Notes
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[1]
Représentants des membres du CAD et des pays de l’OCDE non membres du CAD, du système des Nations Unies, des organisations humanitaires, de la Banque mondiale, du FMI et de l’Autorité provisoire de la Coalition, ainsi que différents experts.
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[2]
"Déclaration de Rome sur l'harmonisation", dans Harmoniser l'aide pour renforcer son efficacité, 2003 (Lignes directrices et ouvrages de référence du CAD).
1 Dans la note ci-dessous sont exposées les conclusions que le Président a dégagées des débats. Elle rend selon lui fidèlement compte des avis exprimés. Il y a certes eu des divergences d’opinions entre les délégations mais, bien que détaillée, cette synthèse ne peut rendre pleinement compte du point de vue de chaque participant. Elle doit donc être lue avec cette réserve à l’esprit, mais réunit néanmoins, nous l’espérons, un ensemble d’idées largement partagées à partir desquelles faire progresser la réflexion.
- La réunion consacrée à la « Réflexion du CAD sur la reconstruction en Irak » (21-22 juillet 2003) a servi de cadre à la tenue d’un échange de vue informel sur les défis que posent les secours, le redressement et la reconstruction en Irak. Sa date avait été fixée de façon à pouvoir mettre à profit les travaux de la conférence organisée à l’initiative des Nations Unies et de la Banque mondiale sur les ressources nécessaires pour répondre aux situations d’urgence et assurer la reconstruction dans ce pays (23-24 juin 2003), ainsi qu’à contribuer à la préparation de la réunion prochaine de coordination de l’action des donneurs (octobre 2003).
- S’appuyant sur la Résolution 1483 du 22 mai 2003 du Conseil de sécurité des Nations Unies, et tenant compte des conditions exceptionnelles dans lesquelles l’Irak effectue sa transition, les participants se sont penchés tout particulièrement sur les problèmes intéressant la communauté des donneurs, notamment sur la question de savoir comment un partenariat plus large entre les pays participant à la coopération et les institutions internationales pourrait contribuer au mieux à renforcer les instances chargées de la gestion des affaires publiques, de la sécurité, de la politique économique et des infrastructures humaines et sociales.
- Les participants ont assisté avec intérêt à la présentation d’un budget pour 2003 par l’Autorité provisoire de la Coalition, et se sont félicités de l’état d’avancement de l’évaluation des besoins réalisée sous la conduite des Nations Unies en liaison avec la Banque mondiale et le FMI, en vue de préparer la conférence des donneurs prévue en octobre 2003. Ils ont noté qu’il serait important d’intégrer les résultats de cette évaluation dans les travaux préparatoires du budget pour 2004 qui seront effectués par l’Autorité provisoire de la Coalition et le Conseil de gouvernement irakien.
- Les participants [1] ont examiné les stratégies en matière d’aide humanitaire et de reconstruction à la lumière de l’expérience acquise dans des situations comparables, ainsi que des Lignes directrices du CAD concernant la prévention des conflits violents, le relèvement des pays après un conflit et l’instauration d’une bonne gestion des affaires publiques. Tous les donneurs partageaient le même souci fondamental de faire progresser l’Irak dans la voie de la stabilité et de la sécurité, et de la voir se doter d’un système politique représentatif et responsable incarnant la possibilité pour tous les individus d’exercer leurs droits de personnes humaines, ainsi que d’une économie à même de fonctionner pour assurer une croissance durable et faire reculer la pauvreté. Il est essentiel de faire en sorte que les Irakiens s’approprient ce processus.
Principales questions examinées
- Les efforts d’aide doivent se poursuivre sans interruption après l’apport des secours humanitaires d’urgence, en vue d’assurer la fourniture de biens et de services de base, ainsi que d’éliminer les obstacles qui peuvent venir entraver le retour des personnes déplacées et des réfugiés. Ils doivent viser à soutenir simultanément le relèvement et le développement de toutes les régions d’un pays soumis à de profondes transformations politiques et économiques.
- Les Irakiens doivent se rendre compte aussitôt que possible des changements positifs qui se produisent, ainsi que s’approprier le processus de reconstruction. Le point de vue de la population et ses besoins à long terme doivent guider toute intervention et être largement pris en compte pour l’utilisation des ressources internationales destinées à la reconstruction. Le rôle important que les Nations Unies peuvent jouer à cet égard a été souligné.
- Les recettes que l’Irak tire du pétrole seront limitées dans l’immédiat, et il sera difficile, pour des raisons d’ordre technique et des considérations liées à la gestion publique, d’augmenter sensiblement la production à moyen terme. Un rang de priorité élevé devrait être accordé à l’examen de ces questions. Bien que ses réserves de pétrole figurent parmi les plus importantes du monde, l’Irak est à l’heure actuelle un pays relativement pauvre où la croissance de la population est forte et les indicateurs sociaux en baisse. L’effort d’aide requis de la part de la communauté internationale doit encore être évalué, mais il sera sans doute d’une ampleur assez considérable. Il importe donc de savoir comment mobiliser des ressources supplémentaires, afin d’éviter de redéployer l’aide nécessaire aux autres pays en développement pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement et répondre aux autres priorités reconnues de la communauté internationale.
- Il faut analyser soigneusement le contexte sociopolitique et les conditions existant en matière de sécurité, ainsi que les exigences liées à la croissance économique, afin d’assurer la stabilité structurelle, la sécurité et la viabilité à long terme dans le souci du respect des droits de tous les individus en tant que personnes humaines. Il est indispensable d’éviter toutes les formes de discrimination, comme celles qui sont motivées par l’appartenance ethnique, la religion ou le sexe, et de veiller à ce qu’il y ait représentation pleine et effective des différentes catégories de la population dans la vie politique, sociale et économique, et à ce que tous aient accès à l’éducation, aux services sociaux et aux activités génératrices de revenus.
- Les participants ont noté qu’il était important de se pencher sur le problème du climat qui prédomine actuellement, caractérisé par le traumatisme et la confusion, et de la persistance d’une culture des droits acquis chez beaucoup d’Irakiens. Toutefois, depuis le renversement de l’ancien régime, on a également vu naître une certaine confiance en l’avenir. La société civile irakienne met à profit cette situation pour se renforcer et développer son dynamisme. En même temps, des attentes peu réalistes se manifestent quant au rythme du changement, et certains ne croient guère qu’il soit possible de garantir la sécurité dans l’avenir. Pour modifier cet état d’esprit, il faudra donner confiance au peuple irakien et améliorer la communication avec lui, et aussi agir dans des domaines tels que les organes d’information et l’éducation.
Sécurité
- Les participants ont fait état des difficultés causées par la violence dans certaines parties du pays, et de la nécessité de prendre en main aussi rapidement que possible les problèmes de sécurité et de protection de la population. Certains ont souligné que ces problèmes entravaient sensiblement les efforts déployés sur le plan politique et dans le domaine du développement.
- La sécurité des personnes constitue une préoccupation essentielle et urgente pour la population irakienne et les donneurs, et en particulier pour les femmes irakiennes qui souhaitent prendre de nouveau part à la vie économique, politique et sociale de leur pays.
- La prise en charge des problèmes de sécurité à plus long terme exige l'adoption d'une approche intégrée de la transformation du système de sécurité. Celle-ci consistera notamment à revoir le rôle de l'armée, de la police et autres forces de sécurité, ainsi qu'à réfléchir à la nécessité d'instaurer l'exercice d'une surveillance par les instances civiles et de prendre des mesures de réforme complémentaires concernant, par exemple, les institutions judiciaires, l'administration pénitentiaire et les organes de gestion publique.
Bonne gestion et démocratie
- Le programme à appliquer en vue de mener à bien la transition et d'engager une réforme propice au développement dépendra de la mise en place d'instances démocratiques, notamment pour la gestion publique, qui soient crédibles, transparentes et représentatives, et perçues comme telles. Les institutions irakiennes qui se mettent en place à l'échelon national, provincial et local doivent avoir une légitimité aux yeux de la population du pays et renouer aussitôt que possible des liens avec ce dernier et avec le reste du monde. Les participants ont reconnu que la récente création du Conseil de gouvernement irakien était un événement important qui constituait une première étape vers la mise en place d'un gouvernement démocratiquement élu.
- Les participants se sont penchés sur les problèmes fondamentaux que pose la détermination de l'ordre de succession et du calendrier appropriés des transformations politiques. Conformément à la Résolution 1483 du Conseil de sécurité des Nations Unies, la communauté internationale doit soutenir le peuple irakien dans l'élaboration d'une constitution et la conduite du processus conduisant à l'organisation d'élections libres dans tout le pays.
- Le savoir-faire existant au sein de la population, des communautés, des institutions et du secteur privé naissant de l'Irak doit être exploité et développé de façon qu'il serve d'assise à la création de capacités nouvelles et au renforcement du secteur public et de la société civile, notamment au niveau provincial et local. Les participants ont débattu de la nécessité d'assurer l'avènement de structures politiques et administratives transparentes qui mettent à profit le professionnalisme du personnel irakien.
- Il est très important d'associer les femmes aux transformations politiques et, à cette fin, il faudra déterminer et lever les obstacles qui s'opposent à leur pleine participation au processus de gestion des affaires publiques à tous les niveaux.
- La transition que doit effectuer une économie fondée sur le pétrole pour sortir de la dynamique néfaste liée à l’existence d’un pouvoir autoritaire assis sur l'exploitation politique de la rente pétrolière, soulève des questions difficiles touchant à l'économie politique. Les participants ont souligné qu'il était important de mettre en place des mécanismes politiques transparents et d'en assurer la préservation, ainsi que de prévenir la corruption et d'empêcher certains groupes d'intérêt d’avoir la mainmise sur les ressources et les institutions essentielles.
Gestion économique
- L'Irak tente d'effectuer simultanément trois grandes transitions dans le domaine économique. Elle cherche ainsi à passer (i) d'une économie de guerre à une économie de construction de la paix après un conflit, (ii) d'une économie centralisée à une économie orientée vers le marché, et (iii) d'une économie fondée sur la rente pétrolière à une économie diversifiée reposant sur la production et la productivité.
- Les participants ont débattu de la nécessité d'instaurer un climat stable et sain sur le plan macroéconomique. A cette fin, il y a lieu de réfléchir à des questions telles que la transformation du système bancaire et du système de paiement, les problèmes monétaires, la politique budgétaire et le dialogue avec le Club de Paris et d'autres créanciers.
- Les participants ont eu un échange de vues sur les défis à relever pour assurer la croissance économique à court terme et à long terme, notamment sur les déterminants de la création d'emplois et de la formation de revenus. Il est urgent d'offrir dans l'immédiat des possibilités d'emploi à un grand nombre de personnes en multipliant rapidement les dispositifs de micro crédit et en organisant davantage de programmes de travaux publics, en grande partie pour la reconstruction des infrastructures et la remise en état des services de base.
- Les participants ont fait mention du caractère particulièrement délicat de la question des recettes pétrolières, ainsi que du risque de corruption et de concurrence pour la prise en main des ressources pétrolières de l'Irak, et ainsi l'obtention d'un pouvoir s'exerçant par le biais d'un système de favoritisme. La transparence et le contrôle des processus et mécanismes de la gestion économique constituent des questions essentielles et urgentes.
- A moyen terme et au-delà, la diversification d’une économie pour l'heure fondée sur le pétrole et le renforcement du secteur privé seront déterminants pour assurer la croissance économique, faire reculer la pauvreté, renforcer la participation des femmes et offrir aux jeunes davantage de possibilités. L'un des problèmes essentiels à résoudre est de savoir comment éviter que la sortie du programme "Pétrole contre nourriture" ne soit préjudiciable à l'offre de services sociaux de base et à l'accessibilité à ces services sur le plan du coût, et en particulier à la sécurité alimentaire des pauvres et autres catégories vulnérables de la population. Les questions à étudier concernent la stabilité financière, les mesures d'incitation et les autres dispositions à prendre en faveur de la production agricole et de la commercialisation des produits qui en sont issus, ainsi que le temps nécessaire pour la prise en main du problème de l'emploi. Parmi les priorités économiques y afférentes figurent la stimulation des marchés locaux et le réexamen des droits de propriété.
Dispenser une aide bien ciblée et coordonnée
- Les participants ont souligné qu'il était important de prendre appui sur un cadre budgétaire unique qui permette d'assurer la transparence et de mettre en œuvre un processus rigoureux d'examen des priorités en vue de l'approbation des programmes, et de disposer ainsi d'une assise pour la coordination du soutien extérieur. A cette fin, un grand effort d'investissement s'impose dans les systèmes locaux de vérification et de contrôle financiers (il est proposé d'envisager la réalisation d'une évaluation de la responsabilité financière dans les pays (CFAA) sous la conduite de la Banque mondiale). L'utilisation d'un dispositif d'observation continue, de suivi et d'évaluation fonctionnant de façon parallèle à l’aide de critères de référence et autres indicateurs permettrait d'effectuer des rectifications et un contrôle à mi-parcours. La transparence revêt une importance déterminante. En ce qui concerne le Fonds de développement pour l'Irak, il a été noté que le Conseil international consultatif et de contrôle, dont le mandat est actuellement à l'examen, avait à cet égard un rôle essentiel à jouer. Les participants ont été heureux d'apprendre que les lignes directrices sur la passation des marchés, en cours d'élaboration, reconnaîtraient les pratiques internationales et l'appel d'offres international au titre du Fonds de développement pour l'Irak.
- Beaucoup se sont dit très favorables à ce que des transferts financiers soient effectués à travers un dispositif de financement conjoint, semblable au Fonds fiduciaire multi bailleurs associé (multi-donor trust fund – MDTF), en vue de compléter les apports du Fonds de développement pour l'Irak. Ce dispositif fait actuellement l'objet d'un examen. Certains donneurs estimaient que ce type de fonds ne devait pas être l'unique vecteur du financement. Beaucoup ont insisté sur le fait que les apports de ressources financières de gouvernement à gouvernement devaient être intégrés dans le cadre budgétaire et déterminés par la demande plutôt que par l'offre.
- Les interventions des donneurs devraient prendre en compte les priorités qui ressortent des cadres budgétaires sectoriels, les évaluations internationales des besoins, les caractéristiques régionales et locales et les exigences de chacune des provinces. D'où la nécessité d'instaurer une coopération étroite entre l'Autorité provisoire de la Coalition, les ministères irakiens et les donneurs. Les participants ont été informés au sujet du rôle que le Conseil pour la coopération internationale de l'Autorité provisoire de la Coalition pouvait jouer en vue de faciliter ce processus.
- Les participants ont souligné que les principes cohérents concernant l'harmonisation et la coordination qui ont été adoptés à Rome devaient être appliqués autant que possible à l'Irak. [2] La coordination entre les ministères de chaque pays donneur contribuera à améliorer l'efficacité des politiques et à mieux les faire concorder. Toutes les parties devraient se concerter pour parvenir à une vision et des priorités stratégiques communes, et définir des structures claires et intégrées pour l'ensemble du pays et pour chaque secteur, afin de soutenir les efforts de reconstruction menés sous la conduite des Irakiens.
- La réunion a fait observer que beaucoup d'organisations non gouvernementales jouaient déjà un grand rôle dans l'action humanitaire. Avec la stabilisation de la situation, il sera important de mettre leur dynamisme et les ressources non négligeables dont elles disposent au service des stratégies sectorielles prises en main à l'échelon local et des efforts de reconstruction de la société civile.
- Il a été proposé que le CAD apporte une contribution aux débats du Groupe de liaison mis en place en vue d'assurer une convergence de vues sur la manière d'appréhender l'effort de reconstruction.
Date de mise en ligne : 01/02/2006
Notes
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[1]
Représentants des membres du CAD et des pays de l’OCDE non membres du CAD, du système des Nations Unies, des organisations humanitaires, de la Banque mondiale, du FMI et de l’Autorité provisoire de la Coalition, ainsi que différents experts.
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[2]
"Déclaration de Rome sur l'harmonisation", dans Harmoniser l'aide pour renforcer son efficacité, 2003 (Lignes directrices et ouvrages de référence du CAD).