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Article de revue

Présentation. Henri Piéron (1881-1964) de face et de profil

Pages 355 à 361

Notes

  • [*]
    Groupe de recherche et d’étude de l’histoire du travail et de l’orientation (GRESHTO), Centre de recherche sur le travail et le développement (CRDT), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
    <bulletin@bulletindepsychologie.net>
  • [1]
    En 1901, Ribot (1839-1915) quitta sa chaire du Collège de France. Les candidats à sa succession furent Pierre Janet et Alfred Binet. Janet, qui avait été suppléant de Ribot en 1895, l’emporta sur Binet, Le laboratoire étant rattaché à la chaire du Collège de France, Binet se trouvait, de ce fait, sous l’autorité de son rival. Les deux hommes semblent avoir feint de s’ignorer mutuellement. Ceci explique, peut-être, en partie, outre l’intérêt porté à la psychologie individuelle par Binet et le vaste laboratoire que lui offraient les écoles, son éloignement du laboratoire de la Sorbonne et que, lorsqu’il mourut, le laboratoire, que Janet eût souhaité obtenir et que Piéron (1952/1992, p. 16) trouva « très abandonné », ne fut plus rattaché à la chaire du Collège de France, mais à l’École pratique des hautes études.
  • [2]
    Il faut mentionner aussi la chute, en janvier 1912, du ministère Caillaux et la démission du ministre de l’Instruction publique, Théodore Steeg (1868-1950), favorable à Théodore Simon (1873-1961), co-auteur, avec Binet, de l’échelle métrique d’intelligence. Piéron a été nommé le 11 mai 1912.
  • [3]
    De même, Ribot critiquera l’aspect de fourre-tout pris par L’année psychologique et verra en Piéron le restaurateur de la psychologie physiologique et expérimentale, selon Carroy et Plas (2005, p. 338).
  • [4]
    Des extraits ont été publiés dans le Bulletin de psychologie en 1958 (Piéron, 1958a).
  • [5]
    Dans cet article, il rappellera (p. 132) qu’il a observé cette attitude objective dans son livre sur L’évolution de la mémoire (1910) et qu’il l’a défendue contre les critiques à une séance de la Société française de philosophie (janvier 1911).
  • [6]
    En 1970 Paul Fraisse, concédant qu’il est juste d’attribuer la naissance du behaviorisme à l’article de J. B. Watson (1878-1958), de 1913, après avoir rappelé le rôle précurseur des Russes Ivan Sechenov (1829-1905) et Ivan Pavlov (1849-1936), s’attachera à souligner que la psychologie du comportement avait aussi des origines françaises avec Piéron. Celui-ci (1948, p. 414) dénoncera « l’esprit étroit du behaviorisme watsonien, qui interdisait toute investigation physiologique et n’acceptait que l’observation extérieure des activités motrices ».
  • [7]
    Par exemple, en 1909 (p. 116) : ce que la psychologie étudie, « ce sont des mouvements, des réactions objectives […] ce qu’elle établit, ce sont des connexions entre des influences déterminées sur un individu et les réactions de cet individu ».
  • [8]
    Selon Françoise Parot (2000, p. 12), « contrairement à la semi-légende, à laquelle il a largement contribué et qu’ont colportée ses élèves, Piéron n’était pas la figure dominante de la psychologie elle-même dans ces années-là. C’était [Ignace] Meyerson (1888-1983) et le Journal [de psychologie normale et pathologique] de Dumas et Janet dont il était le secrétaire de rédaction, c’était la Société de psychologie dont il était le secrétaire général qui dominait la psychologie. Piéron d’ailleurs y participait, mais il ne parvenait pas à y imposer sa conception de la psychologie ». Néanmoins, les deux hommes avaient des relations très amicales : « Il [Meyerson] maintint, avec lui et Mme Piéron, du moins en ce qui ressort de leurs correspondance, une relation cordiale et même chaleureuse » (Pizarroso Lopez, 2008, p. 77) ; c’est à la demande de Piéron, directeur du laboratoire de psychologie physiologique, qu’en 1921, il sera nommé, avec le statut de préparateur, chef des travaux au laboratoire, où il s’occupa de l’organisation des travaux pratiques. Il sera nommé directeur adjoint en 1923, lorsqu’il obtint, étant d’origine polonaise, la nationalité française. Dans une lettre du 20 novembre 1946, découverte par Émile Jalley (2004, p. 99), Piéron interviendra pour appuyer sa candidature à la succession de Paul Guillaume (1878-1962) à la chaire de psychologie de la Sorbonne, à laquelle sera nommé Daniel Lagache (1903-1972).
  • [9]
    Voir Rabier, Audoyer, Gazeau (1908).
  • [10]
    En 1939 (p. 191) Piéron se souvenait : « L’accueil de Binet était assez froid et réservé. Ses propos n’étaient pas très encourageants », mais « je me montrai assez décidé pour être admis aux jeudis de la Sorbonne ». (Voir aussi Piéron, 1952/1992, p. 11-12 : « accueil plutôt décourageant » et 1958b, p. 92). Plus tard (1965, p. 7), il reconnaîtra : « Je dus beaucoup à Binet pour ses leçons : me faisant mesurer des temps de réaction, il m’apprenait à se critiquer soi-même et à ne se livrer qu’avec prudence à des interprétations ».
  • [11]
    Binet en fera un compte rendu relativement sévère (Binet, 1910).
  • [12]
    Les titres des leçons professées au Collège de France par Henri Piéron de 1923 à 1951, ont été publiés par Fessard, 1949, p. XIV.
  • [13]
    Marc Richelle et Xavier Seron (1994, p. 16) remarquent : « on s’accorde à reconnaître dans Piéron un défenseur d’une psychologie du comportement non moins radicale que celle de Watson, bien que moins influente, faute d’un contexte favorable ou simplement de combativité militante ».
  • [14]
    Voir Laura Le Coz (2014), qui rappelle qu’à cette époque, il n’existe aucun cursus d’études suivi ni aucun diplôme, qui soit consacré à la psychologie scientifique. Unifiant plusieurs enseignements déjà existants et dispersés au sein de divers établissements d’enseignement supérieur, l’Institut en crée également de nouveaux et suscite la création de plusieurs diplômes d’études psychologiques.
  • [15]
    Sur l’œuvre scientifique de Piéron, voir Fessard, 1951 et Paul Fraisse, 1981. Voir aussi O. Lebon, M. Delivre, J.-P. Lécuyer, M. D. Morigot et M. A. Taieb (1969-1970).
  • [16]
    Voir Piéron, 1963.
  • [17]
    Ce discours, inachevé, a été écrit par Piéron sur son lit d’hôpital, en octobre 1964, peu de temps avant sa mort (Fraisse, 1965, p. 1).
Psychologus nemo nisi physiologus.
Johannes Müller (1822)

1Dans ses « Souvenirs » inédits, Henry Beaunis (1830-1921), pour qui fut créé, en janvier 1889, le laboratoire de « psychologie physiologique » (titre repris à Wilhelm Wundt) de la « Nouvelle Sorbonne », dans le cadre de la section des sciences naturelles de l’École pratique des hautes études, rappelant la collaboration d’Alfred Binet (1857-1911), et le rôle de celui-ci dans la création de L’année psychologique, regrettait que son successeur eût « un peu négligé » le laboratoire, où il ne « paraissait guère qu’un jour par semaine » [1] et dont la mort « faillit être en même temps la mort du laboratoire ».

2Grâce aux nombreuses et actives démarches d’Henry Beaunis, le laboratoire fut maintenu avec, choisi par le recteur de l’académie de Paris, ami de son père, Louis Liard (1846-1917) et Charles Bayet 1849-1918), qui lui a succédé comme directeur de l’enseignement supérieur, comme directeur du laboratoire, parmi de nombreux candidats [2], Henri Piéron, qui le devint également, de ce fait, de L’année psychologique, en 1912. Henry Beaunis se félicitera qu’il lui ait donné « une autre orientation que celle que Binet lui avait imprimée dans ses dernières années [3] et plus encore en accord avec les principes qui l’avaient guidé dans la fondation du laboratoire » (p. 497), c’est-à-dire nettement physiologique. Henri Piéron n’inscrivit-il pas, en épigraphe à sa « Notice sur ses travaux scientifiques », cet aphorisme d’Ernst Mach (1863) : « La physique, la physiologie et la psychologie sont dans une dépendance mutuelle si étroite que chacune de ces sciences ne peut que gagner au commerce des deux autres ».

3Bien auparavant, en 1907, venant d’être appointé maître de conférences à l’École pratique des hautes études, dans sa conférence inaugurale [4] (Piéron, 1908a, p. 252), il avait déclaré : les recherches sur le psychisme des organismes « porteront sur l’activité des êtres et leurs rapports avec le milieu, sur ce que les Américains appellent « the behavior », les Allemands « das Verhalten », les Italiens « lo comportemento » et sur ce que nous sommes en droit d’appeler le comportement des organismes ». Il réaffirmera cette « attitude objective » à plusieurs reprises, notamment, en 1915 [5], en 1916 (p. 70, n. 2) : « Il n’y a qu’une psychologie […] qui est la science du comportement [6] des êtres vivants […] C’est une science biologique qui étudie la manière dont un être vivant reçoit les influences du milieu et élabore ses réactions. Entre l’action et la réaction, il y a des processus d’élaboration complexes que la psychologie cherche à élucider, c’est là son but essentiel ». Il défendra cette position à plusieurs reprises, par exemple, au XIIe Congrès international de psychologie (1948) ou lors de la première session d’études de l’Association de psychologie scientifique de langue française en 1952 (1953) et chaque fois que l’occasion s’en présentera [7].

4Jean Piaget (1896-1988) expliquera (1966, p. 148) qu’il ne s’agit pas, pour Piéron, d’un simple réductionnisme de la psychologie à la physiologie, mais que, puisque le comportement est une réaction « totale » de l’organisme, tandis que les processus physiologiques sont « partiaux », on ne peut réellement comprendre la réaction totale sans connaître les détails des réactions partielles.

5Cette attitude fait, d’Henri Piéron, pour Paul Fraisse (1982), qui travailla 37 ans à son côté (Fraisse, 1981, p.212) comme pour Yves Galifret (1989), l’instaurateur de la psychologie (scientifique) en France. Il sera, d’ailleurs, en 1909, élu président de la Société française de psychologie, fondée par Pierre Janet (1859-1947) en 1901 [8], mais il le fut, comme nous le verrons, non seulement par sa vue nouvelle de l’objet de la psychologie, mais aussi par sa contribution au développement des institutions.

Curriculum Vitae

6Piéron s’est souvent penché sur son passé (par exemple, 1923, 1952/1992, 1965). Il a rappelé son enfance au cœur du quartier Latin. Il était fils de Nicolas-Dominique Piéron (1847-1906), brillant professeur de mathématiques, reçu premier de sa promotion à l’École normale supérieure en 1866 et qui sera inspecteur général de l’Instruction publique en 1896 [9]. Henri Piéron ne suivit pas sa trace en ne se présentant pas au concours de l’École normale, comme l’aurait souhaité son père ; néanmoins, celui-ci lui ouvrit de nombreuses portes, grâce à ses collègues, ses anciens condisciples, ses anciens élèves et ses relations. En 1958c (p. V-VI), Henri Piéron commentera : « préoccupé par le problème de la connaissance humaine, je pensai qu’il convenait de me tourner, puisque c’était l’élaboration même du monde physique qui constituait à mes yeux le véritable problème, vers les sciences de l’homme, psychologie, physiologie, pathologie et, pour mieux comprendre l’homme en le replaçant au milieu des organismes dont il n’est qu’un représentant, vers la zoologie et la biologie générale ». Cet intérêt « dans les domaines relatifs à la connaissance positive de l’homme dans sa structure biologique et psychologique et ses altérations pathologiques » (1952/1992, p. 11), le poussera à fréquenter à la clinique neurologique de la Salpêtrière, où Pierre Janet (1859-1947) donnait des consultations et à qui il servit un moment de secrétaire. Après un stage auprès de Binet, en 1899, pour se former à la psychologie expérimentale [10], il se dirigea, à la faculté des sciences, vers Félix Le Dantec (1869-1917), un ancien élève de son père, qui l’adressa au laboratoire d’Alfred Giard (1846-1908), autre élève de son père, qui dirigeait le laboratoire de biologie marine, à Wimereux, puis à Saint-Vaast-la-Hougue et Arcachon, où il passait ses étés. Il s’initia aux techniques de la neurophysiologie avec Louis Lapicque (1866-1952) et Paul Portier (1866-1962) et soutiendra, en 1913, une thèse sur Le problème physiologique du sommeil, sous la direction d’Albert Dastre (1844-1917), ancien condisciple de son père.

7Grâce à Nicolas Vaschide (1874-1907), transfuge du laboratoire de Binet, qu’il avait rencontré chez Janet, il abandonna Binet à son tour, pour entrer, comme préparateur (bénévole), en 1901, au laboratoire de psychologie expérimentale, qu’Édouard Toulouse (1865-1947) avait créé à l’asile de Villejuif et dont il avait obtenu, en 1901, le rattachement à l’École pratique des hautes études, Vaschide étant chef de travaux. Ensemble, ils mirent au point des techniques de mesures comportementales, essentiellement tournées vers l’exploration sensorielle (Toulouse, Vaschide, Piéron, 1904 ; Toulouse, Piéron, 1911 [11]), puis il devint, lui-même, chef de travaux, en 1897, lorsque Vaschide rejoignit le laboratoire de psychologie pathologique de Pierre Marie (1853-1940).

8Comme il a été mentionné plus haut, il succéda, en 1912, à Binet, à la tête du Laboratoire de la Sorbonne, mais, selon ses propres termes (1952, p. 288), le couronnement de sa carrière fut sa nomination au Collège de France, à la chaire, créée pour lui, en 1923, de physiologie des sensations, qu’il tint jusqu’en 1951 [12]. Il synthétisa ses travaux dans un ouvrage de 1945, Aux sources de la connaissance : la sensation, guide de vie, « la synthèse la plus complète et la plus puissante sans doute qui ait été tentée en ce domaine », selon Fessard (1944, p. 447), qui, en 1949 (p. IX) assurait qu’« il est permis de dire que c’est grâce à lui que la psychologie française s’est constituée définitivement en discipline scientifique, et qu’elle s’est développée à cet égard jusqu’à un niveau comparable à celui qui est atteint dans les pays de culture avancée » [13].

9Piéron déploiera, alors, ses talents d’organisateur pour promouvoir la psychologie : ayant déjà, en 1920, profitant d’une loi qui permettait aux universités de créer, en leur sein, des instituts autonomes, fondé l’Institut de psychologie dans ses locaux de la Sorbonne [14]. En 1925, il sera membre du directoire de la 3e section de l’École pratique de hautes études et président, à partir de 1932, il suscitera la création d’un laboratoire de psycho-biologie de l’enfant pour Henri Wallon (1879-1962) et un laboratoire de psychologie appliquée pour J.-M. Lahy (1872-1943). En 1928, c’est la création de l’Institut national d’orientation professionnelle, chargé de la formation des conseillers d’orientation, puis, en 1933, il participe à la création du Conseil supérieur de la recherche scientifique, avec Jean Perrin (1870-1942). À la 3e section de l’École pratique des hautes études, grâce à son ami Henri Laugier (1888-1973), chef du cabinet d’Yvon Delbos (1885-1956), ministre de l’Instruction publique en 1925, il est membre de la section des sciences naturelles de l’EPHE, dont il deviendra directeur en1937. Il sera aussi directeur du laboratoire de biométrie humaine de l’Institut Marey, en 1940, également président de l’Association pour l’avancement des sciences (où, en 1914, il avait fait créer une section de psychologie). Il participera, comme vice-président, à la commission, dite Langevin-Wallon, pour la réforme de l’enseignement et obtiendra, en 1944, l’introduction, à la faculté des sciences, de la psychophysiologie, nouveau certificat de licence, dont il rédigera le programme et qui sera intégré à la licence de psychologie, à l’instauration de laquelle il contribue. En 1945, il est membre, avec Henri Wallon et Henri Laugier du comité directeur du Centre d’études scientifique de l’homme, substitué à la Fondation Alexis Carrel, puis, en 1954, il contribue à la création d’un diplôme d’État de psychotechnicien. Un des fondateurs de l’Association de psychologie scientifique de langue française, il en sera président en 1955.

10De nombreuses distinctions lui seront décernées, en France et à l’étranger. Il sera commandeur de la Légion d’honneur et dans l’ordre des Palmes académiques, docteur honoris causa de plusieurs universités et membre de maintes sociétés savantes, françaises et étrangères.

11Il sera l’objet de commémorations, en 1951, pour son soixante-dixième anniversaire ; en 1962, pour son quatre-vingtième anniversaire, à l’occasion duquel son nom sera donné à la bibliothèque de l’Institut de psychologie ; pour le centenaire de sa naissance, en 1981 et, aujourd’hui, pour le cinquantième anniversaire de sa mort.

L’œuvre

12Il a énormément publié, justifiant ce qu’il rapporte de lui-même, d’avoir été « toujours dominé par une curiosité vive et large, un appétit de connaissances qui me poussait à lire beaucoup, à observer et à expérimenter » (1952/1992, p. 13) : environ six cents notes et près d’une trentaine d’ouvrages. Déjà, sa Notice sur ses travaux scientifiques, de 1923, ne comptait pas moins de 154 pages [15].

13Dans son autobiographie (1952/1992), il consacre un chapitre à cette œuvre ; il expose que ses recherches ont porté sur quatre domaines principaux : la psychologie expérimentale générale, qui commença avec Binet, la psychopathologie et, plus particulièrement, la neurologie, avec Janet ; avec Toulouse, la psychiatrie et la psychophysiologie, à partir de la physiologie de Dastre et la neurophysiologie de Lapicque, et la psychologie animale, avec Giard et conclut : « Mon effort a porté sur le développement en France de la psychologie scientifique sous tous ses aspects […] Cet effort s’est déployé d’un côté en apportant les éléments indispensables de documentation, de l’autre, en créant et développant les organismes nécessaires d’enseignement et de recherche », et, non sans fierté, il affirme : « Je puis reconnaître qu’il a réussi dans une large mesure et qu’après une période de déclin, la France reprend, en psychologie une place honorable dans le mouvement mondial » (1952/1992, p. 30), lui, qui, dans la Revue de psychiatrie (1908, p. 457), déplorait : « La psychologie française tient à coup sûr une place actuellement effacée, surtout à côté de la psychologie américaine et de la psychologie allemande ».

14C’est pourquoi, convaincu de l’immortalité de son œuvre, il prit soin de conserver et de classer ses archives, confiées aux Archives nationales et, par sa volonté, accessibles sans restriction. Son testament, dont Paul Fraisse (1965, p. 4) écrit qu’il a été un dernier témoignage du sens de sa vie, fait l’objet de l’article de Thérèse Charmasson, « Les archives d’Henri Piéron », Thérèse Charmasson qui, avec Françoise Parot en a dressé l’inventaire et à qui l’on doit également l’inventaire des archives d’Ignace Meyerson et d’Henri Wallon.

L’homme

15Voici le jugement que portait sur lui Maurice Halbwachs (1877-1945), dont la famille était très liée à celle d’Henri Piéron (c’est du balcon de la famille Piéron qu’ils regardèrent passer, en 1885, le convoi funèbre de Victor Hugo et c’est ensemble qu’Halbwachs et Piéron préparèrent l’agrégation de philosophie) : « C’est le type du savant expérimentateur acharné, capable de faire des découvertes – avec des partis pris et quelque étroitesse (par réaction contre la psychologie métaphysique). Caractère ombrageux, susceptible, mais beaucoup de cœur et de fidélité » (Halbwachs, 1999, p. 191).

16Lui-même confie (1952/1992, p. 29) « mon manque de contacts affectifs humains, mon apparence de froideur », mais ajoute qu’il a pu, parfois être « indigné jusqu’à déclencher des colères brèves et violentes par les mensonges conscients et la mauvaise foi ». Yves Galifret se remémorait les « colères de Piéron lors de certaines réunions à la Société de psychologie ou dans telle autre réunion » (1965, p. 117), ce que confirme Reuchlin (1964, p. 217 ; 1965, p. 143 ; 2004, p. 45) : « Tous ceux qui ont connu Henri Piéron connaissaient, à la fois, son extrême réserve et la passion qu’il pouvait avoir à la défense de ses idées. Il s’élevait avec une extrême violence, dans tous les domaines, contre l’attitude consistant à ne percevoir les faits que sous la forme compatible avec une idéologie préalablement choisie. Les circonstances dans lesquelles il croyait se trouver en présence d’une telle attitude étaient les seules dans lesquelles il pouvait perdre sa bienveillance habituelle et sa largeur de vues ».

17Homme de bibliothèque et de laboratoire, Piéron ne se tint, pourtant pas éloigné des questions sociales. Au temps de « L’affaire », dreyfusard, il participa aux nombreuses bagarres du quartier Latin, « ponctuées de percussions sur la boîte crânienne » rappelait-il, en 1962, lors de l’inauguration de la bibliothèque qui porte son nom ; un peu plus tard, avec les étudiants socialistes, pour empêcher le nietzschéen Jean Izoulet (1854-1929), élu au Collège de France, en 1897, contre Émile Durkheim (1858-1917), pour l’empêcher de faire son cours de philosophie sociale. Il manifesta encore, sous la conduite d’Eugène Gley (1857-1930), ancien élève de Beaunis à Nancy, en faveur de l’histologiste Louis-Auguste Prenant (1861-1927) et de l’anatomiste Adolphe Nicolas (1861-1939), appelés, de Nancy, à la direction de la chaire d’histologie de Paris, devenue vacante en raison du décès de Mathias-Marie Duval (1844-1907), à la nomination desquels s’opposaient des cliniciens, internes et agrégés de Paris (Piéron, 1952/1992, p. 12).

18Cela, certes, est anecdotique, mais traduit son souci de justice. C’est ce souci, selon Reuchlin (1982), qui le conduisit à organiser l’orientation, dans laquelle il voyait un moyen d’édifier une société plus équitable, c’est-à-dire une société dans laquelle « l’orientation des enfants et des adolescents doit se faire vers les études et les professions auxquelles leurs aptitudes les appellent, quel que soit le milieu socio-culturel dont ils sont issus » (p. 285). C’est aussi « à la fois par souci d’équité sociale et d’objectivité scientifique qu’il anima en France, avec Laugier, un ensemble de travaux expérimentaux sur les examens, fondant ainsi une « docimologie » » (Reuchlin, 1964, p. 343) [16].

19L’orientation était, en effet, pour Piéron, une « tâche sociale », comme le rappelle la citation, que Michel Huteau et Serge Blanchard (« Henri Piéron la psychologie de l’orientation ») ont placée en épigraphe à leur article consacré au rôle de Piéron dans son institutionnalisation et son développement et qui immortalise sa mémoire.

20Mais il y eut aussi ceux que J.-M. Lahy qualifiait d’« énergumènes » de l’orientation. Contre eux, Piéron ne pouvait que déchaîner ses foudres. Annick Ohayon avec « Ce qui énervait Piéron » en développe les circonstances.

Commele temps passe

21À sa retraite, en 1952, Piéron délégua ses pouvoirs à trois de ses collaborateurs : à Paul Fraisse (1911-1986), le « laboratoire de psychologie expérimentale et de physiologie des sensations », dont il changera l’intitulé en « laboratoire de psychologie expérimentale et comparée », et L’année psychologique ; à Maurice Reuchlin, l’INOP ; à Yves Galifret (1920-2013), les recherches en physiologie des sensations. Ainsi, disparaîtra, peu à peu, l’unité d’une psychologie, à laquelle Piéron aspirait, une psychologie débarrassée de tout ce qui ne lui paraissait pas « scientifique ». Ce sont ses élèves qui ont, dévotement, entretenu la flamme.

22Cette flamme brille-t-elle encore ?

23Avec le recul du temps, Alain Berthoz (1999, p. 436) notait que « Piéron est classé parmi les psychologues, bien que beaucoup de ses travaux relèvent de la physiologie et de la physiologie comparée ». Il propose cette explication : « C’est qu’il arrive à un moment où la psychologie commence à acquérir une certaine reconnaissance en tant que science et où il apparaît évident que l’étude des phénomènes psychiques ne peut s’affranchir de celle du fonctionnement du corps ». Il observe que « cependant, aucune psychologie physiologique n’a réellement vu le jour. L’étude des faits psychologiques se partage toujours entre, d’un côté, la philosophie, et, d’un autre côté, la psychopathologie. Une originalité de Piéron par rapport aux autres psychologues de son temps, issus pour la plupart de l’école de Ribot, est d’avoir choisi d’étudier, en même temps que la philosophie, la biologie, plutôt que la médecine. Par ailleurs, Piéron marque également une rupture avec Wundt 1832-1920), dans la mesure où les travaux de cette communauté ont toujours comme finalité plus ou moins proche l’explication des phénomènes de conscience accessible par l’introspection. Pour Piéron la psychologie scientifique est véritablement née de la physique et de son application à la physiologie des sensations ».

24Ses recherches en ce domaine ont encore leur valeur. C’est ce que montre Serge Nicolas dans sa contribution sur « La loi de Piéron et les premiers instruments de mesure des temps de réaction ».

Conclusion

25Selon Piéron (1923, p. 9) « l’activité scientifique s’exerce sous quatre formes essentielles : la recherche, qui vise à enrichir notre connaissance des faits et des lois, la synthèse, qui s’efforce de dégager les notions essentielles et construire des théories générales ; la vulgarisation ou l’enseignement, qui diffuse la science faite, et aide la science à se faire ; enfin, l’application, qui fait bénéficier les techniques de la vie humaine des acquisitions nouvelles ».

26Les auteurs du dossier que présente le Bulletin de psychologie dans cette livraison et qui reflète la face d’un homme et le profil d’une œuvre, ont ouvert, sous des éclairages divers, ces quatre volets de l’activité scientifique d’un des grands noms de la psychologie française, dont le souci, toute sa vie, fut, pour reprendre le titre de son dernier livre, que la mort ne lui permit pas d’achever et qui parut posthume, en 1967 : L’homme, rien que l’homme.

Références

  • Beaunis (Henry).– Souvenirs, s. l. n. d., tapuscrit, donné à l’auteur par le Professeur Pierre Tridon (1926-2007), de la faculté de médecine de Nancy et Mme Tridon.
  • Berthoz (Alain).– Leçons sur le corps et l’esprit, Paris, Odile Jacob, 1999.
  • Binet (Alfred).– Compte rendu de Technique de psychologie expérimentale, L’année psychologique, 17, 1910, 17, p. 491-492.
  • Carroy (Jacqueline), Plas (Régine).– La psychologie : science naturelle et science morale ? Lettres inédites de Théodule Ribot à Henri Piéron, Revue philosophique de la France et de l’étranger, 130, 2005, p. 335-366.
  • Fessard (Alfred).– Compte rendu d’Aux sources de la connaissance ; la sensation guide de vie, d’Henri Piéron, L’année psychologique, 45-46-1, 1944, p. 447-449.
  • Fessard (Alfred).– Henri Piéron, L’année psychologique, 50, 1949, p. IX-XVI.
  • Fraisse (Paul).– Les dernières années d’Henri Piéron, L’année psychologique, 65, 1965, p. 1-4.
  • Fraisse (Paul).– French origins of the psychology of behavior : The contribution of Henri Piéron, Journal of the history of the behavioral sciences, 6, 2, 1970, p. 111-119.
  • Fraisse (Paul).– The centennial celebration of Henri Piéron, founder of psychology in France, Frenchlanguage psychology, 1981, 2, p. 211-222.
  • Fraisse (Paul).– Henri Piéron, instaurateur de la psychologie scientifique, Bulletin de psychologie, XXXV (6-7), 354, 1982, p. 280-284.
  • Galifret (Yves).– In memoriam Henri Piéron (1881-1964), Psychologie française, X, 2, 1965, p. 113-118.
  • Galifret (Yves).– Piéron, instaurateur de la psychologie en France, L’année psychologique, 89, 2, 1989, p. 199-212).
  • Halbwachs (Maurice).– Ma campagne au Collège de France, Revue d’histoire des sciences humaines, 1999, 1, p. 189-228.
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  • Toulouse (Édouard), Piéron (Henri).– Technique de psychologie expérimentale, Paris, O. Doin et fils, 1911.
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Date de mise en ligne : 12/11/2014

https://doi.org/10.3917/bupsy.533.0355

Notes

  • [*]
    Groupe de recherche et d’étude de l’histoire du travail et de l’orientation (GRESHTO), Centre de recherche sur le travail et le développement (CRDT), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
    <bulletin@bulletindepsychologie.net>
  • [1]
    En 1901, Ribot (1839-1915) quitta sa chaire du Collège de France. Les candidats à sa succession furent Pierre Janet et Alfred Binet. Janet, qui avait été suppléant de Ribot en 1895, l’emporta sur Binet, Le laboratoire étant rattaché à la chaire du Collège de France, Binet se trouvait, de ce fait, sous l’autorité de son rival. Les deux hommes semblent avoir feint de s’ignorer mutuellement. Ceci explique, peut-être, en partie, outre l’intérêt porté à la psychologie individuelle par Binet et le vaste laboratoire que lui offraient les écoles, son éloignement du laboratoire de la Sorbonne et que, lorsqu’il mourut, le laboratoire, que Janet eût souhaité obtenir et que Piéron (1952/1992, p. 16) trouva « très abandonné », ne fut plus rattaché à la chaire du Collège de France, mais à l’École pratique des hautes études.
  • [2]
    Il faut mentionner aussi la chute, en janvier 1912, du ministère Caillaux et la démission du ministre de l’Instruction publique, Théodore Steeg (1868-1950), favorable à Théodore Simon (1873-1961), co-auteur, avec Binet, de l’échelle métrique d’intelligence. Piéron a été nommé le 11 mai 1912.
  • [3]
    De même, Ribot critiquera l’aspect de fourre-tout pris par L’année psychologique et verra en Piéron le restaurateur de la psychologie physiologique et expérimentale, selon Carroy et Plas (2005, p. 338).
  • [4]
    Des extraits ont été publiés dans le Bulletin de psychologie en 1958 (Piéron, 1958a).
  • [5]
    Dans cet article, il rappellera (p. 132) qu’il a observé cette attitude objective dans son livre sur L’évolution de la mémoire (1910) et qu’il l’a défendue contre les critiques à une séance de la Société française de philosophie (janvier 1911).
  • [6]
    En 1970 Paul Fraisse, concédant qu’il est juste d’attribuer la naissance du behaviorisme à l’article de J. B. Watson (1878-1958), de 1913, après avoir rappelé le rôle précurseur des Russes Ivan Sechenov (1829-1905) et Ivan Pavlov (1849-1936), s’attachera à souligner que la psychologie du comportement avait aussi des origines françaises avec Piéron. Celui-ci (1948, p. 414) dénoncera « l’esprit étroit du behaviorisme watsonien, qui interdisait toute investigation physiologique et n’acceptait que l’observation extérieure des activités motrices ».
  • [7]
    Par exemple, en 1909 (p. 116) : ce que la psychologie étudie, « ce sont des mouvements, des réactions objectives […] ce qu’elle établit, ce sont des connexions entre des influences déterminées sur un individu et les réactions de cet individu ».
  • [8]
    Selon Françoise Parot (2000, p. 12), « contrairement à la semi-légende, à laquelle il a largement contribué et qu’ont colportée ses élèves, Piéron n’était pas la figure dominante de la psychologie elle-même dans ces années-là. C’était [Ignace] Meyerson (1888-1983) et le Journal [de psychologie normale et pathologique] de Dumas et Janet dont il était le secrétaire de rédaction, c’était la Société de psychologie dont il était le secrétaire général qui dominait la psychologie. Piéron d’ailleurs y participait, mais il ne parvenait pas à y imposer sa conception de la psychologie ». Néanmoins, les deux hommes avaient des relations très amicales : « Il [Meyerson] maintint, avec lui et Mme Piéron, du moins en ce qui ressort de leurs correspondance, une relation cordiale et même chaleureuse » (Pizarroso Lopez, 2008, p. 77) ; c’est à la demande de Piéron, directeur du laboratoire de psychologie physiologique, qu’en 1921, il sera nommé, avec le statut de préparateur, chef des travaux au laboratoire, où il s’occupa de l’organisation des travaux pratiques. Il sera nommé directeur adjoint en 1923, lorsqu’il obtint, étant d’origine polonaise, la nationalité française. Dans une lettre du 20 novembre 1946, découverte par Émile Jalley (2004, p. 99), Piéron interviendra pour appuyer sa candidature à la succession de Paul Guillaume (1878-1962) à la chaire de psychologie de la Sorbonne, à laquelle sera nommé Daniel Lagache (1903-1972).
  • [9]
    Voir Rabier, Audoyer, Gazeau (1908).
  • [10]
    En 1939 (p. 191) Piéron se souvenait : « L’accueil de Binet était assez froid et réservé. Ses propos n’étaient pas très encourageants », mais « je me montrai assez décidé pour être admis aux jeudis de la Sorbonne ». (Voir aussi Piéron, 1952/1992, p. 11-12 : « accueil plutôt décourageant » et 1958b, p. 92). Plus tard (1965, p. 7), il reconnaîtra : « Je dus beaucoup à Binet pour ses leçons : me faisant mesurer des temps de réaction, il m’apprenait à se critiquer soi-même et à ne se livrer qu’avec prudence à des interprétations ».
  • [11]
    Binet en fera un compte rendu relativement sévère (Binet, 1910).
  • [12]
    Les titres des leçons professées au Collège de France par Henri Piéron de 1923 à 1951, ont été publiés par Fessard, 1949, p. XIV.
  • [13]
    Marc Richelle et Xavier Seron (1994, p. 16) remarquent : « on s’accorde à reconnaître dans Piéron un défenseur d’une psychologie du comportement non moins radicale que celle de Watson, bien que moins influente, faute d’un contexte favorable ou simplement de combativité militante ».
  • [14]
    Voir Laura Le Coz (2014), qui rappelle qu’à cette époque, il n’existe aucun cursus d’études suivi ni aucun diplôme, qui soit consacré à la psychologie scientifique. Unifiant plusieurs enseignements déjà existants et dispersés au sein de divers établissements d’enseignement supérieur, l’Institut en crée également de nouveaux et suscite la création de plusieurs diplômes d’études psychologiques.
  • [15]
    Sur l’œuvre scientifique de Piéron, voir Fessard, 1951 et Paul Fraisse, 1981. Voir aussi O. Lebon, M. Delivre, J.-P. Lécuyer, M. D. Morigot et M. A. Taieb (1969-1970).
  • [16]
    Voir Piéron, 1963.
  • [17]
    Ce discours, inachevé, a été écrit par Piéron sur son lit d’hôpital, en octobre 1964, peu de temps avant sa mort (Fraisse, 1965, p. 1).

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