Couverture de CAD_052

Article de revue

Annexe F : Le programme d'aide de la France en Mauritanie

Pages 327 à 330

Notes

  • [29]
    Avec une APD brute de 24 millions USD en 2001-02, la France était le premier donateur bilatéral, derrière la CE (130 millions) et la Banque mondiale (49 millions). Le montant de la CE inclut cependant une contribution annuelle de 89 millions USD au titre de l’accord international de pêche malgré la nature commerciale de cette transaction. La Mauritanie se place au 32ème rang parmi les bénéficiaires d’APD de la France.
  • [30]
    L’allègement de la dette représente actuellement une part importante de l’APD de la France à la Mauritanie (23 % en 2002). La coopération technique inclut les coûts des étudiants mauritaniens dans les universités françaises (15 % de l’APD française en 2002).

Introduction

1Dans le cadre de l’examen de l’aide de la France, une mission du CAD, composée de représentants du Canada, des Pays-Bas et du Secrétariat s’est rendue en Mauritanie du 17 au 22 janvier 2004. La mission a pu rencontrer les principaux responsables de la coopération française, des représentants du gouvernement et de la société civile mauritanien et des responsables d’agences bilatérales et multilatérales de coopération. Le présent compte-rendu reflète leur compréhension du système d’aide français en Mauritanie et propose des éléments de réflexion sur les thèmes qui leur ont semblé les plus porteurs.

2Pour accompagner le processus de développement de la Mauritanie la France a conçu un programme de coopération qui se veut innovant et de qualité. Quoiqu’un donateur important, elle ne joue plus un rôle de premier plan dans le contexte de multilatéralisation de l’aide. [29] Sa contribution annuelle représente 25 % de l’aide bilatérale à ce pays et moins de 10 % de l’APD totale. Elle s’est stabilisée à environ 24 millions USD en termes de décaissements bruts, après une diminution de plus de 50 % par rapport à son niveau de la première moitié des années 1990. Pour les années à venir, l’APD devrait se répartir entre coopération technique (40-50 %), C2D (15-20 %), AFD (15-20 %) et FSP (15-20 %). [30] La coopération française en Mauritanie s’enrichit des initiatives de coopération décentralisée (27 jumelages de communes et deux de régions) et de celles d’une dizaine d’organisations de solidarité internationale dont une partie reçoit des cofinancements de l’État français.

3Le DSP constitue le cadre de référence stratégique pour l’ensemble du programme de la coopération française en Mauritanie. La majorité des activités contribue directement à la réalisation des OMD. L’objectif de lutte contre la pauvreté, qui est un souci majeur de la coopération française en Mauritanie, a été réaffirmé avec la mise en place en 2003 d’un C2D. Les ressources dégagées - 14.7 millions EUR pour trois ans - sont attribuées, sous forme d’aide budgétaire affectée, pour deux-tiers au PNDSE (Voir Encadré 8, chapitre 6) et pour un tiers à des programmes de lutte contre la pauvreté dans deux régions parmi les plus défavorisées du pays. Par ailleurs, la France appuie le processus de transition vers l’aide budgétaire en fournissant une coopération technique pour la préparation et l’exécution du budget de l’État, en étroite coordination avec le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Commission européenne.

4La diminution des ressources et la recherche d’efficacité avaient conduit les autorités françaises à un important recentrage lors de la préparation du DSP en 2001. Dans le domaine de l’appui à l’économie et au développement durable, l’accent a été mis sur les infrastructures et la pêche artisanale. Dans les secteurs productifs (agriculture, pêche et mines) une réorientation a été effectuée en faveur de la gestion des ressources naturelles. Dans les secteurs sociaux, la priorité a été accordée à la réforme de l’enseignement primaire, l’hydraulique et l’électrification rurale et le développement urbain. Partant du constat du manque d’impact en matière d’appui aux institutions au niveau central, la France a décidé de se concentrer sur l’appui à la décentralisation et à la déconcentration visant à favoriser l’ancrage de la démocratie au niveau local.

5La France fait preuve de flexibilité et d’adaptation aux évolutions en cours et d’une meilleure prise en compte du contexte et des besoins du pays. Le rapport des Nations unies sur les progrès dans la réalisation des OMD souligne des retards importants en matière de santé. La France, qui avait délaissé le secteur de la santé, considéré comme surfinancé pour des résultats médiocres, a mobilisé une équipe d’assistance technique pour explorer conjointement avec la Banque mondiale les possibilités de mettre en place une approche programme et redynamiser le groupe thématique santé. La France décidera de son appui financier dans le cadre de cette approche en fonction des besoins. Dans le cadre de la réflexion nécessaire à la préparation de la prochaine Commission mixte prévue en 2004 et la mise à jour de son DSP, la France pourrait prendre en compte les points suivants :

(i) Stratégie, programmation et partenariat

6Le dialogue franco-mauritanien gagnerait à davantage d’ouverture et de transparence. Les autorités françaises devraient envisager d’associer leurs partenaires mauritaniens à la préparation du prochain DSP. Le rôle de la Commission mixte, qui n’a pas été conviée depuis 1998, mériterait d’être revu. Celle-ci a l’avantage de faire le point sur l’ensemble des relations bilatérales. Malgré ses imperfections le CSLP fournit cependant un cadre plus approprié et dynamique pour le suivi annuel global et sectoriel des interventions de tous les donateurs. La coopération française devrait faire l’articulation entre ce mécanisme, le DSP et la Commission mixte.

7Dans le prochain DSP la France entend privilégier deux axes stratégiques articulés autour de : (i) la démocratie et la francophonie ; et (ii) le développement durable et l’accès aux services de base. Dans ce contexte, elle pourrait approfondir sa réflexion, en collaboration avec d’autres donateurs, sur la manière d’intégrer la bonne gouvernance de manière plus explicite dans le dialogue avec le gouvernement mauritanien. Elle pourrait également promouvoir de manière plus directe la démocratie en tant que telle au niveau local à travers son appui à la décentralisation et à la déconcentration. À ce jour ces dernières mettent surtout l’accent sur l’organisation des services communaux et la planification participative. La France est encouragée à poursuivre ses efforts visant à renforcer la société civile et les démarches participatives.

8La Mauritanie a opté en 1999 pour le retour au bilinguisme (arabe et français) en matière d’éducation qui est considéré comme un élément fondamental de son unité politique et ethnique et de son intégration dans les circuits économiques au niveau régional et mondial. La France appuie ce choix à travers les actions dans le domaine de la francophonie dont l'un des principaux objectifs est de faire progresser la langue française, perçue comme une 'ouverture sur le monde' par les autorités en poste. Nonobstant les mérites de ces objectifs, on peut se poser la question de savoir si la francophonie en tant qu'axe stratégique du programme de développement de la France est un choix pertinent. Dans la perspective d'une plus grande intégration de la Mauritanie au processus de globalisation, la connaissance d’autres langues, telles que l’espagnol et l’anglais, pourrait s’avérer nécessaire. Dans le domaine de l’éducation, la préoccupation principale devrait être le renforcement du système éducatif, quelles que soient les langues utilisées.

9La programmation par pays devrait être spécifique sur le montant des ressources mises à la disposition de la Mauritanie. Une enveloppe budgétaire devrait être prévue pour favoriser une programmation pluriannuelle compatible avec le cycle budgétaire du gouvernement mauritanien. La prévisibilité et le maintien du niveau de l’APD française seront des préoccupations encore plus d’actualité avec l’incertitude liée au renouvellement du C2D en 2006. La France devrait s’interroger sur les besoins éventuels d’une plus grande sélectivité sectorielle. Mise à part la concentration sur l’éducation, la coopération française comprend un large éventail d’activités portant sur une dizaine de domaines très divers. Une plus grande concentration sectorielle lui permettrait de disposer d’une masse suffisamment critique dans certains secteurs pour plus d’influence et d’impact. Pour l’AFD, une telle démarche s’inscrit dans l’esprit de son Projet d’orientation stratégique qui l’engage à intervenir de manière ciblée sur un nombre limité de secteurs dans les pays de deuxième priorité dont fait partie la Mauritanie.

10Le CSLP semble avoir stimulé une bonne dynamique de collaboration et de partage des tâches entre donateurs et son appropriation par les autorités mauritaniennes semble forte. Des progrès restent à faire pour que le gouvernement mauritanien instaure un processus permanent de concertation à la fois transparent et opérationnel, surtout au niveau sectoriel. Le suivi du CSLP requiert également un dialogue sur la gestion des finances publiques qui a tendance à être monopolisé par les Institutions de Bretton Woods. En dehors des programmes sectoriels existants, les donateurs ont encore beaucoup de progrès à réaliser dans l’adoption d’approches communes, l’harmonisation et l’alignement des procédures. La France participe activement au processus de coordination, notamment dans les domaines de l’éducation, de la décentralisation et de l’hydraulique. Vu son engagement à haut niveau en faveur de la Déclaration de Rome sur l’harmonisation, elle pourrait faire davantage pour en favoriser la mise en œuvre sur le terrain.

(ii) Mise en oeuvre

11La situation en Mauritanie témoigne d’une coordination effective entre le SCAC et l’AFD qui a conduit à la complémentarité de leurs interventions respectives. Des synergies sont visibles dans les domaines de l’éducation, de l’appui à la décentralisation et du développement urbain. Le maintien de deux guichets différents, chacun avec leur équipe et expertise distinctes et leurs propres systèmes de gestion, représente un coût important, notamment au vu de la taille du programme. Pour ce qui est des projets du FSP, une plus grande délégation de la responsabilité de la mise en œuvre à des opérateurs nationaux, comme cela se fait déjà pour certaines activités dans le domaine de la pêche, permettrait à l’équipe du SCAC de consacrer davantage de temps à la réflexion stratégique et au suivi de la gestion. Certains partenaires mauritaniens ont d’ailleurs déploré le peu d’information que le SCAC leur fournit sur l’état d’avancement financier des projets et l’utilisation des ressources. Celui-ci est conscient du manque de transparence dans la gestion du programme de bourses et envisage un nouveau système d’allocation des ressources.

12L’assistance technique déployée en Mauritanie est relativement élevée - 60 personnes, représentant 25-30 % de l’APD à la Mauritanie - dont la moitié intervient dans le secteur de l’éducation. Une réflexion devrait être menée quant au coût d’opportunité que représente cette forme d’assistance qui, indépendamment de la qualité de sa prestation, reste coûteuse. Les autorités françaises devraient veiller à ce que son déploiement soit plus systématiquement en phase avec les projets qu’elle est censée appuyer et explorer les possibilités de mobilisation d’expertise au niveau régional. Avec la fongibilité des moyens prévue dans la mise en œuvre de la LOLF à partir de 2006, les autorités françaises devront procéder à des arbitrages qui pourront amener à une utilisation des différents instruments dans des proportions différentes de celles d’aujourd’hui. Une analyse sera alors nécessaire sur l’efficacité relative et l’impact de différentes approches par rapport à l’objectif de renforcement des capacités.

(iii) Cohérence des politiques au service du développement

13La France a depuis de longue date apporté son appui à l’ensemble de la filière du secteur de la pêche en Mauritanie, qui représente 50 % des recettes d’exportation de ce pays. Vu son expérience en la matière, elle devrait être à même de faire valoir les intérêts des pays en développement dans le processus de réforme en cours de la politique de pêche de l’Union européenne ; et de refléter les acquis de son expérience de coopération en Mauritanie et ailleurs dans son processus de prise de décision en matière de politique européenne de pêche (voir section sur la pêche chapitre 4).


Mise en ligne 01/04/2006

Notes

  • [29]
    Avec une APD brute de 24 millions USD en 2001-02, la France était le premier donateur bilatéral, derrière la CE (130 millions) et la Banque mondiale (49 millions). Le montant de la CE inclut cependant une contribution annuelle de 89 millions USD au titre de l’accord international de pêche malgré la nature commerciale de cette transaction. La Mauritanie se place au 32ème rang parmi les bénéficiaires d’APD de la France.
  • [30]
    L’allègement de la dette représente actuellement une part importante de l’APD de la France à la Mauritanie (23 % en 2002). La coopération technique inclut les coûts des étudiants mauritaniens dans les universités françaises (15 % de l’APD française en 2002).
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.168

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions