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Article de revue

Qu'est-ce que le haut potentiel et comment peut-on le développer chez l'enfant et l'adolescent ?

Pages 463 à 468

English version

1Les raisons pour lesquelles un individu est talentueux ou pas intéresse les chercheurs depuis de nombreuses années. Dans cet exposé, nous nous donnons pour objectif d’examiner cette question complexe, en présentant les problèmes théoriques et quelques travaux de recherche sur les personnes douées et talentueuses. Le modèle théorique rapporté ici est présenté du point de vue d’un praticien de l’éducation, qui a proposé des programmes d’identification et d’entraînement, en référence à certains modèles théoriques (Renzulli, 1984 ; Renzulli, Reis, 1985).

Problèmes lies à l’étude des conceptions du haut potentiel

Objectifs et critères d’une définition du haut potentiel

2L’intérêt de définir le concept de haut potentiel repose sur des aspects théoriques (accroissement des connaissances et de la compréhension de la condition humaine) et pratiques (orientation des procédures d’identification et des programmes éducatifs). Aussi, ces définitions jouent-elles un rôle important dans la structuration de l’ensemble du champ et doivent, pour cela, respecter certains critères, comme la référence à des recherches scientifiquement reconnues, ainsi que la mise en pratique, au niveau méthodologique (développement d’outils) et éducatif (méthode d’apprentissage, sélection et formation des enseignants...), des résultats de ces recherches.

3Notre point de vue sur le haut potentiel sera déterminant, à la fois pour la conception d’une méthode d’identification et pour le développement de prestations adaptées aux caractéristiques de certains jeunes sujets. Si, par exemple, on définit le haut potentiel par une aptitude extrêmement élevée en mathématiques, alors l’intérêt portera sur la question de l’évaluation des performances dans ce domaine. Un programme éducatif fondé sur cette définition et sur le mode d’identification approprié accordera une place prépondérante à l’approfondissement des connaissances en mathématiques et d’autres domaines connexes. Bien que les conceptions du haut potentiel varient selon les chercheurs, ne permettant pas de donner une définition unique, il faut reconnaître la nécessité d’une relation logique entre la définition, le mode d’identification et les programmes éducatifs proposés.

Les différents types de talents

4Les recherches, centrées sur le concept d’intelligence, ont occupé une place importante dans la définition du haut potentiel, mais nous insistons sur le fait que ce dernier ne peut être uniquement assimilé à l’intelligence. Les recherches sur l’intelligence permettent de déduire que celle-ci n’est pas un concept unitaire, mais qu’il existe plutôt plusieurs intelligences, dont les définitions simples ne peuvent rendre compte (par exemple Sternberg, 1984) et qu’il n’existe pas de technique idéale pour mesurer l’intelligence ; connaître le QI d’une personne ne suffit pas pour dire que nous connaissons l’intelligence de cette personne.

5Les difficultés historiques, que constituent la définition et la mesure de l’intelligence, permettent de mettre en évidence la difficulté, encore plus grande, d’isoler une définition consensuelle du haut potentiel. Même a minima, nous aurons toujours plusieurs conceptions (et, donc, plusieurs définitions) du haut potentiel. Deux grands groupes de définitions ressortent dans la littérature. Nous nous référerons au premier sous le terme de « haut potentiel scolaire » et au second sous le terme de « haut potentiel créatif-productif ». Avant de décrire ces deux types de talents, nous soulignons 1o que les deux types de haut potentiel sont importants, 2o qu’il existe généralement une interaction entre les deux et 3o que les programmes spécifiques devraient être en mesure d’encourager ces deux types de haut potentiel et procurer de nombreuses occasions d’interaction entre les deux.

Le haut potentiel scolaire

6Le haut potentiel scolaire est la forme mise en évidence par les tests d’aptitudes cognitives et, pour cette raison, c’est aussi le type de haut potentiel le plus utilisé pour sélectionner les élèves à l’entrée des programmes spécifiques. Les élèves qui ont un QI élevé atteindront probablement un niveau scolaire élevé. Ces capacités à passer des tests et à apprendre des leçons sont généralement stables dans le temps. Le haut potentiel scolaire existe à des degrés variables ; il peut être identifié par des techniques d’évaluation standardisées et nous devrions donc faire ce que nous pouvons pour modifier les programmes scolaires classiques, de sorte qu’ils soient adaptés aux élèves qui ont la capacité de les assimiler rapidement et en profondeur. Le compactage du programme (Renzulli, Smith, Reis, 1982), procédure utilisée pour adapter le contenu de programmes classiques aux élèves talentueux, ainsi que d’autres techniques d’accélération, devraient prendre une place importante dans tout programme scolaire qui cherche à respecter les différences individuelles clairement mises en évidence par les tests d’aptitudes cognitives.

7Cependant, le QI ne corrèle qu’à hauteur de. 40 à. 60 avec les performances scolaires et n’explique donc qu’entre 16 % et 36 % de la variance. En conséquence, les résultats aux tests ne sont pas les seuls facteurs contribuant à la réussite scolaire. Il ne faudrait donc pas limiter l’accès aux programmes d’études spécialisés aux élèves classés dans les 3-5 % supérieurs aux tests d’aptitudes. Jones (1982), par exemple, rapporte que la majorité des étudiants diplômés en sciences ont des QI compris entre 110 et 120. En outre, la plupart des élèves des grandes écoles et des universités font plutôt partie du quart supérieur de la population générale. Ainsi, il faudrait inclure de tels élèves dans les programmes spécialisés, puisque d’autres facteurs que la performance aux tests peuvent expliquer la réussite ultérieure.

Le haut potentiel créatif-productif

8Le potentiel d’une personne talentueuse ne peut se résumer à ses capacités révélées par les tests d’intelligence, d’aptitudes et de performances. C’est le cas pour le potentiel créatif-productif. Le haut potentiel créatif-productif porte sur les aspects de l’activité humaine, qui permettent le développement de matériels et de produits originaux afin de satisfaire une ou plusieurs populations-cibles. Les situations d’apprentissage mises au point pour promouvoir un haut potentiel créatif-productif mettent l’accent sur l’utilisation et l’application, intégrée, inductive et pratique d’informations et de procédures de raisonnement. Le rôle de l’élève passe de celui qui apprend des leçons à celui d’un individu qui utilise les modes opératoires d’un chercheur. Cette conception diffère de celle du haut potentiel scolaire, qui met l’accent sur l’apprentissage déductif, l’entraînement structuré à l’élaboration de procédures de raisonnement, l’acquisition, le stockage et la récupération d’informations. En d’autres termes, le haut potentiel créatif-productif consiste à mettre ses aptitudes au service de problèmes et domaines d’études ayant un sens pour la personne et qui peuvent être traités à des niveaux de recherche concurrentiels. Le rôle des élèves et des enseignants dans la résolution de ces problèmes est exposé ailleurs (Renzulli, 1982, 1983).

Les objectifs éducatifs pour les élèves à haut potentiel

9Le premier objectif de l’éducation du haut potentiel est de procurer aux jeunes le maximum d’occasions d’accomplissement personnel à travers le développement et l’expression d’un ou plusieurs domaines de performance, où le potentiel est susceptible de se manifester. Le deuxième objectif est d’accroître le nombre de personnes qui, dans la société, contribueront à la résolution des problèmes de la civilisation contemporaine en devenant des producteurs de connaissances et d’art. La plupart des individus s’accordera sur le fait que les objectifs liés à l’épanouissement personnel et/ou aux contributions sociétales sont, en général, en adéquation avec les philosophies démocratiques de l’éducation. Ces deux objectifs sont hautement interactifs : la satisfaction personnelle que les scientifiques, les artistes et les meneurs tirent de leur travail, quelle que soit leur position sociale, produit, en général, des résultats qui peuvent constituer des contributions utiles à la société. En poussant un peu plus loin le raisonnement, nous pouvons même dire que des expériences d’apprentissage adaptées pourraient et devraient être conçues pour satisfaire simultanément ces deux objectifs. Tout en gardant à l’esprit le caractère interactif de ces deux objectifs, d’une part et, d’autre part, le statut prioritaire de l’accomplissement personnel, il est sage de conclure que l’investissement de fonds publics supplémentaires, associés à un effort systématique en direction de la jeunesse à haut potentiel, produiraient des résultats d’intérêt général. Si, comme Gowan (1978) l’a indiqué, l’objectif des programmes éducatifs spéciaux est d’augmenter la réserve sociale d’adultes potentiellement créatifs et productifs, il est nécessaire de concevoir les programmes de formation en fonction des modes opératoires de ces personnes, plutôt que d’après ceux qui ne font qu’apprendre des leçons, afin de pouvoir former la future génération de meneurs, d’individus aptes à résoudre les problèmes et de personnes qui apporteront d’importantes contributions aux arts et aux sciences. Ceux qui sont les plus efficaces à apprendre des leçons ne sont pas nécessairement ceux qui contribueront le plus à la productivité créative. De nos jours, alors que la connaissance croît de manière exponentielle, il serait sage d’envisager un modèle centré sur la façon dont nos élèves les plus capables accèdent aux informations et les utilisent, plutôt que simplement sur la manière dont ils les accumulent et les conservent.

L’individu talentueux et l’individu potentiellement talentueux

10Un autre problème porte sur la distinction subtile, mais très importante, entre le talent et le talent potentiel. Dans la plupart des cas, les chercheurs ont davantage étudié les sujets identifiés comme talentueux que les sujets non reconnus ou non sélectionnés comme tels en raison de performances inhabituelles. Ce que la recherche montre clairement et sans équivoque est que le talent peut être développé chez certaines personnes si une interaction adaptée a lieu entre ces personnes, leur environnement et un domaine particulier d’intérêt.

11Presque toutes les capacités humaines peuvent être développées et, de ce fait, notre intention est d’attirer l’attention sur les talents potentiels (c’est-à-dire ceux qui réussissent en deçà des critères précis) aussi bien que sur ceux qui ont été étudiés, parce qu’ils avaient acquis une certaine réputation. Derrière le concept de talent potentiel, il y a l’idée que le talent émerge ou apparaît à des moments différents et dans des circonstances diverses. Sans une telle perspective, nous n’aurions aucun espoir d’identifier de brillants sous-réalisateurs, des sujets issus de milieux défavorisés ou tout autre population particulière, qui n’est pas facilement identifiée par les procédures classiques et les tests traditionnels.

Les individus sont-ils talentueux ou ont-ils des comportements talentueux ?

12La dernière question sous-jacente à la recherche d’une définition du haut potentiel tient à une volonté d’introduire des changements dans la façon dont nous abordons ce champ d’étude. Exception faite des objectifs fonctionnels, principalement liés à des aspects professionnels (c’est-à-dire la recherche, la formation, la législation) et de leur commodité sur le plan de l’expression, nous pensons que le terme « talentueux » est contre-productif par rapport aux tentatives éducatives orientées vers l’identification et la formation de certains élèves de la population scolaire générale. Plus précisément, nous espérons que, dans les années à venir, nous passerons de notre concept actuel de « talentueux » à la question du développement des « comportements talentueux » chez les jeunes qui ont le potentiel nécessaire pour bénéficier de services d’éducation spécialisée. Ce léger changement terminologique peut sembler n’être qu’un exercice de style, mais nous pensons qu’il a des conséquences importantes sur l’intégralité de notre manière d’envisager le haut potentiel et de structurer le domaine pour une recherche d’envergure dans tous les champs d’expression et des programmes éducatifs efficaces.

13Pendant trop longtemps nous avons prétendu pouvoir identifier les enfants talentueux de façon absolue et univoque. Beaucoup ont été amenés à croire que certains individus avaient été dotés d’un chromosome en or qui faisait d’eux des êtres talentueux. Cette croyance a ensuite conduit à l’idée erronée qu’il suffisait de trouver la bonne combinaison de facteurs prouvant l’existence de ce chromosome. Ce mésusage du concept du haut potentiel a donné lieu à de nombreuses confusions et controverses sur les procédures d’identification et les programmes éducatifs, qui se traduisirent par d’inutiles et vaines querelles chez les professionnels. Une autre conséquence a été que de nombreux messages contradictoires ont été adressés aux éducateurs et au public au sens large, de sorte que tout le monde fait maintenant preuve de scepticisme quant à la crédibilité du monde de l’éducation des enfants à haut potentiel et à l’égard de notre capacité à proposer des services qualitativement différents de ceux de l’éducation classique.

14La plupart des confusions et controverses relatives à la définition du haut potentiel peuvent être restituées à travers une série de questions :

15– Le haut potentiel et le QI élevé ne font-ils qu’un et sont-ils identiques ? Si oui, à combien doit s’élever le QI d’une personne pour qu’elle soit considérée comme à haut potentiel ? Si le haut potentiel et le QI élevé sont différents, quelles sont les autres caractéristiques qui contribuent à l’expression du haut potentiel ? Y a-t-il une quelconque justification à fournir des prestations éducatives sélectives à des élèves qui pourraient se situer en dessous du critère de QI requis ?

16– Le haut potentiel est-il un concept absolu ou relatif ? Autrement dit, une personne est-elle talentueuse ou non talentueuse (concept absolu) ou bien des comportements talentueux, dans des domaines et à des degrés variés, peuvent-ils se manifester chez certaines personnes, à certains moments et dans certaines circonstances (perspective relativiste) ? Le haut potentiel est-il un concept statique (on l’a ou on ne l’a pas) ou un concept dynamique (c’est-à-dire qu’il varie à la fois au niveau intra-individuel et selon les situations) ?

17– Pourquoi y a-t-il si peu de Thomas Edison, de Langston Hughes ou d’Isadora Duncan, alors que des millions de personnes, disposant d’un même « équipement » et d’avantages (ou désavantages) éducatifs équivalents ne dépassent pas la médiocrité ? Pourquoi certaines personnes, qui n’ont pas bénéficié des avantages offerts par les programmes d’éducation spécifiques, ont pu atteindre de hauts niveaux de réussite, alors que d’autres, qui ont bénéficié des meilleures opportunités d’éducation sont restées dans l’ombre ?

18L’examen de ces questions nous montre que des comportements talentueux peuvent être développés chez des individus qui n’atteignent pas nécessairement les scores les plus élevés aux tests standardisés. Deux conséquences principales de ces travaux sur les procédures d’identification en découlent :

19– Un système d’identification efficace doit prendre en compte d’autres facteurs en plus des résultats aux tests. La recherche récente montre que, en dépit de l’information multicritère recueillie dans de nombreuses procédures d’examen, des seuils rigides de QI et de réussite aux tests sont encore les principaux, sinon les seuls critères auxquels on accorde un véritable crédit dans la sélection finale (Alvino, 1981). Lorsque les informations recueillies lors de l’examen révèlent un potentiel évident de comportements talentueux, elles sont presque toujours rejetées si les critères limites ne sont pas atteints. La prise en compte d’autres facteurs signifie que nous devons leur accorder le même poids et que nous ne pouvons continuer de nous en tenir à la simple évocation des critères hors tests ; de même, nous ne pouvons plus nous satisfaire de l’idée que les tests sont plus valides et objectifs que d’autres procédures, parce qu’ils aboutissent à des chiffres. Comme Sternberg (1984) l’a souligné, quantitatif ne signifie pas nécessairement valide. Quand on en vient à l’identification, il est préférable d’avoir des réponses imprécises aux bonnes questions plutôt que des réponses précises aux mauvaises questions.

20– Nous devons réexaminer les procédures d’identification qui servent à la présélection d’étudiants, ainsi que leur conséquence immédiate, à savoir le fait que ces jeunes sont et seront, dès lors et pour toujours, évalués comme « talentueux ». Cette conception absolue du haut potentiel, associée à une confiance quasi totale dans les scores aux tests, n’est pas seulement en contradiction avec ce que montre la recherche, mais repose sur l’hypothèse que l’on peut, à partir d’un seul argument, tiré d’une heure de l’existence d’une personne, déterminer si elle est ou non talentueuse.

21L’alternative à cette conception si absolue est que nous pouvons renoncer à la tradition « convenable » et confortable de « savoir », dès le premier jour d’école, qui est talentueux et qui ne l’est pas. Nous devons, au contraire, nous réorienter vers le développement de comportements talentueux chez certains élèves, à certains moments et dans certaines conditions. Sacrifier la tradition et les convenances administratives conduira à une conception beaucoup plus flexible tant de l’identification que des programmes éducatifs, ainsi qu’à un système, non seulement plus respectueux de la recherche sur le haut potentiel et les individus talentueux, mais aussi plus plausible et plus recevable pour les éducateurs et le grand public.

Une définition du comportement talentueux selon le modèle des trois anneaux

22Renzulli (1978) propose une conception en trois anneaux du haut potentiel. Le comportement talentueux est un ensemble de comportements qui reflètent une interaction entre trois groupements de traits humains de base, ces groupements étant les aptitudes générales et/ou spécifiques supérieures à la moyenne, un haut niveau d’engagement et de hauts niveaux de créativité. Les enfants doués et talentueux sont ceux qui possèdent ou sont capables de développer cet ensemble composite de traits et de les utiliser dans n’importe quel domaine de performance humaine ayant une valeur potentielle. L’éducation de ces enfants requiert de leur offrir une grande variété d’opportunités et de services éducatifs qui, habituellement, ne le sont pas par les programmes éducatifs ordinaires. Ci-dessous, la taxonomie des manifestations comportementales de chacun des groupements résume les concepts et les conclusions majeures issus du modèle des trois anneaux.

Les aptitudes bien au-dessus de la moyenne

Aptitude générale

23– Niveaux élevés de pensée abstraite, de raisonnement numérique et verbal, de relations spatiales, de mémoire et de fluidité verbale.

24– Adaptation à des situations nouvelles rencontrées dans l’environnement extérieur.

25– Automatisation du traitement de l’information ; récupération rapide, précise et sélective d’informations.

Aptitudes spécifiques

26– Application de combinaisons variées d’aptitudes générales précédentes, à un ou plusieurs domaines spécialisés de connaissances ou de performance humaine (par exemple : les arts, le leadership, l’administration).

27– Capacité d’acquérir et d’utiliser de façon appropriée d’importantes quantités de connaissances formelles et informelles, de techniques, de logistiques et de stratégies afin de résoudre des problèmes particuliers ou de s’exprimer dans des domaines de performance spécialisés.

28– Capacité à trier les informations pertinentes et non pertinentes associées à un problème particulier ou à un domaine d’étude ou de performance.

L’engagement dans la tâche

29– Capacité d’avoir des niveaux élevés d’intérêt, d’enthousiasme, de fascination et d’implication dans un problème particulier, un domaine d’étude ou une forme d’expression humaine.

30– Capacité de persévérance, d’endurance, de détermination, de travail assidu et de pratique.

31– Confiance en soi, moi fort et confiance dans ses capacités à mener à bien d’importants travaux, indépendance vis-à-vis des sentiments d’infériorité, motivation à la réalisation.

32– Aptitude à identifier les problèmes significatifs de domaines spécifiques ; habileté à composer avec les principaux réseaux de communications et les nouveautés de domaines particuliers.

33– Haut niveau d’exigence ; maintien d’ouverture aux critiques extérieures et à l’autocritique ; développement du goût de l’esthétique, de la qualité et de l’excellence concernant son travail et celui d’autrui.

La créativité

34– Fluidité, flexibilité et originalité de la pensée.

35– Ouverture aux expériences ; réceptivité à la nouveauté et aux différences (même irrationnelles) de pensée, d’actions, de ses propres productions et de celles des autres.

36– Curiosité, goût pour la spéculation et l’aventure, et prédisposition mentale au jeu ; goût du risque dans la pensée et dans l’action y compris au point de manquer d’inhibition.

37– Sensibilité aux détails, aux caractéristiques esthétiques des idées et des choses ; volonté d’agir et de réagir aux stimulations externes et à ses propres idées et sentiments.

38Comme c’est le cas pour toutes les listes de traits telles que celle-ci, il y a des chevauchements entre certains items, ainsi que des interactions intra- et inter-catégories générales et des interactions entre catégories et traits spécifiques. Il est également important de souligner qu’il n’est pas nécessaire que tous les traits soient présents chez un individu ou dans une situation donnée pour que des comportements talentueux se manifestent. C’est pour cette raison que la conception en trois anneaux du haut potentiel accorde plus d’importance à l’interaction entre les groupements plutôt qu’à un groupement particulier. C’est également pour cette raison que nous pensons que les comportements talentueux ne se manifestent que chez certaines personnes, à certains moments et dans certaines circonstances. La créativité et l’engagement dans la tâche varient en fonction des situations dans lesquelles les individus sont impliqués. Ces deux traits peuvent être développés avec un entraînement et des stimulations appropriés. Depuis la publication originale de la conception en trois anneaux du haut potentiel (Renzulli, 1977), de nombreuses questions ont été soulevées à propos du modèle général et des liaisons entre les trois anneaux et à l’intérieur de ceux-ci (pour une discussion de ces questions voir Renzulli, Reis et Smith, 1981).

Un exemple de programme éducatif : le modèle d’enrichissement scolaire

39Tout individu qui apprend, possède des forces ou un potentiel qui peuvent être utilisés comme bases d’un apprentissage efficace et d’une productivité créative. Le modèle d’enrichissement scolaire (SEM : Schoolwide enrichment model, voir Renzulli, Reis, 1985) augmente ces forces en offrant aux élèves des options pour réaliser leur propre potentiel par le biais d’enseignements compactés et d’enrichissement. Ces deux techniques permettent d’individualiser la formation, donc d’établir des cursus différenciés. Dans le premier cas, on identifie les matières qui peuvent être compactées, parce que l’élève maîtrise bien les connaissances et savoirs qui leur sont rattachés. Dans le second, on donne la possibilité d’approfondir une matière qui est moins maîtrisée. Dans ce cadre, l’idéal est d’utiliser le TTP (Total talent portfolio = Pochette pour le talent total) qui servira de cadre de référence pour organiser les autres éléments du modèle.

40Le TTP permet de regrouper des travaux réalisés et sélectionnés par les élèves eux-mêmes. Il permet de recueillir des informations sur les capacités, les intérêts et les styles d’apprentissage de l’élève. Les élèves gèrent leur TTP de manière autonome en sélectionnant les items à inclure et en tenant à jour leur pochette. L’enseignant sert de guide dans ce processus, mais l’objectif est de développer l’autonomie des élèves en leur donnant le contrôle de la gestion. Cette procédure est courante dans des domaines tels que les beaux-arts, mais peu répandue dans les autres domaines d’étude. Les objectifs du TTP sont de 1o collecter différents types d’informations qui caractérisent l’élève, de réguler et de mettre à jour ces informations, 2o classer ces informations en catégories générales d’aptitudes, d’intérêts et de styles d’apprentissage et autres marqueurs d’apprentissage efficaces, comme la capacité d’organisation, les domaines de préférence, les aptitudes sociales et personnelles, les préférences pour la productivité créative, 3o revoir et analyser périodiquement l’information afin de décider de la possibilité d’offrir des expériences d’enrichissement dans le cursus normal et des services spéciaux, 4o négocier les diverses options d’enrichissement et d’accélération, 5o utiliser la pochette comme un vecteur pour les conseils éducatifs, personnels, de carrière, ainsi que pour la communication avec les parents quant aux opportunités de développement du talent scolaire de leur enfant et leur implication.

Conclusion : qu’est-ce qui fait le haut potentiel ?

41Au cours de ces dernières années, nous avons remarqué un regain d’intérêt pour tous les aspects de la recherche sur le haut potentiel et les efforts qui y sont associés, pour fournir des services d’éducation spécialisée à cette partie de la population scolaire souvent négligée. Un aspect positif de cet intérêt est l’émergence de théories nouvelles et innovantes pour expliquer ce concept et une plus grande diversité de recherches, qui promettent de nous apporter une meilleure compréhension et des études plus acceptables tant de l’identification que des programmes éducatifs. Les explications théoriques contradictoires abondantes et les interprétations diverses des résultats de la recherche contribuent à l’émulation et à un esprit de compétition qui ne peut aboutir qu’à une meilleure compréhension du concept dans les années à venir.

42Dans cet article, nous avons tenté de fournir un cadre de travail élaboré à partir des principales recherches sur les individus doués et talentueux. La conception et les définitions présentées ici ont été délibérément exposées dans une perspective éducative, parce que nous pensons que les efforts pour définir ce concept doivent être orientés en direction des personnes qui seront les plus influencées par ce type de travail. Nous pensons aussi que les explications et les définitions conceptuelles doivent indiquer la voie vers des pratiques économiques, réalistes, et justifiables quant à la recherche fondamentale et à des études de validation suivies. Ces informations peuvent être communiquées aux décideurs, qui s’interrogent sur le pourquoi de modèles d’identification et de programmes éducatifs proposés par les personnes qui se consacrent aux enfants à haut potentiel.

43Fournir de meilleurs services à nos jeunes individus les plus prometteurs ne peut attendre que les théoriciens et les chercheurs aboutissent à une vérité ultime et inattaquable parce qu’une telle vérité n’existe probablement pas. En revanche, la nécessité et les opportunités d’améliorer les services éducatifs pour ces jeunes individus existent dans d’innombrables salles de classe, chaque jour de la semaine. Les meilleures conclusions, auxquelles nous pouvons nous en tenir à ce jour ont été présentées ci-dessus, même si nous pensons aussi que la recherche doit persévérer dans sa quête d’une meilleure compréhension de ce concept si crucial pour les progrès à venir de la civilisation. La citation suivante d’Arnold Gesell résume peut-être le mieux l’état des connaissances en ce domaine : « Notre connaissance actuelle de la pensée de l’enfant est comparable à une carte du monde du xve siècle – un mélange de vérités et d’erreurs. De très vastes domaines restent à explorer. Il y a des îlots épars, non coordonnés par des faits solides et fondés, et des continents inconnus. »

Bibliographie

Références

  • Alvino (James).– National survey of identification practices in gifted and talented education, Exceptional children, XLVIII, 1981, p. 124-132.
  • Gowan (John).– Paper presented at the University of Connecticut, Storrs, 1978.
  • Jones (Joyce).– The gifted student at university, Gifted international, I, 1982, p. 49-65.
  • Renzulli (Joseph).– The enrichment triad model : A guide for developing defensible programs for the gifted and talented, Mansfield center, Creative learning press, 1977.
  • Renzulli (Joseph).– What makes giftedness ? Reexamining a definition, Phi Delta Kappa, 60, 3, 1978, p. 180-184.
  • Renzulli (Joseph).– What makes a problem real : Stalking the illusive meaning of qualitative differences in gifted education, Gifted child quarterly, XXVI, 4, 1982, p. 148-156.
  • Renzulli (Joseph).– Guiding the gifted in the pursuit of real problems : The transformed role of the teacher, The journal of creative behavior, XVII, 1, 1983, p. 49-59.
  • Renzulli (Joseph).– Technical report of research studies related to the revolving door identification model (éd. revue), Bureau of educational research, University of Connecticut, Storrs, 1984.
  • Renzulli (Joseph), Reis (Sally M.).– The schoolwide enrichment model, Connecticut, Creative learning press, 1985.
  • Renzulli (Joseph), Reis (Sally M), Smith (Linda H.).– The revolving door identification model, Mansfield center, Conn., Creative learning press, 1981.
  • Renzulli (Joseph), Smith (Linda H.), Reis (Sally M.).– Curriculum compacting : An essential strategy for working with gifted students, The elementary school journal, LXXXII, 1982, p. 185-194.
  • Sternberg (Robert).– Toward a triarchic theory of human intelligence, Behavioral and Brain Sciences, VII, 2, 1984, p. 269-316.

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