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Article de revue

La guerre aux enfants

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1La tragédie des enfants est plus qu’un chapitre spécial, c’est une véritable série de drames, terribles dans leur monotonie.

2Un exemple : la souffrance et la mort de la petite Erna Cohn, 6 ans, fille d’un maître d’école jun, des environs de Mannheim. Celui-ci, après passage dans plusieurs camps de concentration fut déporté en août 1942. Restaient la mère et sa petite fille, cachées toutes les deux à Marseille. On les recherchait ; on avait trouvé leur trace. Mme C… passait les nuits au grenier, chez des voisins, ou dans la rue. Cela dura six semaines ainsi. Finalement, lasse de cette lutte, elle n’eut plus qu’un désir : la paix. Le 4 août 1942, à 2 heures du matin, ils vinrent à trois, sonnèrent. Personne ne répondit. Le chef de la bande ordonna d’enfoncer la porte. Les deux policiers exécutèrent cet ordre, mais reculèrent aussitôt, arrêtés par l’odeur suffocante de gaz qui emplissait la petite chambre. Sur la table, un petit mot : « Vous venez trop tard ; la mort est plus humaine que la vie. Que Dieu vous pardonne, moi je ne le peux pas ».

3Les messieurs en uniforme se retirèrent lentement.

4Miriam Rosenstam était une enfant de 4 ans, joyeuse, innocente, aux boucles blondes ; un sourire heureux aux lèvres. Elle ne connaissait pas la misère des temps ; que savait-elle des souffrances de ses aînés… Le père de Miriam s’était évadé d’un camp de travailleurs, alors que l’on y préparait des convois de déportation. Il vivait caché à Marseille, en ne voyant que très rarement sa femme et son enfant. Mais ces visites devaient lui être fatales.

5On avait recommandé à Miriam de ne jamais dénoncer la cachette de son père ; elle promit fermement. Mais ce n’était qu’une enfant de quatre ans…

6Deux messieurs, très gentiment, l’interpellaient un jour dans la rue, lui donnaient des bonbons et du chocolat, l’emmenaient dans un petit café et lui offraient une glace.

7Miriam était enchantée de ses nouvelles relations. La nuit suivante, Walter R… fut arrêté. Il réussit à se défaire de ses menottes, mais les gendarmes, le mettant en joue, l’atteignirent à bout portant ; il mourut quelques instants plus tard.

8Huit joues après Miriam et sa mère furent déportées.

9Je serais heureux pour ma part de connaître ces bandits qui ont fait d’une enfant de quatre ans, avec des bonbons, du chocolat et de la glace, une parricide involontaire.

10Malheureusement, ils sont inconnus.

11C’est un drame de la faim.

12Le jeune Jacob Fainsnbis avait réussi à se cacher dans le logs de ses parents à Marseille, au moment où ces derniers avaient été arrêtés. Les « chasseurs d’hommes » étaient sans doute surmenés, car ils n’avaient pas fouillé la maison.

13Jacob s’était réfugié dans une mansarde. II passait là des moments d’angoisse indescriptibles.

14Déportation… II ne connaissait pas la portée exacte de ce mot. II n’avait qu’une notion assez vague de ce malheur. Mais un frisson le parcourait à cette pensée, une peur terrible s’emparait de lui, une peur qu’il n’arrivait pas à s’expliquer lui-même.

15Les larmes aux yeux, il vit disparaître ses parents il les suivit du regard, puis il demeura seul.

16Deux jours il resta enfermé ; mais la faim commença à le tourmenter, il n’en pouvait plus.

17Finalement, ne sachant pas d’autre issue, il se dirigea vers le restaurant juif de la place d’Aix. Là, on aurait certainement pitité de lui ; on lui donnerait à manger. Arrivé à la porte du restaurant, une main ferme s’abattit sur son épaule : « Jeune homme, viens un peu avec nous… »

18Jacob crie , supplie. En vain : on l’emmène ; le même jour il est déporté.

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