Couverture de BUPSY_527

Article de revue

Défis cliniques dans l'intervention auprès de jeunes parents en situation de précarité psychosociale : éclairage psychodynamique sur un mode relationnel paradoxal

Pages 371 à 384

Notes

  • [*]
    Université du Québec à Montréal, Groupe de recherche sur l’inscription sociale et identitaire des jeunes adultes (GRIJA).
    <lafortune-sgambato.david@courrier.uqam.ca>
  • [1]
    Cette hausse est la plus significative des cinq dernières années.
  • [2]
    Au Québec, l’expression « jeunes en difficulté » recoupe un ensemble de problématiques psychosociales et parfois médicales, témoignant de la marginalisation et de la désaffiliation de certains jeunes : décrochage scolaire, « jeunes toxicomanes, jeunes utilisateurs de drogues injectables, jeunes en situation de rue, jeunes prostitués-es, jeunes délinquants, jeunes membres de gangs, et aussi [les] jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale de diverses natures ». (Cousineau, 2007, p. 49).
  • [3]
    « Centraide » du Grand Montréal, Répertoire des ressources communautaires pour personnes itinérantes dans le Grand Montréal, Centre de référence du Grand Montréal, 2008.
  • [4]
    Citons, par exemple, les travaux de Kazdin (1993) ou de Lessard, Chamberland et Léveillé (2007).
  • [5]
    La Direction de la protection de la jeunesse exerce les responsabilités légales, dans le cas où le bien-être et le bon développement d’un enfant sont suspectés d’être compromis : évaluer le signalement, déterminer si la sécurité ou le développement d’un enfant sont compromis, décider du retrait éventuel et du placement de l’enfant en centre jeunesse ou en famille d’accueil, etc. (Loi sur la protection de la jeunesse, 2006).
  • [6]
    Le Centre local de services communautaires est un organisme affilié au réseau public offrant des services de santé de première ligne (sans qu’une référence ou une ordonnance soient nécessaires) pour les familles, les nouveau-nés, les jeunes mères, les adolescents, les personnes âgées et les adultes dans le besoin.
  • [7]
    Depuis 1988, « Dans la rue » a su développer une expertise et accroître sa notoriété dans le domaine de l’intervention auprès des jeunes en difficulté. L’organisme, composé de plus de 200 intervenants, propose aujourd’hui des services qui répondent aux besoins multiples des jeunes en difficulté : de l’hébergement à court terme, des repas, des soins de santé, un accompagnement des jeunes parents en difficulté, des services psychologiques, des renvois vers des services spécialisés, une école, des ateliers d’art, du soutien à la réinsertion professionnelle, etc.
  • [8]
    Si la psychanalyse peut opérer comme un levier théorique fertile (Paillé, Mucchielli, 2008), nourrissant l’intuition clinique sollicitée à travers l’analyse des données, elle peut, néanmoins, conduire à un cloisonnement de la démarche inductive dans des a priori conceptuels, de par son armature théorique centrée sur une solide herméneutique des phénomènes humains. L’analyse par consensus – par l’espace accordé aux contradictions et aux doutes émergeant des multiples regards – favorise ainsi le maintien d’une posture critique et d’un juste affranchissement du champ épistémologique psychanalytique, réduisant ainsi le risque qu’il ne devienne un carcan stérile pour le processus de conceptualisation.
  • [9]
    Les passages entre guillemets renvoient à des extraits du discours des intervenants. Dans un souci d’anonymat et de confidentialité, les professionnels du SAF seront désignés par des prénoms fictifs. Les citations plus courtes demeurent anonymes, s’agissant de terminologie souvent employée par plusieurs participants.
  • [10]
    Selon l’Agence de la santé publique du Canada, près de 20 % des jeunes en difficulté rapportent avoir quitté le domicile familial pour des motifs de violences sexuelles, physiques ou psychologiques, tandis que 30 % l’ont fait pour causes de négligences, faisant référence notamment à l’abandon ou l’expulsion du domicile familial (ASPC, 2006).
  • [11]
    Toujours, selon l’Agence, 7 jeunes de la rue sur 10 (70,4 %), disent avoir reçu les services d’un travailleur social durant leur enfance ou leur adolescence ; tandis que plus de 40 % d’entre eux rapportent avoir été placés en familles d’accueil (42,2 %) ou en foyers de groupe (46,7 %), principalement pour les problèmes familiaux susmentionnés (ASPC, 2006).
  • [12]
    L’emploi du terme « agir » se rapporte à la notion d’agieren chez Freud (1914, repris dans Donnet, 2007), désignant, de façon générale, la transformation de la pulsion en acte.
  • [13]
    À noter que même l’investissement massif du lien aux aidants pourra bien souvent se solder par une mise à distance, que ce soit l’aidant qui cherche à rétablir la bonne distance ou encore le jeune qui manifeste ainsi sa frustration.
  • [14]
    Un manque qui s’oppose dès lors à l’illusion d’être comblé par l’autre et qui, de ce fait, autorise une ouverture au registre de la pensée par la confrontation à la persistance du désir, au-delà de la satisfaction du besoin.

Introduction

1En 1998, on estimait à plus de 135 000 le nombre d’enquêtes conduites annuellement au Canada sur la maltraitance des enfants, et à 45 % la proportion de cas corroborés (Trocmé et coll., 2001). Pour la seule province du Québec, 27 259 signalements, effectués auprès des services de la protection de la jeunesse, ont été retenus entre 2010 et 2011, ce qui représente une hausse de 8,5 %, par rapport à l’année précédente (Directeurs de la protection de la jeunesse, 2011) [1]. Outre ces données inquiétantes, plusieurs études tendent à démontrer que les phénomènes de maltraitance seraient plus fréquents lorsque l’un des parents présente une consommation abusive d’alcool ou de drogues, reçoit peu de soutien social, vit dans la pauvreté ou a, lui-même, subi des abus durant son enfance (Clément, Tourigny, 1999 ; Lacharité, Éthier, 2007). On remarque d’ailleurs que ces facteurs de risque et bien d’autres, comme l’instabilité résidentielle, les problèmes de santé mentale, la parentalité précoce, la prostitution ou la criminalité, font partie de la réalité de nombreux jeunes en difficulté [2] ou jeunes de la rue (Mallett, Rosenthal, Keys, 2005 ; ASPC, 2006 ; Serbin, Temcheff, Cooperman, Stack, Schwartzman, 2010), notamment ceux qui deviennent parents (Gilbert, 2009). Loin d’être un phénomène isolé, la parentalité pourrait être le lot de plus du tiers de ces jeunes, malgré leur précarité socioéconomique et leurs conduites à risque (Poirier et coll., 1999 ; Haley, Denis, Roy, 2006).

2Si, au Québec, ces jeunes parents, lorsqu’ils ont la garde de leur enfant, ne peuvent plus continuer à vivre dans la rue, ils conservent néanmoins plusieurs problématiques héritées de leur mode de vie précaire antérieur : mode de vie marginal, nombreuses difficultés dans leurs démarches de réinsertion professionnelle ou scolaire, consommation abusive d’alcool et de drogues, travail du sexe, etc. Bien que les ressources destinées aux jeunes en difficulté soient nombreuses dans la région montréalaise [3], qu’en est-il des services et des programmes offerts à ces jeunes, lorsqu’ils deviennent parents ?

L’intervention et les programmes destinés aux familles en difficulté au Québec

3À partir des années 1970, au Québec, les politiques gouvernementales ont tenté de contrer les facteurs de risques liés à la maltraitance et de diminuer les conséquences de la précarité économique et sociale des familles en difficulté sur les enfants. Pour ce faire, une grande partie des programmes développés depuis cette époque ont tenté d’améliorer la qualité des conduites de ces parents par de la formation et du soutien au développement des compétences parentales. Parallèlement, plusieurs organismes communautaires, tels que les Organismes communautaires familles, ont vu le jour (Lemieux, Comeau, 2002 ; René, Soulières, Jolicœur, 2004), avec, pour vocation, le soutien ponctuel et matériel de ces familles (nourriture, fournitures pour le bébé, hébergement d’urgence, aide juridique ou sociale, etc.), parfois jumelé à un suivi éducatif ciblant, là aussi, le développement de compétences parentales. Une tendance similaire ressort des études des vingt dernières années : la majorité portent sur le développement et l’évaluation de programmes destinés à favoriser des comportements positifs et adaptés dans ces familles, par une intervention principalement axée sur le conseil, l’apprentissage de compétences parentales et, ultimement, la prise de conscience, par ces parents, des conséquences de leurs conduites délétères pour l’enfant [4]. Or, l’efficacité de ces programmes à visée éducative sur la prévention des risques d’abus et de négligence (tant dans les réseaux public que communautaire) serait mitigée. Certaines recherches mettent d’ailleurs en avant de plus importantes retombées, sur le long terme, des modèles d’intervention à volets multiples, qui prennent en compte l’ensemble des problématiques sociales et psychologiques de ces parents en difficulté dans le suivi proposé (Nelson, Laurendeau, Chamberland, 2001 ; MSSS, 2007). En outre, malgré l’ensemble de ces recherches et des services existant actuellement pour ces familles, force est de constater qu’il existe une pénurie de ressources et de programmes spécialisés pour cette clientèle au Québec (MSSS, 2004 ; Commissaire à la santé et au bien-être, 2011). En conséquence, ces parents disposent de peu de services, et ceux qui leur sont destinés répondent essentiellement à une partie des problématiques qu’ils rencontrent – la précarité matérielle et les failles au plan de la compétence parentale – délaissant, par la même occasion, les dimensions de la santé mentale et de la désaffiliation des parents en difficulté.

Complexité et précarité de la relation d’aide

4L’un des défis, dans le suivi de ces parents, a trait à la spécificité du lien qu’ils entretiennent à l’égard des intervenants et des institutions avec lesquels ils sont ou seront amenés à négocier : Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) [5], Centre local de services communautaires (CLSC) [6], etc. La relation d’aide est, ainsi, régulièrement rapportée comme conflictuelle et précaire, voire difficile à établir dans la continuité (Poirier et coll., 1999 ; Taylor, Kroll, 2004 ; Gilbert, Lussier, 2007a). La possibilité pour l’intervenant d’établir une alliance, afin de favoriser des changements dans le mode de vie de ces parents en difficulté, rencontre souvent, comme obstacles, des résistances, de l’inertie et la répétition des situations à risque pour l’enfant. En conséquence, ils se montrent souvent réfractaires aux modalités de prise en charge habituelles dans les institutions du réseau public : suivis réguliers, élaboration d’un plan d’intervention, observance des objectifs établis (Taylor, Kroll, 2004 ; Kroll, 2007 ; Forrester, McCambridge, Waissbein, Emlyn-Jones, Rollnick, 2008).

5Plusieurs caractéristiques des parents en difficulté participent à cette inertie. Par exemple, le manque de « motivation » ou l’engagement lacunaire dans les suivis, visant notamment à réduire leur consommation, sont régulièrement décrits chez ces parents (Clément, Tourigny, 1999). Parfois, leurs résistances s’expriment à travers une opposition constante aux propositions des intervenants, des comportements menaçants à leur encontre (Taylor, Kroll ; 2004, Copello, Velleman, Templeton, 2005 ; Forrester et coll., 2008) ou bien par le refus de donner, aux services sociaux, l’accès à l’enfant – par peur qu’il leur soit retiré ou d’être jugés par les aidants – en recourant à différentes stratégies : ils ne se présentent pas aux rendez-vous, ne sont pas présents lors des visites à domicile, ne répondent pas aux propositions d’intervention (Taylor, Kroll, 2004 ; Mounier, 2009). Dans certaines familles très dysfonctionnelles, la menace d’une intervention extérieure des services de protection de l’enfance peut même entraîner une rigidification des fonctionnements familiaux pathologiques, se traduisant par des défenses massives et une fermeture face à ce qui est alors perçu comme une menace au système familial établi (De Becker, Cabillau, Chapelle, 2011). En conséquence, certains invoquent l’inertie de ces parents et la répétition – souvent transgénérationnelle – des comportements maltraitants, à l’origine de sentiments d’impuissance, de sidération, de colère ou de culpabilité chez les aidants, qui conduisent parfois ceux-ci à répondre, en miroir, par le rejet de ces familles (Wats, 2005 ; Lacharité, Éthier, 2007).

6Outre la description des problématiques qui peuvent se loger dans la relation aidants-aidés, il devient nécessaire d’en comprendre les causes, pour dégager des pistes de solutions – au-delà des modèles d’intervention éducatifs limités –, à même de soutenir les aidants, eux-mêmes régulièrement démunis face à la complexité de la relation d’aide et la gravité persistante des situations familiales. Il nous est donc apparu nécessaire de resituer la relation d’aide dans la perspective plus spécifique du lien et de ses particularités, pour identifier et comprendre les enjeux qui y sont sous-jacents.

7Dans la perspective psychodynamique qui est la nôtre, nous nous sommes demandé quelles sont les principales difficultés relatives à l’établissement de la relation d’aide avec les jeunes parents en difficulté, pour, ensuite, resituer celles-ci dans les particularités de l’histoire de ces jeunes. Cette perspective nous a permis de réintroduire le mouvement (et, donc, le potentiel) intrinsèque à la notion de conflictualité psychique, et d’éviter les écueils d’un point de vue figé (ou, du moins, plus difficilement fertile pour l’intervention), centré sur des caractéristiques souvent posées d’emblée comme intrinsèques à la population à l’étude : l’inertie, la motivation déficiente, etc.

8Pour atteindre ces objectifs, nous avons choisi d’approfondir certains résultats d’une récente recherche qualitative du Groupe de recherche sur l’inscription sociale et identitaire des jeunes adultes (GRIJA), laquelle interrogeait globalement la perspective d’une équipe d’intervention du milieu communautaire (milieu associatif) sur leur travail auprès de jeunes parents en difficulté. L’analyse des modalités relationnelles qui s’expriment non seulement dans le suivi, à travers la relation parentaidant, mais également dans la sphère familiale, entre le parent et l’enfant, s’est révélée particulièrement heuristique dans l’atteinte de nos objectifs.

Méthodologie

Participants

9Les participants ont été recrutés dans le cadre d’un partenariat entre le GRIJA et l’organisme communautaire montréalais « Dans la rue », qui dessert la population des jeunes en difficulté [7] Les six intervenants impliqués dans le Service à la famille (SAF), lequel s’adresse aux parents en situation de grande précarité, ont été consultés aux fins de l’étude. Ils y occupent des fonctions différentes : intervention en première ligne, administration ou supervision clinique de l’équipe. Ils sont également issus de différents champs professionnels : criminologie, intervention en toxicomanie, travail social, psychologie. Au moment de l’étude, l’expérience des intervenants au SAF variait d’un an à douze ans, mais celle-ci était plus longue si l’on tient compte de leurs expériences antérieures dans d’autres milieux d’intervention, notamment auprès de la population des jeunes en difficulté.

Procédure

10Le matériel de recherche se compose de douze entretiens semi-directifs (d’une durée moyenne de 1h30), menés auprès de ces six intervenants, entre juin et août 2010. Ces entretiens portaient sur deux grandes thématiques : leurs représentations des jeunes parents en difficulté – soit la clientèle du service –, et la description de l’intervention proposée à ces jeunes. La méthode semi-directive a été choisie pour couvrir, de manière souple, les thèmes du schéma d’entretien, en autorisant, également, l’émergence de perspectives individuelles complexes et d’éléments inattendus (Patton, 1997). Chaque intervenant a été rencontré à deux reprises, à une semaine d’intervalle, afin d’explorer certains points qui n’avaient pas été suffisamment approfondis lors du premier entretien, ou d’autres auxquels le participant avait pu penser, suite à la première rencontre, grâce au processus d’élaboration réflexif alors amorcé. Les entretiens ont été retranscrits intégralement, afin de conserver une plus grande fidélité au discours des participants et pouvoir se référer précisément à certains extraits du compte rendu mot à mot.

11Par ailleurs, deux groupes centrés (Krueger, Casey, 2000), à quatre mois d’intervalle, furent l’occasion de présenter les résultats préliminaires aux intervenants qui avaient participé aux entretiens individuels. Un ordre du jour, sur les principaux thèmes qui allaient être abordés, était communiqué à tous les participants, la semaine précédant la tenue du groupe centré, dans l’objectif d’amorcer, à l’avance, un travail de réflexion chez les intervenants, en stimulant leur curiosité et l’émergence de questionnements.

Analyse

12Une analyse thématique exhaustive du contenu des entrevues (Paillé, Mucchielli, 2012) a d’abord été effectuée pour dresser un portrait, le plus complet possible, des différentes facettes du travail des intervenants. Le travail de codification continue, appuyé par le logiciel NVivo7, a généré 77 thèmes et 128 sous-thèmes. La première entrevue a été analysée conjointement par trois assistants de recherche et la chercheure principale de l’étude, afin de parvenir à un consensus analytique sur les thèmes émergents (Anadón, Guillemette, 2007) [8]. Dans un deuxième temps, la construction d’une grille thématique (Ritchie, Spencer, O’Connor, 2003) a facilité la classification de ces thèmes sous une forme hiérarchique (voir tableau 1 en annexe). Des rencontres régulières de l’équipe de recherche, à différentes étapes de l’analyse, ont permis d’ajuster continuellement cette grille et de valider le processus de codification des assistants de recherche, toujours dans cette démarche consensuelle. Dans une visée de triangulation, les discussions soulevées durant les groupes centrés ont permis de valider et, le cas échéant, d’ajuster notre interprétation du matériel de recherche à partir des réactions des intervenants, puis d’enrichir notre compréhension de ces données par leurs commentaires (Maxwell, 2005). Dans un second temps, l’ensemble des thèmes se rapportant à la dimension du lien dans le suivi ont été sélectionnés, synthétisés et articulés afin d’offrir une compréhension approfondie des modalités relationnelles de ces jeunes parents et de leurs répercussions sur le suivi psychosocial.

Résultats

13L’analyse des résultats révèle que les intervenants sont confrontés à certains paradoxes dans la relation d’aide (partie 1 des résultats), qui semblent, à des degrés variables, rappeler les modalités relationnelles et d’investissement que le parent entretient avec son enfant (partie 2). Ces mouvements actuels dans le lien interpellent l’intervenant et résonnent pour lui, lorsque se dévoilent, dans le suivi, les aléas relationnels et affectifs qui ont marqué l’histoire précoce de ces jeunes (partie 3).

Principales modalités de la relation d’aide

14Deux caractéristiques de la relation d’aide apparaissent fondamentales pour comprendre ce qui complexifie le rapport établi avec les jeunes parents en difficulté : la forme singulière de la demande adressée aux intervenants, de même que la qualité des investissements dont ils sont l’objet, de la part du parent.

Au-delà de l’instabilité du lien, des relations particulièrement investies

15La notion d’instabilité du lien revient de façon récurrente, dans les propos des intervenants, pour définir l’aspect formel de la relation d’aide s’exprimant par diverses expressions : « cassure du lien », « couper les ponts », etc. Ces formulations désignent non seulement le caractère brutal, mais également la dimension imprévisible des réactions de ces jeunes parents, pouvant aboutir à la rupture définitive du suivi. Une des causes invoquées se rapporte à la méfiance de ces parents envers les aidants et les institutions dont ils perçoivent, à certains moments, les interventions comme menaçantes. Ils peuvent manifester une grande réactivité aux commentaires et suggestions des intervenants (quant à leurs conduites envers l’enfant, par exemple), lesquels sont interprétés comme autant de tentatives pour les rabaisser, les contrôler ou les mettre en échec. En contrecoup, les parents peuvent se considérer comme n’ayant besoin d’aucune aide et pouvant gérer seuls les difficultés multiples qu’ils rencontrent.

16Du reste, ce mode relationnel contraste, à d’autres moments, avec les manifestations d’un investissement affectif massif des intervenants, lorsque, par exemple, de jeunes parents expriment le désir que ceux-ci occupent la place d’un ami, d’un parent : « Parfois ils nous invitent à leur mariage » (Dominique) [9] ; « Rapidement, ils aimeraient bien que l’on devienne leurs amis » (Claudia). Avec certains jeunes, la distance professionnelle peut se révéler difficile à maintenir, confrontés que sont les intervenants à des attentes affectives qui « débordent » le cadre de l’intervention.

17La relation entre intervenants et parents est ainsi appelée à osciller au gré des frustrations du jeune, de sa méfiance ou, à l’inverse, de son désir de proximité ou de reconnaissance. À travers ces qualités paradoxales du lien, les parents mettraient à l’épreuve la fiabilité de celui-ci : ils « testent » la relation de confiance, afin, semble-t-il, de vérifier si les intervenants sont à même de les aimer, malgré leurs conduites à risque et l’agressivité qu’ils leur témoignent parfois.

La tolérance comme posture nécessaire à l’émergence d’une demande autre

18La formulation d’une demande d’aide explicite constitue un défi substantiel dans le travail auprès de cette population. Les intervenants rapportent, ainsi, leurs difficultés à faire émerger une telle demande chez ces parents, ce qui contraste d’ailleurs avec la gravité objective des problématiques psychosociales auxquelles ces jeunes sont régulièrement confrontés dans leur quotidien : la violence conjugale, la consommation, les problèmes développementaux de leur enfant, leur situation financière, etc. Ce paradoxe, Marie l’exprime en rapportant que cette clientèle les oblige souvent à travailler avec un degré « zéro » de demande ; les jeunes affichant davantage, par leurs conduites, une certaine passivité, voire de l’inertie, ce qui donne à penser qu’ils demeurent dans l’attente d’être secouru. Si une demande est formulée aux intervenants, celle-ci est, le plus souvent, exprimée de façon précipitée ou dans l’urgence, et prend davantage la forme d’exigences et de revendications qui portent sur des besoins matériels pour assurer leur subsistance.

19La capacité à tolérer l’impuissance face à la passivité de ces jeunes et aux aléas d’un suivi ponctué de ruptures et de reprises de la relation, est rapportée comme essentielle. Cette position dans l’intervention apparait nécessaire pour voir émerger un second niveau de demande sur le long terme, au-delà des requêtes matérielles formulées dans l’urgence. De même, les progrès du jeune dans les différentes sphères de sa vie et, en particulier, dans les dynamiques intrafamiliales, semblent difficilement pouvoir être pensés autrement qu’à partir d’une relation de confiance établie sur plusieurs années.

20D’un autre côté, la possible continuité du suivi et l’évolution de la nature de la demande apparaissent, en partie, liées à la capacité des intervenants de « porter » la demande du jeune. Autrement dit, l’intervenant doit accepter d’être celui qui (sup)porte la demande pour le jeune, sur une période pouvant atteindre plusieurs années, jusqu’à ce que celui-ci puisse, un jour, être en mesure de reconnaître le désir de changement comme émanant de lui, se le réapproprier et être à même de l’adresser à son tour : « Ils vont s’ouvrir sur ce qu’ils vivent vraiment, avec l’enfant. Ça peut être pendant un an, un an et demi des rencontres un peu sporadiques » (Anne) ; « Notre travail, c’est de stimuler la demande, stimuler le désir de changer » (Marie).

21Cette capacité de tolérer l’attente est également inéluctable pour la viabilité du suivi, malgré l’espoir, pour tout intervenant, que survienne une évolution positive et rapide dans les conduites parentales du jeune. En effet, imposer des changements que le parent juge trop radicaux peut occasionner une rupture du lien, mettant les intervenants dans une position délicate où ils se retrouvent démunis, n’ayant d’autres moyens à leur disposition que celui d’effectuer un signalement à la DPJ.

Le mythe de l’enfant sauveur : entre espoir et désillusion

22Parallèlement aux mouvements relatifs à l’évolution de la relation d’aide, nos résultats ont révélé une possible inversion au sein de la progression de l’investissement de l’enfant par les jeunes parents en difficulté.

L’espoir d’une rupture avec un passé en souffrance

23Plusieurs parents nourrissent l’espoir que la venue de l’enfant occasionne des changements radicaux dans leur vie antérieure de marginalité, de précarité et de souffrance : cet enfant leur permettra de faire table rase du passé, de « prendre un nouveau départ ». Cet enfant sauveur serait également porteur d’un espoir de réparation de souffrances affectives vécues dans leur propre histoire familiale : il leur fournira l’amour « inconditionnel » qu’ils n’ont « jamais reçu », leur offrira l’opportunité d’un rapprochement et d’une réconciliation avec leur propre parent. Par ces différentes modalités d’investissement, l’enfant devient alors le support de véritables « fantasmes » de changements et d’un renouveau : « Elles sont dans l’illusion que ce bébé-là va tout changer dans leur vie, […] qu’à partir du moment où elles vont accoucher, il n’y aura plus de consommation parce que cet enfant-là ça va être un peu le sauveur qui va les empêcher de consommer, qui va leur donner tout l’amour qu’elles n’ont jamais reçu » (Anne). À un niveau plus pragmatique, pour certains parents, l’enfant représenterait la possibilité d’obtenir un soutien de la part de leurs proches ou des institutions. Au plan social également, il leur offrirait l’opportunité de recevoir une forme de reconnaissance, un « statut », autrement dit une affiliation par l’accession à cette fonction de parent.

De l’utopie au désenchantement

24Durant les premiers mois qui suivent la naissance, les rapports parent-enfant sont souvent a-conflictuels, ces jeunes connaissant généralement une période d’euphorie, accompagnée d’une restriction de leur consommation. Néanmoins, lorsque l’enfant commence à devenir autonome et à affirmer sa propre individualité, certains parents sont envahis par un sentiment d’abandon, qu’Anne décrit en ces termes : « Quand l’enfant commence à vouloir explorer, là, ça devient problématique. Parce que les parents se sentent rejetés, [ils auront] de la misère à le laisser aller. » Dans certains cas, l’euphorie, l’espoir et la fusion des premiers temps suivant la naissance feront place au « désenchantement », au risque d’évoluer vers le rejet affectif et la négligence de l’enfant. Émerge alors le sentiment, pour le parent, que l’enfant deviendrait un frein ou un « obstacle » à ses désirs, ses projets ou son mode de vie ; la limitation des sorties nocturnes, de la consommation de drogue, etc., sera alors source de frustration. Ce mouvement de désidéalisation, chez plusieurs de ces jeunes parents, interroge donc, en particulier, au regard de son caractère brutal et du discours associé à cette épreuve de séparation. Comme en témoigne Anne : « ils vont se sentir […] hyper rejetés, abandonnés ». Lorsque l’enfant manifestera plus clairement son désir d’autonomisation, ces parents seront amenés à l’abandonner, telle une réponse en miroir : « fais ce que tu veux ! » (Anne).

25Du reste, la période d’euphorie et d’illusion peut, à l’inverse, se maintenir au détriment d’un regard critique du parent sur le développement de l’enfant ; ainsi, des retards de développement ou des troubles de l’attachement peuvent passer inaperçus. On constate alors la persistance d’un discours selon lequel tout va bien, malgré des indices tangibles des difficultés développementales de l’enfant.

26Il existerait donc, chez plusieurs de ces jeunes, une importante conflictualité entre leurs attentes, au plan affectif notamment, et les besoins développementaux et affectifs de leur enfant. Ces deux figurations (le rejet ou le déni) constituent alors un voile, par les enjeux parentaux, des besoins infantiles. Du reste, sensibles à ce renversement possible du lien affectif ou à ce déni parental, les intervenants proposent aux parents un suivi plus régulier durant les premiers mois suivant la naissance.

Mouvements dans l’investissement et enjeux de répétition

27Les différentes observations relatives à la relation parent-enfant mettent en évidence une possible bascule entre l’investissement massif et le rejet, qui rappelle la dynamique relationnelle parent-intervenant. Compte tenu de l’impact de cette dynamique sur la continuité du suivi et l’atteinte de ses objectifs, il apparaît important d’approfondir ce mode relationnel au regard de son ancrage dans une conflictualité psychique : un point de souffrance qui minerait la trajectoire parentale actuelle de ces jeunes (figure 1).

Figure 1

Deux dyades au désir convergeant

Figure 1

Deux dyades au désir convergeant

Dans la dyade parent-enfant, l’intense désir de rapprochement, de reconnaissance et d’être aimé apparaît pallier le manque, le vide, dans une perspective de réparation. Dans un mouvement quasi symétrique, la désillusion et la frustration semblent concourir au rejet exprimé par le parent envers l’enfant ou l’intervenant.

28La récurrence de ces schèmes relationnels, selon l’expérience des intervenants auprès des familles en difficulté, pose question quant à sa signification et son origine.

Une répétition du passé dans l’aspect formel du lien

29En fait, le parallèle entre l’intervention et l’histoire des jeunes parents est esquissé par les aidants. Selon eux, la discontinuité dans la relation d’aide prendrait un sens par rapport à « l’instabilité » du lien qui a ponctué le passé familial (abandon, négligence, maltraitance) [10] et institutionnel (placements en centres ou en familles d’accueil) de ces parents [11]. Les aléas de la relation d’aide actuelle renverraient ainsi aux expériences de précarité du lien dans la famille d’origine, comme dans les différents milieux d’accueil ultérieurs. Qu’il s’agisse d’intervenants ou de substituts parentaux, certains jeunes n’ont jamais ressenti que les liens étaient investis par l’autre et potentiellement durables. Pascal rapporte ainsi : « Ils n’ont pas toujours eu des bonnes expériences en centres jeunesse, parfois ces jeunes n’ont […] jamais créé de liens assez importants avec un intervenant pour qu’ils sentent qu’il y a quelqu’un qui travaille pour eux. » D’ailleurs, la souffrance associée à la fragilité des liens dans leur passé semble avoir profondément inscrit une logique de répétition dans leurs quêtes actuelles, visant à obtenir une compensation affective de ce qui leur a été refusé : « C’est des jeunes qui sont très carencés. [Ils] vont être beaucoup dans la recherche de l’appréciation de l’autre, de l’acceptation de l’autre, de l’amour de l’autre » (Anne).

30Certaines parcelles de leur récent parcours, comme le choix des amis (toxicomanes), des conjoints (violents, abuseurs potentiels) et les grossesses répétées, sous-tendent également l’hypothèse d’une dynamique de répétition – et de réparation – difficilement accessible à l’intervention. Par exemple, Anne fait le constat que, malgré l’intervention éducative proposée à ces parents, incluant notamment la contraception, la répétition des naissances dans un milieu à risque, puis des placements, semble échapper à des prises de conscience qui amèneraient les jeunes à se stabiliser minimalement, avant d’envisager une prochaine grossesse : « Ils ont un enfant, il y a de la négligence, la DPJ embarque dans [leur vie] souvent à la naissance, l’enfant est placé, le parent […] s’investit plus ou moins dans ce que la DPJ va demander […]. Puis rapidement, [ces mères] vont retomber enceintes. […] Puis la roue peut tourner comme ça environ quatre, cinq fois. […] C’est quelque chose qu’on peut voir quand même régulièrement. »

31Il convient d’ajouter que l’expérience de leur placement demeure énigmatique pour certains parents. Ils n’en comprennent pas toujours les causes et, s’ils sont en mesure aujourd’hui de relater rationnellement les raisons de leur retrait du domicile familial, ces explications ne semblent pas signifiantes, ni même apporter un soulagement de la souffrance associée à cet évènement dans l’après-coup. Face à l’absence, à cette époque, d’une explication qui aurait pu faire sens, il semble que pour certains de ces parents un prégnant sentiment d’injustice perdure, avec, comme conséquence, la conviction que la DPJ peut, aujourd’hui, leur retirer leur enfant sans motif légitime. Selon les intervenants, il en découlerait un rapport profondément ambivalent, voire, pour certains jeunes, un sentiment de persécution à l’encontre des instances légales. De plus, les évènements potentiellement traumatiques, parfois très précoces, comme les abus, la maltraitance ou l’abandon, pourraient renforcer cette « méfiance » plus ou moins généralisée à l’encontre des aidants (Aviles, Helfrich, 2004 ; Collins, Baker, 2009). De fait, pour certains parents l’impression est récurrente que l’autre désire voler leur enfant, le maltraiter ou en abuser. La moindre tentative des intervenants, pour soutenir les jeunes dans leurs tâches parentales, peut alors susciter l’agressivité, un sentiment de persécution et des accusations. Ainsi, le sentiment de ne jamais avoir pu compter sur l’autre dans leur passé pourrait alimenter aujourd’hui cette méfiance envers les institutions et les aidants (figure 2).

Figure 2

Répercussions de l’histoire sur les dynamiques relationnelles sous-jacentes aux dyades

Figure 2

Répercussions de l’histoire sur les dynamiques relationnelles sous-jacentes aux dyades

Les diverses configurations du lien aux intervenants et à l’enfant seraient donc à interroger au regard du passé de ces parents. Si la relation d’aide et la dynamique parent-enfant constituent des enjeux actuels dans l’intervention, ils apparaissent également porteurs d’un héritage : une signification souvent traumatique et une souffrance muette à entendre.

Discussion

32À travers nos résultats, certains paradoxes de l’investissement des liens parent-intervenant et parent-enfant ont été mis en évidence. Néanmoins, ces dimensions relationnelles constituent-elles nécessairement des obstacles à l’intervention ? Ne pourraient-elles pas, au contraire, désigner le lieu – certes conflictuel – d’une intervention fertile ? Dans cette optique, le cadre d’intervention auprès de ces familles pourrait devenir un espace potentiel d’émergence, mais d’abord d’écoute, pour qu’un travail devienne possible autour des points restés en souffrance dans le passé relationnel de ces parents. Cette hypothèse découle de la confrontation de nos résultats avec une perspective théorique psychanalytique, par laquelle une compréhension de ces schèmes relationnels problématiques peut être proposée, afin d’éclairer la signification de leur répétition dans le cadre familial comme dans la relation d’aide, et de cerner des possibles au niveau de l’intervention, au-delà des impasses apparentes.

L’agir dans le lien comme adresse à l’autre

33Les propos des intervenants incitent à penser que le lien à l’autre, chez les jeunes parents en difficulté, se déploie régulièrement selon deux polarités : le rapprochement affectif excessif et, à l’inverse, le rejet plus ou moins actif de l’autre. Dans la relation d’aide, la transgression des limites du cadre d’intervention dans une quête de reconnaissance, d’amour ou d’intimité, contraste à d’autres moments avec la rupture parfois brutale du lien, sous-tendue par de la méfiance, voire des enjeux narcissiques comme un sentiment d’autosuffisance, la crainte d’être contrôlé, rendu dépendant ou rabaissé par l’autre. Selon la compréhension qu’en ont les intervenants, ces aléas de la relation d’aide traduiraient la souffrance, encore actuelle, de traumatismes relationnels précoces de ces jeunes avec leurs propres parents. Nier les limites de la relation professionnelle par la recherche active d’un rapprochement ou rompre le suivi abruptement, lors de frustrations vécues comme un désaveu affectif, témoigneraient d’une souffrance infantile enfouie, prête à ressurgir dans le cadre d’une relation particulièrement investie au plan transférentiel, telle que celle instaurée par le SAF. Mais quelles fonctions psychiques remplissent ces mouvements extrêmes de rapprochement ou de cassure dans le lien pour ces jeunes parents en difficulté ?

34Le concept psychanalytique d’agir[12] autorise l’abord de cette question sous un angle fertile pour l’intervention, divergeant de l’impasse suscitée par la rupture du lien. Effectivement, nos résultats sous-tendent l’hypothèse que l’intervenant devient parfois le support du transfert agi (Freud, 1914a) de la part du jeune, soit la reproduction actuelle et inconsciente de certains vécus infantiles dans le lien à leur propre parent – déception affective ou détresse abandonnique notamment – à travers des positionnements dans le lien d’intervention (le rapprochement ou le rejet), qui sont peut-être à entendre dans leurs aspirations réparatrices ou défensives relatives au vécu infantile.

35Selon Claude Balier (2007), le recours à l’acte peut représenter une manifestation de toute-puissance du sujet face à un objet externe, susceptible de réveiller un traumatisme irreprésentable qui alimente une menace d’anéantissement. Nous pouvons donc inférer que les agirs de ces jeunes parents, qui convergent vers une fragilisation de la relation d’aide [13], peuvent traduire un désir de maîtriser et de mettre à l’écart l’angoisse associée au retour possible à la conscience d’expériences douloureuses au plan affectif, survenues très précocement dans le lien à leur propre parent.

36Le recours à l’acte aurait également la fonction de court-circuiter l’activité de représentation du traumatisme (Raoult, 2006). De fait, le travail d’élaboration de ces vécus douloureux semblerait annulé par l’agir du jeune, dès lors que la relation d’aide s’en trouve fragilisée. Aussi, en conséquence de ce désinvestissement relationnel, l’amélioration des situations familiales est mise en péril et les intervenants sont interpellés par une demande d’aide dans l’urgence, axée sur les besoins matériels – donc une demande hors lien qui met en échec toute tentative de travail à plus long terme. Cette hypothèse d’un évitement du travail d’élaboration est supportée par le constat, chez plusieurs de ces jeunes, que leurs actes et la répétition de ceux-ci semblent échapper à leur conscience ou, tout du moins, qu’ils font l’économie de toute interrogation sur leur signification.

37Pourtant, l’agir peut également être analysé comme un matériau clinique riche et signifiant, et non plus uniquement comme des impasses dans l’intervention, notamment chez les populations particulièrement désaffiliées, telles que les jeunes en très grande difficulté ou les personnes itinérantes, marquées par un parcours historique ponctué de traumatismes multiples (Poirier et coll., 1999 ; Lussier, 2007 ; Pinel, 2011). Le recours à l’acte invite alors, celui qui le reçoit, à l’analyser comme un « message potentiel », relatif à un vécu traumatique jusqu’ici condamné au silence (Pinel, 2011, p. 18). À l’inverse de ses fonctions évoquées précédemment, l’agir constitue ici une ouverture pour l’intervention en tant que vecteur d’un message, d’une vérité pour le sujet, souvent traumatique, qui ne peut se vivre et s’exprimer en mots (Lacan, 1962). Il doit alors être entendu comme une « façon de dire et de signifier », l’« actesigne » (Lussier, 2007, p. 135) d’un vécu innommable, dans l’attente d’être enfin déchiffré par un autre disposé à l’entendre.

38Les agirs des jeunes en difficulté, s’exprimant dans cette double polarité du lien – surinvestissement ou désinvestissement –, pourraient être entendus comme une forme d’appel à un « destinataire-répondant » (Pinel, 2011, p. 18) et donneraient donc à voir ce qui ne parvient pas à s’exprimer, soit pour la majorité d’entre eux, une souffrance encore actuelle, ancrée dans des expériences précoces et répétées de précarité des liens affectifs et, parfois même, de menace à l’intégrité.

39L’un des principaux enjeux du travail auprès de ces parents en difficulté se jouerait ainsi autour d’un autre paradoxe, fondé, celui-ci, autour d’une double lecture de l’agir inscrit dans la relation transférentielle ; d’une part, en tant que tentative de maîtrise et de contournement de l’élaboration psychique d’expériences douloureuses infantiles et, d’autre part, comme reflet du désir de voir sa souffrance entendue et interprétée par l’intervenant. Au-delà d’une première lecture de l’attitude des jeunes, comme opposition récurrente à l’établissement durable de la relation d’aide, la disposition à accueillir et à entendre les agirs comme porteurs d’un sens à traduire dans le maintien, parfois houleux, de la relation d’aide, favoriserait l’émergence de pistes cliniques prometteuses pour le suivi de ces jeunes.

Des intervenants interprètes des paradoxes de la demande

40Si la conflictualité de la relation d’aide prend, dorénavant, une tout autre consistance – en référence à ses ancrages intrapsychiques et sa résonnance affective –, la question de savoir comment répondre aux requêtes des jeunes demeure entière. En psychanalyse, l’expression du besoin et la formulation de la demande renvoient à des registres différents dans l’adresse à l’autre (Lacan, 1966) : derrière l’expression du besoin, comme les requêtes matérielles dans le cas des jeunes en difficulté, se cacherait bien souvent un autre niveau de demande, celui-là de nature inconsciente. Cette demande déguisée pourrait être l’expression de désirs déniés et refoulés, renvoyant à des enjeux tant affectifs qu’identitaires : être aimé, avoir une place, être reconnu, compter pour l’autre et obtenir son appréciation, etc., nombre de formulations qui ne sont pas sans rappeler ce que les intervenants traduisent, à partir de l’attitude des jeunes parents à leur égard (Gilbert, Lussier, 2007b). Comme mentionné plus haut, souvent l’agir subsiste comme voie préférentielle d’expression de ces désirs, au détriment du langage, car ceux-ci demeurent trop fortement associés à des expériences passées, dont la précocité et/ou l’ampleur de l’atteinte affective, au-delà du représentable, est encore agissante chez le sujet. Dans ce contexte, la demande matérielle ou dans l’urgence redoublerait le paradoxe intrinsèque à l’agir : à la fois, fuite de la relation d’aide investie et véhicule d’un désir inconscient fondamental au niveau affectif.

41De manière analogue, les requêtes matérielles des jeunes voileraient, dans certains cas, des attentes affectives d’un autre ordre. Refuser de répondre à ces requêtes pourrait, dès lors, être l’équivalent, pour certains parents, d’un désaveu et éventuellement justifier la rupture de la relation d’aide, afin de rechercher perpétuellement dans d’autres lieux – entendons ici d’autres institutions ou organismes – ce qui leur est refusé. Néanmoins, répondre au besoin évoqué par le jeune parent risque de mettre en échec le désir sous-jacent, au plan de la dynamique et du potentiel créatif de celui-ci, en court-circuitant l’émergence de la signification qu’il recouvre (Chébeaux, 2011). Bien que le soutien matériel soit une composante essentielle des services offerts aux familles en grande difficulté, l’intervention ne saurait se réduire à cette dimension, sous peine d’encourager une certaine inertie se déclinant à deux niveaux : au plan social, en minant l’action et la responsabilisation et, au plan psychique, en entravant la pensée et l’élaboration d’une demande. Il s’agirait donc, pour les intervenants engagés auprès de jeunes parents en difficulté, non seulement de ne pas se laisser leurrer ou décourager par le niveau concret de certaines demandes des jeunes, mais également d’introduire un décalage dans la réponse à leurs requêtes matérielles. En effet, seule une réponse partielle, de par le manque (re)créé [14], auquel est confronté le jeune, recèle le germe d’une ouverture au registre de la castration au plan symbolique. À terme, ce décalage créerait un espace de potentialités dans une intervention auparavant limitée et trop souvent circulaire, un espace duquel émergeront peut-être de nouvelles avenues pour les aidants :

  • dialectiser et analyser autrement les multiples niveaux de demandes formulées par ces jeunes pour adapter la nature de la réponse à celles-ci ;
  • remettre en chantier certains enjeux sous-jacents aux demandes récurrentes – affectives ou de l’ordre du besoin à combler dans l’urgence – et parfois agies, incluant les questions entourant la filiation, les expériences à connotation traumatique, etc. ;
  • ouvrir à d’autres scénarios possibles pour l’avenir, au-delà du cynisme et du fatalisme d’une répétition inexorable (Poirier et coll., 1999 ; Pinel, 2011), relative au maintien du modèle besoin-satisfaction.

Enfant déchu : l’angoisse du retour d’un passé en souffrance

42Un autre enjeu du suivi rapporté concerne le passage fréquent d’un état d’euphorie transitoire, chez le nouveau parent, à la désidéalisation progressive de l’enfant, lorsque ce dernier se révèle, en grandissant, incapable de combler les attentes dont il se trouvait investi. Si la projection des aspirations narcissiques parentales s’inscrit dans un processus normal d’investissement de l’enfant (Freud, 1914b ; Bydlowski, 1978), de même que la désillusion progressive (Winnicott, 1971), la chute vertigineuse de cet enfant imaginaire, fantasmatique, semble conduire à des destins pathologiques particuliers : des comportements de rejet et de négligence ou bien le déni des difficultés familiales, dont les conséquences catastrophiques, tant sur les modalités de l’attachement que sur le développement psychoaffectif et cognitif de l’enfant, sont prévisibles (Bonneville, 2010 ; Tchernicheff, 2011).

43Chez les jeunes parents en difficulté, la déconstruction massive de l’enfant imaginaire, issue de la brusque révélation, pour le jeune, de l’impossible adéquation entre son enfant réel et ses propres aspirations réparatrices, seraient fondées sur la teneur et l’ampleur des attentes affectives portées par l’enfant (Gilbert, à paraître). Les attitudes de rejet et de déni, mentionnées plus haut, pourraient être comprises comme des positions défensives du parent : d’une part, le rejet de l’enfant s’opposerait au vécu abandonnique du parent confronté à l’autonomisation de l’enfant, dans une répétition d’un sentiment d’abandon encore actuel, hérité de l’enfance et, d’autre part, le déni des problématiques familiales et même des aléas développementaux de l’enfant viendrait pallier le sentiment d’être un mauvais parent, contraint de répéter, telle une malédiction, les dysfonctionnements de la famille d’origine (Poirier et coll., 1999).

44Comment imaginer une intervention qui puisse atténuer l’impact de cette déconstruction nécessaire de l’enfant imaginaire, si une remise en chantier des enjeux conflictuels de l’enfance de ces jeunes – notamment, ceux relatifs au travail du deuil – n’est pas opérée ? De fait, les trois points saillants de l’intervention, ici conceptualisés – 1o agir signifiant, 2o second niveau de la demande et 3o confrontation à une histoire en souffrance – convergent vers la prise en compte des enjeux psychiques sous-jacents aux problématiques dans l’établissement de la relation d’aide comme dans le maintien de l’investissement du lien parent-enfant. Si la psychanalyse apparaît éclairante pour comprendre certains de ces enjeux, il n’en demeure pas moins que des outils doivent être développés pour être en mesure d’intégrer ce niveau d’intervention (psychique) à un service communautaire. Certains éléments de l’intervention, développés d’ailleurs par le SAF, semblent constituer des bases solides dans ce sens.

L’intervention de proximité et la supervision

45Différentes perspectives d’intervention paraissent prometteuses dans l’accompagnement de ces familles. Par exemple, certains modèles prônent le travail de proximité, à travers une intervention à domicile où l’aidant demeure constamment attentif aux besoins formulés par le parent et à l’évaluation des situations familiales (Lagarde et coll., 2011). D’ailleurs, le SAF a su démontrer qu’un travail de proximité, en particulier dans les premiers mois suivant la naissance, tend à diminuer les risques de négligence. Un autre avantage de l’intervention de proximité est qu’elle aide à évaluer plus finement la nature de la demande du parent et à y adapter les visées de l’intervention. Cela permet d’éviter, entre autres, d’alimenter chez les parents un sentiment d’ingérence trop important de la part des aidants (Lagarde et coll., 2011), à même de déclencher une rupture du lien et la fermeture de la famille à toute intervention. En effet, l’activisme des intervenants et leur désir d’améliorer, voire de corriger les situations familiales – incluant une intervention éducative directement axée sur les comportements des parents, ou encore, le désir de guérir ceux-ci de leurs « traumatismes », etc. – peuvent entraîner la fuite des parents ou l’enlisement du suivi (De Becker et coll., 2011). Du reste, il apparaît impossible de conserver une attitude de respect absolu des besoins exprimés et des limites posées par les parents en difficulté, ne serait-ce que parce que, régulièrement, les intervenants sont confrontés à la détérioration de l’état de l’enfant et à l’obligation légale de faire un signalement aux services de protection de l’enfance. Néanmoins, l’intervention de proximité pourrait bien constituer un fondement inévitable pour construire cette relation de confiance et d’intimité balisée, le cadre d’une intervention plus en profondeur, axée sur les désirs camouflés derrière les agirs et les besoins récurrents.

46Une autre stratégie nous est apparue particulièrement pertinente, au regard des mouvements relationnels transférentiels et des agirs intrinsèques à la relation d’aide établie auprès de cette population. En effet, l’attitude de ces jeunes, parfois teintée d’agressivité, pourra provoquer chez l’aidant une intervention agie – régulièrement sous forme de rejet – en miroir de l’attitude du jeune, et sous-tendue par un sentiment d’impuissance ou la sidération (Wats, 2005). Dans ce contexte, l’éthique professionnelle semble dicter la tolérance à un certain « malaise flottant » entre ces deux positions extrêmes dans l’intervention : du laisser-aller à l’emprise (Morvan, 2003, p. 106). Ce malaise nécessaire implique la possibilité, pour l’intervenant, de se distancier suffisamment des affects pénibles qu’il vit auprès de ces familles et, dans cette visée, la supervision représente un outil indispensable. Cet outil, tout-à-fait intégré au cadre d’intervention du SAF, permet de soutenir, chez les intervenants, la compréhension des enjeux psychiques sous-jacents aux défis posés par cette population, notamment la tolérance à l’ambivalence de la relation, aux agirs, à l’apparente inertie, et à une parentalité défaillante. Dans le cadre du SAF, la supervision hebdomadaire autorise la mise à jour, puis la distanciation des ressentis contre-transférentiels suscités par les familles desservies, tout en soutenant les impressions cliniques, les évaluations et l’orientation des choix d’intervention des aidants. De même que le travail de proximité, la supervision comme partie intégrante de la démarche du SAF, apparaît fondamentale pour cibler, dans l’intervention, un autre niveau de la problématique présentée par ces jeunes. De fait, cet espace de réflexivité pourrait soutenir l’adoption difficile, et toujours à repenser, d’une attitude professionnelle apte à maintenir un équilibre entre la satisfaction, dans l’urgence, des besoins matériels exprimés par les jeunes, et le désir persistant, voilé par cette exigence posée au premier plan, afin qu’une réponse, à la fois inventive et féconde, émerge de la part des intervenants.

47Il est cependant étonnant de constater qu’au Québec la pratique de la supervision demeure peu systématisée, bien que ce manque soit rapporté dans plusieurs institutions étatiques ou du réseau communautaire œuvrant auprès des familles en difficulté (Centre jeunesse de Montréal-IU, 2011). Des progrès demeurent donc à accomplir, pour soutenir les aidants dans une démarche réflexive et une intervention adaptée, pour accompagner des changements sur le long terme auprès de ces familles en difficulté.

Conclusion

48En approfondissant certains résultats d’une recherche qualitative récente, menée dans un service d’intervention communautaire desservant les jeunes parents en difficulté, nos analyses ont permis de mieux cerner les enjeux sous-jacents aux paradoxes du lien, qui se logent dans la relation d’aide, initiée auprès de cette population, de même que dans le lien que les parents en difficulté entretiennent à l’égard de leur enfant. La théorie psychanalytique s’est révélée fertile afin d’offrir un éclairage propice à l’interprétation des différentes significations possibles de ces enjeux relationnels sur une autre scène, inconsciente : un agir signifiant à entendre, un second niveau de la demande en attente d’être accueilli, la réminiscence d’une histoire en souffrance télescopée dans le rapport à l’enfant. Toutefois, si la théorie psychanalytique offre une compréhension de ces enjeux cliniques qui dépasse un niveau descriptif (Taylor, Kroll, 2004), son apport représente aussi une limite, autant au plan de l’intervention en milieu communautaire qu’auprès de cette population : la formation des intervenants, le cadre de l’intervention communautaire, les aléas de la demande ou de la disponibilité des jeunes parents ne sont que quelques-uns des obstacles à la possibilité d’une perspective psychanalytique dans ce contexte clinique. Néanmoins, puisque le travail en profondeur se révèle indispensable pour éviter ou rompre la circularité dans les problématiques des jeunes, comme dans l’intervention, il semble que certains outils devraient être davantage diffusés dans les milieux d’intervention spécialisés, notamment le travail de proximité (comme les suivis à domicile) et la supervision. Dans une perspective plus spécifique à la clientèle, chez certains jeunes en difficulté, pour qui la venue de l’enfant constituerait un moment de prédilection pour l’actualisation de conflits inconscients restés en souffrance dans la génération précédente, l’exploration de la donne générationnelle (Kaës, 1997 ; Carel, 1997 ; Guyotat, 2005) se révèle également une avenue pertinente pour le développement de pratiques novatrices destinées à l’intervention, comme en témoignent nos recherches actuelles (Gilbert, 2009 ; Gilbert, à paraître).

Annexe

Tableau 1

Grille d’analyse thématique. Seuls les deux premiers niveaux de thèmes sont rapportés afin de conserver la structure générale de la grille. Pour les niveaux inférieurs, seuls ceux qui ont été repris dans la section « Résultats » sont présentés ici

Tableau 1
RUBRIQUES ET THÈMES Enjeux spécifiques posés par la clientèle • Hétérogénéité et constances dans les problématiques rencontrées – Des jeunes avec un passé difficile La naissance de l’enfant réveille des expériences infantiles douloureuses pour le parent – Des jeunes dans une exclusion perpétuelle des lieux institutionnalisés Des jeunes qui mettent à l’épreuve la fiabilité du lien à l’autre Une méfiance systématique envers l’autre • La spécificité de la demande – Origines multiples de la demande – La demande prend plusieurs formes Absence initiale de demande Ambivalence de la demande – Soutenir la demande • Désirs et motivations de travailler auprès de cette clientèle Parentalité • Aspects de la parentalité chez ces jeunes – Rapports entre enfants et parents Difficultés des parents à différencier leurs besoins de ceux de l’enfant Difficultés à adapter son rythme à celui de l’enfant Des parents absorbés par leurs propres difficultés au détriment de l’enfant • Place et fonction de l’enfant : entre désir de s’en sortir et symptôme – Mythe de l’enfant sauveur Mouvement de désidéalisation – Désir de réparation par la grossesse ? • Soutenir un passage de la parenté à la parentalité • Prise en compte de la famille élargie Intervention • Enjeux et principes de l’intervention – Continuité et discontinuité du lien Devenir le lieu d’une parole possible Le lien de confiance comme levier dans l’intervention Précarité et complexité du lien de confiance Irritabilité de certaines jeunes face à l’intrusion des intervenants Rupture du lien Mouvements perpétuels de présence et d’absence du jeune – Intervenir en fonction des craintes des parents face aux institutions Manifestations des craintes Réactualisation d’expériences douloureuses du passé L’accent porté sur l’écoute/la parole Difficulté de mettre en mots l’éprouvé chez ces jeunes Demeurer un lieu d’accueil et d’écoute malgré les aléas du lien avec le jeune • Des outils pensés pour répondre à la clientèle visée • Les changements chez les jeunes s’inscrivent dans une temporalité spécifique • Liberté dans l’intervention Consultation/Supervision • Thèmes abordés lors des supervisions • Effet des supervisions sur la qualité du travail des intervenants

Grille d’analyse thématique. Seuls les deux premiers niveaux de thèmes sont rapportés afin de conserver la structure générale de la grille. Pour les niveaux inférieurs, seuls ceux qui ont été repris dans la section « Résultats » sont présentés ici

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier les intervenants et les administrateurs de l’organisme « Dans la rue » pour leur participation et leur collaboration à la recherche, ainsi que Sarah Charland, Simon Lapointe et Véronique Lussier, pour leur aide dans le processus de recueil de données et d’analyse. Cette recherche a été subventionnée par le Fonds québécois de recherche pour la société et la culture (FQRSC).

Bibliographie

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Notes

  • [*]
    Université du Québec à Montréal, Groupe de recherche sur l’inscription sociale et identitaire des jeunes adultes (GRIJA).
    <lafortune-sgambato.david@courrier.uqam.ca>
  • [1]
    Cette hausse est la plus significative des cinq dernières années.
  • [2]
    Au Québec, l’expression « jeunes en difficulté » recoupe un ensemble de problématiques psychosociales et parfois médicales, témoignant de la marginalisation et de la désaffiliation de certains jeunes : décrochage scolaire, « jeunes toxicomanes, jeunes utilisateurs de drogues injectables, jeunes en situation de rue, jeunes prostitués-es, jeunes délinquants, jeunes membres de gangs, et aussi [les] jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale de diverses natures ». (Cousineau, 2007, p. 49).
  • [3]
    « Centraide » du Grand Montréal, Répertoire des ressources communautaires pour personnes itinérantes dans le Grand Montréal, Centre de référence du Grand Montréal, 2008.
  • [4]
    Citons, par exemple, les travaux de Kazdin (1993) ou de Lessard, Chamberland et Léveillé (2007).
  • [5]
    La Direction de la protection de la jeunesse exerce les responsabilités légales, dans le cas où le bien-être et le bon développement d’un enfant sont suspectés d’être compromis : évaluer le signalement, déterminer si la sécurité ou le développement d’un enfant sont compromis, décider du retrait éventuel et du placement de l’enfant en centre jeunesse ou en famille d’accueil, etc. (Loi sur la protection de la jeunesse, 2006).
  • [6]
    Le Centre local de services communautaires est un organisme affilié au réseau public offrant des services de santé de première ligne (sans qu’une référence ou une ordonnance soient nécessaires) pour les familles, les nouveau-nés, les jeunes mères, les adolescents, les personnes âgées et les adultes dans le besoin.
  • [7]
    Depuis 1988, « Dans la rue » a su développer une expertise et accroître sa notoriété dans le domaine de l’intervention auprès des jeunes en difficulté. L’organisme, composé de plus de 200 intervenants, propose aujourd’hui des services qui répondent aux besoins multiples des jeunes en difficulté : de l’hébergement à court terme, des repas, des soins de santé, un accompagnement des jeunes parents en difficulté, des services psychologiques, des renvois vers des services spécialisés, une école, des ateliers d’art, du soutien à la réinsertion professionnelle, etc.
  • [8]
    Si la psychanalyse peut opérer comme un levier théorique fertile (Paillé, Mucchielli, 2008), nourrissant l’intuition clinique sollicitée à travers l’analyse des données, elle peut, néanmoins, conduire à un cloisonnement de la démarche inductive dans des a priori conceptuels, de par son armature théorique centrée sur une solide herméneutique des phénomènes humains. L’analyse par consensus – par l’espace accordé aux contradictions et aux doutes émergeant des multiples regards – favorise ainsi le maintien d’une posture critique et d’un juste affranchissement du champ épistémologique psychanalytique, réduisant ainsi le risque qu’il ne devienne un carcan stérile pour le processus de conceptualisation.
  • [9]
    Les passages entre guillemets renvoient à des extraits du discours des intervenants. Dans un souci d’anonymat et de confidentialité, les professionnels du SAF seront désignés par des prénoms fictifs. Les citations plus courtes demeurent anonymes, s’agissant de terminologie souvent employée par plusieurs participants.
  • [10]
    Selon l’Agence de la santé publique du Canada, près de 20 % des jeunes en difficulté rapportent avoir quitté le domicile familial pour des motifs de violences sexuelles, physiques ou psychologiques, tandis que 30 % l’ont fait pour causes de négligences, faisant référence notamment à l’abandon ou l’expulsion du domicile familial (ASPC, 2006).
  • [11]
    Toujours, selon l’Agence, 7 jeunes de la rue sur 10 (70,4 %), disent avoir reçu les services d’un travailleur social durant leur enfance ou leur adolescence ; tandis que plus de 40 % d’entre eux rapportent avoir été placés en familles d’accueil (42,2 %) ou en foyers de groupe (46,7 %), principalement pour les problèmes familiaux susmentionnés (ASPC, 2006).
  • [12]
    L’emploi du terme « agir » se rapporte à la notion d’agieren chez Freud (1914, repris dans Donnet, 2007), désignant, de façon générale, la transformation de la pulsion en acte.
  • [13]
    À noter que même l’investissement massif du lien aux aidants pourra bien souvent se solder par une mise à distance, que ce soit l’aidant qui cherche à rétablir la bonne distance ou encore le jeune qui manifeste ainsi sa frustration.
  • [14]
    Un manque qui s’oppose dès lors à l’illusion d’être comblé par l’autre et qui, de ce fait, autorise une ouverture au registre de la pensée par la confrontation à la persistance du désir, au-delà de la satisfaction du besoin.
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