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Article de revue

Chapitre 12. Mesurer les droits économiques et sociaux pour en demander compte aux gouvernements

Pages 207 à 228

1De longue date, élaborer des outils de suivi rigoureux est un défi pour les ONG spécialisées dans les droits de l’homme et travaillant sur les droits économiques et sociaux. L’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels contraint chaque État partie à prendre des dispositions pour « parvenir de façon progressive à la pleine réalisation des droits » dans « la mesure des ressources disponibles ».

2En même temps, les gouvernements ont aussi diverses obligations immédiates. Les Observations générales 3 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels stipulent que soit à tout le moins garantie la satisfaction de « niveaux fondamentaux minimum » d’accès à des denrées alimentaires de base, des soins de santé élémentaires, l’éducation primaire et d’autres besoins. Ceci implique également l’obligation de garantir l’exercice des droits sans discrimination et de prendre des mesures réfléchies, concrètes et ciblées pour protéger les membres les plus vulnérables de la société.

3Par conséquent, tout suivi approprié des droits économiques et sociaux doit prendre en compte la disponibilité des ressources et la notion de « réalisation progressive » de ces droits, tout en fournissant une évaluation de la conformité avec les obligations minimales immédiates. Cela requiert des outils quantitatifs et des capacités d’analyse qui ne font habituellement pas partie de l’arsenal des organisations spécialisées dans les droits de l’homme (on relevera, parmi quelques exceptions remarquables, le travail de plusieurs ONG qui évaluent les droits économiques et sociaux en recourant à l’analyse de budgets, telles que Fundar au Mexique, le Children’s Budget Project de l’Institute for Democracy en Afrique du Sud, l’ICEFI au Guatemala et le DISHA en Inde, ainsi que l’utilisation de l’épidémiologie dans les recherches conduites par Physiciens for Human Rights).

Ce chapitre a été rédigé par Eitan Felner
Directeur exécutif du Centre des droits économiques et sociaux
L’auteur tient à remercier Edward Anderson, de l’Université de East Anglia, pour ses questions stimulantes sur des notions clés liées aux droits de l’homme ; Jeremy Perelman, du CESR, pour son assistance précieuse dans le travail de recherche; ainsi qu’Ignacio Saiz et Sally-Anne Wayn, du CESR, pour les innombrables conversations et leur commentaires rédactionnels.

4C’est dans cette optique que le Centre des droits économiques et sociaux (CESR) s’est penché sur l’élaboration d’outils quantitatifs afin de renforcer le suivi et la défense des droits économiques et sociaux. Ce document présente un projet de développement de tels outils.

Utilisation d’indicateurs pour le suivi des droits économiques et sociaux

5Ces dernières années, l’apport des indicateurs pour le suivi des droits de l’homme est de plus en plus reconnu. L’utilisation d’indicateurs était à l’ordre du jour de nombreuses conférences universitaires internationales et une multitude d’articles lui ont été dédiés. Entre-temps, les organismes et instances des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme ne cessent d’inciter à produire et utiliser des indicateurs et plusieurs initiatives ont vu le jour pour mettre en pratique ces indicateurs pour mesurer les droits de l’homme (voir l’étude de la littérature de Fasel et Malhotra, 2005).

6Aujourd’hui, l’intégration d’indicateurs dans le domaine des droits de l’homme se manifeste de plusieurs façons, traduisant à la fois des différences conceptuelles et méthodologiques et, plus encore, la diversité des objectifs visés par chaque initiative. Dans le champ des droits économiques et sociaux, comme dans d’autres, les indicateurs et les données sont souvent utilisés avec plusieurs objectifs et par plusieurs utilisateurs, organismes ou individus. Bref, il n’y a pas une seule bonne méthode pour utiliser les indicateurs de suivi des droits de l’homme, dans la mesure où chaque utilisateur, selon ses motivations, peut utiliser les outils à sa disposition de différentes façons (voir Chapitre 1).

7Par exemple, les outils quantitatifs choisis par un organe conventionnel de protection des droits de l’homme pour examiner la conformité avec une convention internationale seraient sans doute très différents de ceux préférés par une agence de développement international cherchant à évaluer la progression des droits de l’homme dans différents pays, afin de déterminer les secteurs prioritaires d’aide. En outre, l’utilisation d’outils quantitatifs par un gouvernement cherchant à inscrire les principes des droits de l’homme dans ses politiques publiques serait très différente de celle qu’en ferait une ONG de promotion des droits de l’homme, qui tente de dénoncer, voire de jeter l’opprobre sur un gouvernement refusant d’adopter des politiques conformes à ses obligations en matière de droits de l’homme.

8Le CESR, en tant qu’organisme de promotion des droits, s’intéresse principalement aux outils de développement permettant à plusieurs acteurs (organes de l’ONU, agences de développement et ONG) de contraindre les gouvernements, en particulier les plus récalcitrants, à prendre leurs responsabilités quant aux violations des droits économiques et sociaux. Même si la collecte et l’analyse des données peuvent prendre beaucoup de temps et si la démarche peut sembler trop académique et éloignée des préoccupations immédiates de l’action, les indicateurs peuvent s’avérer des outils de promotion très efficaces pour traiter les questions de non-conformité à l’échelle gouvernementale (PNUD, 2000). En outre, les outils quantitatifs actuellement développés par le CESR sont principalement conçus pour renforcer le suivi, ce qui pourrait accroître l’efficacité des initiatives de promotion. Cependant, nous espérons que ces outils seront utiles à d’autres utilisateurs et serviront d’autres objectifs.

9Les indicateurs quantitatifs ne suffisent pas à décrire la jouissance d’un droit. Les droits de l’homme présentent de nombreuses dimensions non-quantifiables, qui ne dépendent pas exclusivement d’un meilleur accès au logement ou du nombre de cliniques et d’enseignants, mais de la façon dont ces biens et services sont fournis, des cibles qu’ils atteignent, de leurs implications et de l’éventuelle participation au processus de prise de décision par les personnes directement concernées (Rubenstein 2004). Ainsi, pour mettre en place un mécanisme de suivi rigoureux, il convient de combiner des outils quantitatifs et une recherche qualitative basée sur des méthodologies élaborées par des experts des droits de l’homme (voir Chapitres 1, 10 et 11).

Une priorité : la responsabilité en cas de privations évitables

10Il est communément admis par les experts en droits de l’homme et en développement que l’une des principales contributions des droits de l’homme au développement est la priorité donnée à la responsabilité (Sen, 2000 ; Robinson, 2005). Cependant, on omet souvent de préciser la responsabilité dont il s’agit et l’identité du responsable.

11Pour de nombreuses raisons, des millions de gens dans le monde sont privés de l’accès à l’éducation de base, aux soins de santé, à un toit et à l’alimentation. Lorsqu’il s’agit de catastrophes naturelles, de pénurie des ressources matérielles ou des moyens techniques, la responsabilité ne peut être directement rejetée sur personne en particulier. Cependant, si l’on privilégie une approche relative aux droits de l’homme, on constate que les privations à grande échelle sont rarement inévitables. En fait, elles sont fréquemment générées ou exacerbées par l’absence de volonté politique de certains acteurs, qu’il s’agisse des gouvernements nationaux, des institutions financières internationales ou des pays développés.

12Par exemple, lorsque nous revendiquons le droit à un enseignement primaire gratuit, nous voulons dire que c’est quelque chose à laquelle nous avons tous droit. Par conséquent, si quelqu’un n’y a pas accès alors que ce problème est évitable, c’est qu’il y a quelque part un coupable dans le système social (Sen, 2000). Une approche relative aux droits de l’homme se concentre sur la responsabilité des institutions compétentes lorsque celles-ci n’ont pas réussi à empêcher ou corriger une privation évitable, quels qu’en soient les facteurs : discrimination, corruption, abus de pouvoir ou indifférence délibérée des élites politiques et économiques.

13Si l’on présente les restrictions budgétaires des services sociaux ou les politiques discriminatoires comme étant des facteurs de privation pour de larges segments de la population, les problèmes liés à la pauvreté peuvent être traités comme étant le résultat d’actions (ou inactions) intentionnelles de gouvernements ou d’autres acteurs influents. La créativité et la valeur ajoutée des réseaux internationaux de promotion des droits de l’homme consistent à identifier des « parts d’intentionnalité » permettant d’aborder les problèmes structurels (Keck et Sickink, 1998).

Efficacité des efforts gouvernementaux : questions structurelles et institutionnelles

14Le défi consiste à trouver le moyen de déterminer si les gouvernements ont fait leur possible, en toute bonne foi, pour faire respecter les droits économiques et sociaux de ceux vivant dans leur juridiction. Par conséquent, il convient de développer des outils permettant d’identifier les cas de privation évitable dans lesquels les politiques gouvernementales, bien que n’étant pas nécessairement le facteur déclanchant du problème, jouent un rôle déterminant.

Aller au-delà des indicateurs

15La majorité de la littérature actuelle sur l’utilisation des données quantitatives pour le suivi des droits économiques et sociaux est constituée soit d’appels abstraits à utiliser des indicateurs quantitatifs, soit de listes d’indicateurs. Il est étonnant que très peu d’études aient été consacrées à la façon d’utiliser ces indicateurs pour évaluer la conformité du gouvernement avec ses obligations spécifiques en matière de droits de l’homme.

16Des initiatives lancées récemment par divers organes des droits de l’homme des Nations Unies ont permis de constituer un ensemble d’indicateurs de conformité avec les normes relatives aux droits économiques et sociaux. Dès 1990, Danilo Türk, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, a souligné que, « si l’on ne dispose pas d’un dispositif de mesure fondé de quelque façon sur des données statistiques, l’on peut difficilement obtenir une image globale traduisant le degré de réalisation de ces droits » (Türk, 1990). Plus récemment, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a élaboré un ensemble d’indicateurs destinés à examiner la conformité avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir Chapitre 10). En outre, les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies se sont attelés à l’élaboration d’indicateurs clés correspondant à leur secteur de travail, parmi lesquels se trouvent des indicateurs permettant de suivre le droit à l’éducation ou le droit à la santé (voir par exemple Tomaševski, 2002 ; Hunt, 2006).

17Les organes régionaux qui examinent la conformité avec les droits de l’homme ont également commencé à explorer l’utilisation potentielle d’indicateurs dans leur travail. Ainsi, la Commission inter-américaine des droits de l’homme (CIDH) a récemment planché sur un rapport axé sur la mesure de la progression des droits économiques, sociaux et culturels à l’aide d’indicateurs quantitatifs (voir Inter-American Commission, 2007).

18Pour l’heure, ces initiatives onusiennes et régionales se sont concentrées principalement autour de trois priorités : (1) définir un cadre conceptuel pour l’élaboration et la sélection d’indicateurs de droits de l’homme, enmarquant la différences entre ceux-ci et des indicateurs de développement; (2) définir une typologie des indicateurs de droits de l’homme, faisant la distinction entre les indicateurs de structure, de processus et de résultat; et (3) proposer plusieurs ensembles d’indicateurs associés à des droits spécifiques. Cependant, à ce jour, le système des droits de l’homme des Nations Unies n’a pas réalisé de progrès significatifs pour intégrer les indicateurs proposés dans le travail de ces différents organes de suivi.

19Il ne suffit pas de proposer un ensemble d’indicateurs pour qu’ils contribuent au suivi des obligations d’un État en matière de droits économiques et sociaux : il faut aussi élaborer un cadre intégrateur. De la même façon qu’il ne suffit pas d’avoir la liste des courses pour confectionner un repas, une liste d’indicateurs des droits de l’homme ne suffit pas à évaluer la conformité. Tout comme en cuisine, il faut avoir des recettes, c’est-à-dire un ensemble d’outils analytiques qui aident à combiner et à analyser les indicateurs.

20En l’absence de ces outils, n’importe quel ensemble d’indicateurs de droits de l’homme ne suffirait pas à évaluer les multiples dimensions des obligations des États en matière de droits économiques et sociaux, ce qui comprend le suivi de la « réalisation progressive » des droits dans la mesure des ressources disponibles, l’identification des obstacles bloquant la réalisation, la vérification du degré de respect d’un « seuil minimal » de droits et des défauts des États dans le respect d’« un ensemble minimal d’obligations », et enfin l’analyse des disparités dans les résultats sociaux et économiques pouvant être interprétées comme une forme de discrimination.

21Sans de tels outils servant à analyser les différents indicateurs, il est impossible d’établir si les obligations des États en matière de droits de l’homme sont respectées : les indicateurs ne sont alors pas utilisés de façon claire et il est possible qu’ils soient mal utilisés ou encore ignorés par les promoteurs des droits de l’homme. Tel que l’affirment Michael Ignatieff et Kate Desormeau, « même lorsque des données pertinentes sont disponibles pendant une période donnée, nous ne savons pas forcément comment les interpréter et comment les utiliser pour échafauder notre argumentaire en matière de droits de l’homme. De nombreux praticiens hésitent sur la façon de conduire leurs études, tandis que d’autres ne savent pas forcément où trouver des statistiques pertinentes ni quoi en faire une fois qu’ils les ont trouvées ». (Carr Center for Human Rights Policy, 2005).

Dimensions des obligations des États en matière de droits économiques et sociaux

22Le CESR a donc décidé de franchir cette étape et d’aller au-delà de la collecte d’indicateurs, afin d’élaborer un ensemble d’outils analytiques et méthodologiques constituant un cadre (ou recette, pour rester dans la métaphore gastronomique) qui nous aide à comprendre comment les indicateurs mesurent les initiatives du gouvernement en vue à réaliser les droits économiques, sociaux et culturels. Ce projet n’impose pas de concevoir de nouveaux outils méthodologiques, mais d’adopter (le cas échéant, d’adapter) pour le suivi des droits de l’homme des outils employés par les experts et la communauté du développement.

23Le CESR se concentre premièrement sur les dimensions des obligations gouvernementales pouvant être identifiées et évaluées de façon critique par le biais d’outils socioéconomiques et de méthodes quantitatives. Il s’agit des domaines suivants : (1) l’obligation de respect et ses éléments constitutifs; (2) l’obligation de satisfaire à des niveaux minimaux de droits; (3) le devoir de tendre progressivement mais rapidement vers la parfaite réalisation des droits, dans la mesure des ressources disponibles; et (4) l’obligation de s’assurer qu’il n’y a aucune discrimination dans la jouissance des droits (en particulier, s’assurer que les allocations de ressources ne sont pas discriminatoires).

24Dans la pratique, ces dimensions sont souvent entremêlées. Une part considérable de la population d’un pays peut se retrouver privée de soins de santé ou d’éducation en raison de son sexe, sa race ou son appartenance ethnique. Or, malgré une croissance des ressources disponibles, un État peut ne pas respecter ses obligations essentielles. Cependant, comme chaque dimension requiert des méthodes de suivi différentes, elles doivent être traitées indépendamment.

25Ce travail cherche également à donner un peu plus de substance à ces concepts, de sorte qu’ils puissent être traduits plus facilement dans des prescriptions politiques concrètes. L’objectif est de faciliter la mise en œuvre des cadres normatifs élaborés par les organes de suivi des traités des Nations Unies sur les droits de l’homme pour évaluer la conformité avec le droit à la santé, l’éducation, le logement et l’alimentation. Il a également pour but de mesurer les éléments essentiels en termes de droits à la santé et à l’éducation définis par les Commentaires généraux 13 et 14 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies – y compris la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et l’adaptabilité ou la qualité.

Mesure de la « réalisation progressive » à l’aune des ressources disponibles

26Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels oblige les États à prendre des mesures progressives en vue de la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, dans la mesure des ressources disponibles. Ainsi, le traité reconnaît implicitement que les obligations des États ne sont ni uniformes ni universelles, mais qu’elles dépendent du niveau de développement et des ressources disponibles (Chapman et Russell, 2001). Au moment de déterminer le degré des obligations à satisfaire, il convient de prendre en compte la marche de l’économie du pays.

27Ni le Pacte ni le Comité des Nations Unies examinant la conformité des États ne fournissent de recommandations spécifiques ou de points de référence pour juger si la quantité de ressources disponibles permet de réaliser les droits, ce qui complique l’évaluation de l’action des gouvernements.

28La méthode la plus simple pour mesurer la « réalisation progressive par rapport aux ressources disponibles » dans un pays reste de comparer son PIB par habitant (pour avoir une idée des ressources disponibles) dans la durée avec un indicateur social de résultat, tel que les taux d’achèvement du cycle primaire ou de malnutrition chez les enfants (pour avoir une idée de la jouissance de certains aspects d’un droit spécifique). Cette méthode très simple peut s’avérer utile lorsqu’un pays présente une régression de certains de ces indicateurs de résultat pendant une période où il a bénéficié d’une croissance économique significative. Une telle régression dans les indicateurs de résultat concomitante avec une augmentation des ressources globales peut indiquer, de prime abord, qu’un État ne remplit pas ses obligations en termes de réalisation des droits essentiels dans la mesure des ressources disponibles.

29Néanmoins, l’application de cet outil est très limitée. En effet, dans la plupart des cas, les divers indicateurs de résultat attestent une certaine amélioration de la situation dans les pays, même si les progrès sont souvent très lents. Par conséquent, il faut pouvoir s’appuyer sur une méthodologie susceptible de déterminer si le progrès est conforme à l’évolution des ressources ou en retard. Pour mesurer ceci, l’on peut effectuer une comparaison internationale des PIB par habitant ainsi que des indicateurs en matière de santé ou d’éducation, ce qui fournira un point de référence objectif à l’aune duquel on pourra évaluer les performances.

30Sur la base de cette méthode simple, certains auteurs ont avancé qu’il n’était pas pertinent d’utiliser les indicateurs de résultat pour mesurer la qualité de vie dans un État, au motif que dans de nombreux pays, il n’existe pas de corrélation entre le PNB (ou PIB) par habitant et les réalisations dans le secteur de l’éducation ou de la santé (voir Sen, 1999). D’autres sont partis des régressions croisées du PNB par habitant et des indicateurs de résultat de la santé et de l’éducation tels que l’espérance de vie pour identifier les mauvais élèves en termes de besoins essentiels (Stewart, 1985, ch. 4) ou pour « mesurer l’efficacité relative des économies politiques nationales à transformer les ressources matérielles nationales en développement humain » (Moore et autres, 2003).

31Mesurer de façon similaire la réalisation progressive des droits économiques et sociaux pourrait être une première étape vers l’identification de cas aberrants – à savoir des pays qui semblent ne pas faire de progrès en termes de santé ou d’éducation conformes à leurs ressources disponibles. Il peut également s’avérer intéressant de comparer, pour chaque pays, son classement sur la base de l’Indicateur de développement humain (IDH) avec son classement en termes de PNB par habitant. « Pour 26 pays, le classement IDH est inférieur de 20 ou de plus de 20 places au classement en termes de PNB par habitant, ce qui tend à prouver que le potentiel d’amélioration du niveau de développement humain est considérable et qu’ils pourraient dépenser plus intelligemment leurs revenus nationaux » (PNUD, 1991).

32La deuxième étape consisterait à suivre l’évolution de ces cas aberrants au fil du temps, en s’intéressant à la fois au PNB par habitant et à des indicateurs pertinents en matière de santé et d’éducation. Ceci permettrait d’identifier, par exemple, des pays où l’on a enregistré une baisse du taux d’enfants inscrits à l’école primaire pendant une période donnée, en dépit d’une croissance économique.

33Lorsqu’on compare le PNB (ou d’autres informations donnant une idée des « ressources disponibles ») avec les résultats sociaux, la méthodologie doit s’intéresser à d’autres facteurs. Ainsi, en étudiant l’effet de la gouvernance sur la pauvreté, Mick Moore a regardé la densité démographique, suggérant qu’une densité plus élevée facilite une fourniture plus efficace des services (Moore, 2003). Dans une étude similaire, Frances Stewart s’est demandé si l’extraction de pétrole jouait un rôle prépondérant dans le bien-être économique d’un pays (Stewart, 1985).

34Il est évident que ces méthodes quantitatives ne suffisent pas à déterminer si un État viole son obligation de consacrer le maximum de ses ressources disponibles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, elles permettent un travail préliminaire pour déceler des problèmes à explorer plus avant. Dans ce cas, ces méthodes devront être complétées par des études qualitatives contextuelles (ou des études quantitatives basées sur des enquêtes auprès des ménages et d’autres types de données) pour identifier les facteurs contribuant à des situations très complexes (comme quand dans un pays donné, l’on constate une hausse de la mortalité des enfants de moins de cinq ans ou du taux d’enfants n’allant pas au bout de l’école primaire, alors que la situation économique progresse de façon exceptionnelle).

35Au-delà du problème de méthode, il convient d’élucider certaines questions conceptuelles et normatives relatives au sens exact du principe de « réalisation progressive », indispensables à sa mise en œuvre. Par exemple, l’obligation des États, telle que formulée dans le texte du Pacte, est d’assurer la réalisation progressive de droits économiques, sociaux et culturels dans la mesure des ressources disponibles. Mais qu’advient-il si un pays enregistre un ralentissement économique ou une régression de ses résultats économiques ? Dans un tel cas, le pays peut-il justifier le retard dans la réalisation des droits économiques et sociaux par le ralentissement de son économie ?

36La notion de « réalisation progressive » part du principe que le progrès doit s’inscrire dans une continuité et qu’il est n’est jamais acceptable qu’un responsable politique admette de reculer pour mieux avancer plus tard. Si les économistes du développement trouvent normal que la plupart des programmes de développement présentent des dommages collatéraux, que ce soit pour une minorité ou pour la majorité des bénéficiaires à long terme, les analystes des droits de l’homme sont mal à l’aise à l’idée que les bénéfices ne touchent pas tout le monde de façon homogène (Robinson, 2005).

37De la même façon, si le principe de réalisation progressive est mesuré à l’aide d’un indicateur clé en se concentrant sur les seuls changements relatifs (par rapport à la croissance du PNB) dans le temps, doit-on s’attendre à une amélioration plus ténue de l’indicateur pour un pays au PNB élevé mais croissant modérément (comme les États-Unis) et à une amélioration plus conséquente pour un pays au PNB bas mais croissant considérablement (comme le Vietnam) ? Ce dilemme illustre parfaitement le problème posé par l’évaluation de la performance d’un pays en se fondant uniquement sur l’évolution relative de ses indicateurs clés dans le temps.

Mesure de la discrimination dans les politiques publiques

38Le concept de non-discrimination, tout comme celui d’égalité, est un principe fondateur de la législation internationale en matière de droits de l’homme. Il est mentionné dans les articles 2, 3 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que dans les articles 2 et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (voir Encadré 12.1). La non-discrimination constitue une obligation immédiate ne relevant pas de la réalisation progressive et ne dépendant pas des ressources disponibles.

39Concept relativement précis, la non-discrimination ne permet pas d’invoquer l’indétermination des droits économiques, sociaux et culturels pour tempérer les obligations des États. Cependant, malgré la précision de sa définition, la discrimination est difficile à mesurer par des indicateurs et données quantitatives.

40L’approche la plus évidente reste l’analyse de la distribution des dépenses publiques en relation avec les critères de discrimination interdits (par exemple, entre groupes ethniques ou entre hommes et femmes). Nous pouvons, par exemple, chercher à identifier quelle proportion du volume de ressources alloué à un service d’éducation ou de santé est attribuée à un groupe par rapport à un autre. Cette donnée nous fournit une première indication quant à l’identité des groupes faisant l’objet d’une discrimination active du gouvernement au travers de ses dépenses.

41Cependant, les outils quantitatifs destinés à examiner les politiques publiques discriminatoires dans les domaines de l’éducation et de la santé ne peuvent reposer uniquement sur les dépenses étatiques. En effet, si certaines politiques s’avèrent discriminatoires, c’est parfois parce que le gouvernement n’a pas alloué à des programmes de santé ou d’éducation les ressources correspondant à des besoins de certains groupes spécifiques que d’autres groupes n’ont pas. Ce genre de dysfonctionnements ne peut être mis en évidence par une analyse axée exclusivement sur la distribution des dépenses publiques.

42Par exemple, les gouvernements sont coupables de discrimination entre les sexes non seulement quand ils allouent davantage de ressources publiques aux hommes qu’aux femmes pour le même bien (en injectant davantage de fonds pour les garçons que pour les filles dans les écoles, par exemple), mais également quand ils n’accordent pas les crédits suffisants à des services inhérents à la reconnaissance des droits des femmes (par exemple, les services de santé génésique). De la même façon, dans les pays où la contamination par le VIH est associée au comportement sexuel, la stigmatisation de l’homosexualité peut empêcher les gouvernements d’accorder les ressources nécessaires à la lutte contre cette catastrophe sanitaire.

43Cependant, la discrimination dans l’attribution des ressources n’est pas la seule forme d’action publique susceptible d’accentuer les disparités entre les groupes en matière d’éducation et de santé. Comme l’affirment O’Neil et Prion, « avant de pouvoir s’attaquer aux racines discriminatoires de l’inégalité, il faut examiner les processus sociaux, économiques et politiques générant et entretenant les inégalités d’accès aux services, aux biens, aux revenus, au pouvoir et aux opportunités » (O’Neil et Piron, 2003). Ainsi, il convient de s’intéresser aux effets des réformes institutionnelles et des politiques économiques visant à promouvoir une plus grande égalité entre les sexes (King et Mason, 2001), ainsi qu’aux conséquences disproportionnées des politiques d’austérité sur les minorités ou les groupes marginaux.

Inégalité entre les groupes

44Les inégalités persistantes entre les groupes en termes d’accès à la santé ou à l’éducation peuvent également résulter d’une politique de discrimination passée, indépendante des éventuels effets directs d’une discrimination actuelle. Ainsi, l’analyse doit également permettre de détecter des formes indirectes de discrimination, telles que des désavantages socioéconomiques rémanents ou des inégalités dans la distribution du pouvoir, liées aux effets persistants d’une discrimination historique. D’après O’Neil et Piron, « ce type de discrimination indirecte brouille les règles du jeu et empêche la jouissance homogène des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels » (O’Neil et Piron, 2003). Par conséquent, si des divergences dans le salaire peuvent être le reflet d’un niveau de formation différent ou de compétences diverses, ce qui n’est pas une discrimination directe, ces différences de bagage peuvent tout à fait trouver leurs racines dans une forme de discrimination indirecte (c’est-àdire une discrimination passée ayant entraîné des désavantages liés à des facteurs tels qu’une inégalité d’accès aux services).

45Il est également fondamental d’analyser les différences systématiques entre les bénéfices des dépenses publiques reçus par différents groupes socialement, économiquement et politiquement désavantagés, sur des critères de sexe, d’appartenance ethnique, de caste, de minorité linguistique ou une autre caractéristique. Dans ce cas, pour l’évaluation de la discrimination, l’analyse doit porter sur les différences entre ces groupes et non entre les ménages. Cela dit, même si les ménages ne constituent pas l’unité pertinente pour une analyse de la discrimination, il faudra bien s’y référer dans la mesure où de nombreux ensembles de données disponibles, tels que les enquêtes, s’appuient sur les caractéristiques des ménages (voir Chapitre 6). Cela peut poser un grave problème méthodologique lorsque ces ensembles de données ne sont pas ventilés en fonction des groupes sur lesquels porte l’analyse.

Encadré 12.1. Discrimination dans les Pactes internationaux

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que :
Article 2.1: Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
Article 3: Les États parties au présent Pacte s’engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le présent Pacte.
Article 26: Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule que :
Article 2.2: Les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Article 3: Les États parties au présent Pacte s’engagent à assurer le droit égal qu’ont l’homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels qui sont énumérés dans le présent Pacte.

46Étant donné que certaines formes de discrimination sont dues à des politiques qui ignorent les besoins de certaines catégories de personnes, il nous faut prendre en compte les manifestations spécifiques de la discrimination dans ces secteurs et les modalités selon lesquelles elle se perpétue. Cela implique, lors de l’élaboration de modèles d’évaluation des politiques gouvernementales, que nous identifiions des caractéristiques particulières de la demande et de l’offre qui jouent, par exemple, sur l’accès des femmes à l’information en matière de santé sexuelle ou sur l’inscription des populations indigènes dans l’enseignement secondaire. Une méthodologie axée sur la recherche des discriminations intégrerait également le fait que certains besoins en matière de santé et d’éducation ne concernent que les femmes ou les groupes indigènes, comme l’accès aux soins de santé génésique ou à l’enseignement en langue indigène.

47Ainsi, peut-il être utile de s’intéresser au sexe, à la race et à l’appartenance ethnique pour trois raisons importantes : d’abord, compte tenu des disparités sexuelles, raciales et ethniques pesant, à une échelle quasi universelle, sur la jouissance des bénéfices en matière de santé et d’éducation ; ensuite, car ces critères liés à l’identité semblent être ceux qui influent le plus sur la possibilité d’être confronté à la pauvreté (O’Neil et Piron, 2003); et, enfin, en raison de la grande quantité de données disponibles dans ces domaines.

48En parallèle, il conviendrait de s’intéresser aux interactions entre ces trois critères liés à l’identité (Burchardt, 2006). De telles interactions peuvent nous aider à détecter les modèles discriminatoires qui contribuent à certaines de ces inégalités et à définir le type d’interventions politiques que les gouvernements peuvent mettre en œuvre pour éradiquer ces modèles.

49Par exemple, dans un pays où l’on constate que le différentiel dans les taux d’éducation des hommes et des femmes varie d’un groupe ethnique à l’autre, l’on doit chercher à savoir si les institutions culturelles et les croyances des groupes ethniques présentant les disparités sexuelles les plus élevées ne contribuent pas à cette inégalité d’accès à l’éducation entre les hommes et les femmes. Dans ce cas, les interventions que le gouvernement peut mettre en œuvre pour s’attaquer à cette discrimination entre sexes doivent porter sur le changement des attitudes à l’égard des femmes au sein du groupe ethnique en question. Dans d’autres cas, il peut y avoir un lien très étroit entre l’un de ces trois critères liés à l’identité et la pauvreté. Par exemple, les disparités sexuelles tendent à s’accentuer dans les milieux défavorisés (King et Mason, 2001), ce qui impose des interventions publiques différentes pour éradiquer les disparités liées au sexe.

Quelles inégalités ? Indicateurs de résultats et de moyens

50Constater des inégalités de résultat en termes de santé ou d’éducation peut mettre en lumière des problèmes importants, mais ne constitue pas pour autant une preuve de discrimination. Différents facteurs peuvent avoir des résultats très variables selon les groupes sociaux, qui tiennent au style de vie, à des choix personnels ou à la constitution génétique. Dans certains cas, ces disparités surgissent même en dépit des efforts déployés par le gouvernement pour les éliminer. Par conséquent, lorsqu’il s’agit de mesurer la discrimination, nous devrions nous concentrer sur la disparité d’accès, pour différents groupes, aux moyens alloués à la mise en œuvre des politiques, susceptibles d’avoir un effet sur les résultats en matière de santé ou d’éducation.

51Néanmoins, bien que les inégalités attestées par des indicateurs de résultat ne constituent pas une preuve de discrimination, elles demeurent pertinentes pour nos études. Tel que nous l’avons signalé précédemment, nous nous intéressons tout autant à la jouissance des droits qu’aux aspects relatifs aux obligations. En outre, une analyse des indicateurs de résultat sur la durée peut également faire ressortir une inadéquation des moyens politiques actuels (une situation que nous mettons en évidence plus en avant, avec la lente baisse de la malnutrition enfantine en Inde). Enfin, des disparités persistantes dans le degré de jouissance des droits peuvent porter à croire que les politiques ou les pratiques perpétuent ou peinent à éliminer les modèles de discrimination systématique contre certains groupes, instaurés de longue date. Ainsi, elles peuvent faire office de signal d’alarme, suggérant des problèmes potentiels de discrimination qui requièrent une évaluation contextuelle de l’ensemble des données pertinentes et des moyens alloués à la mise en œuvre des politiques.

Écueils conceptuels et méthodologiques

52Elaborer des outils de mesure des différentes formes de discrimination impose de résoudre différents problèmes.

– Mesure de la discrimination raciale ou ethnique

53Très souvent, les ensembles de données disponibles issues des enquêtes auprès des ménages et des budgets publics ne sont pas ventilés par race ou appartenance ethnique. Dès lors, quelles méthodes utiliser pour obtenir les données pertinentes permettant d’instruire un cas de discrimination ? Par exemple, si, dans un pays, il est une région où la majorité de la population appartient à une minorité ethnique et que la région reçoit, en proportion, moins de ressources pour la santé ou l’éducation, est-ce une preuve suffisante pour conclure à une politique discriminatoire ? Peut-on employer d’autres méthodes pour mesurer une discrimination raciale ou ethnique dans les dépenses publiques s’il n’existe pas de données disponibles en la matière ?

– Mesure de la discrimination de sexe

54La mesure de la discrimination entre sexes comporte des problèmes spécifiques car, tel que nous l’avons signalé précédemment, au contraire de la discrimination par groupe ethnique ou racial, elle a lieu souvent au sein des ménages. Si une fillette n’est pas scolarisée parce que ses parents refusent de l’inscrire à l’école, la responsabilité de cela incombe en premier chef aux parents. Cependant, l’État a une part de responsabilité s’il n’a pas engagé de mesures visant à combattre les pratiques discriminatoires contre les femmes au sein des familles, lesquelles découlent souvent d’attitudes et comportements traditionnels (Sen, 2000).

55Dans d’autres situations, la discrimination peut être plus complexe. Ainsi, la décision de n’envoyer que les garçons à l’école lorsque les parents ne peuvent prendre en charge les frais de scolarité de toute leur progéniture peut refléter un certain parti pris, mais il se peut également que l’éducation rapporte davantage aux garçons qu’aux filles sur le plan économique. Dans ce cas-là, même si les parents peuvent être considérés comme directement responsables d’avoir scolarisé les garçons plutôt que les filles, la faute revient également à l’État, coupable de ne pas rendre l’école abordable pour l’ensemble des enfants en supprimant les frais de scolarité, en subventionnant les frais de scolarité des familles démunies, etc.) et de ne pas mettre en œuvre des programmes économiques et sociaux visant à offrir aux femmes les mêmes perspectives professionnelles qu’aux hommes.

56Parfois, les États sont directement responsables de la discrimination de sexe. Par exemple, les gouvernements attribuent souvent aux services dédiés aux femmes (soins obstétricaux d’urgence, par exemple) des ressources insuffisantes en proportion. Des interventions en apparence neutres, mais ayant des effets discriminatoires peuvent également être qualifiées de discriminatoires. Après tout, la définition d’une pratique discriminatoire inclut les actions et les omissions ayant des effets discriminatoires, indépendamment de l’intention première. Ainsi, la construction d’écoles avec toilettes mixtes dans des sociétés traditionnelles peut décourager les parents d’envoyer leurs filles à l’école en raison des coutumes traditionnelles en matière de pudeur.

57Toute méthodologie visant à mesurer la discrimination de sexe devra prendre en compte l’ensemble de ces situations (et éventuellement d’autres), afin d’élaborer des outils efficaces susceptibles de s’adapter aux multiples domaines de responsabilité des gouvernements.

– Concilier le principe d’optimisation des ressources pour la réalisation des droits économiques et sociaux du plus grand nombre, avec le principe d’une attention particulière aux communautés marginalisées

58Peut-on justifier des niveaux variables de prestations sur financement public pour différents groupes par des disparités en termes d’efficacité ? C’est là une question cruciale lorsqu’il s’agit d’évaluer des politiques publiques donnant la priorité aux zones urbaines par rapport aux zones rurales. Par exemple, dans un pays aux ressources limitées, où les populations défavorisées urbaines et rurales se trouvent privées de l’accès aux services élémentaires de santé, il peut être plus efficace de donner la priorité aux populations démunies urbaines (où la densité plus élevée est susceptible d’accroître la portée de l’intervention). D’un autre côté, les populations défavorisées des zones rurales peuvent subir davantage de privations que celles des zones urbaines et leur mobilité sociale est moindre, ce qui exacerbe implicitement les disparités entre zones urbaines et rurales en restreignant l’accès à certains de ces services. Cela change-t-il quelque chose si les indicateurs de résultat ne montraient pas de disparité avant l’intervention politique ? Ce sont là clairement des questions de principe, qui doivent être résolues en référence aux droits de l’homme. Cependant, des méthodes s’inspirant d’autres secteurs professionnels aideraient peut-être à résoudre ces dilemmes.

59Est-il légitime de donner la priorité aux zones urbaines au détriment des zones rurales pour toucher un plus grand nombre de personnes ? Est-on en mesure de faire la part des choses entre la marginalisation régionale (qui, dans cette vue, pourrait être considérée comme légitime) et la discrimination ethnique ou raciale lorsque la population dans des zones rurales appartient à certaines minorités ?

Méthodes et outils de mesure

60Afin d’identifier et de mesurer les nombreuses formes de discrimination décrites ci-dessus, il est indispensable de créer un nouvel ensemble d’outils quantitatifs. Cependant, les méthodes actuellement utilisées par les économistes et autres spécialistes en sciences sociales pour analyser les questions de développement peuvent tout à fait s’appliquer.

61Tout d’abord, par exemple, nous pourrions explorer les diverses méthodes proposées dans la littérature consacrée à la mesure des inégalités entre les groupes (ex. : Stewart et al., 2005 ; Justino, 2005 ; Justino et al., 2004 ; Roemer, 1998 ; Bourguignon et al., 2003). La littérature existante présente également plusieurs outils de mesure de l’inégalité entre les sexes (ex. : PNUD, 1995 ; Dijstra et Hanmer, 2000). En outre, on pourrait examiner la pertinence d’un nouvel outil élaboré par le Centre de développement de l’OCDE : la base de données Égalité homme-femme, Institutions et Développement (EID, accessible sur le site www.oecd.org/dev-fr), « qui recense et analyse les obstacles au développement économique des femmes. Elle couvre 162 pays et comprend une série exhaustive de 50 indicateurs sur diverses sources de discrimination sexuelle. Sa véritable valeur ajoutée réside dans l’intégration novatrice de variables institutionnelles, allant du comportement au sein des ménages aux règles sociales, qui sont à l’origine d’une discrimination endémique dans les pays pauvres. Il s’agit notamment des mariages précoces (principalement forcés), des mutilations génitales et des restrictions à l’héritage ainsi qu’aux droits de propriété » (voir Jutting et autres, 2006).

62Deuxièmement, afin de mesurer les facteurs politiques jouant sur les inégalités horizontales, nous pourrions appliquer différents outils déjà utilisés dans le secteur du développement, tels que l’analyse coûts/bénéfices, les enquêtes sur les dépenses publiques, la cartographie de la pauvreté, ou l’analyse des budgets. Il convient d’examiner les utilisations habituelles de chacun de ces outils et de s’assurer qu’ils puissent être employés pour mesurer des modèles de discrimination.

63En ce qui concerne l’analyse des budgets, nous pouvons nous inspirer de l’expérience de l’analyse des programmes de dépense publique du point de vue des droits de l’homme (International Budget Project; voir Elson, 2006, section II). Des analyses significatives des budgets du point de vue du sexe ont également été menées, dont un travail de suivi des budgets gouvernementaux alloués à la mise en conformité avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Elson, 2006).

Mesure des obligations fondamentales minimales

64Le concept d’« obligations fondamentales minimales » a été proposé par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour pallier au fait que dans le Pacte les obligations des États étaient trop vagues et trop sujettes aux ressources disponibles pour permettre l’identification de violations évidentes. Le Comité a émis l’idée d’un seuil de droit intangible devant être garanti à l’ensemble des personnes et en toutes circonstances. Aucun État n’est autorisé à passer en dessous de ce niveau, même en cas de conditions défavorables et indépendamment des ressources (voir Encadré 12.2).

Encadré 12.2. Obligations minimales des États

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels “est d’avis que chaque État partie a l’obligation fondamentale minimale d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits. Ainsi, un État partie dans lequel, par exemple, nombreuses sont les personnes qui manquent de l’essentiel, qu’il s’agisse de nourriture, de soins de santé primaires, de logement ou d’enseignement, est un État qui, à première vue, néglige les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. Le Pacte serait largement dépourvu de sa raison d’être si de sa lecture ne ressortait pas cette obligation fondamentale minimale. (…) Pour qu’un État partie puisse invoquer le manque de ressources lorsqu’il ne s’acquitte même pas de ses obligations fondamentales minimales, il doit démontrer qu’aucun effort n’a été épargné pour utiliser toutes les ressources qui sont à sa disposition en vue de remplir, à titre prioritaire, ces obligations minimales” (Observation générale 3, paragraphe 10, voir UN-HRI, 1990b).

65Le concept d’obligations fondamentales minimales est un garde-fou important contre le risque de voir des gouvernements complaisants fuir leurs responsabilités en mettant des niveaux extrêmes de privation sur le compte des contraintes économiques tout en promettant de faire mieux quand les ressources le permettraient. Mais quelle est la véritable utilité de ce terme dans la pratique, en tant qu’instrument d’orientation de la prise de décision ? Peut-il être affiné et étoffé à la lumière des réflexions les plus récentes sur les capacités humaines et la quête d’un socle de normes universelles pour les questions de santé et d’éducation ? (Buchanan, 1984 ; Acharya, 2004/2005). Ou bien le concept est-il tellement ambigu qu’il ne peut en pratique être rendu opérationnel, dans un contexte mondial caractérisé par la réduction des budgets publics et des compromis de plus en plus restrictifs en matière de politiques ? Quels outils nous proposent les sciences sociales pour quantifier les obligations fondamentales minimales et vérifier leur bon accomplissement ?

66Le Comité des Nations Unies a élaboré les concepts de contenu fondamental minimal des droits, et d’obligations fondamentales minimales, pour deux raisons liées : (1) le besoin de contourner les difficultés inhérentes à l’évaluation de la réalisation progressive ; et (2) les craintes que le contenu de l’article 2.1 du Pacte (en particulier le concept de « réalisation progressive » et la subordination des obligations à la disponibilité des ressources) ne constitue une échappatoire pour les États affichant des résultats déplorables en matière de droits de l’homme, ce qui aurait imposé la définition d’un nouveau plancher. Cette obligation fondamentale minimale reconnaît que des éléments des droits économiques, sociaux et culturels créent un devoir immédiat du côté de l’État et ne relèvent pas de la réalisation progressive.

67Le terme « obligations fondamentales minimales » renvoie aux actions qu’un État doit mettre en place de façon immédiate pour réaliser les éléments essentiels d’un droit, qui requièrent un traitement prioritaire. Un État peut prétendre qu’il lui est impossible de respecter ces obligations fondamentales minimales, mais dans ce cas, la charge de la preuve lui revient.

Privations élémentaires considérées comme des violations des obligations fondamentales minimales

68Devant l’incapacité de nombreux États et de la communauté internationale en général à prendre les mesures qui s’imposent pour lutter contre des niveaux catastrophiques de pauvreté, d’inégalité et de privation, de nouvelles initiatives devront être conduites pour montrer dans quels cas et de quelle façon ces phénomènes peuvent être liés à des actions ou à des omissions spécifiques dans les politiques publiques, et dans quelle mesure ils peuvent être considérés comme des violations des obligations internationalement reconnues en matière de droits de l’homme.

69Àmoins que le respect de ces obligations fondamentales ne devienne une priorité politique urgente et que les gouvernements ne doivent rendre compte des efforts entrepris pour s’y conformer, des générations entières sont condamnées à vivre dans la misère et l’indigence. Par exemple, en Inde, « si les chiffres de la malnutrition infantile continuent de baisser au rythme très lent de 1 % par an, cela prendra quarante ans avant d’atteindre le niveau de malnutrition actuel de la Chine » (Dreze, 2005).

Mesurer les résultats ou les facteurs ?

70Les organismes spécialisés dans le développement recourent principalement à des indicateurs socioéconomiques pour mesurer les conditions de vie et pour évaluer dans quelle mesure les États ont amélioré leur niveau de développement. Les résultats jouent eux aussi un rôle crucial pour la mesure des droits de l’homme, qui constituent un objectif très recherché. D’un point de vue méthodologique, les indicateurs de résultat représentent la première étape du processus de suivi, puisqu’ils permettent d’identifier les privations évitables les plus notables. Cependant, pour les organismes spécialisés dans les droits de l’homme, l’utilisation d’indicateurs statistiques ne saurait servir à cela. Tel que nous l’avons souligné ci-dessus, l’objectif du cadre des droits de l’homme est de contraindre les gouvernements à répondre des politiques et des priorités qu’ils ont mises en œuvre. Ainsi, « pour rendre compte des autres aspects des droits de l’homme et créer des outils visant à définir des moyens d’action et de pression, nous avons besoin d’indicateurs susceptibles de faire naître une culture de la responsabilité et de la reddition de comptes » (Rapport mondial sur le développement humain, 2000).

71Voilà pourquoi nous devons nous focaliser sur les facteurs, qui permettent d’évaluer dans quelle mesure les gouvernements respectent leurs obligations en mettant tout en œuvre pour assurer au plus grand nombre l’accès aux biens, services et ressources considérés comme essentiels pour éviter que les populations tombent en deçà des seuils.

72En conséquence, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels semble avoir compris que les obligations fondamentales minimales concernent principalement les facteurs, comme l’accès à des denrées alimentaires de base ou à des soins de santé primaires (voir l’Observation générale 3, l’Observation générale 13 sur l’éducation et l’Observation générale 14 sur le droit à la santé, qui décrivent également les obligations fondamentales en termes de facteurs indispensables).

73Ainsi, dans le suivi des droits de l’homme, même si nous nous intéressons à la jouissance effective de l’objet des droits – optique du titulaire du droit -, le principal objectif reste de vérifier si les États (et peut-être d’autres responsables) respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme – optique de l’obligation liée au droit (Raworth, 2001).

74Au-delà de ces problèmes normatifs, l’utilisation d’indicateurs de résultat en tant que base de travail pour le suivi des obligations fondamentales minimum pose quelques problèmes méthodologiques. En effet, le résultat que l’on cherche à mesurer est souvent évident, mais sa mesure peut poser de grandes difficultés. C’est le cas par exemple de la mortalité maternelle, dont la mesure, selon les organismes internationaux compétents, soulève les trois problèmes méthodologiques suivants : (1) la relative rareté des décès maternels ; (2) une sous-déclaration considérable des décès maternels dans la plupart des pays en développement ; et (3) un grand nombre de décès maternels déclarés comme ne correspondant pas à cette catégorie (OMS, UNICEF et FNUAP, 1997).

75Même si la mesure d’un indicateur n’est pas problématique, il s’avère souvent difficile d’établir un seuil minimal de jouissance en deçà duquel on considère qu’un pays est en train de violer ses obligations fondamentales minimales. Par exemple, il peut être ardu de déterminer un taux d’analphabétisme traçant la frontière entre le respect et la violation des obligations fondamentales minimales. À première vue, on serait tenté de dire que tout taux d’analphabétisme inférieur à 100 % constitue une violation des obligations fondamentales minimales, mais dans la pratique, un tel seuil serait prohibitif pour les États, en particulier dans les pays en développement.

Encadré 12.3. Caractériser un bien en tant que droit

Caractériser un bien en tant que droit a été illustrée par Philip Alston, ancien Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels :
« Si l’on nous dit que les fillettes ont un accès très limité à l’éducation primaire dans un pays particulier, que ce soit le Népal, le Pakistan, l’Afghanistan ou tout autre pays, ou bien que, malgré une parfaite égalité d’accès, seules quelques fillettes sont effectivement scolarisées, faut-il dire « Il s’agit d’une violation évidente de leur droit à l’éducation » ? Ou bien, faut-il dire « C’est très dommage et nous espérons que les programmes sociaux mis en œuvre sur les cinquante prochaines années permettront de résoudre ce problème de telle sorte que leurs arrière petits-enfants puissent en profiter » ? En revanche, si ces mêmes fillettes sont forcées à se prostituer, nous nous déclarerions indignés sur le champ et nous dirions : « Pourquoi rien n’est-il fait pour résoudre ce problème ? Il s’agit d’une violation des droits de l’homme » (Alston, 1997).

76Malgré ces problèmes, les indicateurs de résultat ne doivent pas être écartés pour le suivi des droits économiques, sociaux et culturels en général et des obligations fondamentales minimales en particulier. En fait, ils peuvent servir à identifier de façon empirique des situations d’alerte, pour lesquelles il convient d’approfondir les données relatives à divers facteurs. Par exemple, si un pays X affiche régulièrement des taux d’analphabétisme plus bas ou des taux de mortalité maternelle plus élevés que des pays ayant des caractéristiques similaires (PNB par habitant, par exemple), cela reflète un problème qu’il faut tenter d’explorer, même s’il est impossible de quantifier la portée exacte du problème.

Facteurs relatifs aux obligations fondamentales en matière de santé et d’éducation

77Tel que nous l’avons souligné précédemment, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels formule les obligations fondamentales minimales comme étant des facteurs (inputs). Les premières sources qui sélectionnent des facteurs pertinents sont ses propres Observations générales. Étant donné que l’obligation fondamentale correspondant au droit à l’éducation est de fournir une éducation primaire à tous, les indicateurs pertinents des facteurs directs sont évidents : taux d’inscription à l’école primaire et taux d’achèvement de l’école primaire.

78Dans le cas du droit à la santé, comme nous l’indiquons plus haut, les obligations fondamentales présentent différents degrés de spécificité et certaines ne sont pas aisément quantifiables. Cependant, il peut être assez simple de définir les indicateurs de facteurs spécifiques relatifs à ces obligations fondamentales, comme le fait de fournir les médicaments essentiels, « tel que défini dans le Programme d’action de l’OMS concernant les médicaments essentiels » ; ou le fait de fournir « une immunisation contre les principales maladies infectieuses frappant la communauté ». Mais il existe d’autres obligations fondamentales entrant dans la catégorie des soins de santé (comme « assurer des soins de santé génésique, maternelle – prénatale et post-natale – et pédiatrique » et fournir « les soins de santé primaires essentiels »), qui ne sont pas assez spécifiques pour qu’on puisse évaluer si les états s’y conforment. La législation des droits de l’homme ne spécifie pas le sens de divers mots-clés. Par exemple, les « soins de santé primaire essentiels », l’alimentation adéquate et le logement convenable, ainsi que « le logement » et « l’hygiène » ne sont pas clairement définis. Pour conférer un sens précis à ces concepts et identifier des indicateurs pertinents, il convient de faire confiance aux experts en matière de santé publique, qui ont défini les principaux composants de chacune de ces catégories. Ainsi, AliciaYamin signale que les consignes élaborées par l’OMS, l’UNICEF et le FNUAP pour examiner la disponibilité et l’utilisation des services obstétriques définissent un ensemble d’« indicateurs de processus » qui donnent du sens aux concepts normatifs de disponibilité, d’accessibilité et, dans une certaine mesure, de qualité, énoncés à l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que par les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Yamin, 2005). Les consignes de l’OMS, l’UNICEF et le FNUAP recommandent que les indicateurs spécifiques mesurent la disponibilité et l’utilisation des services obstétriques et établissent des niveaux minimum acceptables pour chacun de ces indicateurs (voir Encadré 12.4).

79En outre, des consignes similaires définissant des indicateurs et les niveaux minimum essentiels des facteurs dans les domaines du droit à la santé (ex : santé de l’enfant) et du droit à l’éducation devraient également être intégrés dans l’ensemble d’outils méthodologiques.

Politiques régressives de dépenses publiques considérées comme une violation des droits de l’homme

80La combinaison entre, d’un côté, une proportion significative de membres du segment le plus pauvre de la population privés des niveaux fondamentaux minimum de droits économiques et sociaux et, d’un autre côté, l’application de politiques régressives de dépenses publiques qui avantagent de façon disproportionnée les secteurs les plus aisés, est très fréquente dans les pays en développement.Tel que le souligne une étude de l’UNICEF, « on dépense davantage pour les soins hospitaliers hautement spécialisés que pour l’assistance sanitaire de base, même si bien des gens n’ont pas accès au dispensaire le plus élémentaire. Cela vaut également pour la priorité continue des dépenses relatives à l’enseignement secondaire et universitaire dans des pays où la plupart des enfants ne terminent même pas cinq ans d’école primaire. » (UNICEF, 1996)

81Il y a douze ans, un rapport de l’UNICEF montrait combien les dépenses publiques équitables ont un rapport étroit avec les résultats globaux. L’UNICEF a étudié la répartition des dépenses publiques pour l’enseignement primaire dans 19 pays. Elle a trouvé que les modèles de dépenses publiques régressifs avaient un impact véritablement frappant en termes de privations de base. Là où le taux net de scolarisation dans le primaire est inférieur à 70 %, on peut constater que les 20 % les plus pauvres de la population bénéficient de moins de 20 % des dépenses publiques pour l’éducation. Au contraire, les pays où ce taux est supérieur à 70 % allouent une part bien plus élevée de l’argent public au cinquième le plus pauvre. Les familles appartenant au cinquième le plus riche peuvent envoyer leurs enfants dans des écoles privées, ce qui explique pourquoi leur « part » des dépenses publiques pour l’éducation est inférieure à 20 %. Cependant, l’équité des financements pour le primaire est plus apparente dans les pays où le taux net de scolarisation est plus élevé (UNICEF, 1996).

82À cette époque, l’UNICEF a identifié une corrélation similaire dans le domaine de la santé. Dans les pays où le taux de mortalité des moins de cinq ans est inférieur à 70 %, les 20 % les plus pauvres de la population ont reçu plus de 25 % des bénéfices des dépenses publiques pour les soins de santé primaire. Le même groupe a reçu moins de 15 % dans les pays où le taux de mortalité infantile est supérieur à 140.

Encadré 12.4. Indicateurs de disponibilité et d’utilisation des services obstétriques

XXX
Indicateur Niveau minimum acceptable Soins obstétricaux essentiels (SOE) : Pour 500 000 personnes, il doit y avoir : Centres SOE de base Au moins 4 centres SOE de base Centres SOE complets Au moins 1 centre SOE complet. Répartition géographique des installations SOE Le niveau minimal du nombre de centres SOE devrait être atteint dans les régions infranationales. Pourcentage de naissances dans les centres SOE de base ou complets Au moins 15 % de l’ensemble des naissances devrait avoir lieu dans des centres SOE de base ou complets. Besoins couverts pour SOE : femmes traitées dans des centres SOE par rapport au nombre estimé de femmes souffrant de complications obstétricales Au moins 100 % du nombre estimé de femmes souffrant de complications obstétricales devraient été traitées dans des centres SOE. Pourcentage de césariennes par rapport au total des naissances Ni inférieur à 5 % ni supérieur à 15 % par rapport à l’ensemble des naissances. Taux de létalité obstétricale : décès parmi les femmes souffrant de complications obstétricales dans les centres SOE Le taux de létalité chez les femmes souffrant des complications obstétricales dans les centres SOE devrait être inférieur à 1 %.
Source : OMS, UNICEF et FNUAP : Guidelines for Monitoring the Availability and Use of Obstetric Services

83Si l’on tient compte d’éléments empiriques sur l’impact que les modèles de distribution des dépenses publiques en matière de santé et d’éducation de base ont sur l’aptitude d’un pays à garantir la satisfaction des niveaux fondamentaux minimaux de chacun des droits économiques et sociaux de l’ensemble de la population, l’on peut en conclure que les politiques régressives de dépenses publiques en matière d’éducation ou de santé (c’est-à-dire, le fait de dépenser davantage pour l’éducation tertiaire que pour l’éducation primaire, alors qu’une large part de la population est privée d’éducation primaire) constituent une violation des obligations fondamentales minimales. Par conséquent, l’identification des modèles régressifs de dépenses publiques permet également d’évaluer si un gouvernement met tout en œuvre pour utiliser l’ensemble des ressources à sa disposition pour satisfaire, à titre prioritaire, ses obligations fondamentales minimales.

84Tel que l’a souligné Philip Alston, dans un pays aux ressources très restreintes, la maxime selon laquelle « la pauvreté représente un déni des droits de l’homme » s’avère valable en termes juridiques si le gouvernement « n’a pas tout mis en œuvre pour améliorer la situation et a décidé, à la place, de consacrer des ressources limitées à d’autres objectifs qui ne concernent pas directement la réalisation des droits élémentaires » (Alston 2005). C’est exactement ce qui advient dans de nombreux pays pauvres, où les habitants les plus démunis n’ont accès ni aux soins de santé élémentaires ni à l’éducation de base, alors que l’État alloue la plupart de ses dépenses publiques aux plus riches.

Impact des politiques macroéconomiques sur les droits économiques et sociaux

85Pour évaluer si les gouvernements ont réellement tout mis en œuvre pour satisfaire à leurs obligations en matière de droits économiques et sociaux, l’analyse des politiques publiques portant sur des secteurs sociaux spécifiques, tels que la santé ou l’éducation, ne suffit pas : il est également nécessaire d’analyser pourquoi une politique d’État et les multiples facettes qui la composent échouent à prendre en compte les droits fondamentaux de la population, notamment des groupes défavorisés.

86L’une de ces facettes concerne la politique fiscale du pays : recettes collectées et structure du système de fiscalité. Il convient par ailleurs d’analyser les modalités d’affectation des dépenses publiques aux programmes sociaux. À cet égard, il sera utile d’adapter et d’utiliser les différents taux proposés par le PNUD pour définir et suivre les dépenses publiques affectées au développement humain (PNUD, 1991 ; PNUD, 1996). Par exemple, la comparaison du « taux des dépenses publiques » (part du PNB consacré aux dépenses publiques) avec le « taux des dépenses sociales » (part des dépenses publiques consacrées aux services sociaux) et avec le « taux des priorités sociales » (part des dépenses sociales consacrées aux questions prioritaires en matière de développement humain) est, parmi d’autres, l’un des outils permettant d’identifier les défaillances du système de dépenses publiques.

87Les politiques macroéconomiques ont aussi un impact significatif sur la capacité des populations à acquérir des biens et services de base. Bien souvent, il n’existe pas de dispositions légales ou réglementaires nationales et internationales en mesure d’éviter les carences systémiques prévisibles. La malnutrition et d’autres formes de carence sont généralement « systémiques », c’est-à-dire qu’elles résultent de la conjonction de nombreux facteurs souvent accidentels et imprévisibles, aucun d’entre eux n’étant directement à l’origine du fléau (Shue, 1996). Par conséquent, pour garantir le respect des droits économiques, sociaux et culturels, il ne suffit pas toujours de fournir des produits de base à la population, mais il faut surtout éviter qu’elle en soit privée ou mettre en place les moyens nécessaires pour qu’elle puisse les cultiver, les fabriquer ou les acheter.

88L’exclusion de certains groupes de l’accès aux services ou ressources mis à disposition par l’État résulte donc d’un ensemble de facteurs structurels et institutionnels. Ainsi que le souligne Pogge, « dans le monde moderne, les règles régissant les transactions économiques – aux niveaux national et international – sont les déterminants les plus importants de l’incidence et de l’ampleur de la pauvreté. Ils sont les plus importants en raison de leur fort impact sur la répartition économique au sein de la juridiction à laquelle ils s’appliquent. De ce fait, des ajustements même mineurs dans les lois nationales sur la fiscalité, les conditions de travail, la sécurité sociale et l’accès à la santé et à l’éducation peuvent avoir un effet plus significatif sur la pauvreté que des changements relativement conséquents dans la politique d’une grande société ou dans les habitudes individuelles de comportement économique » (Pogge, 2003).

89À une époque où l’interdépendance des économies mondiales va croissant, les politiques et institutions macroéconomiques ont un impact considérable sur la capacité des pays du Sud à garantir le respect des droits économiques et sociaux des populations pauvres et marginalisées. Par exemple, une étude sur les structures des dépenses publiques de 17 pays en développement a démontré que le fardeau de la dette qu’ils supportent correspond en moyenne à 23,6 % des dépenses publiques, soit davantage que la part moyenne (12,3 %) des dépenses publiques consacrées par ces pays aux services sociaux de base (Harrington et autres, 2001).

90Ainsi, ces facteurs structurels et macroéconomiques devront être pris en compte. Il conviendra également d’analyser le rôle joué par les pays développés, les institutions financières internationales et les sociétés multinationales dans les décisions et mesures prises par les gouvernements locaux pour renforcer les droits économiques et sociaux.

Visualiser les droits : un exemple de l’action du CESR

91Dans le cadre de son action pour le renforcement du suivi des droits de l’homme, le CESR a lancé la publication d’une nouvelle collection de fiches d’informations par pays, intitulée Visualising Rights (Visualiser les droits). Ces fiches rassemblent différents indicateurs socioéconomiques issus de sources internationales et nationales : elles proposent une analyse fondée sur les normes internationales en matière de droits de l’homme et présentent les résultats sous une forme graphique innovante.

92L’objectif est de renforcer les capacités de suivi et d’action des organisations de défense des droits de l’homme, notamment des mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme (tels que la revue périodique universelle du Conseil des droits de l’homme ou des organes de suivi des traités de l’ONU), et des ONG.

93Les fiches Visualiser les droits du CESR ne cherchent pas à dresser un panorama exhaustif ni à apporter des preuves du non-respect par les États des obligations définies par les instruments internationaux. Leur finalité est davantage de souligner certains problèmes potentiels, identifiés par une analyse des statistiques à la lumière des différentes dimensions des obligations d’un État quant aux droits économiques et sociaux : il s’agit notamment de son obligation fondamentale de garantir un degré minimal en matière de droits essentiels, de mettre en œuvre progressivement ces droits (conformément à l’engagement d’y consacrer le maximum des ressources disponibles) et d’assurer la non-discrimination et l’égalité de traitement de la population pour l’accès et le bénéfice de ces droits.

94La collection Visualiser les droits du CESR est conçue comme une contribution basée sur les faits à un débat plus ciblé, argumenté et fructueux entre le Comité des Nations Unies et un État donné. Elle a également l’ambition de renforcer les capacités des ONG nationales et internationales à demander des comptes aux gouvernements locaux sur leurs obligations en matière de droits économiques, sociaux et culturels.

95La première fiche de la collection Visualiser les droits était consacrée à l’Inde ; axée sur les droits à l’éducation et à la santé dans ce pays, elle a notamment mis en lumière deux aspects particulièrement préoccupants aux yeux du CESR : le taux élevé de mortalité infantile et divers problèmes spécifiques relatifs à l’enseignement primaire (voir http://www.cesr.org/downloads/India%20Fact%20Sheet.pdf). Cette fiche soulignait entre autres les faits suivants :

  • Faible investissement public dans la santé. En Inde, 2.5 millions d’enfants meurent chaque année, soit un cinquième de la mortalité infantile mondiale (PNUD, 2005). Bien que le pays enregistre l’un des plus forts taux de mortalité infantile d’Asie, son taux de dépenses publiques consacrées à la santé (en pourcentage du PIB par habitant) est l’un des plus faibles de la région (voir Figure 12.1). Le taux de mortalité des enfants indiens de moins de 5 ans est identique à celui du Népal et supérieur à celui du Bangladesh, deux des pays les plus pauvres d’Asie. Pourtant, en dépit de leurs maigres ressources, la part des dépenses publiques consacrées à la santé par habitant y est bien plus forte qu’en Inde.
  • Lente réduction de la mortalité infantile malgré une croissance économique rapide (voir Figures 12.2 et 12.3). Alors que le revenu national de l’Inde a augmenté de 58 % entre 1995 et 2005 – l’un des taux de croissance les plus forts au monde –, la réduction de la mortalité infantile pendant la même période a été l’une des plus faibles de l’Asie du sud. Les mauvais résultats de l’Inde pour la réduction de la mortalité infantile sont encore plus patents lorsqu’on les compare à ceux du Bangladesh, qui a réussi à diminuer significativement le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, et ce, en dépit de moindres ressources par habitant et d’une croissance économique plus faible. Les chiffres le prouvent : si l’Inde avait réduit son taux de mortalité infantile dans les mêmes proportions que le Bangladesh au cours des dix dernières années, le pays aurait évité la mort de 732 000 enfants en 2005 (PNUD, 2005).

Figure 12.1

Figure 12.1

Figure 12.1

Taux de mortalité infantile (des moins de 5 ans) et dépenses publiques par habitant
Source :World Bank 2008 et WHO 2008

Figure 12.2

Figure 12.2

Figure 12.2

Croissance économique rapide, 1995-2005
Source : World Bank 2008

Figure 12.3

Figure 12.3

Figure 12.3

Réduction du taux de mortalité infantile (des moins de 5 ans), 1995-2005
Source : World Bank 2008

Figure 12.4

Figure 12.4

Figure 12.4

Disparité homme-femme d’assiduité à l’école
Note : ces chiffres rapportent le nombre de femmes à celui des hommes Source : UNESCO, 2008.

Figure 12.5

Figure 12.5

Figure 12.5

Réduction des dépenses d’éducation primaire – le coût d’une éducation de qualité
Source : UNESCO 2008

Encadré 12.5. Questions relatives à la responsabilité de l’État

Après avoir réalisé une analyse basée sur les faits de grandes questions relatives au droit à l’éducation et à la santé en Inde, le CESR a suggéré au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies de poser les questions suivantes au gouvernement de cet État partie :
Sur le faible investissement public dans la santé :
  • Quelles raisons sont à l’origine du fort taux de mortalité infantile en Inde ?
  • Pourquoi la part des dépenses publiques de l’Inde consacrée à la santé est-elle si faible alors que le taux de mortalité infantile est très élevé ?
  • Étant donné la faible part des dépenses par habitant consacrées à la santé – proportionnellement inférieure à celle de nombreux pays plus pauvres que l’Inde –, comment l’État peut-il prouver que tout a été mis en œuvre pour utiliser toutes les ressources dont il dispose afin de respecter, en priorité, ses obligations minimales en matière de droit à la santé ?
Sur la lente réduction de la mortalité infantile :
  • Pourquoi le taux de réduction de la mortalité infantile est-il si faible en Inde comparé à celui de pays voisins plus pauvres, tels que le Bangladesh et le Népal, alors que la croissance économique du pays est spectaculaire ?
  • En tant qu’État partie au Pacte, comment l’Inde justifie-t-elle cette faible réduction du taux de mortalité infantile – surtout compte tenu de son dynamisme économique – au regard de son obligation de garantir progressivement le droit au meilleur degré possible de santé physique et psychologique ?
Sur la disparité entre les sexes en matière d’éducation :
  • Pourquoi le taux de filles non scolarisées en primaire est-il beaucoup plus élevé que celui des garçons ?
  • En tant qu’État partie au Pacte, comment l’Inde justifie-t-elle cette situation au regard de son obligation d’assurer l’égalité d’accès des hommes et des femmes à l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels définis dans le Pacte ?
  • Quelles mesures compte prendre l’Inde pour effectivement réduire le nombre de filles non scolarisées ?
Sur la baisse de l’investissement public dans l’enseignement primaire :
  • Alors que l’augmentation du taux de scolarisation est un élément positif, pourquoi ne s’est-elle pas accompagnée d’une progression équivalente des moyens humains et financiers, qui aurait permis d’éviter la dégradation de la qualité de l’enseignement ?
  • La part des dépenses publiques totales affectées à l’éducation, ainsi que les dépenses par élève en pourcentage du PIB par habitant, ont baissé au cours des dernières années. Pourquoi ?
  • Quelles mesures compte prendre l’Inde pour baisser le ratio élèves/enseignant ?
  • En tant qu’État partie au Pacte, comment l’Inde justifie-t-elle le ratio actuel élèves/enseignant et la réduction constante des dépenses publiques consacrées à l’éducation, au regard de son obligation d’assurer une éducation de qualité pour tous ?

96

  • Disparité entre les sexes en matière d’éducation. La Figure 12.4 montre qu’en Inde, les filles sont presque deux fois plus déscolarisées que les garçons, soit la plus forte proportion par rapport aux autres pays de l’Asie du sud. En 2005, plus de 4.7 millions de filles en âge d’aller à l’école primaire n’étaient pas scolarisées (UNESCO, 2008). Par ailleurs, 37 % des filles de 7 à 14 ans issues des « castes inférieures » n’étaient pas scolarisées, contre 26 % des autres petites filles indiennes du même âge. Le taux de scolarisation des filles des tribus de l’Inde est de 9 % inférieur à celui des garçons (Lewis et Lockheed, 2007).
  • Baisse de l’investissement public dans l’enseignement primaire. La Figure 12.5 montre qu’entre 1999 et 2004 (dernière année pour laquelle des données sont disponibles) le ratio élèves/enseignant dans les écoles primaires indiennes est passé de 35 à 40, tandis que la dépense publique par élève en école primaire, en pourcentage du PIB, baissait de 12 à 9,2 % sur la même période. Cette situation découle probablement de l’accroissement des inscriptions à l’école primaire (le taux net de scolarisation primaire en Inde est passé de 81 % en 2000 à 89 % en 2005, d’après les chiffres 2008 de la Banque mondiale). Cependant, à défaut d’une progression équivalente desmoyens humains et financiers, la hausse des inscriptions entraîne l’augmentation du ratio élèves/enseignant et détériore sérieusement la qualité de l’éducation. Selon l’UNESCO, et bien que l’impact de l’effectif des classes sur les résultats scolaires soit toujours l’objet de débats, le très grand nombre d’élèves dans les classes primaires de nombreux pays en développement n’est – à l’évidence – pas favorable à un bon apprentissage. En général, les faibles ratios élèves/enseignant sont associés à un taux élevé de scolarisation jusqu’en dernière année d’enseignement primaire (UNESCO, 2004). Alors que l’augmentation importante du nombre d’instituteurs a des implications budgétaires évidentes, la Figure 12.5 montre que l’Inde a réduit ses dépenses consacrées à l’enseignement primaire par élève (en pourcentage du PIB par habitant). En outre, la part des dépenses publiques affectée à l’éducation a également baissé : elle représentait 13 % des dépenses totales de l’État en 1999, mais seulement 11 % en 2003 (Banque mondiale, 2008).
Ces constats ont des conséquences indéniables en termes de droits économiques et sociaux, ainsi que sur les obligations pour l’Inde de garantir ces droits. L’Encadré 12.5 synthétise les questions que le CESR suggère au Comité de poser à l’Inde sur ces sujets spécifiques.

97Ces fiches ne sont qu’un exemple des avancées concrètes possibles en matière demesure des droits économiques et sociaux et d’utilisation de cette mesure pour influencer le dialogue et les décisions politiques. L’accueil réservé par les défenseurs des droits de l’homme, les économistes du développement et d’autres spécialistes des sciences sociales à la démarche innovante du CESR a été très largement positif. Les experts consultés estiment qu’elle est exemplaire du type d’approche que les mouvements de défense des droits de l’homme devraient adopter afin de mener la « révolution de la mesure », déjà mise en œuvre dans les domaines du développement et de la gouvernance.

98Au fur et à mesure qu’elle sera développée, validée et affinée, la démarche du CESR pourra essaimer bien au-delà de cette organisation. Par exemple, d’autres ONG pourront l’adopter pour intervenir sur nombre d’autres questions; le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et d’autres organes de suivi des traités de l’ONU pourraient l’utiliser pour promouvoir un dialogue plus constructif avec les pays arguant d’un manque de moyens pour résoudre leurs problèmes ; enfin, les avocats défendant l’intérêt public pourraient s’appuyer sur cette méthodologie très élaborée devant les tribunaux nationaux et régionaux pour renforcer les droits économiques et sociaux.

99Bien que cette méthodologie n’en soit qu’à ses débuts, des ONG et des acteurs locaux ont déjà souligné l’importance qu’elle pourrait avoir pour leurs propres actions. Ainsi, Mahama Ayariga, Présidente du Centre de ressources juridiques du Ghana et élue au Parlement de ce pays, a écrit : « Je pense que la méthode actuellement développée par le CESR aura des retombées extrêmement positives sur le travail que nous menons sur le terrain. J’ai conscience que l’intégration de l’économie du développement et d’autres sciences sociales dans l’analyse des droits de l’homme exigera du temps et des compétences particulières, mais ce travail est plus qu’indispensable. » (Voir d’autres manifestations de soutien à la méthodologie du CESR sur http://cesr.org/about/methodology/support).


Date de mise en ligne : 04/09/2012.

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