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Article de revue

Annexe D. Visite sur le terrain au Ghana

Pages 113 à 124

Notes

  • [1]
    2007 Ghana Guide New Internationalist http://uk.oneworld.net/guides/ghana/development#Economy
  • [2]
    E. Gyimah-Boadi et Kwabena Amoah Awuah Mensah, 2003. « The Growth of Democracy in Ghana despite Economic Dissatisfaction: A Power Alternation Bonus? » Afrobarometer Paper n° 28.
  • [3]
    Linus Atarah, 2005, Playing Chicken: Ghana vs. the IMF, CorpWatch.
  • [4]
    NPDC, 2005, Growth and Poverty Reduction Strategy (GPRS II), gouvernement du Ghana.
  • [5]
    Ce chiffre est celui indiqué dans la GPRS II. D’après les données du CAD, les apports nets privés se sont élevés à 749 millions USD.
  • [6]
    La question de la corruption a été abordée avec le Président par la Ministre de la Coopération pour le développement lors de la visite qu’elle a effectuée au Ghana en 2005, et à de nombreuses autres occasions par l’Ambassadeur et le personnel de l’Ambassade.
  • [7]
    Le soutien sectoriel en faveur de la Commission pour les droits de l’homme et la justice administrative et le soutien de projets au profit de l’association des éditeurs ghanéens ont eu des résultats positifs sur le front de la lutte contre la corruption dans le secteur public.
  • [8]
    Ce programme semble reprendre certains aspects du précédent qui s’était attiré des critiques de la part de chercheurs. Voir P. Kragelund (2004) « The Embedded Recipient and the Disembedded Donor: Private-Sector Development Aid in Ghana », Forum for Development Studies 4; Institut norvégien des affaires internationales.
  • [9]
    Un sous-groupe relevant du Groupe sur la décentralisation a été créé récemment pour réfléchir sur la participation de la société civile à la décentralisation. Il est présidé par USAID.
  • [10]
    Leigh Anne Yow (2002), « Success in adding value: The case of the agro-processing sector in Ghana, West Africa ». Carolina Papers, International Development Number 5, printemps 2002.
  • [11]
    Voir Weekendavisen, 8 avril 2005 « Tre kroner kiloet » (Trois couronnes au kilo) par Kaj Lund Sørensen, membre de l’organisation non gouvernementale Mellemfolkeligt Samvirke (MS) (www.takeparttoo.org/index.php?option=com_content&task=view&id=181&Itemid=71).

1Dans le cadre de l’examen de l’aide du Danemark, une équipe d’examinateurs s’est rendue au Ghana du 9 au 15 décembre 2006 afin d’étudier l’action conduite par le Danemark dans ce pays. Au cours de cette mission, l’équipe a rencontré des membres du personnel de l’Ambassade du Danemark et leurs divers partenaires – fonctionnaires des ministères, représentants d’ONG danoises et d’organisations de la société civile ghanéenne, d’organismes donneurs multilatéraux et bilatéraux et d’organismes exécutants. L’équipe s’est aussi rendue sur les sites de projets menés avec des entreprises à Accra et de programmes de distribution d’eau dans la région de la Volta. La présente annexe, qui rend compte de la mission, s’appuie sur une analyse de la documentation sur la situation au Ghana, les observations de l’équipe et les réponses fournies par l’Ambassade.

Situation du Ghana au regard du développement

2Le Ghana est passé pacifiquement d’un régime militaire à un régime démocratique et, dans son message de nouvel an de 2007, célébrant le cinquantenaire de l’indépendance du pays, le Président Kufuor a indiqué que le gouvernement actuel s’efforçait de consolider la démocratie et la bonne gouvernance. Il a rappelé que le Ghana a été confronté à plusieurs défis en 2006, en particulier la hausse des cours du pétrole brut, des mouvements de grève dans des secteurs stables jusqu’alors, une violente criminalité, le trafic de drogue et des conditions météorologiques défavorables ayant provoqué des coupures d’électricité. Il a aussi fait ressortir les facteurs qui ont aidé le Ghana à faire face à ces difficultés: un dialogue social ouvert, une gestion macroéconomique plus efficace, des partenariats entre le secteur privé et le secteur public et des améliorations au niveau des institutions de gouvernance et du respect de l’ordre public.

3D’après Haven [1], la démocratie au Ghana est en plein essor et le gouvernement a activement favorisé un dialogue ouvert et s’est appliqué à surmonter les divisions régionales, religieuses et ethniques du pays, sources des conflits passés. Un élément important à cet égard est la politique de décentralisation, qui confère davantage de pouvoirs aux districts. Ces efforts de consolidation de la démocratie et d’amélioration de la gouvernance sont aussi reconnus par les donneurs bien que la corruption suscite des inquiétudes. En 2005, le Ghana a été classé 70ème sur 163 pays au regard de l’indice de corruption établi par Transparency International. Diverses mesures prises récemment par le gouvernement ghanéen risquent par ailleurs de porter atteinte à la liberté de la presse et au respect des droits de l’homme.

4Le Ghana est un pays pauvre, mais sa situation économique s’est améliorée au cours des dernières années. C’est un pays à vocation essentiellement agricole qui occupe la 138ème place dans le classement de l’indicateur du développement humain du PNUD, avec un RNB par habitant de 380 USD et 45 % de la population vivant avec moins de 1 USD par jour (voir l’appendice pour les indicateurs statistiques du Ghana). Des progrès ont été réalisés sur le plan économique ces dernières années ; les réformes structurelles engagées depuis 20 ans ont été récompensées par une annulation de dette d’un montant substantiel en 2005 au Sommet du G8. Le niveau de la dette atteint actuellement 16 % du RNB de sorte que le Ghana n’est plus un pays lourdement endetté. Le développement des régions urbanisées du sud et du centre du pays, notamment celles d’Accra et de Kumasi, attestent de l’amélioration de la santé de l’économie. La population urbaine représente aujourd’hui 45 % de la population et elle continue d’augmenter. Les progrès du développement ont été inégaux et les districts ruraux du nord du pays n’ont pas connu la même expansion que les régions plus urbanisées du sud et du centre. Alors que Kumasi et Accra, surtout, ont enregistré une croissance économique et une expansion physique, les zones rurales entourant ces deux centres économiques restent assez pauvres.

5Des observateurs ont estimé que le processus de démocratisation n’a pas encore permis de satisfaire toutes les attentes dans le domaine économique ; par exemple, en 2003, l’Afrobarometer[2] a montré que si les Ghanéens sont attachés à la démocratie libérale, ils sont mécontents de la situation économique actuelle, le chômage constituant le principal problème. Les deux tiers des Ghanéens sont en permanence confrontés à la précarité économique car ils ne peuvent compter sur un traitement ou un salaire régulier pour assurer leur subsistance. Cela inclut les 35 % de Ghanéens qui déclarent vivre du petit commerce. Il est généralement admis que le gouvernement doit faire davantage pour réformer l’environnement réglementaire et le cadre de planification du fait des contraintes qu’ils peuvent imposer aux activités des entreprises.

6Les difficultés de l’économie agricole sont surtout liées au prix des produits et à leur transport. Pendant sa visite au Ghana, l’équipe d’examinateurs a appris que le secteur du poulet traversait une crise depuis quelques années. D’après Atarah [3], en 1992, les aviculteurs nationaux alimentaient 95 % du marché ghanéen mais en 2001 leur part de marché était tombée à tout juste 11 %. Cet effondrement a été apparemment provoqué par l’importation de poulets de l’UE, fortement subventionnés, et par l’impossibilité pour le gouvernement d’imposer un relèvement des droits de douane qui aurait compromis la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, laquelle prévoit une libéralisation des échanges. Les infrastructures de base font toujours défaut. Bien que le réseau de transport du Ghana soit meilleur que celui de nombre de ses voisins de l’Afrique de l’Ouest, les routes sont en mauvais état et il n’existe pas de liaisons aériennes ou ferroviaires fiables entre les principales villes ou pour le transport des marchandises.

7Le premier cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (GPRS I) du Ghana, diffusé en 2003, était avant tout axé sur la réalisation des OMD. La National Development Planning Commission (NDPC) du Ghana a évalué les progrès réalisés dans cette voie en 2004 [4]. D’ici à 2015, le Ghana atteindra probablement les objectifs de réduction de la pauvreté, d’accès universel à l’éducation primaire, de réduction de la mortalité des enfants de moins de cinq ans et d’un plus large accès à l’eau potable. Il pourrait aussi éventuellement réussir à stopper la propagation du VIH/sida et du paludisme, à intégrer les principes du développement durable et à ramener sa dette à un niveau globalement gérable. Par contre, il ne parviendra probablement pas à atteindre les quatre autres objectifs. La stratégie actuelle du Ghana, publiée en 2005, symboliquement sous le nouveau nom de Stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté (GPRS II), a introduit un changement d’orientation. Son objectif premier est l’accélération de la croissance de l’économie de telle sorte que le Ghana puisse progresser dans la voie de la réalisation de l’ensemble des objectifs.
La GPRS II a l’ambition d’ouvrir au Ghana l’accès au groupe des pays à revenu intermédiaire en encourageant les flux financiers. Cette stratégie vise à augmenter l’investissement direct étranger grâce à la mise en place de conditions propices à l’activité des entreprises, en particulier dans les domaines des technologies de l’information et du tourisme. La Banque du Ghana cherche à réduire le coût du crédit pour les entreprises. Le pays bénéficie aussi d’envois de fonds de l’importante communauté ghanéenne expatriée qui, avec un montant d’environ 1.5 milliard USD [5], contribuent de façon très significative au développement du pays. Ces envois de fonds pourraient augmenter considérablement si les transferts étaient facilités par des réformes du secteur bancaire et la téléphonie mobile (comme c’est le cas dans d’autres parties de l’Afrique). Le Ghana a reçu environ 1.35 milliard USD au titre de l’aide (en 2004), ce qui représente 16 % de son RNB.

Le programme d’aide danois

8Avec des apports d’APD de l’ordre de 58 millions USD (moyenne 2003/2004), le Danemark se place en neuvième position parmi les pays qui viennent en aide au Ghana (sixième position parmi les donneurs bilatéraux). Ce montant montre aussi que le Ghana est un partenaire important pour le Danemark, puisqu’il le classe au cinquième rang parmi les bénéficiaires de l’aide danoise. Le Ghana est un pays de programme pour le Danemark depuis 1989. L’engagement du Danemark au Ghana se justifie par le fait que le Ghana est un pays pauvre qui s’efforce de faire reculer la pauvreté, de renforcer sa croissance économique et de consolider la démocratie. Au cours de la mission effectuée au Ghana, divers interlocuteurs ont loué le ferme attachement du Danemark à la cause du développement et l’importance de son programme au Ghana.

9Le Danemark a élaboré un document intitulé Strategy for the Danish Development Co-operation with Ghana 2004-2008, qui énonce les principes régissant son soutien au Ghana. La GPRS II fournit un cadre pour l’aide danoise et, à l’intérieur de ce cadre, le Danemark s’emploie à :

  • Renforcer l’appropriation de la stratégie de développement en alignant son soutien sur la GPRS II.
  • Asseoir le rôle du secteur privé.
  • Intensifier le processus de décentralisation.
  • Recentrer son aide-programme sectorielle sur la lutte contre la pauvreté en intégrant cet objectif dans toutes ses activités de ce type.
  • Encourager une bonne gouvernance.

Répartition sectorielle

10Le Danemark et le Ghana sont convenus que l’aide porterait sur les domaines suivants pendant la période 2004 à 2008: développement humain durable, croissance économique durable, réformes macro-économiques et institutionnelles à l’appui de la GPRS, création de moyens de subsistance durables et prévention des conflits. Le tableau ci-dessous montre le profil général de l’APD danoise (en millions de DKK) au Ghana sur la période 2003-2006.

Tableau D.1

Profil général de l’APD danoise au Ghana (2003-2006)

Tableau D.1
Secteur 2003 2004 2005 2006 Santé 67 91 65 64 Eau et assainissement 93 84 60 70 Routes 98 49 90 122 Secteur des entreprises 5 30 35 22 Bonne gouvernance et droits de 3 19 30 15 l’homme Soutien budgétaire général 20 15 10 34 Autre (y compris les petits projets) 10 5 3 2 Total 296 293 295 329 Plus le programme B2B* 22 12 5 6 *Programme B2B : programme de coopération au niveau des entreprises

Profil général de l’APD danoise au Ghana (2003-2006)

11D’après l’ambassade, le choix des secteurs d’intervention du Danemark repose sur une démarche stratégique qui tient compte des contraintes de capacités. L’idée est de centrer les efforts sur deux secteurs productifs, deux secteurs sociaux et quelques questions transversales mais la répartition sectorielle montre que tel n’est pas encore le cas dans la pratique. Si les petits projets absorbent une très faible part du budget, ils représentent une lourde charge sur le plan administratif. Il semble que parfois de nouvelles priorités sont imposées par les services centraux (lutte contre le VIH/sida par exemple) sans que soit pour autant revue l’importance à accorder aux secteurs où le Danemark est déjà présent.
La bonne gouvernance est un thème important qui sous-tend l’ensemble du programme, ce qui ne ressort pas totalement du tableau ci-dessus. Le soutien en faveur de la décentralisation, de la bonne gouvernance et des droits de l’homme s’est élevé à 15 millions DKK en 2006. Au vu du tableau, c’est au secteur routier qu’est allée la plus grande part de l’aide, ce qui s’explique par la mise en œuvre d’un projet de construction d’un grand axe routier, qui est en voie d’achèvement. Le Danemark ne compte plus financer de projets de ce type à l’avenir. L’équipe d’examinateurs a appris que le secteur routier a récemment fait l’objet, au Ghana, d’une controverse qui a conduit le Ministre des Transports à démissionner. La décentralisation est un thème qui prend de plus en plus d’importance dans l’aide danoise au Ghana. Le Danemark soutient le développement des capacités au niveau des districts. La décentralisation est également vue comme une occasion de regrouper des éléments complémentaires des programmes consacrés à la décentralisation, aux transports et à l’eau, en même temps que de mettre progressivement un terme au soutien direct à l’amélioration du réseau secondaire et du réseau de distribution d’eau. Le Danemark soutient financièrement de petits projets d’organisations de la société civile ghanéenne visant à promouvoir la démocratisation et le respect des droits de l’homme. Ses partenaires reconnaissent aussi au Danemark un rôle essentiel dans la lutte contre la corruption [6], sujet qui a été évoqué dans les discussions sur le soutien budgétaire général et d’autres modes de financement commun. L’équipe d’examinateurs pense que le Danemark pourrait faire davantage encore pour la lutte contre la corruption en s’appuyant sur des modes d’interventions plus volontaristes [7] ne se limitant pas au dialogue avec les partenaires en développement.

Action en faveur de l’appropriation, de l’alignement et de l’harmonisation

12Le Danemark s’applique à favoriser l’appropriation ghanéenne par un meilleur alignement et une meilleure harmonisation, comme le préconise la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide (OCDE, 2005a). La stratégie-pays fixe des objectifs et définit des indicateurs pour l’amélioration de l’alignement et de l’harmonisation. Par exemple, pour atteindre l’objectif voulant que l’aide transite par les budgets des pays partenaires afin de réduire les coûts de transaction, 80% de l’ensemble de l’aide danoise sera « budgétisée » en 2009. La stratégie comporte cinq objectifs de ce type. Le choix des secteurs d’intervention est aligné sur la GPRS II, ce qui avait également été recommandé dans une évaluation effectuée par des consultants ghanéens. Le Danemark se veut apporter une aide efficiente et efficace à travers des interventions axées sur l’obtention de résultats. L’équipe d’examinateurs a également constaté que l’aide danoise était appréciée pour sa prévisibilité. Les projets tendent à être abandonnés au profit d’approches sectorielles et du soutien budgétaire général. Le Danemark participe à des dispositifs de mise en commun de fonds avec d’autres donneurs, pour le développement du secteur privé notamment. Il a aussi encouragé les analyses conjointes, dans le secteur de la santé entre autres, et s’est associé à la formulation d’une stratégie d’aide conjointe pour le Ghana. Il dirige le groupe thématique sur la décentralisation.

13Davantage doit toutefois être fait pour renforcer l’alignement et l’harmonisation. Il subsiste encore quelques projets, notamment un important projet routier, mais auquel un terme sera progressivement mis en 2007. Les activités en faveur du secteur privé passent par un soutien sectoriel et le Programme B2B qui consiste essentiellement en des transferts de technologie aux petites et moyennes entreprises [8]. Ce dernier fait toujours appel exclusivement à des entreprises danoises pour encourager celles-ci à s’engager au Ghana.

14Bien que l’accord conclu entre le Danemark et le Ghana mette à plusieurs reprises l’accent sur la durabilité, des stratégies de retrait restent problématiques dans plusieurs secteurs. S’agissant du secteur privé, le programme SPEED II n’est pas durable sous sa forme actuelle et l’Ambassade a souligné que la structure mise en place avait pour but de faciliter pendant un temps le commerce de gros pour permettre aux prestataires de services d’œuvrer à la relance du commerce de détail. Reste néanmoins à voir si les activités conjointes menées dans le secteur privé déboucheront sur un autre dispositif institutionnel pour ce qui est prétendument un programme danois. En ce qui concerne l’approvisionnement en eau et les routes d’accès, l’intention est d’intégrer les activités conduites dans le programme de décentralisation lorsque ces deux tâches passeront sous le contrôle des districts. Le Danemark aidera alors à renforcer la capacité des fonctionnaires de district de planifier, faire exécuter et surveiller les travaux routiers, et de gérer les fonds transférés au niveau des districts. L’équipe d’examinateurs a entendu des propos très sceptiques à l’égard de la disposition de l’administration centrale à déléguer ses pouvoirs et son autorité, surtout en ce qui concerne la gestion des fonds, malgré les prises de position officielles, de sorte que la stratégie de retrait choisie par le Danemark peut dans ce cas susciter quelques doutes.
Le recours de plus en plus fréquent aux approches sectorielles et au soutien budgétaire général soulève plusieurs problèmes pour de nombreux donneurs, qui doivent notamment trouver une réponse aux questions suivantes : Comment assurer la prise en compte des thèmes transversaux ? Comment intégrer la société civile dans les programmes pilotés par les pouvoirs publics ? Les pauvres des communautés de base auront-il accès à des services suffisants ? Disposera-t-on de données sur l’évolution de la pauvreté ? Comment lier les résultats aux apports du Danemark ? Certaines de ces questions ont été abordées dans le cadre de l’évaluation de la précédente stratégie. D’après l’Ambassade, les indicateurs et les objectifs incorporés dans les stratégies sectorielles auraient permis de régler jusqu’à un certain point le problème de la prise en compte des questions transversales mais, selon d’autres sources, ce problème subsiste pour tous les donneurs. S’agissant de l’exclusion de la société civile des activités sectorielles, le rôle moteur joué par le Danemark dans de domaine de la décentralisation le rend à même d’encourager la participation de la société civile au contrôle de l’action gouvernementale à travers un suivi des résultats obtenus au niveau des districts et des communautés [9]. Le Danemark a décidé qu’il n’était pas nécessaire de chercher à déterminer, parmi les résultats obtenus au Ghana, ceux qui sont imputables aux apports danois et qu’un suivi des résultats produits par l’ensemble des programmes était suffisant, décision qu’a acceptée la Cour des comptes.

Cohérence des politiques

15L’intervention du secteur privé danois au Ghana présente pour la cohérence des politiques dans certains domaines des risques, dont l’ambassade devrait peut-être informer Copenhague bien qu’elle n’ait pas à rendre compte des activités du secteur privé. Les entreprises danoises ne sont certes pas légion au Ghana, mais on en compte néanmoins un certain nombre qui soit exercent des activités commerciales dans ce pays soit participent à la mise en œuvre de l’aide. Les contacts avec ces entreprises danoises peuvent contribuer à ouvrir des débouchés aux entreprises ghanéennes, comme cela a été le cas pour Athena Foods qui a conclu un accord de coentreprise avec une société danoise [10]. Un autre exemple est celui de Arla Products, société laitière suédo-danoise qui exporte au Ghana. En 2003, Arla était l’entreprise danoise qui, avec un montant de 1.3 milliard de DKK, recevait le plus de subventions de l’UE [11]. Arla étant une société coopérative, les subventions sont partagées entre tous les exploitants agricoles qui détiennent des participations dans la société. Il semble que, jusqu’à présent, la controverse à propos des effets des importations de produits laitiers subventionnés sur l’industrie laitière ghanéenne ait été limitée, à la différence de ce qui s’est passé pour l’impact des subventions européennes sur le secteur ghanéen du poulet. L’affaire du poulet a d’ailleurs été évoquée dans les médias danois bien qu’elle n’ait pas impliqué directement des entreprises danoises, de sorte qu’une analyse du cas du secteur laitier pourrait offrir une comparaison intéressante.

Organisation et gestion

16Le champ de compétence de l’Ambassade du Danemark s’étend à un large éventail de domaines, incluant les relations politiques, les relations commerciales (échanges et investissements) et les questions consulaires, en sus de l’aide au développement. Cela lui permet d’aborder les questions de développement dans une perspective large. Ces vastes attributions reflètent la multiplicité des responsabilités dévolues au ministère des Affaires étrangères au Danemark. Le Ghana est certes le pôle d’intérêt premier de l’ambassade, mais le personnel assume aussi des responsabilités régionales du fait qu’il gère les relations du Danemark avec les pays voisins dans lesquels celui-ci ne possède pas d’ambassade à part entière. Ce champ de vision élargi permet peut-être au personnel d’apprécier les divers facteurs susceptibles, en dehors de l’aide, d’influer sur le développement du Ghana. Il semble que l’ambassade soit chargée, par exemple, de rendre compte des échanges commerciaux, lesquels prendront vraisemblablement le pas sur l’aide, à l’avenir, en tant que moteur de développement du Ghana.

Ressources en personnel

17La gestion de la coopération pour le développement est assurée par 17 agents, hommes et femmes, de catégorie professionnelle, pour certains Danois pour d’autres Ghanéens, pour certains fonctionnaires pour d’autres contractuels. Sur ces 17 postes, 9 sont pourvus depuis le Danemark et 8 par des recrutements effectués sur place. Ces personnes sont dotées de qualifications et compétences variées et elles assument des responsabilités dans divers secteurs. Le personnel danois occupe normalement une position plus élevée dans la hiérarchie, du fait en partie de la nécessité de communiquer avec Copenhague. Au moment de la visite sur place, deux des postes destinés à des autochtones étaient vacants. Tous les donneurs ont du mal à attirer et garder des cadres locaux ; il existe des possibilités d’emploi intéressantes pour les cadres ghanéens tant dans le secteur privé qu’à l’étranger. Un bon équilibre homme-femme prévaut au sein du personnel danois.

Un programme décentralisé

18Le système danois a été décentralisé à compter du 1er septembre 2003, ce qui a accru les tâches dévolues aux agents de terrain. Ceux-ci sont maintenant chargés de préparer et planifier les activités, gérer l’ensemble du budget de l’aide une fois celui-ci approuvé, suivre le déroulement des activités et rendre compte de leurs résultats. Cela a nettement amélioré l’efficacité de l’aide danoise. Le Danemark est généralement considéré comme un bon coéquipier. Les consultations avec les fonctionnaires et les partenaires locaux sont appréciées pour leur ouverture. La prise de décision est rapide du fait qu’il n’est plus nécessaire d’obtenir l’agrément de Copenhague. L’aide danoise est également jugée souple, l’ambassade étant en mesure de s’adapter rapidement aux évènements et aux changements de plan qui surviennent.

19La décentralisation a toutefois posé plusieurs problèmes :

20i) Si les coûts de transaction ont été réduits en amont (moindre nécessité d’obtenir des autorisations), ils ont augmenté ailleurs (notification des résultats). Pratiquement toutes les personnes qui ont eu affaire au système danois ont mentionné la charge administrative imposée par les incessants rapports à établir, dont elles ignoraient toutefois à quoi ils devaient servir.

21ii) La décentralisation ne s’est pas accompagnée de transferts substantiels de personnel aux instances de terrain et un manque de spécialistes est à déplorer dans certains domaines importants. Par exemple, l’économiste chargé des transports doit s’occuper des questions macroéconomiques. Dans de nombreux secteurs, ce type de déficit pourrait être compensé par un soutien technique apporté depuis Copenhague mais dans certains (secteur privé, par exemple), les effectifs techniques de l’administration centrale sont insuffisants pour répondre à toutes les demandes des différentes ambassades. Plusieurs solutions sont envisageables pour résoudre ces problèmes en dehors de l’embauche de davantage de personnel. Par exemple, de nombreux autres partenaires disposent d’économistes hautement qualifiés et d’autres spécialistes de sorte qu’un plus large recours aux analyses conjointes et au partage des tâches pourrait se traduire par des gains d’efficacité. Des formations conjointes pourraient également être envisagées à l’intention des agents sur le terrain.

22iii) La décentralisation pose des problèmes au niveau de la préservation de la mémoire institutionnelle et de l’exploitation des enseignements de l’expérience au sein de l’organisation. Il paraît que le personnel de l’Ambassade peut accéder à l’information par l’intranet et que des réunions sont organisées pour les conseillers techniques, au niveau régional ou dans les services centraux. Il semble aussi qu’avec la décentralisation les directives en matière de gestion se soient multipliées. L’équipe d’examinateurs aimerait avoir des précisions sur l’utilisation qui est faite des différents rapports que le personnel de l’Ambassade passe tant de temps à rédiger. Comment ceux-ci sont-ils intégrés dans les divers processus d’apprentissage ?
L’un des effets positifs de la décentralisation concerne la gestion budgétaire. La stratégie-pays fixe les grands axes de la répartition sectorielle et, pendant sa visite, l’équipe a pu vérifier la façon dont les crédits sont effectivement répartis (tableau D.2). Des ajustements sont opérés au niveau local en fonction la situation des secteurs. Les instructions concernant la réduction des fonds affectés à de petits projets ont été suivies et les financements alloués au secteur des routes vont s’amenuisant. Grâce à ce type d’ajustements, l’ambassade pense parvenir à débourser la totalité des fonds mis à sa disposition.

Tableau D.2

Répartition sectorielle

Tableau D.2
Secteurs – Répartition en pourcentage 2004 2006 Santé 20 24 Eau et assainissement 20 23 Routes 30 29 Secteur des entreprises 12 9 Bonne gouvernance et soutien budgétaire 12 14 Autre 6 1 Total 100 100

Répartition sectorielle

Place des ONG danoises dans le programme d’aide danois au Ghana

23Des ONG danoises ont conclu des accords-cadres avec le gouvernement danois pour la fourniture d’une aide à divers pays de programme, dont le Ghana. La première ONG danoise à intervenir au Ghana a débuté ses activités en 1958. L’équipe d’examinateurs a rencontré des représentants de certaines des ONG danoises qui œuvrent actuellement au Ghana (notamment CARE Danemark et IBIS). Les montants affectés aux programmes de ces ONG ne sont pas indiqués dans la stratégie-pays, mais ces programmes n’en constituent pas moins un complément utile du fait qu’ils portent en général sur les services sociaux et communautaires (santé, éducation et alimentation en eau). Grâce à l’aide émanant des ONG, on espère pouvoir toucher des zones jusqu’auxquelles les financements publics risquent de ne pas parvenir. Les fonds que les ONG reçoivent de l’État représentant jusqu’à 80 ou 90% de leur revenu, certaines de ces organisations s’apparentent davantage à des OG qu’à des ONG et elles sont vulnérables aux fluctuations des concours publics. Il semblerait que, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, l’actuel gouvernement danois ait voulu faire savoir aux ONG danoises, dont certaines oeuvrant au Ghana, qu’elles ne pouvaient pas compter indéfiniment sur les deniers publics pour alimenter leurs caisses. Il a en conséquence réduit les concours aux ONG, si bien que certaines ont dû cesser leurs activités. Une ONG danoise présente au Ghana a ainsi été affectée par la diminution des sommes qu’elle recevait de l’État pour couvrir ses frais administratifs généraux mais elle a cependant pu poursuivre ses activités au Ghana grâce au fait que ses projets étaient intégralement financés par le gouvernement danois. Les représentants des ONG que l’équipe a rencontrés ont déclaré entretenir de bonnes relations avec l’Ambassade et débattre avec son personnel des problèmes qui se posent sur le terrain. Il est à noter que des ONG danoises autres que celles bénéficiant d’accords-cadres opèrent également au Ghana. Par exemple, les Ghana Friendship Groups mènent des activités visant à développer la microfinance et la petite entreprise dans les zones rurales défavorisées du nord du pays.


Appendice

Indicateurs statistiques

tableau im3
Indicateur Valeur Population totale en 2003 (millions) 21.2 Population de moins de 15 ans en 2003 (%) 40 Population urbaine (%) 45 RNB par habitant en 2004 (USD) 380 Classement selon l’indice du développement humain (sur 177) 138 Population vivant avec moins de 1 USD par jour en 1990-2003 (%) 45 Population vivant avec moins de 2 USD par jour en 1990-2003 (%) 78 Population souffrant de malnutrition en 2000-2002 (%) 13 Espérance de vie à la naissance en 2000-2005 (années) 57 Taux de mortalité des moins de 5 ans en 2000 (pour 1 000 naissances vivantes) 95 Taux de mortalité maternelle en 2000 (pour 100 000 naissances vivantes) 540 Taux d’alphabétisation des adultes en 2003 (% des 15 ans et plus) 54 Taux d’alphabétisation des femmes adultes en 2003 (% des 15 ans et plus) 45 Taux net de scolarisation dans le primaire en 2002-2003 (%) 59 Taux net de scolarisation des filles dans le primaire en 2000-2005 (%) 65 Taux net de scolarisation dans le secondaire en 2002-2003 (%) 36 Enfants atteignant la 5ème année d’école en 2001-2002 (en % des élèves ayant suivi la 1ère année) 63 Population utilisant des sources d’eau potable améliorées, 2004, total (%) 75 Population utilisant des sources d’eau potable améliorées, 2004, en milieu urbain (%) 88 Population utilisant des sources d’eau potable améliorées, 2004, en milieu rural (%) 64 Recettes nettes d’APD en 2004 (millions USD) 1 358 Recettes nettes d’APD/RNB en 2004 (%) 16 Réfugiés accueillis dans le pays en 2004 (milliers) 44 Sources: PNUD (2005), Rapport mondial sur le développement humain; Programme des Nations Unies pour le développement, New York. UNICEF (sans date), http://www.unicef.org/french/infobycountry/ghana_statistics.html (consulté en janvier 2007) OCDE/CAD (2006), Rapport sur la coopération pour le développement, OCDE, Paris.

Mise en ligne 01/05/2010

Notes

  • [1]
    2007 Ghana Guide New Internationalist http://uk.oneworld.net/guides/ghana/development#Economy
  • [2]
    E. Gyimah-Boadi et Kwabena Amoah Awuah Mensah, 2003. « The Growth of Democracy in Ghana despite Economic Dissatisfaction: A Power Alternation Bonus? » Afrobarometer Paper n° 28.
  • [3]
    Linus Atarah, 2005, Playing Chicken: Ghana vs. the IMF, CorpWatch.
  • [4]
    NPDC, 2005, Growth and Poverty Reduction Strategy (GPRS II), gouvernement du Ghana.
  • [5]
    Ce chiffre est celui indiqué dans la GPRS II. D’après les données du CAD, les apports nets privés se sont élevés à 749 millions USD.
  • [6]
    La question de la corruption a été abordée avec le Président par la Ministre de la Coopération pour le développement lors de la visite qu’elle a effectuée au Ghana en 2005, et à de nombreuses autres occasions par l’Ambassadeur et le personnel de l’Ambassade.
  • [7]
    Le soutien sectoriel en faveur de la Commission pour les droits de l’homme et la justice administrative et le soutien de projets au profit de l’association des éditeurs ghanéens ont eu des résultats positifs sur le front de la lutte contre la corruption dans le secteur public.
  • [8]
    Ce programme semble reprendre certains aspects du précédent qui s’était attiré des critiques de la part de chercheurs. Voir P. Kragelund (2004) « The Embedded Recipient and the Disembedded Donor: Private-Sector Development Aid in Ghana », Forum for Development Studies 4; Institut norvégien des affaires internationales.
  • [9]
    Un sous-groupe relevant du Groupe sur la décentralisation a été créé récemment pour réfléchir sur la participation de la société civile à la décentralisation. Il est présidé par USAID.
  • [10]
    Leigh Anne Yow (2002), « Success in adding value: The case of the agro-processing sector in Ghana, West Africa ». Carolina Papers, International Development Number 5, printemps 2002.
  • [11]
    Voir Weekendavisen, 8 avril 2005 « Tre kroner kiloet » (Trois couronnes au kilo) par Kaj Lund Sørensen, membre de l’organisation non gouvernementale Mellemfolkeligt Samvirke (MS) (www.takeparttoo.org/index.php?option=com_content&task=view&id=181&Itemid=71).
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