Notes
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[1]
OECD-DAC GOVNET, Document de séance 5 : « Lessons Learned on the Use of Power and Drivers of Change Analyses in Development Co-operation », 7ème réunion du Réseau du CAD sur la gouvernance, Paris, 20-21 octobre 2005, paragraphe 69.
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[2]
Mamadou Dia, La gestion et l’administration en Afrique dans les années 90 et au-delà : Réconciliation entre les institutions indigènes et transplantées, Série Le développement à l’œuvre, Banque Mondiale, 1996, p. 1.
-
[3]
C’est-à-dire l’examen systématique des forces, des faiblesses, des possibilités et des menaces.
-
[4]
EuropeAid, Institutionnal Assessment and Capacity Development : Why, What and How ? Bruxelles : Commission européenne, 2005, ch.5.
-
[5]
World Bank OED (2005), Capacity Building in Africa. An OED Evaluation of World Bank Support.
-
[6]
PNUD (2003), Appropriation, leadership et transformation, Chap. 2.
-
[7]
Réal Lavergne, « Program-Based Approaches : The Concept and its Implications », contribution présentée au Forum de Tokyo sur les AFP en Asie, 1-3 juin 2004.
-
[8]
Brian Levy, “Governance and Economic Development in Africa: Meeting the Challenge of Capacity Building” in Brian Levy and Sahr Kpundeh (eds.) Building State Capacity in Africa: New Approaches, Emerging Lessons, Washington, DC: The World Bank, 2004, p. 13.
-
[9]
Nils Boesen & Ole Therkildsen, A Results-Oriented Approach to Capacity Change, Ministère danois des affaires étrangères, 2005.
-
[10]
Anthony Land, Developing Capacity for Tax Administration: The Rwanda Revenue Authority, Maastricht: ECDPM, Discussion Paper 57D, novembre 2004
-
[11]
Daima Associates and ODI, “Joint Evaluation of General Budget Support: Tanzania 1995-2004”, Dar es Salaam, avril 2005.
-
[12]
C’est la conclusion d’un grand nombre d’évaluations et d’études. Voir, par exemple, la section sur les Unités de mise en œuvre de projets (PIUs) dans FNUAP, Evaluation 20.
-
[13]
L’analyse du cadre logique (Logical Framework Analysis – LFA) est une technique de planification de projet qui implique, à partir des objectifs convenus, de revenir à la définition des résultats et des apports qui seront nécessaires pour les réaliser, ainsi qu’aux indicateurs et données requis pour suivre les progrès à chaque niveau. ZOPP est l’acronyme allemand pour la planification de projets orientés vers les objectifs, qui est fondamentalement la même technique.
-
[14]
Watson, A. “Monitoring and Evaluation Aspects of Capacity and Capacity Development”, Working Paper, ECDPM Study on Capacity Change and Performance, Sept 2005.
-
[15]
Hauge, A. (2002), “Accountability – To What End?” Development Policy Journal, Vol. 2, UNDP.
Mettre en pratique les enseignements de l’expérience
1Les enseignements qui ont été tirés au cours des 40 dernières années en ce qui concerne le renforcement des capacités ne livrent pas de messages simples sur la manière de procéder. L’adoption de meilleures pratiques sur le terrain requiert qu’on centre l’attention sur des objectifs spécifiques, puis qu’on réfléchisse de manière souple et imaginative aux méthodes convenant le mieux à la situation. Les notions de capacités et de renforcement des capacités sont si générales que les praticiens ont souvent eu du mal à leur donner un sens opérationnel. Il importe donc que les praticiens commencent par aborder la question du type de capacités requises et qu’ils centrent l’attention sur les capacités spécifiques nécessaires pour atteindre des objectifs clairement définis. Comme cela a été souligné dans la section II, il faut alors rechercher activement des approches qui soient le mieux adaptées possible à la situation particulière du pays, du secteur ou de l’organisation concerné. Cela suppose une très grande souplesse dans la définition des modalités appropriées du soutien au renforcement des capacités.
2Tout en conservant cette souplesse, il devrait être possible de conduire la recherche d’une manière systématique. Pour ce faire, on peut s’attacher à prendre en considération les questions pertinentes a chacune des phases du processus en prêtant attention à chaque niveau d’analyse – général, organisationnel et individuel.
3Le tableau 1 décrit une approche systématique devant permettre d’envisager de manière souple les modalités les mieux appropriées pour élaborer un programme de renforcement des capacités. Il suggère, de manière schématique, des questions à examiner à chaque niveau de renforcement des capacités (général, organisationnel et individuel) pour les différentes étapes. Ces dernières ne forment pas une séquence unique, exceptionnelle. Elles représentent des tâches à réaliser dans le cadre de ce qui semble devoir être un processus continu, itératif. Quatre « étapes », ainsi comprises, sont prises en considération :
- Comprendre le contexte national et international.
- Recenser et soutenir les moteurs d’un changement approprié localement.
- Fournir un soutien.
- Tirer les enseignements de l’expérience et les partager.
Faire concorder les approches du renforcement des capacités avec les réalités des pays : Questions à examiner
Faire concorder les approches du renforcement des capacités avec les réalités des pays : Questions à examiner
Comprendre le contexte national et international
4Une bonne compréhension du contexte est fondamentale. Les donneurs et leurs partenaires tendent de plus en plus à aborder le renforcement des capacités en se posant non pas la question de “comment faire”, mais plutôt de « qu’est-ce qui pourrait fonctionner ? » Evidemment, une telle approche présuppose une bonne connaissance du contexte, car il influe sur l’environnement général et sur les niveaux organisationnel et individuel d’analyse. Normalement, il faut prendre en compte aussi bien les facteurs internationaux (mondiaux, régionaux) que les facteurs spécifiquement nationaux.
L’environnement général
5Reconnaissant l’importance de la compréhension du contexte pour concevoir un programme efficace, beaucoup d’organismes donneurs consacrent davantage d’attention aux études d’économie politique par pays (et/ou sectorielles). Celles-ci reçoivent des dénominations variées telles que « analyse institutionnelle », « analyse des pouvoirs » et « analyse des moteurs du changement ». L’analyse des conflits ou les évaluations de conflit peuvent jouer un rôle similaire. Le point commun de ces exercices est qu’ils représentent un effort pour mieux faire comprendre les systèmes politiques et sociaux, les structures incitatives et les sources de leadership dans les pays en développement et les pays en transition, et pour intégrer cette compréhension dans le travail sur le terrain. Ils fournissent un moyen de réfléchir de manière plus systématique à la façon dont le changement se produit, aux relations de pouvoir qui sont en jeu, et aux facteurs structurels et institutionnels sous-jacents au « manque de volonté politique » souvent observé en arrière-plan du processus de réforme.
6Les études d’économie politique par pays sont utiles comme première approche du renforcement des capacités. En principe, les résultats de ces études peuvent être largement partagés entre les parties prenantes qui souhaitent promouvoir le renforcement des capacités dans un pays. Jusqu’ici, cela ne s’est généralement pas produit. Les donneurs ont estimé qu’ils avaient suffisamment à faire en intégrant l’analyse d’économie politique dans leur propre réflexion opérationnelle et n’y ont pas vu matière à discussion sur une base large avec les parties prenantes du pays concerné. Il a été reconnu que c’est une question qui mérite qu’on y revienne. [1]
7L’encadré 4 explique comment une approche des “moteurs du changement” a suggéré une nouvelle façon d’aborder l’environnement propice au renforcement des capacités à un bureau local du DFID (Ministère du développement international - RU).
8Une bonne analyse de l’économie politique d’un pays se doit d’inclure à la fois l’héritage de l’histoire et de la tradition et les influences du moment sur les motivations des dirigeants. En Afrique subsaharienne, notamment, il est probable qu’on mettra l’accent sur la façon dont les institutions officielles, n’étant pas enracinées dans la culture locale, ont généralement du mal à contrôler la loyauté dans la société ou à déclencher l’appropriation locale. [2] Une autre question centrale sera de savoir dans quelle mesure des principes peu stricts de responsabilité reposant sur le clientélisme ont commencé à céder la place à des pratiques fondées sur les droits de citoyenneté. Le niveau de la demande effective ou potentielle de renforcement des capacités dans le pays s’en ressentira. Il est probable également que les incitations provenant du système étatique international ainsi que de l’architecture et des pratiques d’aide figureront dans l’analyse. Tous ces types de facteurs seront pertinents lorsqu’on commencera à réfléchir sur « ce qui pourrait fonctionner ici », à supposer que quelque chose puisse fonctionner, par rapport au renforcement des capacités.
9Il est fort possible que ce qu’il s’agit de faire différemment au niveau du pays ne découlera pas immédiatement d’une meilleure compréhension du contexte institutionnel. L’exemple du Nigeria illustre une approche possible, mais son efficacité n’a pas encore été démontrée. Il se peut que l’appréciation du contexte institutionnel ait seulement l’effet limité, mais néanmoins salutaire, de nous rappeler pourquoi des solutions simples ou des injections massives de ressources externes peuvent avoir des effets négligeables sur les capacités. Quant aux facteurs internationaux impliqués dans la situation, ils appellent des remèdes internationaux coordonnés, pas seulement une meilleure programmation au niveau national.
Encadré 4. La façon d’aborder l’environnement propice au renforcement des capacités au Nigeria
Le DFID en a conclu qu’au Nigeria, comme dans beaucoup de pays en développement, le changement favorable aux pauvres nécessite de modifier des éléments du statu quo et de l’appareil gouvernemental qui le défend. C’est pourquoi un engagement avec les pouvoirs publics coupé du contexte politique plus large ne serait pas productif. Le changement a tendance à se produire lorsque de larges alliances s’appuyant sur l’ensemble de la société civile, souvent relayées par les médias et le secteur privé, et associées à des éléments de réforme au sein de l’Etat, se rassemblent autour d’un thème d’importance politique et font pression en faveur d’un changement effectif. Reconnaissant cette réalité, le DFID applique maintenant une « approche thématique » au Nigeria, dans le but de contribuer aux changements organisationnels nécessaires pour que le renforcement des capacités puisse réussir à plus long terme. Cette démarche est axée sur les problèmes qui se posent, plutôt que sur les organisations. Elle est non-prescriptive, tant pour les problèmes que pour les organisations avec lesquelles elle travaille.
Le niveau organisationnel
10La compréhension de l’environnement général fait nécessairement partie de l’analyse. Une autre partie consiste à apprécier les points forts et les points faibles des organisations. Il existe plusieurs outils bien connus d’évaluation organisationnelle (analyse FFPM [3], analyse des parties prenantes, etc.). Ils peuvent être utilement appliqués aux organisations qui sont tout indiquées pour devenir des lieux de renforcement des capacités. Mais ils ne donnent qu’un point de départ. Il importe d’aller chercher en dessous de la surface d’une organisation les aspects cachés, aussi bien formels qu’informels, qui peuvent avoir un impact décisif sur les performances. Un diagnostic de faibles capacités, axé seulement sur la dimension « fonctionnelle-rationnelle » de l’organisation, sera normalement trompeur et inefficace. Il importe aussi de comprendre les dimensions politiques (ou d’économie politique), y compris celles qui peuvent avoir effectivement ou potentiellement un effet positif sur les performances. [4]
11Lorsqu’on pense au changement, il est probable qu’il faille procéder à une analyse approfondie, non seulement pour identifier les différentes parties prenantes, mais aussi pour voir qui seront les gagnants et les perdants, voulus ou non voulus, et comment ils sont susceptibles de bloquer ou de soutenir tout processus de changement. Les parties prenantes qui nous intéressent ici sont les citoyens et les utilisateurs des services et produits de l’organisation, les syndicats, les fonctionnaires responsables et les dirigeants au niveau des collectivités locales, ainsi que les responsables politiques nationaux, les ONG et d’autres donneurs. La colonne de droite de l’encadré 2 et l’ensemble de l’encadré 3 fournissent une liste de contrôle précieuse pour réfléchir à ces questions.
12Les parties prenantes intéressantes incluent le secteur privé. Dans beaucoup de pays ou l’on a obtenu des améliorations notables des capacités du secteur public, la demande exprimée par le secteur privé en faveur de services publics compétents et d’une meilleure gouvernance a été un stimulant majeur du changement. Les donneurs devraient rechercher des moyens d’exploiter plus efficacement les demandes du secteur privé concernant une amélioration du climat d’investissement pour stimuler le renforcement des capacités du secteur public au niveau national. Les investissements du secteur privé ont aussi été la principale source de fonds pour créer des capacités dans des secteurs tels que la finance, la comptabilité et les technologies de l’information. Dans les deux cas, il importe de veiller à ce que la réflexion initiale sur les conditions organisationnelles du renforcement des capacités inclue l’effort de repenser la structure et le potentiel de la contribution du secteur privé. L’encadré 5 illustre ce point.
Encadré 5. La réforme de l’environnement de l’entreprise en Afghanistan
Par rapport à la portée, la qualité et la rapidité de ses propres services, mais aussi dans sa défense des préoccupations du secteur privé, l’AISA est motivée et mise au défi par des représentants des milieux d’affaires qui ont leur franc parler. Compte tenu de cette demande, l’AISA s’est mise aussi à analyser et à promouvoir les possibilités d’affaires dans le pays et à l’étranger. L’Agence en vient à accompagner des investisseurs avant et après la procédure d’enregistrement pour les aider dans un environnement difficile. L’AISA elle-même est devenue un interlocuteur important dans la réforme de l’environnement d’entreprise en Afghanistan.
Le niveau individuel
13Il faut songer en même temps aux influences sociales et aux aptitudes et compétences personnelles. Les influences sociales peuvent avoir une incidence sur l’individu au travers de la culture informelle de l’organisation, par exemple en générant des pressions mutuelles qui ne récompensent pas, voire qui pénalisent d’excellentes performances du point de vue de leurs objectifs officiels. Elles peuvent aussi agir plus directement, lorsque la loyauté à l’égard de la famille ou de la ville d’origine interfère avec la capacité d’un fonctionnaire à se conformer aux normes juridiques ou administratives. S’ils ne sont pas pris en compte, ces facteurs risquent d’affaiblir les effets de tout effort de formation sur le renforcement des capacités, même si c’est une réussite en termes pédagogiques.
14Les donneurs doivent se demander si les politiques de leur propre gouvernement font partie du problème. En matière de renforcement des capacités, la cohérence des politiques entre les différents secteurs de l’administration des pays de l’OCDE pose de sérieux problèmes. Par exemple, 70 000 spécialistes africains quittent le continent chaque année. [5] Si l’on considère le flux en retour des transferts d’argent, cela correspond pour partie à une authentique circulation des cerveaux dont tout le monde peut profiter, mais il y a des domaines où les politiques des pays de l’OCDE (auxquelles s’ajoutent d’importants facteurs qui incitent les émigrants à quitter leur pays d’origine) risquent de dépouiller les pays en développement de compétences essentielles. La politique de développement mondial de la Suède offre un modèle permettant de mettre en évidence les incohérences des politiques dans le domaine des migrations par une démarche englobant l’ensemble des administrations publiques.
15Cela devrait inclure le rôle des diasporas. Dans de nombreux pays en développement, les diasporas créées par d’anciennes fuites de capital humain ont un rôle à jouer dans la reconstitution ou le renforcement des capacités dans leurs pays et communautés d’origine. Dans toutes les régions du monde, on peut constater que les membres des diasporas ont apporté des compétences précieuses en management aux États, aux ONG et au secteur privé, tout en assurant également un apport de ressources financières, de contacts externes et une exigence ou norme de performance globalement plus élevée. [6] La recherche de nouvelles façons de mettre à profit l’expérience et les réseaux des diasporas a bien évidemment sa place dans toute stratégie nationale relative aux capacités.
La première étape, toutefois, est de mieux comprendre les contraintes que devra surmonter toute initiative orientée vers la diaspora. Parmi les facteurs importants à prendre en compte, citons bien sûr les questions de marché du travail et de rémunération, mais aussi la disponibilité des services d’éducation et de santé et le climat général de sécurité. Il convient également d’examiner la façon dont les cultures organisationnelles et les contradictions qui peuvent surgir entre les attentes institutionnelles formelles et informelles risquent d’empêcher des spécialistes de la diaspora d’être réintégrés effectivement à des postes de responsabilité dans leur pays d’origine.
Recenser et soutenir les moteurs d’un changement approprié localement
16De l’avis général, le renforcement des capacités est la responsabilité première des pays partenaires, les donneurs jouant un rôle de soutien. Bien que le principe soit suffisamment clair, sa mise en œuvre au niveau national pose néanmoins des problèmes à ceux qui en sont responsables. Encore une fois des questions se posent aux niveaux de l’environnement général, organisationnel et individuel de l’analyse.
L’environnement général
17L’appropriation par le pays concerné doit être traitée comme un processus. Comme cela a été souligné dans la dernière section, l’appropriation par un pays des processus de renforcement des capacités n’est pas le genre de phénomène qui soit existe pleinement, soit n’existe pas du tout. Au niveau du cadre institutionnel global, il est assez clair que les forces de changement ne surgiront que du système politique et social en vigueur dans le pays. Bien que les politiques nationales puissent être influencées par des pressions internationales et régionales, les améliorations apportées aux institutions ne peuvent pas être initiées par les donneurs (même si la communauté des donneurs a l’oreille du président, ou estime s’engager dans un dialogue sur les objectifs stratégiques au plus haut niveau). En revanche, la façon dont se comportent les donneurs avec le pays peut avoir son importance, renforçant les schémas qui émergent d’une façon positive ou négative.
18Les interactions entre donneurs et acteurs du pays peuvent générer des cercles vicieux ou vertueux de changement par rapport à l’appropriation des efforts de renforcement des capacités. L’Annexe A illustre cette proposition. Dans le cas type du cercle vicieux, les donneurs considèrent que les mauvais résultats confirment la faiblesse des capacités et de l’engagement du bénéficiaire, et réagissent en prenant eux-mêmes la direction des opérations. Cela augmente progressivement le sentiment de désengagement et le manque d’intérêt pour les normes de performance chez les organisations et les personnes bénéficiaires, d’où une détérioration supplémentaire des capacités. Un cercle vertueux peut se mettre en place lorsque le donneur a l’impression que le bénéficiaire envisage de plus en plus sérieusement de prendre les rênes. On voit alors les donneurs se mettre en retrait, autoriser et encourager le pays à s’affirmer, puis à s’engager dans un processus de renforcement de son autonomie allant de pair avec une amélioration des capacités et, le moment venu, de meilleurs résultats. L’encadré 6 en donne un exemple.
19L’observation selon laquelle il y a à la fois des cercles vicieux et des cercles vertueux dans les relations d’aide est au centre du débat sur les approches fondées sur des programmes (AFP). [7] Ni des programmes a l’échelle d’un secteur tout entier, ni un soutien budgétaire général ne peuvent être lancés si certaines conditions préalables ne sont pas remplies dans le pays concerné. Cependant, au fur et à mesure que ces conditions commencent à être remplies, les AFP peuvent contribuer à un processus dans lequel l’appropriation des politiques par le pays s’établit ou se reconstruit progressivement, tandis que le leadership du pays se renforce et favorise l’alignement de l’aide. En revanche, la poursuite d’approches fragmentaires ou sans cohérence de la part des donneurs peut aboutir à l’essoufflement du processus.
20Une question importante à prendre en compte lorsqu’on envisage un renforcement des capacités dans un pays particulier est de savoir si l’interaction entre donneurs et acteurs du pays est de type cercle vertueux ou cercle vicieux. Dans le dernier cas, où serait-il possible de briser le cercle de façon à inverser la direction du changement ? Une possibilité consiste, pour les donneurs, à user de leur influence pour encourager la « demande effective » de capacités dans le secteur public du pays. Cela peut se faire, par exemple, en soulignant l’importance de la surveillance parlementaire dans la préparation et l’exécution du budget, ou en soutenant des demandes légitimes portant sur des aspects particuliers des performances gouvernementales.
Encadré 6. Le Parlement impose la création d’une fonction d’audit externe au Montenegro
Motivée par le mandat que lui avait confié le Parlement, l’Institution de contrôle de l’Etat a développé d’elle même une forte appropriation. Ses dirigeants et son personnel se sont empressés de suivre les formations proposées, telle celle du cabinet privé d’experts comptables du Montenegro qui avait vérifié les comptes précédemment. L’institution de contrôle de l’Etat a donc pu présenter au Parlement son premier rapport d’audit sur les comptes de l’Etat du Montenegro en juillet 2005, faisant ressortir plusieurs omissions et carences dans l’exécution du budget et dans l’utilisation des ressources publiques en général. Le Parlement a repris à son compte la totalité de ses conclusions qui ont été transmises au gouvernement en tant que demandes de changements. La GTZ concentre maintenant son travail de conseil, à la fois avec la Commission parlementaire et l’Institution de contrôle, sur des audits organisationnels particuliers.
21L’Annexe B énonce les principes fondamentaux que le PNUD suggère de prendre comme points de départ pour réussir entre donneurs et pays en développement des partenariats renforçant les capacités.
Le niveau organisationnel
22Porter un jugement sur la question de savoir si l’appropriation par le pays est renforcée ou affaiblie par le mode actuel d’interaction entre les donneurs et les pouvoirs publics nécessite la plus grande prudence. La simple existence d’une stratégie de renforcement des capacités ou d’un document officiel sur lequel de hauts fonctionnaires ont apposé la signature du gouvernement n’est pas nécessairement le signe d’un réel engagement. Normalement, cela devrait être utile si le renforcement des capacités était porté au rang d’objectif explicite dans le CSLP ou dans d’autres stratégies de développement du pays, avec des points de repère définis et des indicateurs de progrès. Cependant, cela n’implique pas forcément un haut niveau d’appropriation par le pays.
23Le Cadre de développement intégré de la Banque Mondiale de 2005, Enabling Capacity to Achieve Results, suggère des améliorations globales de la capacité à formuler des stratégies de développement. Plus précisément, les pays qui ont adopté des stratégies de lutte contre la pauvreté ciblent davantage le renforcement des capacités au niveau stratégique, ce qui facilite la définition d’objectifs et aide les donneurs à harmoniser leurs approches. Le rapport met en évidence beaucoup de défis à venir, mais souligne le cas de l’Ethiopie qui a mis au point une stratégie globale de renforcement des capacités soutenue par des partenaires externes. Elle a ainsi fourni le cadre des progrès à réaliser dans des domaines techniques tels que la gestion des finances publiques, la passation des marchés, l’exécution, le reporting et le contrôle du budget. En revanche, l’expérience de plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne montre que les réformes administratives globales sont particulièrement sensibles aux changements de contexte politique. C’est la raison pour laquelle la démarche du « gradualisme stratégique » qui a eu la préférence en Tanzanie peut être une meilleure solution dans la plupart des pays. [8]
24Que les donneurs préfèrent les approches fondées sur des programmes ou sur des projets, les modalités de soutien devraient fonctionner de manière à encourager et à renforcer les initiatives qui bénéficient d’un réel engagement du pays. Cela n’a pas de sens que les donneurs se fassent concurrence sur le cadre du renforcement des capacités ; ils dispersent leurs efforts et détournent des ressources humaines essentielles de leurs tâches principales. Lorsque la tentation de lancer des initiatives parallèles vient d’un manque d’engagement perçu du côté du gouvernement, les donneurs évalueront la possibilité de renforcer les pressions du côté de la demande en préconisant des systèmes tels que des enquêtes sur la fourniture de services ou des cartes d’évaluation par les citoyens, ou en développant les capacités de la société civile et du secteur privé d’agir dans ce sens.
25Evaluer les besoins de capacités peut être utile pour entamer un dialogue ouvert entre donneurs et partenaires des pays en développement. Les évaluations réussies, décrites dans de récentes études, tendent à ne pas être des interrogatoires sans fin à l’échelle du pays tout entier, mais des tentatives ciblées de lier les besoins de capacités aux objectifs globaux de développement. De telles évaluations commencent habituellement par une question : « Des capacités pour quoi faire ? » Par exemple, les stratégies de renforcement des capacités destinées à la gestion des finances publiques ou au système de santé peuvent définir les fonctions que le personnel doit remplir, examiner l’ensemble du système pour voir si le cadre de réglementation et le système d’incitations vont dans le sens des changements nécessaires, et définir les interventions qui peuvent être nécessaires.
26Le bon choix de la sphère organisationnelle est aussi important que le bon choix des organisations pour le ciblage du renforcement des capacités. Les approches qui ont tenté de développer des capacités organisationnelles au moyen de formations génériques sur des sujets tels que « l’établissement de partenariats » ou « la mise en œuvre de projets » ont eu des effets limités. Ces capacités génériques sont manquantes. Cependant, la façon de les mettre en place semble être de s’assurer de changements clés dans l’environnement général – règles institutionnelles insistant davantage sur la responsabilité et l’exigence de résultats – et de créer ou de renforcer des organisations axées sur l’obtention de produits et de résultats spécifiques. [9] Ce choix entre diverses approches en matière de formation pour renforcer des capacités organisationnelles est distinct de la question examinée plus loin concernant la reconstruction d’institutions de formation professionnelle.
Certaines organisations sont plus essentielles que d’autres. Se centrer sur le renforcement des capacités dans une seule organisation recèle le risque de créer des « îlots d’excellence » qui contribuent très peu à l’amélioration globale du système. De ce point de vue, il est utile de cibler des organisations dont les performances accrues auront des retombées importantes sur les capacités ou les performances d’un grand nombre d’autres organisations ou de l’économie nationale tout entière. Le cas de la Revenue Authority du Rwanda illustre ce point. En 6 ans à peine, elle est devenue une organisation hautement performante et respectée, ayant contribué à faire passer la production de recettes de 9.5 % à 13 % du PIB. [10] Dans un autre exemple récent, l’accroissement des capacités du Accountant General’s Department a contribué de façon importante à l’efficacité globale de la gestion des finances publiques en Tanzanie. [11]
Le niveau individuel
27Beaucoup de pays en développement continuent de se débattre avec des services publics qui sont truffés d’incitations négatives ou perverses pour leurs personnels, notamment une faible rémunération, un recrutement et des critères de promotion biaisés, des niveaux aléatoires de dotation en personnel et des outils ou des installations inadéquats. Tous ces facteurs ont été cités comme responsables de l’érosion des capacités. Les donneurs et les ONG ajoutent souvent à ces facteurs de démotivation en recrutant dans la même réserve de compétences limitée du personnel local à des niveaux de salaire nettement plus élevés et des conditions de travail nettement meilleures. Les professionnels indépendants – à la fois ceux qui, dévoués, restent en poste malgré de piètres conditions de travail, et ceux qui ont quitté le service public mais préféreraient y revenir – sont des alliés potentiels pour les réformateurs souhaitant promouvoir le renforcement des capacités. Est-il possible d’exploiter ce potentiel ? Cela constitue une partie importante de la question relative à la portée du changement approprié localement.
28Les politiques de rémunération visant à retenir des talents dans le service public ont un rôle à jouer, de même qu’une meilleure gestion des ressources humaines. Les donneurs peuvent aussi jouer un rôle en évitant des structures de rémunération telles qu’il devient plus attrayant de travailler pour les programmes d’aide que pour les institutions locales. Ils devraient aussi être prêts à reconnaître et à réagir à toute manifestation d’intérêt des pouvoirs publics en abordant le problème d’une façon plus positive. A titre provisoire, pour soutenir les rémunérations dans des postes clés du secteur public, les donneurs peuvent peut-être s’entendre avec les pouvoirs publics autour de suppléments de rémunération et de règles du jeu harmonisés. L’exemple de la Tanzanie dans l’encadré 7 illustre à la fois la possibilité d’une initiative de ce type pilotée par les pouvoirs publics et quelques unes des pressions qui sont susceptibles d’affaiblir l’engagement s’il n’est pas très solide.
Encadré 7. Du complément de salaire à des incitations durables pour les fonctionnaires de Tanzanie
Ce système s’est toutefois heurté à de nombreux obstacles, notamment au ressentiment des fonctionnaires et des ministères qui n’en bénéficient pas, surtout au niveau local. Il a aussi engendré une opposition politique en raison de son caractère sélectif dans une société qui véhicule de fortes valeurs égalitaires. Les donneurs n’ont pas été convaincus de l’engagement du gouvernement par rapport à ce système, étant donné que des allocations qui devaient disparaître progressivement ont continué d’être versées. Ils ont donc refusé de participer au financement d’un système que le gouvernement n’avait pas les moyens de financer s’il devait l’étendre aux autres ministères.
Bien que le Système sélectif de revalorisation accélérée des salaires ait rencontré des difficultés, il représente une des rares expériences de compromis entre les suppléments de rémunération inégaux et désordonnés du passé et une refonte complète du système de rémunération dans la fonction publique. Les raisons pour lesquelles il n’a pu être mis en œuvre comme prévu devraient être étudiées plus avant de façon à ce que les difficultés puissent être surmontées lors de futures expériences.
Assurer un soutien
29Une fois qu’on s’est mis d’accord sur une approche conjointe réaliste du renforcement des capacités, soit pour une organisation particulière, soit pour une série de fonctions clés de l’État, se posent d’autres questions plus spécifiques en matière de conception et de fourniture. C’est alors qu’il faut examiner clairement à la fois ce que le gouvernement propose de faire et les moyens que les donneurs envisagent d’employer pour le soutenir. Là encore, la démarche exige de garder à l’esprit les trois niveaux de renforcement des capacités – environnement général, niveaux organisationnel et individuel - même lorsque du point de vue opérationnel l’accent est mis sur une organisation concrète ou sur un ensemble de fonctions.
L’environnement général
30L’environnement général ne cesse pas d’être pertinent lorsque les questions de conception particulière sont au centre des préoccupations. La transformation des règles institutionnelles générales n’est prometteuse que si l’engagement politique est fort et qu’il vient du plus haut niveau. Une demande plus affirmée des parlementaires, du système judiciaire et des citoyens en général est probablement une source d’engagement accru, mais il lui faudra du temps pour évoluer. Cependant, tant qu’il y a des processus endogènes qui progressent dans la bonne direction, les donneurs doivent être prêts à soutenir des mesures permettant d’améliorer le respect des conventions internationales, la responsabilité dans la gestion des finances publiques, la liberté de la presse et d’autres réformes qui devraient renforcer une demande intérieure de performances et de capacités.
31Le renforcement des capacités dans une organisation particulière peut être l’objectif opérationnel le plus facile à gérer pour les donneurs. Cependant, dans ce cas, le travail opérationnel devra conserver un point de vue réaliste sur la façon dont le contexte institutionnel affectera les améliorations organisationnelles qui peuvent être réalisées, ainsi que le degré auquel le système au sens large bénéficiera de retombées positives. Le travail opérationnel devra aussi être effectué d’une manière qui ne risque pas de compromettre les perspectives à plus long terme d’un changement plus vaste et plus institutionnel.
La façon dont le soutien est apporté est un facteur majeur à cet égard. Par exemple, la coopération technique peut être particulièrement efficace lorsqu’elle est mise en commun et coordonnée, plutôt qu’apportée séparément par des donneurs distincts. L’étude de l’ECDPM sur les services d’éducation décentralisés en Ethiopie donne une idée de l’éventail des pratiques actuelles des donneurs (Encadré 8).
Encadré 8. Modalités du soutien des donneurs au renforcement des capacités de fourniture de services d’éducation décentralisés en Ethiopie
32On évitera autant que possible de recourir à des unités de mise en œuvre de projets à l’instigation des donneurs. Il est établi que tout en veillant à ce que “le travail soit fait”, ces unités ont aussi tendance à miner la capacité des organisations à « apprendre par la pratique ». [12] Œuvrer par l’intermédiaire des systèmes et processus nationaux, aussi lourd et difficile que cela puisse être parfois, reste le principe fondamental du renforcement des capacités. La démarche que préfèrent maintenant de nombreux organismes donneurs est d’éviter les structures parallèles et de concevoir des interventions ou des projets de manière à renforcer les capacités d’unités opérationnelles responsables de projets, considérées comme faisant partie du projet lui-même. Si la conception reste simple et adaptée à la capacité d’absorption de l’agence, les unités de mise en œuvre sont moins nécessaires. La Déclaration de Paris fixe un objectif-cible pour réduire le nombre d’unités parallèles de mise en œuvre de projets dans les pays partenaires.
Le niveau organisationnel
33Au niveau organisationnel, il y a deux choses importantes à ne pas oublier : les objectifs sont-ils clairs et orientés vers les performances, et les méthodes choisies sont-elles les plus appropriées ?
34Le souci de définir des objectifs peut sembler évident. Cependant, les évaluations de programmes de renforcement des capacités qui ont été effectuées dans le passé regorgent d’exemples où les résultats recherchés n’étaient jamais exprimés clairement. Au lieu de cela, le programme était défini en grande partie par les apports fournis ou les résultats facilement quantifiables (nombre de personnes formées, etc.). La capacité à conceptualiser, en termes d’aptitude à œuvrer efficacement pour parvenir à des objectifs convenus, tels les OMD, devrait aider à définir des objectifs.
35Se mettre d’accord sur les résultats souhaités en matière de renforcement des capacités est fondamental, à la fois pour cibler les interventions et pour fixer des repères permettant d’évaluer les progrès tout au long du chemin. Il existe un grand nombre de techniques qui peuvent être utilisées dans un processus d’élaboration conjoint pour obliger les participants à formuler leurs objectifs en termes de réalisations. Les points de vue diffèrent pour savoir si les méthodes formelles (LFA, ZOPP) [13] et la facilitation de professionnels sont le meilleur moyen de s’assurer le type d’accord qui importe dans un processus à plusieurs parties prenantes. Cependant, quelle que soit l’approche adoptée, un effort est nécessaire pour identifier des objectifs spécifiques et réfléchir à « ce qui pourrait fonctionner ici » pour y parvenir.
36Le choix des méthodes pour atteindre les objectifs ne doit pas être dicté par l’offre. C’est-à-dire qu’il ne devrait pas être influencé par ce que le donneur a à offrir. Il devrait s’appuyer sur un jugement réfléchi au sujet de l’efficacité probable et des coûts comparatifs des options disponibles.
Cela peut impliquer d’envisager des fournisseurs non traditionnels pour certaines catégories d’apports. A la Conférence de Shanghai sur la pauvreté en 2004 et pendant les consultations préalables à l’établissement de ce document, des représentants de pays en développement ont exprimé une nette préférence pour les organisations locales plutôt que pour des prestataires du monde développé. On a des exemples qui montrent que cela fonctionne, tel celui de la Croatie dans l’encadré 9. La démarche patiente et prévisible suivie par les donneurs sur une décennie à l’égard de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique a permis de créer une institution régionale forte, capable de mettre en œuvre des programmes sur les capacités humaines et organisationnelles.
Encadré 9. Des organisations locales renforcent les capacités en Croatie
Par exemple, un organisme du nom d’Odraz a promu le développement local en créant ou en renforçant les capacités de leaders locaux. Odraz est une organisation sans but lucratif dont la mission est de susciter et de renforcer des initiatives au niveau des collectivités locales par des partenariats, afin de développer des moyens concrets et appropriés d’améliorer l’économie locale et l’environnement. Grâce à ses efforts, trente cinq leaders locaux ont été formés en collaboration avec l’institut de formation Smart, et ont reçu un soutien après la formation pour concevoir et mettre en œuvre des projets au niveau local. Depuis la formation, les participants ont organisé plus de 20 ateliers et actions locales auxquels ont participé plus de 1500 personnes venant de huit collectivités différentes. Odraz a aussi créé un Réseau de coordination des actions de développement local et publié un manuel de formation sur la mobilisation des collectivités locales
37La Conférence de Shanghai a aussi révélé que les pays en développement préfèrent tirer les leçons de l’expérience des pays du Sud. Soutenant cette approche, les donneurs sont en train d’étudier le rôle important que de grands marchés émergents, tels que l’Inde ou la Chine, ou des pays à revenu moyen tels que le Brésil et l’Afrique du Sud, jouent dans le soutien des pays les plus pauvres, fournissant de nouveaux modèles institutionnels ainsi qu’un accès à l’expertise et au savoir. Les donneurs de l’OCDE peuvent faciliter ce processus, comme plusieurs donneurs l’ont fait en reliant des expériences de renforcement des capacités au Brésil et dans des pays pauvres d’Afrique dans le domaine du VIH/sida.
Des acteurs non gouvernementaux, dans le secteur privé et dans la société civile, sont des sources essentielles de capacités qui peuvent être mobilisées pour compléter et améliorer l’efficacité du secteur public. Des ONG, y compris des laboratoires d’idées et des organismes de formation, peuvent être utiles à la fois pour mettre en œuvre les plans de renforcement des capacités et pour suivre les résultats de leur mise en œuvre par le gouvernement. Des organisations du secteur privé peuvent jouer un rôle important en soutenant le gouvernement dans sa tâche de renforcement des capacités pour la fourniture de services. Le secteur privé et la société civile peuvent aussi fixer, pour leur propre fourniture de services, des repères servant de référence pour évaluer les performances du secteur public. L’encadré 10 en donne un exemple provenant du Sri Lanka.
Encadré 10. Sri Lanka : Renforcer des capacités nationales indépendantes pour l’analyse de la pauvreté
Après des résultats prometteurs au cours de la phase pilote, on a demandé à l’Unité d’institutionnaliser le service professionnel, ce qui a mené à l’établissement du Centre pour l’analyse de la pauvreté (CEPA), société sri-lankaise sans but lucratif. Le CEPA fonctionne dans des conditions commerciales, offrant des études sur la base d’honoraires et des services de conseil sur les questions de pauvreté. En outre, le CEPA propose une formation technique sur l’évaluation de la pauvreté et un suivi pour des spécialistes locaux
Le CEPA s’est largement fait accepter pour la qualité de ses services. Il reçoit un grand nombre de commandes de la part des ministères et travaille non seulement pour plusieurs grands donneurs internationaux, mais aussi pour des ONG nationales. Actuellement, le CEPA effectue un certain nombre d’évaluations d’impact sur la pauvreté et la société eu égard à des questions délicates et controversées concernant le processus CSLP. Le Centre a contribué à sensibiliser aux problèmes liés à la pauvreté ainsi qu’à renforcer des savoir-faire et capacités pertinents parmi les initiatives de développement prises par des Sri lankais et soutenues par des donneurs
Dans sa cinquième année de fonctionnement, le CEPA s’est consolidé du point de vue des programmes ainsi que financièrement et institutionnellement. On s’attend à ce qu’il joue un rôle important en tant qu’organisation professionnelle indépendante dans le domaine de l’analyse de la pauvreté et des stratégies de réduction de la pauvreté
Le niveau individuel
38Le renforcement des capacités suppose évidemment l’existence de personnes instruites et compétentes. L’expérience nous a appris que la diffusion de l’instruction et l’acquisition de compétences professionnelles et de connaissances ne sont pas suffisantes pour renforcer les capacités, à cause de l’importance des contraintes organisationnelles et institutionnelles. Cependant, elles demeurent nécessaires.
39Dans ce contexte, de gros investissements nouveaux dans des capacités de formation pourraient se justifier. Dans certains pays, le moment pourrait être venu de s’intéresser moins exclusivement aux écoles primaires et secondaires et d’accorder plus d’attention à la reconstruction d’organismes de formation nationaux – publics et privés - et aux conditions institutionnelles leur permettant de bien fonctionner. La Commission économique pour l’Afrique a plaidé récemment en faveur d’efforts renouvelés pour soutenir l’enseignement supérieur et la science et la technologie.
40Les donneurs devraient toutefois définir clairement le rôle attendu de telles initiatives dans le vaste domaine du renforcement des capacités, et ne pas se contenter de revenir aux types de programmes soutenus dans le passé. La reconstruction des capacités de formation a besoin d’être ajustée aux possibilités des technologies modernes et de tenir compte des leçons du passé (succès et échecs).
41Sur le premier aspect, l’Internet permet de se connecter plus facilement au savoir mondial et le rend de plus en plus abordable. Il soutient l’acquisition multidirectionnelle de connaissances et le partage de savoirs, plutôt que le transfert de connaissances. Ce changement essentiel doit se retrouver dans la conception des programmes. Un apprentissage interactif informatisé peut éviter des infrastructures matérielles à grande échelle, tout en exigeant un plus gros investissement dans les technologies de l’information.
Deuxièmement, le développement des compétences doit être intégré aux moyens de les déployer. Les outils traditionnels de la coopération technique et de la formation visant le renforcement des capacités se sont souvent révélés inefficaces pour aider à améliorer les performances, parce qu’ils n’ont pas été associés aux évolutions organisationnelles et institutionnelles nécessaires. L’expérience donne à penser que la plupart des retombées positives viennent d’approches élaborées à la demande et réalisées sur mesure, qui prennent en compte le contexte et relient le thème central et la conception de la formation aux stratégies de renforcement des capacités des organisations. Cela implique d’aborder le renforcement des capacités d’une manière intégrée, de façon à ce que les compétences individuelles et les cadres organisationnels dans lesquels elles peuvent effectivement être mises en œuvre soient créés simultanément. Certains des enseignements tirés de programmes à long terme financés par les États-Unis pour l’enseignement supérieur en Afrique sont intéressants à cet égard (Encadré 11).
Encadré 11. Enseignements tirés dans le domaine du renforcement des capacités grâce aux formations de longue durée
- II vaut mieux rechercher des changements institutionnels dans des organisations clés que de s’attacher à améliorer des capacités individuelles. Non seulement cela permet d’améliorer les performances organisationnelles, mais l’effet sur les individus est plus bénéfique.
- Les gains pour les individus de formations de longue durée à l’étranger (aux Etats-Unis) incluent des changements dans les attitudes au travail, une pensée critique et d’autres attributs « non techniques » (tels que la confiance en soi). Ces qualités sont plus difficiles à faire passer dans des formations de courte durée, et pourtant ce sont peut-être les plus importantes pour faire la différence dans le pays d’origine des personnes ayant suivi la formation.
- Le fait d’avoir dans une organisation une masse critique de personnes formées à l’étranger dans le même pays peut être un facteur susceptible de rendre le changement plus réalisable, plus durable et plus efficace. Si c’est le cas, c’est un facteur supplémentaire en faveur d’une approche à long terme et sélective, ciblée sur des organisations clés.
- Les coûts des différentes options de formation devraient être évalués en fonction de l’impact souhaité. C’est le coût d’obtention de l’impact souhaité qui a une importance capitale, et non le coût de la formation.
- Un soutien suivi dans les organisations où sont employées les personnes ayant suivi la formation devrait être intégré dans les programmes. Le fait de maintenir le contact après le retour peut aider ceux qui ont des difficultés pour introduire des changements sur leur lieu de travail, situation rapportée notamment par les femmes. Cela aussi exige un engagement à long terme du donneur.
Tirer les enseignements de l’expérience et les partager
42Il faudrait que les futures initiatives en matière de renforcement des capacités visent optimiser l’apprentissage. Ce que l’on sait des efforts de renforcement des capacités du passé vient d’une série d’études d’évaluation. Mais l’apprentissage et la diffusion des enseignements, tant positifs que négatifs, ont été inutilement lents. Il faudrait plus d’expériences de suivi et d’évaluation du renforcement des capacités, et une diffusion plus efficace des résultats dans les pays et les agences. Cela s’applique aux trois niveaux.
L’environnement général
43Il faudrait prioritairement tirer d’autres leçons de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas en termes de changement de l’environnement général. Les expériences acquises dans la transformation des « règles du jeu » institutionnelles seront particulièrement instructives. Lorsqu’il existe la possibilité d’un apprentissage important à ce niveau, il faudrait le reconnaître non seulement dans la conception du programme – avec un ensemble d’objectifs à atteindre clairement définis – mais aussi dans les modalités de suivi. Cela permettra à la fois un apprentissage interne dans le cadre du programme, de façon à ce que les ajustements nécessaires puissent être effectués, et la diffusion d’enseignements éventuels plus larges auprès des autres pays intéressés (ceux où les facteurs institutionnels sont assez semblables).
44Le suivi devrait aller jusqu’à se demander si le soutien du donneur est apporté de manière à faciliter l’appropriation nationale des efforts de renforcement des capacités. Cela peut être couvert par le suivi général des objectifs-cibles de Paris concernant l’harmonisation et l’alignement. Cependant, il est presque certain qu’une surveillance plus spécifique et approfondie de la relation d’aide sera justifiée, car elle est en rapport avec les efforts de renforcement des capacités.
45Une forme indépendante de suivi, capable de générer des jugements objectifs, sera habituellement la plus souhaitable. Des missions effectuées par d’éminentes personnalités qui ne sont liées ni au donneur, ni au partenaire, peuvent contribuer à établir des repères objectifs et à suivre les progrès réalisés par les deux parties sur un certain nombre d’années. L’expérience d’un suivi indépendant en Tanzanie et au Mozambique donne à penser que cette forme de suivi génère une forte valeur ajoutée. Cela aide à surmonter le déséquilibre de pouvoir inhérent à la relation entre donneurs et bénéficiaires et convient bien à la nature « sensible » des questions qu’il faut aborder. Bien que cette forme de suivi ait été appliquée jusqu’ici à des questions générales dans la relation d’aide, elle serait indiquée pour une application plus spécialisée dans le domaine du renforcement des capacités.
Le niveau organisationnel
46En supposant que les objectifs de renforcement des capacités ont été bien définis, il faut réfléchir au choix et à l’application des mesures correspondantes au niveau de la réalisation. C’est un défi. Il n’y a pas beaucoup d’exemples détaillés du suivi des capacités. La plupart des programmes officiels utilisent les performances pour mesurer les capacités, tandis que les ONG ont eu tendance à employer des approches « systémiques » qui évitent de préciser les objectifs détaillés au départ. [14] On peut avoir besoin d’indicateurs quantitatifs, mais une forme d’évaluation qualitative peut être plus appropriée, selon la façon dont les résultats souhaités ont été définis. l’encadré 12 en donne un exemple. Il est évidemment préférable que le suivi des résultats du renforcement des capacités soit intégré dans un système de suivi national, même si cela suppose quelques pertes en termes de qualité ou de délais.
47Un bon moyen d’évaluer les résultats d’initiatives visant à renforcer les capacités dans les secteurs de services consiste à réunir les opinions des clients ou des utilisateurs finals. Bien qu’elle s’inscrive dans la tradition qui consiste à utiliser des mesures indirectes, cette information en retour est un bon moyen de vérifier si les capacités s’améliorent du fait des initiatives. Comme l’a exprimé un analyste, « Quelles que soient les imperfections dans ce que disent et approuvent les clients concernant la mesure des résultats finals, ces personnes nous donnent des indications fiables sur ce qui est important pour les bénéficiaires. Au bout du compte, il vaut mieux avoir des informations approximatives sur des questions importantes que des données précises sur des questions qui risquent d’être non pertinentes pour le développement ». [15]
Encadré 12. Evaluation organisationnelle participative pour fixer des objectifs et assurer le suivi
Le niveau individuel
48Le suivi du succès au niveau individuel ne concerne pas seulement la valorisation des compétences. Dans le domaine de la formation, il est courant de chercher à obtenir de l’information en retour sur l’efficacité de la formation en tant qu’expérience d’apprentissage. Cependant, une des limites principales de l’assistance technique traditionnelle et de la démarche de formation est la suivante : même lorsque l’apprentissage a été très efficace, la capacité n’a pas été valorisée parce que les individus n’ont pas l’occasion d’appliquer ces compétences dans leur emploi ou ne sont pas incités à le faire. Supposant que le programme a été conçu en ayant cette déconnexion probable à l’esprit, les modalités de suivi devraient normalement intégrer l’expérience de l’individu dans son environnement de travail et, si nécessaire, dans sa vie professionnelle ultérieure (car d’importants bénéfices en termes de capacité organisationnelle pourraient se porter ailleurs).
Résumé de la mise en œuvre du nouveau consensus
49Dans le domaine du renforcement des capacités, les formules et modèles généraux ne produisent pas d’avantages durables ; il faut rechercher activement les approches qui conviennent le mieux aux circonstances particulières du pays, du secteur ou de l’organisation à l’étude. Dans cette section, le débat a été centré sur les implications pratiques de cette démarche. Les sous-sections comportaient les questions que doit se poser le personnel de terrain au cours des quatre étapes de la conception d’un programme de renforcement des capacités.
50Des suggestions ont été faites sur :
- Des outils et des thèmes permettant de comprendre le contexte national et international d’initiatives en faveur du renforcement des capacités.
- Des façons de procéder pour recenser et soutenir les facteurs d’appropriation par le pays.
- Des questions qu’il faudra probablement soumettre à un examen minutieux au moment de soutenir des initiatives en faveur du renforcement des capacités.
- Comment promouvoir les conditions permettant de tirer les leçons de l’expérience et de les partager avec d’autres.
Date de mise en ligne : 01/05/2010
Notes
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[1]
OECD-DAC GOVNET, Document de séance 5 : « Lessons Learned on the Use of Power and Drivers of Change Analyses in Development Co-operation », 7ème réunion du Réseau du CAD sur la gouvernance, Paris, 20-21 octobre 2005, paragraphe 69.
-
[2]
Mamadou Dia, La gestion et l’administration en Afrique dans les années 90 et au-delà : Réconciliation entre les institutions indigènes et transplantées, Série Le développement à l’œuvre, Banque Mondiale, 1996, p. 1.
-
[3]
C’est-à-dire l’examen systématique des forces, des faiblesses, des possibilités et des menaces.
-
[4]
EuropeAid, Institutionnal Assessment and Capacity Development : Why, What and How ? Bruxelles : Commission européenne, 2005, ch.5.
-
[5]
World Bank OED (2005), Capacity Building in Africa. An OED Evaluation of World Bank Support.
-
[6]
PNUD (2003), Appropriation, leadership et transformation, Chap. 2.
-
[7]
Réal Lavergne, « Program-Based Approaches : The Concept and its Implications », contribution présentée au Forum de Tokyo sur les AFP en Asie, 1-3 juin 2004.
-
[8]
Brian Levy, “Governance and Economic Development in Africa: Meeting the Challenge of Capacity Building” in Brian Levy and Sahr Kpundeh (eds.) Building State Capacity in Africa: New Approaches, Emerging Lessons, Washington, DC: The World Bank, 2004, p. 13.
-
[9]
Nils Boesen & Ole Therkildsen, A Results-Oriented Approach to Capacity Change, Ministère danois des affaires étrangères, 2005.
-
[10]
Anthony Land, Developing Capacity for Tax Administration: The Rwanda Revenue Authority, Maastricht: ECDPM, Discussion Paper 57D, novembre 2004
-
[11]
Daima Associates and ODI, “Joint Evaluation of General Budget Support: Tanzania 1995-2004”, Dar es Salaam, avril 2005.
-
[12]
C’est la conclusion d’un grand nombre d’évaluations et d’études. Voir, par exemple, la section sur les Unités de mise en œuvre de projets (PIUs) dans FNUAP, Evaluation 20.
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[13]
L’analyse du cadre logique (Logical Framework Analysis – LFA) est une technique de planification de projet qui implique, à partir des objectifs convenus, de revenir à la définition des résultats et des apports qui seront nécessaires pour les réaliser, ainsi qu’aux indicateurs et données requis pour suivre les progrès à chaque niveau. ZOPP est l’acronyme allemand pour la planification de projets orientés vers les objectifs, qui est fondamentalement la même technique.
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[14]
Watson, A. “Monitoring and Evaluation Aspects of Capacity and Capacity Development”, Working Paper, ECDPM Study on Capacity Change and Performance, Sept 2005.
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[15]
Hauge, A. (2002), “Accountability – To What End?” Development Policy Journal, Vol. 2, UNDP.