème transversal que pour la DDC, encore que le SECO s’emploie à promouvoir l’autonomisation économique des femmes. Si l’on en croit son Rapport intermédiaire de 2005 sur les OMD, la Suisse « s’attache aussi à promouvoir l’égalité dans la coopération économique et la promotion des investissements, ainsi que dans le développement du commerce et des infrastructures » (CH, 2005). Dans cette optique, le SECO a élaboré, en 2006, un guide de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes et des conseils pratiques pour la prise en considération de l’égalité dans le financement des infrastructures. Reste qu’un soutien complémentaire de la direction sera indispensable pour garantir l’application systématique de ces lignes directrices dans l’ensemble des activités. L’égalité homme-femme est en revanche une considération qui imprègne toutes les activités de la DDC depuis 1990. La politique en la matière de cette dernière, arrêtée en 2003, repose sur cinq principes fondamentaux : (i) une analyse différenciée à la base de tous les projets, (ii) une grande souplesse, (iii) la prise en compte des différents niveaux, (iv) des actions spécifiques pour promouvoir l’égalité, et (v) l’égalité des chances au sein des organisations (DDC, 2003). Ces principes ne sont cependant pas toujours respectés. En 2008, a été conduit un grand exercice d’évaluation qui, associé à la réforme organisationnelle de la DDC, a suscité un regain d’attention pour l’intégration des questions d’égalité homme-femme (encadré 2). La Suisse pourrait s’inspirer des bonnes pratiques qu’elle a mises en place en Albanie et au Nicaragua, où les autres donneurs louent son action en faveur de l’égalité des sexes dans le cadre d’une démarche participative, fondée sur les droits. Elle ne se contente en effet pas d’intégrer cette problématique dans ses projets et défend aussi la cause de l’égalité dans le dialogue avec les pouvoirs publics accompagnant son soutien budgétaire. Au Nicaragua, cela a permis que des indicateurs sexospécifiques soient incorporés dans la matrice d’évaluation des performances utilisée pour guider les décisions relatives au soutien budgétaire général.
Encadré 2. Un regain d’attention à l’intégration de la problématique homme-femme dans le programme de la DDC
Ce qu’il faut maintenant c’est systématiser l’application des principes, entretenir la dynamique observée au niveau de plusieurs bureaux de coopération et veiller à la prise en compte de la problématique homme-femme dans les nouveaux domaines d’intervention, par exemple le changement climatique. La réaction de la direction à l’évaluation est de bon augure. Celle-ci a fourni des orientations stratégiques claires (en confirmant la politique adoptée en 2003 en matière d’égalité des sexes) et a reconnu sans détour l’importance de l’égalité entre hommes et femmes. La Direction de la DDC est en particulier convenue d’examiner chaque année les progrès de la mise en œuvre de la politique pour l’égalité des sexes. Elle a aussi arrêté un certain nombre de mesures visant à garantir l’intégration des questions d’égalité dans la gestion du cycle des programmes. Elle prévoit par ailleurs d’inclure des objectifs de résultat concernant l’égalité des sexes dans les plans d’activité et évaluations des performances des agents et d’incorporer un volet sur le sujet dans toutes les formations proposées par la DDC que ce soit à ses agents ou à ses partenaires. L’équipe chargée de l’examen recommande qu’un suivi de la mise en œuvre de ces mesures soit opéré dans le rapport annuel, ce qui devrait fournir un puissant aiguillon pour améliorer l’intégration de la problématique homme-femme. Le marqueur du CAD, pour lequel la Suisse fournit des données depuis mai 2009, pourrait être un des indicateurs utilisés.
Encadré 2. Un regain d’attention à l’intégration de la problématique homme-femme dans le programme de la DDC (suite)
Asseoir plus fermement la vision stratégique sur la valeur ajoutée que peut apporter l’intervention de la Suisse
19La question de la valeur ajoutée apportée par la Suisse du fait de ses caractéristiques propres (« Swissness ») gagne en importance dans le débat national. Pour tenter de donner plus de cohérence à son approche stratégique, la Suisse devrait s’interroger sur le rôle que jouent ses intérêts et caractéristiques propres dans son positionnement et le choix de ses domaines d’intervention. Sa culture, privilégiant le consensus et la neutralité, lui permet de se poser en médiateur sur de nombreux sujets – par exemple la protection de biodiversité et de la propriété intellectuelle indigène dans le domaine des échanges et du développement – et dans des situations délicates comme celle prévalant au Nicaragua (annexe E). Sa conception de la gouvernance démocratique constitue un autre avantage comparatif reconnu, compte tenu de son propre passé de démocratie directe reposant sur la participation de tous. Autant de facteurs qui légitiment l’engagement actif de la Suisse dans le domaine de la gouvernance, sur le terrain aussi bien que dans les instances internationales (elle assure la présidence du Réseau du CAD sur la gouvernance et co-présidait la Table ronde d’Accra sur l’appropriation). La Suisse peut aussi mettre à profit la longue expérience accumulée par la DDC dans des domaines en rapport avec les OMD ainsi que les compétences acquises par le SECO en matière de développement économique du fait de son appartenance au DFE. Elle devrait s’appliquer à trouver un équilibre entre l’exploitation de ses avantages comparatifs et le souci de s’attaquer aux problèmes émergents, ce qui la conduit à intervenir dans de nouveaux domaines, sans pour autant perdre de vue les impératifs d’alignement et d’harmonisation découlant du Programme d’action d’Accra (PAA). Afin de contribuer à améliorer la répartition thématique des tâches entre les donneurs, la Suisse devrait donc redéfinir son avantage comparatif au cas par cas en tenant compte des vues et priorités du pays partenaire, des activités des autres donneurs, ainsi que de sa propre expérience et de la valeur ajoutée qu’elle peut apporter.
20La Suisse pourrait aussi reconsidérer les motivations sous-tendant ses programmes régionaux. Normalement, ce type de programme doit viser à apporter des solutions régionales à des problèmes régionaux, y compris à travers un renforcement des institutions régionales. Or, telle ne semble pas être la logique du programme régional de la Suisse pour l’Amérique centrale, même s’il n’y a pas totale incompatibilité. En effet, tout en cherchant à établir des liens entre les échelons national et régional, ce programme vise avant tout à susciter des synergies entre les bureaux de coopération de la Suisse dans un souci d’économie (annexe E).
Communication et sensibilisation de l’opinion publique
Renforcer le soutien du public et des sphères politiques à la coopération pour le développement
21L’aide au développement reste dans les faveurs de l’opinion en Suisse. Une pétition adressée au parlement en juin 2008 pour demander que soit fixé un objectif de 0.7 % pour le rapport APD/RNB a, par exemple, recueilli 200 000 signatures. Lors d’une enquête réalisée en 2006, sur le total des personnes interrogées, 32 % ont estimé qu’il fallait accroître l’APD, 48 % qu’elle devait rester au même niveau et 10 % qu’il fallait la réduire (contre 14 % en 2003 et 17 % en 1999). Cela dit, les Suisses ignorent, pour la plupart d’entre eux, le montant des dépenses consacrées par la Confédération au développement : 20 % seulement d’entre eux peuvent en fournir une estimation assez exacte. De même, les institutions privées ont meilleure presse que les institutions publiques et le pourcentage de personnes pensant que la Suisse devrait apporter un soutien plus conséquent aux ONG et associer plus étroitement le secteur privé à son action a augmenté au cours de la décennie écoulée. Une grande partie des citoyens s’inquiète du peu d’impact de l’aide au développement : plus de 50 % d’entre eux jugent impossible d’éradiquer la pauvreté. Les média suisses sont y pour beaucoup, donnant largement écho aux exemples de mésutilisation des fonds publics affectés à l’aide.
22Au niveau des sphères politiques, le tableau est tout aussi contrasté. Dans son ensemble, le parlement est favorable au programme d’aide. En 2008, il a par exemple demandé au Conseil fédéral de porter le rapport APD/RNB à 0.5 % pour 2015, proposition soutenue par la Commission consultative (chapitre 3). Un certain scepticisme se manifeste néanmoins aussi à l’égard du soutien budgétaire général compte tenu des risques fiduciaires qui y sont associés. Aux yeux de nombreux parlementaires, la transparence et l’efficacité sont des conditions essentielles, sinon indispensables, à l’accroissement du volume de l’aide. Le parlement réclame en outre une amélioration de la visibilité de l’aide et, partant du principe que le meilleur moyen de l’obtenir est de privilégier l’aide bilatérale, il a plafonné à 40 % la part de l’aide multilatérale dans le crédit-cadre pour 2009-12 ouvert à la DDC pour ses activités de développement dans le Sud.
Mettre l’accent sur la communication autour des résultats
23En 2006, la DDC a élaboré une stratégie de communication au vu de la recommandation formulée dans l’examen par les pairs 2005 de renforcer la communication avec le public (annexe A). Toutefois, avec la réorganisation du DFAE, l’unité de la DDC chargée de la communication extérieure a été intégrée dans la nouvelle unité d’information centralisée mise en place au DFAE en octobre 2008. Cette nouvelle organisation présente à la fois des avantages et des inconvénients : d’un côté, la fonction de communication s’en trouve rapprochée du centre de décision mais, de l’autre, la communication sur les questions de développement risque de perdre en importance dans l’échelle des priorités politiques. Pour éviter qu’il en aille ainsi, il faut préserver plusieurs niveaux de communication : (i) une communication autour d’évènements, nécessitant une action centralisée à l’échelle du DFAE pour garantir la précision et la cohérence, et (ii) une information et une sensibilisation du public, s’inscrivant dans une perspective à plus long terme, dans lesquelles la DDC et le SECO ont un rôle de premier plan à jouer. La petite unité de la DDC chargée de l’éducation à la citoyenneté mondiale et le service d’information du SECO peuvent apporter beaucoup de ce point de vue et il est essentiel à cet égard d’instaurer en eux une bonne collaboration. Le SECO doit veiller à ce que le nouveau concept qu’il a mis au point en matière de communication s’accorde avec la stratégie globale de communication qui organise les activités autour de groupes cibles prioritaires et présente des messages clés centrés sur les résultats.
24Un certain nombre d’activités de communication sont menées conjointement, et la DDC et le SECO utilisent désormais un logo commun. Ces actions sont mise en œuvre soit par les deux instances elles-mêmes (avec, par exemple, des conférences thématiques annuelles conjointes pour le Sud et l’Est, ou des rapports annuels, des sites web, des lettres d’information et des conférences de presse conjoints), soit par l’intermédiaire d’organisations de la société civile. C’est ainsi que la DDC soutient la Fondation Éducation et Développement, qui vise à intégrer dans les programmes scolaires une éducation au développement durable s’inscrivant dans une perspective globale. Elle appuie aussi l’initiative Media21 lancée à Genève en 2006 par une équipe de journalistes internationaux en vue d’élargir la couverture par les média des grands défis mondiaux comme le changement climatique.
25À l’instar d’autres donneurs, la Suisse a du mal à trouver un juste équilibre entre le souci de visibilité et le respect des obligations liées à l’application des principes de l’efficacité de l’aide. Jusqu’à présent, sur le terrain, le premier ne semble pas porter atteinte à l’efficacité de son action (annexes D et E). Une vision à plus long terme de la communication autour de l’efficacité du développement ne s’en impose pas moins pour renforcer le soutien accordé au principe d’efficacité de l’aide. Il faut notamment mettre plus systématiquement l’accent sur les résultats, entre autres en renforçant la reddition de comptes sur l’impact de l’aide et son suivi, en insistant sur les délais nécessaires à l’obtention de résultats dans le domaine du développement. Dans le même temps, les messages ne doivent plus tourner autour des résultats « attribuables » à la Suisse grâce à des projets isolés mais autour de la « contribution » apportée par celle-ci aux résultats du développement dans le cadre de partenariats. Le rapport de 2008 sur l’efficacité de leurs interventions dans le secteur de l’eau (DDC/SECO, 2008a) offre un bon exemple des efforts actuellement déployés dans ce sens.
Considérations à prendre en compte pour l’avenir
- S’il faut reconnaître que les questions d’équité sont abordées dans les programmes-pays, la Suisse n’en pourrait pas moins faire plus expressément de la lutte contre la pauvreté, y compris le souci d’équité et de durabilité, l’objectif suprême de toutes les composantes de son action de coopération pour le développement.
- La Suisse doit continuer de renforcer la cohésion stratégique de son programme d’aide, en réduire le nombre de thèmes et mieux y intégrer les questions transversales. Elle devrait mettre à profit le rapport annuel sur l’égalité entre hommes et femmes pour opérer un suivi attentif de la mise en œuvre de sa politique en la matière.
- Au vu de la longueur de la liste de ses domaines d’intervention, la Suisse devrait redéfinir son avantage comparatif au cas par cas, en tenant compte des vues et priorités du pays partenaire, des activités des autres donneurs et de sa propre expérience.
- Il demeure indispensable de redoubler d’efforts pour sensibiliser et jauger l’opinion publique, ce qui nécessite non seulement une information au jour le jour mais aussi une vision à plus long terme de la communication autour du développement. La Suisse doit rendre systématiquement compte des résultats du développement et les faire connaître en insistant sur le fait que le moyen le plus efficace d’en obtenir est habituellement d’œuvrer en partenariat avec d’autres acteurs.
Notes
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Des études de l’impact de l’APD sur l’économie helvétique ont été réalisées en 1994, 1998, 2002. et 2006. Selon les années, le coefficient multiplicateur associé à un franc d’APD oscille entre 1.40 et 1.79. Environ 20 000 emplois sont directement ou indirectement liés à l’aide au développement (DDC, 2006a).