Couverture de CAD_071

Article de revue

Chapitre 1 Vue d'ensemble du président du CAD

Pages 13 à 36

Notes

  • [1]
    Projet du millénaire des Nations unies (2005), Taking Action : achieving gender equality and empowering women, UN Millennium Project, New York.
  • [2]
    OCDE/CAD (2005), Activités d’aide visant l’égalité homme-femme, 1999-2003, OCDE, Paris.
  • [3]
    DFID (2005), Minutes of the Development Committee meeting, 18 janvier 2005, Londres.

1L’année 2005 devait être « l’année du développement ». Qu’en a-t-il été dans la réalité ?

2Aucun doute que les questions de développement ont occupé le devant de la scène en 2005. Dès le début de l’année, les effroyables dégâts provoqués par le tsunami survenu dans l’océan Indien le 26 décembre 2004 ont mobilisé l’attention du monde entier, suscitant un élan de générosité sans précédent de la part de l’homme de la rue aussi bien que des gouvernements. En juillet, la crise alimentaire qu’a subie le Niger a mis en évidence la fragilité du système international face à une urgence humanitaire bien plus prévisible. Des cyclones d’une violence exceptionnelle sont ensuite venus ravager les Caraïbes et le golfe du Mexique et un tremblement de terre dévaster la région du Cachemire en octobre, alors que dans le même temps les menaces s’aggravaient sur la sécurité alimentaire en Afrique australe, de sorte qu’il n’y a eu aucune relâche des appels à l’aide humanitaire.

3Au niveau politique, le Conseil de l’OCDE réuni au niveau des ministres en mai a entériné une Déclaration de l’OCDE pour le bilan de la mise en œuvre de la Déclaration du millénaire des Nations unies et du Consensus de Monterrey, engageant les pays membres de l’Organisation à redoubler d’efforts pour assurer la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le Sommet du G8tenu à Gleneagles en juillet et l’Assemblée générale des Nations unies qui a eu lieu en septembre ont porté le développement au plus haut de l’échelle des priorités internationales, de même que les questions étroitement liées du changement climatique ainsi que de la sécurité et des droits de l’homme. Pour clore l’année, enfin, la réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Hong-Kong a été centrée sur la question de savoir comment tenir la promesse de faire de Doha le « cycle du développement ».

4Côté analyse, la production a été à la hauteur de cette publicité. En janvier, le Projet du millénaire des Nations unies a remis un rapport sur ce que cela nécessiterait de faire en sorte que les objectifs du millénaire pour le développement ne restent pas de simples aspirations à l’échelle mondiale mais deviennent réalité pour chaque pays en développement. Ce rapport montre qu’au train où vont actuellement les choses la plupart des objectifs ne seront pas atteints dans de nombreux pays en développement et en transition et prône une exploitation plus ambitieuse et plus complète des instruments existants, notamment les stratégies de lutte contre la pauvreté (SLP), parallèlement à des interventions renforcées selon des axes éprouvés propres à susciter des résultats rapides. Adoptant une optique large, il souligne l’importance pour la réalisation des OMD de la science, de la technologie et des infrastructures, et le rôle du secteur privé (lequel constituait le thème central d’un précédent rapport des Nations unies paru sous le titre Libérer l’entreprenariat). En mars, dans son rapport intitulé Dans une liberté plus grande, le Secrétaire général des Nations unies s’est appuyé sur cette analyse et sur celle qu’avait fait paraître en décembre précédent le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement pour formuler un ensemble cohérent de suggestions dans les domaines du développement, de la sécurité et des droits de l’homme ainsi que des propositions concernant la poursuite de la réforme des Nations unies. Ces diverses initiatives ont considérablement renforcé la pression à s’attaquer aux défis soulevés par l’instauration de la paix, de la sécurité et de la stabilité. La création d’une Commission de consolidation de la paix, décidée au Sommet mondial de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, en particulier, témoigne de la volonté de la communauté internationale de prévenir l’émergence de conflits violents et d’aider à restaurer la paix dans les pays en guerre. En mars encore, la Commission pour l’Afrique parrainée par le Royaume-Uni a elle aussi remis son rapport, lequel contient tout un ensemble de propositions destinées à aider les pays africains et leurs partenaires à relever les défis auxquels est confrontée l’Afrique. Enfin, le premier exercice « d’examen mutuel » de l’OCDE et de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) est venu apporter un complément à ces travaux. De son côté, le Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale fournit un éclaira e nouveau sur l’importance de l’équité dans le processus de développement.

5Cette année a aussi été marquée de quelques actions concrètes. L’arrivée à échéance de l’Arrangement multifibres – dernier vestige du cycle d’Uruguay – a induit des modifications spectaculaires dans la structure des échanges de textiles, même si celles-ci se sont révélées douloureuses pour de nombreux pays en développement et ont été momentanément atténuées par la réintroduction des contrôles sur certains marchés. Un accord a par ailleurs été trouvé pour effacer la dette multilatérale des pays affichant de bons résultats à l’égard du Fonds monétaire international (FMI), de l’Association internationale de développement (IDA) et du Fonds africain de développement (FAfD), dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Une réduction notable de sa dette a été accordée au pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigeria. Des décisions importantes ont par ailleurs été prises concernant à la fois le volume et l’efficacité de l’aide, sur lesquelles on reviendra plus en détail plus loin.

6Plus important encore, il semble que les pays en développement, qui avaient déjà connu une croissance remarquable en 2004, aient continué d’afficher des taux de croissance du revenu par habitant bien supérieurs à ceux enregistrés dans les pays de l’OCDE, et en Afrique ce dernier a enfin manifesté des signes réels d’accroissement significatif (même s’il reste encore trop faible). Les indicateurs de la gouvernance ont, eux aussi, poursuivi leur lente ascension dans plusieurs pays. La forte hausse des prix du pétrole a été source de bénéfices exceptionnels pour les pays exportateurs et a freiné la croissance des autres mais, au moment où sont rédigées ces lignes, il semble qu’elle ait eu moins de retombées néfastes qu’on ne le pensait pour les pays en développement dans leur ensemble.

7En bref, s’est opérée en 2005 une prise de conscience que des changements en profondeur étaient indispensables pour que la situation des pauvres du monde entier puisse s’améliorer à un rythme approchant ce qu’impliquent les OMD. Cette année représente néanmoins aussi une étape dans le lancement d’une entreprise conjointe de plus en plus déterminée visant à accélérer les progrès de la lutte contre des privations et des inégalités que le monde ne saurait tolérer plus longtemps. Je suis heureux que le CAD ait joué un rôle dans la conception de cette entreprise conjointe, comme le montre la suite du présent rapport.

8Dans le présent chapitre, j’approfondirai quatre grandes questions auxquelles doivent actuellement trouver une réponse ceux qui interviennent dans l’acheminement de l’aide, je m’interrogerai sur les enseignements à tirer de notre échec collectif à assurer l’égalité des sexes à l’école pour 2005 et je ferai, comme d’habitude, le point sur les progrès accomplis dans certains grands domaines qui font l’objet d’un suivi depuis deux ans dans le Rapport sur la coopération pour le développement.

Quatre grandes questions

Quel volume d’aide sera dégagé, quand, pour qui, et comment ?

9Comme il était souligné dans les précédents rapports, l’aide internationale ne peut faire plus qu’apporter une contribution à l’instauration d’un développement durable qui profite aux pauvres. L’action des gouvernements et des populations des pays pauvres (y compris le secteur privé) et la création, du fait des politiques suivies par les pays de l’OCDE et les autres, d’un environnement favorable jouent, intrinsèquement, un rôle bien plus important. Reste qu’un accroissement du volume et de la qualité de l’aide peut faire une réelle différence, en particulier pour la rapidité des progrès accomplis. Il est donc du plus grand intérêt d’essayer de comprendre ce que signifient en pratique les déclarations de très vaste portée qui ont été faites en 2005 à propos du volume de l’aide et de l’efficacité avec laquelle elle est utilisée.

10L’aide publique au développement (APD) telle que la mesure le CAD s’inscrit sur une tendance à la hausse en termes réels (depuis 1997) comme en proportion du revenu national (depuis 2001). Tout porte à croire que son accroissement aura été exceptionnel en 2005. Qui plus est, les décisions prises par de nombreux membres du CAD devraient en assurer une nouvelle progression considérable jusqu’en 2010, et même 2015. Parmi ces décisions, celles qu’a arrêtées le Conseil de l’Union européenne (UE) à sa réunion du 24 mai méritent tout particulièrement de retenir l’attention car elles engagent 25 pays, dont 16 des 23 membres du CAD. Si elles sont intégralement tenues, en 2010, les dépenses annuelles d’APD de l’UE seront supérieures de 38 milliards USD en termes réels à leur niveau de 2004 (et augmenteront encore de 28 milliards USD entre 2010 et 2015). Si on ajoute à cela les promesses émanant d’autres membres du CAD, les versements nets d’APD de l’ensemble des membres du Comité devraient, d’après les estimations du Secrétariat, passer au total de 79.5 milliards USD en 2004 à 128.1 milliards USD en 2010 (en dollars constants de 2004), soit un accroissement de près de 50 milliards USD. Le tableau 1.1 ci-après fournit sur ce point des chiffres détaillés.

11Bien qu’il soit impossible d’établir des projections comparables pour la plupart des donneurs non membres du CAD (autres que les nouveaux États membres de l’UE, auxquels les décisions de cette dernière impose des augmentations fort considérables), on peut penser que l’aide émanant de ces pays s’inscrira aussi sur une tendance à la hausse au cours de la période considérée. La Corée a décidé de consacrer à l’APD 0.10 % de son RNB d’ici 2010, ce qui implique une multiplication par plus de deux du volume de son aide qui se trouverait ainsi porté aux alentours de 1milliard USD. L’annonce par la Chine, à l’Assemblée générale des Nations unies, du déblocage de 10 milliards USD supplémentaires est particulièrement révélatrice, même s’il a été clairement précisé qu’une fraction indéterminée de ce surplus prendrait la forme de crédits à l’exportation et non d’une APD. L’un dans l’autre, ont peut escompter observer la progression la plus considérable de l’APD, au sens du CAD, depuis la création du Comité en1960. En proportion du RNB cumulé des pays du CAD, celle-ci n’atteindra toutefois en2010 qu’un niveau (0.36% pour l’ensemble des membres du CAD) à peine plus élevé que celui de la période 1980 à 1992 (0.33 %) et bien inférieur à celui de plus de 0.50 % enregistré dans les premières années d’existence du Comité.

12Les chiffres qui précèdent sont des projections du Secrétariat s’appuyant, pour l’essentiel, sur les déclarations publiques faites par les gouvernements des pays membres du CAD. Ils impliquent que, dans la plupart de ces pays, l’APD devra augmenter, année après année, à un rythme supérieur à celui des dépenses publiques totales, et aussi à celui de ces quelques dernières années. Ce constat met en évidence la difficulté du pari. Voyons donc jusqu’à quel point ce genre de promesses et d’estimations s’est révélé digne de foi jusqu’à présent.

Tableau 1.1.

Simulations du Secrétariat de l’OCDE/CAD concernant le volume net des apports d’APD des membres du CAD en 2006 et en 2010

Tableau 1.1.
Simulations du Secrétariat de l’OCDE/CAD concernant le volume net des apports d’APD des membres du CAD en 2006 et en 2010 En millions USD constants de 2004 Les données ci-dessous ne sont pas des prévisions, mais des projections du Secrétariat basées sur les déclarations publiques faites par les pays membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Les chiffresclés de ces déclarations sont montrés dans la colonne « Hypothèses ». Des projections du RNB sont nécessaires pour calculer l'APD nette et les ratios APD/RNB pour 2006 et 2010. Pour 2006, les projections de croissance réelle pour chaque pays sont tirées des Perspectives économiques de l'OCDE no 77 (mai 2005), annexe tableau 1. Pour la période 2006-10, une croissance réelle annuelle de 2 % du RNB est supposée pour tous les pays. Les calculs ont été discutés au niveau technique avec les autorités nationales, mais le Secrétariat du CAD est responsable de la méthodologie et des résultats finals publiés. 1. Les rapports APD/RNB ont été obtenus par interpolation entre 2004 et l'année visée. 2. L'Espagne a pour objectif d'atteindre au minimum 0.5 % d'ici 2008, puis 0.7 % d'ici 2012; la Finlande a pour objectif d'atteindre 0.7 % d'ici 2010 « en fonction des circonstances économiques » le Royaume-Uni a annoncé un calendrier qui permettra d'atteindre 0.7 % d'ici 2013. 3. L'APD du Portugal en 2004 était au-dessus de la tendance habituelle dû à une opération exceptionnelle de remise de dette à l'Angola. 4. Le Canada a l'intention de doubler le niveau 2001 de son Enveloppe de l'aide internationale (EAI) d'ici 2010 en termes nominaux. La portion d'APD estimée dans ce tableau, fournie par les autorités canadiennes, comprend des ajustements pour l'inflation (environ 2 pour cent par an) et pour les dépenses d'APD en dehors de l'EAI. 5. Projection du Secrétariat basée sur l'APD 2004 plus 5 milliards de $ par an au titre des engagements pris au sommet du G8 de Gleneagles sur l'augmentation de l'aide à l'Afrique, ainsi qu'au titre du Millennium Challenge Account, et des initiatives sur le sida, la malaria et l'aide humanitaire. 6. Au cours des cinq prochaines années (2005-2009), le Japon a l'intention d'augmenter son volume d'APD de 10 milliards de $ au total par rapport à son volume d'APD nette en 2004. La projection du Secrétariat suppose que l'APD aura augmenté de 1 milliard de $ en 2006 et de 3 milliards de $ en 2010 par rapport à 2004. 7. L'APD de la Suisse va augmenter de 8 % en termes nominaux de 2005 à 2008. Un nouvel objectif sera déterminé pour les années suivantes. La projection du Secrétariat suppose que le ratio APD/RNB de 0.41 % sera maitenu en 2006 et 2010. 8. En 2004, l'APD des Pays-Bas était en-dessous de leur objectif, car l'Inde a remboursé tous ses prêts envers les Pays-Bas. Les Pays-Bas ont l'intention de maintenir leur objectif de 0.8 % du RNB, en moyenne, au cours de la période 2004-07. 2004 Hypothèses 2006 2010 APD nette (provisoire) APD/RNB APD nette APD/RNB Variation réelle de l'APD par rapport à 2004 APD nette APD/RNB Variation réelle de l'APD par rapport à 2004 (mn de $) % (mn de $) % Allemagne 7 534 0.28 % 0.33 % en 2006 et 0.51 % en 2010 9 271 0.33 % 1 737 23 % 15 509 0.51 % 7 975 106 % Autriche 678 0.23 % 0.33 % en 2006 et 0.51 % en 2010 1 000 0.33 % 322 48 % 1 673 0.51 % 995 147 % Belgique1 1 463 0.41 % 0.7 % en 2010 1 815 0.49 % 351 24 % 2 807 0.70 % 1 344 92 % Danemark 2 037 0.85 % Minimum 0.8 % 2 037 0.81 % 0 0 % 2 185 0.80 % 148 7 % Espagne1, 2 2 437 0.24 % 0.5 % en 2008 et 0.7 % en 2012 3 569 0.33 % 1 132 46 % 6 925 0.59 % 4 488 184 % Finlande1, 2 655 0.35 % 0.44 % en 2007 et 0.7 % en 2010 797 0.41 % 141 22 % 1 475 0.70 % 820 125 % France1 8 473 0.41 % 0.5 % en 2007 et 0.7 % en 2012 9 983 0.47 % 1 510 18 % 14 110 0.61 % 5 638 67 % Grèce 465 0.23 % 0.33 % en 2006 et 0.51 % en 2010 715 0.33 % 251 54 % 1 196 0.51 % 732 158 % Irlande 607 0.39 % 0.5 % en 2007 et 0.7 % en 2012 765 0.44 % 158 26 % 1 121 0.60 % 514 85 % Italie 2 462 0.15 % 0.33 % en 2006 et 0.51 % en 2010 5 537 0.33 % 3 075 125 % 9 262 0.51 % 6 801 276 % Luxembourg1 236 0.83 % 1 % en 2009 272 0.90 % 36 15 % 328 1.00 % 93 39 % Pays-Bas 4 204 0.73 % Minimum 0.8 %8 4 801 0.82 % 598 14 % 5 070 0.80 % 867 21 % Portugal3 1 031 0.63 % 0.33 % en 2006 et 0.51 % en 2010 558 0.33 % –474 –46 % 933 0.51% –98 –10 % Royaume-Uni1, 2 7 883 0.36 % 0.47 % en 2007-08 et 0.7 % en 2013 9 602 0.42 % 1 719 22 % 14 600 0.59 % 6 717 85 % Suède 2 722 0.78 % 1 % en 2006 3 719 1.00 % 997 37 % 4 025 1.00 % 1 303 48 % Membres de l'UE, total 42 886 0.35 % 54 440 0.43 % 11 554 27 % 81 221 0.59 % 38 335 89 % Australie 1 460 0.25 % 0.36 % en 2010 1 768 0.28 % 308 21 % 2 460 0.36 % 1 000 68 % Canada4 2 599 0.27 % 8 % d'augmentation annuelle jusqu'en 2010 2 897 0.28 % 297 11 % 3 648 0.33 % 1 049 40 % Éats-Unis5 19 705 0.17 % Voir la note 4 24 000 0.19 % 4 295 22 % 24 000 0.18 % 4 295 22 % Japon6 8 906 0.19 % Voir la note 5 9 906 0.20 % 1 000 11 % 11 906 0.22 % 3 000 34 % Norvège 2 199 0.87 % 1 % sur la période 2006-09 2 657 1.00 % 458 21 % 2 876 1.00 % 677 31 % Nouvelle-Zélande 212 0.23 % 0.27 % en 2005-06 et 0.28 % en 2007-08 258 0.27 % 46 22 % 289 0.28 % 77 36 % Suisse7 1 545 0.41 % Voir la note 6 1 596 0.41 % 51 3 % 1 728 0.41 % 182 12 % Membres du CAD, total 79 512 0.26 % 97 520 0.30 % 18 008 23 % 128 128 0.36 % 48 616 61 %

Simulations du Secrétariat de l’OCDE/CAD concernant le volume net des apports d’APD des membres du CAD en 2006 et en 2010

13À l’occasion de la Conférence internationale sur le financement du développement tenue à Monterrey en mars 2002, de nombreux membres du CAD avaient annoncé leur intention d’accroître leur APD en vue habituellement de la porter à un niveau prédéterminé pour 2006. L’examen des suites données à ces engagements devrait nous fournir des éléments pour anticiper l’évolution probable des dépenses d’APD d’ici 2010.

14L’APD a effectivement continué d’augmenter chaque année en termes réels depuis la Conférence de Monterrey, mais à un rythme inférieur à celui qu’aurait nécessité la concrétisation des promesses des donneurs pour2006. Entre 2001-04, l’APD a progressé de 18 % en termes réels, soit un accroissement annuel moyen d’un peu plus de 5 %. Or, il faudrait que ce taux soit multiplié par deux entre2004-06 pour que se matérialisent les projections établies pour 2006.

15Cela laisse planer un certain doute sur la probabilité que soient atteints les niveaux d’aide promis à Monterrey pour 2006. Certains des chiffres présentés dans le tableau 1.1 sont encourageants : le rapport APD/RNB de l’UE, par exemple, y ressort à 0.43 % en 2006, pour un objectif de 0.39 %. Cela dit, comme le montre aussi le tableau, ce résultat suppose que tous les membres du CAD appartenant à l’UE portent, pour cette date, leur APD au niveau minimum convenu de 0.33 % de leur RNB, ce qui nécessitera un accroissement proportionnellement considérable de l’APD de certains membres de l’UE (125 % dans le cas de l’Italie, notamment). En fait, il faudrait que l’APD émanant des cinq membres de l’UE qui se situaient en dessous du seuil de 0.33 % en 2004 augmente globalement de 6.5 milliards USD d’ici 2006 pour que les estimations du Secrétariat soient vérifiées. Si la moitié de ce surplus se matérialisait, et à supposer que la performance de tous les autres membres de l’UE soit conforme aux projections, le rapport APD/RNB de l’UE atteindrait encore un chiffre supérieur à 0.39%, mais d’un centième de point seulement. Reste que dans la pratique, comme on le verra plus loin, certains facteurs spécifiques faciliteront vraisemblablement la concrétisation des promesses faites par les donneurs pour 2006.

16En outre, les accroissements ne passeront pas forcément par le canal envisagé. À Monterrey, lorsqu’ils s’étaient engagés à accroître leur APD de 50 % pour 2006, les États-Unis avaient prévu de dégager 5 milliards USD par le biais du Millenium Challenge Account (MCA) qu’ils venaient de créer. Dans les faits, les versements au titre du MCA n’ont débuté qu’en 2005, et pour l’exercice 2006 l’Administration a demandé une enveloppe de 3milliards USD que le Congrès a ramenée à 1.77 milliard USD, le lancement et l’expansion des activités ayant été plus lents que prévu en raison de la nécessité d’en assurer l’appropriation par les pays bénéficiaires. D’un autre côté, sous l’effet des dépenses consenties en Irak (qui n’étaient pas prévues dans les promesses faites à Monterrey) et en Afghanistan ainsi que de l’augmentation d’autres catégories de dépenses, en faveur de l’Afrique subsaharienne, des instances multilatérales, de la lutte contre le VIH/sida et de l’aide d’urgence notamment, les débours des États-Unis ont progressé de 83% en termes réels entre 2000-04, contre 20 % pour la moyenne du CAD.

17À supposer qu’il en aille de même des engagements pris par une grande majorité des membres du CAD pour 2010 (dont le Canada, l’UE et le Japon), on peut penser que, premièrement l’APD continuera certes d’augmenter, mais à un rythme qui rendra l’objectif de plus en plus difficile à atteindre à l’approche de 2010; que, deuxièmement, la matérialisation de l’intégralité des 128milliards USD ressortant des simulations du Secrétariat pour 2010 ne peut être considérée comme acquise; et que, troisièmement, il est difficile de prédire longtemps à l’avance les canaux par lesquels passera dans la pratique le surplus d’APD.

18Quelques jugements plus précis peuvent néanmoins être rendus à propos du passé et de l’avenir immédiats. Les chiffres de l’APD relatifs à 2005 qui paraîtront en avril 2006 feront ressortir une augmentation notable de l’APD, qui devrait atteindre un volume nettement supérieur à son niveau tendanciel (voir le graphique 1.1). Cette évolution s’explique par les éléments suivants :

  • En février 2005, les donneurs sont convenus d’une contribution de 18milliards USD à l’IDA de la Banque mondiale, afin d’accroître d’au moins 25% l’enveloppe des dons et prêts de cette institution.
  • Les membres du CAD ont entrepris d’étoffer sensiblement leurs programmes bilatéraux.
  • Le tsunami survenu dans l’océan Indien et d’autres catastrophes naturelles, comme le tremblement de terre au Cachemire, ont suscité une mobilisation exceptionnelle de ressources, publiques et privées, aux fins des secours et de la reconstruction.
  • À la fin de 2004, le Club de Paris était convenu d’effacer une grande partie de la dette de l’Irak. Sa décision, en 2005, d’accorder une remise de dette au Nigeria aura également des répercussions notables sur les chiffres de l’APD.

Graphique 1.1.

Évolution de l’APD nette des membres du CAD telle qu’elle a été observée pour la période 1994-2004

Graphique 1.1.
Graphique 1.1. Évolution de l’APD nette des membres du CAD telle qu’elle a été observée pour la période 1994-2004 et qu’elle ressort des simulations du Secrétariat pour la période 2006-10 % du RNB PD (milliards USD 2004) 0.40 1400.36 0.35 0.33 1200.30 0.30 0.26APD en % 100 0.25 du RNB ( chelle de gauche) 80 0.20 0.22 APD totale (échelle de droite) 60 0.15 0.10 40 0.05 20 APD totale à l’Afrique (échelle de droite) 0.00 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 199 199 199 199 199 199 199 199 199 199 200 200 200 200 200 200 200 200 200 200 20 Statlink:http:// dx. doi. org/ 10. 1787/ 207187515052

Évolution de l’APD nette des membres du CAD telle qu’elle a été observée pour la période 1994-2004

19Par conséquent, on peut anticiper sur le court terme une « explosion » apparente de l’APD. Reste que, pour une bonne part, celle-ci ne se traduira pas par un accroissement des transferts de ressources pour la vaste majorité des pays en développement.

20À un peu plus long terme, ces facteurs iront s’amenuisant (les accords futurs sur la dette ne porteront vraisemblablement pas sur des montants aussi importants que celui des remises accordées à l’Irak et au Nigeria). Les donneurs devront donc augmenter dans des proportions notables d’autres formes d’aide s’ils veulent approcher les objectifs fixés pour 2010. L’un dans l’autre, le « pays en développement performant moyen » peut escompter une progression plutôt modeste de ses recettes d’APD en 2005-06, progression qui avec un peu de chance pourrait s’accélérer progressivement par la suite. Les objectifs intermédiaires définis par certains membres du CAD pour des années se situant entre 2006-10 et les taux d’augmentation auxquels d’autres se sont engagés devraient contribuer à entretenir la dynamique de croissance.

21Ces prévisions pourraient même devoir être revues à la hausse si des sommes importantes étaient mobilisées à travers des dispositifs novateurs de financement comme la Facilité financière internationale ou les prélèvements sur les voyages aériens. Cela dit, l’accord conclu sur une Facilité internationale de financement pour la vaccination, dont il convient de se féliciter, aura de ce point de vue des effets assez modestes (mais essentiels pour les taux de vaccination). Au moment où sont rédigées ces lignes, les dépenses anticipées de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI) totalisaient 1.4 milliard USD sur cinq ans. Pour l’instant, on ne sait pas très bien dans quelle mesure le produit des prélèvements sur les voyages aériens sera considéré comme devant s’ajouter aux apports prévus. Ces prélèvements pourraient avoir un caractère obligatoire ou volontaire. Dans le premier cas, ils pourraient gonfler les apports d’APD s’ils sont utilisés pour aller au-delà des engagements existants. Dans le second, les sommes ainsi dégagées seront comptabilisés dans les apports privés et s’ajouteront donc, par définition, à l’APD.

22Si on fait abstraction des rubriques « extraordinaires », où ira le surplus d’APD ? Et où devrait-il aller ?

23Les études se sont multipliées ces dernières années en vue de déterminer la répartition des apports d’APD qui a le plus de chances de se révéler efficace pour faire reculer la pauvreté et accélérer les progrès vers les OMD. Les principales conclusions de ces travaux peuvent se résumer comme suit :

  • La répartition de l’APD doit être calquée, toute raison gardée, sur celle de la population mondiale des très pauvres.
  • Les pays qui obtiennent de bons résultats doivent recevoir une aide plus importante par habitant que ceux qui affichent le même niveau de pauvreté mais de moins bonnes performances (même si certaines études mettent en doute la sensibilité de l’efficacité de l’aide à l’environnement résultant des politiques suivies par les bénéficiaires, la plupart des donneurs accordent, à juste titre à mon avis, un grand poids à cette considération).
  • L’aide, comme la plupart des autres interventions, est assujettie à la loi des rendements décroissants : à partir d’un certain seuil, s’instaure une dépendance excessive à l’égard de l’aide qui annule l’utilité de tout surplus d’aide.
  • Certains pourraient ajouter que l’accès à des financements autres que l’APD doit aussi être pris en compte. Il paraît également contradictoire de consentir un volume substantiel d’APD à des pays dont les réserves de change sont déjà importantes et en voie d’augmentation rapide.
  • Étant donné qu’à peu près le tiers des pauvres de la planète vivent dans des « États fragiles », davantage doit être fait pour mieux appréhender les approches et instruments à utiliser dans ces pays, souvent affectés par un conflit, et pour se faire une idée plus précise de leur capacité d’absorption.

24La répartition actuelle de l’aide n’est pas encore totalement conforme à ces principes, mais en est quand même un peu plus proche que ce n’était le cas à l’époque de la guerre froide. Par rapport à ce que serait la répartition théoriquement optimale de l’APD, on peut observer que :

  • Les pays à revenu intermédiaire, qui abritent environ 27% des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour, reçoivent une part de l’APD totale légèrement supérieure à ce qu’ils devraient (à peu près 33 % en 2003-04). Cela tient en partie à leur capacité d’absorption plus grande que celle des pays à faible revenu; reste qu’ils bénéficient habituellement d’un accès raisonnable à d’autres formes de financement, notamment des prêts aux conditions du marché des banques multilatérales de développement, dont la capacité de crédit est actuellement loin d’être utilisée à plein. Il convient de réfléchir plus avant aux moyens de mieux rentabiliser l’aide dans ces pays où, dans la plupart des cas, elle occupe une place relativement modeste par rapport aux ressources locales et où la pauvreté est probablement imputable à des facteurs profondément ancrés d’incapacitation et d’exclusion, dont l’expérience montre qu’ils sont souvent difficiles à contrer.
  • Les petits pays reçoivent beaucoup plus d’aide par habitant (ou par pauvre) que les grands. A titre d’exemple, en 2003-04, la Namibie a reçu 81 USD par habitant – pour une population de 2millions de personnes et un revenu par habitant de 2370 USD (sur la base de l’Atlas de la Banque mondiale) – et l’Éthiopie 25USD par habitant – pour une population de 69 millions de personnes et un revenu par habitant de 90 USD. Certes, les petits pays ont probablement à supporter des « frais généraux » de gouvernement proportionnellement plus élevés et sont plus vulnérables face aux chocs économiques, climatiques ou politiques, mais il n’est pas pour autant évident que se justifie un tel écart entre les apports d’aide par habitant aux petits et aux grands pays. Sans compter que c’est dans les petits pays que se posent le plus fréquemment des problèmes de rendements décroissants et de dépendance à l’égard de l’aide. Cela dit, comme il était souligné dans le rapport de l’année dernière, ce « biais en faveur des petits pays » constitue depuis des décennies une des caractéristiques de la répartition de l’APD.
  • Les « États fragiles » reçoivent une APD par habitant largement inférieure à ce que voudrait le modèle classique se fondant sur le taux de pauvreté et la performance. On constate en outre que, dans ces pays, les apports d’aide sont deux fois plus instables que dans les autres pays à faible revenu. En règle générale, le nombre de donneurs qui y mènent des activités et leur représentation diplomatique à l’étranger sont également plus faibles. La situation varie bien sûr d’un État fragile à l’autre. Par exemple, ceux qui sortent d’un conflit reçoivent souvent un volume d’aide par habitant relativement important tandis que certains autres ne s’en voient allouer qu’un volume très restreint. Cela peut s’expliquer par le fait que le comportement de leur gouvernement rend difficile un acheminement efficace de l’aide, voire ôte toute utilité à cette dernière. Reste que les travaux de recherche montrent que négliger les États fragiles, qu’ils soient ou non affectés par un conflit, risque de coûter très cher – étant donné les menaces que leur situation fait peser sur la stabilité et la sécurité régionales, et même mondiales, et le fait qu’ils abritent le tiers environ des personnes vivant sous le seuil absolu de pauvreté, résultat souvent d’un engrenage infernal fait de conflits, de mauvaise gouvernance et de pauvreté.

25Avec l’augmentation de l’aide, il devient d’autant plus important de se faire une idée de sa répartition probable. Je me félicite que le CAD, en collaboration avec la Banque mondiale, ait entrepris de recueillir des informations plus précises sur les intentions des donneurs. Les attentes que nous plaçons dans ces travaux doivent toutefois rester modestes : l’avenir est, comme chacun sait, fait d’incertitude et certains membres du CAD seront mieux à même que d’autres de donner une idée de la destination future de leur aide. Cela dit, j’espère que ces travaux nous mettront en mesure de fournir le genre d’informations dont les organismes bilatéraux et multilatéraux ont besoin pour mieux appréhender, avant de les prendre, les retombées de leurs décisions.

26La forme que prend l’aide continue d’évoluer. Dans les pays à revenu intermédiaire une part prépondérante de l’aide est consacrée à des projets et une part relativement importante passe par la coopération technique (CT) tandis que les pays à faible revenu (surtout ceux qui sont le plus tributaires de l’aide où opère un grand nombre de donneurs) sont ceux où les approches sectorielles sont le plus utilisées. Les parts respectives des projets et des formes d’aide s’appuyant sur des programmes, telles que le soutien budgétaire général ou sectoriel et les prêts fondés sur les politiques, dépendent toutefois moins du niveau de revenu que de la santé foncière de l’économie et de normes satisfaisantes de gestion des finances publiques et de gouvernance. Ces éléments sont habituellement regardés comme une condition indispensable au recours à l’aide-programme (encore que les pays sortant d’un conflit constituent une importante exception à cette règle). Le soutien budgétaire général– instrument encore peu utilisé il y a dix ans– est devenu un mode privilégié de transfert de ressources aux pays pauvres tributaires de l’aide, et un moyen pour les donneurs d’apporter un soutien coordonné aux priorités locales. Ce canal favorise considérablement l’appropriation locale et oblige à porter une plus grande attention à la qualité des systèmes locaux de gestion financière et de reddition de comptes (par rapport au soutien à la balance des paiements qui lui était autrefois préféré). Il n’en subsiste pas moins un défi : assurer une prévisibilité suffisante des versements. Cela implique de trouver des formes de conditionnalité qui ne conduisent pas les donneurs à mettre soudainement tous ensemble un terme à leur aide (sauf cas extrême) et de minimiser les risques fiduciaires; d’un autre côté, il est parfois difficile de trouver un juste équilibre entre le souci de prévisibilité et les pressions qui peuvent résulter de décisions du gouvernement bénéficiaire, sans compter le détournement ou la mésutilisation de ressources budgétaires. La grande évaluation conjointe du soutien budgétaire dont la publication est prévue en mai 2006 devrait apporter des éléments fort utiles pour l’examen du devenir de cet instrument d’aide.

27L’importance des sommes notifiées au CAD comme allant à la CT, lesquelles se sont chiffrées à 19 milliards USD en 2004, a incité à s’intéresser de plus près à la composition de cette catégorie hétérogène d’activités. Afin de contribuer à améliorer la transparence des statistiques fournies au CAD, le chapitre 5 du présent rapport contient une analyse permettant de se faire une idée plus précise de l’ampleur et de la nature des principales composantes de la CT.

28J’ai parlé plus haut de la forte augmentation escomptée, pour 2005-06 à tout le moins, des dépenses notifiées au titre de l’aide d’urgence et de l’allégement de la dette. Le soutien public aux organisations non gouvernementales (ONG) et transitant par ces dernières s’inscrit lui aussi sur une tendance à la hausse, et a représenté près de 5milliards USD en 2004. Les dépenses des ONG financées sur les dons privés ont connu une croissance plus vigoureuse encore, passant de 6.9 milliards USD en 2000 à 11.3 milliards USD en 2004 (soit un accroissement de 37 % en termes réels).

29L’aide multilatérale continue d’absorber une part relativement constante (aux alentours de 30% si on inclut la CE dans les canaux multilatéraux) de l’aide totale émanant des donneurs du CAD. Comme on l’a vu dans l’édition 2003 du Rapport sur la coopération pour le développement, les apports aux diverses instances du système multilatéral sont également restés assez constants pendant un temps considérable, tandis que les apports émanant des guichets libéraux des banques multilatérales ont progressé plus rapidement du fait du recyclage des remboursements. Les choses sont maintenant en train de changer. La multiplication des fonds multilatéraux à objet unique comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme accroîtra vraisemblablement la part de l’aide multilatérale. Par ailleurs la diminution probable des fonds restitués par les bénéficiaires à l’IDA et au FAfD obligera les donneurs à augmenter à l’avenir leurs contributions afin d’atténuer l’impact de la contraction de la part des prêts dans les opérations de ces institutions. Abstraction faite de ces considérations, les donneurs acheminent désormais une part plus importante des financements qu’ils destinent à un pays par l’intermédiaire des organisations multilatérales, dans le cadre de projets ou de programmes, même si dans les statistiques du CAD ces sommes sont regardées comme une aide bilatérale et non multilatérale. De ce fait, les organismes multilatéraux versent en réalité une part bien plus élevée de l’aide totale que ne le laissent supposer les statistiques du CAD. De ce fait également, leur budget central est à l’origine d’une part de plus en plus faible de leurs dépenses, ce qui risque à terme de soulever de gros problèmes, pour ces organismes eux-mêmes et pour la communauté des donneurs tout entière. Il deviendra d’autant plus important à l’avenir de surveiller les répercussions des décisions de financement sur le système multilatéral dans son ensemble.

Est-il possible d’assurer un acheminement plus efficace d’un volume d’aide en expansion ?

30Améliorer l’efficacité avec laquelle l’aide est utilisée est à l’évidence indispensable – et l’est d’autant plus si l’on tient compte de la difficulté qu’il y aura à persuader les parlements et congrès de voter, bon an mal an, des accroissements de l’aide de l’ampleur de ceux qu’impliquent les engagements pris l’année dernière par la communauté des donneurs. Rien d’étonnant donc à ce que cette question ait occupé une place centrale dans les travaux du CAD.

31Si le développement commence vraiment à être perçu comme une entreprise conjointe appelant une plus grande concertation, une modification plus radicale des modes passés d’acheminement de l’aide s’impose. La fin de la guerre froide a considérablement atténué la propension, pour des considérations politiques, à soutenir des régimes qui présentaient peut-être un intérêt sur le plan stratégique mais qui échouaient à faire avancer le développement. En 1992, l’Accord d’Helsinki a interdit le recours aux crédits d’aide liée pour des projets commercialement viables, et donc amoindri la pression des intérêts commerciaux qui avait, il faut le reconnaître, conduit à la mise en place de technologies inadéquates et au lancement d’investissements excessivement coûteux. En 2001, la Recommandation du CAD sur le déliement de l’aide est venue favoriser une nouvelle amélioration de l’efficacité de l’aide dans les pays les moins avancés (PMA). La disposition à financer les dépenses locales et les coûts récurrents a par ailleurs considérablement augmenté. Du fait de tous ces changements, il est devenu nettement plus facile pour les donneurs de regrouper leurs ressources et d’apporter un soutien coordonné et souple à des programmes judicieusement conçus.

32Les raisons incitant les donneurs à resserrer leur collaboration ont été grandement renforcées par la décision du CAD, exposée dans son rapport de 1996 sur Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du xxie iècle, de mesurer les progrès du développement à l’aune de quelques objectifs internationaux de développement primordiaux, puis par l’accord du Sommet du millénaire des Nations unies officialisant les OMD. Maintenant qu’ils sont censés poursuivre des objectifs communs et que le poids des pressions politiques et commerciales s’est atténué, les donneurs n’auraient guère d’excuse de ne pas considérer comme une de leurs premières priorités d’œuvrer ensemble à l’amélioration de l’efficacité de l’aide.

33Un certain nombre d’initiatives ont contribué à modifier, depuis quelques années, la manière dont de nombreux donneurs planifient et acheminent leur aide. Parmi les plus importantes figurent celles qui ont visé à mieux garantir l’« appropriation » de l’aide extérieure par les pays bénéficiaires et son « alignement » sur les priorités locales et les systèmes locaux. Dans les grands pays les moins tributaires de l’aide, l’appropriation n’a certes jamais soulevé grand problème, mais dans la majorité des pays en développement, la relation avec la communauté des donneurs se caractérise par une asymétrie du rapport de force qui peut être extrême dans le cas des plus petits et des plus pauvres d’entre eux. Bon nombre des principes essentiels devant sous-tendre une approche plus durable de la coopération avec ces pays étaient énoncés dans le rapport sur Le rôle de la coopération pour le développement à l’aube du XXIe siècle, et repris un peu plus tard dans le Cadre de développement intégré promulgué par James Wolfensohn à la Banque mondiale. L’obligation faite, au Sommet de Cologne en 1999, aux pays bénéficiant de l’initiative PPTE de se doter de cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) a été le coup de pouce qui a aidé à mieux appliquer ces principes dans la pratique même si la première génération de ces stratégies portait un peu trop la marque de fabrique de Washington.

34Parallèlement, les efforts se sont multipliés, au sein des banques multilatérales, du système des Nations unies, de l’UE et du CAD, pour trouver des moyens de réduire les coûts de transaction imposés aux bénéficiaires de l’aide par le manque d’harmonisation des pratiques des donneurs. Le Forum de haut niveau de Rome, en février 2003, a permis de rassembler les résultats de tous ces travaux et a relancé la quête de modes plus rationnels de collaboration entre les donneurs à l’appui de stratégies que les pays partenaires font leurs. En 2004, à Marrakech, a en parallèle vu le jour une initiative tendant à consolider la notion de gestion axée sur les résultats et à renforcer les efforts déployés pour produire des données statistiques utiles pour cette dernière, y compris par l’adoption de stratégies nationales de développement de la statistique.

35Depuis la réunion de Rome, est hébergé au CAD un partenariat novateur associant donneurs bilatéraux et multilatéraux et, au départ, 14 – et maintenant 23 – pays en développement, au sein duquel sont regroupés tous les axes de travail sur la question. Le Forum de haut niveau tenu à Paris en mars 2005 a sanctionné les résultats de ces travaux dans une Déclaration qu’ont approuvée tous les participants et a constitué un évènement appelé à faire date, sur lequel on reviendra plus en détail dans le chapitre 3.

36Considérés dans leur ensemble, les résultats du Forum de Paris devraient singulièrement stimuler les efforts déployés à l’échelon local pour induire dans le comportement des donneurs, à l’égard les uns des autres et à l’égard des bénéficiaires, des changements de nature à favoriser un développement plus durable. C’est ainsi que si l’objectif, fixé dans la Déclaration de Paris, voulant qu’en2010 les deux tiers des travaux d’analyse à l’échelle des pays soient menés conjointement, est atteint, la planification des interventions d’aide s’apparentera bien davantage à une réelle « entreprise conjointe ». Si les unités parallèles de mise en œuvre des projets doublant les structures nationales sont vraiment reléguées aux oubliettes et si le renforcement des capacités donne davantage lieu à une action conjointe destinée à répondre à des priorités locales clairement définies, il y a de fortes chances que s’accélère l’amélioration de la qualité des institutions locales, par lesquelles pourra alors transiter une part croissante de l’aide. Si, de son côté, le CAD parvient à susciter un recours accru à l’aide non liée et aux ressources locales et régionales, le rapport coût-efficacité de l’aide s’en trouvera amélioré. Il ne fait donc aucun doute que l’amélioration de l’efficacité de l’aide doit rester au centre des préoccupations en cette période d’augmentation du volume de l’aide, surtout dans les pays qui sont déjà largement tributaires de l’aide.

37Afin de compléter les travaux du Forum de Paris, le CAD s’est aussi intéressé de près aux moyens d’adapter les principes d’efficacité de l’aide à l’environnement des pays en situation difficile ou des « États fragiles ». En mars 2005, les ministres et les responsables des organismes d’aide des membres du CAD sont convenus d’expérimenter, au cours des dix-huit mois suivants, un projet de Principes pour l’engagement international dans les États fragiles dans neuf pays pilotes. Ces Principes reflètent les pratiques optimales ressortant de l’expérience récente. Il apparaît déjà que le fait de les tester dans neuf environnements nationaux très différents non seulement a eu des effets positifs sur la manière dont l’aide est acheminée mais, également, fournira de nouveaux éléments d’information sur les ajustements que les donneurs doivent apporter à leurs méthodes et instruments pour les adapter au mieux à différents contextes et sur les meilleurs moyens de minimiser les effets négatifs de l’engagement international dans les États fragiles.

Que requiert la mise en place des capacités locales nécessaires à l’obtention de résultats plus rapides et plus durables ?

38On peut escompter une augmentation significative du volume de l’aide ainsi qu’un renforcement et une meilleure coordination des efforts visant à en améliorer l’acheminement, mais qu’en est-il de la capacité des populations et des institutions des pays bénéficiaires de produire, à partir de ces ressources et des ressources locales, des résultats durables sur la voie du développement, pour les pauvres en particulier ?

39La création de capacités est la mission centrale, et une des plus difficiles, du développement. Qu’il s’agisse de la construction d’un « État capable », et de l’aptitude des institutions publiques à assurer les services qu’elles sont censées rendre ou à instaurer un environnement propice au développement, ou des moyens et compétences du secteur privé, de la société civile et des particuliers, le véritable développement des capacités est la clé de progrès durables. Dans ce domaine, les résultats sont rarement rapides. Il faudra compter une génération pour ressentir les effets d’une amélioration du système éducatif. Une réforme en profondeur des institutions ou des services publics demandera normalement un temps qui se compte en années. Transformer, par exemple, les relations entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire nécessite non seulement une ferme détermination politique mais aussi des investissements diligents dans la formation, les systèmes et l’information du public. Souvent, des structures profondément ancrées dans la société influent largement sur le sens et la rapidité des changements. Dans les États fragiles et les pays affectés par un conflit, l’acuité de tous ces défis se trouve encore multipliée.

40Le CAD s’est penché de près sur ces questions et des enseignements importants peuvent déjà être dégagés de ses travaux. Le principal est peut-être que le développement des capacités ne saurait être assimilé à un processus technique, passant par un simple transfert de connaissances ou de modèles organisationnels du Nord au Sud sans chercher à comprendre l’environnement institutionnel dans lequel ces organisations doivent opérer. Il ne suffit pas de se demander « comment faire » mais aussi « ce qui peut fonctionner dans ce contexte ». Il est essentiel d’appréhender l’environnement local dans lequel des capacités doivent être mises en place, et si les acteurs clés dans les pays partenaires ne manifestent pas une réelle volonté d’engager et d’entretenir une dynamique de changement, il y a peu de chances que l’aide extérieure y parvienne.

41Les indicateurs définis dans la Déclaration de Paris mettent en évidence plusieurs domaines où s’impose un renforcement plus efficace des capacités. En parallèle, il faut maintenant redoubler d’efforts pour déterminer comment intégrer dans les programmes de coopération technique certains des enseignements ressortant des travaux du CAD, du PNUD et d’autres instances et comment concevoir les programmes visant l’enseignement post-secondaire de telle sorte qu’ils favorisent la mise en place d’institutions locales qui contribuent à la création de capacités.

42La coopération technique et le renforcement des capacités ne sont en aucune façon synonymes. Dans le cadre des projets d’équipement classiques, une aide est habituellement fournie à l’organisme d’exécution local pour développer ses compétences. Par ailleurs, comme on le verra au chapitre 5, une bonne partie des activités que le CAD qualifie de CT n’a pas grand-chose à voir avec le renforcement des capacités. Il ne fait malgré tout aucun doute que la CT est un instrument essentiel de renforcement des capacités. Reste que, trop souvent, les efforts ont été centrés sur l’amélioration des compétences des individus sans qu’une attention soit aussi portée à l’amélioration de la performance des organisations dans lesquelles ces individus travaillent, sans parler du contexte institutionnel dans lequel ces organisations elles-mêmes opèrent. Il risque d’en résulter de la frustration chez les individus formés, et un impact négligeable au niveau des organisations. Une approche plus stratégique et à plus longue vue, privilégiant l’amélioration de la qualité des institutions fondamentales, est vraisemblablement requise, dans laquelle pourraient ensuite s’intégrer des programmes d’amélioration des compétences des individus.

43Dans le domaine de l’enseignement post-secondaire, les approches auxquelles les donneurs ont eu recours au fil des ans ont été variées, et incohérentes. De tous temps, le tertiaire, et parfois l’enseignement professionnel, ont été considérés comme des sphères d’intervention privilégiées par les donneurs, motivés par un puissant cocktail où intervenaient l’idéalisme, des intérêts politiques et commerciaux nationaux et l’intérêt des établissements tertiaires des pays donneurs aussi bien que bénéficiaires. Si des efforts– d’une efficacité très variable– ont bien été déployés pour doter le Sud de capacités dans ce domaine, prédominait le désir d’attirer le plus grand nombre d’étudiants étrangers dans chaque pays donneur. A partir de 1990, une plus grande attention a été accordée à l’éducation de base, qu’est venue attiser (et c’est très bien) l’OMD concernant l’universalité de l’enseignement primaire. De ce fait, certains donneurs ont fortement réduit leur soutien à l’enseignement supérieur (et aussi secondaire), évolution qui s’explique aussi par certaines études montrant que, dans de nombreux pays en développement, l’enseignement tertiaire bénéficiait de subventions démesurées. Actuellement, les donneurs ne peuvent guère se prévaloir d’avoir une stratégie concertée de soutien des systèmes éducatifs de leurs partenaires dans leur ensemble. Compte tenu des changements radicaux qu’autorisent les technologies de l’information et le téléapprentissage, un approfondissement de la réflexion collective s’impose dans ce domaine.

44Enfin, il est à l’évidence indispensable de remédier à certains des effets des dispositifs d’incitation mis en place par les pays de l’OCDE et d’autres pour attirer la main-d’œuvre qualifiée des pays en développement. Dans de nombreux cas, les deux parties peuvent certes y gagner mais reste que les donneurs ne sauraient admettre sans broncher des politiques qui dépouillent les pays partenaires de leurs rares compétences et affectent directement leur aptitude à offrir des services essentiels à leur propre population. En fin de compte, les gouvernements des pays en développement doivent être des employeurs compétitifs pour leur propre main-d’œuvre qualifiée, et si les règles du jeu sont faussées, du fait soit que les donneurs eux-mêmes débauchent pour leur propre compte des compétences essentielles soit que leurs gouvernements encouragent l’émigration pour combler des lacunes dans leurs propres ressources, le prix à payer pour rester compétitif s’en trouve accru. Autant de considérations dont il convient de tenir compte dans la réflexion plus générale sur les moyens à mettre en œuvre pour former, attirer et retenir des catégories essentielles de personnel.

45Des données d’expérience accumulées dans le domaine du renforcement des capacités, il ressort que les donneurs manquent en la matière de persistance et de patience, les objectifs à court terme des projets prenant le pas sur le soutien de changements progressifs à plus long terme. L’accroissement de l’aide anticipé pour la décennie à venir offre l’occasion de fixer des échéances plus réalistes à l’entreprise de renforcement des capacités en même temps que d’améliorer la prévisibilité des apports d’aide consacrés à cette dernière.

46Avec cette ère d’expansion de l’aide, on dispose aussi d’un horizon temporel plus réaliste pour œuvrer à la consolidation des appareils d’État. Dans les États fragiles, le risque est grand, à court terme, que le surplus d’aide soit acheminé par le canal le plus pratique et le plus efficace– qui souvent ne sera pas l’État– ce qui nuira à la construction à long terme d’un État capable. Les efforts spécifiquement axés sur les instances gouvernementales, d’une part, et sur les groupes de la société civile, d’autre part, doivent à tout le moins aller dans le même sens, et de nombreux arguments plaident souvent en faveur de l’adoption d’une démarche associant toutes les parties.

47Par ailleurs, il ne faut pas négliger certains risques capitaux, dans le domaine de la gouvernance, liés à l’accroissement de l’aide. Face à la perspective d’apports d’aide nettement accrus, la lutte contre la corruption, en particulier, devra occuper une place plus élevée encore dans l’échelle des priorités internationales des pays de l’OCDE et des pays partenaires. Il incombe aux gouvernements des pays de l’OCDE de prendre des mesures concertées pour contrer la corruption aussi bien chez eux que dans le cadre des efforts d’aide au développement qu’ils consentent dans les pays partenaires. Combattre la corruption en une période où l’aide augmente nécessite d’œuvrer à l’amélioration de la gestion des affaires publiques ainsi qu’au renforcement des obligations de compte (notamment en encourageant la pratique effective d’audits, l’exercice d’une surveillance par le parlement et l’indépendance des média) et des capacités de gestion financière.

48Enfin, l’accroissement anticipé du volume de l’aide oblige à se pencher sérieusement sur la question de la dépendance à l’égard de l’aide, en particulier dans le cas de l’Afrique et des petits pays. L’augmentation des apports d’aide pourrait pénaliser le secteur productif (sous l’effet de ce qu’on appelle le « mal néerlandais »); cela dit, l’observation du passé montre que ce risque devrait pouvoir être maîtrisé compte tenu du volume probable du surplus d’aide. Il convient aussi de prendre garde aux répercussions de ce surplus sur les perspectives de mobilisation des ressources intérieures, la fiscalité et les obligations de compte. Si l’aide est considérée comme pouvant dispenser les pays de s’efforcer d’accroître leurs recettes fiscales, elle risque de provoquer des problèmes de concentration et d’influences incontrôlées semblables à ceux que causent l’exploitation du pétrole et d’autres ressources naturelles. Il ne manque donc pas de raisons qui rendent impératif pour les donneurs de s’intéresser à la question des recettes publiques et d’encourager la mise en place de systèmes plus efficaces en la matière.

Comment démontrer les résultats de l’aide, en particulier dès lors qu’il y a harmonisation de cette dernière ?

49Une partie de la Déclaration issue du Forum de haut niveau de Paris est consacrée au sujet essentiel de la gestion axée sur les résultats. L’importance d’une gestion au service – et de l’obtention – de résultats ne saurait être contestée. À n’en point douter, il ne faut pas compter que les contribuables des pays de l’OCDE accepteront de financer des accroissements de l’ampleur de ceux que tant de membres du CAD ont désormais promis si nous ne sommes pas en mesure de leur démontrer que les programmes d’aide produisent des résultats concrets, pour les pauvres en particulier. Un des grands avantages des OMD, c’est précisément qu’ils fournissent des repères chiffrés au regard desquels mesurer les progrès accomplis à l’échelle mondiale.

50Cela dit, la plupart des avancées observées à un niveau plus global dans les pays en développement ne peuvent pas être portées au seul crédit des efforts déployés par les donneurs. Le plus souvent, les contributions locales y ont une part tout aussi importante, sinon plus. C’est pourquoi la gestion au service de résultats, et le suivi et l’évaluation des résultats, doivent être regardés comme des domaines où une collaboration s’impose entre les donneurs et les pays en développement, dans laquelle ces derniers doivent progressivement assumer le premier rôle. Les donneurs ont, au fil des ans, beaucoup investi dans leurs propres dispositifs internes de reddition de comptes et pas assez dans le renforcement des capacités des pays en développement en la matière, que ce soit au niveau des parlements, des cours des comptes, des média, de la société civile ou des communautés locales. Isoler les résultats imputables à la contribution de chaque donneur devient encore plus complexe quand, comme c’est actuellement de plus en plus le cas, les donneurs mettent en commun leurs ressources financières pour appuyer des programmes d’envergure sectorielle ou nationale. Comme on le faisait valoir dans l’édition 2003 du Rapport sur la coopération pour le développement, il est alors plus logique d’examiner l’efficacité du programme soutenu dans son ensemble puis d’étudier le rôle que chaque donneur peut y avoir joué. Dans ce genre de cas, il faut apprendre aux parlements et aux citoyens des pays donneurs à tirer fierté de la participation de leur pays à un programme grâce auquel, par exemple, les filles sont désormais scolarisées au lieu de demander à voir leur drapeau flotter sur une classe.

51Reste que pour cela, il faut disposer d’évaluations rigoureuses et défendables de l’impact des programmes financés conjointement – évaluations qui revêtent au moins autant d’importance pour les bénéficiaires que pour les donneurs. Il en existe quelques exemples, notamment des dispositifs très appréciés de transferts d’espèces mis en place par les gouvernements successifs du Mexique. La Banque mondiale encourage actuellement, ce dont il faut se féliciter, la réalisation de telles évaluations sur certains de ses programmes. De puissants arguments n’en plaident pas moins en faveur d’une action plus coordonnée pour inciter bien plus de pays en développement à évaluer l’efficacité de programmes particuliers de développement. Un investissement des donneurs dans ce domaine contribuerait largement, à mon sens, à favoriser l’apprentissage et à entretenir le soutien accordé à des programmes efficaces.

52Une nouvelle table ronde sur la gestion axée sur les résultats doit opportunément se tenir, probablement vers la fin 2006. Il est en effet temps de rassembler les bonnes pratiques relevées dans les pays en développement et dans la communauté des donneurs dans plusieurs domaines connexes, comme l’amélioration des statistiques mises à la disposition des décideurs ou la multiplication et l’amélioration des évaluations d’impact et des cadres d’évaluation des performances dans les pays en développement, qui s’inscrivent dans le droit fil des objectifs énoncés dans la Déclaration de Paris. Cela est essentiel si nous voulons être mieux à même de rendre compte de l’efficacité de l’effort de développement lors du prochain bilan quinquennal, en 2010, des progrès accomplis vers les OMD.

L’égalité des sexes : un objectif important, et qui n’est pas atteint

53Lorsqu’il a établi les objectifs internationaux de développement en 1996, le CAD a fixé à 2015 la date butoir pour la réalisation de la quasi-totalité d’entre eux. La seule exception était celui relatif à l’égalité entre hommes et femmes, pour lequel le CAD a repris l’objectif défini à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Pékin en 1995, à savoir que l’égalité entre les taux de scolarisation des filles et des garçons dans le primaire et dans le secondaire devait être assurée pour 2005. L’objectif qui a par la suite été adopté à l’Assemblée du millénaire des Nations unies a un libellé un peu différent, à savoir : « Faire en sorte, pour la même date [2015]… que garçons et filles aient égalité d’accès à tous les niveaux d’éducation ». Dans la liste des OMD, cet objectif est devenu « Éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005, si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard ». Par conséquent, si d’un point de vue technique on ne peut pas vraiment dire que l’objectif inscrit dans la Déclaration du millénaire a été manqué en 2005, il ne fait par contre aucun doute que celui qui avait été fixé à Pékin et qu’avait retenu le CAD – et qui a été inclus dans les OMD – l’a, lui, été. Cela me paraît une raison suffisante pour nous poser quelques questions à propos des OMD d’une manière générale mais aussi plus spécifiquement de la problématique homme-femme.

54À mesure que 2015 se rapproche, la question de savoir si les objectifs seront atteints, et ce qu’il faut en conclure s’ils ne le sont pas, deviendra de plus en plus pressante. Les informations dont nous disposons sur la situation effective au regard de chaque objectif sont tout à fait insuffisantes. Dans le cas qui nous occupe, les données sur la base desquelles nous prétendons que l’objectif fixé par le CAD pour 2005 n’a pas été atteint ne renvoient qu’à un échantillon de pays en développement et portent souvent sur des périodes bien antérieures à 2005. Grâce à l’impressionnant travail de collation des informations disponibles qui a été effectué pour l’édition 2004 du Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous, centré cette année-là sur l’égalité des sexes, nul ne peut toutefois sérieusement contester cette conclusion. Il n’en est pas moins primordial d’investir davantage dans la production de statistiques pertinentes pour l’orientation de l’action dans les pays en développement si l’on veut ramener ce problème à des proportions plus gérables.

55Dans le même ordre d’idée, il sera essentiel de recueillir des chiffres aussi fiables que possible concernant l’état de la situation en 2005 (et bien sûr en 2010 et 2015), de telle sorte que le sens et le rythme des changements apparaissent clairement et que nous ne restions pas tributaires de projections pour parvenir à des conclusions sur des évolutions de fond. Il ne faut pas s’attendre à pouvoir apporter une réponse définitive à la question de savoir si les OMD ont été ou non atteints avant peut-être 2017.

56Comme le montrent les statistiques dont nous disposons à propos de l’égalité à l’école, dans ce cas comme dans celui de pratiquement tous les objectifs, l’évolution va dans le bon sens mais les progrès ne sont pas assez rapides ( raphique 1.2). L’objectif de réduction de la pauvreté est le seul pour lequel les avancées observées peuvent être considérées comme suffisantes au stade actuel pour permettre le respect de la date butoir à l’échelle mondiale. Reste que, chose inquiétante, il se trouve des pays ou des régions où aucun progrès du tout n’est enregistré comme en atteste le bilan fourni dans l’encadré 1.1.

57L’égalité des sexes et l’autonomie des femmes sont essentielles pour la concrétisation de tous les objectifs du millénaire, considération qui a conduit l’Équipe du Projet du millénaire des Nations unies sur l’éducation et l’égalité des sexes [1] à recenser sept priorités stratégiques pour l’autonomisation des femmes :

  • Élargir les possibilités d’éducation post-primaire pour les filles en même temps qu’universaliser, conformément aux engagements, l’enseignement primaire.
  • Garantir la santé et les droits sexuels et génésiques.
  • Investir dans les infrastructures afin de diminuer le temps que les femmes et les filles doivent consacrer à des tâches telles qu’aller chercher de l’eau.
  • Garantir les droits de propriété des femmes et des filles.
  • Éliminer les inégalités entre les sexes en matière d’emploi en réduisant la dépendance des femmes au travail informel, les disparités de rémunération entre les hommes et les femmes et la ségrégation professionnelle.
  • Accroître la part des sièges occupés par des femmes au sein des parlements nationaux et des instances des échelons locaux d’administration.
  • Combattre la violence à l’encontre des femmes et des filles.

Graphique 1.2.

La scolarisation des filles est encore en retard sur celle des garçons Rapport entre les taux d’inscription des filles et ceux des garçons dans l’enseignement primaire, en 1990/91 et 2001/02 (nombre de filles pour 100 garçons)

Graphique 1.2.
Graphique 1.2. La scolarisation des filles est encore en retard sur celle des garçons Rapport entre les taux d’inscription des filles et ceux des garçons dans l’enseignement primaire, en 1990/91 et 2001/02 (nombre de filles pour 100 garçons) 1990-91 2001-02 8576Asie du Sud 8683Afrique subsaharienne 8983Asie occidentale 9382Afrique du Nord 9390Océanie 9796Asie du Sud-Est 98Amérique latine 98et Caraïbes 9 998CEI, Asie 0 9910CEI, Europe 93Asie orientale 100 87Régions 92en développement 0 20 40 60 80 100 Source : Banque mondiale, UNESCO. Statlink:http:// dx. doi. org/ 10. 1787/ 388863735684

La scolarisation des filles est encore en retard sur celle des garçons Rapport entre les taux d’inscription des filles et ceux des garçons dans l’enseignement primaire, en 1990/91 et 2001/02 (nombre de filles pour 100 garçons)

Banque mondiale, UNESCO.

58Ces priorités concernant la condition féminine et le développement social n’ont rien de nouveau. Elles renvoient à des engagements que tous, donneurs et partenaires, ont souscrits lors des conférences mondiales des années 90 et figurent depuis des années dans les programmes d’action de nombreux organismes de développement. Ce qui n’a pas toujours été fait dans le passé, c’est reconnaître qu’elles sont interdépendantes et qu’une approche fragmentée ne peut produire des résultats efficaces. Ce qu’il faut, si nous voulons que tous les OMD soient atteints pour 2015, c’est un effort concerté, associé à des investissements accrus dans la poursuite de chacune de ces priorités.

Encadré 1.1. Objectifs du millénaire pour le développement :

Rapport à mi-parcours sur les progrès accomplis
Dans la Déclaration du millénaire, les chefs d’État ont fixé des objectifs précis à atteindre en 2015 en prenant comme référence la situation prévalant en 1990. Au sommet qu’a tenu l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2005, il a été procédé à un bilan des progrès accomplis, sur la base des données relatives à 2002/03.
1. Réduire de moitié l’extrême pauvreté et la faim pour 2015
L’objectif de réduction de la pauvreté devrait être atteint à l’échelle mondiale, sous l’impulsion de la croissance observée en Asie. Cela dit, près de la moitié des habitants de l’Afrique subsaharienne vivent toujours dans une extrême pauvreté et, pour que soient opérées les brèches requises dans la pauvreté, il faudrait que le taux de croissance de cette région atteigne 7 %, c’est-à-dire soit multiplié par deux. Des progrès ont été enregistrés en ce qui concerne la faim, mais leur rythme n’est pas assez soutenu pour assurer la concrétisation de l’objectif, même à l’échelle mondiale. Pour le tiers de la population d’Afrique subsaharienne, la faim demeure un fléau chronique et la moitié des enfants de moins de cinq ans souffre encore de malnutrition en Asie du Sud.
2. Assurer une éducation primaire pour tous en 2015
L’universalisation de l’enseignement est près d’être assurée dans cinq régions en développement. Malgré tout, un tiers des enfants en âge de fréquenter l’école primaire ne sont toujours pas scolarisés en Afrique subsaharienne, un quart en Océanie et un cinquième en Asie du Sud, ce qui représente un total de 115 millions d’enfants à l’échelle mondiale.
3. Assurer l’égalité des sexes dans l’enseignement pour 2015 et promouvoir l’autonomisation des femmes
L’objectif d’élimination des disparités entre les sexes dans le primaire pour 2005 est presque atteint en Asie de l’Est et du Sud-Est, en Amérique latine et dans les Caraïbes ainsi que dans les États successeurs de l’ex-Union soviétique. Dans les autres régions, pour 100 garçons on compte 7 à 15 filles de moins qui fréquentent l’école; la situation s’est toutefois nettement améliorée en Asie du Sud, où de 24 de moins en 1990 elles sont passées à 15 de moins en 2001. Ce n’est cependant qu’une première étape. Dans la plupart des régions, les femmes représentent une proportion plus faible que les hommes de la population des salariés – et exercent souvent des emplois peu sûrs et mal rémunérés – et n’occupent que 16 % des sièges parlementaires à l’échelle mondiale.
4. Réduire des deux tiers la mortalité des enfants pour 2015
Les taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans ont diminué dans toutes les régions, mais à la moitié du rythme requis. Chaque année, 11 millions d’enfants – soit 30 000 par jour – meurent encore de causes qui auraient pu être évitées ou traitées. La plupart d’entre eux auraient pu être sauvés grâce à un renforcement des programmes reposant sur des solutions simples, à faible coût.
5. Réduire des trois quarts la mortalité maternelle pour 2015
Plus d’un demi-million de femmes décèdent chaque année en cours de grossesse ou d’accouchement. À l’échelle mondiale, trois naissances sur cinq bénéficient maintenant des services de personnel de santé qualifié, contre deux sur cinq en 1990. Reste qu’en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, trois mères sur cinq n’ont toujours pas systématiquement accès à cette assistance.
6. Inverser la tendance du VIH/sida et maîtriser le paludisme et d’autres maladies pour 2015
Le sida est aujourd’hui la première cause de décès en Afrique subsaharienne et la quatrième à l’échelle mondiale (plus de trois millions de morts en 2005). L’infection par le VIH se répand à un rythme alarmant dans certaines autres régions et, comme il n’existe toujours pas de traitement du sida, une intensification des efforts de prévention est indispensable pour que l’objectif soit atteint. Le paludisme et la tuberculose tuent chacun encore bien plus d’un million de personnes par an ; les actions visant à mettre en place des moyens de prévention et de traitement à des prix abordables donnent des résultats prometteurs et se multiplient.
7. Assurer un environnement durable, y compris améliorer l’accès à une eau salubre et les services d’assainissement pour 2015
L’adhésion aux principes du développement durable ne s’est pas encore traduite par des avancées suffisantes dans l’inversion de la tendance à la déperdition des ressources environnementales mondiales. La concrétisation de l’objectif nécessite qu’une plus grande attention soit portée aux pauvres, qui sont souvent directement tributaires, pour leur subsistance même, des ressources naturelles qui les entourent. Dans huit régions, le rythme des progrès devrait être suffisant pour réduire de moitié le pourcentage de personnes n’ayant pas accès à une eau salubre pour 2015 ; en revanche, tel n’est pas le cas en Océanie et en Afrique subsaharienne où cet accès n’est pas assuré pour près de la moitié de la population. En outre, les latrines et autres dispositifs d’assainissement de base font encore défaut dans près de la moitié du monde en développement et le nombre de personnes habitant des taudis augmente rapidement.
8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement
L’objectif 8 se veut un contrat social : aux pays en développement de faire davantage pour assurer leur propre développement et aux pays développés de soutenir leurs efforts par des apports d’aide, des allégements de dette et l’accès aux marchés. L’aide n’a jamais été aussi élevée, et se caractérise par un souci d’efficacité et de résultats comme en attestent les nouveaux dispositifs de suivi. Les engagements pris récemment doivent être tenus faute de quoi le volume de l’aide sera inférieur aux besoins recensés pour assurer la réalisation des OMD. Si des progrès ont bien été enregistrés dans le domaine de l’allégement de la dette, les remboursements continuent à peser lourd pour de nombreux pays. La concrétisation des OMD appelle également des avancées au niveau du cycle de Doha, une accélération des transferts de technologie, une amélioration de l’accès aux médicaments essentiels et un renforcement de la croissance, ainsi que des stratégies ciblées (centrées sur l’employabilité, la création d’emplois et la mise en adéquation de l’offre et de la demande sur le marché du travail) afin d’ouvrir des possibilités d’emploi aux jeunes, de plus en plus nombreux, du monde en développement.
Pour plus d’informations, voir Objectifs du millénaire pour le développement– Rapport 2005 (http ://unstats.un.org/ unsd/mi/pdf/MDG %20Book.pdf).

59Depuis deux décennies, nous ne cessons de dire un tas de choses très justes à propos de l’importance de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes pour le développement mais les efforts que nous déployons concrètement pour combler les écarts entre hommes et femmes ne sont pas à la hauteur de notre argumentation politique. À en croire le rapport du Système de notification des pays créancier (SNPC) sur les Activités d’aide visant l’égalité homme-femme 1999-2003[2], on ne peut qualifier comme « visant l’égalité homme-femme » que 3.1milliards USD d’aide bilatérale ventilable par secteur. Les deux tiers de ces sommes concernent les secteurs sociaux, en particulier l’éducation et la santé de base, y compris les activités dans le domaine de la population et de la santé génésique. Les apports notifiés dans les secteurs des transports, des communications et des infrastructures énergétiques sont minimes, alors que des projets d’infrastructure bien conçus peuvent être source d’avantages considérables pour les femmes et les filles en leur facilitant l’accès aux marchés, à l’école et aux services de santé ou en contribuant à améliorer leur sécurité physique. La tendance est à une concentration de l’action sur les secteurs sociaux, ou la protection sociale, au lieu de considérer les femmes comme des acteurs à part entière d’un processus de croissance favorable aux pauvres - même si les faits attestent incontestablement, en Afrique subsaharienne en particulier, que les inégalités entre les sexes ralentissent la croissance économique et que les femmes jouent un rôle fondamental dans la production.

60La place grandissante progressivement faite aux formes d’aide reposant davantage sur des programmes pourrait aussi avoir contribué à un certain relâchement des efforts déployés par les organismes donneurs à l’appui de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. L’année 2005 semble toutefois devoir marquer un point de retournement, tout du moins pour ce qui est de la reconnaissance du problème. Peut-être y avons nous été incités par notre échec collectif à assurer la réalisation de l’OMD3pour 2005– qui nous a obligés à réfléchir à ce qui avait été accompli pendant les dix années écoulées depuis l’adoption du Programme d’action de Beijing – ou peut-être avons-nous pris mieux conscience des limites de l’intégration systématique des considérations d’égalité homme-femme en tant que stratégie. Quoi qu’il en soit, prévaut aujourd’hui le sentiment très réel que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de continuer sur la même voie. Comme l’a souligné le Department for International Development (DFID) du Royaume-Uni, « Il nous faut être clairs : soit nous augmentons les enchères pour les mettre à la hauteur de nos discours politiques, soit nous maintenons notre engagement dans le domaine de l’égalité des sexes à son niveau actuel mais révisons nos prétentions pour les aligner sur ce que nous faisons » [3]. Quelle que soit l’option choisie, elle requiert du courage.

61Des changements se profilent. Des donneurs comme l’Espagne, l’Irlande, le Japon ou la Suisse ont fait de l’égalité des sexes un axe central de leurs programmes d’aide au développement. Dans le même temps, des donneurs qui étaient autrefois à la pointe du mouvement en faveur de l’égalité des sexes reconnaissent, comme le Royaume-Uni, que même s’ils continuent de défendre cette cause au sein des instances mondiales, le ciblage de leurs programmes s’est dispersé ou dilué et que leurs capacités institutionnelles en la matière sont limitées, au niveau des services centraux comme sur le terrain. La problématique homme-femme est partout, et nulle part en particulier. L’Allemagne, le Canada, la Norvège et la Suède figurent au nombre des pays qui ont entrepris un examen critique en profondeur de leur approche en vue de relancer et de revivifier leurs efforts dans ce domaine.

62Un certain nombre d’organismes, bilatéraux et multilatéraux, s’interrogent sur les moyens d’intégrer les considérations d’égalité homme-femme dans les nouvelles modalités d’acheminement de l’aide. Les stratégies de lutte contre la pauvreté et les approches sectorielles n’ont que trop souvent fait abstraction de la problématique homme-femme, et n’ont donc pas affecté les ressources budgétaires nécessaires à la réduction des inégalités entre les sexes. Dans la Déclaration de Paris, il est reconnu que des efforts d’harmonisation doivent être accomplis dans des domaines transversaux comme l’égalité homme-femme [paragraphe 42]. Plusieurs donneurs ont commencé à réfléchir à la manière d’exploiter l’adhésion commune aux nouvelles modalités d’acheminement de l’aide, aux approches fondées sur des programmes, à l’appropriation et à la conduite des opérations par les pays ainsi qu’aux principes d’harmonisation et d’alignement au service des intérêts des femmes et du comblement des disparités entre les sexes.

63Quelles modifications apporter à nos méthodes pour mettre le mieux à profit l’accroissement du volume de l’aide et la transformation radicale des manières de faire de façon à obtenir de réelles avancées au niveau des droits des femmes et de la valorisation des femmes ? Nous devons agir plus efficacement, dans les pays partenaires, pour ancrer plus fermement l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans les priorités locales de telle sorte que les initiatives et les programmes qui bénéficient directement aux femmes et filles pauvres suscitent un engagement et des investissements accrus à l’échelon local. En cette période où le soutien budgétaire et les approches fondées sur les programmes gagnent du terrain, il est primordial d’encourager les hommes politiques, les Parlements, la société civile et les instances gouvernementales des pays partenaires à accorder un rang élevé à ces questions dans l’échelle de leurs priorités politiques et d’action. Il nous faut jongler entre notre souci de l’appropriation et de la prise en main par les pays des priorités de leur développement et notre peur de donner le sentiment d’imposer nos propres valeurs de donneurs.

64Les réflexions en cours commencent à déboucher sur diverses approches nouvelles dans le domaine de l’égalité homme-femme. De nombreux donneurs admettent que tabler uniquement sur l’intégration de la problématique homme-femme à tous les niveaux pour assurer l’égalité des sexes n’a pas produit les résultats escomptés. La prise en compte systématique des considérations d’égalité homme-femme doit être complétée par des initiatives spécifiquement axées sur l’autonomisation des femmes. Il faut associer plusieurs stratégies : intégration de la problématique homme-femme, renforcement des moyens d’action et des droits des femmes, programmes centrés sur les femmes et, bien sûr, programmes visant les hommes et les garçons. Assurer l’égalité des sexes ne saurait passer par des expédients. Cela nécessite un engagement à long terme, de la part des donneurs comme des partenaires.

65Nous nous trouvons à un moment où se manifeste une réelle disposition, individuelle et collective, à reconnaître certains de nos échecs et à rechercher des moyens de « redonner de la hauteur à notre jeu ». Nous devons exploiter l’énergie considérable et l’esprit d’innovation que suscite la remise à plat des approches de l’égalité des sexes pour mettre en commun nos erreurs, apprendre les uns des autres et œuvrer ensemble, avec les pays partenaires, avec une détermination renouvelée.

La marque

66Dans l’édition 2003 du Rapport sur la coopération pour le développement, j’avais proposé un ensemble de paramètres au regard desquels apprécier si des progrès significatifs étaient enregistrés dans le domaine de la coopération internationale pour le développement. On trouvera ci-dessous un récapitulatif des dernières données y afférentes. Celles-ci donnent à penser qu’entre 2002-04 il ne s’est guère produit, au niveau de la répartition et de la qualité de l’aide, de changements propres à améliorer l’efficacité ou l’impact de cette dernière; cela dit, le tableau montre également que le léger recul des proportions de l’aide allant aux pays pauvres et performants a été largement compensé par l’envolée de l’aide à l’Irak. Le premier exercice de suivi de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris fournira, pour la prochaine édition du Rapport sur la coopération pour le développement, des données complémentaires concernant plusieurs paramètres pour lesquels il est impossible à l’heure actuelle de se forger une opinion. Au vu du tableau 1.2, l’autosatisfaction n’est certainement pas de mise en dépit des accroissements de l’APD qui font la une.

Tableau 1.2.

Tenir la marque

Tableau 1.2.
Tableau 1.2. Tenir la marque Dernier chiffre Évolution Objectif pour 2006 Niveau de départ en 2002 (2004, sauf indication contraire) (+ ou –) Des versements nets d’aide d’au moins 75 milliards 58.0 milliards USD 64.9 milliards USD + USD (aux prix et taux de change de 2002) Augmentation notable de la part de l’APD allant APD bilatérale nette : 44 % APD bilatérale nette : 41 % – aux PMA et autres pays à faible revenu par Hors Irak : 45 % + rapport à son niveau de 2003 APD totale nette : 50 % APD totale nette : 46 % – Hors Irak : 49 % – Accroissement de la part de l’APD allant aux APD bilatérale nette : 18 % APD bilatérale nette : 17 % – pays affichant de relativement bonnes Hors Irak : 18 %. . performances et comptant un grand nombre APD totale nette : 22 % APD totale nette : 21 % – de pauvres Hors Irak : 22 %. . Mise en œuvre d’activités soigneusement conçues À évaluer dans le cadre du Groupe sur les États n.d. dans les pays peu performants vers lesquels des fragiles transferts efficaces sont possibles Baisse tendancielle des secours d’urgence et 7 % 9 % – de l’aide humanitaire, tout du moins Hors Irak 9 % – en pourcentage de l’aide totale Proportion plus importante de l’aide non liée Aide non liée : 42.8 % Aide non liée : 41.7 % – Aide liée : 7.6 % Aide liée : 4.3 % Degré de liaison non notifié : 49.6 % Degré de liaison non notifié : 53.9 % Accroissement de l’offre de services dans les pays Dépenses publiques de santé en % du PIB : Dépenses publiques de santé en % du PIB : 2.7 % . . bénéficiaires mais également augmentation 2.7 % en 2000 en 2002 de plusieurs points de pourcentage du degré Dépenses publiques d’éducation en % du PIB : Dépenses publiques d’éducation en % du PIB : – de mobilisation des ressources intérieures 4.1 % en 2000 4.0 % en 2001 Recettes courantes en % du PIB : 17.1 % n.d. n.d. en 2000 Proportion nettement plus grande de l’aide alignée sur les priorités, programmes et systèmes locaux, et transitant par les budgets des pays bénéficiaires À évaluer au moyen des indicateurs définis dans la Déclaration de Paris Amélioration radicale des indicateurs d’harmonisation par rapport à la situation de 2002/03 Essentiel des nouveaux apports destinés à financer Flux d’APD correspondant à des apports Flux d’APD correspondant à des apports effectifs de – des transferts effectifs de ressources au sens de effectifs de ressources pour le développement ressources pour le développement 47.6 milliards la balance des paiements 46.1 milliards USD, soit 67 % de l’APD nette USD, soit 66 % de l’APD nette totale totale Gain incontestable d’efficience (grâce notamment n.d. Utiliser les informations dérivées des enquêtes n.d. à une meilleure coordination, l’utilisation des sur l’harmonisation et l’alignement systèmes nationaux et un recours accru aux compétences locales ou venant d’autres pays du Sud) et d’efficacité des dépenses de CT Grâce à l’augmentation du volume et de l’efficacité n.d. Voir l’encadré 1.1 . . du soutien, début d’accélération des progrès enregistrés vers les OMD les plus difficiles à atteindre, en particulier en Afrique subsaharienne n.d. : non disponible. Source : Indicateurs du développement dans le monde, 2003,2004,2005. Statlink:http:// dx. doi. org/ 10. 1787/ 574800788268

Tenir la marque

Indicateurs du développement dans le monde, 2003,2004,2005. Statlink:http:// dx. doi. org/ 10. 1787/ 574800788268

Notes

  • [1]
    Projet du millénaire des Nations unies (2005), Taking Action : achieving gender equality and empowering women, UN Millennium Project, New York.
  • [2]
    OCDE/CAD (2005), Activités d’aide visant l’égalité homme-femme, 1999-2003, OCDE, Paris.
  • [3]
    DFID (2005), Minutes of the Development Committee meeting, 18 janvier 2005, Londres.
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