Notes
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[1]
Voir par exemple, M. Terris, « The epidemiologic tradition – The Wade Hampton Frost Lecture », Public Health Reports, 1978, 94, 3, 203-209 ou J.E. Gordon, « Epidemiology – old and new », Journal of the Michigan State Medical Society, 1950, 49, 194-199. KJ Rothman, Modern Epidemiology, Boston, Little, Brown and Company, 1986.
-
[2]
M. Greenwood, Epidemics and Crowd-Diseases : An Introduction to the Study of Epidemiology, New York, Macmillan, 1935.
-
[3]
Ibid., et J.E. Gordon, « The newer epidemiology », Tomorrow’s Horizon in Public Health, Transactions of the 1950 Conference, Public Health Association of New York City, New York City, 18-45 : « L’épidémiologie est considérée comme une discipline biologique applicable à toutes les maladies où les groupes de personnes ou de choses sont impliqués » (p. 33) et plus loin, « elle est peut-être mieux définie si on la considère comme la contrepartie du diagnostic dans la médecine clinique. (…) L’épidémiologie et la santé publique sont pour le groupe ce que le diagnostic et le traitement de la maladie sont pour l’individu. » (pp. 36-38). (Notre traduction).
-
[4]
N. Paneth, E. Susser, M. Susser, « Origins and early development of the case-control study I. Early evolution », Sozial- und Präventivmedizin, 2002, 47, 5, 282-288.
-
[5]
T.R. Dawber, W.B. Kannel, « Coronary heart disease as an epidemiology entity », American Journal of Public Health, 1963, 53, 433-437.
-
[6]
L’incidence quantifie la survenue de nouveaux cas de maladie étudiée par unité de temps dans une population définie.
-
[7]
Rappelons cependant qu’une prédiction individuelle de risque ne dit rien de certain sur un individu particulier. Ce n’est qu’au niveau de la population que la prédiction est certaine.
-
[8]
Nous empruntons à Geoffrey Rose, épidémiologiste anglais des maladies cardiovasculaires, la distinction entre « stratégie individuelle » et « stratégie populationnelle » de la prévention. G. Rose, The Strategy of Preventive Medicine, Oxford, Oxford University Press, 1992.
-
[9]
Les dictionnaires et manuels contemporains d’épidémiologie la définissent comme « étude de la distribution et des déterminants des états de santé et des maladies dans les populations humaines. » A. Leclerc, L. Papoz, G. Bréart, J. Lellouch, Dictionnaire d’épidémiologie, Paris, Ed. Frison-Roche, 1990, p. 43.
-
[10]
L. Berkman & I. Kawachi, eds., (2000), Social Epidemiology, Oxford, Oxford University Press ; N. Krieger (2001), « Theories for social epidemiology in the 21st century : an ecosocial perspective », International Journal of Epidemiology, 30, 668-677.
-
[11]
E. Mayr, « Darwin and the evolutionary theory in biology ». In J. Meggers (ed.), Evolution and Anthropology : a Centennial Appraisal, Washington : Anthropological Society of Washington, 1959, pp. 1-10. Texte reproduit comme E. Mayr, « Typological versus Population Thinking ». In E. Mayr, Evolution and the Diversity of Life, Harvard University Press, 1976, pp. 26-29.
-
[12]
C. Chung, « On the origin of the typological/population distinction in Ernst Mayr’s changing views of species, 1942-1959 », Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences, 2003, 34, 277-296.
-
[13]
Si Mayr associe explicitement la « pensée typologique » à la philosophie platonicienne des essences, il ne fait pas d’Aristote le premier chef de file de la « pensée populationnelle » mais plutôt Darwin. Toutefois, les philosophes et historiens de la biologie ou des statistiques qui reprendront cette distinction donneront plus d’importance à Francis Galton et discuteront même le rôle de Darwin dans l’introduction d’un mode de pensée populationnel. Voir par exemple, J. Gayon, Darwin et l’après-Darwin, Une histoire de l’hypothèse de sélection naturelle, Paris, Kimé, 1992 et tout particulièrement, A. Ariew, « Under the influence of Malthus’s law of population growth : Darwin eschews the statistical techniques of Aldolphe Quetelet », Stud Hist Philos Biol Biomed Sci., 2007, 38, 1-19. Par ailleurs, sur la situation qu’il conviendrait de donner à Aristote dans cette configuration, et plus généralement sur la discussion et l’interprétation de la distinction de Mayr qu’il propose, voir E. Sober, « Evolution, population thinking and essentialism », Philosophy of Science, 1980, 47, 350-383.
-
[14]
M. Foucault, Naissance de la clinique, Paris, P.U.F., 1963. Voir en particulier le chapitre 1 « Espèces et classes », pp. 1-19.
-
[15]
M. Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-1978), Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004 et Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004.
-
[16]
Sur l’histoire de la classification des maladies et des statistiques médicales, voir A. Fagot-Largeault, Les Causes de la mort, histoire naturelle et facteurs de risque, Paris, Vrin, 1989.
-
[17]
Pour l’usage de cette distinction entre pensée populationnelle et pensée typologique par des historiens des statistiques, A. Desrosières, La politique des grands nombres, histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993. G. Gigerenzer et al., The Empire of Chance, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 43, 66, 142-143 ; T.M. Porter, The Rise of Statistical Thinking, 1820-1900, Princeton, Princeton University press, 1986, p. 6 et p. 34. Et plus précisément, au sujet de l’épidémiologie, voir E. Magnello, « The introduction of mathematical statistics into medical research : the roles of Karl Pearson, Major Greenwood and Austin Bradford Hill », in Magnello E. & Hardy A., eds., The Road to Medical Statistics, Amsterdam/New York, Rodopi, Clio Medical n° 67, 2002, pp. 95-123.
-
[18]
Ian Hacking montre bien cela dans The Taming of Chance, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
-
[19]
D. Schwartz, Le jeu de la science et du hasard, La statistique et le vivant, Paris, Champs/Flammarion, 1994. Daniel Schwartz parle de son côté de « pensée statistique ». Ce qu’il désigne par cette expression s’apparente bien à ce que nous désignons ici par « pensée populationnelle ».
-
[20]
C.G. Hempel, Aspects of Scientific Explanation and Other Essays in the Philosophy of Science. New York, The Free Press, 1965.
-
[21]
Elliott Sober va jusqu’à soutenir qu’on peut observer dans la pensée populationnelle une inversion de la conception typologique de la variation : la variation y est naturelle alors que l’uniformité est le résultat de forces interférentes. E. Sober, « Evolution, Population Thinking and Essentialism », Philosophy of Science, 1980, 47, 350-383
-
[22]
Voir à ce sujet, les remarques de Sober : E. Sober, « Evolution, Population Thinking and Essentialism », Philosophy of Science, 1980, 47, 350-383.
-
[23]
AV. Diez-Roux, « On genes, individuals, society, and epidemiology », American Journal of Epidemiology, 1998, 148, 1027-32.
-
[24]
AV. Diez Roux, « The study of group-level factors in epidemiology : rethinking variables, study designs, and analytical approaches », Epidemiologic Review, 2004, 26, 104-11.
-
[25]
S. Greenland, « Principles of multilevel modelling », International Journal of Epidemiology, 2000, 29, 158-67 ; PJ Diggle, KY Liang, SL Zeger, Analysis of longitudinal data, Oxford, Oxford University Press, 1994 ; D. Courgeau (ed.), Methodology and Epistemology of Multilevel Analysis, Dordrecht/Boston/London, Kluwer Academic Publishers, 2003.
-
[26]
M. Susser & E. Susser, « Choosing a future for epidemiology : II. from black boxes to Chinese boxes and eco-epidemiology », American Journal of Public Health, 1996, 86, 674–77. I. Kawachi and L. Berkman (eds.), Neighbourhoods and Health, Oxford, New York, Oxford University Press, 2003 ; A. Diez-Roux, « Bringing Context Back into Epidemiology : Variables and Fallacies in Multilevel Analysis », Am J Public Health, 1998, 88, 216-222.
1Depuis la deuxième moitié du 20e siècle, l’épidémiologie dite « moderne » joue un rôle important dans l’analyse étiologique des maladies complexes ou chroniques. L’identification de facteurs de risque a conduit à de profondes transformations dans la manière de concevoir la maladie et de la prévenir. L’épidémiologie semble désormais contribuer, de manière distincte de la physiopathologie et de la clinique, aux savoirs sur la maladie. Quelle est la spécificité de ce savoir ? À première vue, l’épidémiologie se distingue en s’intéressant aux phénomènes de santé au niveau de la population : elle étudie la distribution et les déterminants des états de santé et de maladie dans les populations humaines. Ainsi, la population serait le principal élément définitionnel de l’épidémiologie. Mais cette notion n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés. Un premier problème concerne le flou de sa signification, souvent équivoque : elle peut aussi bien désigner un « niveau d’organisation » ou « niveau de réalité » qu’un « niveau d’analyse » (elle est alors synonyme de « statistique ») ou même, simplement, la nature « sociale » ou « environnementale » d’une variable d’étude. Un second problème concerne le fait qu’il est loin d’être si évident que l’épidémiologie ait la population humaine pour objet. Les facteurs de risque que l’épidémiologie moderne a mis en évidence sont le plus souvent des caractéristiques individuelles (par exemple, pour les maladies cardiovasculaires : l’hypertension, l’hypercholestérolémie, la consommation individuelle de tabac, le diabète, l’obésité, le manque d’exercice physique, etc.). Ces facteurs de risque individuels sont devenus la principale cible d’un nouveau régime individualisé de prévention que la médecine clinique prend en charge. Dès lors, si à première vue, la notion de population paraît une bonne piste pour définir la spécificité du savoir épidémiologique, l’équivocité de sa signification et l’oscillation de l’épidémiologie entre niveaux individuel et populationnel rendent nécessaire une analyse et une clarification du statut de cette notion dans cette discipline.
2Dans cet objectif, le concept de « pensée populationnelle », introduit par le biologiste et historien de la biologie, Ernst Mayr (1904-2005), en opposition à celui de « pensée typologique » ou « essentialiste », nous apparaît utile et pertinent. D’une part, il est utile pour rendre compte, au sein de l’histoire de l’épidémiologie, des changements survenus avec l’avènement de ce qu’on a coutume d’appeler « l’épidémiologie moderne » au milieu du 20e siècle. D’autre part, il est pertinent pour analyser de manière plus générale, ce que l’épidémiologie modifie dans la pensée médicale et ce qu’elle y apporte de spécifique. Après avoir montré, dans une première partie, qu’il y a au sein de l’épidémiologie une tension entre une perspective individuelle et une perspective populationnelle, dans une deuxième partie, nous tenterons de mettre en évidence, à partir du concept de « pensée populationnelle », la spécificité du point de vue épidémiologique sur les phénomènes de santé.
Épidémiologie : un savoir sur la population ou sur l’individu ?
3Depuis le milieu du 20e siècle, l’épidémiologie a connu de profondes transformations, principalement sous l’impulsion de travaux de statisticiens et médecins anglais et américains. Elle serait devenue plus scientifique et analytique et elle aurait acquis une autonomie relativement à la santé publique à laquelle elle était jusque-là étroitement associée. Pour les épidémiologistes qui font l’histoire de leur discipline, il est devenu classique d’insister sur la rupture entre la nouvelle épidémiologie appelée « épidémiologie moderne » ou encore « épidémiologie des facteurs de risque » à l’ancienne épidémiologie de santé publique, essentiellement descriptive [1]. Cette transition, décrite ici à gros traits, pourrait aussi être résumée par le déplacement de l’intérêt de l’épidémiologiste de la population vers l’individu.
L’« ancienne épidémiologie » : des origines dans la population
4La définition de l’épidémiologie et son étymologie la situent d’emblée au niveau de la population. Elle serait l’étude des épidémies, c’est-à-dire des maladies qui attaquent en même temps un grand nombre de personnes à la fois. Si la notion d’épidémie a pu porter à confusion en étant souvent implicitement associée aux maladies contagieuses, elle a dans ce contexte le sens de « maladie de masse » [2]. L’épidémiologie s’intéresse donc à toute maladie dès que cette maladie a une dimension populationnelle et survient à ce niveau. Des épidémiologistes anglais et américains, avant les années 1940-1950 tout au moins, définissent leur discipline en la distinguant de la clinique : ils soulignent qu’elle se situe, pour son observation et son analyse, au niveau de la population et non de l’individu [3]. Jusque dans les années 1930-1940, l’épidémiologie est essentiellement pratiquée par des fonctionnaires de santé publique. Son rôle est de décrire, à partir de la distribution des maladies, l’état de santé des populations, et ainsi d’orienter des décisions de santé publique. Les statistiques démographiques dites « vitales » (naissances, décès et causes de décès) constituent l’essentiel des données qu’utilise l’épidémiologiste pour ses descriptions de l’état de santé de la population, au point qu’on a pu considérer que l’épidémiologie est une forme de démographie de la maladie. La conception de la population et l’usage des statistiques sont alors très liés à la démographie : la population y est concrète ; c’est la population d’une entité géographique comme une ville ou une nation, par exemple. Ainsi, la population humaine comme niveau de réalité est bien l’objet d’étude de l’épidémiologie et elle contribue à la définir.
La « nouvelle épidémiologie » : centralité de l’individu
5La naissance de « l’épidémiologie moderne » est souvent associée à l’émergence des études étiologiques comme entités méthodologiques bien constituées dans les années 1950 [4]. Ces enquêtes ne portent pas sur des populations entières mais sur des groupes d’individus bien définis et permettent des observations organisées dans la population. Les deux principaux types d’enquêtes étiologiques sont l’enquête cas-témoins et l’enquête de cohorte. Dans une enquête cas-témoins, l’investigateur sélectionne les individus sur la base de la maladie qu’il entend étudier (cancer par exemple) et les compare à un groupe de témoins qui n’ont pas ce trait ou cette maladie dans le but de mettre en évidence des différences (consommation de tabac). Dans l’enquête de cohorte, on définit et mesure un certain nombre de variables individuelles d’exposition au début de l’enquête (niveau de pression artérielle et de cholestérol, poids, etc.) et on étudie leur devenir du point de vue de la maladie durant une période donnée (risque cardiovasculaire). Ces enquêtes qui se situent au niveau de la comparaison inter-individuelle sont parfois appelées « études microscopiques » par opposition aux « études macroscopiques » de l’ancienne épidémiologie [5]. Elles ressemblent à des recherches cliniques sur un grand nombre d’individus. La manière de collecter des données et de définir la population y est profondément modifiée par rapport aux pratiques de l’ancienne épidémiologie. Par exemple, les données ne sont plus empruntées à des registres démographiques mais sont recueillies dans le cadre même de l’étude ; c’est le choix du type d’enquête (cas-témoins ou cohorte) et son objectif de recherche qui conditionnent la manière dont les données seront recueillies et définies. Par exemple, dans une enquête cas-témoins sur l’étiologie du cancer du poumon, on constituera un échantillon atteint de cette maladie et un échantillon témoin qui n’en est pas atteint. Dans une enquête de cohorte, on partira d’un échantillon sain mais dans lequel il y a une certaine probabilité pour que la maladie étudiée se développe. Dès lors, les groupes d’individus étudiés ne sont plus des « populations » au sens concret et naturel du démographe mais elles sont des groupements constitués en fonction de la finalité particulière de l’analyse.
6La notion épidémiologique de facteur de risque a émergé à l’occasion de l’application de l’analyse statistique aux données recueillies dans ces enquêtes. L’enquête de cohorte permet de corréler des variables individuelles d’exposition (pression artérielle, taux de cholestérol, par exemple) avec l’augmentation de l’incidence [6] d’une maladie (maladies cardiovasculaires). L’identification de facteurs de risque individuels a ouvert la porte à des « stratégies individuelles » de prévention : des équations de risque établies à partir de grandes enquêtes de cohorte permettent d’individualiser l’estimation du risque de maladie et de sélectionner ainsi les individus les plus à risque qui ont besoin d’un traitement préventif [7]. La « stratégie individuelle » de prévention tend alors à l’emporter sur la « stratégie populationnelle » qui consiste à soumettre globalement une population à des mesures de prévention (programme de vaccination, réglementation concernant la réduction du sel dans l’alimentation, etc.) [8]. Ainsi, dans l’« épidémiologie moderne », l’individu apparaît comme le niveau de réalité et d’analyse sur lequel se concentre l’intérêt de l’épidémiologiste.
Tension entre perspectives individuelle et populationnelle
7Que devient dès lors la population et quel est son statut dans ce nouvel état de la discipline ? Dans « l’épidémiologie des facteurs de risque », le niveau populationnel semble n’être qu’instrumental : il permet de mettre en évidence des différences, d’établir des comparaisons. C’est moins la population ou la description de son état de santé qui intéressent que l’agrégat statistique en ce qu’il permet de mettre en évidence des corrélations et d’identifier des facteurs individuels de risque. Mais que reste-t-il alors de l’épidémiologie comme étude de l’état de santé des populations humaines ? [9] L’épidémiologie ne serait-elle devenue analytique et scientifique qu’en se détournant de la population comme niveau de réalité pertinent pour lui-même ? Depuis la fin des années 1980, on assiste à des débats au sein de l’épidémiologie : certains critiquent la focalisation excessive de l’épidémiologie moderne sur l’individu. Ils cherchent à redonner une place centrale à la population humaine à travers le renouveau d’une épidémiologie sociale et écologique [10]. La discipline est alors traversée par une tension entre ceux qui considèrent que la population est son niveau naturel d’organisation et d’analyse et ceux qui soutiennent, au contraire, l’importance de se situer à un niveau d’analyse toujours plus microscopique. Cette tension se manifeste par l’éclatement de l’épidémiologie contemporaine en de multiples branches avec à un extrême, l’épidémiologie génétique et à l’autre, l’épidémiologie sociale ou écologique.
8Ainsi, affirmer la disparition de la population comme niveau d’organisation important dans l’épidémiologie serait excessif, de même qu’interpréter l’évolution historique de la discipline comme passage de la population à l’individu est caricatural. Il apparaît cependant qu’aucun des deux sens de la population retenu jusque-là, niveau d’organisation ou simple agrégat statistique, ne semble pertinent pour définir l’objet de l’épidémiologie. Examinons dans un deuxième temps ce que la notion de « pensée populationnelle » pourrait apporter au sujet de ces questions.
Pensée populationnelle et épidémiologie
Pensée populationnelle : diversité, unicité et variation
9La distinction entre « pensée populationnelle » et « pensée typologique » fut introduite en 1959 par le biologiste et historien de la biologie Ernst Mayr [11]. Le but de Mayr était de rendre compte des changements observés dans la pensée biologique au 19e siècle, tout d’abord au sein de la systématique mais aussi, de la conception de l’évolution, à cause de la théorie darwinienne de la sélection naturelle. Cette notion pourrait être transposée du domaine de la pensée biologique à celui de la pensée médicale. D’ailleurs, aux yeux d’Ernst Mayr, la distinction entre pensée typologique et pensée populationnelle dépasse les frontières de la biologie ; ces deux modes de penser constituent, « deux philosophies fondamentales », deux manières radicalement distinctes de concevoir les phénomènes de la nature. Notons cependant que cette notion de pensée populationnelle demeure floue et équivoque aussi bien dans les propos même d’Ernst Mayr [12] que dans l’usage qui en a été fait par ses successeurs. Plusieurs points font débats comme, entre autres, le rôle qu’il convient d’attribuer à Darwin et à sa théorie de la sélection naturelle dans l’émergence de la pensée populationnelle [13]. Mais en dépit de ces imprécisions, nous pensons que cette notion ouvre des pistes de réflexion pour clarifier le statut de la population en épidémiologie et interpréter les changements introduits par l’épidémiologie moderne dans la conception des phénomènes de santé.
10Ernst Mayr constate que la biologie occidentale a longtemps été dominée par la « pensée typologique » ou « essentialiste », un mode de penser qu’il associe au platonisme. Dans ce mode de penser, le but du naturaliste est de mettre en évidence des “types” ou des “essences” derrière la diversité des individus d’une même espèce. Les particularités et les différences entre les individus sont perçues négativement et négligées, de même que la temporalité. Dans la systématique, la notion de « classe » ordonne cette conception des individus et leur étude comparative. Or si le concept de classe vaut pour des entités physiques parfaitement identiques (atomes de sodium par exemple), il manifeste vite ses limites et son inadéquation dans l’étude des êtres vivants. Les naturalistes de terrain, comme Mayr lui-même l’était, sont rapidement confrontés au fait qu’il n’y a jamais deux spécimens d’une même espèce qui soient semblables : la recherche des ressemblances n’est pas la méthode la plus appropriée. À l’opposé, dans la « pensée populationnelle », il s’agit moins de gommer les différences interindividuelles que de les analyser et de les comparer. Ce mode de penser fait davantage place à la diversité et à l’unicité des êtres vivants et à leur grande variabilité à travers le temps. La variation y a une dimension ontologique qu’elle n’avait pas dans une pensée typologique teintée de platonisme. La notion de « population », comprise comme un ensemble d’individus uniques remplace alors celle d’essence ou de « classe ». Ainsi entendue, la « population » désigne certes toujours un collectif mais celui-ci respecte et prend en compte la diversité et l’unicité des éléments qui le composent. En résumé, nous pourrions dire que ces deux modes de penser constituent deux orientations divergentes dans la manière de concilier et penser ensembles, la population et l’individu, la diversité et l’unité, la ressemblance et la différence. Si dans les deux cas, il s’agit de dégager des généralisations et des régularités, de son côté, la pensée typologique cherche avant tout la ressemblance entre les êtres, de l’autre côté, la pensée populationnelle s’intéresse davantage aux différences.
Pensée populationnelle et nosologie
11Il semble que l’épidémiologie et plus généralement, la statistique médicale, ont joué, vis-à-vis de la classification des maladies, un rôle comparable à celui attribué à la pensée populationnelle dans la classification des êtres vivants au sein de la systématique. L’épidémiologie serait alors le vecteur par lequel la pensée populationnelle est introduite en médecine. Elle a en effet contribué à questionner une nosologie très inspirée de schèmes et principes essentialistes. Dès le 17e siècle, des médecins comme Thomas Sydenham (1624-1689), puis le médecin et botaniste François Boissier de Sauvages (1706-17067) avaient appliqué aux maladies la méthode classificatoire alors utilisée en botanique : ils considérèrent que, tout comme les plantes et les êtres vivants en général, les maladies pouvaient être ramenées à un petit nombre d’espèces naturelles. C’est ce que Michel Foucault décrit comme la médecine des espèces ou médecine classificatrice dans la Naissance de la clinique. La maladie y est définie à partir de son intégration à une espèce, elle-même résultat d’une configuration qui s’ordonne à la logique spatiale du tableau et la mise en évidence d’analogies et de ressemblances. Ces espèces naturelles et idéales laissent de côté le patient : le malade individuel n’y apparaît que comme « un élément négatif », un élément perturbateur de la vérité essentielle de l’espèce [14]. Pour Foucault, la clinique de René-Théophile-Hyacinthe Laennec (1781-1826) et Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821) puis surtout l’anatomo-clinique de Marie-François-Xavier Bichat (1771-1802) ont profondément transformé cette configuration de la maladie en contribuant à l’identification de la maladie au corps du malade. La figure de l’individu plutôt que celle de l’essence idéale et abstraite devient alors centrale dans cette nouvelle médecine. L’histoire de la clinique est décrite comme la structuration « en quelques années de la connaissance singulière de l’individu malade » qui était absent dans la médecine des espèces et qui fut rendue possible par l’institution de l’hôpital et la nouvelle forme d’enseignement de la médecine qui y fut associée. Si c’est « la structure linguistique du signe » qui caractérise le code de savoir de la clinique du 19e siècle, la « structure aléatoire du cas », inhérente à la nouvelle statistique médicale et constitutive d’un mode populationnel de penser, est déjà émergente et conduit à une même identification de la maladie au malade ou cas. Mais au 19e siècle, on ne disposait pas encore de suffisamment de statistiques physiologiques et pathologiques pour que la « pathologie des cas » s’impose comme un code adéquat plutôt que la « pathologie des phénomènes ». Dans ses leçons plus tardives sur la bio-population (1977-1979), Foucault donnera une plus grande importance à l’approche statistique et probabiliste et à ce qu’il appelait dans Naissance de la clinique en 1963 « la pathologie des cas » [15]. La population, entité indissociablement biologique et politique dans la thèse de Foucault, y apparaît alors comme le détour par lequel la médecine parvient à tenir un discours scientifique sur l’individu. C’est la médecine statistique d’une certaine façon qui accomplit ce qu’avait initié la médecine clinique.
12Notons toutefois que le propos de Foucault sur la population a avant tout pour origine une analyse de la gouvernementalité et de ses transformations aux 19e et 20e siècles et se distingue de la notion de pensée populationnelle que nous utilisons ici pour caractériser l’épidémiologie. Il nous paraît en effet que, depuis la fin du 19e siècle, avec le développement des statistiques médicales, la classification des maladies s’est affinée et enrichie [16] et a réduit ses prétentions essentialistes et typologiques. La classification statistique des maladies mais aussi en particulier les enquêtes étiologiques de l’épidémiologie moderne ont introduit d’importantes modifications dans la nosologie. Avec le développement d’études de population pour la comparaison de variables individuelles, l’épidémiologie prend en compte l’hétérogénéité de la population étudiée. L’intérêt de l’épidémiologiste ne se porte pas tant sur des classes ou espèces de maladies définies de manière a priori à partir de critères essentialistes de ressemblances que sur des groupes de malades et l’étude comparative des différences. Dans un tel contexte, la maladie n’est pas définie de manière abstraite, indépendamment des malades dans lesquels elle s’incarne, et l’on tient compte des variations. La classification ne se fonde plus sur des essences ou types spécifiques mais sur des formes de rapports et leurs combinaisons. On retrouve donc dans l’épidémiologie moderne le souci de la diversité des individus et de l’analyse des variations qui caractérise la pensée populationnelle.
Pensée populationnelle et statistique
13Après avoir rapproché pensée populationnelle et épidémiologie, il semble désormais nécessaire de préciser que « pensée populationnelle » n’est pas synonyme de « pensée statistique ». On peut distinguer dans l’histoire de la statistique, une interprétation typologique et une interprétation populationnelle. D’importantes modifications au sein de la statistique, concernant le statut qu’on accorde à la variation et dans la conception de la moyenne, peuvent être en effet interprétées comme passage à un mode populationnel de penser en statistique [17]. Dans une interprétation typologique de la statistique que l’on peut associer à Quételet, les moyennes et les taux établis à partir d’un grand nombre de données statistiques sont des résumés descriptifs qui permettent d’approcher les valeurs véritables de l’homme moyen, les valeurs qu’on appellera « normales ». Pour les paramètres humains, ces valeurs se distribueraient très souvent selon une courbe en cloche ou courbe de Gauss. Les variations autour de cette moyenne, qui étaient interprétées jusque Quételet comme des erreurs de mesure autour de la vraie valeur recherchée, deviennent avec ce dernier des écarts individuels par rapport à la norme ou le « type » naturel. Cet usage a longtemps influencé la médecine qui a retenu cette acception pour définir, à partir des distributions statistiques d’un grand nombre de paramètres physiologiques et anatomiques, la limite de la normalité ou de la santé.
14L’approche populationnelle aurait été progressivement introduite en statistique avec le développement, au début du 20e siècle, de nouveaux outils et techniques issus de la statistique inférentielle, tels que la corrélation, la régression, le calcul de la variance et les tests statistiques. Dès la fin du 19e siècle, les travaux de Francis Galton (1822-1911) aidé du mathématicien Karl Pearson (1857-1936), ces anglais à qui l’on donne souvent un rôle de pionniers de la statistique inférentielle moderne, sont à l’origine des notions de corrélation et de régression qui modifièrent profondément la manière d’appréhender la variation et la moyenne. Avec l’analyse de corrélation, c’est la variation ou différence, et non la ressemblance, qui devient l’objet même de l’analyse [18]. Pour Galton, les différences de taille entre les personnes par exemple sont des différences réelles et ne résultent pas de l’imperfection des mesures ou d’une variation de l’individualité par rapport à un type a priori. Ainsi, dans une interprétation populationnelle de la statistique, la moyenne ne renvoie plus à un type et la variation n’est plus simplement pensée comme un écart, une perturbation, une pathologie. Les variations autour de la moyenne ont une réalité et une importance telles qu’on ne saurait interpréter avec pertinence une moyenne sans donner par ailleurs la variance, cette mesure qui décrit la distribution des valeurs dans la population. On peut considérer que « l’épidémiologie moderne » est cette épidémiologie qui a intégré et adapté à son objet les outils de la statistique inférentielle, à la fois pour ses plans d’étude et pour l’analyse des relations de risque. Pour Daniel Schwartz, un des principaux théoriciens de l’épidémiologie moderne en France, en associant ainsi les concepts de moyenne et de variance, cette forme de pensée permet d’envisager à la fois l’individuel et le collectif dans la population étudiée [19]. Les changements apportés par l’épidémiologie moderne peuvent alors être interprétés comme un renforcement de la pensée populationnelle au sein de cette discipline.
Pensée populationnelle comme mode d’explication
15En acquérant une dimension ontologique, la variation peut jouer un rôle nouveau dans l’économie explicative des phénomènes. Nous nous appuyons ici sur une caractéristique de la pensée populationnelle que nous n’avons pas encore exposée et qui n’est pas développée par Ernst Mayr mais par le philosophe de la biologie Elliott Sober. Pour Sober, la pensée populationnelle se caractérise par le fait qu’elle donne à la variation un rôle fondamental dans l’explication des phénomènes. Pour expliciter ce point, il s’appuie sur le modèle de l’explication alors le plus courant dans la philosophie contemporaine des sciences : le modèle nomologico-déductif. Selon ce modèle qui fut exposé par les philosophes analytiques Carl Hempel et Paul Oppenheim dans les années 1950, toute explication a la forme logique d’un argument déductif : l’ensemble des prémisses d’un argument explicatif constitue l’explanans (ce qui explique) et ce que l’on cherche à expliquer (explanandum) est la conclusion de cet argument [20]. Sober montre que dans la « pensée typologique », puisque les variations ne sont que des écarts ou perturbations autour de la moyenne, la variation entre les individus relève de ce qui doit être expliqué (explanandum), au sens de ce qui doit être réduit. L’explanans de ces variations est généralement attribué aux forces extérieures qui interfèrent avec la nature et induisent ainsi des déviations relativement à un type. Dans la « pensée populationnelle », puisque la variation est réelle, loin d’être ce que l’on doit réduire pour trouver le type sous-jacent, elle constitue la base de l’explication des phénomènes, c’est-à-dire qu’elle a sa place dans l’explanans [21].
16Cette manière de considérer le rôle de la variation ouvre des perspectives pour décrire le rôle explicatif qui caractériserait l’épidémiologie. Premièrement, dans l’épidémiologie des facteurs de risque, il semble approprié de considérer que les variations n’ont plus le statut de simples déviations pathologiques par rapport à une norme ou un type naturel. En effet, avec les facteurs de risque, l’association entre le normal et le fréquent est mise en question. Il n’est plus possible ni suffisant d’identifier le « normal » et le sain avec le « moyen ». Car d’un côté, il y a des écarts par rapport à la moyenne qui sont parfois protecteurs de la santé (niveaux de pression artérielle inférieurs à la moyenne statistique) et, de l’autre, il y a des valeurs moyennes qui, sur le long terme, peuvent induire des effets pathologiques (par exemple, le niveau de pression artérielle le plus fréquent dans la population adulte française). Deuxièmement, c’est bien la variation qui est le centre d’intérêt et d’analyse de l’épidémiologie étiologique. Son objectif est de mettre en évidence des différences dans les incidences de maladie de chaque groupe d’individus comparé (enquête de cohorte) ou des différences d’exposition entre le groupe de malades et celui de témoins sains (enquête cas-témoins). Dans le cadre de l’étude de cohorte par exemple, les facteurs de risque qui attestent de l’existence d’une association statistique entre une caractéristique d’exposition (hypertension par exemple) et la survenue d’une maladie (maladies cardiovasculaires) sont mis en évidence à partir des différences d’incidence de la maladie entre le groupe exposé (hypertendu) et le groupe non exposé (normotendu). C’est la mesure de cette variation souvent quantifiée sous la forme du « risque relatif », rapport des incidences, qui donne une première information sur le statut de la relation de risque et permet l’identification d’un facteur de risque de la maladie en question.
Un mode de penser qui s’applique à divers niveaux de réalité
17Nous avons précédemment distingué la « pensée populationnelle » de la « statistique » en montrant qu’il est possible de mettre en évidence dans l’histoire de la statistique des interprétations typologique et populationnelle. Nous terminons ici en abordant la question de la relation entre la notion de « pensée populationnelle » et la « population humaine » comprise comme niveau de réalité. Bien qu’il y ait un certain flou dans les propos de Mayr à ce sujet et qu’il pourrait sembler, tout au moins dans les premiers textes où il présente et élabore la notion, qu’il privilégie le niveau individuel, la pensée populationnelle ne se limite pas davantage au niveau de l’organisme individuel qu’au niveau de la population humaine [22]. Désignant avant tout un mode de penser, elle peut s’appliquer à divers niveaux de réalité.
18Pour notre analyse, ceci implique que l’épidémiologie a aussi bien pour objet des populations humaines que des groupes de cellules ou de gènes [23]. D’ailleurs, le découpage actuel de l’épidémiologie en diverses branches en fonction des niveaux de réalité témoigne de cet état de fait (épidémiologie génétique, épidémiologie clinique, épidémiologie sociale ou écologique). Si le niveau de l’organisme individuel et les comparaisons inter-individuelles ont dominé l’épidémiologie moderne et si les facteurs de risque sont majoritairement des caractéristiques individuelles, cela ne pourrait être qu’une étape dans l’histoire du développement de la capacité analytique de l’épidémiologie. Il est en effet plus facile de contrôler et mesurer les biais et les facteurs de confusion au niveau de l’étude de corrélation de variables individuelles (pression artérielle) que de variables de population (densité, immunité de groupe, etc.). L’épidémiologie sociale ou écologique se donne pour objectif de doter les études écologiques, c’est-à-dire les études de comparaison entre populations, de la solidité qu’ont acquise les inférences réalisées dans des études de comparaison inter-individuelle [24]. Ainsi, l’épidémiologie comme pensée populationnelle appliquée aux phénomènes de santé ne privilégierait pas tel ou tel niveau de réalité mais constituerait un mode de penser adapté à ces phénomènes qui font interagir divers facteurs à divers niveaux. Notons que les propositions récentes de l’épidémiologie multi-niveaux vont dans le sens de cette interprétation. Les techniques statistiques d’analyse multi-niveaux modélisent les relations des variables et leurs effets l’une sur l’autre, tout en prenant en compte le niveau de réalité auquel la variable est mesurée [25]. L’épidémiologie sociale, écologique ou encore dite « multi-niveaux » se donne précisément pour objectif d’adapter et de développer ces techniques statistiques pour garantir la solidité des inférences à divers niveaux de réalité et prendre en compte l’impact de leurs relations sur les phénomènes de santé [26].
Conclusion
19Dès lors, si la notion de « population » a bien un rôle définitionnel dans l’épidémiologie, c’est en retenant le sens de « mode populationnel de penser » plutôt que celui d’un « ensemble d’organismes humains » que ce rôle est bien défini. Si l’on interprète et définit l’épidémiologie moderne à partir de la pensée populationnelle, la tension au sein de cette discipline entre les tenants d’une focalisation sur l’individu et ceux au contraire qui donnent un rôle central à la population humaine se trouve dépassée, ainsi qu’une lecture trop caricaturale de son histoire comme passage de la population à l’individu. Une telle conception de l’épidémiologie permet en outre de clarifier et préciser le sens qu’il convient de donner à la notion de population et à son statut au sein de cette discipline. Par ailleurs, la pensée populationnelle ouvre des perspectives pour réfléchir à un mode d’explication qui serait spécifique à l’épidémiologie. Un tel mode d’explication place l’étude des différences au centre de l’analyse.
Remerciements
Je tiens à remercier Philippe Huneman de ses encouragements pour la réalisation de ce travail et le lecteur anonyme de cet article pour ses remarques pertinentes et utiles.Mots-clés éditeurs : facteurs de risque, statistique, épidémiologie, maladie, santé, population
Date de mise en ligne : 08/09/2019.
https://doi.org/10.3917/bhesv.151.0035Notes
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[1]
Voir par exemple, M. Terris, « The epidemiologic tradition – The Wade Hampton Frost Lecture », Public Health Reports, 1978, 94, 3, 203-209 ou J.E. Gordon, « Epidemiology – old and new », Journal of the Michigan State Medical Society, 1950, 49, 194-199. KJ Rothman, Modern Epidemiology, Boston, Little, Brown and Company, 1986.
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[2]
M. Greenwood, Epidemics and Crowd-Diseases : An Introduction to the Study of Epidemiology, New York, Macmillan, 1935.
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[3]
Ibid., et J.E. Gordon, « The newer epidemiology », Tomorrow’s Horizon in Public Health, Transactions of the 1950 Conference, Public Health Association of New York City, New York City, 18-45 : « L’épidémiologie est considérée comme une discipline biologique applicable à toutes les maladies où les groupes de personnes ou de choses sont impliqués » (p. 33) et plus loin, « elle est peut-être mieux définie si on la considère comme la contrepartie du diagnostic dans la médecine clinique. (…) L’épidémiologie et la santé publique sont pour le groupe ce que le diagnostic et le traitement de la maladie sont pour l’individu. » (pp. 36-38). (Notre traduction).
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[4]
N. Paneth, E. Susser, M. Susser, « Origins and early development of the case-control study I. Early evolution », Sozial- und Präventivmedizin, 2002, 47, 5, 282-288.
-
[5]
T.R. Dawber, W.B. Kannel, « Coronary heart disease as an epidemiology entity », American Journal of Public Health, 1963, 53, 433-437.
-
[6]
L’incidence quantifie la survenue de nouveaux cas de maladie étudiée par unité de temps dans une population définie.
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[7]
Rappelons cependant qu’une prédiction individuelle de risque ne dit rien de certain sur un individu particulier. Ce n’est qu’au niveau de la population que la prédiction est certaine.
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[8]
Nous empruntons à Geoffrey Rose, épidémiologiste anglais des maladies cardiovasculaires, la distinction entre « stratégie individuelle » et « stratégie populationnelle » de la prévention. G. Rose, The Strategy of Preventive Medicine, Oxford, Oxford University Press, 1992.
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[9]
Les dictionnaires et manuels contemporains d’épidémiologie la définissent comme « étude de la distribution et des déterminants des états de santé et des maladies dans les populations humaines. » A. Leclerc, L. Papoz, G. Bréart, J. Lellouch, Dictionnaire d’épidémiologie, Paris, Ed. Frison-Roche, 1990, p. 43.
-
[10]
L. Berkman & I. Kawachi, eds., (2000), Social Epidemiology, Oxford, Oxford University Press ; N. Krieger (2001), « Theories for social epidemiology in the 21st century : an ecosocial perspective », International Journal of Epidemiology, 30, 668-677.
-
[11]
E. Mayr, « Darwin and the evolutionary theory in biology ». In J. Meggers (ed.), Evolution and Anthropology : a Centennial Appraisal, Washington : Anthropological Society of Washington, 1959, pp. 1-10. Texte reproduit comme E. Mayr, « Typological versus Population Thinking ». In E. Mayr, Evolution and the Diversity of Life, Harvard University Press, 1976, pp. 26-29.
-
[12]
C. Chung, « On the origin of the typological/population distinction in Ernst Mayr’s changing views of species, 1942-1959 », Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences, 2003, 34, 277-296.
-
[13]
Si Mayr associe explicitement la « pensée typologique » à la philosophie platonicienne des essences, il ne fait pas d’Aristote le premier chef de file de la « pensée populationnelle » mais plutôt Darwin. Toutefois, les philosophes et historiens de la biologie ou des statistiques qui reprendront cette distinction donneront plus d’importance à Francis Galton et discuteront même le rôle de Darwin dans l’introduction d’un mode de pensée populationnel. Voir par exemple, J. Gayon, Darwin et l’après-Darwin, Une histoire de l’hypothèse de sélection naturelle, Paris, Kimé, 1992 et tout particulièrement, A. Ariew, « Under the influence of Malthus’s law of population growth : Darwin eschews the statistical techniques of Aldolphe Quetelet », Stud Hist Philos Biol Biomed Sci., 2007, 38, 1-19. Par ailleurs, sur la situation qu’il conviendrait de donner à Aristote dans cette configuration, et plus généralement sur la discussion et l’interprétation de la distinction de Mayr qu’il propose, voir E. Sober, « Evolution, population thinking and essentialism », Philosophy of Science, 1980, 47, 350-383.
-
[14]
M. Foucault, Naissance de la clinique, Paris, P.U.F., 1963. Voir en particulier le chapitre 1 « Espèces et classes », pp. 1-19.
-
[15]
M. Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France (1977-1978), Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004 et Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004.
-
[16]
Sur l’histoire de la classification des maladies et des statistiques médicales, voir A. Fagot-Largeault, Les Causes de la mort, histoire naturelle et facteurs de risque, Paris, Vrin, 1989.
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[17]
Pour l’usage de cette distinction entre pensée populationnelle et pensée typologique par des historiens des statistiques, A. Desrosières, La politique des grands nombres, histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993. G. Gigerenzer et al., The Empire of Chance, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 43, 66, 142-143 ; T.M. Porter, The Rise of Statistical Thinking, 1820-1900, Princeton, Princeton University press, 1986, p. 6 et p. 34. Et plus précisément, au sujet de l’épidémiologie, voir E. Magnello, « The introduction of mathematical statistics into medical research : the roles of Karl Pearson, Major Greenwood and Austin Bradford Hill », in Magnello E. & Hardy A., eds., The Road to Medical Statistics, Amsterdam/New York, Rodopi, Clio Medical n° 67, 2002, pp. 95-123.
-
[18]
Ian Hacking montre bien cela dans The Taming of Chance, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
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[19]
D. Schwartz, Le jeu de la science et du hasard, La statistique et le vivant, Paris, Champs/Flammarion, 1994. Daniel Schwartz parle de son côté de « pensée statistique ». Ce qu’il désigne par cette expression s’apparente bien à ce que nous désignons ici par « pensée populationnelle ».
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[20]
C.G. Hempel, Aspects of Scientific Explanation and Other Essays in the Philosophy of Science. New York, The Free Press, 1965.
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[21]
Elliott Sober va jusqu’à soutenir qu’on peut observer dans la pensée populationnelle une inversion de la conception typologique de la variation : la variation y est naturelle alors que l’uniformité est le résultat de forces interférentes. E. Sober, « Evolution, Population Thinking and Essentialism », Philosophy of Science, 1980, 47, 350-383
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[22]
Voir à ce sujet, les remarques de Sober : E. Sober, « Evolution, Population Thinking and Essentialism », Philosophy of Science, 1980, 47, 350-383.
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[23]
AV. Diez-Roux, « On genes, individuals, society, and epidemiology », American Journal of Epidemiology, 1998, 148, 1027-32.
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[24]
AV. Diez Roux, « The study of group-level factors in epidemiology : rethinking variables, study designs, and analytical approaches », Epidemiologic Review, 2004, 26, 104-11.
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[25]
S. Greenland, « Principles of multilevel modelling », International Journal of Epidemiology, 2000, 29, 158-67 ; PJ Diggle, KY Liang, SL Zeger, Analysis of longitudinal data, Oxford, Oxford University Press, 1994 ; D. Courgeau (ed.), Methodology and Epistemology of Multilevel Analysis, Dordrecht/Boston/London, Kluwer Academic Publishers, 2003.
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[26]
M. Susser & E. Susser, « Choosing a future for epidemiology : II. from black boxes to Chinese boxes and eco-epidemiology », American Journal of Public Health, 1996, 86, 674–77. I. Kawachi and L. Berkman (eds.), Neighbourhoods and Health, Oxford, New York, Oxford University Press, 2003 ; A. Diez-Roux, « Bringing Context Back into Epidemiology : Variables and Fallacies in Multilevel Analysis », Am J Public Health, 1998, 88, 216-222.