Couverture de BUPSY_554

Article de revue

À travers les livres

Pages 632 à 640

Notes

  • [1]
    Freud S., « Lettre 52 », décembre 1896, dans Naissance de la psychanalyse, Paris, Presses universitaires de France, 2009.
  • [2]
    Titre tiré du texte d’Antoine Destutt de Tracy, cité par l’auteure : « Penser c’est toujours sentir, et ce n’est rien que sentir », Mémoire sur la faculté de penser, 1798.
English version
Versión en español

Amado (Gilles), Bouilloud (Jean-Philippe), Lhuilier (Dominique), Ulmann (Anne-Lise), (sous la direction de), La créativité au travail, Toulouse, Éditions Erès, 2017

1« Maintenant que l’ordre social doit se construire en dehors de toute garantie métasociale, la réflexion nous renvoie vers la créativité de l’agir humain lui-même », écrivait Hans Joas à la fin de son livre La créativité de l’agir (Éditions du Cerf, 1999). Après avoir montré la place marginale qu’occupe la créativité dans les grandes doctrines sociologiques (celle de Talcott Parsons en particulier), et suppléant ainsi aux insuffisances des modèles théoriques dominants de l’action rationnelle (utilitarisme) et de l’action à visée normative (fonctionnalisme), Hans Joas proposait une nouvelle théorie de l’action et de l’agir humain dont les postulats pourraient très bien servir de présupposés à l’ensemble des textes réunis sous le titre : La créativité au travail.

2Ce volume, dirigé et introduit par les quatre auteurs dont les noms figurent sur la couverture, s’inscrit dans la lignée des thèses de Joas dans la mesure où, comme lui, on se refuse à séparer les actes créatifs de ceux qui ne le seraient pas, pour montrer, à propos de l’acte de travail, qu’une part de créativité est toujours présente. « Arts de faire (…), bricolage, mètis, intelligence pratique, renormalisation (…), autant de conceptualisations de la puissance inventive engagée dans le travail vivant » peut-on lire dans l’introduction. Cette dernière nous avait déjà entraîné, quelques pages avant, du côté de chez Winnicott (référence psychologique la plus sollicitée dans ce recueil) puisque, selon lui, créer, « c’est conserver tout au long de la vie une chose qui à proprement parler fait partie de l’expérience de la première enfance : la capacité à créer le monde ». Sur ce point, l’affaire semble donc entendue : « la créativité dans l’activité s’inscrit dans la filiation du jeu avec la résistance du monde, du réel », dans le fait d’échapper à la soumission permanente au monde. L’introduction indique aussi qu’il ne faut pas confondre, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, créativité et innovation, que la première « constitue aussi une épreuve de l’unité du sujet (esprit et corps) », qu’elle « apparaît donc à la fois comme moyen et instrument pour dépasser les obstacles rencontrés, réaliser le travail, reconfigurer son milieu, mais aussi, pour exister ».

3Ce livre, outre cette introduction dont la densité est telle qu’elle se refuse à tout résumé, et qui peut être lue pour elle-même, comprend cinq parties (comprenant trois ou quatre textes chacun) et un épilogue (sous la forme d’un entretien avec le dessinateur René Pétillon qui signe aussi le dessin de la couverture du livre).

4La première partie, « Des cadres pour penser la créativité », débute par un texte de Brigitte Almudever. Il envisage la créativité dans un processus de personnalisation, à partir de l’idée de la pluralité des appartenances d’un travailleur (ce dernier étant toujours plus grand que son travail) et des liens que les sujets ont entre le travail et les autres activités qu’ils développent nécessairement (en tant que membre d’une famille, citoyen, et toutes autres formes de sociabilité). Ce texte débouche sur une définition originale de la créativité (du processus de création, plutôt) et une critique de « l’idéologie de la créativité ». Le deuxième texte, « Groupalité et processus sublimatoire » (l’auteur en est Bernard Chouvier), de facture psychanalytique, montre que l’acte créateur participe d’un processus psychologique initial qui est la sublimation ; il est individuel, mais le travail préparatoire à la création est groupal. « Le groupe est une figure matricielle ». Christophe Dejours, fondateur de la psychodynamique du travail, est l’auteur du troisième texte. Il traite de l’intelligence au travail quand le corps est impliqué. « Le génie de l’intelligence » au travail, écrit-il, procède de la subversion des pesanteurs objectives par un processus de subjectivation du réel où le corps tient le rôle principal (…) ». Il passe par le « corps érogène » et est accru par « la perlaboration de l’expérience du réel de la matière à travailler ». C’est dans cette lutte avec le réel que « la transformation du corps érogène se traduit par l’apparition de nouvelles habiletés mais aussi par l’avènement de nouveaux registres de sensibilités ». Évidemment, l’auteur ne manque pas de dire que la dynamique de sublimation qu’il décrit « n’est pas le fait de tout travail, loin s’en faut » puisque la plupart des organisations du travail « n’autorise pas le travail d’œuvre ». Le quatrième et dernier texte de cette première partie du livre analyse les rapports entre temps et créativité. Il est l’œuvre de Corinne Gaudart, ergonome. Elle considère la créativité comme « un processus d’appropriation du temps » qui opère « une bascule relative à notre conception du temps » (« temps pluriel plutôt qu’unique », temps quantitatif « mais aussi qualitatif »). Des recherches ergonomiques illustrent ces déplacements.

5La deuxième partie du livre réunit des contributions qui mettent en exergue les principales caractéristiques de la créativité : « Langue, sens et corps ». Mireille Cifali Bega signe le premier texte : « Action poétique dans le monde de la science et de la formation » en s’appuyant sur les travaux de Michel de Certeau pour avoir « donné ses lettres de noblesse aux gestes quotidiens, et décrit comment, dans leurs singularités, se maintient le vivant de l’humain ». Il s’agira ici de « restituer certains des processus de création poétique dans leur confrontation à d’autres domaines de l’activité », dans la recherche scientifique et dans la formation. Le texte suivant, « Souffrance et impuissance au travail », sous-titré « Le pas de côté du clown », de Christine Revuz, part du diagnostic d’une impuissance générale massive quant aux situations vécues de travail (souffrance, perte du pouvoir d’agir, absence de délibération collective), empêchements qui se trouveraient « être à la fois la matière première de la pratique du clown de théâtre et celle de l’analyse des pratiques professionnelles ». Le texte décrit des pratiques de « recours au clown dans les organisations de travail ». Le troisième texte de cette deuxième partie, écrit par le philosophe Eric Hamraoui, est consacré « à la triple question de la définition des conditions de possibilité de l’œuvre sensible de la pensée, ainsi que de la nature migrante et des déterminations matérielles et spatiales de celle-ci ». On doit le dernier texte de cette partie : « La subversion de la mort par les soignants en maternité », à Claudine Schalck, psychologue et sage-femme. Il porte sur la reconnaissance de la mort périnatale, sur la souffrance des parents et des professionnels et sur la manière de la surmonter « par une alliance intersubjective » accomplie « par une reprise symbolique du traitement du corps du tout-petit, un dépassement de la mort qui va au-delà d’une offre d’accompagnement d’un deuil privé ». Car « l’expérience de la mort est commune aux parents et aux soignants ».

6La troisième partie du livre, « Empêchement et dégagement », vise à élucider les conditions qui contribuent aux empêchements et aux processus de dégagement au regard des obstacles qu’ils rencontrent. Cette partie du livre est ouverte par un texte de la sociologue du travail Danièle Linhart intitulé : « Management moderne et créativité ». Elle se demande ce qu’il y a de créatif dans le néo-management qui prétend en avoir fini avec les vieilles lunes du taylorisme. Puisque « le travail semble être de moins en moins un lieu de socialisation et d’expérience collective » pour devenir « une histoire personnelle » (…) « il pourrait bien y avoir adéquation entre les orientations managériales modernistes et les aspirations de salariés en attente de réalisation et de reconnaissance personnelle ». Ce serait en ce sens que « ce nouveau modèle managérial » pourrait être porteur de créativité et potentiellement libérateur de la créativité des salariés ». En réalité, montre le texte, « les mêmes travers tayloriens de contrainte et de contrôle » subsistent parce que « la base du modèle managérial moderne reste la peur et le choix de la transférer dans le camp des salariés ». Une autre sociologue du travail, sociologue clinique de l’activité, Marie-Anne Dujarier, dans sa contribution intitulée « Créativité et jeu au travail », « rend compte des résultats issus d’une enquête menée à propos du travail réalisé par des cadres dont le mandat est de produire et de diffuser des dispositifs managériaux qui prescrivent, outillent et contrôlent le travail d’autrui ». Cette recherche, qui s’inspire du modèle développé par Hans Joas, étudie des individus au travail « sommés par leur encadrement d’être créatifs ». Mais cette créativité est obligée et « délimitée à des objets précis » (mettre en place le « lean management », développer des produits financiers, inventer une campagne de publicité…). Il y a bien chez ces cadres (que la sociologue appelle des « planneurs » puisqu’ils planifient le travail des autres) des manières de jouer avec « une règle du jeu qui gratifie ceux qui mettent en circulation de nouveaux dispositifs ». « Comme pour les ouvriers (…), « la construction collective d’un cadrage ludique (…) leur permet de réaliser leur tâche avec zèle et en accroissant leur autoexploitation ». Le troisième et dernier texte de cette troisième partie du livre, venant de Simon Viviers, s’intitule « Entre souffrance, défense et développement du métier : quelle place pour la créativité ? ». La contribution explore la distinction que fait l’auteur « entre défenses de métier et défenses du métier, en montrant par ailleurs la complexité de l’analyse du destin morbide ou vitalisant des stratégies effectivement déployées par les sujets confrontés au réel du travail et au vécu de souffrance qui l’accompagne ». S’appuyant sur une enquête de terrain menée en clinique du travail auprès de conseillers d’orientation en milieu scolaire au Québec, l’analyse conduit l’auteur à « réinterroger le sens des défenses au regard de la santé et du développement du métier ». En effet, il constate que si « les stratégies de retrait et de repli » se limitent à la « santé concrète », on trouve dans d’autres – par exemple les stratégies visant l’adaptation au milieu – « des traces de créativité dans l’activité et une capacité à affecter l’organisation réelle du travail ».

7La quatrième partie du livre « Normativité et résistance » témoigne précisément, à partir de l’exploration de situations de travail, « de la résistance à l’assignation et aux voies de la normativité, y compris dans les contextes les plus contraints ou dévalués (…) ». Ce qui est le cas dans le premier texte présenté par Vanessa Andrade de Barros et Marcela Sobreira Silva, « La créativité nécessaire dans les activités marginales », telles celles des détenus luttant « contre l’amputation provoquée par l’autoritarisme des prisons ». « L’usage de l’astuce, de la créativité et des formes de résistance se fait présent de différentes manières (…) ». De même, le travail dans le trafic de stupéfiants, parce « qu’il s’établit comme une activité qui apporte un statut, du pouvoir, de la reconnaissance », devient un « espace de développement et de constante création », comme l’effort créatif à vivre chez les prostituées, dans les luttes qu’elles mènent pour devenir des sujets de droit. Le texte qui suit, « Résistance et créativité : le travail dans le système unique de santé au Brésil » de Crisane Costa Rossetti et José Newton Garcia de Araujo, a pour objectif « d’identifier les mouvements de résistance et leur puissance créatrice dans le contexte du travail des médecins engagés dans le Programme santé de la famille à Belo Horizonte » (Brésil). L’étude se demande à quoi résistent ces travailleurs de la santé et sur quelles valeurs s’étaye leur résistance. La réponse est qu’ils s’opposent à la logique productiviste qui leur est imposée, qui destitue le travail de son sens et le vide des valeurs démocratiques et émancipatrices originelles. Enfin, le dernier texte de cette quatrième partie du livre « La créativité productrice de sens » de Alexandra Felder, Kerstin Duemmler et Isabelle Caprani, concerne la présentation de trois cas de jeunes en formation professionnelle dans le domaine de la vente. Il est montré que même des apprentis peuvent s’approprier leur métier de manière créative.

8La cinquième et dernière partie du livre, « Reconnaissance de la créativité, de la création », présente d’abord « Des Shakers aux Makers », « éléments pour une critique sociale de la créativité » par Isabelle Berrebi-Hoffmann, Marie-Christine Bureau et Michel Lallement. L’article découle d’une interrogation : « comment expliquer qu’à certaines périodes, et dans des espaces situés, la capacité à créer, imaginer, innover, faire par soi-même… soit l’objet de discussions collectives, de publications, de mouvements sociaux, de politiques publiques ? ». Le texte emprunte un détour historique par cinq étapes-évènements, de l’apparition au seuil de la première révolution industrielle de la communauté Shaker jusqu’à l’essor récent, en France, d’un mouvement maker. La thèse défendue est que l’idée que la créativité est nécessaire à une « bonne » pratique du travail, n’a eu la possibilité d’exister qu’aux moments où quatre variables « ont trouvé matière à incarnation » dans « un système favorable à l’action collective ». Ces quatre variables sont : « un problème social dont l’importance est reconnue publiquement ; des acteurs dotés de ressources favorables à l’innovation ; des terrains d’expérimentation ; et enfin, une sensibilité collective aux modalités de la production du soi ». Suit un deuxième texte, « La dimension laborieuse de la création » de Thomas Paris, point de vue « gestionnaire » centré sur la dimension collective et organisée de l’activité de création que des formes d’organisation spécifiques portent et qui reposent sur une compréhension de l’économie de la création. Cette dernière est une économie de propositions sans qualité ou valeur intrinsèque, valeur construite par la seule réception qui en sera faite sur un marché. On doit le dernier texte, « Groupe, leader bienveillant et créativité » à Eugène Enriquez qui se pose la question de savoir si un groupe peut fonctionner avec des membres qui seraient tous créatifs ; autrement dit « sans qu’un leader assure sa progression et sa cohésion ». L’auteur illustre son interrogation en s’intéressant aux impressionnistes et au rôle central tenu par Camille Pissarro. Il lui plaît à penser que pour que les membres d’un groupe soient créatifs, ils auraient besoin d’un tel « leader mosaïque » (Moscovici), « tel un père bienveillant, attentif à chacun ».

9Comment conclure un ouvrage si consistant par l’intérêt du sujet dont il traite et par la quantité et la pluralité des approches qu’il propose ? Au sortir de sa lecture, on se sent plus riche de possibles, tant il est vrai que ce livre témoigne que tout acte est une aventure (Mendel), est capacité humaine à l’invention et à la création. On se demande aussi comment tant de potentialités peuvent accoucher d’un état si catastrophique de l’organisation du travail actuelle. Ce rapport à la pratique et au collectif, que la sociopsychanalyse a particulièrement étudié, apparaît comme le point névralgique qui reste souvent aveugle dans bon nombre d’analyses qui nous sont proposées.

10Au même titre que, dans l’épilogue au livre, René Pétillon s’interroge sur les difficultés qu’il rencontre à associer la nécessaire créativité du dessinateur de presse aux contraintes propres à la production de journaux ; le préposé à la recension d’ouvrages peut aussi, pour finir, se demander avec amusement ce qu’il y a de créatif à écrire sur ce qu’on lit au regard des contraintes propres à l’exercice, celle par exemple qui nous oblige à une certaine objectivité. Pratique frustrante puisqu’en résumant, nous sommes toujours condamnés à réduire.

11Jacques Prévert disait qu’il préférait ceux qui lisent à ceux qui écrivent parce que, précisait-il, les premiers en rajoutent. La part de créativité est peut-être dans ce rajout qui vient de la lecture, moments d’inspiration qui ne resteront pas à l’état virtuel mais seront transposés, peu ou prou, dans cette activité de recension. Même s’il faudra bien, en quelques lignes, se résoudre à dire, à la fois, moins et plus que nous avons lu (ou cru lire). Il nous faudra traduire en peu de mots, en un seul petit texte ce que vingt-huit auteurs ont dit dans dix-neuf articles bien plus conséquents. Et espérer, par cette opération qui nous oblige à « trahir », rester le plus fidèle possible à l’esprit du livre et pouvoir conduire le lecteur vers lui.

12Jean-Luc Prades

Christen (Carole), Besse (Laurent) (coord.), Histoire de l’éducation populaire, 1815-1945, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017

13Les dates limites fixées à cette Histoire de l’éducation populaire, 1815 et 1945, sont celles de deux créations importantes, la Société pour l’instruction élémentaire, en 1815 et la fondation de Peuple et culture, en 1945. Entre ces deux dates, d’autres fondations ont marqué l’histoire de l’éducation populaire : celle de la Ligue de l’enseignement en 1866 ou celle des centres d’entraînement aux méthodes actives (Cémea), dont le premier fut ouvert en 1937.

14Cette histoire a fait l’objet d’un colloque, qui s’est tenu à l’université de Lille 3 en 2015, organisé par Carole Christen, qui, avec Laurent Besse, a rassemblé, dans ce volume, sous le sous-titre « Perspectives françaises et internationales », vingt-six contributions, partagées en quatre parties : « L’éducation populaire » : « Faire de la politique autrement ? », « Le peuple au féminin », « Intégrer le peuple », « Former, cultiver et distraire le peuple », le fait surtout d’historiens, mais aussi de spécialistes en sciences de l’éducation, en droit public, en science politique, mais… pas de psychologues, qui ont, pourtant, joué un rôle dans la promotion de l’éducation populaire. C‘est que les organisateurs du colloque ont voulu reprendre, du point de vue de l’histoire, un domaine longtemps « abandonné » aux spécialistes d’autres disciplines, les sciences humaines, ou aux militants.

15Dans leur introduction, Carole Christen et Laurent Besse (« Retracer l’histoire de l’éducation populaire (1815-1945) », p. 11-32) rappellent que l’ambition des organisateurs du colloque était de dresser un bilan des recherches historiques menées depuis une trentaine d’années dans le domaine de l’éducation populaire, de les poursuivre et les amplifier, sous ses aspects socio-économiques et également politiques et culturels.

16Ils définissent l’éducation populaire « comme l’action éducative qui prétend toucher principalement les milieux populaires et qui entend agir sur l’individu hors de l’école pour transformer la société » et ils ont choisi, pour point de départ, 1815, qui marque la naissance de la Société pour l’instruction élémentaire, le 16 juin 1815, créée par Lazare Carnot (1753-1823) et Joseph Marie de Gerando (1772-1842), autorisée par ordonnance royale du 29 avril 1831, dont l’objectif des fondateurs était « d’associer leurs efforts pour rassembler et répandre les lumières propres à procurer à la classe inférieure du peuple le genre d’éducation intellectuelle et morale la plus appropriée à leurs besoins ». Carole Christen et Laurent Besse explorent ensuite, au fil des temps, les différents acteurs et l’évolution de la notion d’éducation populaire, qui, à long terme, assimilera « éducation populaire et jeunesse ».

17Chacun des auteurs, qui ont participé à ce volume, contribuent à approfondir la notion d’éducation populaire, sa mise en œuvre selon les époques, ses relations avec d’autres entreprises, comme les institutions et ses fonctions (instruction des enfants et des adultes, intégration sociale et professionnelle, émancipation politique, accès au savoir, mais également au sport, aux loisirs, à la culture en général).

18Sont également analysés les enjeux de cette mise en œuvre, parfois contradictoires : le contrôle des classes « laborieuses », potentiellement « dangereuses », prévention des « fléaux sociaux », unité de la Nation, amélioration de la productivité des travailleurs ; enjeux idéologiques (laïques contre les Églises). Enfin, sont étudiées les méthodes de l’éducation populaire : enseignement mutuel, autodaxie encadrée et les institutions (école, universités populaires, bourses du travail), les intervenants et leurs moyens (théâtre, cinéma, conférences).

19Dans un « préambule », intitulé « Une enquête, un objet : l’éducation populaire », Carole Christen et Laurent Besse (« L’histoire de l’éducation en chantier : quelques points de repère », p. 35-50) soulignent le poids de l’histoire religieuse et le poids de l’histoire de la jeunesse, la part des militants, de la philanthropie et montrent que l’éducation populaire s’est constituée dans « un rapport de proximité et d’opposition avec les méthodes scolaires ».

20À leur suite, Frédéric Chateigner (p. 31-61) inventorie « L’expression “éducation populaire” dans les discours publics français (1815-1950 », dont les variantes illustrent les débats auxquels cette notion a donné lieu. Puis Jean-Louis Guereña rapporte l’exemple de l’Espagne (p. 63-71). D’autres exemples étrangers seront exposés : « La lecture publique des lois comme moyen d’éducation civique populaire au cours de la Saattelzeint : quelques exemples européens », par Émilie Delivré (p. 80-89) ; « Autour de l’école : visions de l’éducation politique populaire à l’aube de la Régénération (Vaud, Suisse, 1815-1834) », par Nathalie Dahn-Singh (p. 103-116) ; « “Commencer l’éducation d’un peuple libre”. Étienne Parent, l’éducation publique et la gouvernementalité libérale au Québec (1845-1852) », par Martin Petitclerc (p. 117-136) ; « L’Action catholique spécialisée : un palliatif à la sous-scolarisation des jeunes Canadiens français (1930-1945), par Louise Bienvenue (p. 370-383) ».

21La première partie repose sur une interrogation : « L’éducation populaire : faire de la politique autrement ? » C’est ainsi que Jean-Charles Buttier (p. 90-104) a dépouillé « Les catéchismes politiques, outils d’une éducation politique populaire (1815-1848) ». Trois thèmes sont dégagés : lutter contre les mauvais livres pour préserver le peupleenfant des héritiers de la Révolution française ; vulgariser la loi pour émanciper le citoyen : un objectif partagé par les libéraux et les républicains ; 1848 : la vulgarisation de la politique, de la théorie à la pratique.

22Sophie-Anne Le Tellier rappelle qu’avant l’institution scolaire de la Troisième République, le peuple était majoritairement illettré. Il trouvera son éducation dans les chansons, comme « À l’école de la goguette (1815-1850) » (p. 127-139), lieu où l’on se réunit pour boire, parler et chanter. Elle est une véritable école, avec son programme « enseigner la patrie » et ses méthodes, l’imitation et l’émulation.

23Cette première partie s’achève sur une étude de Bernard Desmars, « Des cours et des bibliothèques pour changer le monde ? Les fouriéristes et l’éducation populaire (1848-vers 1875) » (p. 140-151).

24La deuxième partie, ainsi que l’annonce son titre, « Le peuple au féminin », porte sur l’éducation des filles. Caroline Fayolle décrit, dans « Les écoles pour filles du peuple de la Société pour l’instruction élémentaire : un laboratoire pédagogique sous la Restauration » (p. 159-169) et Renaud d’Enfert, « Une institution “éminemment utile et moralisatrice” : les écoles pour femmes et jeunes filles (Paris, 1800-années 1860) » (p. 171-184) ; Marianne Thivend, « De l’école au métier… et au ménage : les cours de dames de la Société d’enseignement professionnel du Rhône (de 1864 à la veille de la première guerre mondiale » (p. 185-197). Enfin, Agnès Sandra, « Les femmes dans les bibliothèques populaires, une présence volontairement oubliée ? Quelques pistes de réflexion » (p. 199-214), souligne l’empreinte de Flora Tristan et de Jeanne Deroin sur les premières bibliothèques populaires, la présence réelle, mais difficile à mesurer, de femmes dans les bibliothèques populaires et le rôle des bibliothécaires de gare et de sacristie contre les bibliothécaires populaires.

25La troisième partie est intitulée « Intégrer le peuple ». Jean-François Condette (« “De l’école au régiment”. “Le réveil de l’éducation populaire” républicaine (1894-1897) » (p. 231-216), dont les titres sont repris d’Édouard Petit (1858-1917), examine la relance de l’éducation populaire, tentée, en 1894, par les dirigeants de la Troisième République, afin de poursuivre l’œuvre éducative de l’école et du régiment et les difficultés rencontrées. « Les “professeurs du peuple”. Instituteurs et encadrement de l’éducation populaire (1896-1914) » (p. 237-251) sont étudiés par Nicolas Palluau.

26Des illustrations sont fournies pour la province : « L’université populaire nancéenne : les caractères originaux d’une expérience lorraine (1899-1914), par Laura Mougel (p. 253-265) ; « “L’enseignement supérieur pour tous” ou comment enseigner le socialisme ? L’exemple de l’université populaire de Besançon », par Damienne Bonnamy (p. 267-278) ; « Les comités d’éducation populaire en Alsace au lendemain de la Grande Guerre : aspects d’une œuvre d’intégration culturelle et patriotique », par Philippe Jian (p. 289-300) ; « L’éducation populaire à l’épreuve de la socio-histoire : Rennes dans l’entre-deux-guerres », par Étienne Recht (p. 301-312) ; et aussi pour l’étranger, avec « Mutualisme et éducation populaire : l’exemple de l’université populaire Giuseppe Garibaldi de Bologne », par Elena Musiani (p. 279-288).

27La quatrième partie, « Former, cultiver et distraire le peuple », est ouverte par Jérôme Martin, qui montre, dans « Encadrer, insérer et former la jeunesse : l’éducation populaire dans le champ de l’orientation professionnelle (1900-1940) » (p. 319-330), que l’éducation populaire a précédé l’orientation professionnelle (OP) et insiste sur le rôle de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) dans le champ de l’OP. Bernard Giroux complète cette intervention en posant la question : « Quelle Action catholique pour les jeunes de milieux ouvriers (1927-1945) » (p. 357-369).

28Plusieurs individualités ont marqué l’éducation populaire. Parmi elles, Mercedes Le Fer de La Motte, créatrice des premières maisons sociales à Paris et son groupe, qui utilisèrent des méthodes inusitées de collecte, de traitement et de diffusion de l’information nécessaire à leur action. C’est à elle que Sylvie Fayet-Scribe a consacré son étude (« Mercedes Le Fer de La Motte (1862-1933) : le document dans l’histoire de l’éducation populaire », p. 331-342).

29Dans un autre domaine, les loisirs ont eu leur place dans l’éducation populaire, comme le tourisme. C’est « L’action d’Allemand-Martin au lycée du Parc à Lyon, des prémices des loisirs dirigés à leur héritage (1919-1947) », résumée par Bertrand Silvestre (p. 343-356) ; le cinéma (Pascal Laborderie, « Le cinéma éducateur laïque : l’autre cinéma du Front populaire », p. 385-396), la danse (« Miss Pledge ou les danses populaires à la rescousse de l’éducation nouvelle (1926-1949) : les réseaux d’une Anglaise de Paris », par François Gasnaud, p. 397-408).

30La conclusion du colloque (du livre) est tirée par François Jacquet-Francillon (p. 409-415), qui souligne les difficultés d’une définition de la culture populaire, en retraçant son évolution sémantique entre morale et culture tout court, entre une idée conservatrice et une idée progressiste.

31Comme il a été indiqué au début de cette recension, cet ouvrage est l’œuvre essentiellement d’historiens, Cependant, les psychologues, qui ont leur mot à dire dans cette histoire, y trouveront des éléments pour appuyer leur réflexion.

32Par ailleurs, on observera que si la notion de culture populaire a évolué, c’est aussi parce que « le peuple » a évolué. Le « peuple d’en-bas » (Jack London) de 1845 s’est « élevé » et instruit. C’est sans doute pourquoi, aujourd’hui, c’est à la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), qu’il existe un Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), Service à compétence nationale (SCN), dirigé, depuis 2016, par un sociologue, Thibaut de Saint Pol. C’est dire que la notion de « culture populaire » est toujours actuelle.

33Citons encore, créé en 1999, le Pôle de conservation des archives des associations de jeunesse et d’éducation populaire (PAJEP), qui a pour mission de sauvegarder, classer et valoriser les archives privées du secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire, et le prix Françoise Tétard (1953-2010), créé en 2016, d’« Histoire de l’éducation spécialisée / Histoire de l’éducation populaire » (niveau master 2 ou équivalent).

34Marcel Turbiaux

Allouch (Éliane), Psychoses infantiles et autisme. Vers une poétique du corps, Paris, Éditions Campagne Première, 2017

35Éliane Allouch reprend et approfondit théoriquement les observations de cinq sujets atteints de psychose infantile et d’autisme. Elle décrit les traitements qu’elle propose à ces patients pour lesquels le sens des mots, les manifestations sensorielles et gestuelles du corps témoignent de leur absence d’intégration dans l’image du corps.

36L’auteure reprend leur histoire et rend compte de leur évolution ; il s’agit de : « Ferdinand du geste à la parole », « Suzanne, du geste à la syntaxe », « Pierre entre positions du corps, gestes, regards et mots », « Januel, de l’emprise et de la séduction », « Léo, mouvements défonctionnalisés et autolimitation kinesthésique ».

37Pour entrer en relation avec ces sujets, É. Allouch prend appui sur les techniques du corps en privilégiant sa surface, le « moi-peau », elle situe ce que le corps peut ainsi véhiculer de l’immédiateté des perceptions-sensations « aux confins d’un représentable relevant plus de la représentation – chose, sensorielle et kinesthésique, avant toute représentation de mot ». Son projet vise à établir des ponts entre ces perceptions, sensations diffuses, non intégrées (Wahrnemungen au sens freudien, caractéristiques de l’informe pour P. Aulagnier) avec les représentations de mots qui, en passant par le langage, sont alors intériorisées et prennent forme de mots, franchissant ainsi la barrière de l’inscription (voir Freud, lettre 52) [1]. Cette modalité de travail psychothérapeutique ne peut se déployer que dans une dynamique transférentielle, qui se traduit par « le déchiffrement du symptôme » provoquant l’amorce d’un remaniement psychique. Néanmoins, l’obstacle majeur est la rencontre, chez certains de ces sujets, de l’absence d’une parole signifiante. Qu’en est-il alors de la construction de l’Autre qui distingue l’autiste, qui n’est pas entré dans le langage, du sujet psychotique précoce qui, lui, dispose d’une parole présentant des éléments signifiants ? L’auteure reprend cette question de la façon suivante : « Les uns n’y ont pas accès, d’autres ne dépassent pas une parole qui tourne à vide sans atteindre la cohérence syntaxique, ou est énoncée de manière inaudible, ou bien encore, ils ne prononcent que des paroles conjuratoires, actes concrets plutôt que verbalisations (…) ».

38Pour atteindre ces sujets, la thérapeute a recours à des supports d’échange plastiques et figuratifs (techniques du corps, dessins, écritures, modelage, peinture…), mais aussi à des techniques qui relèvent de la psychomotricité, gymnastique, piscine, etc. et mettent en jeu le corps dans sa dynamique en sollicitant également le sentir et l’agir.

39Ainsi, pour Ferdinand, ce qui va susciter et inscrire le transfert, c’est la technique du saut en hauteur alors que, considéré comme autiste, il se contentait de faire sauter et tournoyer dans sa main un petit morceau de bois. Il est décrit comme libidinalement indifférencié dans sa famille et, pour la thérapeute, il s’agit de le faire advenir à un appareil psychique propre. Sa valorisation narcissique par le biais du saut l’a conduit à découvrir le plaisir de son corps moteur l’amenant à une image idéale de lui-même. Parce qu’elle avait oublié de l’inscrire dans le groupe, sans le savoir, la thérapeute a suscité une frustration qui a amené le sujet à se confronter au manque et à se manifester comme sujet désirant le confrontant au manque dans la relation transférentielle. C’est ainsi que Ferdinand rencontre l’angoisse de séparation. Cet adolescent de dix-sept ans a, de ce fait, réintégré les « deux voies de l’identification primaire : la voie de l’érogénéisation et celle de l’idéal » qu’elle qualifie de « cheville ouvrière du narcissisme primaire et secondaire précoce ».

40Pour l’auteure, la thérapie s’appuie sur deux piliers : celui de la sensori-motricité et celui de la parole. Le signifiant s’inscrit, en même temps que l’identification joue sur la proximité ou l’éloignement d’un autre corps, ce que les exercices corporels permettent de repérer. Compte tenu de la complexité des pathologies, la thérapeute porte un regard et adopte une écoute reconnaissant la singularité, ce qui les incite à mieux habiter leur corps, qui s’érogénéise et s’unifie.

41L’auteure rappelle que, chez ces sujets, le manque d’ancrage du corps et les mécanismes de protection développés présentent différentes formes. Elle distingue la forme inhibée d’une carapace (deuxième peau) ou celle d’une plastique molle et informe (Januel) ; soit sans direction, sous forme pulvérisante (Pierre) ou néantisante (Ferdinand) ou encore se canalisant dans des satisfactions auto-érotiques ponctuelles (sucer son pouce pour Suzanne…), colère clastiques et gestes dé-fonctionnalisés (Léo). Ceci permet de repérer ce qui, du corps érogène, est désinvesti ou surinvesti ou contre-investi dans une surface corporelle où les parties ne s’articulent pas au tout, du fait de leur morcellement. La diversité de ces cas oriente la thérapeute dans le choix des techniques qu’elle propose. Sa disponibilité et sa présence aux patients, permet que, chez ceux-ci, à ce qu’ils manifestent habituellement d’indifférence, d’effroi ou de désorganisation, se substitue une quiétude où l’Autre est reconnu et devient support d’un corps, d’une parole qui apaise. L’adolescent s’ouvre ainsi vers les autres, dont les membres du groupe en tant que société.

42Cet Autre, comme le souligne É. Allouch, à partir des supports plastiques et figuratifs qui leurs sont proposés et « mis en tension », sollicite non seulement les capacités fonctionnelles des patients, mais aussi des bribes d’imaginaire véhiculant des représentations supports de mots. En retour, les patients sollicitent la capacité de « penser-rêver » de la thérapeute, ouvrant, selon la conception de l’auteure, à « un accès possible à l’une ou l’autre des deux modalités de contact : accès à l’érogénéité d’un corps ayant trouvé des limites du fait du regard et de la parole portée par l’Autre et, aussi, grâce aux médiations valorisantes, en particulier artistiques, qui ouvrent le chemin à des créations reconnues et apportent un profond changement dans l’inscription sociale de ces sujets. Cette démarche peut être qualifiée d’esthétique car elle consiste à orienter la sensibilité vers la représentation inattendue, qui prend une coloration poétique. Le gain de plaisir ainsi obtenu a, alors, une fonction d’opérateur psychique.

43Cette esthétique, d’orientation économique soumise à l’affect et aux sensations, est à relier à des formes re levant de la pensée plastique et figurative, elle ne relève pas d’une herméneutique.

44S’agit-il pour autant d’une mise en jeu des processus identificatoires et pulsionnels tels qu’ils se manifestent dans la névrose ? L’auteure ne tranche pas, mais il subsiste une ambiguïté. Ceci pose la question de la rencontre transférentielle qui ferait qu’une structure peut changer, mais cela est-il envisageable chez l’adolescent ou chez tout autre sujet ? La question reste ouverte.

45Les rencontres heureuses, grâce à la qualité du transfert que suscite la thérapeute, permettent à ces sujets de construire et de reconnaître l’Autre. Ils sortent de leur autisme en mettant en place des suppléances, qui les font reconnaître à leur tour et participer au monde.

46Le travail avec la thérapeute, que favorise le choix d’un support médiateur privilégié, prend une dimension non seulement esthétique, mais aussi poétique dès lors qu’elle fait barre à une jouissance sans frein, grâce à une limitation par le plaisir partagé et le désir de l’un qui sollicite ce qu’il pressent du désir de l’autre.

47Le grand intérêt de ce livre est de présenter des cas de sujets autistiques et psychotiques précoces, qui nous font participer à une clinique finement décrite. Il souligne également l’apport d’une sensibilité analytique, se déployant dans un transfert qui souligne la primauté de la dimension désirante, quelles que soient les médiations utilisées.

48Robert Samacher

Écrire le cas, Psychologie clinique, E.D.K, Paris, 2017/2, n° 44

49La revue Psychologie clinique consacre son numéro 44 à un dossier sur l’écriture du cas en clinique psychanalytique, dans une approche interdisciplinaire. Laurie Laufer pose rigoureusement le cadre du thème en rappelant au préalable l’historique de ce questionnement : cet effort réflexif a pris naissance à partir d’un séminaire de recherche qui soulignait le statut fondateur du cas en clinique, ainsi que le nœud épistémologique qu’il constitue, et ouvrait les possibilités d’un approfondissement de la puissance heuristique du cas dans l’activité de recherche. Laurie Laufer rappelle le conflit qui a toujours existé entre le tact discret de la rencontre clinique et celui de la recherche et de la transmission. Comment enseigner formellement une expérience dont la substance n’a rien de scientifique, mais touche aux rêves, aux fantasmes, aux délires ? Doit-on continuer à opposer les deux régimes d’écriture, scientifique et poétique ? C’est entre ces deux régimes d’écritures que s’est déterminée la position si compliquée du psychanalyste vis-à-vis du langage, la question de l’écriture du cas, de la fabrique du cas en psychanalyse ayant toujours soulevé de nombreuses questions. Éthique : qu’a-t-on le droit de faire de ce qui est dit ?

50Méthodologique : comment transmettre le cas clinique ? Epistémologique et théorique : quelle valeur a t-il en termes de connaissance ? Avec quels filtres interprétatifs l’aborder ? Rhétorique et sémiotique : comment organiser l’écrit, le présenter ? Clinique : quel effet le passage par l’écriture a t-il sur les cures ? Pour Laurie Laufer, renoncer à traiter ces questions équivaudrait à une démission théorique face à la tendance de la médecine, de la psychiatrie contemporaine et du cognitivo-comportementalisme, à vouloir définir leurs propres normes de la scientificité du champ clinique.

51Guénaël Visentini inaugure ce numéro en cherchant à préciser les raisons pour lesquelles la question du cas s’est difficilement constituée en objet de recherche à part entière dans le champ psychanalytique. Si la cause principale se situe à un niveau déontologique, ce relatif désintérêt a pour conséquence, un « décrochage » de la psychanalyse par rapport aux normes contemporaines de réflexivité sur l’écriture de l’empirique et, donc, un risque de mise à la marge de la psychanalyse dans la sphère académique par rapport aux autres disciplines. L’auteur en appelle donc à la constitution d’un champ de réflexivité nécessaire sur les pratiques d’écritures cliniques, qu’il propose de nommer, sur le modèle du terme « historiographie », « clinicographie », plus précisément psychanalytique. Ce dossier se poursuit avec une première section, intitulée « Interdisciplinarités », qui se risque à un débat de fond entre écriture du cas en psychanalyse et écriture du cas en sémiologie, anthropologie ou histoire. Par exemple, Dario Compagno nous suggère une relecture sémiotique du célèbre cas de l’Homme aux loups, d’un côté, pour mettre en évidence ce que peuvent apporter à la psychanalyse les outils forgés par les sciences du langage (notamment ceux de la sémiotique narrative), de l’autre, pour soutenir l’opportunité du dialogue interdisciplinaire pour l’analyse de l’expression de la subjectivité dans les textes. Se référant à Umberto Eco, à Roland Barthes ou à Jacques Lacan, l’objectif de Compagno est de repérer l’auteur freudien dans le texte et ses intentions communicatives de narrateur, pour mettre l’accent, au-delà de l’énoncé, sur l’énonciation. Valentina Grossi s’intéresse, quant à elle, aux questions posées par l’écriture du cas dans les sciences sociales, particulièrement chez les ethnographes pour qui l’écriture a toujours suscité une tension, tant au moment de la prise de notes sur le terrain que dans la rédaction du texte final. L’auteure nous montre les différentes modalités de gestion de cette tension dans l’histoire de l’ethnographie, avec trois modèles qui témoignent d’une cumulativité des sciences sociales : le modèle naturaliste de Malinowski, qui porte l’accent sur le langage dans sa transitivité et sa transparence : la prise de notes sur le terrain est assimilée à un acte d’enregistrement fidèle qui intervient immédiatement après l’observation des faits grâce à un journal ethnographique. Le modèle herméneutique, avec Clifford Geertz, critique cette position en montrant le risque de lien abusif entre description vraisemblable et le réel, dû à l’opacité propre au langage ; ce nouveau modèle, dit interprétatif, ne sépare plus observation et interprétation, mais les fait se rejoindre dans la description, strate d’écriture censée rendre compte de la culture étudiée, mais impliquant inévitablement une textualisation de l’expérience. Le troisième modèle, pragmatique, tel qu’on le retrouve chez Jeanne Favret-Saada, considère que l’opacité du langage ne s’oppose pas à la transparence du monde pour approcher un objet dans lequel doit être pris en compte la concrétude des actes de langage, et aussi, au-delà des énoncés, l’énonciation. La description devient ici une mise en récit qui amène à repenser le rôle de l’écriture en ethnographie. L’épaisseur de l’écriture, loin de représenter un obstacle à la compréhension, constitue une médiation indispensable pour appréhender quelque chose du monde social. L’historien François Dosse s’intéresse, de son côté, à la singularité du cas dans l’opération historiographique. Il insiste sur le tournant critique dont a bénéficié la discipline historique à la fin des années 1980 en privilégiant la singularité des situations et en apportant une importance nouvelle aux évènements et aux biographies, délaissées dans les années 1960-1980. L’histoire renoue ainsi avec ce qui constitue l’ambivalence de son épistémologie, en tension entre science et fiction en portant l’accent sur les études de cas aux dépens des schémas holistes et des systèmes clos de causalité. Ce texte permet de saisir les problématiques partagées par l’histoire et la psychanalyse sur les manières de dire le passé, toutes deux étant tendues entre la narrativité, la temporalité du récit, la singularité du cas, d’un côté, et l’aspiration à trouver des cohérences pertinentes, des rapports de causalité, sinon des lois générales, de l’autre.

52Dans le chapitre « Histoire et épistémologie de la psychanalyse », qui propose une série de textes réflexifs quant à l’écriture spécifiquement psychanalytique, Thomas Lepoutre réinterroge les spécificités de l’écriture du cas en psychiatrie et en psychanalyse, en repartant du grand constat, fait par Freud lui-même, que les « récits de cas » psychanalytiques tiennent plus du « roman » que du « certificat » psychiatrique. Comment penser l’originalité de cette écriture qui déplace le centre de gravité de « l’observation psychiatrique » ? La constatation d’une sorte d’aveuglement médical devant le tableau clinique, contrastant avec le voyeurisme animant, par définition, une clinique du signe, permet de préciser la posture freudienne, ce que l’auteur explore en reprenant l’analyse du « Moïse de Michel Ange », où sont convoqués les travaux d’attribution scientifique de Morelli. L’analogie entre la méthode analytique de ce dernier devant un tableau et l’attitude psychanalytique devant le tableau clinique met l’accent sur ce qui fait rebut dans l’observation et situe les fondements de la clinique inédite inventée par Freud. Le récit vient donc rendre la parole au malade, le fait auteur de son histoire et sujet de son symptôme, modifiant radicalement l’objet de la clinique. « Faire ainsi cas du sujet implique de l’entendre dans son absolue singularité », singularité qui prend son efficacité pas tant dans l’histoire linéaire manifeste, que « dans la forme individuelle du symptôme où le sujet a réellement écrit sa marque, et qui recèle le véritable trait du cas ». Paul-Laurent Assoun prolonge cette perspective en affirmant : « La psychanalyse consiste à faire cas du sujet plutôt que d’en faire un cas ». Il s’intéresse ainsi aux destins du signifiant « cas » dans ses différentes acceptions, pour les resituer à l’horizon de l’épistémé clinique et analytique. Partant de l’adage « l’exemple, c’est la chose même », il rappelle les fondements de la casuistique, science des singularités, qui vise à extraire une loi du particulier. Mais la logique du symptôme inconscient n’en rompt pas moins avec la logique médicale de la maladie, situant le sujet dans son lien au réel du symptôme. Le cas y est pris à la lettre et cela a des conséquences sur la façon dont il pourra être écrit pour faire trace transmissible. Thamy Ayouch, à partir d’une analyse réflexive de quelques écrits de cas contemporains, se propose d’adresser une série de questions à la psychanalyse. Il met en avant la violence commune qui peut être exercée à l’encontre de la singularité clinique, consistant à l’inscrire dans une théorisation qui la précède et dont elle ne devient qu’une confirmation, au mieux un exemple éclairant. L’occultation théorique et contre-transférentielle de la clinique qui peut y apparaître, ainsi que l’excès d’imaginaire filtrant dans certaines interprétations, laissent apparaître la manière dont y joue ou non l’analyse du transfert. Dans la continuité de ces approches, soulevant les questions de l’exemplarité du cas, de sa présentation comme paradigme d’une structure nosographique ou de sa visée pédagogique, Béatriz Santos interroge la manière dont opère la « vérité historique » du cas et le statut de la narrativité dans l’écriture du cas. Reprenant le cas Dora, faisant référence à la critique féministe qui en a été faite et à l’œuvre de Pierre Fédida, Santoz confronte la problématique de l’écriture du cas clinique à la question de la particularité des textes psychanalytiques, localisant cette dernière dans ses effets transformateurs sur le lecteur, analyste ou pas. Cette hypothèse d’un critère de « transformabilité » propre à ces textes conduit l’auteure à insister sur le caractère performatif de l’écriture analytique en tant qu’elle repousserait les limites de l’attendu. Ce côté performatif expliquerait que les gender studies aient parfois pu lire dans les cas la mise en acte subversive des femmes comme sujets et parfois, au contraire, dans d’autres écrits, la reconduction de la femme en position d’objet. La valeur d’un récit de cas ne résiderait donc pas dans la simple capacité à représenter ce qui se passe dans une cure, par-delà les limitations de la partialité propre à la perspective de l’analyste. La « clinicité de l’écrit » (Fédida) n’est pas synonyme d’une description exhaustive, mais renvoie plutôt à une capacité théorique associée à la possibilité qu’a l’analyste de rester dans sa pensée disponible au matériau avec lequel quotidiennement il travaille et en tenant compte de la façon dont ce matériau travaille sa propre écriture. Ainsi, pour qu’il soit utile au clinicien, le cas ne doit pas se restreindre à communiquer des vérités historiques aussi fragmentaires soient-elles, il doit demeurer à même de nous transmettre les certitudes inquiètes des constructions de l’analyse et en analyse.

53Guy Le Gaufey inaugure le chapitre « Cliniques » en se livrant à une critique de la prolifération des vignettes « cliniques » dans la transmission actuelle de la psychanalyse. La tendance est de faire groupe autour de la vignette. Le plus souvent, ces vignettes se révèlent être « des hymnes, des salutations, des révérences à des professeurs, des auteurs, des autorités quelconques ». Elles sont « bien souvent l’expression de transferts massifs et fort peu questionnés. Elles manquent cruellement et pour la plupart de sens critique, et tentent de se présenter comme la chose la plus naturelle au monde, des témoignages naïfs, alors qu’elles sont des combles d’artifices qu’on a tout intérêt à tenir pour tel ». S’il est facile de justifier de tels usages dans l’enseignement de la psychologie clinique et de la psychopathologie, elles constituent donc un obstacle et une menace pour une juste appréciation de la pratique analytique, dans son rapport au transfert. Pour le praticien, le lieu pour parler de sa pratique reste d’abord la supervision ou le contrôle. Toujours dans cette sous-partie « Cliniques », Florent Gabarron-Garcia nous recentre lui aussi sur les spécificités du travail de la cure et ses conditions particulières, celles à partir de quoi une écoute et une parole pourront émerger pour permettre au sujet de sortir de son impasse. L’auteur critique la notion de « cas » comme empêchant de penser l’expérience psychanalytique même, lieu de dépossession des savoirs et de co-construction d’effets transformateurs. Les formes écrites de la clinique analytique (la construction du cas, le récit de cure,…) ne sont pas indépendantes des théories qui les soutiennent. S’intéressant aux constructions de cas lors de présentations de malades en hôpital psychiatrique, qu’il juge le plus souvent projectives et défensives, Gabarron-Garcia oppose à ce modèle psychopathologique de construction de cas le terme freudien de « construction dans l’analyse », autre régime de vérité clinique où ce n’est plus le clinicien qui fonde celle-ci mais le patient, dans son articulation au transfert. Écrire la psychanalyse nous ramène donc à la subjectivité du psychanalyste et à la question de la réduction de cette dernière dans l’acte analytique. Le dispositif dans la pratique analytique, quand celle-ci s’essaie à l’institution, n’est pas sans incidences sur la clinique et son écriture : « Non seulement il y a des constructions dans l’analyse, mais il convient de donner à voir comment elles s’articulent et interagissent avec les mouvements de l’institution. C’est cela qu’il s’agit aussi d’écrire pour rendre compte de la pratique, car c’est là que se situe le travail analytique, dans son mouvement propre », comme un work-in-progress. Eva-Marie Golder clôt ce dossier en témoignant de son expérience de la pédopsychiatrie et en posant la question de ce que peut être l’écriture clinique concernant un enfant, du fait de la complexité de la lecture de la symptomatologie infantile. Elle témoigne aussi du travail sur les cas, dans un groupe de praticiens, d’où il ressortait la difficulté de l’écriture après-coup de l’entretien avec un enfant. C’est de ce constat qu’est née, en se référant aux travaux de Marcel Czermak et à partir d’entretiens enregistrés, une recherche visant à déterminer, au-delà de la dimension purement psychiatrique, le trait du cas, soit de ce qui fait trait singulier pour tel sujet. L’auteure en soutient la possibilité éthique, la potentialité clinique et l’intérêt scientifique. Ce dossier est riche par la diversité de ses champs d’approches, soulève les questions essentielles qui se posent au clinicien dans l’écriture du cas et propose des réflexivités et positions originales.

54Pierrick Brient

Vincent-Buffault (Anne), Histoire sensible du toucher, L’Harmattan, coll. « Clinique et changement social », Paris, 2017

55Après, notamment, une Histoire des larmes – xviiie-xixe siècles (1986) et une Histoire de l’amitié (2010), Anne Vincent-Buffault nous propose aujourd’hui une Histoire sensible du toucher. Dans le sillage de Lucien Febvre, cofondateur avec Marc Bloch de l’École des Annales, et, plus récemment, comme Alain Corbin et Georges Vigarello, elle apporte sa contribution aux recherches des historiens sur les sensibilités, sur les sens et sur les corps.

56À travers les trois parties qui composent le livre, elle nous invite à suivre le statut et la place du toucher dans ce qu’elle qualifie elle-même de « parcours ». Elle retrace ainsi l’histoire du toucher à travers les siècles et les civilisations, faisant référence à un nombre impressionnant d’auteurs, qu’ils soient issus de l’histoire, de la sociologie, de l’anthropologie et de l’ethnologie, de la philosophie, de la médecine, de la psychiatrie, de la psychologie et de la psychanalyse, ou bien encore de l’esthétique et de l’art. Pour autant, il ne s’agit pas seulement d’un livre érudit. Une idée forte le traverse : le statut du toucher ne se réduit pas aux seules sensations physiologiques ; il nous renseigne sur notre construction psychique, sur nos relations et sur les sociétés dans lesquelles nous évoluons. L’auteure éclaire ainsi notre actualité contemporaine en soutenant que le développement des technologies et la dématérialisation des procédures qui nous éloignent des sensations du toucher, favorisent la neutralisation des corps et un idéal de maîtrise consubstantiel de l’expansion du capitalisme.

57Dans la première partie, intitulée « Développer les puissances de la douceur », Anne Vincent-Buffault étudie le « corps de la caresse » des grecs de l’époque classique à nos jours : excitabilité et vulnérabilité de la peau, sensualité, tendresse et érotique du désir sont rapportées aux influences et aux normes religieuses, culturelles, sociales, économiques, hygiéniques et médicales qui les inspirent et qui les encadrent. Elle développe, notamment, une forme d’anthropologie historique de la petite enfance à partir des différentes façons d’accueillir un nouveau-né, de le porter, d’établir des contacts corporels avec son entourage proche. Puis elle s’interroge sur l’influence de l’apparition du confort et des équipements technologiques sur notre sens du toucher. C’est ainsi qu’elle évoque, pour caractériser notre époque actuelle, une « marchandisation du toucher » et un « hédonisme régulé », qui voient se multiplier les offres de massages et de bien-être tout en développant une « médiation technique digitale et tactile [qui] rend la vie sensible curieusement habitée d’algorithmes et d’abstraction ».

58Le titre de la deuxième partie, « Maîtriser et neutraliser le contact », rend compte de cette évolution du statut du toucher. Au xixe siècle, l’épistémologie du sensible du siècle précédent perd de sa prééminence avec l’apparition de nouveaux instruments d’exploration du corps humain. Ceux-ci accompagnent le développement scientifique de la physiologie et de la psychologie, soumises aux mesures et aux quantifications d’un toucher qui se veut objectif et mesurable. De leur côté, les aliénistes s’intéressent aux hystériques (« Avec un corps hypersensible ou anesthésié, érotisé ou refusant tout contact, l’hystérique touche à vif, provoque, attire »), et aux obsessionnels et aux phobiques dont « la folie du toucher », « les excentricités du tact » s’expriment à travers les tabous du toucher qui, dans leurs formes extrêmes, peuvent entraîner des phénomènes de dépersonnalisation. Faisant référence à Norbert Elias, l’auteure estime que ces différentes pathologies du toucher sont des symptômes de crise qui informent sur l’organisation sociale et sur les processus de civilisation. Elle prolonge son propos à travers une étude du toucher dans le monde du travail qui renseigne sur le statut social. Elle souligne la disqualification historique du travail manuel contre la valorisation de l’intelligence abstraite qui se traduit par une hiérarchie des sens : le goût et le toucher seraient plus sensibles que la vue et l’ouïe qui, par la distance qu’elles sont susceptibles de créer, seraient plus abstraites.

59Dans la dernière partie, intitulée « Penser, c’est toujours sentir [2] » Anne Vincent-Buffault reprend, notamment, les travaux de Diderot sur les aveugles. Se référant à Condillac, Diderot considère en effet le toucher « comme le fondement de la connaissance et de la sensibilité, qui amorce réflexion et abstraction ». Après une allusion relativement rapide à la conception du toucher chez certains philosophes contemporains (Sartre, Bachelard et Michel Serres), l’auteure étudie de manière plus approfondie les apports des psychanalystes depuis Freud jusqu’à Anzieu et Piera Aulagnier, et rappelle, en particulier, les travaux des Écoles hongroise et anglaise (Ferenczi, Imre Hermann, Szondi, Balint, Bion, Winnicott, Marion Milner et Esther Bick). Les concepts de chacun de ces auteurs sont finement et précisément repris : ils contribuent à retracer l’importance des contacts tactiles et de leurs dimensions libidinales, mais aussi potentiellement destructrices dans la construction psychique, sensorielle et émotionnelle des sujets depuis leur prime enfance. L’auteure termine cette partie en étudiant les œuvres de certains écrivains, artistes et metteurs en scène à travers leurs rapports aux sensations tactiles (Proust et Flaubert, la « peau carapace » de Beckett, la « peau passoire » de Bacon, Tatine « poète des matériaux », Marinetti et Benedetta Cappa, Marie-José Pillet, Eisenstein et Bresson).

60Il s’agit d’un essai d’une indéniable richesse qui offre un très large panorama de l’histoire sensible du toucher. La documentation est extensive, multipliant les apports pluridisciplinaires sans pour autant en alourdir la lecture. Le style est précis, les termes utilisés très évocateurs, sur les plans à la fois sensible et sensuel. L’architecture du livre peut cependant dérouter au premier abord : ni strictement chronologique ou disciplinaire, une introduction qui n’est pas qualifiée comme telle, pas de numérotation de chapitres ni de paragraphes. Le choix de l’auteure est original et oblige à un décentrement de certaines habitudes acquises en matière de présentation d’essais. Elle privilégie une organisation thématique et processuelle qui nous entraîne subtilement dans ce parcours annoncé en début de volume et dont on retrouve les contours et les méandres à la lecture de la table des matières. Ce n’est pas la moindre des qualités de ce livre que d’avoir réussi, y compris par sa structure même, à nous faire percevoir les différents aspects du sens tactile : « Émouvoir, éprouver, atteindre et ressentir, le toucher conjugue sentiments, actes et perceptions ».

61Anne-Christine Le Gendre

Notes

  • [1]
    Freud S., « Lettre 52 », décembre 1896, dans Naissance de la psychanalyse, Paris, Presses universitaires de France, 2009.
  • [2]
    Titre tiré du texte d’Antoine Destutt de Tracy, cité par l’auteure : « Penser c’est toujours sentir, et ce n’est rien que sentir », Mémoire sur la faculté de penser, 1798.
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