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Article de revue

La compréhension des hyperboles ironiques à 10 ans : le rôle de la prosodie et du lexique

Pages 103 à 115

Notes

  • [1]
    Université de Caen Normandie, PALM (EA 4649), France.
    Correspondance : Marc Aguert, Esplanade de la Paix, CS 14032, 14032 Caen cedex 5, France.
    Courriel :marc.aguert@unicaen.fr
  • [2]
    Université de Caen Normandie, PALM (EA 4649), France.
    Correspondance : Marc Aguert, Esplanade de la Paix, CS 14032, 14032 Caen cedex 5, France.
    Courriel :marc.aguert@unicaen.fr
  • [3]
    À noter que les énoncés avec hyperbole prosodique ont une syllabe finale plus longue que les énoncés avec une double hyperbole prosodique et lexicale utilisés dans l’expérience 1. Cette différence est marginalement significative, t(5)= 2,23 ; p= .07. Cette différence peut s’interpréter comme une volonté de « compenser » avec la prosodie l’absence de lexique hyperbolique.

Introduction

1 Cette recherche visait à évaluer la compréhension des énoncés ironiques hyperboliques chez les enfants de 10 ans. Nous avons mesuré la compréhension de l’ironie dans deux expériences selon que les énoncés ironiques comportaient aucune hyperbole, une hyperbole lexicale (utilisation d’adverbes intensificateurs), une hyperbole prosodique (utilisation d’une prosodie emphatique) ou une double hyperbole lexicale et prosodique. Si le rôle déterminant des indices extra-linguistiques dans la compréhension de l’ironie et, plus largement, du langage non littéral a été largement mis en évidence (Gibbs, Colston, 2012), le rôle des indices aux niveaux linguistique et paralinguistique reste méconnu. Les travaux existants, passés en revue ci-après, les étudient isolément, y compris les travaux sur l’hyperbole qui focalisent sur la dimension lexicale (Kreuz, Roberts, 1995).

Ironie et hyperboles

2 L’ironie verbale renvoie à une catégorie d’énoncés dans lesquels le locuteur fait implicitement référence à un élément du contexte qui n’est pas conforme à ses attentes, tout en feignant de ne pas être conscient que ses attentes ont été contrariées (Attardo, 2000 ; Colston, 2000 ; Kumon-Nakamura, Glucksberg, Brown, 1995 ; Pexman, 2008 ; Utsumi, 2000). Un exemple typique est l’énoncé « Eh bien, c’est une belle journée ! » produit au petit matin alors qu’il pleut à verse. Comprendre un énoncé ironique suppose d’abord de saisir l’incongruité contextuelle (Pexman, 2008), c’est-à-dire l’écart existant entre les attentes du locuteur et la réalité, en confrontant l’énoncé produit (qui est généralement une expression des attentes du locuteur) avec le contexte. Mais percevoir l’incongruité contextuelle n’est pas suffisant. En effet, le locuteur peut être réellement sincère malgré l’incongruité apparente (« Eh bien, c’est une belle journée pour aller chercher des escargots ! »). Il peut également mentir et essayer de masquer que la réalité n’est pas conforme à ses attentes (« Il te va super bien ce pull ! »). Ainsi, après avoir perçu la non-littéralité du locuteur, il faut comprendre son attitude ironique. Du point de vue développemental, ces deux étapes s’acquièrent successivement : l’enfant commence par percevoir l’incongruité de l’énoncé au regard du contexte et en déduit la non-littéralité, vers 6 ans, avant d’expliquer cette non-littéralité par l’ironie du locuteur, vers 8 ans (Ackerman, 1986). Pour faire savoir qu’ils sont ironiques, les locuteurs vont utiliser toute une gamme d’indices qui, sans l’expliciter directement, vont signaler l’ironie. Ces indices, de nature linguistique (choix lexicaux, morphologiques) ou paralinguistique (prosodie, expressions faciales, gestes), ont pour fonction d’orienter l’interlocuteur vers l’incongruité contextuelle. Si l’existence de ces indices a été évoquée de longue date (Cutler, 1976 ; Searle, 1979 ; Amante, 1981 ; Grice, 1989), leur rôle effectif dans la compréhension de l’ironie a été peu étudié de manière expérimentale, à l’exception de celui de la prosodie chez l’enfant (voir plus bas).

3 L’hyperbole est une figure de rhétorique d’exagération qui peut être utilisée efficacement pour signaler l’ironie d’un locuteur. Robrieux (1998, p. 69) la définit comme « la figure principale de l’exagération, par laquelle on augmente ou diminue exagérément la réalité que l’on veut exprimer de manière à produire plus d’impression ». Elle permet au locuteur de décrire la réalité en des termes disproportionnés via l’utilisation de superlatifs absolus ou relatifs, d’adverbes, de préfixes, de suffixes (« génialissime »), de termes forts, d’images impossibles ou irréalistes ainsi que via des formulations extrêmes (« Je suis mort de rire ! »). En utilisant une hyperbole, un locuteur peut augmenter l’incongruité entre son énoncé et la réalité contextuelle. Par exemple, par un temps un peu couvert, l’énoncé hyperbolique « Waouh, j’ai jamais vu une journée ensoleillée comme ça ! » générera plus d’incongruité que l’énoncé « Eh bien, c’est une belle journée ! ». Il s’agit en quelque sorte d’additionner les effets de ces deux procédés rhétoriques assez similaires dans leur fonctionnement : distordre la réalité sans, pour autant, que cela ne soit interprété comme du mensonge. L’hyperbole constitue un indice de l’ironie du locuteur au niveau linguistique mais également au niveau paralinguistique via l’utilisation d’une prosodie particulièrement enjouée, emphatique. À notre connaissance, la seule étude qui a démontré expérimentalement l’impact de l’hyperbole dans la compréhension de l’ironie est celle de Kreuz et Roberts (1995). Ces auteurs ont proposé à des adultes de juger l’ironie d’énoncés véridiques (« Merci de ton aide. » quand l’aide apportée a été d’un grand secours), contre-factuels (« Merci de ton aide. » alors que l’aide en question a été plutôt contre-productive), véridiques hyperboliques (« Je ne pourrai jamais te remercier assez pour ton aide. ») et contre-factuels hyperboliques (même énoncé alors que l’aide a été contre-productive). Ils ont pu mettre en évidence que les énoncés contre-factuels étaient jugés plus ironiques avec une hyperbole que sans. De manière plus surprenante, l’hyperbole augmentait également l’ironie des énoncés véridiques, quand bien même il n’y avait a priori pas d’incongruité contextuelle, l’aide apportée ayant été valable. Cette étude laisse plusieurs questions en suspens et notamment celle du rôle joué par la prosodie. En effet, les scénarios étaient présentés aux participants de manière écrite. Une prosodie hyperbolique peut-elle favoriser la compréhension d’un énoncé ironique ?

La « prosodie ironique »

4 La prosodie, définie comme les variations acoustiques suprasegmentales de la parole, remplit de nombreuses fonctions dans le langage. Vaissière (2005) décrit sept fonctions principales : fonction grammaticale, fonction informationnelle, fonction interactionnelle, fonction modale, fonction attitudinale, fonction émotionnelle et fonction identificatrice. Les fonctions grammaticales et émotionnelles ont largement focalisé l’attention des psychologues (voir, par exemple, le présent dossier) au détriment des autres fonctions qui jouent pourtant un rôle fondamental dans la communication, particulièrement au niveau pragmatique. La fonction informationnelle permet de mettre en relief certaines informations du message. La fonction interactionnelle, semblable à la fonction phatique de Jakobson (1963), joue un rôle important dans les conversations (maintien de l’attention, régulation des tours de parole, etc.). La fonction modale indique l’usage que le locuteur fait du langage (déclaratif, interrogatif, exclamatif, impératif, etc.). La fonction identificatrice contextualise l’énoncé en apportant des informations sur le locuteur (son sexe, son âge, son origine géographique et sociale, sa personnalité, etc.). Finalement, la fonction attitudinale indique l’attitude du locuteur à l’égard de ce dont il parle (enthousiasme, scepticisme, etc.) ou à l’égard de son interlocuteur (politesse, ironie, etc.). Le cas de l’ironie démontre puissamment toute l’importance de la fonction attitudinale de la prosodie dans la compréhension du langage : un énoncé peut voir sa signification complétement renversée parce qu’il est produit avec une « prosodie ironique ». Même hors contexte, l’énoncé « La soirée chez Paul samedi ? Génial ! » sera interprété de manière radicalement différente selon que le mot « génial » est produit avec une prosodie sincère ou non.

5 L’existence d’une « prosodie ironique » qui agirait comme un signal de l’attitude ironique du locuteur, et donc de la nécessité de renverser le sens de l’énoncé, est l’objet de spéculations depuis les années 1970. Pour Cutler (1976), Searle (1979), Sperber et Wilson (1981), il existe une prosodie ironique spécifique, mais celle-ci est caractérisée de manière assez imprécise : de fortes accentuations, un débit lent et une nasalisation. Gibbs et O’Brien (1991) ainsi que Grice (1989) sont sceptiques quant à l’existence d’un pattern acoustique unique et spécifique. Haiman (1998) évoque différents patterns possibles, insistant sur une accentuation exagérée, des intonations « chantantes » et la présence de pauses particulièrement longues. Le développement des programmes d’analyse du signal vocal accessibles a relancé la problématique dans les années 2000, mais les résultats de ces études, plus récentes et plus détaillées, ne sont pas convergents. Par exemple, Anolli, Ciceri, et Infantino (2002) avancent que la prosodie ironique serait caractérisée par une amplitude et une fréquence fondamentale « haute » alors que Rockwell (2000) constate un tempo lent et une fréquence fondamentale « basse » (voir Rockwell, 2007, pour une revue). D’autres travaux ont conclu à l’inexistence d’une prosodie qui caractériserait spécifiquement l’ironie à l’exclusion d’autres attitudes ou émotions (Attardo, Eisterhold, Hay, Poggi, 2003 ; Bryant, Fox Tree, 2005).

6 En réalité, il semble que l’enjeu, pour l’interlocuteur, n’est pas de reconnaître un pattern prosodique spécifique à l’ironie – qui n’existe probablement pas – mais de reconnaître que la prosodie utilisée par le locuteur est inadéquate. Imaginons une personne ayant projeté un pique-nique mais que, le jour prévu, il pleuve à verse. Ses attentes sont déçues. Il ou elle dit : « Formidable, une super journée pour pique-niquer ». Deux possibilités se présentent :

  • utiliser une prosodie morne et sans enthousiasme, en adéquation avec le contexte mais inadéquate avec le contenu lexical de l’énoncé ;
  • utiliser une prosodie hyperbolique, caricaturalement enthousiaste, en adéquation avec le contenu lexical de l’énoncé mais inadéquate avec le contexte.

7 Dans les deux cas, la prosodie peut être qualifiée d’ironique, du fait de son inadéquation avec le contexte ou avec le contenu lexical, mais elle aura des caractéristiques acoustiques radicalement différentes : sans doute une fréquence fondamentale basse et avec peu de variations dans le premier cas (voir Rockwell, 2000), et plutôt une fréquence fondamentale haute et très modulée dans le second cas (Anolli et coll., 2002).

Prosodie et compréhension de l’ironie chez l’enfant

8 La question du rôle de la prosodie dans la compréhension de l’ironie a été plus souvent posée pour les enfants que pour les adultes. Chez ces derniers, les énoncés ironiques sont généralement présentés de manière écrite (par exemple, Gibbs, 1986). Chez les enfants, la question était particulièrement celle du rôle de la prosodie comparativement au rôle du contexte situationnel dans lequel était produit l’énoncé. Toutes les recherches que nous avons recensées apparaissent dans le tableau 1.

Tableau 1

Récapitulatif des travaux antérieurs ayant mis en évidence le rôle de la prosodie ironique chez l’enfant

Tableau 1
Âge Une prosodie ironique favorise la compréhension d’énoncés ironiques Une prosodie ironique ne favorise pas la compréhension d’énoncés ironiques 5 ans Laval et Bert-Erboul (2005) Winner et Leekam (1991) 6 ans Groot et coll., (1995, exp. 3) Keenan et Quigley (1999) Nakassis et Snedeker (2002) Milosky et Ford (1997) Ackerman (1983) 7 ans Groot et coll., (1995, exp. 3) Ackerman (1986, exp. 3) Laval et Bert-Erboul (2005) 8 ans Keenan et Quigley (1999) Ackerman (1983) Winner et coll. (1987, exp. 2) 9 ans Capelli, et coll. (1990, exp. 1) Milosky et Ford (1997) / 10 ans Keenan et Quigley (1999) Winner et coll. (1987, exp. 2) 12 ans Capelli, et coll. (1990, exp. 1) /

Récapitulatif des travaux antérieurs ayant mis en évidence le rôle de la prosodie ironique chez l’enfant

9 Il ressort de cette rapide revue de littérature qu’une prosodie ironique semble globalement favoriser la compréhension des énoncés ironiques par les enfants entre 5 et 12 ans, même si, à chacun de ces âges, certains travaux ne parviennent pas à mettre en évidence un tel rôle de la prosodie. De nombreuses différences méthodologiques peuvent expliquer la diversité des résultats. D’abord les énoncés sont présentés tantôt dans un contexte lui-même déjà ironique (Groot et coll., 1995 ; Keenan, Quigley, 1999 ; Nakassis, Snedeker, 2002 ; Winner, Leekam, 1991 ; Winner et coll., 1987), tantôt dans un contexte qui ne permet pas en soi d’interpréter l’énoncé de manière ironique (Ackerman, 1983, 1986 ; Capelli, Nakagawa, Madden, 1990 ; Laval, Bert-Erboul, 2005). Ensuite, les énoncés avec une prosodie ironique ne sont pas comparés à la même condition contrôle. Il s’agit souvent du même énoncé présenté avec une prosodie « neutre », « sincère » ou « littérale » (Keenan, Quigley, 1999 ; Nakassis, Snedeker, 2002 ; Ackerman, 1983, 1986 ; Capelli et coll., 1990 ; Laval, Bert-Erboul, 2005 ; Milosky, Ford, 1997). Mais il peut aussi s’agir du même énoncé rapporté avec du discours indirect (Groot et coll., 1995 ; Winner, Leekam, 1991) ou même rapporté de manière écrite (Winner et coll., 1987). Enfin et surtout, il existe sans doute une très grande hétérogénéité de prosodies ironiques dont il est difficile de se faire une idée, tant les descriptions des patterns acoustiques proposées dans les articles apparaissent sommaires et subjectives : une prosodie « moqueuse et négative » (Groot et coll., 1995), une prosodie « exagérée et moqueuse » (Keenan, Quigley, 1999), « extrêmement accentuée, désapprobatrice, sarcastique » (Ackerman, 1986). Seules deux études présentent des analyses acoustiques, toutefois assez rudimentaires : Laval et Bert-Erboul (2005) montrent que la prosodie ironique qu’ils utilisent a une fréquence fondamentale (F0 mesurée en hertz) moyenne ainsi qu’un écart-type plus élevés que la prosodie « neutre ». Milosky et Ford (1997) expliquent, au contraire, que la prosodie ironique qu’ils utilisent possède une F0 moins variable que la prosodie « sincère ». Les énoncés ironiques sont également plus brefs que les énoncés sincères.

10 En somme, il a été démontré que, chez l’adulte, des hyperboles lexicales favorisaient la compréhension de l’ironie (Kreuz, Roberts, 1995). À notre connaissance, ce résultat n’a pas été reproduit chez des enfants. De plus, il est globalement acquis que la prosodie joue un rôle dans la compréhension de l’ironie à l’âge scolaire (voir tableau 1), sans que l’on sache quels types de patterns acoustiques produisent ces effets. L’étude de l’hyperbole ironique présente deux avantages par rapport aux travaux existants sur le rôle de la prosodie dans la compréhension de l’ironie. D’abord, utiliser une prosodie hyperbolique pose moins de problèmes de production et de description qu’utiliser une prosodie « ironique » qui peut recouvrir de très nombreux patterns acoustiques. Ensuite, l’hyperbole étant un phénomène rhétorique qui se réalise à la fois avec le lexique et avec la prosodie, l’étude de l’hyperbole oblige à considérer ces deux niveaux conjointement. Le premier objectif de la présente étude était de valider l’hypothèse selon laquelle le procédé rhétorique de l’hyperbole favorise la compréhension de l’ironie chez l’enfant. Dans l’affirmative, notre deuxième objectif était d’observer si c’est au niveau lexical ou au niveau prosodique que l’hyperbole est la plus déterminante. Cette seconde question relevait d’une perspective plus exploratoire, faute de données sur le rôle des indices lexicaux dans la compréhension de l’ironie chez l’enfant. Enfin, un troisième objectif visait à démontrer qu’une prosodie qui n’a pas été produite avec une intention ironique, ici la prosodie « hyperbolique », peut néanmoins favoriser la compréhension de l’ironie chez l’enfant, à la condition qu’elle soit inadéquate au regard du contexte.

Expérience 1

Méthode

Participants

11 Trente enfants de CM2 (âge moyen : 10 ans 8 mois ; écart-type : 6 mois), 18 filles et 12 garçons, ont participé à la première expérience. Tous les participants avaient un niveau de scolarisation correspondant à l’âge légal et n’étaient pas identifiés comme ayant des problèmes auditifs ou orthophoniques. Le recrutement s’est effectué dans plusieurs écoles publiques de zone urbaine après obtention d’une autorisation parentale. L’ancrage socio-culturel des enfants était varié, comme c’est habituellement le cas dans les écoles publiques.

Matériel

12 La méthode classique pour tester la compréhension de l’ironie consiste à présenter aux participants de courts scénarios mettant en scène deux personnages en interaction, l’un finissant par produire un énoncé ironique à l’autre. Ces scénarios sont généralement présentés de manière écrite chez les adultes (par exemple, Gibbs, 1986 ; Kreuz, Roberts, 1995) et de manière orale avec un support imagé chez les enfants (par exemple, Laval, Bert-Erboul, 2005). À la suite de la présentation, des questions de compréhension sont posées aux enfants (Pexman, Glenwright, 2007).

13 Nous avons donc imaginé six histoires mettant en scène les aventures de Camille et Margot, deux petites filles d’une dizaine d’années, dans des situations de la vie quotidienne. Ces histoires, présentées de manière informatisée sous la forme d’une succession de trois photographies accompagnées d’une voix hors champ, se concluaient par la production d’un énoncé par Margot. Il était alors demandé à l’enfant de dire si « l’histoire finissait bien ou mal pour Margot », en fonction de ce que la locutrice venait de dire. Le choix s’effectuait en sélectionnant parmi deux photographies de Margot (figure 1), celle qui symbolisait une fin heureuse ou celle qui symbolisait une fin malheureuse. La logique est la suivante : l’ironie est une figure de rhétorique utilisée dans des contextes où les attentes du locuteur sont contrariées (voir plus haut). Le locuteur produit un énoncé en apparence positif (par exemple, « C’est gentil à toi d’avoir surveillé mon gâteau ! ») mais cet énoncé positif « masque » une critique. Si le participant pense que l’histoire s’est bien finie pour la locutrice, c’est qu’il ou elle a interprété l’énoncé de manière littérale. Si, au contraire, le participant pense que l’histoire s’est mal finie pour la locutrice, c’est qu’il ou elle a compris l’intention ironique de la locutrice.

Figure 1

Structure d’une histoire. Les cadres gris sont la transcription de la voix hors champ

Figure 1

Structure d’une histoire. Les cadres gris sont la transcription de la voix hors champ

Structure des histoires

14 Chacune des six histoires se composait de trois photographies (figure 1) :

  • La première photographie représentait le contexte général dans lequel se déroulait la scène. Une voix hors champ accompagnait la photographie, verbalisant ce qu’il y avait à voir. Par exemple : « Margot a fait un gâteau. Elle demande à Camille de le sortir du four. »
  • La deuxième photographie mettait l’accent sur un élément inattendu et/ou déplaisant du contexte, rendant la situation propice à la production d’un énoncé ironique. Ici encore, la voix hors champ reprenait cet élément saillant : « Camille arrive trop tard. Le gâteau est trop cuit ». À noter que l’élément contextuel induisant l’ironie évoqué dans la deuxième photographie n’était pas caricaturalement inattendu ou déplaisant (par exemple « le gâteau est complètement brûlé ») de manière à ce que le contexte n’oriente pas instantanément l’enfant vers une interprétation ironique de l’énoncé.
  • La troisième photographie correspondait à la production de l’énoncé par la locutrice. La voix hors champ disait « Margot dit » à la suite de quoi, une voix féminine produisait l’énoncé. Par exemple dans ce cas : « C’est gentil à toi d’avoir surveillé mon gâteau ! » L’énoncé produit par Margot était toujours positif du strict point de vue sémantique.

15 Après la production de l’énoncé, l’enfant devait dire si l’histoire se finissait bien ou mal pour Margot, la locutrice. Deux nouvelles photographies apparaissaient en bas de l’écran (figure 1). La première photographie représentait Margot contente, souriante, le pouce levé. La seconde photographie représentait Margot mécontente, faisant la moue, pouce pointé vers le bas. L’enfant devait cliquer sur la photographie qui lui semblait représenter le mieux comment allait Margot à la fin de l’histoire, selon que l’histoire finissait bien ou mal pour elle. Le choix de la réponse « L’histoire finit mal pour Margot. » (Margot faisant la moue, pouce baissé) traduisait que l’enfant avait fait une interprétation ironique de l’énoncé produit par la locutrice.

Énoncé final avec ou sans hyperbole

16 Chaque histoire se concluait par un énoncé de Margot adressé à Camille. Cet énoncé final existait en deux versions : une version avec une double hyperbole (lexicale et prosodique) et une version sans hyperbole. La manière dont chaque énoncé a été « rendu » hyperbolique, tant au niveau lexical qu’au niveau prosodique, est décrite ci-dessous.

17 – L’hyperbole, niveau lexical. Les six énoncés ont initialement été rédigés sans hyperbole lexicale selon la forme « C’est + adjectif qualificatif positif + objet du compliment ». Par exemple « C’est bien joué ça ». Pour rendre ces énoncés hyperboliques lexicalement, les adverbes « vraiment très très » ont été ajoutés, selon la forme « C’est vraiment très très + adjectif qualificatif positif + objet du compliment ». Par exemple « C’est vraiment très très bien joué ça ».

18 – L’hyperbole, niveau prosodique. Pour enregistrer les énoncés, nous les avons soumis de manière écrite et décontextualisée à une locutrice naïve ne connaissant ni les objectifs de la recherche, ni les contextes ironiques associés aux énoncés. Il lui a d’abord été demandé de produire les énoncés sans hyperbole lexicale, de façon naturelle. La prosodie de ces énoncés peut donc être qualifiée de naturelle et non hyperbolique. Dans un second temps, il a été demandé à la locutrice de produire les énoncés avec hyperbole lexicale, en étant « le plus enthousiaste possible avec sa voix » afin qu’elle adopte une prosodie hyperbolique cohérente avec l’hyperbole lexicale. Deux pré-tests ont été menés pour s’assurer que la prosodie enthousiaste était effectivement plus hyperbolique que la prosodie « naturelle » (non enthousiaste).

19 Un premier pré-test a été effectué afin de vérifier que le contraste prosodique entre les énoncés hyperboliques et les énoncés non-hyperboliques était bien perçu. Vingt-cinq participants adultes ont écouté individuellement tous les énoncés hors contexte, dans un ordre aléatoire. La consigne stipulait qu’ils devaient évaluer « dans quelle mesure la personne qui dit la phrase est enthousiaste », en se basant « uniquement sur son intonation et non sur ce qui est dit » sur une échelle allant de 1 (pas du tout enthousiaste) à 5 (très enthousiaste). Un test de Student pour échantillons appariés a montré que les juges évaluaient que la locutrice était significativement plus enthousiaste (m = 4,43 ; ET = 0,42) pour les énoncés hyperboliques que pour les énoncés non hyperboliques (m = 1,85 ; ET = 0,40), t(24)= 27,34 ; p<.001.

20 Nous avons également conduit une analyse acoustique des énoncés à l’aide du programme Praat (Boersma, Weenink, 2013) afin de décrire au mieux leurs caractéristiques prosodiques (tableau 2). La prosodie est communément définie comme la variation temporelle de trois paramètres acoustiques de la voix : la fréquence fondamentale (grave/aiguë), l’intensité (forte/faible) et la durée (rythme). L’intensité des énoncés dépend largement des conditions d’enregistrement et n’a pas été analysée. La durée des énoncés dépend en grande partie du nombre de syllabes, or les énoncés hyperboliques contiennent tous quatre syllabes de plus (« vrai-ment très très ») que les énoncés non hyperboliques. Nous avons néanmoins analysé, pour tous les énoncés, la durée de la dernière syllabe sur laquelle porte l’accent tonique en français. Cette durée (en ms) est significativement plus longue pour les énoncés hyperboliques (m = 403 ms ; ET = 111 ms) que pour les énoncés non hyperboliques (m = 313 ms ; ET = 123 ms), t(5)= 2,95 ; p =.03. Finalement, nous avons analysé la fréquence fondamentale (F0) qui est le paramètre le plus directement relié à l’activation émotionnelle du locuteur (Lieberman, Michaels, 1962). Les énoncés avec hyperbole (m = 95,22 ; ET = 0,97) ont une F0 moyenne (calculée ici en demi-tons) plus élevée que les énoncés sans hyperbole (m = 89,69 ; ET = 0,80), t(5)= 15,45 ; p<.001. La mesure des écart-interquartiles de F0 pour chaque énoncé indique également que les énoncés avec hyperbole (m = 15,22 ; ET = 2,79) ont une F0 occupant une bande de fréquences plus large que les énoncés sans hyperbole (m = 10,99 ; ET = 2,74), t(5)= 4,36 ; p =.007. Cela s’explique en partie par le fait que les énoncés hyperboliques comportent plus de proéminences mélodiques (pic de F0).

Tableau 2

Caractéristiques moyennes (et écart-types) des énoncés de l’expérience 1 selon la condition expérimentale

Tableau 2
Tâche de jugement Durée de la dernière syllabe (ms) Moyenne de F0 (demitons) Écart-interquartiles de F0 (demi-tons) Proéminence mélodique sur le terme évaluatif (Hz) Nombre de proéminences mélodiques par énoncé Énoncés sans hyperbole 1,85 (0,40) 313 (123) 89,69 (0,80) 10,99 (2,74) 369 (28) 1,2 (0,4) Énoncés avec double hyperbole 4,43 (0,42) 403 (111) 95,22 (0,97) 15,22 (2,79) 479 (38) 2,5 (0,5)

Caractéristiques moyennes (et écart-types) des énoncés de l’expérience 1 selon la condition expérimentale

21 Les énoncés non hyperboliques comportent une proéminence mélodique sur le terme évaluatif (m = 369 Hz ; ET = 28 Hz) : « c’est intelligent d’faire ça ». Les énoncés hyperboliques comportent également cette proéminence (m = 479 Hz ; ET = 38 Hz), mais celle-ci est significativement plus haute, t(5)= 6,47 ; p =.001. De plus, les énoncés hyperboliques comportent tous une deuxième proéminence mélodique sur la seconde syllabe de l’adverbe « vraiment » (« c’est vraiment très très intelligent d’faire ça »), m = 493 Hz ; ET = 58 Hz. Finalement, pour la moitié d’entre eux (n = 3), les énoncés hyperboliques ont une troisième proéminence sur le premier « très » (« c’est vraiment très très bien ran ta chambre »), m = 485 Hz ; ET = 16 Hz.

22 En plus des six histoires tests, quatre histoires ont été conçues pour familiariser les participants avec le protocole. Deux histoires de familiarisation avaient un contexte ironique, les deux autres, un contexte non ironique.

Procédure

23 Les passations étaient individuelles et avaient lieu directement dans les écoles où étaient recrutés les enfants. Chaque passation durait une dizaine de minutes. L’expérimentatrice expliquait à l’enfant qu’ensemble, ils allaient jouer à un petit jeu, qu’ils allaient voir les aventures de Margot et Camille et que le but était, pour l’enfant, de dire à l’expérimentatrice comment se finissait l’histoire pour Margot, bien ou mal. Les quatre histoires de familiarisation permettaient à l’enfant de s’habituer à l’interface informatisée, d’identifier Margot et Camille sur les photographies et de comprendre ce qu’on attendait de lui.

24 À la suite de la présentation de l’histoire, après les quatre histoires de familiarisation, les six histoires tests étaient présentées dans un ordre aléatoire. Parmi ces six histoires, le programme informatique sélectionnait, de manière aléatoire, trois histoires dans leur version « énoncé avec double hyperbole » et trois histoires dans leur version « énoncé sans hyperbole ». Le programme enregistrait également les réponses des enfants. À la fin de l’expérience, l’expérimentatrice remerciait l’enfant, lui expliquait brièvement les objectifs de l’expérience et le ramenait dans sa classe.

Résultats et discussion

25 Un test de Student pour échantillons appariés a été réalisé. La variable dépendante était le nombre de réponses ironiques donné par le participant. Par « réponses ironiques », nous entendons les réponses « L’histoire finit mal pour Margot » puisque le choix de cette réponse traduisait une compréhension de l’ironie (voir plus haut). Chaque enfant pouvait donner jusqu’à trois réponses ironiques par condition expérimentale. La variable indépendante était la présence ou l’absence de la double hyperbole. En moyenne, les participants ont donné plus de réponses ironiques lorsque l’énoncé était hyperbolique (m= 2,67 ; ET= 0,61) que lorsqu’il ne l’était pas (m= 2,23 ; ET= 0,90), t(29)= 2,54, p=.017, r=.43 (graphique 1).

Graphique 1

Nombre moyen de réponses ironiques données par participant (sur un maximum de 3) selon que l’énoncé est hyperbolique ou non. Les barres d’erreur indiquent l’erreur type

Graphique 1

Nombre moyen de réponses ironiques données par participant (sur un maximum de 3) selon que l’énoncé est hyperbolique ou non. Les barres d’erreur indiquent l’erreur type

26 La présence de la double hyperbole dans l’énoncé favorise la compréhension de l’ironie par les enfants de 10 ans. Dans l’expérience 1, comme dans la majorité des cas de la vie quotidienne, l’hyperbole lexicale se confond avec l’hyperbole prosodique et il n’est pas possible de savoir si c’est plutôt la prosodie hyperbolique ou plutôt l’utilisation d’adverbes intensificateurs qui favorise la compréhension de l’ironie chez l’enfant. L’expérience 2, ci-après, visait à comparer la compréhension d’énoncés hyperboliques ironiques chez des enfants de 10 ans selon que l’hyperbole était lexicale ou prosodique.

Expérience 2

Méthode

Participants

27 Trente-quatre élèves de CM2 (âge moyen : 10 ans 9 mois ; écart-type : 5 mois), 20 filles et 14 garçons, ont participé à la seconde expérience. Ces enfants ont été recrutés dans plusieurs écoles privées d’une zone urbaine. Ils sont plutôt représentatifs des catégories socio-professionnelles moyennes et supérieures. Leur niveau de scolarisation correspond à l’âge légal, et ils ne présentent ni problème auditif, ni problème orthophonique.

Matériel

28 Le même protocole que dans l’expérience 1 a été utilisé dans l’expérience 2. Les mêmes six histoires ont été présentées avec le même programme informatique. Seuls les énoncés finaux produits par Margot la locutrice étaient différents. Il ne s’agissait plus d’énoncés avec une double hyperbole et d’énoncés sans hyperbole. Tous les énoncés étaient hyperboliques, mais la moitié d’entre eux contenait simplement une hyperbole lexicale, la prosodie était « normale ». L’autre moitié contenait uniquement une hyperbole prosodique, la prosodie était emphatique, mais il n’y avait pas les adverbes intensificateurs « vraiment très très ».

29 La même locutrice que dans l’expérience 1 a produit les énoncés oralement dans les mêmes conditions, hors contexte. Il lui a été demandé de produire les énoncés avec hyperbole lexicale avec une « voix normale, naturelle ». Les énoncés avec hyperbole prosodique ont été produits « en étant le plus enthousiaste possible ». Les mêmes vingt-cinq juges adultes que dans l’expérience 1 ont écouté individuellement tous les énoncés hors contexte, dans un ordre aléatoire. Ils devaient toujours évaluer « dans quelle mesure la personne qui dit la phrase est enthousiaste », en se basant « uniquement sur son intonation et non sur ce qui est dit » sur une échelle allant de 1 (pas du tout enthousiaste) à 5 (très enthousiaste). Un test de Student pour échantillons appariés a montré que les juges évaluaient que la locutrice était significativement plus enthousiaste (m= 4,15 ; ET= 0,43) pour les énoncés avec hyperbole prosodique que pour les énoncés avec hyperbole lexicale (m= 2,03 ; ET= 0,50), t(24)= 22,06 ; p<.001. Ce pré-test confirmait que la prosodie était bien plus emphatique quand la locutrice était « enthousiaste » que lorsqu’elle était « naturelle ».

30 Ici encore, les énoncés ont été caractérisés du point de vue acoustique (tableau 3). La durée (en ms) de la dernière syllabe est significativement plus longue pour les énoncés avec hyperbole prosodique (m= 508 ms ; ET= 167 ms) que pour les énoncés avec hyperbole lexicale (m= 322 ms ; ET= 113 ms), t(5)= 3,06 ; p=.03 [3]. Les énoncés avec hyperbole lexicale (m= 90,79 ; ET= 0,45) ont une F0 moyenne (en demi-tons) moins élevée que les énoncés avec hyperbole prosodique (m= 93,96 ; ET= 0,63), t(5)= 13,16 ; p<.001. La mesure des écarts interquartiles de F0 pour chaque énoncé indique également que les énoncés avec hyperbole lexicale (m= 9,56 ; ET= 2,10) ont une F0 occupant une bande de fréquences moins large que les énoncés avec hyperbole prosodique (m= 16,63 ; ET= 1,65), t(5)= 11,19 ; p<.001. Les proéminences mélodiques sont plus nombreuses pour les énoncés avec hyperbole lexicale (ces derniers comptent plus de syllabes), mais la proéminence sur le terme évaluatif est plus haute pour les énoncés avec hyperbole prosodique (m= 466 Hz ; ET= 21 Hz) que pour les énoncés avec hyperbole lexicale (m= 344 Hz ; ET= 34 Hz), t(5)= 15,34 ; p<.001.

Tableau 3

Caractéristiques moyennes (et écart-types) des énoncés de l’expérience 2 selon la condition expérimentale

Tableau 3
Tâche de jugement Durée de la dernière syllabe (ms) Moyenne de F0 (demitons) Écart-interquartiles de F0 (demi-tons) Proéminence mélodique sur le terme évaluatif (Hz) Nombre de proéminences mélodiques par énoncé Énoncé sans hyperbole 2,03 (0,50) 322 (113) 90,79 (0,45) 9,56 (2,10) 344 (34) 2,2 (0,4) Énoncé avec double hyperbole 4,15 (0,43) 508 (167) 93,96 (0,63) 16,63 (1,65) 466 (21) 1,5 (0,5)

Caractéristiques moyennes (et écart-types) des énoncés de l’expérience 2 selon la condition expérimentale

Procédure

31 La procédure de l’expérience 2 était identique à celle de l’expérience 1. Après les quatre histoires de familiarisation, les six histoires tests étaient présentées dans un ordre aléatoire, le programme informatique décidant de manière aléatoire, pour chaque participant, quelles histoires étaient présentées dans leur version « hyperbole lexicale » ou « hyperbole prosodique ».

Résultats et discussion

32 Un test de Student pour échantillons appariés a été réalisé. La variable dépendante était le nombre de réponses ironiques donné par le participant et la variable indépendante était le type d’hyperbole présenté dans la phrase : hyperbole prosodique ou hyperbole lexicale. En moyenne, les participants n’ont pas donné significativement plus de réponses ironiques lorsque l’énoncé contenait une hyperbole prosodique (m= 2,44 ; ET= 0,75) que lorsque l’énoncé contenait une hyperbole lexicale (m= 2,26 ; ET= 0,90), t(33)= 1,18, ns. Il n’est pas possible de conclure sur le type d’hyperbole, prosodique ou lexicale, qui favorise le plus la compréhension de l’ironie.

Comparaison des résultats des deux expériences

33 Les différentes conditions de l’expérience 2 ne permettent pas de savoir si les performances des enfants avec les hyperboles lexicales et avec les hyperboles prosodiques se rapprochent plutôt de leurs performances lorsque les énoncés étaient non hyperboliques ou lorsque les énoncés comportaient la double hyperbole, lexicale et prosodique. L’idéal serait donc de procéder à un nouveau recueil de données avec quatre conditions (aucune hyperbole, hyperbole prosodique seule, hyperbole lexicale seule et double hyperbole) chez les mêmes enfants. Mais en l’absence, à ce stade, d’un tel recueil, nous avons comparé les résultats des enfants dans les différentes conditions des expériences 1 et 2 avec des tests de Student pour échantillons indépendants pour approfondir l’analyse des résultats. Bien que les participants n’aient pas été recrutés dans les mêmes écoles, que deux expérimentatrices différentes aient procédé aux passations et que les participants aient vu, en intrasujet, des combinaisons de conditions expérimentales différentes, le matériel utilisé était le même et le protocole identique.

34 Les enfants ne comprennent pas mieux l’énoncé quand celui-ci comporte une hyperbole lexicale (m= 2,26 ; ET= 0,90) que lorsqu’il ne comporte aucune hyperbole (m= 2,23 ; ET= 0,90), t(62)= 0,14, ns. La différence est significative entre la condition avec hyperbole lexicale et la condition avec double hyperbole, lexicale et prosodique (m= 2,67 ; ET= 0,61), t(62)= 2,07, p=.04. Les enfants comprennent moins bien les énoncés ironiques avec une hyperbole lexicale qu’avec une double hyperbole, lexicale et prosodique.

35 Les enfants ne comprennent pas mieux l’énoncé quand celui-ci comporte une hyperbole prosodique (m= 2,44 ; ET= 0,75) que lorsqu’il ne comporte aucune hyperbole (m= 2,23 ; ET= 0,90), t(62)= 1,01, ns. La différence n’est pas, non plus, significative entre la condition « hyperbole prosodique » et la condition « double hyperbole » (m= 2,67 ; ET= 0,61), t(62)= 1,31, ns.

36 En résumé, la compréhension des enfants lorsque l’énoncé comporte une hyperbole lexicale se rapproche plutôt de leur compréhension en l’absence d’hyperbole. La compréhension lorsque l’énoncé ironique comporte une hyperbole prosodique s’apparente à un entre-deux entre les conditions avec et sans la double hyperbole.

Discussion générale

37 L’objectif de ce travail était d’abord de déterminer si les énoncés ironiques hyperboliques étaient compris par les enfants de 10 ans plus efficacement que les énoncés ironiques sans hyperbole (expérience 1). Ensuite, puisque l’hyperbole est un phénomène à la fois prosodique et lexical, nous avons essayé de déterminer si c’était le niveau lexical ou le niveau prosodique de l’hyperbole qui favorisait la compréhension de l’ironie par l’enfant (expérience 2).

38 L’expérience 1 a validé l’hypothèse selon laquelle l’hyperbole favorise la compréhension des énoncés ironiques chez les enfants. Une étude antérieure (Kreuz, Roberts, 1995) avait pu mettre en évidence un effet similaire chez les adultes. Quelques travaux avaient exploré la compréhension des hyperboles sincères chez l’enfant (Winner et coll., 1987), mais, à notre connaissance, aucune étude n’avait soulevé la question de la compréhension des hyperboles ironiques. Nos résultats montrent qu’à l’âge de 10 ans, comme chez les adultes, les compreneurs font une évaluation de la distance séparant ce qui est dit de ce qui aurait dû être dit au regard du contexte. Chez l’adulte, plusieurs études ont démontré que plus cette distance est grande, plus l’ironie est comprise facilement. Généralement, ces travaux ont fait varier cette distance ironique en manipulant le contexte. Par exemple, Gerrig et Goldvarg (2000) ont proposé des scénarios où le locuteur produisait toujours le même énoncé, « Tu es parfaitement à l’heure ! », dans différents contextes : la personne à qui l’on adressait l’énoncé venait d’arriver avec 10 minutes ou 45 minutes de retard. L’énoncé était plus facilement compris de manière ironique lorsque la personne avait 45 minutes de retard. L’hyperbole fonctionne de manière analogue en agrandissant l’écart entre ce qui est dit et ce qui devrait être dit au regard du contexte.

39 La plupart des études antérieures sur la compréhension du langage non littéral, chez l’enfant d’âge préscolaire et scolaire, ont souligné que la mauvaise compréhension de ces formes par l’enfant découlait de difficultés pragmatiques dans la mise en correspondance d’un énoncé avec son contexte de production (Bernicot, 2000). Les capacités pragmatiques se développent progressivement de la petite enfance (compréhension de demandes indirectes vers 1 an, Shatz, 1978) jusqu’à l’adolescence (explication d’expressions idiomatiques, Nippold, Taylor, 2002). Notre étude démontre qu’à 10 ans, les enfants sont en mesure de prendre en compte des phénomènes lexico-prosodiques comme les hyperboles, et de leur donner du sens dans un contexte donné. L’hypothèse selon laquelle des enfants plus jeunes, avec des capacités pragmatiques moins développées comprendraient l’ironie moins aisément lorsque l’énoncé est hyperbolique que lorsqu’il ne l’est pas, mériterait d’être explorée. En effet, interprétée en dehors de son contexte, l’hyperbole pourrait, au contraire, conforter de jeunes compreneurs dans leur interprétation littérale de l’énoncé (« C’est vraiment très très gentil d’avoir surveillé mon gâteau ! »).

40 L’expérience 2 ne nous permet pas de répondre à la deuxième question posée, à savoir : est-ce au niveau lexical ou au niveau prosodique que l’hyperbole est la plus déterminante ? Les résultats n’ont pas permis de dégager de différence significative entre les deux formes d’hyperboles. Dans le domaine de l’ironie, l’absence de données sur le rôle du lexique empêche de confronter ce résultat à la littérature. Il est néanmoins possible de se référer au domaine du discours expressif et émotionnel dans lequel plusieurs études ont comparé l’influence respective du lexique et de la prosodie dans la compréhension. La question principale était la suivante : si une phrase lexicalement positive (par exemple, « Ma grand-mère m’a offert un cadeau ») est produite avec une prosodie triste, le compreneur va-t-il considérer que le locuteur va bien ou qu’il va mal ? Friend et Bryant (2000) et Morton et Trehub (2001) ont montré que les enfants entre 4 et 10 ans donnent la priorité au lexique et considèrent que le locuteur va bien alors que les adultes considèrent que le locuteur va mal, donnant ainsi la priorité à la prosodie. Vers l’âge de 9-10 ans, les enfants commencent à accorder une importance égale aux deux indices. Il est possible d’imaginer que des enfants plus jeunes, ceux qui donnent la priorité au lexique dans la compréhension du discours émotionnel, seraient également plus sensibles à l’hyperbole lexicale qu’à l’hyperbole prosodique.

41 Cette dernière hypothèse doit être considérée prudemment. En effet, les comparaisons faites entre les performances des enfants dans l’expérience 1 et dans l’expérience 2 montrent que lorsque les deux formes d’hyperboles, lexicale et prosodique, ne sont pas combinées, la compréhension à 10 ans n’est pas très différente de ce qu’elle est en l’absence d’hyperbole. Ce serait l’interaction entre les deux niveaux, segmental (lexique) et supra-segmental (prosodie), qui favoriserait une interprétation ironique de l’énoncé. Ce résultat suggère que la prosodie ne remplit pas ses fonctions pragmatiques de manière isolée, mais en interaction avec les autres sources d’information de l’environnement (lexique, contexte situationnel, etc.). Ce constat n’est pas rare dans la littérature (voir par exemple Bänziger, Scherer, 2005), mais les chercheurs peinent encore à envisager la communication dans une perspective multimodale et située, seule à même de rendre compte de la complexité des processus en jeu dans les interactions quotidiennes. Pour bien saisir la manière dont l’enfant utilise, tout au long de sa trajectoire développementale, les indices linguistiques et paralinguistiques pour se représenter l’intention de communication d’un locuteur ironique, il serait nécessaire de mettre sur pied de nouvelles expériences qui 1° couvrent une large période de développement, de l’âge préscolaire à l’adolescence, et qui 2° croisent les différents indices sur le modèle des travaux réalisés dans le champ du langage émotionnel par Friend et Bryant (2000) ou Morton et Trehub (2001). Les indices, prosodie et lexique, doivent être tantôt convergents et tantôt divergents afin d’obliger l’enfant à donner la priorité à l’un ou à l’autre.

42 Le troisième objectif de ce travail était de montrer qu’une prosodie produite de manière sincère, sans intention ironique, pouvait favoriser la compréhension de l’ironie si elle était entendue dans un contexte (in)adéquat. Nous avons demandé à une locutrice naïve de lire des énoncés avec beaucoup d’enthousiasme. La locutrice n’étant pas au courant des objectifs de l’expérience, la prosodie n’était en aucun cas « ironique ». Puis, des enfants de 10 ans ont entendu ces énoncés à la prosodie hyperbolique dans des contextes qui induisaient une interprétation ironique. Les résultats ne permettent pas d’affirmer qu’une prosodie hyperbolique, seule, favorise la compréhension de l’ironie à 10 ans. Néanmoins, les résultats de l’expérience 1 montrent qu’une prosodie hyperbolique, combinée à une hyperbole lexicale, favorise la compréhension de l’ironie. La prosodie joue un rôle significatif puisque la compréhension des enfants est plus faible avec les énoncés avec hyperbole lexicale seule qu’avec les énoncés avec double hyperbole, lexicale et prosodique. Ce résultat appuie l’hypothèse formulée en introduction, selon laquelle la prosodie n’a pas à être « ironique » en soi. Il suffit qu’elle soit inadéquate avec un élément de la situation de la communication, ici, le contexte.

43 En conclusion, l’étude de l’hyperbole nous a permis d’explorer la question de la prosodie ironique d’une manière doublement originale : d’abord parce que la prosodie utilisée n’était pas produite dans l’intention de véhiculer de l’ironie par la locutrice ; ensuite parce que l’hyperbole se réalisant également par le lexique, l’interaction entre le niveau segmental et le niveau suprasegmental doit être envisagée. Les résultats ont montré qu’à 10 ans, la compréhension de l’ironie implique un traitement complet de l’énoncé, de ses caractéristiques sémantiques et prosodiques, et que ces dernières sont confrontées au contexte de production. Ce travail souligne que la prosodie est un objet d’étude complexe qui, d’une part, doit être finement décrit sur le plan acoustique. Il est insuffisant de simplement rapporter que la prosodie utilisée est « ironique », dans la mesure où de nombreux patterns prosodiques peuvent induire de l’ironie selon leur (in)adéquation avec le lexique ou le contexte. D’autre part, il apparaît que la prosodie remplit ses fonctions, au moins les fonctions pragmatiques, en interaction avec les autres éléments de la situation de communication, lexique et contexte. Isoler l’information prosodique pour déterminer son rôle dans la communication pourrait conduire les chercheurs à sous-estimer ses contributions.

Remerciements à Sandrine Le Couillard et Gwénoline Vilmin pour le recueil des données.

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Université de Caen Normandie, PALM (EA 4649), France.
    Correspondance : Marc Aguert, Esplanade de la Paix, CS 14032, 14032 Caen cedex 5, France.
    Courriel :marc.aguert@unicaen.fr
  • [2]
    Université de Caen Normandie, PALM (EA 4649), France.
    Correspondance : Marc Aguert, Esplanade de la Paix, CS 14032, 14032 Caen cedex 5, France.
    Courriel :marc.aguert@unicaen.fr
  • [3]
    À noter que les énoncés avec hyperbole prosodique ont une syllabe finale plus longue que les énoncés avec une double hyperbole prosodique et lexicale utilisés dans l’expérience 1. Cette différence est marginalement significative, t(5)= 2,23 ; p= .07. Cette différence peut s’interpréter comme une volonté de « compenser » avec la prosodie l’absence de lexique hyperbolique.
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