1Il est toujours difficile de retracer dix années d’expérience réussie. La tentation est grande, en effet, d’en revisiter la genèse, soit pour en surestimer la difficulté, soit au contraire pour en inscrire dès le départ le succès.
2Il me revient de faire cet exercice délicat d’introduction. J’ai eu, en effet, la chance d’en vivre sinon les prémices, au moins la plus grande part, et à ce titre de pouvoir en porter témoignage.
3Avec le recul, les facteurs de réussite de cette charte qualité reposent, me semble-t-il, sur trois principes simples, un impondérable et des conditions de réalisation favorables.
Les principes d’abord…
4Le premier d’entre eux repose sur un intérêt partagé entre les acteurs qui ont, à un titre ou à un autre, été partie prenante de ce dispositif. Il mobilise deux prescripteurs de politique publique, l’État et la caisse d’allocations familiales (CAF), des partenaires, les fédérations d’éducation populaire, et des acteurs locaux associatifs ou collectivités locales, tous à un degré ou à un autre concernés par la problématique des accueils collectifs des préadolescents et des adolescents.
5Quelques éléments du contexte de la période permettent de resituer brièvement ce qui déclencha une réflexion autour de ces enjeux : un département rural, clivé entre une agglomération très attractive et quelques bassins de vie enclavés, une intercommunalité émergente, une identification de la problématique de l’accueil des adolescents sans réponse réglementaire satisfaisante, des tentatives de réponses apportées, notamment au travers de l’embauche des emplois jeunes, souvent décevantes. Nous dirions aujourd’hui une recherche de sens sur ce qui devrait être une politique jeunesse à la taille d’un territoire. À l’époque, le besoin se centrait plus autour d’une capacité de réponse à apporter par des structures de proximité.
6Cette communauté d’intérêt n’excluait pas, deuxième principe, le respect absolu des positions institutionnelles de chacun. Si le dispositif a pu vivre et s’enrichir au cours de ces dix années, c’est bien parce qu’à aucun moment les parties prenantes de celui-ci n’ont voulu imposer aux autres un point de vue ou une logique. Au contraire, l’échange, la concertation, la volonté de trouver une solution partagée, qui ne soit pas un compromis basé sur le plus petit dénominateur commun, ont toujours constitué une ligne directrice assumée par les partenaires.
7C’est donc bien sûr un principe de co-construction ou de coélaboration qui a présidé à l’élaboration et à l’animation du dispositif de la labellisation. De la définition du cahier des charges aux différents ajouts qui sont venus enrichir au fil du temps la labellisation, pas une étape n’a été menée sans concertation avec les élus et les professionnels de l’animation.
8Enfin, et c’est là également un élément qui a permis la permanence de cette politique publique, le dispositif d’évaluation et de suivi a toujours fait l’objet d’une analyse fouillée et d’éléments de bilan facilitant la prise de décision du comité de pilotage. Il a donc été facile d’anticiper sur les évolutions et de faire les choix stratégiques les plus opportuns.
Des conditions facilitantes ensuite…
9Cette expérience a également bénéficié de quelques conditions qui ont facilité sa réalisation :
10– La montée en régime du dispositif emploi jeune qui avait permis le recrutement d’une centaine d’animateurs professionnels sur le territoire du Calvados, triplant en deux ans le nombre des permanents dans le secteur de l’animation ; mais des professionnels souvent peu expérimentés, parfois isolés, souvent dans des structures de petite taille, souvent embauchés pour répondre à une commande locale d’« occuper les jeunes », sans véritable projet éducatif défini par l’employeur.
11– Des politiques publiques structurantes portées par la CAF (le Contrat temps libres) ou par l’État (les Contrats éducatifs locaux) permettant des financements pluriannuels mais surtout un souci de mise en place sur les territoires de projets éducatifs pour les enfants et les jeunes.
12– La volonté des fédérations d’éducation populaire d’accompagner cette émergence locale par des réponses de proximité.
13– Un souci partagé par la CAF et la direction régionale et départementale de la jeunesse et des sports de favoriser autant que faire se peut la qualité éducative des activités mises en œuvre par les structures accompagnées au travers des politiques menées, et une volonté de diffuser au plus grand nombre possible de structures cette dimension de qualité éducative.
14– Enfin, condition sine qua non, une volonté des acteurs locaux, élus politiques, associatifs et professionnels de l’animation de revendiquer les accueils de préadolescents et d’adolescents comme des lieux privilégiés de construction de la personnalité, de la citoyenneté et de prise de responsabilité.
Un facteur impondérable enfin…
15Aucune action partenariale durable ne peut faire l’économie des hommes et des femmes qui la font vivre. L’entente et la confiance réciproque dont nous avons fait preuve tout au long de ces dix années, chacun à son niveau de responsabilité, ont, à plusieurs reprises, désamorcé des situations qui auraient pu devenir conflictuelles.
16Que tous ici en soient remerciés !