1Un fossé de défiance s’est creusé entre les médias d’information et les citoyens. Chaque année, le baromètre réalisé par TNS-Sofres pour le quotidien La Croix confirme le peu de crédit que les Français accordent aux journaux, radios et chaînes télé pour leur restituer fidèlement les événements. En moyenne, la moitié des personnes interrogées par l’institut de sondage estiment que les choses ne se passent pas vraiment comme on le leur raconte. Trois sur cinq ajoutent que les journalistes ne résistent pas aux pressions des partis et de l’argent, autrement dit qu’ils ne sont pas indépendants des pouvoirs politique et économique.
2Face à ce constat, le mot d’ordre d’une « information citoyenne » ne cesse de gagner en force et en crédibilité. D’abord cantonnée aux cercles militants, elle s’est développée au fur et à mesure de l’émergence d’outils technologiques capables de l’incarner. Le phénomène est si neuf, si spectaculaire, si insaisissable aussi, qu’il génère une certaine confusion. Sait-on exactement de quoi on parle lorsqu’on évoque des médias citoyens ? Cet article a pour ambition de clarifier les choses en distinguant trois enjeux :
- la capacité des citoyens à devenir eux aussi producteurs d’information ;
- l’évolution des journalistes vers une approche citoyenne de leur métier ;
- la coproduction d’information entre citoyens et professionnels.
Des citoyens « informateurs »
3Internet a bouleversé la donne en permettant au citoyen lambda, hier cantonné dans le rôle de récepteur, de devenir également producteur et diffuseur d’information. Et le paysage du web reflète aujourd’hui cette diversité des postures chez les émetteurs d’information. L’émergence soudaine des blogs reflète parfaitement cette évolution spectaculaire qu’a connue la toile en quelques années. Il est même des secteurs (politique, culture, communication…) où le fait de disposer d’un blog personnel est devenu une ardente obligation. Au départ simples outils de libre expression, certains d’entre eux sont devenus de vrais outils d’information. On sait le rôle qu’ils ont joué dans les révolutions arabes, en Tunisie et en Égypte notamment. Et ils sont désormais reconnus comme tels, notamment lorsqu’ils sont hébergés sur le site de grands médias. Laurent Mucchielli n’est certes pas journaliste, mais chercheur ; personne ne songerait pourtant à nier que le blog qu’il tient sur lemonde.fr (http://insecurite.blog.lemonde.fr) est l’un des plus riches en information inédite et en analyses pertinentes sur les questions de sécurité.
4Les quartiers populaires sont sans doute l’un des espaces les plus prolixes en matière de blogs. Tout le monde connaît le Bondy Blog, né de l’initiative de journalistes suisses pendant les révoltes des banlieues françaises à l’automne 2005. Les jeunes blogueurs à qui ils ont ensuite passé le relais s’initient aux techniques du journalisme en même temps qu’ils pratiquent et tentent d’inventer un regard journalistique différent de celui des médias dominants. Et leur démarche a essaimé dans une demi-douzaine de villes, en France mais aussi en Afrique. De même, quand l’école des métiers de l’information et LaTéléLibre ont décidé en 2009 de lancer ensemble Reporter citoyen, opération de formation des jeunes de quartiers populaires d’Île-de-France au journalisme multimédia, il fut aussitôt décidé d’ouvrir un blog pour héberger leurs premiers reportages, écrits et vidéo. Et cela, alors même que ces jeunes n’étaient bien sûr pas devenus en quelques mois d’authentiques journalistes professionnels. Mais qu’importe : ils ont ainsi « appris à oser », comme l’expliquait l’un d’eux au terme de la première année de l’opération.
5« Tous journalistes » alors ? Cette expression abusive a surtout servi d’argument aux détracteurs de démarches d’information participatives (de même qu’en démocratie, les membres des instances participatives ne prétendent nullement prendre la place des élus, mais les opposants prétendent que le risque est réel). Nul ne songe à nier que le journalisme est un métier spécifique, assis sur des compétences – et des exigences – particulières. Mais la production de l’information – activité bien plus large – concerne d’autres acteurs, économiques, politiques, sociaux ou culturels… Et ceux-là, même s’ils restent des amateurs, peuvent tirer profit d’une plus grande rigueur dans leurs pratiques. En apprenant notamment l’art et la manière d’aller chercher de l’information.
6« Qui n’a pas fait d’enquête n’a pas droit à la parole » martelaient les militants maoïstes des années 1970. Un peu primaire et systématique sans doute. Mais le précepte contient une part de vérité. À l’heure où l’on tend à confondre le débat démocratique avec l’échange superficiel de simples opinions, il faut rappeler que la quête de l’information, l’enquête, l’interview des voisins devraient faire partie de la panoplie d’outils de tous les militants et acteurs de la démocratie participative. Car comment prétendre enrichir le point de vue des élus si l’on ne cultive pas soi-même le contact avec le terrain, les conditions de vie quotidiennes, le point de vue des plus exclus ? Aux États-Unis, le leader écologiste Ralph Nader s’est largement fait connaître par ses « enquêtes citoyennes ».
7Dans le cadre de Reporter citoyen, nous avons fait travailler ensemble nos apprentis reporters et des conseillers de quartier de la ville de Créteil. Ces derniers, en menant l’enquête sur des questions qui les taraudaient ou les énervaient – par exemple « Pourquoi les familles populaires n’utilisent-elles pas davantage les aides de la CAF pour partir en vacances ? » –, ont pu changer de point de vue et repérer des dysfonctionnements institutionnels. Ce qui contribue à leur donner plus de perspicacité et de légitimité dans leur fonction de membres d’une instance participative.
8Autre expérience du même type : en Champagne-Ardenne, le conseil régional a décidé de travailler avec la 27e région (« laboratoire de transformation publique des régions de France »), pour changer ses politiques en direction de la jeunesse et mieux concevoir les dispositifs avec les intéressés eux-mêmes. Dans le cadre de ce projet, un journal d’une dizaine de pages a été réalisé avec une quinzaine de jeunes, venus de la mission locale et de l’école de la deuxième chance, qui ont enquêté sur plusieurs services du conseil régional. Le fait de se mettre dans la peau de « reporters d’un jour » les a aidés à trouver des questions pertinentes, à oser les poser à leurs interlocuteurs et même à ébaucher une critique de certains documents de communication. Pour se construire en tant que citoyens, rien de tel que d’endosser l’habit journalistique et d’aller chercher de l’information.
Des journalistes du bien commun
9Ce deuxième enjeu, bien distinct du premier, se veut une réponse aux dérives de l’information « marchandisée ». Il s’agit de renouer avec les fondamentaux historiques du métier. Car les journaux sont nés avec la démocratie. Et l’information a longtemps été indissociable de la volonté de contribuer à former des citoyens éclairés et actifs. Mais depuis une trentaine d’années, la prépondérance des logiques marketing a conduit à évacuer cette dimension éducative et civique : l’information n’est plus perçue comme un bien commun, un ingrédient indispensable à la démocratie, elle devient un produit marchand, soumis à l’impératif de produire au moindre coût et de vendre au plus grand nombre (ou plutôt, recettes publicitaires obligent, de chercher le pouvoir d’achat maximal).
10Telle rupture ne pouvait laisser insensibles les journalistes les plus avertis des défis démocratiques. Aux États-Unis, à l’aube des années 1990, le journaliste et professeur Jay Rosen lance le mouvement du « public journalism » : un journalisme qui se pose la question de sa responsabilité sociale, de son implication dans la vie de la cité et dans le débat public. Dans le même esprit, et à la fin de la même décennie, nous avons cherché, avec le site internet Place publique, à définir ce que pourrait être une information « citoyenne », pas seulement dans ses modes de production, mais aussi dans ses contenus : une information qui « favorise la capacité des personnes à participer à l’élaboration des décisions qui les concernent, à tous les niveaux et dans tous les domaines de la vie en société ». Plus question de réduire son public à de simples consommateurs, il convient de s’adresser à lui en tant que citoyens capables de s’engager et de participer à la décision publique.
11Pour participer et s’engager, il faut actionner trois leviers : penser, agir, débattre… Sur ces trois dimensions, les médias pourraient, et devraient, avoir un rôle à jouer. À Place publique, nous avons cherché à choisir nos sujets, nos angles et nos modes de traitement avec le souci de renforcer ces trois ingrédients : encourager l’esprit critique chez les lecteurs, les inciter à l’action et contribuer au débat public démocratique. Une mine inépuisable, ou presque, pour renouveler le métier, le sortir des sentiers battus, le mettre en phase avec le nécessaire renouveau de la démocratie.
12Sur un autre registre, la démarche des fondateurs du Bondy Blog, des journalistes suisses de L’Hebdo, illustre bien les novations auxquelles peut conduire la volonté d’articuler exigence professionnelle et souci de son utilité sociale. Et cela, en deux temps successifs. D’abord, quand ont éclaté les révoltes des banlieues, en faisant le choix de s’installer dans l’une d’elles et de couvrir les soubassements de la vie dans les cités, plutôt que de se contenter des épiphénomènes des voitures qui brûlaient et des affrontements avec la police. Ensuite, lorsqu’il s’est agi de rentrer en Suisse après plusieurs mois d’investigation sur le terrain, en décidant de confier le nouvel outil à des jeunes pour qu’ils se l’approprient et en fassent le meilleur usage possible. Dans les deux cas, ces professionnels de l’information ont sacrifié la quête du scoop et du sensationnel au profit d’une exigence éthique et sociale. Exemple à méditer, puisque le Bondy Blog est aujourd’hui une réussite reconnue… y compris sur Yahoo !
Des démarches de coproduction
13La troisième approche consiste à miser sur la coproduction de l’information entre professionnels et simples citoyens. À Place publique, nous avons aussi inventé les « conférences de rédaction ouvertes ». Le principe ? Toute personne qui le souhaite est invitée à une réunion où l’on dresse le sommaire du prochain magazine. Il y vient avec ses idées de sujets à traiter, de thèmes à débattre, de contacts à partager… La conférence de rédaction ouverte permet un double mouvement. D’un côté, les journalistes s’ouvrent à des préoccupations, des manières de voir et des interrogations issues de la société civile mais peu usuelles au sein des rédactions. En sens inverse, ils aident les non-professionnels à affiner leurs sujets, ils leur transmettent leurs techniques, mais aussi leurs contraintes et leurs exigences. Dans le même esprit, à Respect Magazine, trimestriel des cultures urbaines, chaque conférence de rédaction rassemble une vingtaine de lecteurs, membres de l’association Respect, les amis. Et ce sont eux qui donnent à l’équipe des journalistes permanents des idées de sujets, d’angles, de sources d’information, de personnes à interviewer…
14Autre piste prometteuse, le « témoignage participatif ». Les « témoins », qui ne prétendent pas au statut de professionnels de l’information, peuvent jouer un rôle d’alerte sur des événements auxquels ils assistent, contribuer à la multiplicité des points de vue, vérifier des informations déjà diffusées, dénicher des angles inédits… Au Brésil, les 120 000 coursiers que compte la ville de São Paulo jouent déjà ce rôle. « Ils sont des milliers à traverser la mégalopole pendant la journée et aucun journaliste ne peut rivaliser avec les informations qu’ils rassemblent, explique Renato Rovai, rédacteur en chef de la revue du mouvement des médias libres. Mais les grandes rédactions seront toujours composées par des professionnels. »
15Les enquêtes participatives constituent le point d’aboutissement de telles démarches. Jean-Luc Martin-Lagardette en a publié plusieurs sur le site Agoravox (« L’obligation vaccinale est-elle justifiée ? », « Quelle place pour les pauvres en France ? ») en proposant une démarche rigoureuse. Le professionnel apporte ses compétences en amont (définition du sujet et de l’angle, écriture des premières informations) et en aval (mise en forme finale de l’enquête), mais tout le travail intermédiaire fait l’objet d’une coproduction entre le journaliste et les internautes. Ceux-ci ne sont pas seulement invités à livrer des commentaires, mais bien à signaler des faits, susceptibles de compléter, préciser, corriger ou contredire l’enquête initiale.
16Médiateur à Radio France, Jérôme Bouvier a également impulsé et coordonné une enquête participative sur le thème « Quel travail voulons-nous ? » Près de 7 000 réponses et 3 000 témoignages ont déjà été envoyés par les auditeurs. Ils ont fourni la base à un débat public, au Théâtre du Rond-Point, le 23 janvier 2012. Et aussi la matière à un livre, « recueil de rêves et de doléances », qui se veut une fidèle photographie du rapport des Français à l’univers du travail aujourd’hui.
Inventer les médias de demain
17Nous avons voulu clarifier les enjeux actuels de l’information citoyenne en tentant de distinguer trois sphères d’initiatives. L’exercice contient naturellement une part d’artificialité. Dans la pratique, on constate que les frontières sont de moins en moins étanches. Dans l’esprit du public, il n’est plus du tout évident de distinguer une information signée d’un journaliste professionnel d’un blog tenu par un citoyen et qui n’exprime que ses opinions personnelles.
18Faut-il s’en inquiéter ? Et d’ailleurs, est-ce bien là l’essentiel ? Si les journalistes sont en train de perdre le monopole de la diffusion d’information, l’exercice qui consiste à aller chercher des informations inédites, à les mettre en scène, à les décrypter et à les mettre en débat restera certainement un ingrédient indispensable à toute démocratie vivante. Mais peu importe sans doute de savoir qui sera demain appelé à jouer ce rôle, à assurer cette fonction.
19Nous n’en sommes qu’aux prémices, mais le mouvement semble bien irréversible. De plus en plus, citoyens et professionnels seront appelés à collaborer pour produire une information de qualité, utile à la démocratie.
Expérience/Initiative : La Cité du mal, ou la banlieue fabriquée par les médias
Le 29 septembre 2010, Arte diffuse La Cité du mâle, documentaire qui provoque une polémique reprise par une grande partie de la presse écrite et choque une partie de l’opinion publique [*]. En tant que professionnels de l’audiovisuel menant régulièrement des actions d’éducation à l’image dans les quartiers populaires au sein de l’association Yes We Can Productions, nous avons été interpellés par un discours qui ne reflète pas la réalité de terrain que nous connaissons, et qui a eu un impact négatif tant chez les jeunes que dans la profession. Nous avons décidé de retourner sur les lieux pour en savoir plus.
Sur place, c’est une population profondément blessée que nous avons rencontrée. Après quelques recherches, nous avons vite constaté que La Cité du mâle était truffée d’erreurs factuelles (près de quarante relevées). Mais nous avons aussi découvert que l’équipe de tournage avait trompé d’une part les protagonistes du film en annonçant une volonté de lutter contre les préjugés et en manipulant les plus influençables, et d’autre part les téléspectateurs, en organisant un « casting » spécifique des jeunes, en diffusant des mensonges sur l’histoire et/ou l’identité des protagonistes, et en détournant des propos à l’aide de montages diffamants.
Devenue un symbole, La Cité du mâle était donc pour nous l’occasion d’enquêter sur la tendance à traiter la banlieue française comme une zone de non-droit et d’exception indésirable.
La Cité du mal, ou la banlieue fabriquée par les médias est un documentaire classique : il s’ouvre sur l’étude du documentaire d’Arte, La Cité du mâle, puisque sa diffusion a été vécue comme une rupture avec l’idée que seules les chaînes privées pouvaient « déraper ». En substance, le film repose sur deux axes principaux : une contre-enquête et une analyse de fond. Le premier axe présente toute l’aventure de la contre-enquête : la difficulté d’un retour au sein d’une ville heurtée par un documentaire diffamant, l’hostilité de la population, la recherche des protagonistes et les efforts nécessaires pour regagner leur confiance. Nous décortiquons ensuite la fabrication de La Cité du mâle, ses erreurs et ses procédés manipulatoires. Le second axe apporte de la hauteur, la contextualisation qui a fait défaut à La Cité du mâle. Daniel Schneidermann et Nordine Nabili se penchent sur les conditions et les méthodes de travail et de formation des journalistes et documentaristes pouvant les mener à un traitement superficiel et stéréotypé de sujets complexes comme la banlieue. Nacira Guenif, Éric Fassin ou Raphaël Liogier explorent, eux, le climat politique et l’idéologie préexistants qui permettent au film de « sonner vrai » alors que de nombreuses invraisemblances se repèrent à l’œil nu. Tout au long du film, des données chiffrées viennent par ailleurs aborder avec sérieux la réalité des violences sexistes et homophobes en France. Les nombreux intervenants qui se succèdent apportent donc une analyse rigoureuse du traitement médiatique de la banlieue d’une part, de l’homophobie et des violences faites aux femmes d’autre part.
Le sujet de notre film est la fabrication de cette « banlieue qui fait peur », les mécanismes qui y participent, l’intérêt politique de cette fabrication, et son impact sur les habitants de banlieue ainsi que sur le vivre ensemble en France. Le sujet du film, c’est donc comment, à l’appui d’amalgames, on fait « mal » à la banlieue, en focalisant l’attention sur de prétendus « mâles » boutonneux et en pleine crise d’adolescence dans des contextes d’isolement social avec peu de perspectives d’avenir.
Entretien avec Nordine Nabili
■ Qu’est-ce que le Bondy Blog ?
L’histoire du Bondy Blog est liée à un drame et au phénomène des blogs. Il a été ouvert en novembre 2005 par le magazine suisse L’Hebdo, pendant les émeutes de banlieue. Les journalistes suisses avaient été étonnés par la fracture entre les habitants et la façon dont on parlait d’eux dans les médias. Ils ont permis aux habitants et en particulier aux plus jeunes de prendre la parole. À l’époque, on était en plein boom des blogs, c’est-à-dire l’émergence du web 2.0, qui permet une interactivité permanente sur internet. Maintenant nos blogueurs s’expriment davantage sur Facebook et Twitter. La technologie évolue vite et la capacité des nouvelles générations à suivre ces mutations est impressionnante.
■ Concrètement, comment fonctionne le blog ?
Le principe du Bondy Blog est simple. Le constat est le suivant : la place médiatique a remplacé la place publique physique. Si on n’a pas les outils, on n’existe pas sur la place médiatique. Le Bondy Blog permet cela : se former, produire une information et par voie de conséquence exister. On nous réduit à un blog de banlieue, mais pas du tout, cette démarche peut se reproduire partout, l’expression citoyenne n’a pas de frontière. Mais pour le moment, cette aventure tient grâce à l’énergie de quatre adultes et quelques partenaires… Le Bondy Blog est un labo où les jeunes expérimentent, s’expriment, se rendent compte qu’ils sont capables et apprennent comment fonctionnent les médias. Les blogueurs ne s’orientent pas nécessairement vers une carrière professionnelle de journalistes. Ils ne rêvent pas d’intégrer les grandes rédactions. Les médias tels qu’ils existent ne les intéressent pas forcément. C’est nouveau. La profession n’a pas l’air d’avoir pris conscience de ce changement.
■ Pourquoi y a-t-il si peu de places pour les jeunes dans les médias ?
Ce n’est pas nouveau qu’on parle à la place des jeunes. Ils n’existent pas vraiment dans les médias, pas plus dans les partis politiques ou dans les syndicats. Selon moi, il existe une vraie lutte entre générations, exacerbée par les médias. Le pouvoir « gris » des plus de 50 ans monopolise et infantilise les revendications des jeunes. De plus, ce n’est pas les rédactions homogènes actuelles qui vont changer cet état de fait. Les journalistes devraient refléter la société. Même ceux qui dénoncent les conservatismes au début de leur carrière adoptent au final le même discours, se coulent dans le moule. C’est dramatique pour les jeunes et encore davantage pour les jeunes des quartiers.